M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice, chère Jacqueline, pour ce qui est de nos relations globales avec l'Algérie, le ministre de l'intérieur et le garde des sceaux pourront vous répondre, si cela n'est déjà fait.
M. Mickaël Vallet. Et pourquoi pas le Quai d'Orsay ?
M. Yannick Neuder, ministre. Je vous répondrai plus spécifiquement, quant à moi, sur les soins dispensés par le système de santé français à des ressortissants étrangers ne résidant pas dans notre pays, lesquels, par définition, ne sont pas des assurés sociaux relevant de notre sécurité sociale.
En vertu d'accords internationaux, des patients étrangers, qui sont à plus de 99 % des ressortissants de l'Union européenne et de la Suisse, peuvent se faire soigner en France, ce qui représente un coût d'à peu près 800 millions d'euros par an. Dans 50 % des cas environ, ces soins sont dispensés par les hôpitaux publics et les sommes dues sont globalement recouvrées.
Pour ce qui concerne plus particulièrement le cas de l'Algérie, voici ce qu'il en est de notre système public de santé, les sommes en jeu étant parfaitement lisibles : sur 150 millions d'euros correspondant au coût des soins dispensés entre 2007 et 2023 au bénéfice de ressortissants algériens, le recouvrement est assez satisfaisant ; à l'heure où je vous parle, il reste 2,58 millions d'euros à recouvrer.
J'en viens au dossier précis que vous avez évoqué, et qui est géré par la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam).
Les ressortissants algériens ne résidant pas en France, et n'étant donc pas assurés sociaux, qui viennent se faire soigner dans notre pays sont pris en charge, dans 75 % des cas, par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), ce qui représente un volume financier d'environ 159 millions d'euros par an, sur lequel nous pouvons agir. (M. Stéphane Ravier s'exclame.)
Avec Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, nous allons rétablir, dans le respect des accords signés entre la France et l'Algérie, une politique de tolérance zéro à l'encontre de ce qui est une forme de fraude, en modernisant et en sécurisant le système d'information hospitalier ainsi que le dispositif de la carte Vitale. Des crédits à hauteur de 1 milliard d'euros sont dédiés à ce chantier.
M. le président. Il faut conclure ! La consultation est longue… (Sourires.)
M. Yannick Neuder, ministre. Surtout, avant d'accepter que soient dispensés de tels soins, qui sont dans leur grande majorité programmés, nous souhaitons instaurer une obligation d'entente préalable et de fourniture d'un devis et d'une preuve de financement. (M. Mathieu Darnaud et Mme Frédérique Puissat applaudissent.)
souveraineté technologique européenne
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Combien de temps encore allons-nous tolérer que les géants du numérique américains ou chinois défient ouvertement nos lois, mettent en danger nos enfants, manipulent les opinions et s'ingèrent dans nos processus électoraux pour saper nos démocraties ?
L'activisme politique dangereux du propriétaire de X et le chantage inadmissible exercé par le président des États-Unis sur la Commission européenne pour qu'elle abandonne enquêtes et sanctions vis-à-vis des plateformes appellent à des actions fermes et immédiates.
Merci au Premier ministre espagnol Pedro Sánchez qui, à Davos, a appelé à « se rebeller » et à proposer des alternatives !
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelle position et quelle stratégie la France entend défendre au sein du Conseil européen pour convaincre nos vingt-six partenaires qu'à ce stade c'est vraiment de la survie économique et politique de l'Union qu'il est question ?
Exigerez-vous la stricte application, voire le renforcement, des règlements numériques européens – DMA (Digital Markets Act), DSA (Digital Services Act), règlement sur l'intelligence artificielle ?
En matière industrielle, quelles mesures concrètes proposerez-vous pour briser enfin le cycle de nos dépendances technologiques dangereuses, à propos desquelles, ici, nous n'avons cessé d'alerter depuis des années, et dont MM. Mario Draghi et Enrico Letta font le dramatique constat ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, SER et GEST. – MM. Ian Brossat et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Mme Laurence Rossignol. Vous êtes plus applaudie à gauche qu'à droite, comme c'est bizarre !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, chacun connaît ici votre expertise sur ces sujets, ainsi que votre engagement, qui a favorisé, entre autres, les réalisations obtenues par la France lorsqu'elle a exercé, en 2022, la présidence du Conseil de l'Union européenne, c'est-à-dire l'adoption des règlements que vous avez évoqués.
Plus que jamais, il est essentiel que la Commission européenne puisse faire respecter ces règles. Il y a quelques semaines, en Roumanie, l'élection présidentielle a dû être annulée parce qu'elle avait été perturbée par des manœuvres de désinformation visant à instrumentaliser une plateforme de réseaux sociaux, en l'occurrence TikTok.
Ces règles sont connues et elles sont simples : en Europe, les plateformes de réseaux sociaux doivent veiller à ce que leurs services ne perturbent ni la sécurité publique, ni la santé publique, ni le débat public, sous peine d'amendes dont le montant peut représenter jusqu'à 6 % de leur chiffre d'affaires mondial annuel et de sanctions qui peuvent aller jusqu'à une restriction de l'accès aux services en Europe.
Ces sanctions sont entre les mains de la Commission européenne. Celle-ci a diligenté, depuis l'entrée en vigueur de ces nouvelles règles, un certain nombre d'enquêtes qu'elle doit désormais clore afin de pouvoir prononcer des sanctions, gage de la crédibilité desdites règles. Aussi avons-nous appelé la Commission à agir en ce sens.
Lundi dernier, j'ai insisté sur ce point auprès de la vice-présidente exécutive chargée de la souveraineté technologique, de la sécurité et de la démocratie, Mme Henna Virkkunen.
Mardi, de concert avec ses homologues, mon collègue Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe, lui a remis une lettre appelant la Commission à agir prestement.
Par ailleurs, des parlementaires – la députée européenne Aurore Lalucq et la sénatrice Marie-Claire Carrère-Gée – ont déposé une plainte devant l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), que celle-ci a transmise à la Commission.
Bref, la Commission n'a plus d'excuse : il lui faut agir. À défaut, nous serons bien obligés de lui demander de permettre aux États membres d'agir à sa place.
Pour ce qui est de l'avenir, nous devons nous détacher de nos dépendances et devenir, dans les prochaines années, propriétaires de nos propres outils. En effet, celui qui forge les outils a toujours plus d'impact que celui qui les régule. C'est tout l'enjeu du Sommet mondial pour l'action sur l'intelligence artificielle qui se tiendra dans quelques jours à Paris, et qui sera l'occasion d'affirmer notre volonté de faire de la France et de l'Europe une puissance numérique souveraine, indépendante des milliardaires américains ou chinois. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, c'est un véritable sursaut industriel dont il est question. La France et l'Union européenne peuvent et doivent être replacées au cœur de la compétition mondiale de l'innovation technologique, et ne pas se laisser écraser dans la guerre homérique que se livrent Américains et Chinois à coups de chiffres.
Le programme-cadre Horizon 2030 est défaillant ; il doit être rapidement révisé. Il lui manque un financement européen stratégique associant recherche et développement dans une logique open source, ainsi qu'une doctrine assumée de la commande publique visant à renforcer notre souveraineté.
Il faut aussi rappeler à Mme von der Leyen que nos données sont un actif stratégique majeur et qu'elles ne sont pas négociables, même en échange de gaz.
Nous souhaitons qu'un discours extrêmement volontariste soit prononcé à l'ouverture du Sommet mondial pour l'action sur l'intelligence artificielle. Rien ne serait pire, d'ailleurs, que d'y dérouler une énième fois le tapis rouge à Elon Musk, Mark Zuckerberg et leurs acolytes (M. Mickaël Vallet et Mme Raymonde Poncet Monge applaudissent.), lesquels sont uniquement préoccupés par leurs entreprises et par le remodelage de l'Europe et du monde à leur propre image ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, SER et GEST. – MM. Ian Brossat, Pierre Ouzoulias et Alain Joyandet applaudissent également.)
Mme Laurence Rossignol. À droite, ils n'ont pas l'air trop gênés par les Gafam…
situation en république démocratique du congo
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christophe-André Frassa. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, depuis plus de trente ans, le conflit qui ensanglante la région du Kivu et plus largement l'est de la République démocratique du Congo (RDC) ne cesse de préoccuper la communauté internationale, sans pour autant que celle-ci prenne une position claire, sans ambiguïté.
À chaque action des milices, à chaque drame, une condamnation, un soutien, rien de plus !
Je ne sais pas s'il faut le développer
Avec la prise de Goma par le Mouvement du 23 mars (M23), nous atteignons un point de bascule ; là encore, simple soutien à la RDC, simple condamnation du M23 et du Rwanda.
Hier, à Kinshasa, notre ambassade et plusieurs autres ont été les cibles d'attaques inadmissibles. Ces actes condamnables en disent long sur la perception par l'opinion locale de l'inaction de la communauté internationale face aux crimes de guerre commis en République démocratique du Congo.
Dès lors, monsieur le ministre, n'est-il pas temps d'aller au cœur et au fond du problème, c'est-à-dire de prendre enfin des sanctions ciblées non seulement contre le M23, mais surtout contre les deux pays qui le soutiennent et l'arment depuis bien trop longtemps, à savoir l'Ouganda et le Rwanda ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, SER et GEST – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Akli Mellouli. Bravo !
Mme Valérie Boyer. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Peut-être peu utile…
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je veux comme vous rendre hommage aux agents et aux diplomates de notre ambassade à Kinshasa, prise d'assaut hier, et dont l'un des bâtiments a été incendié. Bien souvent, ces personnels sont en première ligne pour défendre nos intérêts, et ce dans des situations extrêmement difficiles. Leur engagement, leur dévouement et leur courage forcent notre admiration comme notre respect. (M. Mickaël Vallet hoche la tête en signe d'approbation.)
J'en viens aux événements survenus dans l'est de la République démocratique du Congo : la France condamne fermement l'offensive menée par le M23 et soutenue par les forces armées rwandaises, qui porte atteinte à l'intégrité territoriale et à la souveraineté congolaises.
Cette offensive aggrave une crise humanitaire qui est d'ores et déjà la deuxième plus grave à l'échelle de la planète : elle a fait plus de 400 000 déplacés depuis le début de l'année, après 2 millions l'année dernière.
Elle met à rude épreuve les forces onusiennes de la Monusco (mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo), qui, sur place, protègent les populations civiles. Trois casques bleus ont d'ores et déjà payé de leur vie cet engagement.
Dans ce contexte, la France se mobilise. Ces derniers jours, le Président de la République s'est entretenu avec les deux chefs d'État concernés, ainsi qu'avec certains de leurs homologues de la région, afin de créer les conditions du rétablissement du dialogue.
Lors de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, nous avons soutenu la République démocratique du Congo dans sa demande d'organisation de deux réunions d'urgence. Nous avons promu une déclaration dans laquelle les agissements du M23, qui sont soutenus par les forces armées rwandaises, sont ouvertement condamnés, sans aucune forme d'ambiguïté.
M. Yannick Jadot. Nous donnons de l'argent au Rwanda !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Avant-hier, à Bruxelles, c'est sur notre impulsion que la haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a à son tour condamné cette offensive et appelé à un cessez-le-feu immédiat. (M. Rachid Temal s'exclame. – M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)
Vous le savez, jusqu'à présent, c'est le processus de Luanda qui a organisé la relation entre la RDC et le Rwanda, et c'est le processus de Nairobi qui a organisé la relation entre la RDC et les groupes rebelles, dont le M23. Ces médiations auraient dû porter des fruits, et il faut continuer de les soutenir. En tout état de cause, c'est par le dialogue et par la diplomatie qu'une solution sera trouvée à l'escalade à l'est de la RDC.
À plus long terme, c'est en s'attaquant aux causes profondes du conflit, qui sont de nature économique – l'appropriation des ressources minières est en cause –, que la région pourra retrouver la paix, la stabilité et la prospérité. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour la réplique.
M. Christophe-André Frassa. Monsieur le ministre, on condamne, on condamne, mais il manque l'essentiel. Je vous le rappelle, l'Union européenne finance l'armée rwandaise, dans le cadre de son déploiement au Mozambique, à hauteur de 20 millions d'euros, sans aucune garantie ni aucun contrôle que cette enveloppe ne serve pas d'autres fins. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, SER et GEST. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Le Cra indique que Jadot a dit ça mais j'ai vu temal le dire à deux reprises…
MM. Yannick Jadot et Rachid Temal.Voilà !
M. Christophe-André Frassa. Le Rwanda est un exportateur de coltan, alors qu'il n'y en a pas un gramme sur son sol. Or 60 % à 80 % des réserves mondiales de ce minerai se trouvent, comme par hasard, à l'est de la RDC. Il y a quand même de quoi s'étonner qu'aucune sanction ne soit prise non plus en ce domaine. (Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit.)
M. Rachid Temal. Voilà !
M. Christophe-André Frassa. L'occasion m'est donnée de relayer l'appel solennel des quatre-vingt-quinze parlements francophones représentés à l'Assemblée parlementaire de la francophonie : ce serait l'honneur de la France que d'être à la tête de demandes de sanctions contre l'Ouganda et contre le Rwanda ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et GEST et sur des travées des groupes UC, INDEP, RDSE et CRCE-K.)
fermetures de classes
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Je mets l'imparfait parce qu'elle n'était pas là mais elle prononce au présent.
Mme Colombe Brossel. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale.
La mobilisation des socialistes, et notamment des sénateurs socialistes, à l'appui de l'intersyndicale, a permis, pendant le débat budgétaire, d'annuler la suppression de 4 000 postes d'enseignants dans l'éducation nationale, dont plus de 3 000 dans le seul premier degré.
L'annonce du Premier ministre sur ce sujet, le 15 janvier dernier, a entraîné un immense soulagement dans les communautés éducatives. Les déclarations de la ministre de l'éducation nationale à l'appui de cette décision ont permis d'espérer qu'enfin la baisse démographique serait envisagée comme une occasion de faire baisser le nombre d'élèves par classe, nos classes étant toujours parmi les plus chargées d'Europe.
Pourtant, passé cet immense soulagement, c'est l'incompréhension qui domine, compte tenu des annonces des rectorats dans les territoires.
En effet, dans les villes comme dans les zones rurales, malgré l'annulation de cette suppression de 4 000 postes, on annonce aux communautés éducatives, dans le plus grand chaos, que des classes vont être supprimées dans les écoles et dans les collèges : ici, des suppressions dans des écoles aux effectifs stables, voire en hausse ; là, des suppressions contestées par l'ensemble des communautés éducatives, car à contretemps d'évolutions démographiques reconnues par tous.
On est bien loin des engagements présidentiels de ne pas fermer de classe sans l'avis du maire. On est loin également des engagements des nombreux ministres de l'éducation nationale de construire des cartes scolaires pluriannuelles pour mettre fin à la gestion au jour le jour.
Ces décisions prises dans l'opacité, à contre-courant des engagements du Premier ministre, entretiennent la confusion et alimentent le désarroi des enseignants, des parents et des élus.
À Paris comme dans le Lot, le Gers, la Somme, la Nièvre, le Nord, la Gironde, la Moselle – la liste est longue –, c'est l'incompréhension qui prévaut.
Je laisse le prononcé, mais c'est le ministre qui répond…
Madame la ministre, ne laissez pas le désordre s'installer quand l'école a besoin, au contraire, d'un cap et de stabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Mme la ministre d'État, qui est retenue par une réunion du Conseil supérieur de l'éducation.
Je vous remercie de votre question, qui permet de clarifier quelques enjeux absolument essentiels.
M. Rachid Temal. Ah !
M. Philippe Baptiste, ministre. Vous le savez, les moyens pour la rentrée 2025 ont été fortement revus à la hausse par rapport au projet de loi de finances déposé en octobre 2024. Il s'agit justement de répondre aux enjeux éducatifs, alors même que l'année scolaire 2025-2026 sera marquée par une nouvelle baisse significative des effectifs d'élèves : le système éducatif accueillera 92 700 élèves de moins, dont 80 000 élèves dans le premier degré.
Ainsi avons-nous proposé de maintenir les moyens de la rentrée dernière et de revenir intégralement sur les réductions de postes initialement prévues. Tel est notre objectif, et nous espérons que les conclusions de la commission mixte paritaire iront bien en ce sens.
Comme vous, nous pensons que la baisse démographique doit être un levier pour améliorer l'école et pour réduire les inégalités, tant entre élèves qu'entre territoires ; ce sera le cas.
Concrètement, à la rentrée 2025, les conditions d'apprentissage seront améliorées. Le nombre moyen d'élèves par classe, c'est-à-dire le taux d'encadrement, atteindra un niveau historiquement bas, inégalé depuis que cet indicateur est mesuré : il y aura en moyenne 21,1 élèves par classe, contre 23,2 en 2017.
M. Michel Savin. Il y a juste moins d'élèves !
M. Philippe Baptiste, ministre. Cette stabilisation des emplois nous permettra de consolider les brigades de remplacement.
Pour ce qui est de la situation particulière de Paris, la rentrée sera marquée par une baisse des effectifs scolaires de près de 3 000 élèves dans le premier degré. Le taux d'encadrement est à Paris l'un des plus bas de France ; il passera sous la barre des 20 élèves par classe à la rentrée 2025. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour la réplique.
Mme Colombe Brossel. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse, mais il semble que vous n'avez compris ni ma question ni mon interpellation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Stéphane Sautarel applaudit également.)
compétence eau et assainissement
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Joyandet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Monsieur le ministre, le 17 octobre dernier, dans sa grande sagesse, le Sénat a voté à une très large majorité pour que la gestion des compétences eau et assainissement ne soit plus obligatoirement transférée aux intercommunalités le 1er janvier 2026.
Ce vote a été acquis avec l'avis favorable du gouvernement de Michel Barnier.
M. Michel Savin. Très bien !
M. Alain Joyandet. Ma question est très simple : le gouvernement de François Bayrou est-il du même avis, sur la même ligne ? Si oui, monsieur le ministre, quel est votre calendrier ? Il y a vraiment urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Claude Nougein. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. Michel Savin. Une réponse claire, s'il vous plaît !
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Alain Joyandet, je vois que la question vous taraude ! (« Eh oui ! » sur les travées du groupe Les Républicains.) Je vous répondrai donc très précisément.
M. Mathieu Darnaud. Quel calendrier ?
M. François Rebsamen, ministre. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure au sénateur Jean-Yves Roux, je suis favorable à la différenciation territoriale, donc à la fin de l'obligation de transfert des compétences eau et assainissement des communes vers les EPCI. C'est clair ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Yves Roux applaudit également.)
Mme Frédérique Puissat. Bravo !
M. François Rebsamen, ministre. Pour autant, je le redis, je suis défavorable à tout retour en arrière qui viendrait percuter les transferts déjà réalisés. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Cécile Cukierman proteste également.)
J'ajoute qu'en tant qu'élu local et connaisseur de ces sujets je suis persuadé des bénéfices de la mutualisation de cette compétence, quand bien même elle ne s'opérerait pas au niveau de l'EPCI. Cette compétence – vous le savez très bien, mesdames, messieurs les sénateurs – peut être en effet exercée à l'échelon infracommunautaire du syndicat de communes, voire du syndicat mixte.
M. Olivier Paccaud. Chaque cas est particulier.
M. François Rebsamen, ministre. Je vois d'ailleurs dans cette possibilité de mutualiser un gage de la préservation de la ressource en eau et de la capacité à faire des investissements importants dans les années à venir, ainsi qu'une garantie de la cohésion territoriale. Mesdames, messieurs les sénateurs, cette ambition ne saurait subir aucun recul ; et je suis sûr que vous partagez cette position.
Enfin, en ce qui concerne le véhicule législatif, il nous faut trouver ensemble la meilleure méthode.
M. Mathieu Darnaud. Elle est toute trouvée !
Peut-être qu'elle a dit « il n'y a pas photo ! »…
Mme Cécile Cukierman. « Y a qu'à, faut qu'on » !
M. François Rebsamen, ministre. La proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement » a été transmise à l'Assemblée nationale, où elle sera examinée. L'objectif est clair : l'adoption d'une réponse législative dès que possible. (M. Bernard Buis applaudit. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Il y a urgence !
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour la réplique.
M. Alain Joyandet. J'accueille favorablement la réponse claire du ministre François Rebsamen.
Le texte que le Sénat a adopté contient la restriction que vous indiquez. Vous n'y trouverez nul retour en arrière ; il ne s'applique qu'aux communes qui n'ont pas encore transféré ces compétences à l'échelon intercommunal.
Par ailleurs, monsieur le ministre, nous n'avons pas beaucoup d'argent pour nos collectivités locales. Au moins, donnons-leur la liberté ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. André Guiol et Vincent Louault applaudissent également.)
M. Hussein Bourgi. Eh oui !
M. Alain Joyandet. Faisons confiance à nos élus locaux, qui, eux, gèrent leurs collectivités locales en bons pères de famille ! (Mêmes mouvements.)
Cela fera faire beaucoup d'économies, et cela ne coûtera rien à l'État ! Faisons confiance à nos élus : ils font souvent beaucoup avec très peu.
Songez, monsieur le ministre, que j'ai déposé une première proposition de loi sur ce sujet, avec plusieurs de mes collègues, en 2017 ! Si nous arrivons, dans les semaines à venir, à cette solution qu'attendent des milliers de communes, nous mettrons un terme à huit ans de galère !
Mme Cécile Cukierman. Cela fait dix ans que nous avons voté la loi NOTRe !
M. Alain Joyandet. Je ne reviens pas sur l'intérêt que présente l'intercommunalité, mais, par pitié, laissons la liberté aux communes ! Il n'y a pas deux territoires qui se ressemblent. Simplifions, simplifions ! Et arrêtons avec les décisions qui, venant de Paris, sont les mêmes pour tous les territoires, alors que ceux-ci sont tous différents ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE et sur des travées du groupe RDPI. – M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudit également.)
situation de l'hôpital et des agences régionales de santé face à la baisse des crédits de certaines spécialités
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Christine Herzog applaudit également.)
Mme Laurence Muller-Bronn. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Monsieur le ministre, j'ai été alertée par les équipes médicales des centres hospitaliers universitaires (CHU) de Strasbourg et de Colmar, dans le Bas-Rhin, ainsi que par l'agence régionale de santé (ARS) Grand Est, sur la suppression des financements spéciaux destinés aux centres de recensement et de prise en charge des covid longs.
Pourtant, la Haute Autorité de santé (HAS) a confirmé que plus de 2 millions de personnes, tout particulièrement de jeunes actifs, sont touchées par cette pathologie en France.
Le covid long est devenu une maladie chronique fréquente, marquée par des symptômes lourds tels que, parmi tant d'autres, de graves dysfonctionnements cognitifs, des troubles cardiovasculaires, de l'épuisement, des dysfonctionnements musculaires, des anomalies immunologiques, des inflammations diffuses.
La loi du 24 janvier 2022 prévoyait la création d'une plateforme dédiée au recensement et à la prise en charge des malades chroniques de la covid-19. Près de deux ans plus tard, les décrets d'application de cette loi n'ont toujours pas été publiés et la plateforme n'a pas encore vu le jour.
M. Laurent Somon. Absolument !
Mme Laurence Muller-Bronn. En janvier 2025, on nous annonce que les centres « covid long » n'ont plus de financement. Dans le Grand Est, quatre centres risquent d'être supprimés, les patients étant condamnés à l'errance médicale.
Monsieur le ministre, que pouvez-vous nous dire à propos de ces financements ? (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Élisabeth Doineau et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Muller-Bronn, c'est pas à pas que nous avançons au sujet de l'affection qu'est le covid long, dont le mécanisme physiopathologique n'est pas encore totalement décrit ni confirmé.
Nous avons progressivement avancé, disais-je : une première étude publiée dans The Lancet en 2021, des critères édictés par la Haute Autorité de santé (HAS), une définition de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Face au syndrome du covid long, encore mal étiqueté et mal connu, des fonds d'amorçage ont été attribués à toutes les agences régionales de santé pour permettre le déploiement de filières spécifiques de prise en charge des patients concernés.
Vous l'avez dit, les symptômes sont nombreux – plus de 200 ont été recensés – et parfois lourds. Au fur et à mesure que les choses se précisent, les patients ont été intégrés dans des circuits de prise en charge, de consultation, de soutien psychologique, d'hospitalisation et d'accueil dans des centres de soins médicaux et de réadaptation, qui les font basculer, à terme, dans des dispositifs de financement de droit commun.
Pour cette raison, le Gouvernement a préféré augmenter l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), afin qu'aucune économie ne soit faite sur les soins et que ces patients, comme les autres, puissent être pris en charge.
Pour ce qui est des décrets manquants, il se trouve simplement qu'une autre voie a été tracée, celle de l'efficacité. Sur le site santé.fr, chaque médecin traitant peut trouver le centre de référence de proximité, au niveau départemental ou au niveau régional, où adresser les patients. Il a donc été institué une prise en charge coordonnée plutôt qu'un fonds dédié.
En ce qui concerne l'ARS Grand Est, elle a bénéficié de 1 million d'euros de fonds d'amorçage. La ministre Catherine Vautrin et moi-même avons de nouveau rencontré sa directrice générale la semaine dernière ; nous n'avons été saisis d'aucune situation spécifique.
Aucun patient ne sera laissé pour compte ; chacun bénéficiera d'une prise en charge, à l'hôpital ou en ville, appropriée à sa pathologie. (Mmes Martine Berthet et Agnès Evren et M. Mathieu Darnaud applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour la réplique.
Mme Laurence Muller-Bronn. Monsieur le ministre, je suis désolée, mais les retours du terrain ne sont pas ceux que vous indiquez. J'ai moi-même échangé hier encore avec l'ARS Grand Est. En 2022, quelque 700 000 euros avaient été accordés aux quatre centres de recensement et de prise en charge que j'ai évoqués. En 2024, l'enveloppe n'était plus que de 278 000 euros, et les centres ont dû financer le second semestre sur leurs fonds propres.
Ce sont les médecins qui m'ont alertée quant à la disparition des financements dédiés au fonctionnement de ces plateformes de soins. Plus de 450 malades sont traités pour cette affection dans les CHU de Colmar et de Strasbourg ; ils ne peuvent plus être pris en charge. Et je ne parle pas de Nancy, de Reims ou de Metz…
Monsieur le ministre, je vous invite à venir rencontrer les médecins du Bas-Rhin et à échanger avec eux. Il y a urgence ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Sonia de La Provôté et Christine Herzog applaudissent également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 5 février, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt,
(À suivre)