Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi d’urgence pour Mayotte.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 187 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 344
Contre 0

Le Sénat a adopté à l’unanimité. (Applaudissements sur toutes les travées.)

La parole est à M. le ministre d’État.

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Je voudrais à mon tour remercier la présidente de la commission des affaires économiques et les trois rapporteurs pour le travail tout à fait exceptionnel qui a été réalisé, mais aussi l’ensemble des sénateurs qui sont intervenus.

L’Assemblée nationale a travaillé, puis le Sénat, et le texte a été incontestablement amélioré grâce à votre expertise, en particulier celle de vos deux collègues mahorais. Après les réponses à l’urgence vitale que nous avons mises en œuvre, ce texte est une nouvelle étape.

Nous préparons maintenant le prochain comité interministériel des outre-mer, qui évoquera les dossiers de Mayotte, en particulier la loi programme, qui est si importante – cela a été dit – pour la refondation de Mayotte.

J’ai, à ce moment de nos débats, deux choses en tête.

Je pense d’abord à tout ce que nous devons à ce territoire profondément français, profondément attaché à la France. Ses habitants attendent le soutien de l’État et le développement de relations de confiance avec l’Hexagone. Nous devons être à la hauteur de la promesse d’égalité que vous avez, les uns et les autres, évoquée.

Je pense ensuite au fait que nous sommes tous des êtres humains. L’une des choses qui m’ont le plus frappé lors de mon déplacement en fin de semaine dernière à Mayotte, c’étaient ces enfants avec leurs cartables qui se rendaient à l’école. J’y ai vu un signe de renaissance, même si cela ne fait pas oublier tous les problèmes. Certains enfants ne vont pas à l’école, d’autres peuvent s’y rendre. C’est en tout cas vers cette jeunesse que nous devons nous tourner : elle représente l’espoir de Mayotte, mais aussi l’espoir de la France. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Articles 33 (début)
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
 

6

Mises au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Lors du scrutin public n° 186 sur l’ensemble de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants, Louis Vogel a été considéré comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’il souhaitait voter pour.

Mme la présidente. La parole est à Mme Lauriane Josende.

Mme Lauriane Josende. Lors des scrutins publics n° 185 sur l’ensemble de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic et n° 186 susmentionné, Jean Bacci, Michel Bonnus, Alexandra Borchio Fontimp, Laurent Duplomb et Jean Pierre Vogel souhaitaient voter pour.

Mme la présidente. Acte est donné de ces mises au point. Elles figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.

7

 
Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture
Intitulé du titre Ier

Souveraineté alimentaire et agricole

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (projet n° 639 [2023-2024], texte de la commission n° 251, rapport n° 250, avis nos 184 et 187).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – MM. Bernard Buis et Vincent Louault applaudissent également.)

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous y sommes enfin ! Plus d’un an après avoir été promis à nos agriculteurs, plus de onze mois après son dépôt en conseil des ministres, près de neuf mois après son vote en première lecture à l’Assemblée nationale, le projet de loi d’orientation agricole voit enfin s’engager son examen par le Sénat.

Il s’agit maintenant d’aller vite afin de permettre l’entrée en vigueur rapide de ce texte très attendu par le monde agricole. Il est très attendu, parce qu’il est absolument essentiel.

Dans la gigantesque tectonique des plaques qui s’est engagée dans l’ordre international, le vieux monde se meurt et emporte avec lui toutes nos certitudes : la paix, que d’aucuns croyaient perpétuellement installée en Europe, s’est fracassée sur le mur de la guerre et, tandis que la menace rampe jusqu’à nous, nos alliances d’hier paraissent plus fragiles que jamais.

Pourtant, le nouveau monde tarde à apparaître et, dans ce clair-obscur où surgissent les monstres, les Français demandent les moyens de parer au vent mauvais qui souffle sur le continent.

Alors, mesdames, messieurs les sénateurs, face à cette instabilité qui croît, notre priorité doit être de réancrer la France dans ce qui a été et continuera d’être le socle le plus solide et le plus fidèle de toutes les civilisations humaines : l’agriculture.

Pour qu’elle soit tout à la fois notre rempart et notre force face aux menaces qui perlent à l’horizon, il nous la faut souveraine.

Aussi, le projet de loi que vous avez désormais la responsabilité de consolider et de voter se doit d’ériger en intérêt général majeur la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture française, de la pêche et de la forêt. Il reconnaît, en outre, l’agriculture comme participant au potentiel économique de la France, constituant ainsi un intérêt fondamental de la Nation.

Il ne s’agit pas là de se payer de mots, car ce sont bien les intérêts fondamentaux – oserais-je même dire vitaux – de la Nation qui sont en cause lorsqu’il s’agit de garantir la souveraineté alimentaire et agricole.

Ces deux avancées majeures permettront, dans tous les débats à venir, que les autorités administratives ainsi que les juges prennent en compte la place particulière de notre agriculture.

Aussi est-il crucial, au titre Ier, de doter la politique en faveur de la souveraineté alimentaire de priorités et de finalités solides, ambitieuses et précises. Les débats sur ce point ont été nombreux, les propositions parfois trop bavardes. Nous devons collectivement faire preuve de pragmatisme pour que la politique de souveraineté alimentaire se concrétise avec efficacité.

L’État doit apporter un soutien ferme à nos filières, notamment les plus exposées, pour les accompagner sur le chemin de la croissance, du progrès et de la vitalité, sur le chemin de l’accroissement du potentiel agricole de notre pays pour nourrir l’ensemble de notre population et pour accroître le rayonnement de nos filières au-delà de nos frontières.

L’efficacité commande toutefois d’organiser cet effort. La programmation pluriannuelle qui avait été envisagée par l’Assemblée nationale, aussi louable soit-elle dans son principe, aurait marché sur les plates-bandes du plan national stratégique élaboré dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). Elle aurait par ailleurs conduit le Gouvernement à imposer aux filières une direction trop verticale.

C’est une ligne rouge. L’avenir de nos filières se construit avant tout par et avec elles. Elles doivent déterminer souverainement leur ambition, car ce sont elles qui connaissent le mieux la réalité du terrain, ses contraintes comme ses opportunités.

C’est pourquoi je souhaite que nous fassions le pari de la confiance donnée à la profession à travers l’instauration de conférences de la souveraineté alimentaire. Celles-ci confieront aux filières le soin de définir collégialement, avec l’accompagnement de l’État, des objectifs à dix ans pour améliorer de façon substantielle le potentiel agricole de notre nation.

Des rapports d’avancement permettront aux pouvoirs publics de suivre l’état de réalisation de ces objectifs et, si nécessaire, de mettre en œuvre des mesures pour les atteindre afin d’assurer la progression de notre souveraineté alimentaire et agricole. C’est toute la portée de ces conférences.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, face aux périls de l’époque, il faut un changement de cap. C’est désormais l’autonomie stratégique que nous visons.

Mesdames, messieurs les sénateurs, une fois jetées les fondations de cette ambition nouvelle, il faut nous saisir à bras-le-corps de ce qui constitue la clé de voûte de la reconquête de notre souveraineté alimentaire : le renouvellement des générations.

La tendance au vieillissement de la population agricole est profondément préoccupante, l’âge moyen des agriculteurs ayant augmenté de quatre ans et demi en vingt ans.

C’est pourquoi une action massive à destination de la jeunesse doit être entreprise en renforçant significativement la formation et la découverte des métiers du vivant. Il faut, là aussi, faire preuve d’ambition. Les objectifs que nous nous fixons dans le présent projet de loi sont clairs : il s’agit notamment d’augmenter de 30 % le nombre d’apprenants dans les filières agricoles et agroalimentaires d’ici à 2030. Le défi est grand, mais pleinement atteignable.

Avant d’en venir au contenu du projet de loi proprement dit, je tiens à souligner dans cet hémicycle que l’atteinte de ces objectifs dépend aussi de nous et du discours que nous véhiculons sur le monde agricole.

L’agriculture française fait face à de nombreux défis, existentiels pour certains d’entre eux, personne ne le niera, mais elle n’est pas un champ de ruines pavé de larmes et de misère comme je l’entends dire parfois.

Les problèmes existent, il n’est pas question de les nier, mais ce pessimisme effraie et décourage jusqu’à la plus solide des vocations. Pourtant, dans une période où la jeunesse est en demande de sens, les métiers du vivant en sont une source infinie, puisqu’ils répondent aux besoins vitaux de l’humanité. En outre, ils jouent un rôle central pour relever les grands défis du siècle, celui des transitions climatique et environnementale, notamment.

Aussi, chacun d’entre nous doit être en mesure de tenir un discours positif sur l’avenir de l’agriculture, pour susciter l’envie, l’engagement. Pour ce faire, deux leviers doivent être actionnés : il faut à la fois sensibiliser les jeunes et les attirer vers les métiers agricoles.

Il nous faut tout d’abord sensibiliser les jeunes, et ce dès le plus jeune âge. Tel est l’un des objets de ce projet de loi, qui prévoit la mise en place d’un programme national d’orientation et de découverte des métiers dès l’école primaire et jusqu’au lycée.

J’attire votre attention sur un point : il est nécessaire que les filles s’engagent encore davantage dans les métiers agricoles et agroalimentaires. C’est en les sensibilisant au plus tôt qu’elles parviendront à prendre leur place dans le monde agricole.

Il faut ensuite attirer les jeunes vers les métiers agricoles.

Vous avez permis, mesdames, messieurs les sénateurs, de franchir une nouvelle étape dans le renforcement de l’attractivité de l’agriculture : un volontariat agricole est désormais créé et je m’en réjouis. Il permettra aux personnes extérieures au milieu agricole de découvrir les métiers du vivant et, nous l’espérons, de susciter des vocations.

Cette politique d’attractivité s’accompagnera d’un enrichissement des formations disponibles au sein de l’enseignement agricole. Je pense bien sûr à la création du bachelor agro, dont nous ambitionnons de faire un niveau de formation de référence dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire, entre le brevet de technicien supérieur (BTS) agricole et le diplôme d’ingénieur.

Il était par ailleurs indispensable de compléter les missions assignées à l’enseignement agricole afin de l’adapter aux défis de notre temps. Aux cinq missions fondamentales de l’enseignement agricole, définies dans la loi du 31 décembre 1984 portant réforme des relations entre l’État et les établissements d’enseignement agricole privés, dite loi Rocard, et dans la loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999, s’ajoute désormais une sixième mission : le renouvellement des générations.

À cet égard, si je comprends l’orientation que vous souhaitez donner à l’enseignement agricole, pour qu’il soit encore plus agronomique et forme davantage de chefs d’entreprise – je partage totalement cet objectif –, je regrette vivement que le volet lié aux transitions climatique et environnementale ait été supprimé du texte par la commission.

Les agriculteurs sont les premières victimes du changement climatique ; il est donc primordial que nos établissements agricoles puissent organiser des formations visant plus largement les transitions climatique et environnementale. Le texte que nous avons la responsabilité de voter doit nécessairement les intégrer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce lot de mesures en faveur de notre enseignement agricole permettra, je le pense, de renforcer l’attractivité des formations et de répondre au besoin d’adaptation aux réalités territoriales.

Si, comme je le pense, cette politique de formation nous permet d’augmenter substantiellement le nombre d’agriculteurs en devenir, il nous faut en parallèle renforcer notre politique d’installation et de transmission.

De nouveau, plutôt que de faire de grandes phrases, il faut nous fixer des objectifs chiffrés : en 2035, notre pays devra compter 400 000 exploitations et 500 000 exploitants agricoles. Vous le voyez, dans ce domaine également, notre ambition est grande.

L’atteinte de ces objectifs dépend beaucoup de la force de l’accompagnement que l’État sera en mesure d’apporter lors de l’installation ou lors de la transmission des exploitations. C’est tout le sens du diagnostic modulaire, qui, je l’espère, sera préservé. La commission des affaires économiques l’a en effet rebaptisé « diagnostic de viabilité économique et de vivabilité des projets agricoles ». Je ne vous cache pas que je m’interroge sur le mot « vivabilité » – c’est la littéraire qui s’exprime –, qui ne me semble pas suffisamment parlant pour nos agriculteurs. En outre, cette nouvelle appellation ne fait plus apparaître la notion de modularité.

Ce diagnostic va, j’en suis persuadée, devenir un outil incontournable pour les exploitants, notamment dans les périodes clés, au moment de l’installation ou de la transmission. J’ajoute que l’Assemblée nationale a beaucoup enrichi le diagnostic modulaire.

Grâce à ces diagnostics, les exploitants pourront prendre des décisions éclairées sur le pilotage de leur exploitation et asseoir leur performance économique, sociale et environnementale.

L’État continuera par ailleurs d’accompagner au mieux les agriculteurs en créant le réseau « France Services agriculture », que vous avez renommé « France installations-transmissions ». Je regrette là aussi cette nouvelle terminologie, dont nous débattrons. France Services agriculture, je le rappelle, est un intitulé qui parle désormais à nos concitoyens et qui permettra d’attirer réellement de nouvelles personnes vers les métiers agricoles. Ce guichet unique sera le lieu de maturation des projets, que ce soit pour lancer une activité ou pour la cesser et trouver un repreneur.

Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ensemble de ces mesures ne seront pas efficaces si nous ne renforçons pas l’attractivité des professions agricoles en sécurisant et en libérant leur exercice. Aussi, je souhaite mettre un terme à toutes les formes de stigmatisation, voire de criminalisation, de la profession, qui minent terriblement le moral de nos agriculteurs.

Les hommes et les femmes pour qui le sens d’une vie est précisément d’être connecté à la nature et à ses cycles ne peuvent décemment pas risquer des poursuites pénales pour des atteintes involontaires à l’environnement, les peines encourues allant jusqu’à l’emprisonnement.

Aussi la dépénalisation de ces actes est-elle un impératif majeur. Grâce à ce texte, nous substituerons à des sanctions pénales lourdes, résultant d’une surtransposition du droit européen, une obligation de remise en l’état, bien plus cohérente d’un point de vue humain et environnemental. Celle-ci sera assortie d’une contrepartie, un stage ou une amende, que nous déterminerons durant nos débats.

Nous devons également poursuivre le travail que j’ai entamé en matière de simplification de la vie des paysans. Car la simplification doit être le maître mot de notre politique agricole à court terme. Il s’agit de faire en sorte que les agriculteurs passent plus de temps dans leur exploitation que devant leur ordinateur.

C’est pourquoi nous créerons un régime unique de la haie. La prolifération et la complexité des réglementations en vigueur nuisent à l’objectif de protection de la biodiversité. Cette simplification suscite, je pense, un consensus transpartisan. Je compte désormais sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour la graver dans le marbre.

Poursuivre l’entreprise de simplification, c’est aussi réduire les délais des recours contentieux contre les projets agricoles ou les ouvrages hydrauliques, dont les durées de traitement, de plus de cinq ans aujourd’hui, sont une source d’insécurité majeure pour nos agriculteurs. Aussi le délai contentieux sera-t-il ramené à vingt-quatre mois au maximum. La procédure, quant à elle, sera simplifiée.

Telles les principales mesures prévues dans ce texte afin de simplifier le quotidien des agriculteurs.

Enfin, la sécurisation du statut jurisprudentiel du patou est une avancée essentielle pour nos éleveurs, qui doivent lutter au quotidien face à la prédation du loup.

Vous avez souhaité enrichir les dispositions sur la protection des troupeaux en y intégrant la reconnaissance de la non-protégeabilité de certains troupeaux, notamment bovins et équins. Pour venir d’une région agricole bovine, je sais très précisément ce que recouvre la notion de non-protégeabilité.

Nous avions déjà travaillé sur ce point au niveau réglementaire et votre proposition, sur laquelle je reviendrai, car elle suppose des explications juridiques complexes, permettra de sécuriser les arrêtés en préparation. J’y suis donc favorable. Le Gouvernement avait pris des engagements à cet égard, ainsi que sur la réparation des dommages indirects liés à la prédation, dans le nouveau plan national d’actions 2024-2029 sur le loup et les activités d’élevage.

Sur la réparation, nous avançons aussi : le principe d’indemnisation est acté et les services des ministères de l’écologie et de l’agriculture travaillent à établir les grilles financières d’indemnisation. Le Gouvernement tient donc ses engagements pour accompagner nos éleveurs face à la prédation.

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de conclure, je ne peux pas m’abstenir d’évoquer devant vous un sujet qui me tient particulièrement à cœur : l’accroissement de la place des femmes en agriculture. Leur engagement dans le monde agricole, aujourd’hui substantiel, n’est pas suffisamment reconnu, alors même que leur place est et sera centrale dans le renouvellement des générations.

L’amélioration du statut de nos agricultrices lui paraissant essentielle, le Gouvernement proposera d’amender l’article 1er du projet de loi afin d’y inscrire que l’objectif de notre politique agricole est, d’une part, de favoriser l’accès des femmes au statut de chef d’exploitation, ce statut étant plus protecteur, et, d’autre part, d’améliorer les modalités de calcul de leurs droits à la retraite afin que leur engagement soit pleinement reconnu.

Au-delà de ces grands principes, qui devront se concrétiser, cette ambition suppose d’agir dès le plus jeune âge, dans le cadre du programme national d’orientation et de découverte des métiers, et de sensibiliser les petites filles de notre pays afin qu’aucune d’entre elles ne puisse se dire : « Ça n’est pas pour moi ! »

Le bonheur que procurent les métiers du vivant et le sens qu’ils donnent doivent être accessibles à tous, sans distinction de sexe. Cette conception de l’agriculture doit pénétrer tous les esprits. C’est la raison pour laquelle les maîtres de stage et d’apprentissage seront eux aussi sensibilisés à la nécessité de recruter des filles.

L’accroissement de la place des femmes en agriculture passe non seulement par la formation, mais également par la promotion des installations féminines : il n’est pas normal que les femmes ne représentent aujourd’hui que 34 % des chefs d’exploitation.

Je propose ainsi que l’accès au statut de chef d’exploitation soit facilité, que l’État se dote d’une stratégie pour lever les obstacles de toute nature aux projets d’installation des agricultrices et que le futur réseau France Services agriculture veille particulièrement à ce que les femmes, qui s’installent plus tard que les hommes, puissent bénéficier dans les faits de programmes d’accompagnement, lesquels facilitent grandement l’installation.

Une reconnaissance explicite de leur rôle dans la loi, couplée à une action forte en matière de formation et d’installation : tels sont les outils qui nous permettront d’accroître concrètement la place des femmes en agriculture, mesdames, messieurs les sénateurs.

Avec ce texte, nous semons les premières graines de la reconquête de notre souveraineté alimentaire. Elles germeront, j’en suis convaincue.

Cette entreprise immense est une nécessité pour notre pays, elle est tout autant une nécessité humaine. Car en redonnant à notre agriculture la place qui lui est due, ce sont nos agriculteurs qui retrouvent leur rang, leur dignité. Il s’agit là de la seule voie possible pour substituer au vent de colère qui s’est engouffré dans leur cœur un vent d’espoir et de foi retrouvée en l’avenir.

Alors que nous entamons plusieurs jours de débats, qui s’annoncent passionnants en votre compagnie, mesdames, messieurs les sénateurs, je forme le vœu que de notre travail commun puisse ressortir une agriculture plus forte, plus résiliente et plus souveraine. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après des années de tergiversations, le projet de loi d’orientation agricole nous est enfin soumis. Alors qu’il ne portait initialement que sur l’installation, il a été complété sous la pression des manifestations. On a toutefois pris bien soin de ne pas y aborder les sujets qui fâchent, ce qui nous a conduits, pour y remédier, à voter la semaine dernière la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. À cet égard, permettez-moi de vous remercier, madame la ministre, de votre soutien.

Ce texte ne sera pas le Grand Soir de l’agriculture, tant il traite de sujets divers et variés, mais, après plus de huit mois de mise en pause et une nouvelle rédaction issue des travaux de la commission, nous espérons qu’il permettra un sursaut et qu’une nouvelle orientation sera donnée à l’agriculture française.

L’article 1er, qui prévoit que la souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la Nation au sens de l’article 410-1 du code pénal, peut, je le pense, contribuer à inverser une tendance décroissante qui mine année après année notre souveraineté, à condition d’avoir une portée juridique. Nous y reviendrons.

La logique est la même lorsque nous déclarons que l’agriculture est d’intérêt général majeur et que nous inscrivons dans le code rural un principe de non-régression de la souveraineté alimentaire, assorti d’un principe de non-surtransposition des règles européennes.

Le but est de freiner la folie normative qui tue notre compétitivité et entraîne une hausse de nos importations, qu’elles proviennent de nos voisins européens – ils n’ont pas choisi comme nous de se tirer des balles dans le pied – ou d’autres continents, dont les méthodes de production sont aux antipodes des nôtres, ce que nous refusons de voir par naïveté coupable.

Concernant l’installation, je laisserai Franck Menonville vous présenter nos grandes orientations. Je tiens d’ailleurs à le remercier publiquement pour son travail de long terme.

Pour ma part, je me concentrerai sur quelques-uns des autres articles que j’ai traités.

Avec l’article 9, madame la ministre, qui prévoit la réalisation de diagnostics des exploitations, nous passons de la politique du bâton à la politique de la carotte, comme l’ont d’ailleurs souhaité les députés. Nous avons rendu gratuit ce diagnostic destiné aux cédants ainsi qu’aux jeunes qui s’installent. Il vise à fournir une image fidèle de l’exploitation au jeune agriculteur, qui pourra ensuite bénéficier de conseils stratégiques, d’un accompagnement dans ses décisions et ainsi réussir son installation.

À l’article 12, nous avons suivi les députés et choisi de ne pas ouvrir le dossier du foncier. Nous avons craint que le lobby de gauche n’érige le foncier en bien commun (M. Jean-Claude Tissot proteste.) et qu’il ne contraigne encore un peu plus l’agriculteur à l’assolement.

L’article 13 prévoit de dépénaliser certaines infractions environnementales. Nous l’avons réécrit pour éviter, comme l’a déclaré pertinemment la ministre de la transition écologique, « cette dimension qui est extraordinairement intrusive d’une procédure pénale » qui donne « l’impression d’être un grand délinquant ».

J’en viens aux haies. Je ne vous cache pas que la tâche a été ardue sur ce sujet, tant nous avons affaire à un bijou de technocratie. Le but était pourtant tout simplement de simplifier. Nous avons essayé – je dis bien : essayé – de rendre cet article plus lisible et moins stigmatisant, et de concrétiser l’objectif de simplification des réglementations applicables aux haies.

En la matière, la seule politique qui vaille est celle de la territorialisation : dans certains départements, dont le mien, il n’y a jamais eu autant de haies depuis 1950, que cela plaise ou non. Il suffit de regarder les photos aériennes sur Géoportail, ce que nous pouvons tous faire. Je vous invite d’ailleurs à le faire ! (M. Jean-Claude Tissot sexclame.) Je ne nie pas que, dans d’autres départements, le linéaire a eu tendance à décliner. Veillons donc à protéger les haies quand elles disparaissent, bien sûr, et à laisser les agriculteurs vivre quand ils en sont entourés !

Avec l’article 17, nous offrons à l’aquaculture française la possibilité de bénéficier des mêmes règles que ses concurrents européens, ni plus ni moins. Je rappelle que nous importons déjà 70 % du poisson que nous consommons. Peut-on s’en satisfaire ?

Pour finir, je dirai un mot sur l’article 18, qui nous a étonnés, car il est totalement hors sujet. Il aborde en effet le petit cycle de l’eau et les compétences des collectivités locales. Quitte à parler compétences en matière d’eau, profitons de l’occasion et « injectons » dans le texte la proposition de loi de notre collègue Jean-Michel Arnaud, que le Gouvernement semble d’ailleurs soutenir ! Il s’agit, dans ce domaine également, de rendre de la liberté aux élus locaux, comme aux agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)