M. Vincent Louault. Pour être parfaitement clair, cet amendement de rédaction globale est le fruit de concertations de fond conjointement menées par les députés rapporteurs du texte, les groupes politiques et le gouvernement de l’époque, lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale.

Nous définissons clairement l’agriculture au sens de l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. Nous y intégrons l’élevage, l’aquaculture, le pastoralisme, ainsi que la viticulture, les semences, l’horticulture et l’apiculture, qui avaient été oubliés dans la rédaction initiale du projet de loi.

Nous proposons ensuite trois définitions.

D’abord, celle de la souveraineté agricole et alimentaire.

Ensuite, celle de la sécurité alimentaire, qui est « la capacité à assurer à toute personne et à tout moment un accès physique et économique aux denrées alimentaires dont elle a besoin ». Cette définition est reprise, je le signale au passage, de celle de la FAO ; ce n’est pas une invention de ma part, et je ne veux plus qu’on présente cet amendement comme le mien, car il s’agit de celui de l’Assemblée nationale.

Enfin, celle de la sécurité sanitaire alimentaire, très importante dans le contexte mondial du One Health.

Pour faire plaisir au rapporteur, j’ai ajouté une référence à la défense des « intérêts fondamentaux tels que définis à l’article 410-1 du code pénal ». J’ai tout donné, et tout y est !

En outre, avec mon amendement, nous sommes en avance de phase. En effet, nous anticipons la suppression des alinéas prévue par l’amendement n° 905, que nous examinerons dans quelques minutes, avant que leur réintroduction ne soit prévue par l’amendement n° 907 examiné après l’article 1er, probablement dans deux jours. Avec mon amendement, nous parvenons au même résultat que cette carambouille, qui nécessitera dix heures de débat pour en arriver exactement à la même rédaction que la mienne !

Mme la présidente. L’amendement n° 452, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

« I. – Le livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

« 1° Au début, il est ajouté un article L. 1 A ainsi rédigé :

« Art L. 1 A. – I. – La souveraineté alimentaire se définit comme la capacité de la nation à définir elle-même une stratégie agricole qui lui permette de déterminer son degré d’autonomie alimentaire pour fournir une alimentation de qualité à sa population, tout en garantissant sa sécurité alimentaire. Consolider, renforcer ou sécuriser au maximum la production atteignable localement est le premier levier de souveraineté alimentaire. La protection, la valorisation, le développement de l’agriculture et de la pêche sont d’intérêt général majeur : ce sont les garants de la souveraineté alimentaire.

« La sécurité alimentaire est définie comme la capacité à assurer à toute personne et à tout moment un accès physique et économique aux denrées alimentaires dont elle a besoin, en en garantissant la qualité sanitaire.

« II. – À compter de la promulgation de la loi n° … du … d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, puis tous les dix ans, la loi d’orientation de l’agriculture française a pour objectif, dans le cadre de la politique économique, sociale et environnementale, de contribuer au développement du secteur agricole et à l’innovation à parité avec les autres activités économiques :

« 1° En accroissant la contribution de la production agricole, en équilibrant la balance commerciale agricole globale du territoire national, compte tenu de la défense de la souveraineté alimentaire, de la sécurité alimentaire et de l’évolution des besoins ;

« 2° En garantissant un revenu et des prix rémunérateurs pour les agriculteurs, et en encadrant les marges abusives des multinationales de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution.

« 3° En préservant et en développant la résilience et le potentiel des facteurs de production agricole sur l’ensemble du territoire national ainsi que les facteurs de transformation et de distribution de ces productions par la lutte contre la concurrence déloyale et par l’établissement de toutes mesures de sauvegarde en cas de crise, dérogatoires si nécessaire, permettant le respect des objectifs et priorités d’action mentionnée au présent article ;

« 4° En assurant la souveraineté alimentaire du pays aux fins de fournir à l’ensemble de la population une alimentation garantissant la sécurité alimentaire tout au long de l’année ;

« 5° En priorisant les produits alimentaires français dans la commande publique pour la restauration collective des différentes administrations et la restauration scolaire et universitaire ;

« 6 En promouvant l’innovation agricole et l’investissement dans toute technologie contribuant à la souveraineté alimentaire tout en diminuant l’impact sur l’environnement ;

« 7° En promouvant les produits protégés par les différents labels agricoles et en priorité les Indications Géographiques Protégées ;

« 8° En développant une politique d’installation et de transmission en agriculture permettant de lutter contre la chute du nombre d’installations, en favorisant le renouvellement des générations d’actifs en agriculture par l’accompagnement des reprises d’exploitation en prenant en compte les services écosystémiques qu’elles rendent. Dans le cadre de cette politique, l’État facilite aux agriculteurs l’accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables, tout en protégeant l’exploitation familiale pour compenser les désavantages naturels et économiques auxquels elle reste soumise comparativement aux autres secteurs de l’économie ;

« 9° En assurant une formation diversifiée et de qualité aux métiers de l’agriculture et de la pêche, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et aux métiers qui leur sont liés, par la création de pôles d’excellences, en assurant la résilience de l’écosystème.

« III. – Tous les dix ans, la programmation pluriannuelle de l’agriculture, fixée par décret, définit les modalités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’agriculture sur le territoire métropolitain continental, afin d’atteindre les objectifs définis aux articles L. 1 A, L. 1, L. 2, L. 3 et L. 4 ainsi que par la loi n° du d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture. Les objectifs de productions nationaux par filière doivent tendre à être excédentaires par rapport aux consommations nationales sur celles-ci.

« Elle contribue autant que possible sans porter atteinte à la souveraineté alimentaire, aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés dans le budget carbone mentionné à l’article L. 222-1 A du code de l’environnement, ainsi qu’avec la stratégie bas-carbone mentionnée à l’article L. 222-1 B du même code. La programmation pluriannuelle de l’agriculture fait l’objet d’une synthèse pédagogique accessible au public.

« Le décret prévu au premier alinéa du présent III précise les objectifs et les priorités d’action de la politique agricole nationale tel que mentionnés au II.

« IV. – Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport portant sur l’état de la souveraineté agricole et alimentaire de la France détaillant les indicateurs de suivi de la politique agricole nationale telle que mentionnée au III. » ;

« 2° L’article L. 1 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi rédigé :

« I. – La politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation, dans ses dimensions internationale, européenne, nationale et territoriale, a pour finalités :

« 1° De sauvegarder et, pour les filières les plus à risque, de reconquérir la souveraineté alimentaire de la France et de promouvoir l’indépendance alimentaire de la France à l’international, en préservant son modèle agricole, ses systèmes d’exploitation, la qualité et la sécurité de son alimentation et en préservant les agriculteurs de la concurrence déloyale de produits importés issus de systèmes de production ne respectant pas les normes imposées par la réglementation française et européenne ; de garantir la sécurité sanitaire des importations par un niveau de contrôle efficace aux frontières ;

« 2° De développer la valeur ajoutée dans chacune des filières agricoles et alimentaires et de renforcer la capacité exportatrice de la France ; de développer des filières de production et de transformation en alliant performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire, capables de relever le double défi de la compétitivité et de la transition écologique, dans un contexte de compétition internationale ;

« 3° De garantir le revenu, de développer l’emploi et d’améliorer la qualité de vie des agriculteurs et des salariés ainsi que de préserver le caractère familial de l’agriculture et l’autonomie et la responsabilité individuelle de l’exploitant et de rechercher l’équilibre des relations commerciales, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée ;

« 4° De s’interdire les surtranspositions et les surréglementations françaises par rapport aux normes européenne car elles accroissent les distorsions de concurrence et pénalisent la compétitivité de l’agriculture française ;

« 5° Dans le cadre de la politique de l’alimentation définie par le Gouvernement, d’assurer la sécurité alimentaire de la population en favorisant l’accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante, produite dans des conditions économiquement et socialement acceptables par tous, et de concourir à la lutte contre la précarité alimentaire telle que définie à l’article L. 266-1 du code de l’action sociale et des familles. La sécurité sanitaire des importations est garantie par un niveau de contrôle efficace aux frontières ;

« 6° De contribuer à la protection de la santé publique et de la santé des agriculteurs et des salariés du secteur agricole, de veiller au bien-être et à la santé des animaux, à la santé des végétaux et à la prévention des zoonoses, en veillant à l’intégration du principe d’une seule santé ;

« 7° De reconnaître et mieux valoriser les vertus de l’agriculture, notamment en matière de services environnementaux et d’aménagement du territoire ;

« 8° De soutenir la recherche, l’innovation et le développement, en particulier des technologies et filières de production de fertilisants agricoles sur le sol national, des filières de produits biosourcés et de la chimie végétale, ou encore de nouvelles techniques génomiques ;

« 9° De participer au développement des territoires de façon équilibrée et durable, en prenant en compte les situations spécifiques à chaque région et les difficultés relatives aux zones intermédiaires ;

« 10° D’encourager l’ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, y compris par la promotion de circuits courts, et de favoriser la valorisation et la diversité des produits par le développement des productions sous signes d’identification de la qualité et de l’origine ;

« 11° De promouvoir l’information des consommateurs quant aux lieux et modes de production, notamment d’abattage des animaux, et de transformation des produits agricoles et agro-alimentaires par une amélioration de la répression de la fraude ;

« 12° De promouvoir en accord avec les besoins du marché, le maintien et le développement de l’agriculture et des filières biologiques, au sens de l’article L. 641-13 ;

« 13° De veiller à l’exclusion des secteurs agricoles volontaires des traités de libre-échange ;

« 14° De favoriser l’acquisition dès l’enfance et l’adolescence d’une culture générale de l’alimentation soulignant les enjeux culturels, environnementaux, économiques et de santé publique liés aux choix alimentaires ;

« 15° De protéger et de valoriser les terres agricoles ;

« La politique d’aménagement rural définie à l’article L. 111-2 et les dispositions particulières aux professions agricoles en matière de protection sociale et de droit du travail prévues au livre VII contribuent à ces finalités. » ;

b) Le IV est ainsi rédigé :

« IV. – La politique d’installation et de transmission en agriculture a pour objectif de contribuer à la souveraineté alimentaire de la France, en favorisant le renouvellement des générations d’actifs en agriculture par l’accompagnement des reprises d’exploitation. Elle prend en compte le caractère stratégique de ce renouvellement pour, d’une part, renforcer la création de richesse et la compétitivité de l’économie française et, d’autre part, répondre aux enjeux environnementaux et climatiques grâce aux services écosystémiques rendus par l’agriculture. Elle participe à la transition vers des modèles agricoles plus résilients sur les plans économique, social et environnemental et favorise la diversification des profils des porteurs de projets d’installation.

« À ce titre, elle oriente en priorité l’installation en agriculture vers des secteurs stratégiques pour la souveraineté alimentaire, adaptés aux enjeux de chaque territoire, et vers des systèmes de production diversifiés et viables humainement, économiquement et écologiquement, à travers des mesures visant à :

« 1° Faire connaître le métier d’exploitant agricole et communiquer sur l’enjeu stratégique du renouvellement des générations pour assurer la souveraineté alimentaire de la France ;

« 2° Susciter des vocations agricoles au sein du public scolaire, mais aussi parmi des personnes en reconversion professionnelle ou en recherche d’emploi ;

« 3° Proposer un accueil, une orientation et un accompagnement personnalisés et coordonnés de l’ensemble des candidats à l’entrée en agriculture, comme des personnes envisageant de cesser et de transmettre leur activité ;

« 4° Mettre en relation les porteurs de projets en agriculture et les personnes en activité agricole ou en fin de carrière agricole et favoriser ainsi la création, l’adaptation et la transmission des exploitations agricoles dans un cadre familial comme hors de ce cadre ;

« 5° Encourager les formes d’installation collective et d’installation progressive, y compris le droit à l’essai, permettant d’accéder aux responsabilités de chef d’exploitation tout en développant un projet d’exploitation ainsi que l’individualisation des parcours professionnels ;

« 6° Favoriser la fourniture d’informations claires et objectives sur l’état des exploitations à transmettre afin de garantir leur viabilité d’un point de vue économique, humain et environnemental avec les actions à mener pour préserver les capacités de production compte tenu des contraintes climatiques.

« Dans le cadre de cette politique, l’État facilite pour les agriculteurs, l’accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables. Il assure la formation aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et aux métiers qui leur sont liés, de façon adaptée aux transitions écologique et climatique, à l’enjeu de souveraineté alimentaire et aux autres évolutions économiques, sociales et sanitaires ainsi qu’au développement des territoires.

« La mise en œuvre de cette politique d’aide à l’installation et à la transmission s’appuie sur une instance nationale et des instances régionales de concertation réunissant l’État, les régions et les autres partenaires concernés. »

La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Permettez-moi une rapide digression : Mme la ministre a dénoncé les accords de libre-échange, ce que nous faisons, pour notre part, depuis des années, ce qui était assez savoureux à entendre quand on sait que son propre parti, ses amis et ses alliés mettent méticuleusement en place ces accords avec l’Union européenne…

Je reviens à l’objet de cet amendement, essentiel pour garantir la souveraineté alimentaire de la France. Nous affirmons qu’il est nécessaire que la France maîtrise son autonomie agricole et alimentaire.

L’amendement vise à inscrire dans le code rural la définition de la notion de souveraineté alimentaire, et à préciser que la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche sont d’intérêt général majeur.

En renforçant nos capacités de production nationales et en protégeant nos agriculteurs de la concurrence déloyale, nous nous assurons que chaque Français ait accès à une alimentation de qualité, tout en consolidant notre indépendance face aux aléas des marchés internationaux.

De plus, cet amendement met en avant des mesures concrètes pour atteindre nos objectifs, c’est-à-dire garantir un revenu décent aux agriculteurs, encadrer les marges abusives des multinationales, renforcer la formation agricole et assurer une politique foncière équitable.

Il vise également à corriger un biais réglementaire, en mettant fin aux surtranspositions excessives des règles européennes qui pénalisent notre compétitivité.

Enfin, en faisant de la commande publique un levier stratégique, nous privilégions les produits français dans la restauration collective, soutenant ainsi nos filières nationales.

Par cet amendement, nous fournissons donc un outil clé pour protéger notre agriculture et assurer un avenir durable à notre souveraineté alimentaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. L’avis est défavorable sur les deux amendements.

Pardon de le dire ainsi, monsieur Louault, mais nous sommes au Sénat. Nous ne critiquons pas le travail des députés, mais nous aussi avons notre mot à dire et notre travail à mener. Adopter une réécriture de l’article 1er presque identique à la rédaction de l’Assemblée nationale reviendrait à faire fi de toutes les heures que Franck Menonville et moi-même avons consacrées à nous faire une opinion objective afin de proposer une rédaction qui corresponde au Sénat.

En outre, l’adoption de l’amendement n° 657 rectifié quater reviendrait sur notre proposition de réserver l’article 1er à la souveraineté alimentaire, et de déplacer les mesures relatives à l’installation à l’article 8. En effet, dans la rédaction de votre amendement, ces deux domaines sont de nouveau mélangés.

De plus, dans une sorte de liste à la Prévert, l’amendement vise à établir trente priorités en faveur de la souveraineté alimentaire, tandis que nous essayons de les regrouper en quatre grandes priorités, même si nous accepterons la proposition d’en faire figurer une cinquième, à savoir la sécurité sanitaire et alimentaire.

Je ne dis pas que tout est parfait et que notre travail ne peut pas être amélioré, mais nous n’avons pas du tout suivi la même logique.

J’y insiste, votre amendement reprend exactement la rédaction de l’Assemblée nationale, alors que nous avons voulu séparer la question de souveraineté alimentaire, d’une part, de celle de l’installation et de la transmission, d’autre part. Nous avons également cherché à clarifier l’ensemble.

Comme vous le verrez à l’occasion de l’examen d’un des amendements suivants, en retirant les grands principes de l’article 1er, nous avons cherché à sortir du programmatique pour faire du normatif, afin de leur donner une portée plus importante. Avec la réécriture totale que vous proposez, votre amendement relève, au contraire, du début jusqu’à la fin du programmatique.

Je reconnais qu’il est difficile de comprendre notre démarche alors que nous nous apprêtons à débattre en discussion commune de trente-trois amendements qui n’ont pas tous trait au même sujet. Je vous demande simplement de nous faire confiance.

Nous avons essayé de réécrire l’article pour faciliter la compréhension du sens de cette loi, qui, malheureusement, lorsqu’elle nous est arrivée de l’Assemblée nationale, s’est avérée être quelque peu décousue ou, tout du moins, n’avait pas l’architecture que nous souhaitions lui donner.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. D’abord, je tiens à vous remercier, messieurs Louault et Hochart, pour l’important travail conduit, lequel mérite objectivement d’être salué.

Le Gouvernement a rédigé un texte que les députés ont longuement examiné et largement amendé, de façon démocratique, chacun ayant soumis ses idées, puis le Sénat y a apporté sa contribution légitime, en choisissant de changer l’ordre d’ensemble. Messieurs les sénateurs, vous proposez chacun d’y substituer encore un nouvel ordre… Cette histoire est sans fin !

Lorsque j’ai découvert les propositions de votre assemblée, je me suis demandé s’il fallait me battre pour réinstaurer la structure de l’Assemblée nationale ou accepter, même si nous n’étions pas tout à fait d’accord, la proposition des rapporteurs. J’ai choisi de me concentrer sur les points les plus importants pour le Gouvernement.

Nous souhaitons « challenger » le Sénat que sur quelques propositions, et nous en resterons là. Il faut savoir arrêter de réécrire sans cesse cet article, qui est d’une densité exceptionnelle. Il contient de nombreuses notions fondamentales, étant, comme l’est tout article 1er, le socle principiel du texte.

Aussi, concentrons-nous sur l’essentiel, d’autant que je suis certaine, messieurs les sénateurs, que vous contribuerez avec richesse au débat étant donné l’ampleur de votre travail.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. J’ai perdu cet arbitrage, d’accord, mais il fallait reconnaître le travail de l’Assemblée nationale parce que nous nous retrouverons après en commission mixte paritaire (CMP) et qu’il faudra qu’elle soit conclusive. Je vous souhaite bon courage pour y parvenir si nous passons au forceps une rédaction totalement nouvelle de l’article en faisant fi des rédactions précédentes !

Monsieur le rapporteur, il faut lire correctement ma proposition : « 1° Avant l’article L. 1, sont insérés deux articles L. 1 A et L. 1 B ». Ces articles forment un chapeau, exactement comme dans votre amendement n° 907 : ils se situent avant l’article L. 1 et sont de portée normative. Je veux bien que vous me racontiez des histoires, mais, pour l’affirmer de manière un peu sèche, nos amendements sont exactement les mêmes !

Puisque notre amendement ne sera pas adopté, je tenterai de réintroduire en partie ses dispositions, même si j’entends l’argument des apports du Sénat. Je ne suis pas borné au point de réclamer du rapporteur de prendre la copie de l’Assemblée nationale ! J’ai la fierté de siéger dans notre assemblée, et je fais miennes les spécificités de l’institution. Je n’envie pas du tout les députés, surtout en ce moment…

Mes chers collègues, je vous demande donc de garder en tête mon amendement, car il reviendra par morceaux tout au long de nos débats. Je trouve important de me battre sur quelques points comme je viens de le faire.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 657 rectifié quater.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 452.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trente-trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 289 rectifié ter est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 905 est présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 2 à 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 289 rectifié ter.

M. Olivier Jacquin. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 2 à 5 introduits par les rapporteurs en commission. L’inscription des notions de « potentiel agricole » dans le champ de protection des intérêts fondamentaux de la Nation et de « non-régression de la souveraineté alimentaire » soulève de trop nombreuses questions pour voter le texte en l’état.

D’une part, nous nous interrogeons sur l’adéquation de ces concepts avec nos engagements environnementaux et avec la nécessité de réaliser un véritable virage agroécologique, que nous appelons de nos vœux. En effet, l’orientation très productiviste que sous-tendent ces notions, particulièrement celle d’une « amélioration constante » du « potentiel agricole », rendrait impossible toute décision politique qui n’irait pas uniquement dans le sens d’un accroissement du volume produit.

D’autre part, nous considérons comme disproportionné de mettre au même niveau le potentiel agricole, l’indépendance de la Nation, la sûreté nucléaire ou encore la sécurité militaire. À ce titre, nous tenons à rappeler qu’une telle opinion ne constitue pas une posture dogmatique de notre part : le Conseil d’État avait également émis dans son avis de fortes réserves concernant cette notion, proposant de la supprimer au motif que la portée d’une telle mention n’était « pas claire » et que son utilité était « douteuse ».

Dans ces conditions, les alinéas 2 à 5 nous semblent au mieux totalement incantatoires et inutiles, donc sources de promesses vides à destination de nos agriculteurs. Au pire, ils risquent d’entraîner une paralysie de nos politiques publiques, particulièrement celles qui n’iraient pas uniquement dans le sens du productivisme.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 905.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Madame la présidente, je le présenterai au moment de mon avis sur l’ensemble des amendements en discussion commune.

Mme la présidente. L’amendement n° 656 rectifié quater, présenté par MM. V. Louault, Capus et Médevielle, Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Laménie, Brault, Chevalier, Rochette et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et M. Malhuret, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 à 5

Remplacer ces alinéas par douze alinéas ainsi rédigés :

1° Au début sont ajoutés deux articles L. 1 A et L. 1 B ainsi rédigés :

« Art. L. 1 A. – I. – La protection, la valorisation et le développement de l’agriculture, l’élevage, le pastoralisme, la pêche, l’aquaculture et l’apiculture, en tant qu’elles garantissent la souveraineté et la sécurité alimentaire de la Nation, en ce qu’elles participent à la décarbonation, à la protection des écosystèmes, et à l’adaptation au changement climatique, sont d’intérêt général majeur, et contribuent à la défense des intérêts fondamentaux tels que définis à l’article 410-1 du code pénal.

« On entend par souveraineté agricole et alimentaire, le droit de chaque pays de maintenir et de développer ses systèmes d’exploitation agricoles afin de garantir sa propre capacité à produire son alimentation et aux fins de fournir à l’ensemble de la population une alimentation saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous tout au long de l’année et issue d’aliments produits de manière durable. À ce titre, elle garantit aux exploitants agricoles la liberté de gérer leur capacité et leur mode de production. Les productions nationales par filière doivent tendre à être excédentaires par rapport aux consommations nationales sur ces mêmes filières

« On entend par sécurité alimentaire la capacité à assurer à toute personne et à tout moment un accès physique et économique aux denrées alimentaires dont elle a besoin.

« On entend par sécurité sanitaire alimentaire, la capacité à assurer la sécurité et la qualité sanitaires de notre alimentation, par l’évaluation des risques sanitaires dans les domaines de l’alimentation, de l’environnement et du travail, avec une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes, en reconnaissant que la santé des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l’environnement en général, y compris des écosystèmes, est étroitement liée et interdépendante.

« Les politiques publiques et les règlements ayant une incidence sur l’agriculture, la pêche et l’aquaculture respectent le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire selon lequel la protection du potentiel agricole de la Nation ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment.

« Art. L. 1 B. – I. Six mois avant le début des négociations de chaque cadre financier pluriannuel de l’Union européenne, le Gouvernement transmet (pour avis aux commissions compétentes) au Parlement une programmation pluriannuelle de l’agriculture pour les sept années couvrant le prochain cadre financier (ou fixée par décret) qui définit les modalités d’action des pouvoirs publics pour atteindre les objectifs définis aux articles L. 1-A, L. 1, L. 2, L. 3 et L. 4 du code rural et de la pêche maritime ainsi que par la présente loi.

« Cette programmation pluriannuelle de l’agriculture détermine notamment des objectifs de production par filière et la stratégie mise en œuvre pour atteindre ces objectifs. Ces objectifs doivent tendre à être excédentaires par rapport aux consommations nationales sur celles-ci.

« Le Gouvernement publie annuellement des données de production par filière permettant d’apprécier l’évolution de leur trajectoire de production.

« S’il est constaté pendant deux années consécutives un écart important entre la trajectoire de production observée de certaines filières et la trajectoire déterminée par la programmation pluriannuelle de l’agriculture, le Gouvernement transmet un rapport aux commissions compétentes du Parlement, exposant les raisons de l’écart et les mesures de correction envisagées. Ce rapport précise les mécanismes, notamment sous la forme d’aides, y compris européennes, mis en œuvre permettant de corriger les écarts observés.

« La programmation pluriannuelle de l’agriculture fait l’objet d’une synthèse pédagogique accessible au public.

« Le décret prévu au X alinéa du présent X précise les objectifs et les priorités d’action de la politique agricole nationale tel que mentionné au présent X. » ;

II. – Alinéas 15 à 18

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Vincent Louault.