M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Dans mon exploitation, j’utilise la traite robotisée depuis quinze ans. Monsieur Salmon, il faudrait que vous veniez, mon épouse vous en expliquerait le fonctionnement. Elle vous ferait comprendre que lever les bras deux fois par jour pour brancher environ cent vaches aux trayons n’est pas forcément ce que le métier offre de plus passionnant.

Disposer de la technologie de la traite robotisée lui permet de redoubler d’attention envers ses animaux. En effet, elle consacre à ses vaches le temps qu’elle aurait passé au fond de la fosse à brancher les trayons. Ainsi, elle observe leur manière de se comporter et leur apporte tous les soins nécessaires.

La technologie et l’innovation ne doivent pas être niées. Au contraire, elles permettent d’accompagner les éleveurs dans le cœur même de leur métier en diminuant les pratiques répétitives et usantes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Nous sommes totalement d’accord avec vos propos, monsieur le rapporteur : la technologie doit servir à travailler mieux en réalisant moins d’efforts. En effet, comme vous le reconnaissez vous-même, le problème est que nos agriculteurs travaillent 70 heures par semaine. Une telle situation n’est pas acceptable !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ils ne s’en plaignent pas !

M. Guillaume Gontard. Il faut donc œuvrer à mieux répartir les tâches. Nous pointons précisément du doigt cet état de fait : la technologie doit être accompagnée de changements de pratique.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. De toute manière, sur ce sujet, nous ne nous entendrons pas. Comme M. le rapporteur vient de bien l’expliquer en prenant l’exemple de la traite des vaches laitières, la technologie apporte des réponses et c’est valable pour de nombreuses productions.

Les écologistes veulent enlever le mot « scientifiques ». Je les retrouve bien là ! Ils pourront ainsi raconter tout ce qu’ils veulent et faire passer les légendes urbaines pour des vérités. (M. Guillaume Gontard sexclame.) Au bout du compte, ils porteront atteinte à notre agriculture, qui souffre énormément de ces discours répétés en permanence.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Mon intervention n’aura pas la saveur de celle de M. le rapporteur, qui parlait d’expérience. Je tiens toutefois à mettre en avant à quel point la technique a facilité le travail de nos éleveurs et de nos agriculteurs.

M. Guillaume Gontard. On vient de le dire ! Je vous remercie d’appuyer nos propos, madame la ministre !

Mme Annie Genevard, ministre. Il ne faut pas adopter une vision antitechniciste, qui serait selon moi inappropriée.

Je crois énormément aux apports que représenteront à l’avenir les technologies.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Bien sûr !

Mme Annie Genevard, ministre. De fait, il existe déjà des dispositifs qui permettent par leur précision de réaliser des économies de consommation d’intrants phytopharmaceutiques, sur lesquels vous exprimez souvent votre préoccupation, messieurs Gontard et Salmon. Ces outils répandent le produit de manière parcimonieuse aux endroits qu’il faut. L’arrachage mécanique est également une technique d’avenir.

En revanche, si vous demandez l’origine des technologies agricoles dans quelque exploitation que ce soit, vous découvrirez – je le concède – qu’elle est souvent étrangère. Nous avons perdu de la souveraineté en la matière (M. Guillaume Gontard acquiesce.) et pouvons d’autant plus le déplorer que je suis convaincue que la technique sera amenée à se développer plus encore.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Je vais me faire un peu plaisir… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Laissez-moi vous expliquer pourquoi l’association de la technologie, de la robotisation et de l’innovation à l’expérience de l’éleveur permet à tout le monde d’y gagner.

Dans une salle de traite traditionnelle, lorsqu’une vache est atteinte de mammite, c’est-à-dire d’une infection de la mamelle, la maladie est constatée lors de l’apparition des signes cliniques de l’infection, à savoir au moment où l’on tire le lait et que l’on y trouve des caillots. Il faut alors se débarrasser de ce liquide impropre à la consommation humaine, et ce tant que la vache lutte contre la maladie.

La traite robotisée permet d’intervenir bien avant l’apparition des signes cliniques, et pour une raison simple : la traite robotisée a ceci de particulier que la vache se rend d’elle-même à la machine. Comme nous, lorsque nous commençons à souffrir d’un rhume ou d’une grippe, si elle est malade, la vache limite ses déplacements ou reste couchée. Le matin, en voyant sur son ordinateur que telle vache n’est pas passée dans le robot, mon épouse lui portera une attention toute particulière. Dans une salle de traite traditionnelle, elle ne s’en rendrait compte que le lendemain ou le surlendemain, une fois que seraient apparus les signes cliniques.

Voilà donc les avantages de l’expérience, de la robotisation et de l’innovation. Il faut non pas les opposer, mais trouver, au contraire, tous les moyens de les exploiter au maximum. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Vincent Louault et Bernard Buis applaudissent.)

M. Laurent Burgoa. Très bien !

M. Jean-François Husson. On sent le vécu !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Je n’aurais jamais pensé parler de mes vaches dans l’hémicycle…

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 691.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 302 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 26

Après les mots :

techniques et scientifiques

insérer les mots :

de lutte et

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 26, en indiquant que la recherche de « solutions techniques et scientifiques » doit participer tout autant à l’« adaptation au changement climatique » qu’à la lutte contre ce phénomène.

Ce faisant, il s’agit de préciser que notre agriculture doit contribuer, au même titre que d’autres pans de notre économie, à la lutte contre le changement climatique et à l’atténuation de ses effets.

Selon nous, cette précision, qui peut apparaître à la marge, reflète l’attitude que nous devons adopter face au changement climatique actuel : soit nous adoptons une attitude passive, qui aurait l’adaptation pour seul objectif, soit nous choisissons une attitude plus active, en recherchant des solutions pour lutter contre ce changement et en atténuer les conséquences.

À titre d’illustration, le virage agroécologique de notre agriculture, que nous appelons de nos vœux, serait une solution active.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. (Marques de surprise feinte sur les travées du groupe SER.)

L’agriculture s’est toujours adaptée aux évolutions du climat, quelle qu’ait été leur nature.

Lutter, c’est résister à un phénomène négatif. Or le changement climatique ne va pas s’opérer de manière identique sur l’ensemble du territoire.

Chez moi, à 850 mètres d’altitude, le changement climatique élargit les périodes de culture et améliore les stocks fourragers, apportant ainsi une solution à un problème qui s’est posé pendant des siècles. Rappelez-vous qu’au début du XIXe siècle il arrivait que des agriculteurs perdent leurs vaches en pleine sécheresse, car ils n’avaient plus les moyens de les nourrir !

Je suis issu d’un territoire où, il fut un temps, il fallait couper les branches des frênes et récupérer leurs feuilles pour éviter que les vaches ne meurent de faim ! Aujourd’hui, plus personne ne grimpe aux arbres pour nourrir ses troupeaux !

M. Laurent Burgoa. Si, dans le Tarn, le long de l’A69 !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. C’est en tout cas rarement le cas !

Pourtant, selon vous, il faudrait « lutter ». Je ne nie pas l’évolution du climat, mais il faut mettre un terme à cette stigmatisation !

Appuyons-nous sur les forces de l’agriculture, qui, pendant des siècles, a toujours évolué face au changement. Au lieu de leur imposer une méthode, laissons faire les agriculteurs : ils se sont toujours adaptés. L’agriculture est performante en la matière.

D’ailleurs, s’ils n’avaient pas su faire preuve de cette qualité, les agriculteurs ne travailleraient pas 70 heures par semaine quand le reste de la société n’en travaille que 35… (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Et sans avoir à grimper aux arbres !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. La lecture de cet amendement donne le sentiment que les agriculteurs seraient les acteurs du changement climatique,…

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Vous avez tout à fait raison.

Mme Annie Genevard, ministre. … le terme de « lutte » que vous souhaitez introduire donnant l’impression qu’ils devraient lutter contre eux-mêmes pour empêcher le changement climatique. Tout cela me dérange.

Je ne veux pas laisser prospérer cette ambiguïté. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Le précédent débat m’avait laissé l’impression que nous étions tous d’accord pour sortir de l’obscurantisme et de la négation des tabous et que nous étions prêts à regarder les réalités en face, en faisant montre d’un esprit un tant soit peu scientifique.

Quelle absurdité que de considérer que l’agriculture serait finalement la seule activité économique dans notre société qui n’émettrait pas de gaz à effet de serre et qui ne participerait pas au changement climatique !

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Nous n’avons pas dit cela !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-François Husson. C’est une déformation des propos tenus !

M. Ronan Dantec. Nous retombons dans l’obscurantisme.

J’aurais cru que tout le monde était prêt à faire preuve de sérieux dans nos débats. Je pourrais moi aussi m’exprimer longuement sur la mammite. Au fond, c’est un peu ma jeunesse !

Comment ne pas reconnaître que l’agriculture représente une part significative des émissions de gaz à effet de serre de notre pays ? Ce n’est pas stigmatiser les agriculteurs que de le dire. Au contraire, c’est en refusant de le reconnaître que nous ouvrons la voie à la stigmatisation.

Nous touchons là au cœur de ce débat : soit l’agriculture assume la totalité de ses externalités, comme le reste de la société française, et alors nous pouvons chercher des améliorations, soit nous refusons de mettre les mots sur cette réalité. Je citerais bien Camus, mais, à force de répéter ses phrases justes, on finit par en éteindre la portée.

Refuser d’inscrire la lutte contre le changement climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture française dans le texte, c’est refuser l’approche scientifique dans laquelle vous souhaitiez nous engager collectivement il y a un instant.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Du dogmatisme scientifique !

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote. (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Passons au vote !

M. Daniel Salmon. Mes chers collègues, cela vaut le coup de poursuivre la discussion.

M. Jean-François Husson. Il n’y a que vous qui le dites !

M. Daniel Salmon. L’agriculture n’est pas en dehors de la société. Ce secteur doit assumer sa part dans la lutte contre le réchauffement climatique, à moins de considérer que cet enjeu n’a pas d’importance…

L’agriculture produit des gaz à effet de serre : on ne peut pas dire le contraire.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Personne ne le prétend !

M. Daniel Salmon. C’est une affirmation que je lis partout et qui me paraît tout à fait scientifiquement fondée !

Quand on plante des haies – je prends bien sûr cet exemple au hasard ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.) –, on stocke du carbone et, ce faisant, on lutte contre le réchauffement climatique.

Quand on maintient des prairies, on stocke également du carbone et, ce faisant, on lutte contre le réchauffement climatique.

Quand on fait évoluer la ration alimentaire de ses animaux, en promouvant la polyculture-élevage et en renforçant l’élevage herbager, on importe moins de soja brésilien, et, là encore, on lutte contre le réchauffement climatique.

Exclure l’agriculture de cette lutte me paraît donc préjudiciable, à la fois pour la société dans son ensemble et pour les agriculteurs. En effet, nombre d’entre eux sont totalement conscients que cela fait partie de leur travail, en tant qu’agriculteurs, mais aussi en tant que citoyens.

Ce débat me paraît donc complètement hors-sol, ce qui est bien dommage s’agissant d’un projet de loi sur l’agriculture…

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Je veux nuancer ce qui vient d’être dit.

Si je partage l’esprit qui préside aux propos qui viennent d’être tenus, il me semble que nous avons trop souvent tendance à prêter attention davantage aux émissions de gaz à effet de serre qu’au bilan global.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Et surtout aux besoins !

M. Franck Montaugé. Certes, l’agriculture émet des gaz à effet de serre, mais elle recourt aussi à des techniques qui permettent, à l’inverse, de capter du carbone.

Plutôt que d’entrer dans une logique d’affrontement, regardons les études et raisonnons en termes de bilan net. Cela apportera à ce débat davantage de sérénité. Ainsi pourrons-nous ouvrir la voie à des techniques appropriées pour réduire le bilan net de la contribution au réchauffement climatique. Voilà comment nous devrions aborder le sujet.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je veux revenir sur les gaz à effet de serre. Ces dernières années, la Commission européenne a poussé les États membres à diminuer leur cheptel.

Dans le même temps, les membres du Mercosur ont augmenté leur cheptel, qui est en quelques années devenu, dans chacun de ces pays, comparable à celui de la France !

De fait, les gaz à effet de serre qui ne sont plus émis en Europe le sont sur le continent sud-américain.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Eh oui, c’est le problème !

M. Daniel Chasseing. Au lieu de cela, nous devrions renforcer notre cheptel pour garantir notre souveraineté. Dans tous les cas, ces gaz à effet de serre sont bien émis, même si c’est en Amérique du Sud !

Plutôt que d’importer du cheptel de ces pays, augmentons notre production, en France comme en Europe.

M. Franck Menonville, rapporteur. Bravo !

M. Vincent Louault. Enfin la bonne parole !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Sans chercher à alimenter le débat, je tiens à rappeler, notamment à ceux qui nous regardent, que l’amendement dont il est question ne contient pas un seul mot sur les gaz à effet de serre !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Son objet se réduit aux trois mois suivants : « de lutte et ». Il s’agit donc seulement de lutter contre le changement climatique. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. C’est exactement la même chose !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ces réactions sont en réalité symptomatiques : dès lors que vous manquez d’arguments (Protestations sur les travées du groupe GEST.), par effet cocktail, vous déplacez le sujet du débat pour tenter de culpabiliser toute une profession.

Certes, les agriculteurs émettent des gaz à effet de serre et certains consomment peut-être du gazole non routier (GNR). À quoi voulez-vous revenir ?

M. Ronan Dantec. À la bougie !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Je le répète, cet amendement ne fait aucune mention des gaz à effet de serre.

M. Roger Karoutchi. Et voilà !

M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.

M. Michaël Weber. Ces propos sont excessifs, donc assez insignifiants.

Personne ne considère que le monde agricole est seul responsable du réchauffement climatique. Ce n’est absolument pas ce que nous avons dit, …

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ce n’est pas ce que j’ai dit non plus.

M. Michaël Weber. … et personne non plus ne souhaite revenir aux chevaux de trait ou à la bougie, contrairement à ce que vous vous plaisez à laisser croire.

Le constat est partagé par tous, y compris par le monde agricole. Les agriculteurs contribuent au réchauffement et au dérèglement climatiques, ainsi qu’aux émissions de gaz à effet de serre. Non seulement ils en sont conscients, mais ils souhaitent avoir les moyens d’inverser la situation en contribuant à la transition.

C’est le sens de nos amendements.

Monsieur le rapporteur, vous vous honoreriez à soutenir notre démarche, car, là encore, c’est de l’avenir de l’agriculture qu’il est question, un avenir que nous souhaitons tous meilleur.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 302 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 303 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 26

Après les mots :

changement climatique

insérer les mots :

et à la raréfaction des ressources naturelles

La parole est à M. Lucien Stanzione.

M. Lucien Stanzione. Cet amendement vise également à préciser l’alinéa 26, en ajoutant que la recherche de « solutions techniques et scientifiques » doit non seulement concerner l’« adaptation au changement climatique », mais également porter sur l’anticipation et l’adaptation « à la raréfaction des ressources naturelles ». En effet, celle-ci aura dès demain un impact sur tous les pans de notre économie, notamment sur l’agriculture.

Nous pensons bien entendu particulièrement à la question de l’eau et à la nécessité de trouver des modes de production plus sobres et plus résilients face à la récurrence de la sécheresse dans nos territoires. Nous avons notamment en tête la viticulture qui, dans certains territoires, pourrait disparaître purement et simplement du fait du manque de précipitations.

Nous n’oublions pas non plus l’appauvrissement de nos sols, victimes d’une agriculture trop intensive qui entraîne une chute de la biodiversité, une perte de rendement, mais également une diminution de la valeur nutritionnelle des aliments.

L’ensemble de ces facteurs doit nous pousser à des efforts accrus en matière de recherche pour rendre notre agriculture plus résiliente.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. La rédaction actuelle des alinéas 26 et 31 répond déjà à cet objectif, sans qu’il soit nécessaire d’en alourdir la rédaction.

Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 303 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 877, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 26

Remplacer les mots :

nationale et à son approvisionnement alimentaire

par les mots :

et à l’approvisionnement alimentaire nationaux ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 877.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 692, présenté par MM. Gontard et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 26

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° D’adapter les pratiques agricoles à la raréfaction de la ressource en eau ;

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. L’esprit de cet amendement rejoint le précédent. Il s’agit d’ajouter aux priorités de la politique en faveur de la souveraineté alimentaire, à la suite de l’alinéa 26, l’adaptation des « pratiques agricoles à la raréfaction de la ressource en eau ».

Cette précision me semble indispensable. Cela va d’ailleurs dans le sens des propos de M. le rapporteur, qui a très bien expliqué les problématiques liées à la raréfaction de la ressource en eau pour le monde agricole. Nous en avons notamment observé les effets dans les Pyrénées-Orientales.

Il est donc nécessaire d’adapter les pratiques, notamment au travers du choix des cultures. Aussi est-il essentiel de faire figurer cette précision dans un nouvel alinéa.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Sur mon exploitation, je dispose d’une retenue collinaire de 40 000 mètres cubes, que je remplis assez aisément et qui permet de soutenir les cultures l’été, pendant environ un mois et demi.

Le 17 octobre, à Brives-Charensac, juste en dessous de chez moi, le débit de la Loire a atteint 2 000 mètres cubes par seconde. Le calcul est facile : ma retenue collinaire aurait été remplie en vingt secondes.

S’adapter au changement climatique, c’est aussi s’intéresser à notre capacité de stockage en cas d’excès d’eau, de façon à pouvoir la réutiliser ultérieurement.

Ni la rédaction de cet amendement ni sa présentation ne me donnent le sentiment que ses auteurs partagent ma vision sur ce sujet. C’est bien cela qui me gêne ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, qui est satisfait.

Au-delà des propos du rapporteur, les agriculteurs ont compris l’enjeu de l’adaptation à la raréfaction de la ressource en eau. Le choix de cultures moins gourmandes en eau est bien entendu une voie vers laquelle nous devrons nous diriger.

Cependant, monsieur le sénateur, dans les Pyrénées-Orientales, le problème n’est pas l’adaptation à la raréfaction de la ressource en eau. De l’eau, il n’y en a tout simplement pas !

Je me suis trouvée aux côtés d’un arboriculteur, face à son champ : ses arbres étaient morts de soif.

La question n’est pas celle du choix de cultures moins gourmandes en eau, mais c’est bien celle de l’accès à l’eau !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Bien sûr !

Mme Annie Genevard, ministre. Nous aurons d’ailleurs une nouvelle fois ce débat lors de l’examen d’un autre amendement.

L’accès à l’eau est le principal problème. Je le répète : sans eau, il n’y a pas d’agriculture, il n’y a pas de vie !

Nous devons sortir de ce débat idéologique infernal qui ne fait que condamner les agriculteurs. C’est un drame absolu.

Lors de ce déplacement dans les Pyrénées-Orientales, j’ai été particulièrement marquée par la dignité de cet arboriculteur, face à la destruction totale de son outil de travail, simplement parce que l’accès à l’eau lui est interdit.

M. Akli Mellouli. Alors, comment fait-on ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il faut construire le canal qui est prévu depuis si longtemps !

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. La loi Climat et Résilience a opposé un grand nombre de difficultés à l’installation de retenues collinaires. (M. Vincent Louault acquiesce.)

Dans les Pyrénées-Orientales comme dans le reste de nos territoires, les retenues collinaires sont nécessaires pour diversifier les cultures, dans nos champs et dans nos vergers. C’est essentiel.

Ces retenues collinaires ne posent aucun problème vis-à-vis de la ressource en eau. Seule l’eau qui est tombée du ciel est retenue. Il ne s’agit pas de bassines !

Il est indispensable que nous sortions de ce débat, tant pour la diversification que pour l’avenir de l’agriculture. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Nous discutons d’un projet de loi d’orientation agricole, c’est-à-dire d’un texte qui nous donne l’occasion de décider collectivement, en toute lucidité, des défis qui sont devant nous et de la façon d’y répondre. L’alinéa 26 a précisément trait au renforcement de la recherche et de la réflexion collective pour faire face à ces enjeux.

On constate aujourd’hui une augmentation des températures en France d’environ 2 degrés Celsius, ce qui correspond à une augmentation de 1,5 degré Celsius à l’échelon mondial. À l’unanimité, le Conseil national de la transition écologique (CNTE), qui compte en son sein des représentants de la FNSEA, a émis un avis favorable sur l’élaboration d’une trajectoire d’adaptation à +4° C en 2100 pour la France métropolitaine, c’est-à-dire demain… – +4°, cela va taper très fort, et ce sont les scientifiques qui nous le disent !

Dès lors, se retrouver tétanisé au moment de réfléchir aux solutions techniques envisageables face à la raréfaction inéluctable de la ressource en eau est bien loin l’approche lucide que, compte tenu de la gravité de la situation, l’on est en droit d’attendre de la représentation nationale et du Gouvernement.

Si l’on veut sauver l’agriculture française, la gravité et la rapidité du réchauffement ne sauraient être taboues. Ce que nous devons faire désormais n’a rien à voir avec les lentes adaptations de l’agriculture française au cours des siècles, puisque nous sommes face à une situation inédite !

Refuser de mobiliser la recherche et la capacité collective à trouver des solutions face à des événements pourtant parfaitement identifiés et qui ne manqueront pas de survenir, comme vous le faites à chaque fois que nous proposons un amendement en ce sens, revient à envoyer un signal extrêmement négatif, d’abord aux agriculteurs eux-mêmes, sur la connaissance des problèmes à venir.