Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et pourquoi pas changer la Constitution tant que vous y êtes ?
M. André Reichardt. Ensuite, il nous faut vraiment trouver le moyen de protéger les maires. Lors de la réunion de notre commission des lois, ce matin, le rapporteur de la proposition de loi qu’a évoquée M. le garde des sceaux a exposé la jurisprudence en la matière. Je suis moi-même juriste…
Mmes Laurence Rossignol et Marie-Pierre de La Gontrie. Nous aussi !
M. André Reichardt. … et j’ai pourtant eu du mal à tout saisir. Dès lors, peut-on reprocher aux maires de ne pas toujours tout comprendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Mickaël Vallet. Surtout à Béziers !
impact de la hausse des cotisations employeurs de la cnracl sur les budgets locaux
M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. François Bonneau. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville.
Madame la ministre, imaginez une cuve qui convient largement aux besoins de ses utilisateurs et que l’on vient subrepticement siphonner pour d’autres usages et d’autres besoins. Un beau jour, inévitablement, elle se tarit. Alors, ceux-là mêmes qui l’ont asséchée viennent réclamer aux utilisateurs de quoi la remplir de nouveau.
Cette petite fable, c’est l’histoire de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
Depuis des années, celle-ci contribue à la solidarité nationale. Ce sont près de 100 milliards d’euros qui ont été prélevés dans cette caisse, et ce sans aucune contrepartie. Et aujourd’hui, pour la renflouer, l’État vient pomper dans les caisses des mairies, des collectivités et des hôpitaux dans des proportions insensées.
Dans le secteur privé, le taux maximal applicable à l’employeur est de 28 %. Pour l’année 2025, le Gouvernement impose aux employeurs publics un taux de 34,36 %. C’est déjà considérable, mais ce n’est que le début, car ce taux doit grimper jusqu’à 43,65 % en 2028.
Par exemple, la ville de Cognac, en Charente, a une masse salariale de 6 millions d’euros. En application du décret relatif au taux de cotisations vieillesse des employeurs des agents affiliés à la CNRACL, publié le 30 janvier 2025, sa cotisation augmentera de 200 000 euros par an pendant quatre ans. Au terme des quatre années, il lui faudra donc trouver 800 000 euros en plus dans son budget de fonctionnement.
Les élus, selon leurs propres termes, sont confrontés à un « déluge » de charges et sont « démotivés ».
La raison commande de ne pas dépasser le taux plafond de 28 % applicable au secteur privé. Cette perte de recettes pour la caisse pourrait être compensée par une fraction de CSG, comme cela était prévu à l’origine.
Madame la ministre, allez-vous entendre la voix de ces élus et réduire le taux des cotisations à la CNRACL des collectivités et des hôpitaux ? Allez-vous réfléchir à d’autres sources de financement pour équilibrer cette caisse ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur François Bonneau, vous connaissez la situation actuelle du régime de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Le déficit de la CNRACL s’élevait à 2,5 milliards d’euros en 2023 et, si nous ne faisons rien, celui-ci atteindra 11 milliards d’euros en 2030.
Vous connaissez aussi les causes de ce déséquilibre financier. Le financement de cette caisse repose exclusivement sur les cotisations de ses affiliés et de leurs employeurs. Dès lors, l’origine du déséquilibre est à chercher avant tout, comme pour tous les régimes de retraite, dans la dégradation du ratio démographique entre actifs et retraités, du fait de l’évolution de la pyramide des âges.
Par ailleurs, en tant qu’élus, vous n’ignorez pas que le recours de plus en plus fréquent à du personnel contractuel, catégorie qui n’est pas assujettie aux cotisations à la CNRACL, contribue à ce déficit. (On renchérit sur des travées du groupe SER.)
Le Gouvernement mesure combien cette caisse, par le passé, a contribué à la solidarité entre régimes, ce qui a dégradé d’autant sa propre situation.
Il faut donc trouver en urgence des solutions à cette situation. Vous savez que le Gouvernement, afin d’apporter une première réponse, a décidé le 30 janvier dernier d’augmenter de trois points par an pendant quatre ans, de 2025 à 2028, le taux de cotisations des employeurs de ce régime. (Murmures sur les travées du groupe UC.)
Je suis consciente que cette hausse est de taille. Le Gouvernement mesure l’impact qu’aura l’effort demandé. Cependant, conformément aux souhaits du Premier ministre, cette hausse est moins brutale que celle qui était prévue auparavant.
Par ailleurs – je vous remercie à ce propos de votre proposition –, nous ne perdons pas de vue les autres hypothèses, que nous ne nions pas. Plusieurs mesures sont à l’étude. En novembre 2023, le Gouvernement a saisi du problème l’inspection générale des finances (IGF), l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’inspection générale de l’administration (IGA), qui nous ont transmis un certain nombre de propositions. Celles-ci doivent bien sûr faire l’objet d’une concertation sans tabou, en bonne intelligence avec les parlementaires comme avec les employeurs territoriaux et hospitaliers.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé d’organiser une telle concertation sur les solutions qu’il convient d’apporter, afin de garantir à la CNRACL un équilibre financier durable. (M. François Patriat applaudit.)
situation sécuritaire à saint-martin
M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annick Petrus. Ma question s’adresse à M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Avec un taux de criminalité cinq fois plus élevé que dans l’Hexagone, Saint-Martin est confrontée à une insécurité croissante nourrie par le narcotrafic, la circulation illégale des armes et une délinquance de plus en plus précoce. Entre fusillades, braquages et agressions, la population est inquiète et l’image de notre territoire se détériore. Il y a encore eu deux agressions par armes à feu la nuit dernière !
Malgré une gendarmerie pleinement engagée, qui coopère de manière efficace avec la collectivité de Saint-Martin, la montée de la violence dépasse malheureusement les capacités opérationnelles. Saint-Martin subit, entre autres, une criminalité importée, alimentée par les trafics de drogues et d’armes qui transitent par la Caraïbe.
Sans un engagement accru de l’État en faveur d’un renforcement de la coopération sécuritaire avec l’ensemble des États de la région, ce phénomène risque de s’intensifier et d’ancrer durablement la violence sur notre territoire.
Il est à noter que les défaillances judiciaires et une réponse pénale insuffisante assoient un sentiment d’impunité.
Je sais que la vidéoprotection, qui relève de la compétence de la collectivité de Saint-Martin, pourrait constituer un atout supplémentaire dans cette lutte. Hélas ! ce dispositif a été détruit par l’ouragan Irma et son rétablissement n’est encore qu’au stade de l’attribution du marché. En attendant, nous devons faire face à cette insécurité avec les moyens dont nous disposons.
Monsieur le ministre, dans ce contexte, quelles actions concrètes l’État entend-il mettre en place pour mieux anticiper et enrayer cette dynamique criminelle, qui fragilise Saint-Martin et menace la stabilité de l’ensemble de la région ? Songez-vous à un renforcement de la coopération sécuritaire et judiciaire avec nos voisins les plus proches de la Caraïbe ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Annick Petrus, je partage totalement le constat que vous faites d’une dégradation du climat sécuritaire dans votre chère île de Saint-Martin.
Vous me demandez quelles mesures très concrètes nous pensons prendre : je peux déjà en évoquer trois.
La première a déjà été prise : nous avons nommé un préfet de plein exercice, alors que Saint-Martin n’avait jusqu’alors qu’un préfet délégué. Ce préfet, dont le ressort comprend aussi l’île de Saint-Barthélemy, aura comme mission centrale et prioritaire la lutte contre l’insécurité.
La deuxième réponse consiste à renforcer la présence de la gendarmerie nationale sur la voie publique, ainsi que sa surveillance des quatre points de passage avec la partie néerlandaise de l’île. Je lui ai adressé des instructions en ce sens. Le but est de pouvoir interpeller les fuyards qui iraient chercher refuge de l’autre côté de la frontière. C’est déjà ce que nous avons pu faire récemment, quand un touriste américain a reçu une balle dans le thorax : les auteurs présumés de cette attaque ont été interpellés.
Enfin, la troisième réponse consiste à durcir le dispositif sécuritaire en déployant sur l’île un escadron de gendarmes mobiles, qui pourra recevoir, ponctuellement, l’appui du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) de la Guadeloupe.
Voilà donc trois réponses très concrètes que nous apportons à la dégradation du climat sécuritaire à Saint-Martin.
Vous avez par ailleurs fait allusion au continuum de sécurité. Bien sûr, on n’obtient de résultats que lorsque le ministère de l’intérieur et les collectivités travaillent en commun. La vidéosurveillance en est une bonne illustration. Une étroite collaboration entre les deux ministères régaliens, celui de la justice et celui de l’intérieur, est de rigueur. Je me félicite à cet égard du climat de coopération qui préside à mes relations avec mon collègue le garde des sceaux.
Un autre point fondamental, vous avez eu raison de le souligner, est la lutte contre le narcotrafic, qui est un vecteur essentiel de la criminalité outre-mer, mais aussi en métropole.
À cet égard, je voudrais rendre hommage à tous les membres de la Haute Assemblée, qui ont offert à la République une formidable victoire en adoptant à l’unanimité la proposition de loi sénatoriale visant à sortir la France du piège du narcotrafic, aboutissement des travaux de votre commission d’enquête sur ce sujet. Bravo et merci à tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDPI et RDSE.)
menaces de mort à l’encontre de magistrats
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Michaël Weber. Monsieur le garde des sceaux, je remarque que le ministère de la justice possède, au fond, une curiosité anatomique, suivant l’expression appliquée à l’Allemagne, dans les années 1930, par l’écrivain Kurt Tucholsky : il écrit de la main gauche, celle des tribunaux, mais agit de la main droite, par l’expression du ministre !
Depuis deux semaines et maintenant de manière récurrente, plusieurs médias dont les propos peuvent être assimilés à ceux de l’extrême droite menacent des membres du monde judiciaire, soit au sujet d’une enquête en cours, soit dans la perspective de jeter en pâture ceux qu’ils nomment « les coupables de l’invasion migratoire ».
Parmi les personnes visées, qui ont été nommées et dont le visage a été diffusé, on trouve des avocats, mais aussi des magistrats et même des tribunaux entiers, comme le tribunal administratif de Melun – cela a été relaté ce matin même.
Tous ont fait l’objet de commentaires particulièrement haineux et abjects, que je me dois de vous citer : « Elle mérite une balle de 9 millimètres dans la tête », ou encore : « Il faut les trouver, tirer à vue et flamber leurs nids douillets ».
Monsieur le garde des sceaux, il n’est plus possible de se dissimuler derrière la dissolution de trois groupuscules d’extrême droite pour faire croire que l’affaire est entièrement résolue. La bête immonde demeure tapie dans l’ombre, d’où elle menace la stabilité de nos institutions.
Alors, que comptez-vous faire pour protéger nos tribunaux et ceux qui, chaque jour, contribuent au bon fonctionnement de notre justice ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, nous partageons tout à fait, me semble-t-il, le constat que vous avez fait.
Vous aurez sans doute remarqué, étant un sénateur averti des propos du garde des sceaux, que j’ai tenu à exprimer à plusieurs reprises un soutien absolu aux magistrats menacés.
Je l’ai notamment fait pour ceux de Marseille. En effet, quand on parle de magistrats menacés, il faut aussi penser à ceux qui sont sous protection policière parce qu’ils sont menacés par les narcotrafiquants. Il me semble que notre coopération avec le groupe socialiste sur ce sujet illustre bien notre attachement à protéger ces victimes de menaces : les magistrats, bien sûr, mais aussi les agents de l’administration pénitentiaire qui se voient privés de leur liberté, de celle d’embrasser leurs enfants, parce qu’ils sont soumis aux menaces récurrentes de narcotrafiquants, de terroristes islamistes – vous n’avez pas fait allusion à ces derniers – ou de toute autre personne cherchant à attaquer un principe qui nous est plus cher que tout, à savoir l’indépendance de la justice.
Je suis également très attaché à la défense de la liberté des avocats. En témoigne le soutien public que j’ai apporté très récemment aux avocats spécialisés dans le droit des étrangers à la suite d’attaques parues dans une revue d’extrême droite : j’ai tenu à écrire à ces avocats, ainsi qu’à la présidente du Conseil national des barreaux, pour leur apporter tout mon soutien, car il ne faut jamais confondre l’avocat et son client.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Les magistrats, les avocats, les greffiers et les agents de l’administration pénitentiaire, mais aussi les policiers et les gendarmes, tous ceux en somme qui contribuent à l’autorité de l’État, doivent être intégralement protégés.
C’est la raison pour laquelle, au-delà du soutien public que je leur ai accordé, le Gouvernement a fait en sorte, par l’action du ministère de l’intérieur et des préfets, qu’ils soient tous protégés, y compris – vous comprendrez que je ne puisse entrer ici dans le détail – physiquement par des policiers et des gendarmes, mais aussi psychologiquement.
Nous sommes évidemment mobilisés pour protéger les palais de justice, les cabinets des juges et – c’est bien légitime – tous les lieux où les avocats exercent leur activité.
La question de la protection de la chaîne pénale, de son indépendance et de sa liberté est une question éminemment républicaine. Elle ne donne lieu à aucune division entre nous.
Je tiens enfin à rappeler que, lors du récent procès impliquant l’extrême droite, j’ai tenu à écrire personnellement aux magistrats et à leur exprimer publiquement mon soutien, tout en leur garantissant, bien évidemment, une protection par les forces de l’ordre de la République. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour la réplique.
M. Michaël Weber. Monsieur le garde des sceaux, j’entends vos propos, mais je constate que le Gouvernement contribue à cette ambiance. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Ainsi, le Premier ministre reprend à son compte le mythe de la « submersion migratoire », pourtant démenti par les chiffres de l’Insee. Le ministre de l’intérieur remet en cause le droit du sol et s’en prend ouvertement à l’État de droit. Enfin, la frénésie législative sur l’immigration joue sur les peurs, au détriment des droits indivisibles des personnes, de la réalité des mouvements migratoires et du respect de l’État de droit, qui garantit à tous dignité, justice et égalité.
M. Michaël Weber. La France a besoin de se rassembler ; votre gouvernement la divise ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
suppression de classes de primaire en zone rurale
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Monsieur le Premier ministre, madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, je tiens à associer à cette question mon collègue Daniel Gueret, élu d’Eure-et-Loir, mais aussi bien d’autres membres de notre assemblée.
Ma question n’a pas pour seul objet le service public de l’éducation. Certes, celui-ci connaît partout une démographie en baisse, mais on ne saurait justifier une approche territoriale aveugle et brutale.
Cette question revêt au moins trois aspects : premièrement, une dimension d’aménagement du territoire, à laquelle je vous sais attachés ; ensuite, une question de cohérence, donc de confiance : ce que l’on décide à Paris doit s’appliquer sur le terrain, pour ce qui concerne l’école comme pour l’urbanisme ou la sécurité des Français ; enfin, une part plus existentielle, qui fait écho à la question que vous avez posée, monsieur le Premier ministre : « Qu’est-ce qu’être Français ? »
En fait, c’est sur notre triptyque républicain – liberté, égalité, fraternité – que portent nos interrogations quand il est question de nos écoles et de la carte scolaire : la liberté de vivre où l’on veut ; l’égal accès au service public ; enfin, la promesse fraternelle faite à tout Français qu’il pourra s’élever grâce à l’école.
Alors, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, allez-vous, dans le Cantal et dans l’Allier comme partout en France et, d’abord, dans la ruralité de montagne, respecter l’engagement national et démocratique, que nous avons pris collectivement dans l’intérêt de l’enfant, de ne pas supprimer de postes devant les élèves, dans nos écoles ?
Allez-vous donner des instructions en ce sens à une administration qui ignore ce que le Parlement décide ? Allez-vous ainsi mettre un terme au psychodrame qui se joue partout dans nos territoires et tue la confiance ?
Aussi, de grâce, ne me parlez pas de chiffres ! Il n’y a qu’une équation qui vaille : zéro égale zéro ! Pas de suppression de postes dans le budget, cela signifie aussi : pas de suppression de postes en solde net dans nos départements ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Sautarel, vous le savez, nous faisons le constat d’une baisse démographique importante dans notre pays : 800 000 élèves de moins en dix ans. À la rentrée 2025, nous accueillerons 100 000 élèves de moins qu’en 2024 ; la différence est de 80 000 dans le premier degré.
Pour autant, comme vous l’avez souligné, nous avons fait de l’éducation nationale une des principales priorités de notre pays. La traduction de ce choix dans le budget pour 2025, désormais adopté par le Parlement, est l’annulation des suppressions de postes initialement prévues. Ainsi, nous avons décidé de faire de la baisse démographique un levier pour la réussite de nos élèves, pour la réduction des inégalités sociales et territoriales, et pour l’accélération des politiques prioritaires que sont pour nous la poursuite du déploiement de l’école inclusive et la reconstitution des brigades de remplacement.
Certes, la stabilité du nombre de postes ne signifie pas une absence de fermetures de classes. À l’évidence, nous pouvons encore améliorer notre approche, en partageant les constats et en construisant ensemble les réponses.
En tant que Première ministre, j’avais demandé que les cartes scolaires soient élaborées de façon pluriannuelle.
M. Stéphane Sautarel. Cela ne fonctionne pas !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Les observatoires des dynamiques rurales constituent un autre élément de réponse ; ils doivent nous permettre d’améliorer les échanges entre les directeurs académiques des services de l’éducation nationale (Dasen) et les élus pour l’élaboration de la carte scolaire.
M. le sénateur Delcros et vous-même, élus du Cantal, m’avez interrogée sur la situation spécifique de ce département. Selon les projections démographiques dont nous disposons, on y comptera à la rentrée prochaine 145 élèves de moins que cette année dans le premier degré. Je prends devant vous l’engagement que le nombre d’élèves par classe, qui est actuellement de 21, n’augmentera pas ; par ailleurs, le maillage territorial continuera à répondre au mieux aux besoins des familles.
Mes équipes et moi-même nous tenons à votre disposition, messieurs les sénateurs, pour examiner plus précisément les conditions d’élaboration de la carte scolaire dans votre département. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.
M. Stéphane Sautarel. Madame la ministre, vous comprendrez que votre réponse ne me satisfait pas : je vous demandais de ne pas citer de chiffres ; or vous m’en avez abreuvé !
Alors, je veux vous en donner quelques autres : pour 145 élèves de moins, on propose 11 suppressions de classes dans le Cantal, alors qu’un département voisin ne devrait connaître qu’une seule suppression de classe, pour 758 élèves de moins ! On peut jouer avec les chiffres autant qu’on veut, mais la réalité est que le programme France Ruralités Revitalisation, que vous aviez pourtant lancé en tant que Première ministre, n’est pas respecté aujourd’hui !
Je veux en conclusion m’adresser à M. le Premier ministre. Être Français, monsieur le Premier ministre, c’est peut-être d’abord pouvoir, grâce à l’école rurale de son village, qu’il se nomme Montboudif ou Bordères, devenir un jour Georges Pompidou ou François Bayrou ! Merci de nous aider à conserver cette perspective et cette promesse ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
avenir du service universel de la poste
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Chaize. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur le ministre, vous n’ignorez pas que la désignation de La Poste comme prestataire du service universel postal ne court que jusqu’au 31 décembre 2025. Or, à ce jour, la procédure au terme de laquelle sera désignée l’entreprise qui aura la charge de cette mission à compter du 1er janvier 2026 n’a toujours pas été lancée par les services de l’État.
De mon point de vue, sans préjuger du résultat de cette procédure, il ne fait pas de doute que le groupe La Poste présente toutes les compétences humaines et les infrastructures nécessaires pour mener à bien cette mission.
Il paraît cependant important que les parlementaires puissent avoir un débat de fond sur le service universel postal, ainsi que sur les autres missions de service public confiées au groupe La Poste, notamment sa mission d’aménagement du territoire.
Dans un rapport publié en mai 2023, la Cour des comptes estimait que l’accélération de la baisse du volume du courrier, du nombre d’exemplaires de presse distribués et de la fréquentation des points de contact postaux conduirait à creuser de nouveau fortement le déficit des missions de service public de La Poste entre 2025 et 2030. Rappelons que le déficit brut cumulé pour ces quatre missions dépasse déjà 2 milliards d’euros. La Cour des comptes indiquait notamment que, face à ce défi, l’augmentation du montant des compensations ne saurait constituer une solution et qu’une redéfinition profonde du cadre et du contenu de ces missions était nécessaire.
Compte tenu des enjeux économiques, sociaux et territoriaux de ces missions de services publics, il est urgent que ces réformes fassent l’objet d’une réflexion dans la perspective de l’échéance de la fin de l’année.
C’est pourquoi je souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet majeur d’aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification. Monsieur le sénateur, je voudrais avant tout vous confirmer que le Gouvernement est particulièrement attaché aux missions de service public de La Poste comme au maintien du service universel postal.
Comme vous l’avez rappelé, une procédure doit être lancée, dans les règles de l’art, pour préparer la période qui, aux termes de la loi et des règles européennes applicables en matière de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination, doit s’ouvrir à compter du 1er janvier 2026.
À cette fin, une consultation publique est indispensable. Cela ne nous empêche pas de mener, dès aujourd’hui, une réflexion pointue sur les missions de La Poste, ce grand groupe français dont je tiens à rappeler qu’il ne s’occupe pas uniquement, contrairement à ce qu’on pourrait croire à l’écoute de votre question, de l’acheminement du courrier. D’ailleurs, si c’était le cas, La Poste serait en grande difficulté au vu des profondes transformations actuelles de son activité.
Vous avez aussi évoqué l’aménagement du territoire. En tant que maire d’Ajaccio, j’avais rencontré le président-directeur général de La Poste, M. Philippe Wahl, pour évoquer les missions que son groupe peut exercer en matière de logistique. La Poste peut pleinement se saisir selon moi de telles missions d’aménagement du territoire.
Le Gouvernement nourrit également de grandes ambitions pour ce qui concerne les maisons France Services. Vous n’ignorez pas que La Poste héberge aujourd’hui, dans toute la France, quelque 400 espaces France Services. Cette mission nouvelle assumée par La Poste peut être considérée comme une réussite ; je le dis sous le contrôle de ceux de mes collègues qui ont déjà visité de tels espaces implantés au sein des bureaux de poste. Nous allons poursuivre l’extension de cette offre, qui correspond, selon moi, à l’une des missions nouvelles que le groupe peut exercer.
Je veux en conclusion vous remercier d’avoir posé cette question, car j’estime que les Françaises et les Français, notamment dans les territoires ruraux, sont extrêmement attachés aux services publics postaux. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)