M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, je partage certains des éléments de votre propos, au premier rang desquels, bien évidemment, le fait que la diversité est une richesse. Puisque vous citiez le président Chirac, je citerai moi-même un extrait de son discours de Troyes. Il y disait en substance : « La force d’une nation, c’est sa cohésion. Son moteur, c’est l’égalité des chances. »
Effectivement, l’égalité des chances entre chacun de nos concitoyens est un élément clé, que l’on soit une personne handicapée, une personne âgée ou un jeune enfant : un tel principe doit évidemment nous guider.
Puisque vous m’interpellez sur l’allocation aux adultes handicapés (AAH), je rappelle qu’en 2025 le nombre de bénéficiaires s’établit à 1,35 million, un chiffre qui a augmenté de façon tout à fait remarquable. Je rappelle également qu’au cours du quinquennat a été décidée la déconjugalisation de l’AAH. C’était une demande fort ancienne, c’est devenu une possibilité : il est important de le souligner.
Vous dites que beaucoup reste à faire. Pour l’avoir dit moi aussi, je partage votre point de vue : nous devons continuer à agir. Finalement, célébrer l’anniversaire d’une politique publique, c’est l’occasion non seulement de regarder ce qui a été fait, mais également de mesurer le chemin qui reste à parcourir. À cet égard, il y a ce que je viens d’évoquer voilà un instant, c’est-à-dire, très concrètement, une augmentation dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale en faveur de l’accompagnement.
Vous parliez de la situation en matière d’emploi. Le taux de chômage des personnes handicapées s’élève, au moment où je vous parle, à 12 %. S’il est supérieur, vous avez raison, à celui de l’ensemble de la population – 4 points de plus en moyenne –, il représente tout de même 6 points de moins par rapport à l’époque de la loi de 2005.
C’est dire si, là aussi, il y a eu des progrès. Continuons ensemble, car, sur un tel sujet, nous pouvons nous retrouver de manière transpartisane. (MM. François Patriat et Stéphane Demilly applaudissent.)
seuil de tva applicable aux autoentrepreneurs
M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean Hingray. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur le ministre, « Ma petite entreprise, connaît pas la crise […] », chantait Alain Bashung en 1994. Et pour cause, c’était avant la baisse des seuils de franchise de TVA pour les autoentrepreneurs. (Sourires.) Une mesure brutale, à la fois sur le fond et sur la forme, qui nous plonge collectivement dans l’embarras.
Sur le fond, les autoentrepreneurs sont montés au créneau, et nous les comprenons. Beaucoup n’y survivront pas, sauf à basculer dans le travail dissimulé.
C’est bien pourquoi le montant des recettes annoncé pour cette mesure a varié du simple au double. Bercy en attendait 800 millions d’euros au départ ; aujourd’hui, on nous annonce 400 millions d’euros. L’administration aurait-elle donc anticipé la fraude à venir ? La ministre chargée du commerce a annoncé hier à l’Assemblée nationale avoir demandé une étude d’impact. N’est-ce pas désavouer une fois de plus les chiffres donnés précédemment ?
Sur la forme, l’amendement, adopté au Sénat un dimanche après-midi au milieu d’une batterie de secondes délibérations, n’a jamais été à proprement parler débattu par l’ensemble du Parlement. Il n’a pas été supprimé ensuite, ni lors de la réunion de la commission mixte paritaire ni, par conséquent, dans le cadre du texte considéré comme adopté en application de l’article 49.3.
Pour couronner le tout, monsieur le ministre, face à l’émoi suscité par la mesure, nous avons appris à la télévision que vous entendiez désormais la suspendre. Je m’interroge sur la légitimité démocratique de cette démarche.
Ma question est en conséquence double.
D’un point de vue formel, comment ferez-vous pour suspendre la mesure avant son entrée en vigueur prévue le 1er mars prochain ? Envisagez-vous une loi de finances rectificative pour revenir sur cette disposition ? Avec un peu de malice, je suis tenté de vous demander, monsieur le ministre, si vous comptez soutenir la proposition de loi de La France insoumise (LFI) à l’Assemblée nationale… (Sourires.)
Sur le fond, au-delà de la concertation annoncée, allez-vous proposer une étude approfondie de la fiscalité des autoentrepreneurs nous permettant de légiférer rapidement et dans de bonnes conditions ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Hingray, je vous remercie de nous soumettre cette question importante.
Comme vous l’avez mentionné, la mesure sur la franchise de TVA des autoentrepreneurs a été introduite le 1er décembre 2024 à l’article 10 du projet de loi de finances pour 2025. Pour rappel, cette franchise de TVA concerne actuellement deux millions d’entreprises dont le chiffre d’affaires est en deçà d’un certain seuil.
Je précise que la disposition votée dans le cadre du projet de loi de finances ne remet en aucun cas en cause le régime fiscal des microentrepreneurs et les avantages sociaux associés. Cependant, vous avez raison de le souligner, cette réforme n’a pas fait l’objet d’un débat suffisamment approfondi. Aussi avons-nous décidé, avec la ministre chargée du commerce, Véronique Louwagie, de nous donner le temps de la concertation et de la suspendre, de sorte à dialoguer avec l’ensemble des parties prenantes.
Cela étant, j’attire votre attention sur le fait que le dispositif que nous avons introduit a été réclamé dans certains secteurs, notamment par les entrepreneurs du bâtiment, qui s’estimaient soumis à une concurrence inéquitable, et qu’il n’est donc pas sorti du néant. Cet abaissement du seuil de franchise de TVA répondait à une demande de rééquilibrage de la part de certains professionnels.
Comme vous l’avez fait valoir, cette mesure est censée s’appliquer à partir du 1er mars. La concertation devant aboutir avant la fin du mois de février, nous déciderons à ce moment-là, en fonction des résultats que nous aurons obtenus – je suis certain que nous trouverons un point d’équilibre –, de la forme, législative ou réglementaire, que prendra la suspension de sa mise en œuvre.
Pour conclure, je veux réaffirmer l’attachement du Gouvernement à l’égard du dynamisme impulsé par ces trois millions de microentreprises, qui ont représenté un élément nouveau dans notre paysage économique et qui contribuent grandement à notre croissance, en donnant un avenir à de nombreux entrepreneurs qui veulent s’exprimer de façon plus simple.
position de la france sur la régulation de l’intelligence artificielle
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Ghislaine Senée. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
485 milliards d’euros par-ci, 200 milliards d’euros par-là, 109 milliards d’euros ici : bienvenue dans le monde miraculeux de l’intelligence artificielle (IA), avec son concours de celui qui a la plus grosse … enveloppe ! (Murmures.)
Ces derniers jours, les discours et cette pluie éhontée de milliards d’euros tendent à nous faire croire que l’IA sera la solution à l’ensemble de nos problèmes, le nouvel eldorado des investisseurs, le summum du technosolutionnisme qui viendra sauver notre planète.
Mais, dans la vraie vie – l’épisode DeepSeek en est l’illustration –, l’IA est une bulle. Les résultats que l’on nous promet depuis deux ans tardent. Il existe aujourd’hui peu de certitudes, mais beaucoup de contraintes.
Ce qui est déjà sûr, c’est que l’IA a d’ores et déjà un coût écologique considérable et insoutenable à ce stade.
Au-delà du coût social à venir, l’IA représente un coût humain : reposant sur l’extraction minière, elle est notamment à l’origine des tueries dans le Nord-Kivu, au Congo, qui ont déjà fait plus de 3 000 morts.
Elle a un impact sur la santé mentale ; elle bouscule la propriété intellectuelle et met en danger nos droits fondamentaux et nos démocraties.
Aujourd’hui, seule l’Union européenne propose une réglementation, unique au monde, composée de cinq véhicules législatifs, dont l’AI Act. Mais à peine la première phase de celui-ci vient-elle d’entrer en vigueur qu’il est déjà attaqué.
Le président Macron, grand promoteur de la start-up nation, a mis en scène, hier, la signature d’une déclaration internationale en faveur « d’une IA éthique, inclusive, ouverte et durable » pour les populations de la planète : le fameux « en même temps »… Et aujourd’hui, madame la ministre, c’est dans ce même état d’esprit que nous venons de vous entendre parler de « performance » et d’« accélération ».
Nous confirmez-vous le soutien sans faille de la France à l’AI Act ? Allez-vous œuvrer pour le renforcement de la régulation européenne de l’IA sans céder à la pression des géants de la Tech et des grands groupes financiers qui comptent encore se remplir les poches ? En d’autres termes, la France va-t-elle soutenir le leadership européen face à la vague d’illibéralisme et de dérégulation outrancière qui déferle, repoussant toujours plus loin les droits fondamentaux et les limites planétaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – M. Alexandre Basquin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l’intelligence artificielle et du numérique. Madame la sénatrice, la semaine dernière, dans cet hémicycle, nous entendions dire que les États-Unis avaient déjà remporté la course, parce qu’ils avaient engagé 500 milliards d’euros dans l’IA. Cette semaine, on nous dit que 109 milliards d’euros, ce n’est pas bien non plus… Je m’interroge sur la cohérence d’ensemble de ces interventions.
M. Thierry Cozic. Ce n’est pas la question !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Au moment où cette technologie accélère comme jamais, nous devrions, non pas tenir des discours pessimistes, mais nous réjouir de ce progrès.
Quand les médecins utilisent l’IA pour faire progresser la recherche contre le cancer, quand les chercheurs utilisent l’IA pour trouver de nouveaux matériaux susceptibles de remplacer le plastique – ce n’est pas rien pour l’écologie –, quand tous les scientifiques du monde utilisent l’IA pour trouver des solutions à nos problèmes, il me semble fondamental d’être au rendez-vous. Et c’est ce à quoi nous nous employons !
M. François Patriat. Très bien !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Vous évoquez l’éthique, madame la sénatrice. (Mme Ghislaine Senée opine.) Il est important de souligner qu’hier, sous l’égide de la France, soixante pays se sont engagés en faveur du développement d’une « intelligence artificielle éthique, inclusive, ouverte et durable ». Cela ne vous paraît peut-être pas grand-chose, mais c’est absolument fondamental, parce qu’il est hors de question que le développement de cette technologie qui transforme nos vies et notre futur reste concentré dans les mains de quelques entreprises.
C’est cela, la vision de la France ! C’est cela, la vision de l’Europe !
Vous avez raison, l’Union européenne met en place une réglementation ambitieuse. D’ailleurs, j’y insiste, tous ceux qui font croire que cette réglementation est une mauvaise chose ont tort ! Les Vingt-Sept s’engagent autour des mêmes règles, en respectant un principe très simple : l’IA, comme tout outil, ne vaut que par la façon dont on l’utilise. C’est non pas la technologie en elle-même qui est mauvaise, mais l’usage qui peut en être fait.
M. Fabien Gay. Et Musk ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Non, en Europe, nous ne voulons pas d’une IA qui puisse noter les individus, d’une IA qui puisse utiliser les émotions !
M. le président. Il faut conclure !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Telle est la vision que nous défendons en France et en Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Ma question s’adresse au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur le ministre, j’associe à ma question les plus de 450 maires, conseillers régionaux et départementaux de Moselle qui appuient ma démarche.
À moins de trois mois d’une échéance fatidique, les salariés et les sous-traitants de la centrale Émile-Huchet de Saint-Avold continuent de se battre pour leur avenir.
Depuis des mois, nous rappelons que le Président de la République s’est engagé à convertir les centrales à charbon dans le cadre d’une transition énergétique plus juste. À ce titre, un projet de conversion au biogaz a été proposé par l’exploitant du site.
Par ailleurs, un projet de production d’hydrogène vert, reconnu d’intérêt commun par la Commission européenne, va faire l’objet d’un financement à hauteur de 20 millions d’euros.
Les solutions viables ne manquent pas, mais elles nécessitent un soutien fort de l’État. Sans cela, en avril prochain, c’est un pan entier de l’économie locale qui va s’effondrer.
Dans un contexte où les tensions géopolitiques ne cessent de croître, la souveraineté énergétique de notre pays est un enjeu stratégique majeur. La France peut-elle se permettre d’affaiblir son indépendance énergétique en sacrifiant Émile-Huchet sur l’autel de l’inaction ?
Face à cette urgence économique, nous avons déposé avec mes collègues de Moselle une proposition de loi transpartisane pour sécuriser l’avenir de ce site et de ses salariés. Aujourd’hui, je sollicite le soutien du Gouvernement pour faire adopter ce texte dans les meilleurs délais.
Monsieur le ministre, allez-vous tenir les engagements pris par l’État pour sécuriser la transition du site et donner enfin une perspective claire aux centaines de familles plongées dans l’incertitude ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la sénatrice Belrhiti, je salue l’engagement de l’ensemble des élus mosellans autour de votre démarche, ainsi que celui des salariés de la centrale Émile-Huchet de Saint-Avold, une des deux dernières centrales à charbon françaises qui doivent cesser leur activité d’ici à 2027.
Fin 2023, le Président de la République a pris l’engagement de convertir cette centrale vers la biomasse. Une étude a ainsi été menée avec GazelEnergie, mais cette transformation s’est avérée trop complexe.
Aujourd’hui, je peux vous assurer que l’engagement pris par le Président de la République sera tenu, d’autres transitions étant envisagées vers le gaz naturel et le biogaz.
Les textes en vigueur ne permettent pas d’opérer cette transformation à droit constant ; par ailleurs, un amendement présenté dans le cadre du dernier projet de loi de finances a été rejeté. Toutefois, comme vous l’avez souligné, une proposition de loi transpartisane ayant pour objet de résoudre ce problème a été déposée sur le bureau de votre Haute Assemblée.
Je puis vous assurer, sous le contrôle de Patrick Mignola, ministre chargé des relations avec le Parlement, que, dans les minutes qui viennent, nous allons trouver un espace dans l’ordre du jour réservé au Gouvernement pour que cette proposition de loi puisse être débattue et adoptée. Il faut que vive cette belle centrale de Saint-Avold !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le ministre, je vous remercie. J’espère que nous aurons très prochainement l’occasion de travailler ensemble pour faire évoluer cette situation. Les salariés de la centrale et les élus locaux comptent sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
intelligence artificielle et éducation
M. le président. La parole est à M. David Ros, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. David Ros. Monsieur le président, je tiens en préambule à exprimer le profond soutien de l’ensemble des sénateurs de l’Essonne à la famille de Louise.
Ma question s’adresse à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la ministre, depuis le début de la semaine, avec le sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, des bourrasques d’annonces présidentielles soufflent dans les médias. Le Président de la République souhaite que le navire France rattrape son retard en matière d’IA face aux États-Unis et à la Chine.
Les récentes annonces en rafale suscitent de nombreuses questions.
Je ne vous interrogerai pas sur les enjeux de souveraineté nationale que soulève l’annonce de 109 milliards d’euros d’investissements privés étrangers. Je ne vous interrogerai pas non plus sur les problèmes démocratiques posés par le contrôle, par de grandes entreprises capitalistes, des serveurs contenant nos données et recherches personnelles.
Beaucoup de points sensibles ont en effet déjà été relevés dans un remarquable rapport réalisé par nos collègues Corinne Narassiguin et Patrick Chaize au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst).
En revanche, madame la ministre, je souhaite vous interroger sur le rôle majeur que doit jouer à ce sujet le porte-avions éducation nationale.
Vous avez annoncé vouloir, d’ici fin mars, décliner une stratégie globale en matière d’IA. Pourriez-vous d’ores et déjà nous préciser les axes ou les plans d’action que vous envisagez pour le lycée, le collège, voire pour l’école primaire ? Cela a bien sûr trait à la maîtrise des usages et au contrôle des apports pédagogiques, mais aussi à la compréhension du fonctionnement de l’IA à proprement parler et aux risques éthiques qu’elle induit.
N’est-ce pas l’occasion de doter les futures générations d’un certain esprit critique et d’une culture scientifique de premier plan dans un monde balayé par des tourbillons d’informations qui ressemblent trop souvent à des vents contraires ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur David Ros, l’intelligence artificielle est non pas une évolution à venir, mais une révolution qui touche dès à présent l’ensemble de notre société, et notamment nos façons d’enseigner et d’apprendre.
Aujourd’hui, nous savons que la quasi-totalité des lycéens et des étudiants, de même que de nombreux collégiens, utilisent l’intelligence artificielle. Dans le même temps, seuls 20 % de nos professeurs l’utilisent régulièrement dans leur pratique professionnelle.
Il importe de permettre à chacun de se saisir de cette technologie, à la fois en en maîtrisant les atouts et en en mesurant bien les risques.
C’est le sens des annonces que j’ai faites la semaine dernière. Nous allons dès la prochaine rentrée proposer à tous les élèves du second degré une première formation à l’intelligence artificielle pour qu’ils maîtrisent le prompting, c’est-à-dire la façon de dialoguer avec une intelligence artificielle, et qu’ils soient capables de mesurer les biais et les limites de cette technologie. En résumé, il s’agira d’appréhender au mieux les atouts et les faiblesses de cet outil.
Nous allons aussi proposer des formations aux enseignants, en ligne ou en présentiel. Un module sera intégré dans l’offre de formation continue du ministère de l’éducation nationale.
Enfin, nous allons mettre en place un partenariat d’innovation pour développer une IA souveraine, ouverte et évolutive, afin d’appuyer les pratiques pédagogiques de nos enseignants.
Vous le constatez, nous nous saisissons pleinement de ce sujet pour en faire une opportunité pour tous et toutes, j’y insiste, sachant que les filles s’orientent moins vers ces filières technologiques. Il s’agit bel et bien d’un enjeu que nous devons prendre à bras-le-corps. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. David Ros, pour la réplique.
M. David Ros. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse qui montre que nous devons redoubler d’efforts.
À ce sujet, n’oublions pas ces vers de Jean de La Fontaine :
« Le vent redouble ses efforts,
« Et fait si bien qu’il déracine
« Celui de qui la tête au ciel était voisine,
« Et dont les pieds touchaient à l’empire des morts. »
Alors, madame la ministre, redoublons certes d’efforts, mais restons vigilants. Impulsons un souffle nouveau dans le ciel de l’IA, un vent qui se faufilerait à pas de chat, si j’ose dire, tel un « Mistral gagnant » ! (Exclamations et applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)
mariages blancs
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le ministre, de nouveau, un maire vient d’être convoqué par la justice pour une décision qu’il a prise dans l’exercice de ses fonctions. Il risque cinq ans de prison, 75 000 euros d’amende et une peine complémentaire d’inéligibilité.
Son crime ? Il a refusé de procéder au mariage d’un étranger en situation irrégulière sur notre territoire ayant fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). (Exclamations sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Certes, il aurait dû savoir qu’en tant qu’officier d’état civil il ne dispose d’aucun pouvoir pour s’opposer à un mariage, y compris à un mariage impliquant une personne soumise à une OQTF. Il aurait dû savoir que la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne permet pas de subordonner la liberté de contracter mariage à la régularité du séjour.
Mais, monsieur le ministre, n’est-ce pas le monde à l’envers ? C’est la personne en situation irrégulière, qui viole la loi et doit obligatoirement quitter le territoire, qui fait un procès au maire qui refuse de le marier.
Que peuvent bien penser les Français d’une telle situation ? Ne faut-il pas d’urgence modifier notre cadre législatif ? Et nos maires, qui ne sont pas tous juristes, tant s’en faut, n’ont-ils pas droit à une juste protection ? Que compte faire le Gouvernement à cet égard ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Reichardt, ayant été moi-même maire, comme beaucoup d’entre vous ici, il m’est arrivé à de nombreuses reprises, de même qu’à mes adjoints, de constater, en recevant de futurs mariés, que le consentement n’était pas libre et éclairé, comme l’exige le code civil, ou qu’il s’agissait d’un mariage frauduleux. Par conséquent, j’ai eu l’occasion de saisir le procureur de la République de mes doutes, des saisines qui n’ont d’ailleurs pas toujours été suivies d’effets à l’époque.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. À l’époque ! (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je n’ai en revanche jamais été dans la situation de M. le maire de Béziers, puisque c’est de lui que vous parlez, ou d’autres maires en France.
Il ne m’appartient pas, vous le comprendrez, de commenter une affaire individuelle, mais je peux vous dire que nous donnerons, sous l’autorité de M. le Premier ministre, un avis favorable à la proposition de loi visant à interdire un mariage en France lorsque l’un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire, déposée par M. le sénateur Demilly au nom du groupe Union Centriste… (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Elle est inconstitutionnelle !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Le débat doit avoir lieu et je suis sûr que votre assemblée trouvera les moyens de rendre ce texte conforme à la Constitution. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
En outre, nous devons faire en sorte, dans l’hypothèse où le procureur de la République ne répond pas, que le maire ait le dernier mot, car, aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit : quand le procureur de la République ne répond pas, le maire est obligé de procéder au mariage. Je suis personnellement favorable à une telle mesure.
Enfin, nous devons exiger une preuve de la régularité du séjour dans la liste des pièces à fournir avant le mariage à l’officier d’état civil, qui, je le rappelle, agit au nom du procureur de la République. En cas de refus, un recours doit être possible.
M. Hussein Bourgi. Donnez les moyens aux préfectures de recevoir les candidats !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Ces mesures sont en tout point conformes à notre Constitution.
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe socialiste, le mariage est un droit, et non pas un passe-droit ! Nos concitoyens ne pensent pas autre chose ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDPI. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour la réplique.
M. André Reichardt. Je vous remercie, monsieur le ministre.
Pour conclure, je formulerai deux remarques.
D’abord, sachez que, même si les maires qui sont actuellement convoqués par la justice avaient saisi le procureur de la République au lieu de décider par eux-mêmes, cela n’aurait rien changé. En effet, l’irrégularité du séjour n’est actuellement pas un motif suffisant pour s’opposer au mariage. Il faut donc changer la loi !