M. Pierre Jean Rochette. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Rietmann. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que les chambres d’agriculture viennent d’être renouvelées, le Parlement est en passe d’adopter ce matin une proposition de loi attendue, qui devrait permettre de lever plusieurs contraintes techniques.
Ce texte est voté dans un contexte particulier, après l’examen de plusieurs textes en faveur de l’agriculture. Nous avons ainsi examiné la proposition de loi de nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, la proposition de loi de notre collègue Daniel Salmon en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie et le tant attendu projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, dont nous avons achevé l’examen hier soir.
Le texte soumis au vote du Sénat ce matin a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire lundi dernier. Je veux remercier à cet instant le travail de notre rapporteur, Vincent Louault.
La proposition de loi permettra demain aux agriculteurs vendant des produits phytopharmaceutiques d’être également élus au bureau des chambres d’agriculture.
Le texte vise à instaurer, en parallèle, une règle de déport lorsque les chambres procèdent à des travaux et délibérations concernant l’activité de conseil sur l’utilisation de ces produits.
Cette évolution est une réelle avancée. Elle revient sur une incohérence de la loi Égalim. Le combat n’est qu’en partie gagné, et nous appelons une nouvelle fois à l’inscription rapide de la proposition de loi Duplomb-Menonville à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, afin de mettre un terme définitif à la séparation entre vente et conseil des produits phytopharmaceutiques. Cette mesure est cruciale pour enfin traiter les agriculteurs comme tous les autres acteurs économiques.
Nous légiférons ce matin avec la conscience de l’urgence que commande la situation : urgence de la procédure, qui a conduit le Parlement à adopter cette proposition de loi en un temps record, avant le renouvellement du bureau des chambres d’agriculture ; urgence des attentes exprimées par les agriculteurs depuis plus d’un an, exaspérés par une réglementation qui désespère et qui contraint plus qu’elle ne libère ; urgence des réponses attendues de la part des pouvoirs publics, alors qu’un vote clairement contestataire s’est exprimé dans les urnes lors du renouvellement des chambres d’agriculture ; urgence, enfin, de ne plus faire dans la demi-mesure lorsqu’il s’agit de simplifier.
Les élus consulaires, qui sont au contact des difficultés du monde agricole, en sont conscients et nous demandent d’agir. De fait, le contraste est saisissant entre les beaux principes, souvent verbeux, du projet de loi d’orientation agricole et la concision efficace de la proposition de loi issue du Sénat visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur…
Nous devons collectivement prendre la mesure de ces urgences. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons plus traiter l’agriculture avec cette forme de paternalisme condescendant que l’on a trop souvent entendue lors des récents débats !
L’agriculture ne peut plus être traitée à l’aune de son poids dans notre PIB. Elle conditionne notre indépendance et notre souveraineté alimentaire à l’avenir. Elle est l’un des meilleurs remèdes aux problèmes de compétitivité de notre pays et l’assurance-vie de notre biodiversité et de nos paysages.
N’oublions pas non plus que l’agriculture est un tissu économique vital pour l’équilibre et le développement de nos territoires. La France ne pourra pas tenir dans la compétition mondiale avec une économie uniquement fondée sur les services ! Le retour de la puissance française passe par la restauration de notre puissance agricole.
M. Vincent Louault. Bravo !
M. Pierre Jean Rochette. Tout à fait !
M. Olivier Rietmann. Les membres du groupe Les Républicains voteront bien entendu le texte issu de l’accord en CMP. Ils veulent redire leur attachement à cette forme originale de démocratie agricole que sont les chambres d’agriculture et souhaitent un bon et fructueux mandat à tous les nouveaux élus consulaires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous réunissons aujourd’hui pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la démocratie agricole de notre collègue députée Nicole Le Peih.
Ce texte, au-delà de ses aspects techniques, répond à des enjeux fondamentaux pour l’avenir de notre agriculture et, plus particulièrement, pour le fonctionnement de nos chambres d’agriculture.
Ces dernières jouent un rôle clé dans l’organisation et l’évolution du monde agricole. Elles constituent un véritable trait d’union entre l’État et les agriculteurs. Elles offrent un accompagnement essentiel, un cadre de dialogue structurant et sont une force de proposition pour l’avenir de notre modèle agricole. Elles rassemblent l’ensemble des acteurs du secteur : exploitants, propriétaires, salariés, organisations professionnelles, coopératives, syndicats et organismes spécialisés.
Dès lors, il est primordial que les chambres d’agriculture puissent fonctionner de manière efficiente et adaptée aux défis actuels. Or nous constatons que certaines dispositions réglementaires ne correspondent plus aux réalités du terrain. Cette proposition de loi vise donc à moderniser et à clarifier leur gouvernance pour la rendre plus efficace, plus transparente et plus en phase avec les évolutions du secteur.
Tout d’abord, ce texte corrige une incohérence issue de la séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytosanitaires.
Jusqu’à présent, la réglementation empêchait les administrateurs de coopératives agricoles de siéger au sein des bureaux des chambres d’agriculture, situation paradoxale qui privait ces instances de l’expertise et de la connaissance précieuse de ces acteurs majeurs du monde agricole. En rétablissant la possibilité pour eux d’y siéger, nous garantissons une gouvernance plus équilibrée et représentative de la diversité du secteur.
Ensuite, ce texte introduit une disposition de bon sens, en rendant obligatoire l’adoption d’un règlement intérieur dans chaque chambre d’agriculture. Il s’agit d’un élément fondamental pour assurer une gestion transparente et démocratique du fonctionnement interne des chambres. Ce cadre garantira une plus grande stabilité et une meilleure lisibilité des pratiques au sein de ces institutions.
Par ailleurs, la proposition de loi s’inscrit dans l’effort constant de simplification que le Sénat défend. Elle facilite notamment la participation des exploitants agricoles aux élections des délégués et des administrateurs de la Mutualité sociale agricole.
Aujourd’hui, les agriculteurs débiteurs de cotisations depuis plus de six mois sont exclus du processus électoral, ce qui pose de nombreuses difficultés pratiques et juridiques : cela complique la constitution des listes électorales de la MSA, en excluant des exploitants parfois pour de simples raisons administratives. En levant cette restriction, nous garantissons une participation plus large et plus juste des agriculteurs à la gouvernance de leur système de protection sociale.
Par ailleurs, ce texte sécurise l’organisation des élections des membres de la MSA pour 2025, en harmonisant les dates des différents scrutins, ce qui constitue une avancée bienvenue pour la lisibilité et l’organisation de ces échéances importantes.
Enfin, le groupe RDPI se félicite que la commission mixte paritaire ait décidé de maintenir la suppression de l’article 1er ter, qui prévoyait la remise d’un énième rapport et ne prévoyait pas de mesures concrètes servant la démocratie agricole.
En conclusion, mes chers collègues, cette proposition de loi est utile et attendue par le monde agricole. C’est pourquoi le groupe RDPI la votera. (M. Claude Kern applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. –– M. Vincent Louault applaudit également.)
M. Henri Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi était attendue et devait être adoptée avant le 5 mars : le contrat est rempli.
Les délais serrés et contraints n’auront eu pour conséquence qu’un petit couac lors de la réunion de la commission mixte paritaire, certains des députés titulaires, ainsi que leurs suppléants, ayant oublié de se présenter, ce qui est peu respectueux.
Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale voilà quelques jours, ce texte est essentiellement technique.
Il s’attache seulement à faciliter le déroulement des élections au sein des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole, en apportant des solutions pragmatiques et logiques aux problèmes qu’elles soulèvent.
Aucune modification de la gouvernance des chambres d’agriculture n’est prévue ; aucune décision n’est prise concernant la séparation entre la vente et le conseil en matière de produits phytosanitaires. Ces sujets sont reportés à plus tard.
Pourtant, les enjeux de pluralisme et de représentativité, qui ne sont pas évoqués ici, ont eu un écho important lors des élections au sein des chambres d’agriculture.
Les scrutins n’avaient pas encore été dépouillés lors de l’examen du texte en première lecture. On a constaté depuis une percée de la Coordination rurale. Son appel au vote dégagiste contre l’alliance ultra-majoritaire entre la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs a su convaincre et s’est traduit par le basculement d’une quinzaine de chambres.
Nous ne pouvons nier la réalité du terrain : trop d’exploitants se sentent oubliés et sous-représentés. Faut-il rappeler le taux de participation à ces élections pour s’en convaincre ?
Il y a six ans, moins d’un agriculteur sur deux avait voté, et l’alliance FNSEA-JA s’était vu attribuer 97 chambres sur 101, alors qu’elle n’avait en réalité recueilli que 23 % des voix des agriculteurs, soit moins d’une voix sur quatre.
Pourtant, le mode de scrutin a été simplifié et les modalités de vote simplifiées : les 2,2 millions d’électeurs, dont près de 400 000 chefs d’exploitation, mais aussi des retraités, des salariés ou des propriétaires fonciers, étaient appelés à élire leurs représentants par voie électronique ou postale.
Le monde agricole a besoin de changement, et celui-ci doit passer par plus de transparence et de reconnaissance.
La confiance dans les partis politiques comme dans les syndicats continue de reculer, s’établissant respectivement à seulement 16 % et 37 % selon le baromètre annuel de la confiance politique publié avant-hier par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).
Cette crise de légitimité politique et syndicale, couplée à un rejet grandissant des institutions nationales, est encore plus marquée dans le monde agricole. Il faut à tout le moins réfléchir à la question du mode de scrutin et à l’introduction de la proportionnelle. La Cour des comptes a d’ailleurs appelé, dans son rapport public de 2021, à une refonte du mode d’élection pour favoriser la pluralité syndicale.
Dans un rapport que j’avais présenté avec Françoise Férat, j’avais déjà mis le doigt sur le fort sentiment d’abandon des paysans, confrontés à des difficultés économiques croissantes et en quête d’une reconnaissance sociale méritée. Le décalage est criant entre la vocation de l’agriculteur – nourrir la population – et sa juste reconnaissance tant économique que sociale ou politique.
Ce texte permet au moins de maintenir la règle du déport, rendue obligatoire depuis le 1er janvier 2021 dans les chambres d’agriculture et indispensable pour préserver les objectifs de prévention et de lutte contre les conflits d’intérêts.
Surtout, ce texte rétablit une égalité de traitement entre les agriculteurs en ouvrant le droit de candidater et de voter à tous les adhérents à la MSA en âge de voter, même s’ils ne sont pas à jour de leurs cotisations sociales. Cette limitation du droit de vote, en plus de ne pas être évidente ni conforme au principe d’égalité devant la loi, ainsi qu’à la règle de l’égalité du suffrage énoncée à l’article 3 de la Constitution, constituait une double peine pour des agriculteurs déjà confrontés à des difficultés sociales et économiques importantes.
Même s’il n’aborde pas ces sujets importants, dont il faudra pourtant impérativement reparler pour tenir compte de l’inquiétude d’une grande majorité d’agriculteurs, ce texte répond à une situation d’urgence de manière juste et pragmatique.
Les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen voteront donc les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme le rapporteur et M. Laurent Somon applaudissent également.)
M. Yves Bleunven. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rarement avons-nous examiné autant de textes relatifs à l’agriculture que ces dernières semaines : mesures budgétaires, proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, projet de loi d’orientation agricole… Sans oublier les discussions à venir sur un futur texte Égalim ! La présente proposition de loi est le dernier texte de cette intense séquence.
Rarement les questions agricoles ont été à ce point au premier plan de l’agenda législatif, et pour cause : notre souveraineté alimentaire est en danger et nous devions évidemment faire de cette question une priorité nationale.
Au sortir des élections des chambres d’agriculture et à quelques jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture comme des élections à la MSA, ce texte technique est important pour le nouveau cycle de démocratie agricole qui s’ouvre en 2025, dans un climat de contestations majeures.
Son article 1er s’articule avec la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur dans « l’après » conseil stratégique en agriculture, actant les aménagements à la séparation entre les activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques. Il s’agit d’une simplification bienvenue et d’une mesure de bon sens.
De cette séquence, le groupe Union Centriste tire une conviction : l’urgence technique ne doit pas cacher l’urgence politique.
L’adoption de la motion de censure a retardé les travaux du Parlement, tout en suscitant un attentisme préjudiciable des acteurs économiques. Désormais, les urgences s’accumulent.
À quelques semaines de la constitution des bureaux des chambres d’agriculture, ce texte arrive juste à temps et nous permettra de continuer à bénéficier de l’expertise de personnes ancrées dans l’écosystème dont s’est dotée notre agriculture depuis de nombreuses années.
Une fois les urgences techniques traitées, il faut revenir à des débats politiques au long cours sur le rôle des chambres d’agriculture. Je pense aux débats que nous avons eus sur le rôle et le périmètre du guichet France Services Agriculture, notamment ces derniers jours, mais également sur l’après-conseil lors de nos discussions sur la proposition de loi visant la lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Je pense encore à ceux que nous aurons lorsqu’il s’agira de prolonger le cadre législatif de la loi Égalim.
Je n’oublie pas non plus la question du foncier, qui reste en suspens et sur laquelle nous allons devoir urgemment nous pencher au premier chef.
La démocratie agricole est, je pense, une voie pour comprendre le malaise agricole et y répondre. À cet égard, les chambres d’agriculture et les caisses de la MSA sont des instances nécessaires, car elles sont proches des agriculteurs, dont elles connaissent le quotidien, les défis, mais également le malaise et, parfois, le mal-être.
Pourtant, près de 30 % des agriculteurs ne se sentent proches d’aucune organisation syndicale, ce qui témoigne d’une crise de confiance plus large. Le malaise trouve sa source dans un paradoxe : alors que le nombre d’agriculteurs diminue, la question agricole devient l’affaire d’un nombre toujours croissant d’acteurs, qu’il s’agisse d’ONG, d’élus ou encore d’associations environnementales ou sanitaires. Nos éleveurs et nos producteurs reçoivent des injonctions contradictoires, qui deviennent inaudibles.
Mes chers collègues, nous avons, nous aussi, notre part de responsabilité. J’en veux pour preuve les trop longs débats que nous avons eus, ces derniers jours, sur la hauteur, la largeur et la taille de la haie ou encore sur le bien-être des chiens de troupeaux. Il y a parfois de quoi se décourager, mais je veux rester optimiste.
Il me semble que nous devrions prendre un peu de recul et nous montrer à la hauteur du défi que nous avons à relever et des attentes de nos agriculteurs, qui comptent encore sur nous.
Oui, ce texte est technique, mais il est efficace. Et c’est vers l’efficacité que nous devons tendre. C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI et INDEP.)
M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la mutualité sociale agricole dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
M. Daniel Chasseing. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président. Le règlement ne me permet pas de vous la donner après le vote du texte, mon cher collègue.
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Urgence pour Mayotte
Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’urgence pour Mayotte (texte de la commission n° 321, rapport n° 320).
La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux mois après le cyclone Chido, j’exprime à nouveau à mes compatriotes mahorais toute ma sympathie et toute ma solidarité dans l’épreuve qu’ils traversent. Pour eux, nous avions à cœur de faire aboutir le projet de loi d’urgence pour Mayotte et de nous atteler rapidement à la reconstruction de l’île.
C’est cet esprit de responsabilité qui a présidé aux travaux de la commission mixte paritaire. Avec Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois, et Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, nous avons travaillé de concert au compromis trouvé lundi dernier, qui préserve la grande majorité des apports du Sénat. Nous pouvons nous en féliciter.
En tant que chambre des territoires, nous avons eu pour boussole l’association étroite des élus mahorais à la reconstruction. À cet égard, je salue mes collègues sénateurs de Mayotte, Salama Ramia et Saïd Omar Oili.
Je me réjouis que les acquis du Sénat s’agissant de la représentation des collectivités dans la gouvernance de l’établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte aient été conservés. Pour que la reconstruction soit acceptée de tous, il est essentiel d’assurer la coopération entre l’État, principal financeur, et les acteurs locaux. Je les ai tous rencontrés lors de mon déplacement à Mayotte à la fin du mois de janvier : ce sont eux qui détiennent les clés de la compréhension de leur territoire et de ses contraintes.
La reconstruction doit être accompagnée d’un effort résolu contre le retour des bidonvilles. C’est pourquoi la CMP a maintenu l’encadrement de la vente de tôles, ainsi que l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances pour adapter les règles de lutte contre l’habitat illégal.
Le Sénat a entendu les inquiétudes des Mahorais concernant les constructions modulaires temporaires. Alors que l’Assemblée nationale avait supprimé la dispense d’autorisation d’urbanisme pour ces constructions, nous l’avons rétablie, en contrepartie d’un encadrement strict de leur usage, ciblé sur le logement temporaire des personnes venues en renfort, les bureaux et les salles de classe temporaires. Ces constructions ne pourront pas être implantées sans l’accord du maire. La CMP a entériné cette solution équilibrée et sécurisée.
Au-delà des bidonvilles, il nous fallait tenir compte du fait que deux tiers des constructions à Mayotte ont été réalisés sans autorisation d’urbanisme. Retenant là encore un acquis du Sénat, la CMP a étendu le droit à la reconstruction à l’identique à l’ensemble des bâtiments en dur datant d’avant 2013.
Enfin, afin de soutenir financièrement les ménages et les entreprises, les dispositifs introduits au cours de l’examen du texte au Sénat, comme le prêt à taux zéro pour la reconstruction des logements, ainsi que l’exonération de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les déchets à Mayotte pendant deux ans, ont été préservés.
En guise de compromis entre les deux chambres, le plafond de la réduction d’impôt pour les dons en faveur des victimes a quant à lui été ramené à 2 000 euros.
Bien sûr, ce texte n’a pas la prétention de répondre à toutes les difficultés des Mahorais. Ces difficultés, nous les connaissons : un niveau de pauvreté inégalé, la prolifération de l’habitat informel, une insécurité alimentée par une immigration clandestine massive.
Je crois donc essentiel de nous préparer d’ores et déjà à la prochaine étape : le projet de loi de programmation pour Mayotte annoncé par le ministre d’État, ministre des outre-mer. J’invite d’ailleurs le Gouvernement, pour l’enrichir, à s’appuyer sur les travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer, que j’ai l’honneur de présider.
Ce texte d’urgence pour Mayotte, dont le volet économique est essentiel, n’est qu’un premier jalon de la reconstruction, qui se fera sur le temps long, mais il est indispensable pour poser les bases d’une reconstruction à la fois rapide, pérenne et concertée.
Telles sont, mes chers collègues, les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte. J’espère que vous les approuverez très largement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI, ainsi que sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. Jean-Claude Anglars. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mesdames les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence aujourd’hui de M. le ministre d’État, ministre des outre-mer, Manuel Valls, retenu actuellement auprès du Président de la République pour une réunion sur la Nouvelle-Calédonie.
Il y a quelques semaines, lorsqu’il présentait ce projet de loi d’urgence pour Mayotte devant la commission des affaires économiques de votre assemblée, il avait souhaité, plus largement, définir la méthode du Gouvernement, laquelle s’organise en trois temps : les urgences vitales, la reconstruction, la refondation.
Sur le premier temps – la gestion de crise –, nous pouvons dire, avec lucidité, que nous nous dirigeons progressivement vers une sortie de la phase d’urgence vitale.
Des difficultés persistent, mais l’accès à l’électricité ou à la nourriture s’est vraiment amélioré. L’objectif de rétablissement de l’électricité à 100 % au 31 janvier a été tenu.
La rentrée scolaire s’est faite, dans des conditions difficiles certes, mais l’engagement des personnels éducatifs et des renforts de sécurité civile a permis de l’organiser.
Dans le second degré, l’intégralité des établissements a rouvert. Dans le premier degré, seule une vingtaine d’écoles demeurent dans l’incapacité d’accueillir les élèves, mais des « tentes-écoles » ont été positionnées. En outre, 1 100 élèves ont pu être scolarisés hors de Mayotte, dont 400 à La Réunion.
Par ailleurs, vous le savez, nous aménageons les épreuves de fin d’année et les remplaçons en grande partie par du contrôle continu.
La reconstruction des écoles est une priorité. C’est pourquoi le projet de loi de finances pour 2025 prévoit 2,5 millions d’euros mobilisables immédiatement.
L’objectif d’achever le traitement des déchets ménagers dans un mois reste un immense défi. Nous avons commencé des brûlages selon un mode opératoire préservant l’environnement et la santé.
En matière d’accès aux soins, cinq dispensaires sur sept sont rouverts et si l’Élément de sécurité civile rapide d’intervention médicale (Escrim) a dû être démonté comme prévu, un hôpital de campagne associatif a pris le relais.
Ces avancées sont évidemment dues aux agents de l’État et, en premier lieu, au préfet François-Xavier Bieuville, aux volontaires et aux bénévoles mobilisés, mais, surtout, à l’engagement des Mahorais : la population, bien sûr, mais aussi les entrepreneurs, que l’État accompagne sans réserve.
La circulaire sur le fonds de secours outre-mer, qui prévoit notamment 15 millions d’euros d’aides pour les agriculteurs, a été signée par l’ensemble des ministres concernés.
Je tiens aussi à rendre hommage aux élus. Impliqués dans la gestion de la crise, ils seront incontournables dans la reconstruction et la refondation qui nous attendent.
C’est pourquoi le ministre d’État a signé, lors de son dernier déplacement à Mayotte, avec le président du conseil départemental, Ben Issa Ousseni, et le président de l’association des maires de Mayotte, Madi Souf, une convention d’intention affirmant les grands principes devant guider la refondation : durcissement des règles contre l’immigration illégale, lutte contre les bidonvilles, développement des infrastructures, convergence économique et sociale.
Nous nous éloignons donc progressivement de la phase d’urgence.
Pour autant, tout reste à faire ! La gestion de crise passée, il nous faut reconstruire, puis refonder Mayotte. De nombreux défis sont devant nous.
Sur la reconstruction – le deuxième temps que j’évoquais au début de mon propos –, nous franchissons aujourd’hui une étape décisive.
Face au chaos, nous avions collectivement, dans le cadre de ce projet de loi, une responsabilité extrêmement forte. Le Parlement s’est hissé à la hauteur de cette responsabilité. D’abord, ce projet de loi a été adopté en première lecture à la quasi-unanimité de l’Assemblée nationale et à l’unanimité du Sénat. Ensuite, la commission mixte paritaire n’a eu aucun mal à trouver un accord utile et équilibré, et nous en remercions très sincèrement ses deux rapporteurs.
Sur le fond, des compromis féconds ont été trouvés par les deux chambres.
Ainsi, à l’article 1er, la composition de l’établissement public de reconstruction a d’ores et déjà été précisée afin d’assurer une meilleure représentation des collectivités territoriales, notamment des intercommunalités ; à l’article 2, la prise en charge par l’État de la reconstruction des écoles se fera à la demande des communes concernées ; enfin, la dispense de toute formalité d’urbanisme pour les constructions démontables temporaires de l’article 3 a été davantage encadrée afin de limiter leurs utilisations possibles et de garantir clairement qu’elles ne deviendront pas pérennes.
Outre ces modifications des articles initiaux, des mesures ont également été ajoutées au cours du débat parlementaire, sur des sujets fondamentaux pour nous.
Plusieurs dispositifs de lutte contre les bidonvilles ont été intégrés, sur l’initiative ou avec le soutien du Gouvernement, comme l’extension du champ de l’ordonnance de l’article 4 ou l’encadrement de la vente de tôles aux particuliers à l’article 4 bis.
L’article 13 bis AA permettra de garantir la participation des entreprises mahoraises à la reconstruction, puisqu’il prévoit la faculté de réserver jusqu’à 30 % du montant estimé d’un marché aux microentreprises, PME et artisans basés à Mayotte.
L’article 17 bis AA, intégré au texte sur l’initiative du Gouvernement, met en place un prêt à taux zéro ouvert à toutes les familles mahoraises pour reconstruire leur maison, même lorsque leur habitation n’était pas assurée. Il permettra d’emprunter jusqu’à 50 000 euros, pour une durée maximale pouvant atteindre trente ans, avec un différé d’amortissement de cinq ans. Le Gouvernement s’engage à ce que ce prêt soit distribué le plus rapidement possible, avec les banques et Action logement.
Enfin, l’article 17 ter exonère le territoire de taxe générale sur les activités polluantes sur les déchets pendant deux ans.
Tous ces ajouts témoignent de la richesse du débat parlementaire.
La reconstruction nécessitera des engagements financiers considérables. La mission interinspections chargée d’évaluer les dégâts achève ses travaux. Le coût des destructions se situera entre 3 et 3,5 milliards d’euros.
L’État sera au rendez-vous, en octroyant des aides directes et en mobilisant des fonds européens, et ce sur plusieurs années. Les assurances et l’Agence française de développement auront aussi un rôle à jouer. Et je l’ai dit, ce projet de loi garantit aussi la participation des entreprises mahoraises à la reconstruction de leur territoire.
Le Gouvernement tout entier est mobilisé pour faciliter cette reconstruction.
Le ministre d’État Manuel Valls et le ministre des armées, Sébastien Lecornu, ont décidé de créer un bataillon temporaire de reconstruction, doté de plusieurs compagnies de génie, d’infanterie, de commandement et de logistique. Ce sont entre 350 et 400 soldats qui iront ainsi s’installer à Mayotte.
Ce projet de loi, que vous vous apprêtez à adopter définitivement, n’est qu’une première réponse, car, après le temps de l’urgence et celui de la reconstruction, viendra celui de la refondation.
D’ici à quelques semaines, le ministre d’État, ministre des outre-mer, présentera un second texte : un projet de loi de programmation pour Mayotte visant à permettre le développement économique, éducatif et social du territoire sur de nouvelles bases. Il s’appuiera sur le plan stratégique que va élaborer le général Facon, préfigurateur de l’établissement public et, surtout, chef de la mission interministérielle de reconstruction de Mayotte installée auprès du ministre d’État. Celui-ci est de nouveau sur place, avec une partie de son équipe.
Le Gouvernement sera notamment particulièrement attentif à ce que nous portions un véritable projet d’avenir, dirigé vers la jeunesse. Le régiment du service militaire adapté (RSMA) effectue déjà un travail remarquable. Des jeunes sont d’ores et déjà formés, dans ce cadre, aux métiers du raccordement à la fibre, par exemple.
Si le cyclone a ravagé Mayotte, il a surtout révélé et exacerbé des calamités qui existaient déjà : un sous-développement des infrastructures économiques et des services publics, entretenu par deux fléaux qui rongent l’île depuis des années : l’habitat illégal et l’immigration clandestine.
Dans le domaine de l’eau, par exemple, à défaut de changement structurel, nous reviendrons, au mieux, à la situation très insatisfaisante de l’avant-Chido.
C’est pourquoi, parmi les priorités du plan Mayotte debout figurent la construction d’une deuxième usine de dessalement et l’accélération de la création d’une troisième retenue collinaire. Nous avançons sur ces deux projets. Nous devons être très attentifs, car le risque d’une nouvelle crise de l’eau, semblable à celle de 2023, existe bel et bien.
En matière de reconstruction de logements, d’infrastructures, d’entreprises ou de services publics, la zone franche globale sera bien entendu bénéfique. Cependant, les maires et les entrepreneurs le disent tous : leurs projets sont empêchés par les bidonvilles. Soyons clairs : le Gouvernement ne laissera pas Mayotte redevenir une île-bidonville.
Au-delà des mesures que comprend ce projet de loi, c’est sur le terrain que la lutte contre les bidonvilles prend tout son sens. Les décasages reprennent, c’est une bonne nouvelle.
Il faut aussi s’attaquer très sérieusement à l’immigration illégale, qui pèse sur tous les aspects de la vie quotidienne de nos compatriotes, nourrit l’ultraviolence et alimente des réseaux de trafiquants d’êtres humains.
Nous agissons déjà, et je salue les unités engagées dans cette lutte, sur terre et en mer. Je pense en particulier à la mise en œuvre de nouvelles capacités radar. Sébastien Lecornu a également annoncé que les soldats continueront d’assumer cette mission et que la présence militaire serait renforcée de manière pérenne dans cette région stratégique.
Toutefois, nous devrons aussi prendre des mesures fermes pour renforcer juridiquement nos moyens de lutte. Bruno Retailleau et Manuel Valls travaillent d’ores et déjà sur ce volet primordial du second projet de loi. Parmi les mesures envisagées figurent l’allongement de la durée de résidence régulière des parents pour permettre l’accès des enfants à la nationalité française, l’amélioration des outils pour lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ou l’encore l’extension de l’aide au retour volontaire des ressortissants africains dans leur pays d’origine.
Nous devons porter le nombre d’éloignements de clandestins de 25 000 aujourd’hui à 35 000 demain. Cela suppose un rapport très ferme avec les autorités des Comores.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en adoptant ce projet de loi, vous prouverez aux Mahorais que la Nation est à leurs côtés ; que nous ne laisserons pas tomber Mayotte ; que nous ne lâcherons rien pour aider leur territoire à se relever.
Vous prouverez aux Mahorais que nous ne transigerons sur rien pour reconstruire l’île sur des bases plus saines, pour changer son visage et, à travers elle, leur vie tout entière. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions. – M. Saïd Omar Oili applaudit également.)