compte rendu intégral
Présidence de M. Pierre Ouzoulias
vice-président
Secrétaires :
Mme Alexandra Borchio Fontimp,
Mme Véronique Guillotin.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione.
M. Lucien Stanzione. Hier, lors du scrutin public n° 192 sur l’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par M. Jean-Michel Arnaud, tendant à insérer un article additionnel après l’article 18 du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, j’ai été considéré comme m’étant abstenu alors que je souhaitais voter pour.
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Lors de ce même scrutin n° 192, mes collègues Claude Raynal, Éric Kerrouche, Monique Lubin, Didier Marie, Émilienne Poumirol, Patrice Joly, Jean-Luc Fichet et Franck Montaugé ont été considérés comme s’étant abstenus alors qu’ils souhaitaient voter contre.
M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles figureront dans l’analyse politique du scrutin.
3
Fonctionnement des chambres d’agriculture et de la mutualité sociale agricole
Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la mutualité sociale agricole (texte de la commission n° 323, rapport n° 322).
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous venons tout juste d’achever l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, un « grand » texte, au moins par sa taille, dont le parcours législatif a duré une année entière, nous nous penchons ce matin sur une proposition de loi dont le périmètre est beaucoup plus restreint et dont la gestation a été beaucoup plus rapide.
Déposée fin novembre 2025 par la députée Nicole Le Peih, avec le concours du ministère de l’agriculture, elle a été examinée en commission mixte paritaire ce lundi ; nous devons maintenant en voter les conclusions.
Cette « petite » proposition de loi relative au fonctionnement des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole (MSA) n’en reste pas moins cruciale pour « l’exercice de la démocratie agricole », pour reprendre l’intitulé initial du texte.
Elle vise à répondre à une situation urgente : assurer la continuité du fonctionnement des caisses de mutualité sociale agricole et des chambres départementales d’agriculture, qui sont le cœur de notre démocratie agricole.
Les bureaux des chambres d’agriculture doivent être constitués au plus tard le 5 mars. Or, en raison des incompatibilités prévues à l’article L. 254-1-2 du code rural et de la pêche maritime, il n’aurait plus été possible pour les associés-coopérateurs ou administrateurs de coopératives ayant choisi la vente de produits phytosanitaires plutôt que le conseil de siéger dans les bureaux des chambres départementales d’agriculture et au conseil d’administration de la tête de réseau Chambres d’agriculture France.
Premier concerné, son président Sébastien Windsor nous avait alertés de longue date sur cette problématique qui risquait de restreindre le vivier des professionnels éligibles. L’article 1er de la présente proposition de loi vise donc à remédier à cette difficulté en prévoyant de remplacer une incompatibilité stricte par une règle de déport lors des délibérations relatives au conseil sur l’utilisation de produits phytopharmaceutiques. C’était le cœur du texte.
Il n’aura échappé à personne que les résultats de ces élections aux chambres d’agriculture, qui ont lieu tous les six ans, ont été proclamés en fin de semaine dernière. On constate, cette fois-ci, une stabilité de la participation – le niveau est exceptionnellement élevé pour des élections professionnelles –, mais aussi le basculement d’un certain nombre de chambres du duo constitué de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et des Jeunes Agriculteurs (JA) vers la Coordination rurale et un certain nombre de listes dissidentes, ainsi que vers la Confédération paysanne.
J’en retiens surtout que la démocratie agricole est bien vivante et que les listes minoritaires un jour peuvent devenir majoritaires un autre jour : eh oui, c’est aussi cela la démocratie !
Voilà pourquoi nous avons jugé inutile de maintenir dans le texte une demande de rapport, prévue par l’Assemblée nationale, sur l’opportunité d’introduire un mode de scrutin à la proportionnelle intégrale pour les élections aux chambres d’agriculture, au moment même où ces élections se tenaient…
Par ailleurs, en séance, un amendement de notre collègue Christian Redon-Sarrazy a rétabli la condition, supprimée à l’Assemblée nationale, d’être à jour de cotisations pour être éligible comme délégué ou administrateur d’une caisse de MSA. Ce rétablissement a semblé véritablement tomber sous le sens. L’article 2 donne déjà aux agriculteurs en difficulté financière la possibilité de s’exprimer, ce qui est bienvenu. Mais pour exercer des responsabilités au sein de cette institution, être en règle par rapport à elle est bien le minimum.
C’est pourquoi je me félicite, monsieur le ministre, que la commission mixte paritaire, qui s’est réunie lundi à l’Assemblée nationale, ait entériné, à la quasi-unanimité, le texte voté par le Sénat. Ce résultat est le fruit du travail de notre rapporteur, Vincent Louault, que je salue, et de tous les sénateurs particulièrement investis sur les sujets agricoles depuis plusieurs mois, que je remercie de leur engagement.
Pour conclure, il est clair que ce texte n’est qu’un premier pas. Je forme le vœu que les réformes plus substantielles proposées par le Sénat, dans le cadre du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture et de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, connaissent très prochainement le même sort que la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que les bureaux des chambres d’agriculture sont en voie de renouvellement à la suite des élections qui viennent de s’achever, la commission mixte paritaire est parvenue à trouver un accord sur la proposition de loi déposée par la députée Nicole Le Peih. C’est une excellente nouvelle pour nos élus agricoles !
Si elle est retenue par un impératif avec le Président de la République, Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire tenait, monsieur le sénateur Louault, à vous remercier personnellement d’avoir conduit ces travaux à leur terme.
M. Cédric Chevalier. Bravo !
M. Patrick Mignola, ministre délégué. Ce faisant, avec cette proposition de loi, nous acterons deux acquis démocratiques.
Tout d’abord, vous permettez avec ce texte de ne plus exclure de la gouvernance des chambres les élus des coopératives. L’application rigide du principe de séparation entre la vente de produits phytosanitaires et le conseil était en effet déconnectée de la réalité du monde agricole. Nous acterons là un premier acquis démocratique essentiel.
Le second acquis concerne les élections à la Mutualité sociale agricole. La proposition de loi sur laquelle vous vous exprimerez prévoit de réarrimer les plus précaires à l’exercice de la démocratie sociale, en octroyant le droit de vote à ceux qui en étaient jusque-là privés en raison du non-paiement de leur cotisation depuis plus de six mois. Ce progrès démocratique trouvera à s’appliquer dès les élections de 2030.
Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à votre texte, vous permettez de réadapter aussi les élections dans les chambres d’agriculture et à la MSA aux réalités territoriales.
Je parle d’abord des dispositions permettant de sécuriser sur le plan administratif les élections à la MSA des délégués dans les ex-cantons de la métropole de Lyon.
Par ailleurs, et surtout, nous acterons le report d’un an des élections de la chambre d’agriculture de Mayotte. Le drame personnel et collectif que vivent les Mahorais ne nous permettait pas d’assurer la tenue des élections dans des conditions de sérénité suffisantes. Je compte donc sur votre responsabilité pour acter définitivement ce report.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, en votant ce texte, nous actons des principes forts au cœur de la démocratie agricole. Je parle, bien sûr, des dispositions imposant la parité sur les listes pour les délégués cantonaux élus du deuxième collège du MSA en 2030.
L’échéance de 2030 est un horizon ambitieux, compte tenu de l’inégale représentation des femmes et des hommes qui persiste aujourd’hui encore dans le secteur agricole, mais il est néanmoins réaliste. Votre texte apporte ainsi une pierre de plus à l’édifice de revalorisation de la place et du statut des femmes en agriculture, un engagement très cher à Mme la ministre de l’agriculture.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en votant cette proposition de loi, nous offrirons à nos agriculteurs une respiration démocratique essentielle dans la période difficile qu’ils traversent sur le plan économique et social. Je vous appelle donc, bien entendu, à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE.)
M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi, visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la mutualité sociale agricole
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Article 1er ter
(Supprimé)
Article 2
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 723-18-1 est ainsi modifié :
a) Le 1° est complété par un c ainsi rédigé :
« c) Les circonscriptions de la métropole de Lyon, hors commune de Lyon, constituent chacune une circonscription électorale ; le nombre de délégués cantonaux élus directement y est égal au nombre de droit commun de délégués éligibles dans un canton, selon les modalités prévues à l’article L. 723-17 ; »
b) Le 2° est complété par un c ainsi rédigé :
« c) Les circonscriptions de la métropole de Lyon, hors commune de Lyon, constituent chacune une circonscription électorale ; le nombre de délégués cantonaux élus directement y est égal au nombre de droit commun de délégués éligibles dans un canton, selon les modalités prévues à l’article L. 723-18. » ;
2° À la fin du premier alinéa de l’article L. 723-19, les mots : « et dont toutes les cotisations personnellement dues par elles et réclamées depuis six mois au moins ont été acquittées » sont supprimés ;
3° L’article L. 723-20 est complété par les mots : « et s’ils ont acquitté toutes les cotisations dont le montant est supérieur à celui mentionné à l’article L. 133-3 du code de la sécurité sociale personnellement dues par eux et réclamées depuis six mois au moins » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 723-24, la référence : « L. 7, » est supprimée.
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M. le président. Sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Gérard Lahellec, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un exercice délicat que celui de légiférer !
En votant la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim) en 2018 et en prescrivant la séparation des activités de conseil et des activités de vente de produits phytopharmaceutiques, l’intention du législateur était de limiter l’usage de ces derniers.
Lorsqu’il y a amalgame entre conseil et vente, le conseil peut vite devenir le moyen de doper la vente. La volonté du législateur était donc et demeure tout à fait louable.
Mais ce faisant, le législateur n’avait sûrement pas perçu que les diverses coopératives agricoles, créées par les agriculteurs eux-mêmes pour défendre les productions à la ferme, et qui souvent vendent ces produits, seraient aussi concernées par cette disposition législative qui, de fait, allait empêcher ces agriculteurs de pouvoir être élus dans les organismes de direction d’un certain nombre d’institutions agricoles.
Il convenait donc d’adapter la loi pour corriger cette injustice tout en assortissant cette adaptation d’un certain nombre de prescriptions ne remettant pas en cause les objectifs fixés par la loi Égalim de 2018.
Après la commission mixte paritaire, il convient de considérer ce texte pour ce qu’il est, ni plus ni moins.
Dans le même temps, il était opportun de tenir compte d’un certain nombre de réalités qui s’imposent à nous, notamment la situation à Mayotte après le passage du cyclone Chido.
Les élections dans les chambres d’agriculture viennent d’avoir lieu. Les désignations dans un certain nombre d’instances nationales devant intervenir dans les prochaines semaines, il était urgent de légiférer. C’est ce qu’il nous est proposé de faire aujourd’hui.
Enfin, nous nous félicitons que la lucidité ait prévalu s’agissant de l’intitulé de la présente proposition de loi, qui est désormais plus conforme à la modestie de ses dispositions.
Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour entériner définitivement une proposition de loi peu ambitieuse concernant le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole.
Comme je l’ai souligné la semaine dernière, ce texte ne constitue nullement une réforme en profondeur de la démocratie agricole, laquelle est pourtant nécessaire. Il ne prévoit que des ajustements mineurs et n’aborde pas les véritables enjeux démocratiques qui s’imposent à nous.
Je ne m’attarderai pas sur l’article 1er, qui constitue pour nous un recul inacceptable. En remettant en cause la séparation entre la vente et le conseil en matière de produits phytosanitaires et en permettant aux élus des coopératives agricoles de siéger dans les instances dirigeantes des chambres d’agriculture, cette proposition de loi brouille dangereusement les lignes. Sous prétexte d’un manque de candidats dans certaines régions, elle tend à favoriser un mélange des genres préoccupant.
Plutôt que d’affaiblir les règles existantes, il aurait fallu s’attaquer aux véritables causes du problème : le manque d’attractivité de ces instances pour de nombreux agriculteurs et la nécessité de mettre en place un mode de scrutin plus représentatif.
Il est donc impératif de repenser un système qui ne correspond plus aux attentes d’une partie significative de la profession, dont près de la moitié s’est abstenue lors des élections. Ce fonctionnement verrouillé empêche une prise en compte réelle des préoccupations de l’ensemble des acteurs du secteur, notamment celles des nouvelles générations d’agriculteurs, soucieuses de concilier production et respect de l’environnement. Car malgré ce que l’on peut entendre ici ou là, il s’agit bel et bien d’une attente de l’ensemble des agriculteurs.
J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet à plusieurs reprises, l’enjeu central aujourd’hui demeure l’instauration d’un véritable pluralisme au sein des chambres d’agriculture.
Les résultats des récentes élections de janvier 2025 l’ont démontré : malgré un affaiblissement de la coalition FNSEA-JA, le mode de scrutin lui permet de conserver 80 % des chambres en ayant recueilli moins de 50 % des suffrages. Plus grave, dans chaque chambre le pluralisme est quasi inexistant.
Tant que ce système favorisera la majorité en place au détriment de l’expression d’autres sensibilités, malgré une diversité syndicale réelle, tant que le monde agricole ne pourra s’exprimer à travers un scrutin plus équitable, fondé sur la proportionnelle sans prime majoritaire excessive, le fonctionnement des chambres d’agriculture perdra en légitimité et en efficacité.
Il était compréhensible de reporter ce débat en période électorale, mais désormais il ne peut plus être éludé. Les élections étant derrière nous, il est de notre responsabilité de repenser le cadre démocratique de nos chambres d’agriculture pour qu’il soit plus adapté aux défis actuels du secteur.
Hier soir encore, les grandes orientations de notre agriculture pour la prochaine décennie ont été esquissées. Elles ne sont aucunement représentatives des attentes de la société, pas plus que de celles du monde agricole. D’autres sensibilités devraient pouvoir s’exprimer dans les chambres d’agriculture, ce qui n’est malheureusement pas le cas.
Il est désormais temps de réformer le mode de scrutin, de garantir un pluralisme effectif, de diversifier la composition des instances et d’assurer une répartition plus équitable des financements. C’est un chantier essentiel, auquel le Sénat doit pleinement contribuer.
En l’état, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien qu’essentiellement technique, la proposition de loi visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole nous aura néanmoins permis de mettre fin à quelques dysfonctionnements et d’engager des débats importants. Ceux-ci ne sont qu’un prélude à de plus amples réflexions, j’y reviendrai.
Ce texte vise donc à apporter des corrections aux dispositions concernant les élections de la MSA, à acter le report des élections consulaires à Mayotte et à proroger le dispositif dérogatoire permettant le cumul au sein des chambres entre activités de conseil et activités de vente et de distribution de produits phytopharmaceutiques.
Le Sénat a voté cette proposition de loi à la quasi-unanimité. Quant à la commission mixte paritaire, elle a été rapidement conclusive – pour une fois ! –, preuve d’une relative entente sur toutes les travées de cet hémicycle. Six articles sur huit ayant été votés conformes au texte de l’Assemblée nationale, seuls deux articles restaient à discuter en commission mixte paritaire.
À l’article 2, notre amendement visant à réintroduire la condition d’être à jour depuis au moins six mois de ses cotisations sociales pour être candidat aux élections de la MSA a été adopté en séance et conservé dans le texte final. Il nous paraissait en effet nécessaire de rétablir cette disposition supprimée par l’Assemblée nationale.
Si les considérations techniques ont été aisément réglées, c’est que les véritables points clivants n’ont trouvé aucune traduction législative dans ce texte. Les questions essentielles soulevées par cette proposition de loi demeurent, pour l’heure, en suspens.
Le manque de pluralisme au sein des instances agricoles n’a en effet pas été abordé frontalement dans cette proposition de loi.
L’article 1er ter, inséré à l’Assemblée nationale, prévoyait la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur l’évolution des règles électives des représentants des chambres d’agriculture et sur l’introduction d’une représentation proportionnelle. Supprimé en commission, il restait à débattre en commission mixte paritaire ; il n’a finalement pas été réintroduit dans le texte final.
Nous nous sommes abstenus sur cette proposition, car elle ne nous semblait pas pertinente. Ce dont le système de représentativité des instances agricoles a besoin, c’est d’une véritable réforme. Je rappelle, monsieur le ministre, que le ministère de l’agriculture s’est exprimé en faveur d’une réflexion sur cette question. Maintenant que le temps des élections dans les chambres d’agriculture est passé, nous espérons que cette proposition pourra se concrétiser.
Les résultats des élections consulaires ont montré que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le mode de scrutin actuel ne favorise pas la stabilité. Au contraire, il permet des basculements ou des changements radicaux de gouvernance, rendant tout compromis impossible. Dans le contexte que nous avons connu ces derniers mois, cela doit susciter des interrogations.
Nous attendons donc les propositions du Gouvernement sur ce sujet pour freiner cette dérive monopolistique inquiétante, qui n’a rien de démocratique.
Je reviendrai également sur la question de la séparation entre l’activité de vente et l’activité de conseil pour les produits phytopharmaceutiques, qui occupait l’essentiel de l’article 1er.
Nous n’avons formulé aucune opposition à la pérennisation du dispositif transitoire – le non-cumul des deux fonctions n’ayant, de fait, jamais été appliqué en dépit de l’adoption de la loi Égalim. Néanmoins, nous avions souhaité l’assortir de quelques garde-fous qui auraient a minima permis de renforcer l’application de la règle du déport, indispensable pour autoriser ce cumul.
À ce jour, il n’existe en effet aucune sanction en cas de non-respect de cette obligation, ce qui est pour le moins surprenant et laisse libre cours à de potentielles dérives. Notre amendement visant à prévoir une contravention n’a pas été adopté, et nous le regrettons.
Faut-il revoir totalement le système ? La question a été posée par les députés socialistes. Le débat reste donc ouvert, tout comme celui sur la représentativité des agriculteurs au sein des instances agricoles, qui est de loin le chantier le plus urgent à nos yeux.
À l’issue de nos travaux, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutient la version du texte adoptée par la commission mixte paritaire. Nous voterons donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Louis-Jean de Nicolaÿ applaudit également.)
M. Vincent Louault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier la députée Nicole Le Peih de cette proposition de loi.
Je me réjouis qu’un accord ayant permis d’aboutir à ce texte commun ait été trouvé en commission mixte paritaire. De surcroît, je me félicite que ce soit la version du Sénat qui ait été retenue.
Cette proposition de loi ne marquera peut-être pas la politique agricole française, comme une grande loi d’avenir ou d’orientation. Mais il n’en demeure pas moins qu’elle était utile et urgente. Elle a le mérite, une fois n’est pas coutume, de mettre tout le monde d’accord.
Comme nous l’avons souligné à de multiples reprises, ce texte est essentiellement technique. Circonscrit au nécessaire, il permettra le bon déroulé des élections actuelles et à venir dans les chambres d’agriculture, à Mayotte, et dans les caisses de la MSA.
À cet égard, il semble logique que la nécessité d’être à jour de sa cotisation à la MSA pour pouvoir se porter candidat – seule disposition restant en discussion lors de la commission mixte paritaire – ait été conservée.
L’Assemblée nationale a adopté ce texte hier. Nous allons à présent l’adopter à notre tour. Dès lors, certaines adaptations pourraient entrer en vigueur avant la date butoir pour l’installation des nouveaux bureaux des chambres d’agriculture.
Je pense notamment à l’article 1er, qui vise à permettre aux associés-coopérateurs et aux membres de coopératives vendant des produits phytopharmaceutiques de participer aux instances dirigeantes des chambres d’agriculture. Il est en effet absurde, d’un côté, de vouloir les exclure des instances dirigeantes et, de l’autre, de demander un fonctionnement plus démocratique aux chambres ! Cette rectification était nécessaire et urgente au vu du calendrier.
Certes, la question de la séparation de la vente et du conseil est importante, et les divisions demeurent sur cette question. Mais force est de constater que le dispositif issu de la loi Égalim ne fonctionne pas. Nous ne demandons pas pour autant un retour en arrière. Ce n’est pas souhaitable ! Pour autant, il est impératif de retravailler ce mécanisme dans un futur texte. Encore une fois, ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi.
Je tiens, au passage, à saluer les agriculteurs qui se sont présentés aux élections et qui ont été élus. Je les remercie pour leur engagement en faveur du monde agricole. Les résultats sont contrastés et témoignent de la colère de certains. Quoi qu’il en soit, le fort taux de participation à cette élection est l’honneur de la profession agricole.
Je suis très heureux que nous avancions enfin sur le projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture que nous avons voté hier soir, un an après sa présentation. Ce texte répondra-t-il à toutes les attentes ? J’en doute fort, tant les inquiétudes persistent, que ce soit sur la simplification ou sur le millefeuille administratif. Je ne reviendrai pas sur la fameuse haie, ni sur les chiens et la laine.
Demain, nous aurons à parler de recherche et d’innovation, de nouvelles techniques génomiques (NGT), d’adaptation et d’atténuation du changement climatique, de revenus, etc. Aussi le texte qui nous est aujourd’hui soumis nous semble être une bouffée d’air. Nous le voterons ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme le rapporteur et M. Claude Kern applaudissent également.)