M. le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Henno. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, bien entendu, les membres du groupe Union Centriste souhaitent un vote conforme. En effet, il est primordial que notre pays soit doté d’une loi de financement de la sécurité sociale et qu’il en finisse avec une période budgétaire qui n’a que trop duré.

Je remercie d’emblée notre rapporteure générale et le président de notre commission des affaires sociales. Ils ont tenu le cap de la responsabilité dans cette période ô combien particulière. Ils en ont rappelé les étapes, je n’y reviens donc pas.

Comme le disait ma grand-mère, c’est mieux que si c’était pire… (Sourires.) Cependant, en toute lucidité, nous ne pouvons considérer ce projet de loi de financement de la sécurité sociale comme satisfaisant. Après le vote des lois budgétaires, pour reprendre la formule de notre président, « on ne peut pas rester dans l’immobilisme », durer pour durer n’a pas de sens.

Selon Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, la situation de nos finances publiques est entre le préoccupant et le grave – je pencherais plutôt vers ce dernier terme. Les deux dernières années ont été des années noires pour les finances publiques, mais aussi pour le budget de la sécurité sociale.

Mes chers collègues, l’heure est à la gravité : la dépense sociale pèse lourd dans notre pays, très lourd. Pour mémoire, sur 1 000 euros de dépenses publiques, 570 euros sont consacrés à la dépense sociale, contre 65 euros pour ce qui relève du régalien – armée, sécurité, justice. En 2024, cette même dépense sociale a progressé de plus de 3,1 %, soit bien plus que la croissance nationale.

Nous débattons souvent des retraites, dans notre pays, ce qui est logique, car leur montant représente 400 milliards d’euros. Cette somme équivaut peu ou prou à l’ensemble des dépenses de l’État, éducation, justice, santé, police et recherche réunies.

Les retraites pèsent à elles seules près de 14 % du PIB, près du double de la moyenne des pays de l’OCDE et trois points de plus qu’en Allemagne. Le rapport de la Cour des comptes fait d’ailleurs état d’un déficit tendant vers les 10 milliards d’euros. Grâce à quoi ? Grâce à qui ? Grâce à la réforme des retraites et à la majorité sénatoriale, qui a pris ses responsabilités. Le travail de René-Paul Savary n’aura ainsi pas été vain, mes chers collègues.

Je n’en dirai pas plus sur les retraites, car mon petit doigt me dit que nous aurons l’occasion d’en reparler… Je veux cependant exprimer la ligne rouge du groupe UC par rapport au débat à venir sur ce sujet. Nous n’accepterons pas une nouvelle fuite en avant au nom d’un prétendu consensus. Nous n’accepterons pas que ce consensus se fasse par une augmentation du déficit et de la dette publique.

Il n’est pas possible de signer des chèques sur le dos des générations à venir. Il n’est plus possible d’émettre des chèques qui seront débités sur le compte de nos enfants et petits-enfants, a fortiori pour payer nos retraites.

Que nous le voulions ou non, nous entrons dans un cycle d’efforts budgétaires, mes chers collègues. Nous devons tourner le dos à l’expansionnisme qui, engagé en réponse à la crise covid, a prévalu ensuite pendant des années, par facilité, par manque de volonté et de lucidité politiques.

J’en viens à la branche assurance maladie. Soyons lucides avant d’être courageux, mes chers collègues : c’est dans ce domaine que les efforts à venir seront les plus douloureux.

Comme vous le savez, sur 1 000 euros d’argent public dépensés, 570 euros le sont au titre des dépenses sociales, et parmi celles-ci, 248 euros vont aux retraites, dont le budget pèse à hauteur de 14 % de notre PIB, et 208 euros vont aux dépenses de santé, dont le total représente 12,5 % de notre PIB.

Le déficit de la branche maladie dépasse hélas ! les 15 milliards d’euros. L’expression « hors de contrôle » employée par notre rapporteure générale est donc particulièrement adaptée.

Dans ce domaine également, il est temps de fixer quelques lignes rouges.

En la matière, j’oserai avancer une proposition dont je sais qu’elle ne fait pas consensus. Il n’est plus possible qu’année après année l’Ondam s’établisse à un niveau bien supérieur à la croissance de notre pays, mes chers collègues. Une telle distorsion ne peut plus durer, car, au-delà de l’augmentation de notre dette sociale et de notre dette publique qu’elle emporte, cette situation risque de priver notre pays de la possibilité d’engager les investissements nécessaires pour le redressement de la croissance, mais aussi pour l’éducation, le régalien et même la transition écologique.

La maîtrise de la dépense sociale est donc la seule voie possible pour sauver la sécurité sociale. Elle est indispensable à ce titre, mais également au regard des écarts sociaux entre les générations, que la justice impose de ne pas creuser.

Sans intention de faire le procès de notre système social, je tiens enfin à souligner un paradoxe : nous dépensons beaucoup, et parfois mal, en matière sociale. Il suffit en effet d’ouvrir les yeux pour constater que la grande pauvreté continue de progresser de manière alarmante.

En tant que rapporteur de la branche famille, je constate de plus que nous nous soucions si peu de l’avenir que nous acceptons que la famille soit le parent pauvre de notre système de protection sociale.

Notre natalité est en berne pour de nombreuses raisons. L’excellent ouvrage intitulé Les Balançoires vides ose en pointer quelques-unes, notamment le peu d’aide dont disposent les jeunes couples pour faire garder les jeunes enfants, la grave crise que traversent les différents modes de garde, la faible attractivité des métiers de la petite enfance, la baisse du nombre d’assistantes maternelles du fait du non-remplacement des départs à la retraite ou encore la diminution du nombre de places en crèche.

Pour réparer l’organisation des modes de garde – tout le monde en est d’accord –, 2 milliards d’euros seraient nécessaires, soit l’équivalent du montant capté sur la branche famille par la branche maladie au titre des indemnités journalières, alors que les indemnités journalières relèvent pourtant de la branche maladie. En somme, notre natalité s’effondre et nous regardons ailleurs.

« Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s’abandonnent. » Ainsi s’exprimait Pierre Mendès France, un autre bon auteur.

L’heure est venue de reprendre en main nos dépenses sociales, mes chers collègues. Cela suppose de consentir des efforts et de faire des économies, mais aussi de créer davantage de richesses et, partant, d’augmenter le volume global d’heures travaillées.

S’il est temps de tourner la page du « quoi qu’il en coûte », l’heure est également venue de rompre avec le « prélever plus » et le « travailler moins ».

Avec le vote de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, une page budgétaire chaotique se refermera. La nouvelle page s’ouvrira demain doit être celle de la fin de la fuite en avant, celle des réformes structurelles, de la vérité et du courage politique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mmes Annie Le Houerou et Émilienne Poumirol applaudissent également.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous voici arrivés au bout du tunnel qu’a constitué l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, après la dissolution de l’Assemblée nationale, un soir d’élection, et après les trois 49.3 activés par le gouvernement.

Après la chute du gouvernement Barnier, vous aviez promis de rencontrer chaque groupe parlementaire pour trouver des compromis sur le financement de la sécurité sociale, madame la ministre. Nous regrettons la fin de non-recevoir que vous avez opposée à notre souhait de vous rencontrer, alors que nous avions confirmé notre disponibilité pour discuter avec vous sur des pistes de recettes supplémentaires. (Mmes les ministres le démentent.)

J’ai par-devers moi le mail dans lequel vous avez reporté notre rencontre, jamais reprogrammée ensuite, madame la ministre. Nous aurions pu être le onzième groupe reçu, mais il n’en a finalement rien été.

M. Bernard Jomier. Très bien !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Rassurez-vous toutefois, nous avons des propositions à vous soumettre et nous savons échanger.

Il ne suffit pas de citer Ambroise Croizat, comme vous l’avez fait à l’Assemblée nationale, pour devenir communiste, madame la ministre.

M. Roger Karoutchi. Heureusement ! (Sourires.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. La conscience de classe ne s’attrape pas à notre contact, n’ayez crainte ! (Exclamations amusées.)

Oui, il faut un budget pour la sécurité sociale, mais pas à n’importe quel prix. Pour nous, le budget Bayrou n’est pas plus acceptable que le budget Barnier. Comme le précédent, il ne répond pas aux besoins de millions de Français qui n’ont plus de médecin traitant et qui attendent plusieurs mois un rendez-vous chez un spécialiste.

La chute du gouvernement Barnier a fort heureusement permis l’indexation des pensions de retraite au 1er janvier dernier et l’abandon du déremboursement des consultations médicales. Le présent budget de la sécurité sociale pour 2025 demeure toutefois un très mauvais budget, qui aggravera les difficultés d’accès aux soins de nos concitoyens et qui dégradera davantage la situation des hôpitaux.

Les augmentations de 3,3 % de l’Ondam et de 3,8 % de l’Ondam hospitalier permettront seulement d’assurer le maintien du budget pour 2024.

Le milliard d’euros supplémentaires pour la santé que vous avez annoncé est en réalité un milliard d’économies en moins, madame la ministre. Le gouvernement Barnier prévoyait initialement d’économiser 3,9 milliards d’euros sur le budget des hôpitaux. Si l’on tient compte de l’évolution naturelle des dépenses de santé, qui sera de l’ordre de 4,7 milliards d’euros sans compter l’inflation, qui devrait s’établir à 1,5 % en 2025, c’est une économie de 2,9 milliards d’euros qui est demandée aux hôpitaux par le Gouvernement Bayrou.

En réalité, le milliard d’euros supplémentaires correspond tout juste au coût de la hausse du taux de cotisation à la CNRACL décidée par le Gouvernement avec l’assentiment de la majorité sénatoriale.

Je rappelle qu’en dépit de son étalement sur quatre ans la hausse du taux de cotisation à la CNRACL emportera chaque année un coût supplémentaire de 1 milliard d’euros pour les hôpitaux et de 1,3 milliard d’euros pour les collectivités territoriales, sans compensation de l’État.

Alors que le déficit des hôpitaux explose et que les collectivités n’arrivent pas à boucler leur budget, il faudra donc consentir 2,3 milliards d’euros d’économie en 2025, 2026, 2027 et 2028.

L’Assemblée des départements de France (ADF) vous demandait la compensation des dépenses de solidarité à l’euro près, madame la ministre. Ce ne sera pas le cas.

Par ce budget, vous continuez de sous-financer nos hôpitaux et nos Ehpad. Avec la fameuse « taxe lapin », vous allez faire payer les malades qui n’honorent pas leurs rendez-vous. Vous réduisez le plafond des indemnités journalières et augmentez de 1 milliard d’euros la taxation des organismes d’assurance complémentaire de santé.

Le journal La Tribune décrit parfaitement votre politique : « Les entreprises gagnantes, les hôpitaux en sursis ». Alors qu’elles bénéficient chaque année de 80 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales, en 2025, les entreprises bénéficieront en prime de 78,4 milliards d’euros d’aides publiques sans contrepartie, notamment en matière d’emploi. Je rappelle que, 80 milliards d’euros, c’est près de quatre fois le déficit de la sécurité sociale !

Le déficit prévisionnel de la sécurité sociale pour 2025, qui s’établit à 22 milliards d’euros, aurait pu être largement résorbé si vous en aviez eu la volonté politique. En réalité, le Gouvernement entretient ce déficit pour justifier les coupes budgétaires et les prestations en moins.

En conclusion, je soulignerai la cohérence et la continuité des gouvernements Barnier et Bayrou, dépourvus de vision pour la sécurité sociale, incapables de répondre aux grands enjeux sanitaires et sociaux tels que le vieillissement démographique, les maladies chroniques et l’accueil de la petite enfance.

Le groupe CRCE-K votera naturellement contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Anne Souyris.

« Les assurés ayant cotisé

« Toute l’année

« Se trouvèrent fort dépourvus

« Quand le déficit fut venu :

« Les dépenses sociales en hausse,

« Des recettes insuffisantes. »

Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, voilà la fable qui nous est contée dans cette séquence budgétaire. Telle la dispendieuse cigale, les prestations sociales versées aux assurés sont pointées du doigt : des médicaments surconsommés qu’il faudrait dérembourser, des retraités qui toucheraient une pension si importante qu’il ne faudrait pas l’indexer sur l’inflation, un système de santé qui dépenserait à tout-va, si bien qu’il faudrait le surcontrôler.

Est-ce à dire que l’injuste réforme des retraites de 2023 n’a pas permis de maîtriser les dépenses de la branche vieillesse ?

Est-ce à dire que les dépenses d’assurance maladie sont incontrôlables ?

Est-ce à dire que nous ne finançons pas la sécurité sociale en fonction des besoins de santé, dont nous savons pourtant qu’ils augmentent avec le vieillissement de la population, les vulnérabilités liées au changement climatique et l’explosion de la prévalence des maladies chroniques ?

Loin d’avoir chanté toute l’année, les assurés ont travaillé et cotisé, quand la droite, fourmi de circonstances, promettait de réduire les droits sociaux, les pensions de retraite et le remboursement des soins.

Nous nous y sommes opposés et nous continuerons de nous opposer aux mesures antisociales comme aux contrôles sur les dépenses sociales, ces derniers étant bien mal ciblés lorsqu’ils portent sur des personnes, alors que les entreprises sont responsables de 80 % des fraudes à la sécurité sociale.

En vertu du principe fondateur de la sécurité sociale, « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins », le groupe GEST a proposé d’abonder le budget de la sécurité sociale de nouvelles recettes, de sorte que les revenus du capital contribuent de manière plus égalitaire au financement de la protection sociale, que les exonérations de cotisations sociales aux entreprises, dont le montant atteint 80 milliards d’euros alors que leur inefficacité a été démontrée, soit réexaminées, et que les industriels pollueurs, alcooliers, tabagistes et industriels du sucre caché, responsables de l’explosion du nombre de maladies chroniques, soient mis à contribution.

Ces propositions ont été sèchement rejetées par le Gouvernement. Aucune des priorités en faveur desquelles nous avons plaidé n’a été retenue, ni même entendue, madame la ministre. C’est bien dommage – et d’abord pour nous ! –, car la sécurité sociale est le pilier de notre contrat républicain.

Nous en voilà donc revenus à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, ce texte qui a entraîné la première censure d’un gouvernement de la Ve République après l’enclenchement de l’article 49.3 de la Constitution, mes chers collègues.

En ayant recours à l’article 49.3 en nouvelle lecture, le Gouvernement a fait le choix de la stabilité. C’est en effet une constante depuis 2022. À nos concitoyennes et nos concitoyens, qui, au mois de juillet dernier, ont invité le Parlement à trouver des compromis, le Gouvernement a répondu par un déni de démocratie.

Des compromis étaient pourtant possibles. Nous proposions notamment une loi de programmation pluriannuelle pour la santé. Cette idée a été reprise par M. Bayrou de manière fugace, avant qu’elle ne soit écartée par M. Neuder, à l’instar de la loi de programmation sur le grand âge promise pour 2024.

À défaut de nouvelles recettes, le déficit de la sécurité sociale poursuit sa folle course sous l’effet de l’augmentation en flèche des dépenses. Notre pays produit pourtant de la richesse, encore faudrait-il se donner la peine de la redistribuer.

Rappelons-nous, mes chers collègues, que c’est face aux grandes crises que les grandes lois sociales ont été adoptées. Il en fut ainsi de l’impôt sur le revenu, à propos duquel Jaurès prononçait ces mots qu’il nous faut garder à l’esprit : « Dans une société où celui qui ne possède pas a tant de peine pour se défendre, tandis au contraire que celui qui possède de grands capitaux voit sa puissance se multiplier non pas en proportion de ces grands capitaux mais en progression de ces capitaux, l’impôt progressif vient corriger une sorte de progression automatique et terrible de la puissance croissante des grands capitaux. »

Nous continuerons de nous battre pour la redistribution des richesses, pour que chacun et chacune soit mis à contribution selon ses moyens, pour que chacun et chacune soit soigné et reçoive des prestations selon ses besoins et pour enfin faire advenir une sécurité sociale du XXIe siècle, c’est-à-dire planifiée, fondée sur les besoins des assurés et écologique.

Évidemment, nous ne voterons pas ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Annie Le Houerou applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous voici parvenus à la fin du long processus législatif que fut celui de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Présenté par le gouvernement Barnier, ce texte a été amendé par le Sénat sans avoir été examiné par l’Assemblée nationale en première lecture, puis examiné par une commission mixte paritaire dont les conclusions ont finalement été rejetées par l’Assemblée nationale, après l’engagement de la responsabilité du Premier ministre Barnier, dont le gouvernement est alors tombé.

Nous voici donc à nouveau réunis pour examiner la « version Bayrou » de ce texte. L’issue est connue : la majorité sénatoriale ayant pour objectif de voter ce texte conforme, l’opposition n’a aucun espoir de le faire évoluer dans les heures à venir.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale paye le prix de l’irresponsable dissolution décidée au mois de juillet dernier par le président Macron. Il paye aussi le prix de l’enclenchement du 49.3 par le Premier ministre Barnier, qui avait rejeté tout échange avec les groupes de gauche, préférant des négociations avec le Rassemblement national, qui n’a pourtant pas hésité, dès la première occasion, à voter une motion de censure, fût-elle présentée par la gauche.

L’instabilité politique créée par le président Macron a coûté cher à notre économie. Elle a suscité dans le pays une vague d’incertitudes qui a freiné l’activité de nos entreprises et semé l’inquiétude chez nos concitoyens et au sein des collectivités locales, chacun redoutant la situation inédite d’une France sans budget.

C’est dans cet esprit que certains groupes de gauche, dont les socialistes, ont demandé à être entendus par le Premier ministre Bayrou et son nouveau gouvernement afin de trouver les voies de l’adoption d’un budget. En acceptant de discuter avec le gouvernement Bayrou pour éviter une nouvelle censure, son objectif était d’obtenir des avancées significatives et concrètes pour le quotidien des Françaises et des Français, qui ont clairement exprimé dans les urnes leur souhait d’un changement de cap.

Nous avons demandé la suspension de la réforme des retraites et l’ouverture d’une conférence de financement avec les partenaires sociaux. Cette conférence a été actée rapidement.

Les retraites ont quant à elle été indexées sur l’inflation au 1er janvier 2025, conformément à la règle que le gouvernement Barnier voulait annuler.

Nous avons demandé une augmentation de l’Ondam à hauteur de 3 milliards d’euros, 500 millions d’euros étant destinés aux personnes âgées, ce que nous avons partiellement obtenu.

Le Gouvernement est revenu sur le déremboursement des consultations médicales et des médicaments, mesures injustes qui faisaient notamment payer aux malades l’évolution des tarifs conventionnés avec les médecins.

Nous demandions également la suppression de la hausse des taux de cotisation à la CNRACL, décidée sans concertation avec les collectivités et sans compensation dans les budgets des hôpitaux. Cette hausse a finalement été imposée par décret.

Je rappelle que le déficit de cette caisse s’explique pour partie par les transferts effectués entre caisses de retraite lorsque la CNRACL était excédentaire et pour partie par le remplacement de fonctionnaires par des contractuels qui cotisent au régime général, ce qui emporte à la fois une précarisation des agents publics et un déséquilibre des comptes de la CNRACL.

En ce qui concerne la fonction publique, nous avons obtenu la suppression du passage d’un à trois du nombre de jours de carence pour les congés maladie.

Si nous avons obtenu ces quelques avancées, il n’en demeure pas moins que la copie Bayrou aggrave le déficit de la sécurité sociale. Le Gouvernement a en effet refusé toutes nos propositions de recettes supplémentaires, celles-ci étant pourtant nécessaires pour retrouver un équilibre.

Notre système de sécurité sociale ne tiendra pas dans la durée s’il n’est pas financé. En matière de recettes, la copie Bayrou est pire que la copie Barnier, et bien pire encore que celle du Sénat, qui reconnaissait à juste titre la nécessité de bouger les lignes concernant les allègements généraux de cotisations sociales. Ces derniers sont en effet accordés sans réserve, alors que leur inutilité en matière d’emploi et d’amélioration de la compétitivité de nos entreprises a été démontrée par de nombreux économistes, en particulier par Antoine Bozio et Étienne Wasmer dans leur rapport intitulé Les Politiques dexonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire.

Le Sénat avait en conséquence prévu de réduire ces exonérations de 3,1 milliards d’euros. Ce montant a été ramené à 1,6 milliard d’euros dans la version que nous examinons aujourd’hui, mes chers collègues.

Les politiques d’allègements promues par la Macronie ont aggravé le déficit de la sécurité sociale, passé de 5 milliards d’euros lors de la prise de fonction du président Macron à plus de 18 milliards d’euros à la fin de l’année 2024. Le déficit prévisionnel de la sécurité sociale pour 2025, plus important dans la version qui nous est proposée aujourd’hui que dans le texte initial, atteint le montant préoccupant de 23 milliards d’euros.

Le Gouvernement assume de laisser filer le déficit, qui devrait atteindre le montant de 25 milliards d’euros en 2028. Il choisit de continuer à siphonner les ressources de notre modèle de sécurité sociale par les exonérations qu’il accorde et rejette systématiquement toutes les mesures qui permettraient de consolider les recettes nécessaires à son financement, y compris la fiscalité comportementale.

D’autres solutions existent pourtant, certaines ayant du reste été adoptées par le Sénat. Parmi les nombreuses propositions du groupe socialiste, l’augmentation du taux de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA), la taxe sur les superprofits des gestionnaires d’Ehpad à but lucratif, qui permettrait de financer la perte d’autonomie, ou encore l’augmentation du taux de cotisation d’accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) des entreprises ayant un taux de sinistralité élevé auraient permis de réduire le déficit.

Si les négociations menées par les socialistes ont permis d’adoucir la note pour les assurés, le résultat est largement insuffisant. Les malades, les travailleurs et les retraités devront donc continuer de supporter la lourde charge des dépenses de sécurité sociale, alors que la finance, les très riches et les grandes entreprises cotées en bourse profitent de cadeaux fiscaux. Rappelons que les 370 ménages les plus aisés ne contribuent qu’à hauteur de 2 % de leur fortune aux finances publiques.

Nous nous réjouissons de l’abandon de la journée de solidarité proposée par la majorité sénatoriale, qui envisageait de demander aux salariés de travailler un jour supplémentaire sans rémunération. Tout travail mérite juste salaire et juste cotisation à nos dépenses publiques.

Nous contestons de même les mesures de M. Macron qui encouragent à l’octroi de primes temporaires exonérées de cotisations sociales plutôt qu’à une augmentation des salaires. Le résultat est que les revenus des ménages n’ont pas augmenté avec l’inflation et que le manque à gagner pour la sécurité sociale était estimé en 2023 à 19,3 milliards d’euros par la Cour des comptes.

La protection sociale doit évoluer avec son temps, mais cela suppose des investissements.

Le groupe SER se joint donc à tous les acteurs du secteur pour en appeler à une pluriannualisation des prévisions de dépenses et des investissements en matière de santé.

La santé se pense en effet à l’aune d’une vie. La logique budgétaire annuelle est dommageable pour le secteur, pour les professionnels et pour l’innovation. Si le ministre Neuder a récemment montré des signes d’ouverture, j’estime qu’à défaut d’une loi de programmation une simple réflexion pluriannuelle n’est pas suffisante.

Je considère également que le financement de la prévention doit être dissocié des dépenses de soins, car les premières contribueront à réduire les secondes.

Le modèle financier des Ehpad doit par ailleurs être revu. Nous sommes toujours en attente de cette Arlésienne qu’est la loi sur le grand âge, seule à même de répondre aux enjeux de la transition démographique et d’assurer chacun du choix de son mode de vie. Cela suppose de renforcer les services à domicile, de valoriser les métiers concernés en généralisant la prime Ségur et de trouver les moyens de financer cette augmentation.

La qualité de l’accompagnement et la formation doivent de même être au cœur d’un véritable service public de la petite enfance, en parallèle d’une réforme égalitaire du congé parental.

Permettez-moi enfin, alors que nous faisons le bilan des vingt ans de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, de pointer les déficiences de notre système, mes chers collègues.

La suppression des normes d’accessibilité emporte un réel recul des droits des personnes handicapées ou en perte d’autonomie. Elle pèse sur les dépenses de prestation de compensation du handicap (PCH) qui pallient à titre individuel les insuffisances des aménagements collectifs dont l’implantation dans notre environnement commun aurait dû être pensée en amont. Nous nous opposons donc à la vision court-termiste proposée.

Si notre pays a besoin d’un budget de la sécurité sociale, nous aurions préféré que ce texte fût plus équitable, qu’il contribue à améliorer l’accès aux soins pour tous et partout, ainsi que les prises en soins.

Nous regrettons d’être réunis, encore une fois aujourd’hui, autour d’un texte qui n’offre aucune perspective de pérennité à notre système de sécurité sociale, auquel nous sommes pourtant nombreux à être attachés, mes chers collègues.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’opposera donc à ce budget et il continuera à faire des propositions. La promesse républicaine que nous partageons repose en effet sur l’ambition d’assurer une protection sociale pour toutes et tous.

Nous participerons avec enthousiasme aux travaux de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) avec notre rapporteure générale Élisabeth Doineau. Nous y formulerons des propositions concrètes pour le financement de notre sécurité sociale, en nous inspirant notamment des préconisations formulées en 2022 par Mélanie Vogel dans le rapport d’information intitulé Construire la sécurité sociale écologique du XXIe siècle.

Si nous voulons protéger notre système de sécurité sociale et préserver l’esprit du Conseil national de la Résistance qui a présidé à sa création, nous ne pouvons pas nous exonérer d’une réflexion sur son juste financement et sur la pertinence de chaque dépense de santé, mes chers collègues. La logique de notre système doit être inversée : il nous faut prévenir avant de guérir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)