M. le président. L’amendement n° 16, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3,

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Le même I est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce montant M déterminé par la loi est retranché du total des financements et des aides publiques perçus au cours de l’année précédant la déclaration par l’entreprise assujettie. »

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Les groupes pharmaceutiques ont tous affiché pour l’année 2024 des chiffres d’affaires en hausse, portés notamment par des ventes de traitements anticancéreux eux-mêmes en augmentation.

Selon le journal économique La Tribune, « les laboratoires pharmaceutiques sont en très bonne forme en 2024. […] le groupe Merck a affiché une hausse de son chiffre d’affaires de 7 %, Novartis et Sanofi de 11 % et AstraZeneca de 21 % ».

Ces résultats contrastent avec la décision de l’entreprise Sanofi de supprimer plus de 300 emplois, par exemple, sur le site de Vitry-sur-Seine, ou de pratiquer la politique de filialisation à outrance. Celle-ci, on le sait, a conduit à la vente et à la cession de sa filiale Opella à Lisieux, qui fabrique du Doliprane, avec toutes les conséquences et toutes les inquiétudes que cela entraîne pour les salariés de ce territoire.

C’est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, de moduler la clause de sauvegarde sur le médicament en fonction des aides et des financements publics attribués aux entreprises concernées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Vous le savez, madame la sénatrice, la clause de sauvegarde est un volume global. Si l’on ajoute de la pression sur l’une des parties de cette composante, de facto, cela reporte le poids sur l’autre.

Par ailleurs, il y existe des entreprises qui ne perçoivent pas d’aides. Celles-ci se trouveraient alors injustement taxées.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Masset, Bilhac, Cabanel, Fialaire et Guiol, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 11

Insérer sept alinéas ainsi rédigés :

…) Le II est ainsi rédigé :

« II. – Le montant de la contribution due par chaque entreprise mentionnée au I de l’article L. 138-10 est déterminé :

« 1° À concurrence de 50 %, au prorata du montant remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments qu’elle exploite, importe ou distribue au sein du montant total remboursé par l’assurance maladie défini au même I ;

« 2° À concurrence de 30 %, en fonction de la progression du montant remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments que l’entreprise exploite, importe ou distribue par rapport à l’année précédente définie audit I ;

« 3° À concurrence de 20 %, en fonction du lieu de production des médicaments que l’entreprise exploite, importe ou distribue au sein du montant total remboursé par l’assurance maladie défini au même I.

« La fraction de la part de la contribution due en fonction du lieu de production est ainsi déterminée :

«

Part des médicaments mentionnée à l’article L. 138-10 produits en Europe

Coefficient

Part de la contribution de l’entreprise

Inférieure ou égale à 20 %

4

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

Supérieure à 20 % et inférieure ou égale à 40 %

3

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

Supérieure à 40 % et inférieure ou égale à 60 %

2

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

Supérieure à 60 % et inférieure ou égale à 80 %

1

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

Supérieure à 80 %

0

Coefficient de l’entreprise / Somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

»

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Au travers de cet amendement, je souhaite créer une troisième tranche dans le calcul de la répartition individuelle de la clause de sauvegarde. Celle-ci permettra de mieux tenir compte du lieu de production des médicaments.

À l’heure où la souveraineté doit devenir une boussole de l’action publique, il est indispensable de préserver les médicaments produits en France en les intégrant dans le calcul de la clause de sauvegarde.

Le rapport de la mission interministérielle sur la régulation des produits de santé démontre bien le poids de cette clause sur la rentabilité des entreprises.

Cet amendement tend donc à s’inscrire dans la dynamique du plan France 2030, qui prévoit la relocalisation et l’augmentation des capacités de production nationale de médicaments. Il s’agit d’une mesure très importante pour les industries pharmaceutiques présentes sur nos territoires, particulièrement dans le Lot-et-Garonne.

Je reste ouvert à la discussion avec le Gouvernement. Je suis bien sûr prêt à retirer cet amendement si un rendez-vous était organisé dans les meilleurs délais, afin d’apporter des solutions dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

L’essentiel est de donner des garanties suffisantes à notre industrie pharmaceutique, pour continuer à produire sur nos sols et œuvrer de concert à la souveraineté sanitaire du pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cher collègue, j’appuie votre demande de rendez-vous auprès du ministre de la santé, pour que vous puissiez discuter de cette question importante.

À l’heure où tout est mondialisé, on est effectivement en droit de s’interroger sur les lieux de production de médicaments. Mais il faut faire attention : certains patients ont besoin de médicaments produits hors du champ européen. Taxer ces produits renchérirait le coût de leurs soins. Je souligne par ailleurs que certaines relocalisations en France ou dans l’Union européenne posent problème.

Veillons donc à ce que les mesures proposées n’aient pas un effet délétère sur les patients. M. le ministre vous expliquera certainement tout cela mieux que moi.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Monsieur le sénateur Masset, la question de la souveraineté industrielle se pose tant chez vous dans le Lot-et-Garonne que chez moi en Isère, puisque nos deux territoires s’efforcent de relocaliser la production de certaines molécules.

Le Comité économique des produits de santé (CEPS) prend déjà en considération un certain nombre de critères, notamment géographiques. Les médicaments sont-ils fabriqués en France, en Europe ou hors de l’Union européenne ?

Nul n’ignore notre dépendance aux marchés asiatiques ou américains. Mais il faut aussi savoir qu’un certain nombre de substances actives ne peuvent absolument plus être produites en Europe, en raison de risques environnementaux importants. Nous sommes donc dépendants de la production étrangère, sauf à changer les normes environnementales européennes, ce qui n’est pas non plus souhaitable.

Il importe de trouver un compromis. Le CEPS, en fixant les prix, doit apprécier la volonté de conserver une part de souveraineté dans le conditionnement et dans la production.

J’accepte naturellement l’idée d’un rendez-vous. Pourquoi ne pas organiser aussi une visite sur site ? Ce sont des sujets importants. On l’a vu lors du sommet sur l’intelligence artificielle (IA) qui s’est tenu la semaine dernière, il est possible de créer en France les principes actifs d’un certain nombre de médicaments, notamment en cancérologie ou en immunothérapie. Il faut, sur cette chaîne de produits spécifiques, qu’il s’agisse de cancérologie ou d’immunothérapie, renforcer les mesures en faveur de notre souveraineté.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Masset, l’amendement n° 1 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Michel Masset. Je prends acte de votre réponse, monsieur le ministre, et je souhaite que l’on associe à cette réflexion les autres parlementaires du Lot-et-Garonne, notamment Mme Christine Bonfanti-Dossat et M. Michel Lauzzana.

Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 68, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Les entreprises du médicament sont financées en grande partie par la sécurité sociale. En 2022, elles ont réalisé un chiffre d’affaires global sur les médicaments remboursables de 33,4 milliards d’euros.

Les clauses de sauvegarde, qui assurent une contribution à la sécurité sociale dès lors que les montants remboursés par l’assurance maladie sur les médicaments et les dispositifs médicaux dépassent un certain seuil, constituent un mécanisme de régulation utile. Elles ont permis de rapporter 1,2 milliard d’euros en 2022, soit 3,6 % du chiffre d’affaires des entreprises.

Toutefois, les clauses de sauvegarde doivent être encore renforcées. Notre amendement vise ainsi à supprimer le plafonnement de la clause de sauvegarde sur les produits de santé. En effet, nous ne pouvons pas à la fois accepter le principe de la régulation du marché et l’appliquer seulement jusqu’à un certain point au-delà duquel il n’y aurait plus d’encadrement. Ce serait pour le moins curieux…

Surtout, les procédures de baisses de prix sur les médicaments et de négociations de remises par le Comité économique des produits de santé sont insuffisantes pour maîtriser la croissance importante des dépenses de médicaments constatée ces dernières années.

Les dépenses qui sont liées aux médicaments ont augmenté de 2,1 % sur la période 2019-2023 et celles qui sont liées aux dispositifs médicaux se sont accrues de 3,7 %. Rappelons, par exemple, que le coût des trois doses de vaccin contre les infections à papillomavirus humains (HPV) coûte 370 euros, dont 240 euros sont pris en charge par l’assurance maladie.

Nous devons ainsi nous atteler rapidement à doter le CEPS de plus grands pouvoirs pour négocier le prix des médicaments.

Je me réjouis, à ce propos, que notre amendement sur la remise du rapport d’activité du CEPS ait été conservé dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il nous permettra de disposer d’informations fiables pour légiférer et fixer les montants de déclenchement des clauses de sauvegarde.

En attendant, plafonner la clause de sauvegarde serait une mesure de bon sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 68.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9.

(Larticle 9 est adopté.)

Article 9
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Articles 9 bis B et 9 bis C

Article 9 bis A

I. – Le onzième alinéa de l’article L. 137-33 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Pour les entreprises mentionnées à l’article L. 138-1, il n’est tenu compte, dans le calcul du chiffre d’affaires retenu pour déterminer l’assiette de la contribution, que de la partie du prix de vente hors taxes de chaque unité vendue aux officines inférieure à un montant de 2 500 euros augmenté de la marge maximale que ces entreprises sont autorisées à percevoir sur cette somme en application de l’arrêté prévu à l’article L. 162-38. Le chiffre d’affaires retenu pour déterminer la contribution prévue à l’article L. 138-1 est exclu de l’assiette de la contribution sociale de solidarité. »

II. – (Non modifié)

III. – (Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 17, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet article, adopté contre l’avis de la commission des affaires sociales du Sénat et du Gouvernement, réduit l’assiette de la contribution sociale de solidarité pour les répartiteurs pharmaceutiques.

En 2022, les grossistes répartiteurs ont déjà bénéficié d’une baisse du taux applicable à la première part de la contribution sur les ventes en gros de 1,75 % à 1,5 %.

Dans un contexte de pénuries et de ruptures de stocks de médicaments, qui représentent une défaillance de la mission de service public des répartiteurs pharmaceutiques, cette disposition apparaît particulièrement inopportune.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il est vrai que l’article 9 bis A n’existait pas dans la version du texte que nous avions examinée dans notre rapport. Il a été créé à la suite de l’adoption de l’amendement de l’un de nos collègues.

Nous avons tous conscience des difficultés, notamment financières, que rencontrent les répartiteurs pharmaceutiques depuis plusieurs années déjà.

Nous avons calculé le coût que représenterait cette réduction de l’assiette de contribution : il n’est pas considérable, sachant que cette mesure permettrait de soutenir une filière indispensable pour assurer le lien entre les pharmaciens et les laboratoires.

Même si, en commission, nous n’avions pas voté l’amendement à l’origine de la création de cet article, il a été adopté en séance au Sénat, et la mesure a été conservée par la CMP.

Nous devons donc maintenir l’article 9 bis A. Il est très important que nous soutenions cette filière.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9 bis A.

(Larticle 9 bis A est adopté.)

Article 9 bis A
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Article 9 bis

Articles 9 bis B et 9 bis C

(Supprimés)

Articles 9 bis B et 9 bis C
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Article 9 ter A

Article 9 bis

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le II de l’article 1613 ter est ainsi modifié :

a) Le tableau du deuxième alinéa est ainsi rédigé :

 

« 

Quantité de sucre (en kilogrammes de sucre ajouté par hectolitre de boisson)

Tarif applicable (en euros par hectolitre de boisson)

Inférieure à 5

4

Entre 5 et 8

21

Au-delà de 8

35

 » ;

b) Les troisième et avant-dernier alinéas sont supprimés ;

c) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « et au troisième alinéa » sont supprimés ;

2° Le 2° du II de l’article 1613 quater est ainsi modifié :

a) La première phrase est ainsi modifiée :

– au début, le montant : « 3,34 € » est remplacé par le montant : « 4,5 € » ;

– après le mot : « contenant », sont insérés les mots : « une quantité d’édulcorants de synthèse inférieure ou égale à 120 milligrammes par litre et à 6 € par hectolitre pour les autres produits contenant » ;

b) Au début de la deuxième phrase, les mots : « Ce montant est relevé » sont remplacés par les mots : « Ces montants sont relevés » ;

c) Au début de la dernière phrase, les mots : « Il est exprimé » sont remplacés par les mots : « Ils sont exprimés ».

II (nouveau). – Le 1° du I entre en vigueur le premier jour du mois suivant la publication de la présente loi.

Le 2° du même I entre en vigueur le 1er janvier 2026 – (Adopté.)

Article 9 bis
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Article 9 ter B

Article 9 ter A

(Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 51, présenté par Mmes Bélim et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Après la section 3 du chapitre V du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, il est inséré une section ainsi rédigée :

« Section…

« Taxation des publicités en faveur de boissons alcooliques

« Art. L. 245-…. – I. – Il est institué une taxe perçue sur les dépenses de publicité portant sur la promotion d’une boisson alcoolique à La Réunion. Le produit de cette taxe est versé à la Caisse nationale de l’assurance maladie.

« II. – Sont redevables de cette taxe les entreprises :

« 1° Produisant, important ou distribuant en France des boissons alcooliques ou leurs représentants ;

« 2° Et dont le chiffre d’affaires du dernier exercice est supérieur ou égal à 2 millions d’euros, hors taxe sur la valeur ajoutée.

« III. – La taxe est assise sur les frais d’achats d’espaces publicitaires, quelle que soit la nature du support retenu et quelle que soit sa forme, matérielle ou immatérielle, ainsi que les frais d’évènements publics et de manifestations de même nature.

« IV. – Le taux de la taxe est fixé à 1 % du montant hors taxes sur la valeur ajoutée des dépenses mentionnées au I du présent article.

« V. – Les modalités du recouvrement sont précisées par décret. »

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2025.

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à rétablir une disposition essentielle, qui a été adoptée par le Sénat et maintenue en commission mixte paritaire, mais supprimée ensuite par le Gouvernement. Il s’agit de la taxation sur les publicités pour les boissons alcooliques à La Réunion.

Nous ne comprenons pas les raisons de cette suppression. Je me fais ici la porte-parole d’Audrey Bélim, qui avait convaincu les sénateurs de l’ensemble des groupes de voter l’amendement à l’origine de cet article.

À La Réunion, les conséquences de la consommation d’alcool sont dramatiques. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : qu’il s’agisse de violences intrafamiliales, d’accidents de la route, de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale ou de maladies chroniques, la situation est bien plus grave dans ce territoire que dans l’Hexagone.

Ainsi, dans ce département de 860 000 habitants, on compterait chaque année 600 décès liés à l’alcool, soit 68,3 pour 100 000 habitants. Ce taux est largement supérieur à la moyenne nationale.

Ces données, issues de Santé publique France, reflètent l’ampleur du problème. Avec Mme Bélim, j’ai rencontré l’équipe du service d’addictologie du centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion, chargé du suivi des malades. Chaque année, on compte 5 000 passages aux urgences et autant de vies qui sont brisées, parfois avant même d’avoir commencé, en raison de l’alcoolisation fœtale, un phénomène bien plus présent dans ce département que dans le reste du pays.

Face à ce constat, il est impératif que ceux qui bénéficient de la vente d’alcool contribuent à la lutte contre ses ravages. Cet amendement vise donc à taxer la publicité pour les boissons alcooliques, afin de financer le fonds de lutte contre les addictions.

Les industriels de l’alcool participeraient ainsi financièrement à la réduction des risques inhérents à la consommation de leurs produits. Il faut se rendre sur place pour voir les grands panneaux publicitaires promouvant l’achat d’alcool à des prix défiant toute concurrence à l’entrée des magasins…

En parallèle, cette taxe permettrait de diversifier les ressources du fonds de lutte contre les addictions et de donner une forme concrète à l’engagement pris par le Gouvernement au travers de la stratégie décennale de lutte contre les cancers, en faisant de la prévention une priorité de la politique de santé publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je remercie notre collègue de porter une nouvelle fois cet amendement à notre connaissance. Nous avons largement débattu de ce sujet lors de l’examen en première lecture de ce texte.

J’en profite pour dire ma satisfaction face aux véritables avancées que présente ce PLFSS sur les taxes comportementales. Avec Cathy Apourceau-Poly, j’avais beaucoup travaillé sur l’ensemble des addictions. Nous avions surtout évoqué la question des aliments gras, salés et sucrés, de l’alcool et du tabac. Nous avions laissé de côté celle des jeux d’argent, qui représentent eux-mêmes un pan énorme des comportements addictifs, mais un article y est finalement consacré.

Il faut donc se satisfaire que les travaux de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) aient trouvé une forme concrète au travers de ces amendements. Les articles qui en découlent montreront de réels effets dans les années à venir.

Mes chers collègues, vous évoquez la situation particulière de La Réunion vis-à-vis de la consommation d’alcool. Cependant, d’autres territoires d’outre-mer sont concernés par une consommation excessive de boissons alcoolisées.

Nous envisageons d’organiser un déplacement à La Réunion pour rencontrer les acteurs concernés. Lors de l’examen du texte en première lecture, j’avais proposé de travailler plus étroitement sur ce sujet. En réalité, ce département n’est pas le seul territoire confronté à cette problématique.

La publicité sur les produits dont la consommation peut être addictive doit être un sujet de réflexion. Plusieurs mesures ont été instaurées par la loi du 20 décembre 2016 relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, dite loi Gattolin, mais il faut désormais passer à l’étape suivante.

J’invite tous les sénateurs et toutes les sénatrices qui le souhaitent à travailler sur le sujet, afin d’avancer davantage, je l’espère, à l’occasion du prochain PLFSS.

Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir soulevé la question. Néanmoins, nous ne pouvons malheureusement pas nous permettre de voter cet amendement, car cela reporterait l’adoption du PLFSS.

Mme Annie Le Houerou. Eh oui, il faut voter le texte conforme…

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Madame la sénatrice, vous vous faites ici la porte-parole de Mme Bélim.

En tant que médecin, je ne puis qu’être fortement préoccupé par les méfaits de l’alcool et par le nombre de décès liés à sa consommation, qui s’élève chaque année à 40 000 en France, soyez-en certaine. La question de la publicité, en particulier, attire mon attention. Le rôle des alcools forts, notamment, est fortement mis en cause dans l’accidentologie chez les jeunes.

Je partage donc votre constat, ainsi que les propos de Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous sommes contre les addictions, quelles qu’elles soient. D’ailleurs, l’addiction à l’alcool est souvent conjointe à la consommation de substances illicites.

Je suivrai l’avis défavorable de Mme la rapporteure générale, et cela pour trois raisons.

Premièrement, cet amendement tend à induire une différenciation territoriale. Or le problème que vous soulignez à La Réunion se pose également en outre-mer et en métropole.

Deuxièmement, le critère d’éligibilité à la taxe que vous proposez se fonde sur le chiffre d’affaires généré par l’entreprise.

Troisièmement, l’outil ne me semble pas le plus adéquat. Nous pourrions sans doute avancer davantage en faisant évoluer le droit commercial.

La députée Karine Lebon a récemment déposé une proposition de loi visant à protéger les jeunes des publicités en faveur de l’alcool. Nous aurons donc l’occasion de revenir sur le sujet. L’alcool, comme la drogue, est un fléau chez les jeunes.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Mme Annie Le Houerou. Cet amendement avait été adopté à l’unanimité en première lecture, c’est dommage…

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement. Je suis également médecin, mais je ne suis pas entièrement d’accord avec vous.

Tout d’abord, il y a plusieurs années, j’ai participé à une mission d’information à La Réunion. J’y ai constaté l’importante présence de la publicité pour les boissons alcoolisées, en particulier pour les alcools forts, mais pas n’importe lesquels ! Il s’agissait de promouvoir non pas le rhum, mais plutôt des alcools étrangers, comme le whisky.

Ensuite, pour autant que je me souvienne, la loi Évin interdit la publicité pour l’alcool en général et pour les alcools forts en particulier !

Mme Annie Le Houerou. Tout à fait !

M. Alain Milon. Le président de la commission des affaires sociales nous a fait la leçon : nous devons adopter le texte conforme, afin que l’ensemble des professionnels de santé, en particulier, puissent travailler cette année.

Il n’en demeure pas moins que cet amendement, qui avait été voté par le Sénat en première lecture, est extrêmement cohérent. D’ailleurs, la taxe qu’il vise à instaurer se fonde sur le chiffre d’affaires, non pas des seules entreprises autochtones, mais aussi des firmes étrangères, notamment américaines.