Merci, cher Max Brisson, de ne pas nous donner de leçons de bienséance, de ne pas nous dire qui seraient les véritables laïques, qui n’en seraient plus aujourd’hui. C’est malvenu de la part d’un courant politique qui a injurié Briand et Jaurès, qui a refusé le grand service public unifié et laïque de l’éducation nationale.

M. Max Brisson. Je n’étais pas né !

M. Patrick Kanner. Sans doute d’ailleurs ce courant politique pourrait-il demander, s’il était cohérent avec lui-même, qu’il n’y ait plus de soutanes et de crucifix sur les murs dans les écoles privées aujourd’hui, ces établissements remplissant une mission de service public. Il faut être cohérent jusqu’au bout ! Puisque ces établissements, qu’ils soient catholiques, protestants, juifs ou musulmans, remplissent une mission de service public, ils ne devraient accepter aucun signe religieux. C’est intéressant, non ?

M. Max Brisson. Les masques tombent !

M. Patrick Kanner. Mes chers collègues, avec cette proposition de loi, vous défendez un dispositif de fracturation de la société.

J’ai noté que, depuis 2017, le bloc central veillait à éviter tout débordement sur ce sujet. En revanche, monsieur le ministre, depuis l’arrivée de certains ministres au Gouvernement, j’ai constaté une évolution : on peut désormais, dans un texte comme celui-ci, aborder des sujets qui étaient jusqu’à présent absents du débat politique national. Dont acte.

J’entends bien que la laïcité ne souffre aucun adjectif, mais je sens tout de même la main de M. Retailleau dans ce dossier. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Que cela vous plaise ou non, c’est la réalité ! Vous réglerez vos problèmes plus tard au sein de votre parti politique.

Ce que je veux dire par là, et j’en termine, monsieur le président, c’est que nous vivons ce soir un événement historique. Je ne sais pas si cette proposition de loi est appelée à prospérer, mais, si tel était le cas, nous n’hésiterions pas pour notre part à saisir le Conseil constitutionnel, quel que soit son président, pour vérifier la conformité de ce texte, qui deviendrait une loi de la République, à la Constitution. Comptez sur nous ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.

M. Bernard Fialaire. Mon engagement politique s’inspire aussi de nos illustres aînés, qui s’étaient engagés pour les valeurs de la République, garanties par le principe de laïcité. Je ne doute pas qu’ici, sur toutes les travées, à droite et à gauche, tout le monde souhaite défendre ce principe.

Je vous mets simplement en garde, chers collègues : en matière de laïcité comme dans d’autres domaines, l’enfer peut être pavé de bonnes intentions. Nul doute qu’il existe aujourd’hui des comportements et des manipulations visant à opprimer les femmes qu’il faut combattre. Attention, simplement, à ne pas dévoyer le principe de laïcité, qui est un principe de protection.

Si l’on le détourne pour en faire une arme de discrimination ou un instrument de contrainte, on braque toute une partie de la population, notamment la jeunesse, qui voit la laïcité comme étant non plus protectrice, mais contraignante.

Je salue les efforts du Gouvernement pour édulcorer, voire anesthésier certains articles par ses amendements. Pour autant, ce texte n’est pas à la hauteur de l’enjeu : il comporte des risques parce qu’il stigmatise et, surtout, parce qu’il dévoie véritablement le principe de laïcité, que nous défendons. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et SER.)

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.

M. Michel Savin. D’aucuns ont évoqué les débordements qui ont émaillé l’examen de ce texte. À vous entendre, chers collègues, certains sujets ne pourraient même pas être débattus dans cet hémicycle. Je remercie pour ma part le groupe Les Républicains d’avoir accepté d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de nos travaux.

À force de ne pas parler de certains sujets, en effet, on laisse le champ ouvert…

M. Akli Mellouli. Mais on en parle sans cesse !

M. Michel Savin. … à des situations qui nous échappent complètement et sur lesquelles les personnes concernées nous interpellent : « Mais que font les politiques ? Ils sont incapables de mettre le sujet sur la table, de débattre et de prendre des décisions. » La réalité, c’est que ces problèmes se posent tous les jours !

J’entends dire qu’il faut faire un choix entre la religion et le sport. Non ! Sur un terrain de sport, il n’y a pas à choisir : seul le sport à sa place. Ce n’est la place ni de la religion, ni de la politique, ni du syndicalisme ! (M. Guillaume Gontard sexclame.) La religion reste en dehors de l’espace sportif et n’a rien à faire sur le terrain ou dans les vestiaires. Elle reste à l’extérieur, car elle relève de la sphère privée. Elle n’a rien à voir avec le sport.

Je suis désolé, monsieur Lozach, mais je connais la position d’une grande partie des fédérations : elles demandent une harmonisation. Elles ont besoin d’un cadre juridique et politique. Certaines ont décidé d’interdire, d’autres d’autoriser, d’autres encore ne savent pas quoi faire…

Le politique va-t-il courageusement se cacher derrière son petit doigt, mettre la poussière sous le tapis et attendre de voir ce qu’il se passe ? Si nous faisons cela, un phénomène que certains décrivent comme marginal prendra des proportions telles qu’il nous échappera complètement.

Je remercie mes collègues des groupes Les Républicains et Union Centriste, ainsi que tous ceux qui ont voté les amendements. Je remercie aussi le rapporteur, qui a fait un excellent travail, et le Gouvernement, qui a soutenu une grande partie des articles qui composent ce texte.

Bien sûr, cette proposition de loi va poursuivre son parcours à l’Assemblée nationale. J’espère qu’elle y sera prochainement inscrite à l’ordre du jour des travaux et qu’elle y sera encore enrichie.

L’ancienne ministre des sports, Mme Oudéa-Castéra, a pris position, elle, au moment des jeux Olympiques et Paralympiques, pour interdire aux équipes de France le port de tout signe religieux. Je n’ai entendu personne manifester contre cette position, qui était souhaitée par l’ensemble des élus de notre pays.

Merci encore, donc, à ceux qui soutiennent ce texte. J’espère qu’il sera adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Je crois que, dans cet hémicycle, au travers de nos engagements personnels ou des formations politiques que nous représentons, nous sommes tous laïcs. Nous sommes tous profondément attachés à la loi de 1905 et à celle de 2004 et nous le revendiquons.

Pourtant, dès que nous examinons un texte qui réinterroge la question de la laïcité, les débats sont vifs, animés, pour ne pas dire enflammés… En un sens, c’est une bonne chose, cela prouve qu’il y a matière à débattre. D’ailleurs, cela ne doit pas nous dissuader de nous réinterroger sur la laïcité aujourd’hui, au XXIe siècle, au contraire ! Si nous ne le faisons pas, d’autres le feront à notre place.

Avec M. Buffet, alors qu’il était président de la commission des lois, j’ai mené une mission commune d’information sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes. Notre travail ne portait pas spécifiquement sur le sport, mais sur l’école. Nous avons été frappés de constater que les nouvelles générations, y compris chez les enseignants, n’ont plus chevillés au corps les principes de la laïcité à la française, auxquels nous sommes tous attachés. Dans un certain nombre de domaines, nous devons nous réinterroger sur la laïcité ; sinon, nous perdrons la main.

Si la question nous est posée aujourd’hui par cette proposition de loi déposée par Michel Savin, ce n’est pas un hasard. C’est parce que le sport a pris une grande place dans notre société. Il suffit pour s’en convaincre de voir le nombre de jeunes adhérents, de constater l’effet concret du sport sur l’intégration ou de comprendre que les modèles sont désormais plus souvent des sportifs que des scientifiques ou des universitaires.

La question qui est posée aujourd’hui est donc tout à fait légitime. Je remercie Michel Savin et Stéphane Piednoir du travail qu’ils ont accompli. Je note du reste que le texte a beaucoup évolué au cours de nos débats, ce qui prouve que ces derniers étaient nécessaires.

M. Max Brisson. Le travail a duré neuf mois !

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Ces neuf mois ont sans doute été nécessaires pour accoucher d’un texte qui, sans être totalement consensuel, poursuivra – je l’espère, pour ma part – son parcours à l’Assemblée nationale. En tous cas, nous faisons confiance au Gouvernement pour cela ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains et, l’autre, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 199 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 291
Pour l’adoption 210
Contre 81

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

7

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Sur le scrutin public n° 198 portant sur l’article 1er de la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, Georges Patient souhaitait voter contre et non s’abstenir.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont.

Mme Françoise Dumont. Sur le scrutin public n° 196 portant sur l’ensemble du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, mes collègues Micheline Jacques et Didier Mandelli souhaitaient voter pour.

M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chères collègues. Elles figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 19 février 2025 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente :

Désignation des dix-neuf membres de la commission d’enquête sur la libre administration des collectivités territoriales, privées progressivement de leurs recettes propres, et sur les leviers à mobiliser demain face aux défis de l’investissement dans la transition écologique et les services publics de proximité.

De seize heures trente à vingt heures trente :

(Ordre du jour réservé au groupe CRCE-K)

Proposition de loi visant à indexer les salaires sur l’inflation, présentée par Mmes Cathy Apourceau-Poly, Silvana Silvani, Céline Brulin et plusieurs de leurs collègues (texte n° 208, 2024-2025) ;

Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, tendant à l’application en droit français de la directive européenne relative à l’amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes numériques, présentée par M. Pascal Savoldelli et plusieurs de ses collègues (texte n° 548 rectifié, 2023-2024).

nomination de membres dune commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des affaires économiques pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi dorientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Laurent Duplomb, Pierre Cuypers, Franck Menonville, Jean-Claude Tissot, Christian Redon-Sarrazy et Bernard Buis ;

Suppléants : MM. Jean-Claude Anglars, Christian Bruyen, Yves Bleunven, Lucien Stanzione, Gérard Lahellec, Vincent Louault et Henri Cabanel.

nomination dun membre dune commission denquête

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission denquête sur les pratiques des industriels de leau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Khalifé Khalifé est proclamé membre de la commission denquête sur les pratiques des industriels de leau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés, en remplacement de Mme Vivette Lopez, démissionnaire.

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER