PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 4 (début)
Dossier législatif : proposition de loi expérimentant l'encadrement des loyers et améliorant l'habitat dans les outre-mer
 

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Reconnaissance du bénévolat de sécurité civile

Débat organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, sur la reconnaissance du bénévolat de sécurité civile.

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour d’un droit de réplique, pour une minute.

Monsieur le ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé sa place dans l’hémicycle.

Dans le débat, la parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements.)

M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste –Kanaky. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit me tient particulièrement à cœur dans la mesure où mon département, le Pas-de-Calais, a subi à la fin de 2023 et au début de 2024 deux vagues d’inondations extrêmement violentes. En raison de leur soudaineté et de leur intensité, nombre de nos communes et de leurs habitants ont été plongés dans des situations très préoccupantes. Fort heureusement, elles n’ont pas fait de victimes.

Au cours de cet épisode critique et inédit, chacun a pu attester de l’utilité, de l’engagement et de l’efficacité des associations agrées de sécurité civile, en particulier la protection civile. Nous le mesurons également lors de chaque événement climatique qui frappe nos outre-mer.

À titre d’exemple, dix bénévoles de la protection civile du Pas-de-Calais se sont récemment rendus à Mayotte, sur leurs congés payés, avec des billets d’avion pris en charge par la protection civile sur ses fonds propres. De même, dès demain, quinze autres bénévoles, dont trois Pas-de-Calaisiens, s’envoleront pour La Réunion.

Vous le savez sans doute, une proposition de loi visant à reconnaître le bénévolat de sécurité civile a été déposée à l’Assemblée nationale en avril 2023, avant d’être adoptée à l’unanimité par la commission des lois, puis en séance publique en mars 2024. Elle était défendue par le député Yannick Chenevard, qui est présent ce soir dans nos tribunes – je l’en remercie.

Si le texte a été transmis au Sénat dans la foulée de son adoption, il n’a toujours pas été inscrit à l’agenda de nos travaux, d’où l’organisation de ce débat.

Mes chers collègues, en 2017, le Président de la République a déclaré, devant les bénévoles des associations agréées de sécurité civile (AASC) : « Vous incarnez toutes et tous le visage d’une France solidaire, ouverte, généreuse, […] et je suis fier de cette énergie que chacun de vous déploie en ces moments difficiles et éprouvants, par le seul souci de l’autre et le seul intérêt de la France. ».

Monsieur le ministre, j’ai participé en 2020 à la mission commune d’information sur le sauvetage en mer, qui a été créée après un terrible drame : le décès de trois sauveteurs en Vendée au cours d’une mission d’intervention. Nous avions alors abordé des questions proches de celles qui nous occupent ce soir : comment mieux reconnaître le bénévolat assuré par les sauveteurs en mer ? Comment pérenniser le modèle économique de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), qui repose, en moyenne annuelle, à 50 % sur la générosité publique ?

Nous posons aujourd’hui les mêmes questions au sujet des associations agréées de sécurité civile. Pas moins de 200 000 bénévoles œuvrent au sein de ces structures et interviennent quotidiennement auprès de nos concitoyens. Ils agissent dans un cadre préventif, par exemple en assurant le secours lors de manifestations ou événements, mais aussi en dispensant des formations et en conduisant des actions de sensibilisation aux risques et aux réflexes de premiers secours. Ils interviennent aussi et surtout aux côtés des sapeurs-pompiers et des forces publiques dans le cadre de crises, notamment les plus graves, pour accompagner les personnes touchées.

À titre d’illustration, dans mon département du Pas-de-Calais, 250 bénévoles et 10 salariés – 50 en période estivale – assurent la surveillance des plages. Au sein des huit antennes réparties sur le territoire, ils totalisent 150 000 heures de bénévolat pour secourir 2 700 personnes et en assister 1 800 autres. Ces bénévoles sont également présents dans les postes de secours installés pour des événements d’ampleur comme l’Enduropale du Touquet-Pas-de-Calais ou le Main Square Festival d’Arras, mais aussi dans 300 autres manifestations.

Quelque 200 interventions sont effectuées chaque année, qu’il s’agisse d’opérations d’urgence à la demande du préfet, de l’encadrement des populations ou du soutien à des personnes sinistrées, grâce à soixante-quatre véhicules, dont six véhicules de premier secours. En outre, la protection civile du Pas-de-Calais a été missionnée par la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) pour prendre en charge les migrants après l’intervention des forces de sécurité sur le littoral.

Ces structures jouent donc un rôle essentiel de soutien auprès des services de secours, rôle appelé à s’accroître dans un contexte d’accélération des crises géopolitiques, sanitaires et climatiques, dont les répercussions s’intensifient dans notre pays.

Le texte adopté à l’Assemblée nationale, réclamé de longue date par les associations du secteur, comporte des avancées significatives, qui répondent en partie aux attentes. Ces associations demandent à titre principal la reconnaissance de l’engagement des bénévoles.

La proposition de loi apporte plusieurs réponses à cet effet : améliorer l’articulation de leur engagement avec leur activité professionnelle ; mieux prendre en compte le temps de bénévolat au titre du compte personnel de formation (CPF) ; consentir l’octroi de trimestres supplémentaires pour le calcul de leur retraite ; mais aussi, tout simplement, leur attribuer des distinctions pour reconnaître leur investissement.

Pour soutenir les activités des bénévoles, le texte prévoit une réduction de prix sur le carburant, comme cela peut exister dans d’autres secteurs.

Néanmoins, la proposition de loi adoptée par les députés élude dans une large mesure la question pourtant sensible et centrale du renforcement des moyens des associations agréées. En effet, à la demande du Gouvernement, différents articles introduisant un soutien financier aux associations ont été retirés du texte, au motif de l’état inquiétant des finances publiques de notre pays. Pour mémoire, il s’agissait notamment de créer un fonds de garantie, d’instaurer des dispositifs d’exonération de taxes ou encore de majorer les incitations fiscales pour renforcer la générosité publique en la matière.

Sans nier la réalité de notre situation budgétaire, force est de constater que la version issue des travaux de l’Assemblée nationale diminue grandement la portée du texte, mais aussi et surtout son ambition initiale. Certes, des efforts budgétaires doivent être consentis ; toutefois, au regard de la particularité des missions concernées, ce secteur aurait peut-être dû être préservé.

Si je prends de nouveau le cas de mon département, seuls six des dix postes de salariés de la protection civile sont financés par l’État, les quatre autres reposant sur les fonds propres de l’association. Au-delà de la prise en charge de ces six postes, la structure ne touche pas de financement de l’État : ses ressources proviennent principalement de ses prestations payantes.

Si l’on ajoute à cela les retards de remboursement des frais avancés pour des interventions demandées par l’État, vous comprendrez que la situation soit extrêmement tendue. Pour les interventions réalisées lors de la vague d’inondations de l’hiver 2023-2024, à laquelle j’ai fait référence au début de mon propos, 150 000 euros de carburant et de consommables n’ont toujours pas été remboursés.

L’autre argument avancé par le Gouvernement était le lancement d’un Beauvau de la sécurité civile, engagé en avril 2024, avec pour objectif de mener une réflexion globale sur la protection civile. Monsieur le ministre, à ce jour, et sauf erreur de ma part, seul un champ thématique parmi les cinq ouverts, autour de la question « Quelle mission pour la sécurité du demain ? », s’est traduit par la mise en ligne d’un rapport sur le site du ministère.

Quid des quatre autres chantiers que vous avez lancés, monsieur le ministre, dont celui, essentiel, du soutien financier au secteur de la protection civile ? Nous aimerions avoir accès à l’avancement des travaux afin de participer à la concertation. Au reste, sans remettre en cause les vertus de la concertation, faut-il rappeler que le texte déposé à l’Assemblée nationale en avril 2023 était déjà le fruit d’une concertation avec les acteurs du terrain ?

En ouverture de ce débat, de nombreuses questions se posent : combien de temps les bénévoles concernés devront-ils encore attendre avant que cette loi soit votée ? La loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, prévoyait déjà de consolider l’organisation des associations, mais n’a pas été véritablement suivie d’effets sur le terrain.

Que devons-nous répondre aux sollicitations récurrentes des associations concernées dans nos départements, qui sont confrontées à des difficultés financières ou à des carences en matériel d’intervention ? Il est de notre responsabilité d’identifier les mécanismes financiers susceptibles de leur permettre de pérenniser leur organisation, mais aussi et surtout d’agir plus sereinement.

Au-delà de la réduction du coût de l’essence, il convient, par exemple, de réfléchir au malus écologique, qui s’applique actuellement aux véhicules d’intervention ou à une exonération de la taxe foncière pour les locaux des associations agréées – mais cette dernière mesure relève des communes.

Quel est le calendrier prévu pour la clôture des travaux du Beauvau ? Où en est l’enquête en ligne menée depuis juin 2024 et toujours ouverte à ce jour, dont les résultats ne sont toujours pas disponibles ?

Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est temps d’inscrire de façon urgente l’examen de cette proposition de loi à notre agenda. J’espère que nous pourrons nous enorgueillir, à l’image de nos collègues députés, d’un vote unanime. C’est le moins que nous puissions faire pour des personnes qui agissent au quotidien pour la sécurité de nos concitoyens, de façon pleinement désintéressée, parfois au péril de leur propre vie.

Il semble que le texte pourrait être inscrit à notre agenda avant l’été. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous le confirmer ? Quelle est la position du Gouvernement sur les moyens à mettre en œuvre pour accompagner les associations agréées de sécurité civile, reconnues d’utilité publique ? (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à la suite de cette intervention liminaire, permettez-moi de formuler quelques observations sur le calendrier du Beauvau de la sécurité civile.

Cette démarche a en effet été engagée en 2024, mais elle a subi les événements politiques que nous connaissons tous. Elle a repris dès le mois de janvier dernier et plusieurs déplacements ont été effectués dans ce cadre. Nous sommes en train d’analyser l’ensemble des contributions issues de la concertation, qui a été extrêmement riche, sur l’ensemble des thématiques qui étaient soulevées – je rappelle que chaque débat était organisé autour d’une thématique.

Ce travail devrait s’achever dans le courant du mois de mars. Lorsque ce sera le cas, nous organiserons une nouvelle concertation, dans un format beaucoup plus restreint, notamment avec les associations départementales, la SNSM et les parlementaires s’intéressant au sujet, dont vous faites partie.

Nous préparerons ensuite un projet de loi, que nous espérons finaliser avant l’été, c’est-à-dire au plus tard au début du mois de juillet. Nous ne savons pas s’il pourra être présenté au Parlement à cette date, mais nous souhaitons que les étapes préparatoires de ce texte – réunions interministérielles, avis du Conseil d’État… – soient achevées, de sorte qu’il puisse être examiné à la rentrée de septembre. Voilà pour ce qui est du calendrier.

En ce qui concerne le sujet même de ce débat, à savoir le bénévolat, il est évident que toutes les associations agréées de sécurité civile participent aux discussions et seront prises en considération au sein du projet de loi, dont un volet concernera le monde bénévole et l’aide à son maintien. Cela participe d’une stratégie très importante.

Mme la présidente. Dans la suite du débat, la parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre modèle de sécurité civile, unique en Europe, repose sur une complémentarité entre professionnels, volontaires et bénévoles. Ensemble, ils assurent la protection de nos concitoyens face aux crises climatiques, sanitaires, technologiques ou géopolitiques.

Avec près de 200 000 sapeurs-pompiers volontaires et 200 000 bénévoles au sein des associations agréées de sécurité civile, ce modèle repose majoritairement sur l’engagement citoyen. Ces femmes et ces hommes, en parallèle de leur vie professionnelle et personnelle, choisissent de consacrer leur temps et leur énergie à la protection des autres, dans un esprit de solidarité et de dévouement qui fait la force de notre nation.

La sécurité civile française est reconnue comme l’une des plus efficaces au monde. Elle repose sur un maillage territorial fort et une capacité à mobiliser rapidement des forces opérationnelles, que ce soit pour lutter contre les incendies ou pour gérer les catastrophes naturelles ou les situations de crise exceptionnelles.

Pourtant, ce modèle est aujourd’hui fragilisé et confronté à de nombreux défis.

Il est fondamental de garantir la pérennité du volontariat et du bénévolat en sécurité civile. Or la jurisprudence, en particulier l’arrêt dit Matzak, menace sérieusement notre modèle en assimilant les sapeurs-pompiers volontaires à des travailleurs. Les sapeurs-pompiers ne sont pas les seuls concernés : la menace pèse aussi sur l’ensemble des bénévoles de la sécurité civile, qui risquent d’être soumis à des contraintes administratives incompatibles avec leur engagement.

Si cette interprétation venait à s’imposer, elle pourrait décourager des vocations, complexifier les conditions d’engagement et affaiblir notre capacité de réponse aux crises.

Notre assemblée a déjà eu l’occasion de se prononcer sur ce sujet. Elle a plaidé pour une directive européenne spécifique encadrant l’engagement citoyen bénévole et volontaire, afin de préserver le statut des intéressés et d’éviter leur requalification par le droit du travail. Le Gouvernement soutiendra-t-il une directive européenne spécifique pour protéger le volontariat de sécurité civile contre une telle requalification ?

Avec leurs 200 000 engagés, ces associations jouent un rôle fondamental dans le secours d’urgence, l’appui aux populations sinistrées, la formation aux gestes qui sauvent et l’encadrement des grands événements. Pourtant, les bénévoles des associations agréées de sécurité civile restent insuffisamment intégrés dans la chaîne des secours. Leur rôle doit être clarifié et renforcé, dans une logique de complémentarité avec les sapeurs-pompiers.

Le Gouvernement prévoit-il de renforcer la coordination entre les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) et les AASC pour assurer une meilleure complémentarité sans provoquer de concurrence ?

Si nous devons protéger le volontariat en sécurité civile, nous devons aussi mieux reconnaître l’engagement des bénévoles des AASC.

Ces associations peinent aujourd’hui à recruter et à fidéliser des bénévoles, notamment en raison d’un manque de reconnaissance et de contraintes liées à la conciliation de cet engagement avec la vie professionnelle et familiale.

La loi Matras et la loi de finances rectificative (LFR) pour 2023 ont marqué des avancées pour les sapeurs-pompiers volontaires. Je pense notamment à la facilitation de leur disponibilité auprès des employeurs et à la bonification de trimestres pour la retraite, ainsi qu’à la valorisation de leur engagement dans la formation et dans les parcours professionnels. Mais ces dispositifs ne bénéficient pas aux bénévoles des AASC, alors qu’ils exercent des missions complémentaires et tout aussi essentielles.

L’extension de ces avantages auxdits bénévoles paraît, dès lors, légitime. Le Gouvernement y est-il favorable ? Au-delà, envisage-t-il la création d’un véritable statut de bénévole de sécurité civile, garantissant une meilleure conciliation entre engagement, vie professionnelle et vie familiale ?

Enfin, il est impératif d’assurer un financement stable et durable aux associations agréées de sécurité civile. Ces structures, qui sont essentielles à notre capacité de réponse aux crises, fonctionnent souvent avec des moyens précaires, reposant sur des dons, des subventions ponctuelles ou des mécénats incertains. (M. Gérard Lahellec acquiesce.)

La proposition de loi de notre collègue député Yannick Chenevard, adoptée par l’Assemblée nationale le 27 mars 2024 et en attente d’examen au Sénat, contient des avancées notables, comme la création d’un fonds de garantie assurant un financement pérenne des AASC, l’extension de certaines incitations fiscales, le bénéfice de déductions de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et l’exonération de taxe foncière pour les locaux opérationnels. Le Gouvernement est-il favorable à ces mesures et, plus largement, à l’esprit de la proposition de loi déposée par M. Chenevard ?

Ces défis nous obligent. Nous devons agir dès aujourd’hui pour préserver et renforcer notre modèle de sécurité civile, dont la force repose sur l’engagement volontaire et sur la solidarité citoyenne.

En assurant une concertation entre les différents acteurs concernés, le Beauvau de la sécurité civile a permis d’identifier des solutions concrètes. Quelles leçons le Gouvernement tire-t-il de ce travail ? Quelles mesures découleront de ces échanges et sous quels délais ? Il est de notre responsabilité de nous hisser à la hauteur des défis que notre sécurité civile, pilier de notre résilience collective, doit et devra affronter. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice Schillinger, vous avez raison de rappeler que notre dispositif de sécurité civile est l’un des plus performants au monde ; son rôle de leader est d’ailleurs reconnu à l’échelle européenne.

Les sapeurs-pompiers professionnels, les sapeurs-pompiers volontaires et les bénévoles des différentes associations de sécurité civile concourent à notre action de sécurité civile. Toutefois, ce dispositif multifacettes paraît aujourd’hui fragile, pour plusieurs raisons : tout d’abord, la pérennité de son financement est menacée ; ensuite, un certain nombre d’évolutions, notamment le changement climatique et les autres risques rappelés très clairement par M. Corbisez, nous imposent de revoir ses missions ; enfin, nous devons planifier le renouvellement de divers équipements – je pense en particulier à nos canadairs.

Ces enjeux considérables exigent un vaste travail de réflexion, dans lequel s’inscrit le débat de ce soir.

Le Gouvernement soutiendrait-il une directive européenne précisant le statut des bénévoles ? Sans l’ombre d’une hésitation, je vous réponds oui : nous soutenons cette démarche.

Vous m’interrogez également sur le statut des volontaires. Ce sujet est au menu du Beauvau de la sécurité civile. Il n’est pas tranché – à cet égard, les positions des uns et des autres sont très différentes –, mais il fait partie de ceux que nous devons examiner.

Quant au maintien de l’attractivité du bénévolat, il constitue, à nos yeux, un enjeu fondamental. Notre dispositif de sécurité civile repose largement sur le volontariat et le bénévolat : souvenons-nous qu’il dénombre 45 000 professionnels, parmi lesquels les sapeurs-pompiers, alors qu’avec les volontaires et les membres des associations agréées ses effectifs totaux sont bien plus nombreux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve. (Applaudissements.)

Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à remercier les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky d’avoir pris l’initiative de ce débat. Les bénévoles de la sécurité civile ont bel et bien besoin d’une plus grande reconnaissance.

Je ne vous apprendrai rien en rappelant que, en vertu de l’article L.112-1 du code de la sécurité intérieure, la sécurité civile « a pour objet la prévention des risques de toute nature, l’information et l’alerte des populations ».

S’ajoute à cette mission ô combien importante, pour ne pas dire indispensable, « la protection des personnes, des animaux, des biens et de l’environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes ».

Ces actions passent par la préparation et la mise en œuvre de mesures et de moyens appropriés relevant de l’État, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées.

En la matière, le modèle français, à la fois hybride et original, permet à plus de 250 000 sapeurs-pompiers, à plus de 13 000 militaires des bataillons de marins-pompiers de Marseille et sapeurs-pompiers de Paris, aux 1 500 sauveteurs, pilotes d’avion et d’hélicoptère et aux 200 000 bénévoles de concourir à l’exercice de cette mission. En 2023, plus de 4 millions d’heures de bénévolat ont ainsi été effectuées.

S’ils sont peu connus, ces bénévoles, hommes et femmes confondus, sont devenus au fil du temps un véritable pilier de notre sécurité civile. Mais force est de constater que notre modèle présente de sérieux signes de fatigue.

Tout d’abord, cet essoufflement est dû à une pression opérationnelle exponentielle, laquelle impose des réponses adaptées et une meilleure coordination des différents acteurs de la sécurité civile.

Je pense aux jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), aux interventions pour secours aux personnes, qui ne cessent de se multiplier, aux attentats, à la crise sanitaire provoquée par le covid-19, ou encore aux effets récurrents et violents du dérèglement climatique, parmi lesquels les feux de forêt survenus en 2022.

Dans les Bouches-du-Rhône, le massif de la Montagnette, dans les Alpilles, ainsi que la commune des Pennes-Mirabeau ont subi de plein fouet ces incendies. Les départements des Alpes-de-Haute-Provence et des Landes ont eux aussi été touchés.

Je saisis d’ailleurs cette occasion pour remercier les membres des comités communaux feux de forêts (CCFF) et des réserves communales de sécurité civile (RCSC) des Bouches-du-Rhône du travail qu’ils accomplissent quotidiennement. De même, comment ne pas saluer la mobilisation des bénévoles lors des dernières inondations dans le Nord et en Normandie, ou encore leur présence après les tempêtes qui ont frappé Mayotte et La Réunion ?

Ensuite, cet essoufflement est le résultat de ce que l’on qualifierait aujourd’hui de crise du sens ; d’une crise du « pourquoi ? », qui, face au relâchement de certains comportements, est aussi une crise du « à quoi bon ? »

Dans un contexte devenu incertain, comment trouver la motivation nécessaire pour déployer ainsi son énergie, en sacrifiant à la fois son temps libre et ses loisirs ? Les bénévoles nous disent combien il est difficile pour eux de concilier l’engagement associatif avec les vies professionnelle et personnelle.

Crise du sens pour les électeurs, crise du sens pour les salariés et, logiquement, crise du sens pour les bénévoles : le don de soi ne va plus de soi…

Pour éviter que ne s’affadissent les deux principes cardinaux de la sécurité civile française, à savoir l’anticipation et l’adaptation, il est urgent d’agir sur les missions à assurer, en insérant davantage encore ces bénévoles dans la chaîne de secours et de gestion des crises ; sur les recrutements, en se donnant les moyens de fidéliser les effectifs ; et sur la reconnaissance que la Nation doit à ces personnes, qui donnent de leur temps pour protéger leurs concitoyens.

La crise du sens est indissociable du manque de reconnaissance. C’est d’ailleurs l’objet de la proposition de loi de Yannick Chenevard, député du Var, texte adopté par l’Assemblée nationale en mars 2024. À cet égard, une seule ombre demeure : l’alignement du régime des bénévoles de la sécurité civile sur celui des sapeurs-pompiers volontaires.

Un bénévole n’est pas un sapeur-pompier. (M. le ministre le concède.) Il n’est pas soumis aux mêmes astreintes. Il n’a pas les mêmes obligations de garde ou encore de formation. Il ne faudrait pas que les droits accordés aux bénévoles se transforment en cadeau empoisonné : à cet égard, n’oublions pas l’arrêt Matzak de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), assimilant les missions des sapeurs-pompiers volontaires à du temps de travail effectif. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice, vous avez cité à votre tour un certain nombre de chiffres. Permettez-moi de préciser, à la suite de votre intervention, que le mouvement bénévole de la sécurité civile compte aujourd’hui près de 100 000 membres, dont 30 000 secouristes. S’y ajoutent les 250 000 pompiers volontaires et professionnels œuvrant aux côtés des brigades de Paris et de Marseille, non comprises dans ce décompte, des sapeurs-sauveteurs, des pilotes d’avion et d’hélicoptère, des démineurs et des personnels administratifs.

Les membres des associations agréées font évidemment partie intégrante de la grande famille de la sécurité civile.

Madame Schillinger, la coordination des différents services, que vous avez évoquée, est bel et bien une préoccupation pour nous.

Les réponses diffèrent selon les départements. Certains d’entre eux sont en pointe, en particulier la Haute-Savoie, que je ne perds jamais une occasion de citer à ce titre : ce département dispose d’une plateforme commune d’appels, gérant notamment le 15 et le 18. Elle a un coût, c’est indéniable, mais elle fonctionne extrêmement bien. D’autres départements ont des plateaux plus modestes, qui fonctionnent très bien aussi. En revanche, dans certains territoires, la situation est plus délicate. Il paraît donc indispensable d’assurer une harmonisation, mais ce travail soulève lui aussi un certain nombre de questions.

Notre sécurité civile est organisée sur une base départementale, dans une logique ascendante et duale, le service relevant à la fois de l’État et des collectivités territoriales. C’est une bonne chose d’harmoniser les dispositifs, encore faut-il que chacun ait les moyens de mettre en œuvre les choix opérés… Cet enjeu sera également au cœur des discussions à venir.