M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à rappeler que notre groupe a toujours défendu la parité. Je souhaite d’ailleurs rendre hommage à la présidente Hélène Luc, qui, en 1999, alors que les femmes comptaient seulement pour 5,6 % de l’effectif total dans cet hémicycle, a mené, avec d’autres, les batailles indispensables pour l’égalité entre les hommes et les femmes.

Cependant, la proposition de loi et la proposition de loi organique que nous devons examiner aujourd’hui ne se cantonnent pas à la question de la parité et portent plus largement sur l’instauration du scrutin de liste dans les communes de moins de 1 000 habitants.

L’objectif, plus que légitime, de la parité, mis en avant par les auteurs des textes, est donc subordonné à la modification du mode de scrutin.

Or, mes chers collègues, si le scrutin de liste semble désormais adapté aux communes de plus de 1 000 habitants, il n’apparaît pas être le mode de scrutin le plus adéquat pour les communes de moins de 1 000 habitants. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)

À l’heure de la différenciation, pourquoi une telle obsession pour l’uniformisation ?

Alors que la crise de l’engagement local nous préoccupe tous, que 5 % des maires ont démissionné depuis 2020, et que les prochaines élections municipales sont dans un an, toute modification du mode de scrutin doit être faite avec minutie.

L’instauration d’un nouveau mode de scrutin proportionnel de liste à deux tours, avec prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête, revient à faire fi de toute prudence et à méconnaître la tradition visant à ne pas modifier en profondeur les modes de scrutin un avant les élections auxquelles ils s’appliquent.

Ne voyant pas de différence à cet égard entre les communes rurales et les grandes villes, nous aurons la même position s’il devait y avoir, dans les jours et les semaines qui viennent, une réforme visant à modifier le mode de scrutin pour les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille.

La technique de panachage qui existe aujourd’hui donne aux électeurs la possibilité de construire eux-mêmes la liste qui les représentera le mieux. Quel modèle de démocratie !

Les élus n’ont alors d’autre choix que d’avancer ensemble, selon la volonté de leurs électeurs. L’absence de prime majoritaire favorise en plus le pluralisme, et donc le dynamisme de cette démocratie locale si importante.

Alors que nous regrettons régulièrement notre manque de culture du consensus politique à l’échelon national, les auteurs de ces textes souhaitent supprimer la dernière manifestation de cet esprit dans notre pays !

J’ajoute que nous aurons la même position si certains, demain, dans le souci de clarifier la situation politique nationale, voulaient réformer à coups de hache le mode de scrutin pour les élections législatives, réduisant le pluralisme politique au Parlement sous l’apparente rigueur du scrutin de liste.

Prenons garde, mes chers collègues : le modèle des villes n’est pas adapté à nos petites communes. Quelque 25 000 communes ont moins de 1 000 habitants et connaissent une réalité bien différente de celle des plus grandes villes. En 2020, dans 86 % des communes de moins de 1 000 habitants, le conseil municipal a été élu au premier tour. Dans le département de la Loire, seulement 8 communes sur 200 ont connu un second tour. Au total, moins de 5 % des maires de ces communes ne sont pas réélus d’une élection à l’autre.

Ensuite, je m’inquiète de la possibilité, prévue dans cette proposition de loi, de considérer qu’une liste est réputée complète s’il manque deux candidats. Ces dispositions auront pour conséquence directe d’enlever un peu plus de démocratie dans nos élections communales. En effet, nous priverons alors les électeurs du pouvoir de réellement choisir la composition du conseil municipal. Le choix d’exclure des candidats serait donné non pas aux électeurs, mais aux candidats qui forment leurs listes. Qui sont ces cinq personnes qui décideraient que le village sera administré par cinq conseillers municipaux au lieu de sept ? Qui sont ces neuf personnes qui décideraient que le village sera administré par neuf conseillers municipaux au lieu de onze ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.)

Mme Cécile Cukierman. Oui, il y a un débat sur le nombre de conseillers municipaux. Menons-le tranquillement, mais ne privons pas certains de nos concitoyens d’un choix démocratique.

Mes chers collègues, je le répète, modifier le mode de scrutin un an avant l’élection apparaît risqué et antidémocratique à nos yeux. Les élus, les habitants et la démocratie des communes de moins de 1 000 habitants ne doivent pas subir les conséquences d’un retard de calendrier parlementaire.

La crise de l’engagement est un fléau bien ancré dans nos préoccupations. Nous savons la lourde tâche qui incombe aux maires et aux conseillers municipaux. Notre rôle est bien de les accompagner et de tout mettre en œuvre pour que leur engagement soit réellement soutenu. Or la modification du mode de scrutin semble aller à l’encontre de cet objectif.

La crise de l’engagement est le défi majeur qui nous attend en 2026. Sachons y répondre en redonnant des capacités d’agir aux élus locaux et du sens à ces beaux mandats. C’est ainsi que nous mettrons fin à ce que certains qualifient de « tir aux pigeons » et redonnerons envie à nos concitoyens d’être exemplaires en se faisant élire maire ou conseiller municipal d’une commune rurale de notre République. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée.

Mme Ghislaine Senée. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’inscription à l’ordre du jour de ces deux textes, qui visent à mettre fin au mode de scrutin plurinominal majoritaire avec possibilité de panachage, est vraiment – vraiment ! – une bonne nouvelle pour la démocratie locale.

Proposer aux citoyens de barrer certains noms est devenu totalement anachronique aujourd’hui. Le panachage faisait ressortir les comportements les plus éloignés des valeurs républicaines : misogynie, racisme, intérêts particuliers. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) J’ai vu, comme maire, des bulletins où les noms de colistiers ou colistières à consonance étrangère étaient barrés. C’est une réalité. Souvent, et nous l’avons tous constaté, le maire ou l’adjoint à l’urbanisme est sanctionné pour avoir défendu l’intérêt général.

La discussion de ces textes est finalement l’aboutissement de la réforme de 2013, qui avait instauré le scrutin de liste proportionnel pour les communes entre 1 000 et 3 500 habitants.

Depuis la révision constitutionnelle de 1999, nous avons progressé dans la garantie de l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. La parité est atteinte dans les conseils régionaux, dans les conseils départementaux et dans les communes de plus de 1 000 habitants.

Le combat n’est pourtant pas gagné.

Sur le plan quantitatif d’abord : le Sénat et l’Assemblée nationale comptent à peine plus d’un tiers de parlementaires femmes, alors que, pour la Chambre haute, le scrutin de liste devrait réduire significativement la part d’hommes sur nos travées ; nous comptons 37,5 % de conseillères municipales dans les communes de moins de 1 000 habitants, et je ne parle pas des intercommunalités.

Sur le plan qualitatif, ensuite : la sociologie, qui renseigne assez précisément la répartition genrée des postes au sein des exécutifs, montre que les femmes sont le plus souvent cantonnées aux secteurs intéressant moins les hommes, car perçus comme des champs secondaires de l’action publique.

L’évolution du mode de scrutin pour les communes de moins de 1 000 habitants est un palier supplémentaire vers une meilleure représentation des femmes dans l’ensemble des conseils municipaux. À chaque palier, nous avons trouvé des détracteurs pour dire, au mieux, que le couperet tombait trop tôt, au pire, qu’il s’agissait d’une discrimination masculine insurmontable.

Notre collègue Cédric Chevalier a admis tout à l’heure avoir été en mesure de mener une liste paritaire dans sa commune de 300 habitants, preuve que c’est tout à fait possible.

M. Jean-Jacques Panunzi. Sans que ce soit une obligation !

Mme Ghislaine Senée. Pour ma part, je crois, au contraire, que la parité est une force pour une équipe municipale.

Mme Audrey Linkenheld. Ce n’est pas gagné…

Mme Ghislaine Senée. J’en arrive aux conditions d’examen de ces deux textes : l’un a été voté voilà trois ans à l’Assemblée nationale, avant l’élection présidentielle ; l’autre est le fruit d’un semestre de travail de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, et a été déposé en octobre 2024. Comme cosignataire de la proposition de loi organique de M. Kerrouche, je soutiens évidemment cette évolution du droit.

Le calendrier n’est cependant pas sans poser des difficultés. Alors que nous discutons de dizaines de propositions de loi au Sénat par session, il faut attendre à peine douze mois avant l’échéance des élections municipales pour que nous nous prononcions sur ce sujet. La proposition de loi organique, non encore examinée par l’Assemblée nationale, va devoir l’être en première lecture, avant une éventuelle CMP. Je dis « éventuelle », puisque le Gouvernement n’a pour l’heure toujours pas déclenché la procédure accélérée. Pour autant, madame la ministre, je tiens à saluer votre ténacité sur ce sujet.

Encore une fois, nous subissons un manque d’anticipation et nous légiférons à la hâte, avec un impact évident pour la constitution des listes de candidates et candidats déjà en cours pour les communes de moins de 1 000 habitants, qui représentent tout de même 73 % des communes.

Nous saluons le travail fait par la commission des lois pour faire cheminer le texte à partir de la version issue des travaux de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat. Ce texte est plus équilibré, parce qu’il ne se résigne pas à réduire le nombre d’élus. Plus que jamais, face aux défis de notre époque, les petites communes ont besoin de citoyens engagés au sein de leur conseil pour assurer la charge publique locale toujours croissante.

Il convient également d’avancer sur le statut de l’élu, sans oublier le cas des élus municipaux sans délégation, pour lever les freins à l’engagement et lutter contre le découragement. S’il est souvent question de crise des vocations quand on parle de l’engagement local, la réalité est souvent plus proche d’un grand désenchantement à l’égard de la chose publique, à cause de la dégradation des conditions d’exercice des mandats et de la mauvaise gestion de certaines tensions internes.

Aussi, vous l’aurez compris, notre groupe votera sans la moindre hésitation pour ces deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – M. Didier Rambaud applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Pierre-Alain Roiron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ces propositions de loi s’attaquent à l’une des résistances structurelles et persistantes de notre démocratie locale, à savoir la différenciation des modes de scrutin.

Je tiens, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, à saluer le travail accompli par nos deux collègues rapporteurs, Nadine Bellurot et Éric Kerrouche.

Ce sujet nous a naturellement mobilisés de manière transpartisane. C’est à noter, même si ce n’est pas rare dans notre hémicycle.

Trois années se sont écoulées depuis l’adoption de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, et force est de constater que la vive actualité politique a pris le pas sur cette réforme, qui répond pourtant à une urgence démocratique et a reçu le soutien des principales associations d’élus que sont l’AMRF, l’AMF et Intercommunalités de France.

Aujourd’hui, le Sénat, représentant de nos communes, a une responsabilité historique : celle de donner enfin à celles-ci les moyens d’approfondir la démocratie en leur sein, de garantir la vitalité locale et de faire de l’égalité une réalité. Car, oui, l’égal accès aux mandats locaux est non pas une option, mais une exigence républicaine.

Le cœur de ce texte est la généralisation du scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants. Cette mesure, qui s’appliquerait à près de 70 % des communes françaises, constitue une réponse pragmatique et efficace pour favoriser l’émergence d’un vivier de candidatures. Loin d’être une contrainte, cette évolution permettra notamment de faire en sorte que l’engagement des femmes ne soit plus une exception. En instaurant un scrutin de liste paritaire, nous encourageons les citoyens à présenter des candidatures mixtes. C’est une avancée concrète qui s’inscrit dans la continuité des lois adoptées ces vingt dernières années.

La commission a apporté des améliorations significatives au texte initial, tout en conservant son ambition première.

Ces ajustements visent à garantir l’opérationnalité juridique du dispositif et témoignent d’une volonté de répondre aux réalités du terrain. Ce texte introduit ainsi une marge de manœuvre pour les communes comptant entre 500 et 999 habitants, dont les listes pourront être considérées comme complètes si elles comptent treize candidats au lieu de quinze.

Cet ajustement progressif facilite la mise en œuvre du scrutin de liste sans alourdir les contraintes pesant sur ces communes ni créer de nouveaux seuils administratifs inutiles. Cela permet aux petites communes de fonctionner normalement même si leur conseil municipal n’est pas complet, réduisant ainsi les contraintes administratives et les coûts liés aux élections complémentaires.

Pour autant, la commission a souhaité que les communes de 500 à 999 habitants conservent le même nombre de délégués au collège électoral des sénateurs, c’est-à-dire trois, quand bien même elles compteraient treize conseillers municipaux au lieu de quinze. Nous remercions la commission d’avoir veillé à neutraliser les éventuels effets indésirables qui auraient pu résulter du texte adopté par l’Assemblée nationale.

Nous saluons également le maintien du mécanisme d’élections complémentaires pour les communes de moins de 1 000 habitants, lesquelles auraient lieu au scrutin de liste paritaire. Ces scrutins bénéficieraient des mêmes souplesses que celles qui sont prévues pour les renouvellements généraux, à savoir la possibilité pour les listes de compter deux candidats en moins ou deux candidats en plus que le nombre de sièges à pourvoir. L’objectif est clair : éviter la multiplication des élections partielles intégrales et préserver la stabilité des conseils municipaux.

Toujours dans cette logique d’adaptation à la diversité de nos communes, mon groupe a déposé un amendement visant à proroger le système dérogatoire relatif à l’effectif des conseils municipaux des communes nouvelles jusqu’au second renouvellement général.

Ce dispositif répond à une réalité simple : les communes nouvelles, souvent issues de fusions récentes, ont besoin de temps pour trouver leur équilibre et construire une dynamique collective. En étendant la période de transition, nous leur offririons la possibilité de s’organiser pleinement, tout en garantissant une meilleure représentation des communes déléguées au sein des conseils municipaux. Cette mesure est pragmatique et témoigne de notre volonté de soutenir les territoires dans leur diversité, de respecter leurs rythmes et de leur donner les moyens de réussir leur transformation.

En ce qui concerne l’harmonisation du mode de désignation des adjoints au maire, l’application du scrutin de liste paritaire aux plus petites communes répond à l’ambition générale de ce texte. Cette évolution ne remet pas en cause l’organisation, puisque, en cas de démission ou d’empêchement d’un adjoint, son remplacement pourra s’effectuer sans contrainte de sexe.

Enfin, la commission a fait le choix de maintenir la suppression de l’article 4, qui visait à imposer une répartition paritaire des vice-présidences des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Nous entendons la volonté de miser sur l’effet d’entraînement de la généralisation du scrutin de liste pour améliorer la représentation des femmes dans les exécutifs intercommunaux, mais nous entendons surtout la volonté d’accorder la priorité aux communes de moins de 1 000 habitants dans ce texte.

À l’approche des élections municipales de 2026, la crise de l’engagement local demeure une réalité préoccupante, particulièrement dans nos petites communes. La crise des vocations, que nous observons tous depuis plusieurs années et qui fait l’objet de nombreux débats dans notre assemblée, n’est pas une fatalité : elle est le symptôme d’un désenchantement et d’un épuisement face à des mandats devenus trop lourds, trop exposés et qui sont trop peu reconnus.

Comme le souligne le rapport, cette crise se manifeste par une baisse alarmante du nombre de candidats et une augmentation sans précédent des démissions en cours de mandat. En 2020, 345 communes ne disposaient pas d’un conseil municipal complet, et plus de 5 % des maires élus cette année-là avaient démissionné au 1er octobre 2024.

Ces chiffres illustrent une situation critique qui menace à la fois la stabilité et le fonctionnement de nos institutions locales, fragilisant nos territoires.

Face à cette réalité, il est urgent de redonner du sens et de l’attractivité à l’engagement local. Ce texte, en généralisant le scrutin de liste paritaire pour les communes de moins de 1 000 habitants, s’inscrit dans cette perspective, avec le soutien des associations d’élus et d’une large part des élus eux-mêmes. En effet, il tend à renouveler la démocratie locale en favorisant une participation plus diversifiée et plus équilibrée.

En instaurant un scrutin de liste, nous encourageons la constitution d’équipes municipales plus soudées autour d’un projet politique commun et nous brisons le plafond de verre qui empêche les femmes de s’engager pleinement dans la vie politique locale, tout en mettant fin à la pratique du « tir aux pigeons », qui fragilise souvent les maires et déstabilise les conseils municipaux dans le temps.

Pour toutes ces raisons, c’est avec la conviction qu’ils constituent une avancée majeure pour l’avenir de nos territoires que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de ces deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Bernard Buis et Mme Élisabeth Doineau applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Cédric Chevalier applaudit également.)

M. Olivier Paccaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà quatre-vingts ans, les femmes françaises devenaient enfin citoyennes. Au printemps puis à l’automne 1945, lors des élections municipales et législatives, nos aïeules découvraient ces droits civiques jusqu’alors réservés à la mâle assemblée : le vote et l’éligibilité. Elles furent ainsi un peu plus de deux cents à devenir maires, et trente-trois à entrer à l’Assemblée nationale constituante.

Depuis lors, société et législation ont évolué. Les femmes exercent désormais plus de responsabilités, notamment politiques, et le pays ne s’en porte pas plus mal. Sans vouloir faire de la psychanalyse de comptoir, je dirai que la complémentarité entre Mars et Vénus n’est pas une caricature.

La loi a eu un rôle clé pour esquisser une meilleure représentativité du personnel politique et l’objectif de parité doit être salué. Néanmoins, bien légiférer, c’est-à-dire rendre possible ce qui est souhaitable, n’est pas toujours aisé.

Si certains textes s’avèrent quasi parfaits – je pense à l’instauration des binômes dans les cantons de nos départements –, certaines bonnes intentions peuvent se révéler fâcheuses.

La loi, jusqu’à présent, a considéré que les communes de moins de 1 000 habitants devaient bénéficier d’un processus électoral particulier. Le texte dont nous débattons reviendrait à appliquer désormais aux 34 871 communes de France exactement les mêmes modalités de scrutin. Il s’agirait donc d’imposer aux 25 000 villages de moins de 1 000 habitants l’obligation de présentation de listes paritaires.

Or, si la règle n’est pas la même pour tous, c’est non pas par hasard, mais parce que le législateur a considéré qu’il était trop difficile d’appliquer le principe de liste paritaire dans nos petites communes.

Non pas que les ruraux soient rétifs à avoir des femmes pour édile. Bien au contraire ! Le pourcentage de femmes maires d’une commune de moins de 1 000 habitants est ainsi supérieur à celui des cités plus peuplées.

C’est la constitution de la liste qui pose problème. Et par ces temps mauvais de désengagement républicain, de fonte des glaces citoyennes, personne ne peut nier que la quête de candidats et de candidates relève du chemin de croix.

M. Olivier Paccaud. Est-il pertinent aujourd’hui d’instaurer une contrainte supplémentaire, fût-elle vertueuse, pour bâtir nos conseils municipaux ?

J’ai interrogé par sondage les élus des 680 communes de l’Oise, parmi lesquelles 500 comptent moins de 1 000 habitants. Le résultat est net : les deux tiers des élus sont défavorables à cette mesure.

Voici quelques-unes de leurs réflexions.

Christine Ortegat, maire de La Neuville-sur-Oudeuil : « J’y suis favorable, mais je peine à trouver ou à motiver des candidates. La parité obligatoire me semble un obstacle pour constituer une équipe solide. »

Pascal Wawrin, maire de Villers-Saint-Sépulcre : « Aujourd’hui, trouver des administrées qui souhaitent s’impliquer est compliqué ! La parité ajoute une pression supplémentaire, dans un contexte difficile, et peut finir par décourager. »

Carole Gautier, maire de Senots : « Il n’est pas envisageable de remplir une liste avec des noms simplement pour répondre à une règle de parité. La seule règle est le volontariat et celui-ci n’est pas genré. »

Marcel Dufour, maire de Verderel-lès-Sauqueuse : « La parité, il faut l’encourager, mais pas l’imposer. »

Pour conclure, je formulerai quelques interrogations.

Tout d’abord, pour aboutir au « damier » parfait, il faudra exclure, parmi les sortants désirant poursuivre leur mission municipale, des élus compétents et investis uniquement parce qu’ils sont du mauvais genre. Dommage pour celui ou celle qui, depuis des années, consacre son énergie à la commune et qui devra peut-être céder sa place à quelqu’un de moins motivé, mais avec le bon chromosome. Cela est-il juste ?

Par ailleurs, si la parité obligatoire a une vocation de juste représentativité, nos conseils paritaires deviendront-ils le miroir idéal de la société ? N’y aurait-il pas trop de retraités ? Pas assez de jeunes ? Où doit s’arrêter la logique des quotas ? N’ouvre-t-on pas la boîte de Pandore ?

Confondant volontarisme et aveuglement, niant la réalité avec une vision idéalisée et idéologique, cette loi risque de mettre à mal de nombreux conseils municipaux et de fragiliser toute la ruralité.

Je ne voterai donc pas ce texte à la teinte de miel, mais à la saveur de fiel. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. François Bonneau applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les textes que nous étudions cet après-midi représentent, de mon point de vue, une triple avancée : démocratique, politique et sociale.

Avancée démocratique, tout d’abord, car, qu’on le veuille ou non, avec l’abandon de ce mode de scrutin propre aux communes de moins de 1 000 habitants, avec panachage et vote préférentiel, tous nos concitoyens pourront élire leurs conseillers municipaux dans les mêmes conditions électorales, quelle que soit la strate de population de la commune concernée.

Avancée politique, ensuite, car le scrutin proportionnel pour une élection locale permet de constituer une réelle dynamique d’équipe au service de projets de proximité. Les électeurs peuvent ainsi se positionner sur un programme lisible porté par une équipe soudée et cohérente.

Ce choix permet aussi la représentation des minorités et favorise donc la participation d’un plus grand nombre de citoyens au choix de ses représentants municipaux. Il reprend d’ailleurs la recommandation n° 64 du rapport Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de légalité, dont j’avais été le corapporteur en 2021 avec d’autres collègues de la délégation aux droits des femmes.

Avancée sociale, enfin, car l’extension du scrutin de liste s’accompagne de l’obligation de parité. Je sais que des réserves ont été émises sur ce point. Elles existaient déjà lorsque le scrutin proportionnel a été instauré pour les communes entre 1 000 et 3 500 habitants en 2013, et bien avant lorsque ces modalités ont été élargies aux communes de moins de 30 000 habitants.

La parité est un moteur de l’engagement des femmes dans la vie politique locale et n’est en aucun cas, comme j’ai pu l’entendre encore ce soir, une contrainte administrative ou, pis, une menace pour l’existence des communes rurales.

J’entends souvent également que le faible nombre d’habitants dans les communes concernées, en majorité dans les espaces ruraux, pourrait rendre complexe la mise en place de ce scrutin. Pourtant, en 2021, le rapport de la délégation aux droits des femmes auquel je faisais allusion indiquait que, d’après l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), les femmes représentaient 51 % de la population des territoires ruraux. Dans ces conditions, pourquoi une commune de moins de 1 000 habitants ne pourrait-elle donc pas respecter une obligation de parité au même titre que les autres communes ? En quoi serait-ce difficile de trouver deux femmes pour constituer une liste de cinq candidats dans une commune de moins de cent habitants, alors que, nous le savons, il suffit bien souvent d’aller chercher une candidate pour avoir cette parité ?

Dans un esprit de responsabilité et d’équilibre, voire de compromis, la commission des lois a adopté des amendements visant à accorder, dans les communes de moins de 1 000 habitants, une dérogation à la règle de remplacement par une personne de même sexe ou encore à la parité des adjoints au sein des exécutifs locaux. Je crois que c’est un élément de nature à rassurer celles et ceux qui se posent des questions.

Toutes ces mesures doivent désormais être adoptées dans les meilleurs délais afin d’assurer leur entrée en vigueur pour les élections municipales de 2026.

Mes chers collègues, osons ! La société, me semble-t-il, est mûre. Elle le prouve déjà aujourd’hui en votant pour des maires qui sont des femmes et en votant pour des sénatrices, pour des députées. Il faut maintenant que nous puissions aller au bout pour toutes les communes.

En ce qui me concerne, j’ai été maire d’une commune de 1 800 habitants et nous avons réalisé la parité dès 2001. Je peux vous assurer que je n’ai eu aucune difficulté à trouver non seulement des femmes, mais des femmes compétentes, ni à intégrer la parité dans l’action de mon équipe municipale.

Je le répète, mes chers collègues : osons ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC, RDPI, SER et GEST.)