M. le président. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voyons bien que ces textes suscitent dans tous les rangs des avis très partagés. Au moment d’exprimer le mien, je m’interroge sur le tempo.
Effectivement, les enjeux sont importants. Nous avons tous été concernés par des mandats municipaux et, à quelques mois du renouvellement général des équipes municipales, je pense d’abord aux élus sortants. Jamais un mandat n’a été aussi difficile ; jamais nous n’avons connu autant de démissions. Au choc de la covid a succédé le choc de la guerre et de l’inflation galopante.
Les élus attendaient sans doute du Parlement un texte plus ambitieux, où il aurait été question du statut de l’élu, de la lutte contre l’abstention – voilà un sujet qui aurait mérité que l’on propose des expérimentations pertinentes –, du vote en semaine, du rétablissement du cumul des mandats (Mme Audrey Linkenheld s’exclame.), puisque, nous le savons tous, avoir de la bouteille permet d’éviter les erreurs.
Bref, ce texte méritait mieux, mais il a le mérite d’exister. Il a été examiné par la commission des lois, par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. À nous maintenant d’avoir le courage d’exprimer ce que nous inspire cette proposition de loi.
L’autre enjeu, c’est la parité. Ce n’est pas un sujet, j’en veux pour preuve l’arrivée des binômes dans les conseils départementaux, qui s’est faite sans problème.
Mme Sonia de La Provôté. Oui !
M. Bruno Belin. Il faut, en effet, sans doute aller encore plus loin et imposer par la loi la parité dans les exécutifs municipaux – c’est la question des adjoints –, comme dans les exécutifs communautaires. Dans ce dernier cas, c’est très difficile, puisque de nombreuses communes rurales n’ont qu’un délégué, ce qui crée de fait une disparité dans la répartition des sièges par sexe au sein de l’organe délibérant. Voilà qui aurait pourtant mérité discussion.
Se pose aussi la question du scrutin de liste.
Alors croyez-en mon expérience de quarante-deux années d’élu local, notamment de maire d’un village de quelques centaines d’habitants : pour ma part, je suis pour la fin du panachage ! Je pourrais moi aussi vous raconter des tas d’histoires, par exemple des querelles familiales ancestrales, et je ne vous parle pas de l’époque où il y avait le remembrement, quand les équipes municipales se constituaient davantage par défaut que par adhésion.
Puisque le prochain mandat sera un temps fort, il faut une équipe, un projet, un leader et un choix. Cela permettra plus d’expression ; grâce à la proportionnelle, les oppositions – il ne faut jamais avoir peur des oppositions – auront la possibilité de s’exprimer.
Nous aurons l’occasion de discuter de tous ces sujets lors de l’examen des amendements.
En ce qui me concerne, j’espère de tout cœur que les candidats au scrutin municipal de mars 2026 auront l’envie chevillée au corps et que les équipes auront cette même gourmandise, parce qu’il s’agit d’un mandat exceptionnel.
M. Bruno Belin. J’espère que le prochain mandat des maires sera aussi exceptionnel. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI, ainsi que sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. J’ai été très sensible aux enthousiasmes divers que soulève ce texte (Sourires.) et je souhaite donc répondre aux différentes interrogations.
Pourquoi se presser, demandent certains ?
Je rappelle que nous sommes à un an des élections et je ne suis pas sûre que, dans les communes de moins de 1 000 habitants, les candidatures aient été finalisées. Il est donc encore tout à fait possible de proposer des évolutions raisonnables, d’autant que ce texte n’est pas une surprise : nous en parlons depuis un bon moment et il a déjà été voté à l’Assemblée nationale.
Cher Olivier Paccaud, j’entends toujours avec beaucoup d’intérêt ce que vous dites. Moi aussi, j’aime bien les anniversaires. (Sourires.) Quatre-vingts ans après que les femmes sont devenues des citoyennes, on peut certainement aller plus loin que l’esquisse d’une parité et faciliter leur engagement sans faire la révolution ni martyriser les hommes.
Et chacun sait que, dans ma vie de sénatrice, je n’étais pas connue pour être une ultraféministe !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est vrai ! (Sourires.)
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Rappelons-nous l’objectif de cette proposition de loi et les progrès qu’elle permet. Au mois d’octobre dernier, le Sénat a débattu du nombre de conseillers municipaux et s’est prononcé contre leur diminution. Vous connaissez ma franchise, je n’ai pas changé : quand j’entends aujourd’hui qu’il en faudrait peut-être moins, car il est difficile de constituer les équipes municipales, je me félicite de la réponse qui a été apportée par le rapporteur, qui autorise l’incomplétude des conseils municipaux pour les communes de moins de 1 000 habitants.
Le statut de l’élu local, tout le monde en parle, vous avez raison. Vous connaissez mon attachement à ce texte. Il est inscrit à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale la semaine du 26 mai. Simplifier, on y est !
Ce soir, je serai devant les députés, dans une ambiance là aussi très animée, puisque j’irai défendre la proposition de loi sénatoriale visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement ».
M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. En outre viendra bientôt en discussion la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, dite Trace, à laquelle le Gouvernement porte une attention plutôt bienveillante.
Par ailleurs, nous travaillons sur la sécurisation de l’assurance des collectivités et nous avons augmenté le nombre de communes éligibles au programme Villages d’avenir.
Peut-être que l’on ne va jamais assez vite et que l’on n’en fait jamais assez, mais on ne peut pas dire que, malgré les accidents ou les épisodes politiques, nous soyons restés inactifs.
Enfin, soyons clairs dans l’usage des mots : nous ne portons nullement atteinte à la liberté de qui que ce soit ! Chacun pourra continuer à se présenter aux élections. En revanche, nous sommes plus respectueux envers les électeurs, puisqu’ils seront appelés à se prononcer sur un projet et une équipe.
M. Michel Canévet. Très bien !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Pour ma part, j’y tiens beaucoup. Pourquoi ?
J’entends le raisonnement des uns et des autres, et chacun d’entre nous a été confronté à une situation qui le pousse à adopter telle ou telle position. Dans mon département, il existe des communes dont le maire sortant non plus que son adjoint n’ont été reconduits, parce que le propriétaire d’une résidence secondaire, quelqu’un de très respectable, qui ne voulait pas que le village change, a convaincu les électeurs. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Panunzi. N’exagérons pas !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Dans ma Bretagne, cela existe !
Si les électeurs d’une commune trouvent dommage que la liste soit incomplète, rien ne les empêche de se présenter ! Ils pourront ainsi compléter une liste dont je rappelle qu’elle doit comporter au moins cinq candidats dans les communes de moins de 100 habitants. Disons-le franchement, nous n’aurons pas plus de mal à trouver des femmes qu’à trouver des colistiers.
J’ai effectué une visite officielle dans vingt-six départements. Quand je me déplace, je ne vais ni dans les métropoles ni dans les grandes villes. Les gens me parlent avec spontanéité : quand ils ont envie de me dire des choses désagréables, ils le font. J’étais dans les Vosges, vendredi dernier. Lorsque j’interroge les élus sur ce sujet, parce qu’ils ne m’en parlent pas d’eux-mêmes, ils me répondent qu’il faut éviter l’incomplétude du conseil municipal. Je remercie le rapporteur d’avoir proposé des assouplissements.
Je rappelle que, dans les communes de moins de 1 000 habitants, le scrutin de liste s’applique désormais, alors que l’on disait en 2013 que ce n’était pas possible. Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, nous ne procédons pas à une révolution.
Madame la sénatrice Cukierman, votre intervention m’a marquée, et pas seulement parce que vous êtes intervenue à la fin de la discussion générale. Nous aussi, nous croyons à ce à quoi vous croyez et à ce que vous souhaitez, c’est-à-dire au consensus et au dialogue pour que les citoyens se mettent d’accord à l’échelon de ces « petites républiques », selon l’expression reprise par Anne-Sophie Patru. Pour ma part, je préfère que l’on se mette d’accord avant plutôt qu’après. Il me paraît plus respectueux que les citoyens se prononcent sur un projet pour la commune plutôt que sur un candidat ; d’ailleurs, vous l’avez tous dit.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous me connaissez, je n’ai pas changé d’avis. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.) Ce texte constitue à mes yeux un pas de plus pour protéger les maires et renforcer la démocratie.
Chacun doit mesurer les effets des décisions qui seront prises – je le dis sans chercher à culpabiliser qui que ce soit, car je respecte la conscience de chacun, mais il vaut mieux dire les choses avant qu’après – : si ce texte n’est pas adopté, ce qui sera peut-être le cas, il ne sera pas possible de déposer des listes incomplètes dans les communes de moins de 1 000 habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Bernard Buis applaudit également.)
M. le président. La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission sur la proposition de loi ordinaire.
proposition de loi visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité
Article 1er
Le code électoral est ainsi modifié :
1° L’article L. 252 est ainsi rédigé :
« Art. L. 252. – Les conseillers municipaux sont élus selon les modalités prévues aux articles L. 260 et L. 262. Toutefois, la liste est réputée complète si elle compte jusqu’à deux candidats de moins que l’effectif prévu à l’article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales. » ;
1° bis A (nouveau) L’article L. 253 est abrogé ;
1° bis (Supprimé)
1° ter (nouveau) L’article L. 255-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 255-2. – Les déclarations de candidature sont régies par la section 2 du chapitre III du présent titre. » ;
2° Les articles L. 255-3 et L. 255-4 sont abrogés ;
2° bis (nouveau) L’article L. 256 est ainsi rédigé :
« Art. L. 256. – Les opérations de vote sont régies par la section 3 du chapitre III du présent titre. » ;
2° ter (nouveau) L’article L. 257 est abrogé ;
2° quater (nouveau) Les deux premiers alinéas de l’article L. 258 sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller municipal élu sur cette liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit. La constatation, par la juridiction administrative, de l’inéligibilité d’un ou de plusieurs candidats n’entraîne l’annulation de l’élection que du ou des élus inéligibles. La juridiction saisie proclame en conséquence l’élection du ou des suivants de liste.
« Si le candidat ainsi appelé à remplacer le conseiller municipal se trouve de ce fait dans l’un des cas d’incompatibilité mentionnés à l’article L. 46-1, il dispose d’un délai de trente jours à compter de la date de la vacance pour faire cesser l’incompatibilité en démissionnant de l’un des mandats visés par ces dispositions. À défaut d’option dans le délai imparti, le remplacement est assuré par le candidat suivant dans l’ordre de la liste.
« Lorsque les deux premiers alinéas du présent article ne peuvent plus être appliqués, il est procédé à des élections complémentaires :
« 1° Dans les trois mois de la dernière vacance, si le conseil municipal a perdu le tiers ou plus de ses membres ou s’il compte moins de cinq membres. Toutefois, dans l’année qui précède le renouvellement général des conseils municipaux, les élections ne sont obligatoires qu’au cas où le conseil municipal a perdu plus de la moitié de ses membres ;
« 2° Dans les conditions prévues aux articles L. 2122-8 et L. 2122-14 du code général des collectivités territoriales, s’il est nécessaire de compléter le conseil avant l’élection d’un nouveau maire. » ;
2° quinquies (nouveau) Après l’article L. 258, il est inséré un article L. 258-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 258-1. – Lorsqu’il est procédé aux élections complémentaires prévues à l’article L. 258, les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes comportant au moins autant de candidats que de sièges à pourvoir pour compléter le conseil, et au plus deux candidats supplémentaires, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation.
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, les listes sont réputées complètes si elles comptent jusqu’à deux candidats de moins qu’il y a de sièges à pourvoir pour compléter le conseil.
« Sous réserve des deux premiers alinéas du présent article, les élections ont lieu selon les modalités prévues aux articles L. 260 et L. 262 et aux sections 2 et 3 du chapitre III du présent titre. » ;
2° sexies (nouveau) L’article L. 267 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application de l’avant-dernier alinéa du présent article aux communes de moins de 1 000 habitants, les listes sont réputées complètes si elles comptent jusqu’à deux candidats de moins que l’effectif prévu à l’article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales. » ;
3° L’article L. 270 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Au troisième alinéa, les mots : « dispositions des alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « deux premiers alinéas du présent article » et le mot : « appliquées » est remplacé par le mot : « appliqués » ;
b) Après le mot : « membres », la fin du 1° est ainsi rédigée : «. Toutefois, dans l’année qui précède le renouvellement général des conseils municipaux, les élections ne sont obligatoires qu’au cas où le conseil municipal a perdu plus de la moitié de ses membres ; » ;
4° À l’article L. 273, la référence : « , L. 244 » est supprimée ;
5° (nouveau) Au début de l’article L. 429, les mots : « Par dérogation aux articles L. 252, L. 253, L. 255, L. 255-2 à L. 255-4, L. 256, L. 257 et aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 258, » sont supprimés.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, sur l’article.
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens en mon nom et non au nom du groupe Union Centriste.
Comme beaucoup d’entre nous, j’ai moi aussi sondé les élus des communes rurales de mon département, l’Essonne, en particulier les femmes qui exercent un mandat de maire. Comme beaucoup de mes collègues l’ont indiqué pour ce qui les concerne, leur point de vue est diamétralement opposé à celui qu’a exprimé le président de l’AMRF. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Bravo !
Mme Jocelyne Guidez. Si nous sommes nombreux à partager la volonté d’harmoniser le mode de scrutin, de supprimer le système ancestral du panachage, de mettre en place un scrutin de liste et d’autoriser le dépôt de listes incomplètes, il en va tout autrement en ce qui concerne la contrainte paritaire que prévoit l’article 1er.
Dans cet hémicycle, nous savons mieux que quiconque la difficulté que peut représenter la constitution d’une équipe municipale dans nos petites communes. Trouver des volontaires pour s’engager est déjà un défi. Compétence, disponibilité, motivation, sens de l’engagement : voilà des critères légitimes pour choisir ces colistiers. Rajouter un critère de répartition artificielle, c’est prendre le risque d’écarter des candidatures précieuses, faute de respect du quota imposé. Pis encore, c’est augmenter le risque de listes incomplètes.
Faisons confiance à nos élus et à nos concitoyens. Cet article repose sur une idée partiellement fausse. En effet, la proportion de femmes maire est plus forte dans les petites communes qui n’ont pas d’obligations paritaires que dans les grandes. À l’échelon national, plus de 21 % des maires de commune rurale sont des femmes, contre moins de 18 % dans les communes urbaines. L’engagement féminin doit se construire par la légitimité démocratique, non par la contrainte administrative.
Bien évidemment, je ne suis pas contre la parité – quelle idée ! –, mais j’entends aussi nos maires ruraux qui se demandent comment ils constitueront leur liste pour les prochaines élections municipales. Ça, c’est une réalité. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Mireille Jouve et M. Cédric Chevalier applaudissent également.)
M. Jean-Jacques Panunzi. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, sur l’article.
Mme Kristina Pluchet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis élue d’un département comptant 585 communes, rurales dans leur immense majorité, 80 % d’entre elles comptant moins de 1 000 habitants. Je me rends dans ces communes chaque semaine.
Au mois d’octobre dernier, la question du scrutin des petites communes a déjà donné lieu à des débats animés dans cet hémicycle et le Sénat, dans sa grande sagesse, a alors préféré la prudence. Je ne peux que vous encourager aujourd’hui à la même réserve et à ne pas toucher à l’équilibre actuel.
Mme Chantal Deseyne. Oui !
Mme Kristina Pluchet. Ce texte risque en effet de créer bien plus de difficultés qu’il n’est censé en résoudre.
Dois-je vous rappeler que nous ne cessons de déplorer la crise de l’engagement municipal ? Croyez-vous qu’imposer des contraintes supplémentaires aux petites communes les aidera à attirer des candidats ? Comment feront les communes qui ne parviendront pas à constituer de listes paritaires ? À cet égard, je souligne que toutes les communes n’ont pas une parité parfaite de leur population et que, dans les petites communes, les écarts entre les deux sexes peuvent être parfois manifestes, à quoi s’ajoute la problématique de l’âge.
Pourquoi ne pas prendre en compte d’abord la motivation ? Cette parité au forceps n’est ni avisée ni respectueuse des attentes locales.
En cas d’absence de candidats, combien de communes risquent de devoir appliquer l’article L. 2121-35 du code général des collectivités territoriales avec désignation d’une délégation spéciale par le préfet ? Est-ce notre mission d’augmenter le nombre de communes concernées par cette situation d’échec ?
Enfin, à plus long terme, comment ne pas y voir une pression déguisée vers les regroupements forcés de communes ? (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne-Sophie Romagny. Eh oui !
Mme Kristina Pluchet. Pour finir, la commission souhaite promouvoir la cohésion de l’équipe municipale autour d’un projet politique avec le scrutin de liste. Je crains que ce vœu de remobilisation politique, certes louable, ne se révèle finalement clivant et très inadapté au quotidien des très petites communes, où les bonnes volontés se fédèrent autour de projets concrets.
In fine, je crains que ce texte ne soit pas porté au crédit de notre assemblée. Je vous le dis en tant que femme élue, cette réforme est pour moi tout à fait inapplicable dans les petites communes qui n’ont pas la masse critique pour l’appliquer.
Mes chers collègues, quel intérêt de complexifier les choses à la veille des élections ? (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après la journée du 8 mars, nous pouvons reconnaître qu’en France nous ne sommes pas les plus audacieux pour faire progresser les droits des femmes et la parité. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Les femmes n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1945 et le droit à un compte bancaire qu’en 1965. Bien plus, le port du pantalon a été officiellement reconnu en 2013.
Sur la question de la parité dans les élections municipales, je salue le large consensus de toutes les associations d’élus, qui y sont progressivement devenues favorables.
Pour ma part, je vous parle de la France des petites communes de Meurthe-et-Moselle. Beaucoup de maires de commune de moins de 100 habitants, certes, pensent qu’ils auront du mal à composer des listes complètes si la parité est imposée. Eh bien je vous livre la réponse que je leur fais : « C’est comme, lors d’une journée ensoleillée, quand il faut plonger dans une eau un peu fraîche : on hésite, on y va timidement, mais, une fois dedans, on ne regrette rien, bien au contraire. » (Mme Cécile Cukierman rit.)
Mme Cécile Cukierman. C’est vrai !
M. Olivier Jacquin. Je m’adresse à mes deux collègues femmes qui sont intervenues avant moi et qui sont hésitantes sur la parité. Pour ma part, en tant qu’homme favorable à la parité, je pense que cette disposition améliorera radicalement l’engagement local, la démocratie et l’égalité. En fin de compte, les communes nous remercieront.
Chers collègues, n’hésitons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Ghislaine Senée applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, sur l’article.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre pays traverse une véritable crise de l’engagement local. Dans nos villages et nos petites communes, les vocations d’élu municipal se font de plus en plus rares. Accablés par des responsabilités croissantes, des contraintes administratives toujours plus lourdes et un manque criant de soutien, ces élus, pourtant indispensables à la vie de nos territoires, renoncent.
Ce problème n’est pas anodin. Il est le symptôme d’un pouvoir central qui, au lieu de renforcer la démocratie locale, l’étouffe sous des réformes déconnectées des réalités du terrain.
L’article 1er s’inscrit dans cette logique en imposant un scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants. Il vient complexifier encore davantage la vie municipale.
Jadis, dans ces petites communes, on votait avant tout pour des personnes, pour des citoyens engagés au service de leurs voisins. Ce système garantissait une démocratie vivante. Désormais, en imposant un scrutin de liste avec une logique paritaire, on contraint ces communes à adopter une logique partisane qui va complexifier les élections et freiner l’engagement de nombreux citoyens.
Que dire de la complexité introduite par ce texte ? On nous parle de listes complètes, de seuils de candidats, d’élections complémentaires soumises à de nouvelles règles : c’est un véritable casse-tête pour des communes qui, vous le savez, mes chers collègues, peinent déjà à mobiliser des volontaires.
La ruralité n’a pas besoin d’une nouvelle contrainte administrative ; elle a besoin de liberté et de simplicité. Dans de nombreuses petites communes, il est déjà difficile de trouver des élus motivés. Désormais, avec ces nouvelles obligations, nous risquons de nous retrouver avec des élections impossibles à organiser et des conseils municipaux dysfonctionnels.
Le Rassemblement national, fidèle à sa défense des territoires et de la proximité entre les élus et les citoyens, refuse cette réforme qui éloigne encore un peu plus les Français du pouvoir local. Ce texte ne répond à aucune demande des élus de terrain et ne fait que complexifier une organisation qui fonctionnait jusqu’à présent.
Plutôt que d’imposer un modèle pensé pour les grandes villes, nous devons au contraire protéger nos petites communes, leur offrir plus de souplesse et encourager l’engagement citoyen.
Nous voterons donc contre l’article 1er, car nous croyons en la démocratie locale, en la souveraineté des communes et en la voix des Français, qui refusent qu’on leur impose un modèle uniformisé. La France des territoires ne doit pas être sacrifiée sur l’autel d’une centralisation toujours plus pesante. Nous défendrons toujours nos villages, nos élus locaux et l’esprit démocratique qui les anime. (Mmes Anne Chain-Larché et Sylvie Goy-Chavent applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons tous rencontré beaucoup d’élus et, parce que ce texte est complexe et mélange plusieurs objectifs, en toute franchise, nous avons tous déjà entendu de la bouche des maires ce que chacun pourrait ici relayer. Balayons d’emblée ce fait pour éviter toute polémique.
Pour autant, comment répondre à ces maires qui veulent le scrutin de liste, mais pas la parité ? À ceux qui veulent la parité, mais pas le scrutin de liste ? À ceux qui veulent bien réduire les effectifs des conseils municipaux, à condition que l’on maintienne le panachage ? À ceux qui ne le veulent surtout pas ? Cette réalité montre bien la fébrilité que provoque la crise de l’engagement dont nous avons tous parlé.
Je vous propose également que l’on évite de se renvoyer les positions des associations d’élus, sauf à se dire que, l’an prochain, à l’unanimité, nous voterons les amendements ayant pour objet l’indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation, tant réclamée par ces instances.
Revenons sur ce que l’on appelle le « tir aux pigeons ». Admettons qu’il reste tout de même peu fréquent, même si ce n’est jamais agréable pour celui qui en fait les frais. Mes chers collègues dans les communes de plus de 1 000 habitants, ce n’est pas non plus la fête au village ! Que s’y passe-t-il ? Certaines listes sortantes sont battues à plate couture, alors qu’elles ont de bons bilans – certes, le maire sortant, par le principe du scrutin de liste, fait toujours partie du conseil municipal, mais redevient un pauvre élu d’opposition tout seul dans son coin. Les cas où une population « dégage » – pour le dire ainsi – une équipe municipale se produisent dans des communes de 0 à 1 million d’habitants, ne l’oublions pas.
Quant à la beauté des grandes équipes… Il faut tout de même quelquefois nuancer cette idée pour pouvoir boucler des listes à certains moments.
Je conclus sur la question des désagréments des renouvellements des conseils municipaux. Quand, au sein d’un conseil municipal composé de cinq membres, deux démissions surviennent, il devient compliqué de continuer de gérer la commune.