Sommaire

Présidence de M. Dominique Théophile

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nicole Bonnefoy.

1. Procès-verbal

2. Questions orales

prisonniers arméniens détenus illégalement à bakou

Question n° 351 de Mme Marie-Arlette Carlotti. – M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.

situation critique en république démocratique du congo

Question n° 384 de M. Akli Mellouli. – M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.

création d’une « mdph 99 » à destination des français établis hors de france

Question n° 281 de Mme Hélène Conway-Mouret. – M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux ; Mme Hélène Conway-Mouret.

mise en application de la circulaire du 22 novembre 1999 relative aux aspirations endotrachéales

Question n° 321 de M. Pascal Martin. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi.

conséquences d’un projet de décret menaçant le secteur de la petite enfance

Question n° 344 de M. Stéphane Le Rudulier. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi ; M. Stéphane Le Rudulier.

création de résidences de répit partagé

Question n° 388 de M. Olivier Rietmann. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi.

diminution du niveau de prise en charge des contrats d’apprentissage prévue par décret

Question n° 407 de M. Stéphane Piednoir. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi.

généralisation des déclarations préremplies de ressources pour l’attribution du revenu de solidarité active et de la prime d’activité

Question n° 391 de M. Jean-Gérard Paumier. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi ; M. Jean-Gérard Paumier.

police ou gendarmerie : cas d’une portion de l’autoroute a1 en île-de-france

Question n° 285 de M. Daniel Fargeot. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi.

attente du décret relatif à la bonification des trimestres des sapeurs-pompiers volontaires

Question n° 295 de M. Patrice Joly. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi.

indemnisations des communes, entreprises et habitants sinistrés par les inondations reconnues catastrophes naturelles

Question n° 327 de M. Philippe Grosvalet. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi.

délais trop longs pour passer son permis de conduire

Question n° 346 de M. Guislain Cambier. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi ; M. Guislain Cambier.

sécurisation de l’écocontribution des produits soumis à la responsabilité élargie des producteurs

Question n° 259 de M. Didier Mandelli. – Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité ; M. Didier Mandelli.

revue de la grille d’indemnisation relative aux attaques du loup pour prendre en compte les animaux en gestation

Question n° 395 de Mme Frédérique Puissat. – Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité ; Mme Frédérique Puissat.

compensations des préjudices indirects liés aux attaques de loup

Question n° 185 de Mme Anne-Catherine Loisier. – Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité.

projets et concertations sur le parc éolien de seine-et-marne/gâtinais val-de-loing

Question n° 390 de M. Louis Vogel. – Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité ; M. Louis Vogel.

conséquences du règlement européen 2023/1115 sur le développement agricole et énergétique guyanais

Question n° 403 de M. Georges Patient. – Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité.

programmation des investissements avec calendrier sur mayotte

Question n° 146 de M. Saïd Omar Oili. – Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité ; M. Saïd Omar Oili.

suppression de postes d’enseignants et de classes et fin de la décharge pour les directeurs d’école à paris

Question n° 329 de M. Ian Brossat. – Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité ; M. Ian Brossat.

situation de la ligne paris-orléans-limoges-toulouse

Question n° 261 de M. Daniel Chasseing. – Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité ; M. Daniel Chasseing.

difficultés des communes à souscrire un contrat d’assurance

Question n° 380 de Mme Marion Canalès. – Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité.

zones france ruralités revitalisation dans le cher : combler les zones d’ombre pour une équité territoriale

Question n° 394 de M. Rémy Pointereau. – Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité ; M. Rémy Pointereau.

sauvegarde de la ligne ferroviaire guéret-felletin

Question n° 396 de M. Jean-Jacques Lozach. – Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité.

réexamen du zonage france ruralités revitalisation en lot-et-garonne

Question n° 398 de M. Michel Masset. – Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité ; M. Michel Masset.

conséquences de l’avis de l’autorité de régulation des transports sur la fin de la gratuité de la portion d’autoroute A40 entre annemasse et saint-julien-en-genevois

Question n° 405 de Mme Sylviane Noël. – Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité ; Mme Sylviane Noël.

sécurisation des passages à niveau et modernisation des infrastructures routières

Question n° 410 de M. Joshua Hochart. – Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité.

accès au foncier des jeunes agriculteurs

Question n° 377 de Mme Marie-Claude Lermytte. – Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

gestion de la présence du loup dans la nièvre

Question n° 386 de Mme Nadia Sollogoub. – Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Nadia Sollogoub.

conséquences de la réglementation européenne relative au contrôle des salmonelles sur la filière avicole française

Question n° 392 de M. Christian Klinger. – Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Christian Klinger.

fièvre catarrhale ovine : préparation de la prochaine épidémie

Question n° 393 de M. Guillaume Gontard. – Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Guillaume Gontard.

situation préoccupante de la fosse de petosse en vendée

Question n° 356 de Mme Annick Billon. – Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

conséquences de la réforme de la tarification de l’eau sur les secteurs agricole et industriel

Question n° 409 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

situation de l’industrie dans le pas-de-calais

Question n° 249 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics.

création d’une ligne électrique aérienne tht 400 000 volts

Question n° 326 de M. Laurent Burgoa. – Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics ; M. Laurent Burgoa.

projet d’arrêté modifiant le soutien au développement du photovoltaïque sur bâtiment, hangar et ombrière

Question n° 349 de M. Stéphane Demilly. – Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics.

baisse du tarif de rachat de l’énergie solaire photovoltaïque et impact sur les collectivités et les agriculteurs

Question n° 364 de M. Alain Duffourg. – Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics.

soutien public à la filière photovoltaïque

Question n° 366 de Mme Viviane Artigalas. – Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics ; Mme Viviane Artigalas.

situation préoccupante de l’entreprise f2j-japy

Question n° 371 de Mme Annick Jacquemet. – Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics.

1 150 emplois menacés chez valeo en france

Question n° 196 de M. Thierry Cozic. – Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics.

réglementation de l’affichage des tarifs de recharge des véhicules électriques

Question n° 239 de M. Bernard Buis. – Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics.

distorsion de concurrence pour les contrats obsèques en capital

Question n° 340 de M. Christophe Chaillou. – Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics ; M. Christophe Chaillou.

enquête sur les pratiques commerciales de shein et position française sur les droits de douane

Question n° 402 de Mme Marie-Claire Carrère-Gée. – Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

3. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

4. Rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal

5. Mises au point au sujet de votes

6. Conversion de centrales à charbon. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

M. Khalifé Khalifé, auteur de la proposition de loi

PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché

M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Christine Herzog, rapporteure pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie

M. Daniel Salmon

M. Franck Montaugé

M. Aymeric Durox

M. Pierre Jean Rochette

M. Daniel Gremillet

M. Bernard Buis

M. Philippe Grosvalet

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Silvana Silvani

M. Michaël Weber

Mme Catherine Belrhiti

M. Stéphane Piednoir

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendements identiques nos 10 rectifié bis de M. Khalifé Khalifé, 17 rectifié ter de M. Jean-Marie Mizzon et 24 de Mme Catherine Belrhiti. – Adoption des trois amendements.

Amendement n° 6 de M. Franck Montaugé. – Devenu sans objet.

Amendements identiques nos 12 rectifié bis de M. Khalifé Khalifé, 19 rectifié ter de M. Jean-Marie Mizzon et 26 de Mme Catherine Belrhiti. – Adoption des trois amendements.

Adoption de l’article modifié.

Article 2

Amendements identiques nos 11 rectifié bis de M. Khalifé Khalifé , 18 rectifié ter de M. Jean-Marie Mizzon et 25 de Mme Catherine Belrhiti. – Adoption des trois amendements.

Amendement n° 7 de M. Franck Montaugé. – Devenu sans objet.

Amendements identiques nos 13 rectifié bis de M. Khalifé Khalifé, 20 rectifié ter de M. Jean-Marie Mizzon et 27 de Mme Catherine Belrhiti. – Adoption des trois amendements.

Amendements identiques nos 8 de M. Franck Montaugé, 14 rectifié bis de M. Khalifé Khalifé, 21 rectifié ter de M. Jean-Marie Mizzon et 28 de Mme Catherine Belrhiti. – Retrait des quatre amendements.

Amendement n° 31 de M. Daniel Gremillet. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 3 (nouveau)

Amendements identiques nos 9 de M. Franck Montaugé, 15 rectifié bis de M. Khalifé Khalifé, 22 rectifié ter de M. Jean-Marie Mizzon et 29 de Mme Catherine Belrhiti. – Rejet des quatre amendements.

Amendements identiques nos 16 rectifié bis de M. Khalifé Khalifé, 23 rectifié ter de M. Jean-Marie Mizzon et 30 de Mme Catherine Belrhiti. – Retrait des trois amendements.

Amendement n° 32 de M. Daniel Gremillet. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 4 (nouveau)

Mme Karine Daniel

Amendement n° 33 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Vote sur l’ensemble

Mme Antoinette Guhl

M. Daniel Gremillet

M. Michaël Weber

M. Jean-Marie Mizzon

M. Franck Montaugé

M. Jean-François Longeot

M. Bernard Buis

Mme Catherine Belrhiti

M. Philippe Grosvalet

Mme Silvana Silvani

M. Khalifé Khalifé

Mme Christine Herzog

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

7. Renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur de la commission des lois

Exception d’irrecevabilité

Motion n° 1 de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Mme Evelyne Corbière Naminzo ; Mme Frédérique Puissat ; M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur ; M. Gérald Darmanin, garde des sceaux ; Mme Corinne Narassiguin. – Rejet.

Question préalable

Motion n° 2 de Mme Mélanie Vogel. – Mme Mélanie Vogel ; M. Laurent Somon ; M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur ; M. Gérald Darmanin, garde des sceaux ; Mme Corinne Narassiguin. – Rejet.

Discussion générale (suite)

M. Saïd Omar Oili

M. Christopher Szczurek

M. Alain Marc

M. Pascal Allizard

Mme Salama Ramia

Mme Sophie Briante Guillemont

Mme Isabelle Florennes

M. Jérémy Bacchi

Mme Antoinette Guhl

Mme Corinne Narassiguin

Clôture de la discussion générale.

Avant l’article unique

Amendement n° 4 de M. Saïd Omar Oili. – Rejet.

Amendement n° 11 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.

Amendement n° 18 rectifié de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.

Article unique

Amendements identiques nos 3 de Mme Corinne Narassiguin, 10 de Mme Mélanie Vogel et 12 de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 7 de M. Christopher Szczurek. – Rejet.

Amendement n° 9 de M. Christopher Szczurek. – Retrait.

Amendement n° 14 de Mme Salama Ramia. – Retrait.

Amendement n° 15 de Mme Salama Ramia. – Adoption.

Amendement n° 16 de Mme Salama Ramia. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Intitulé de la proposition de loi

Amendement n° 17 de Mme Salama Ramia. – Retrait.

Vote sur l’ensemble

Mme Silvana Silvani

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

8. Restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants. – Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Francis Szpiner, rapporteur de la commission des lois

M. Joshua Hochart

Mme Marie-Claude Lermytte

Mme Lauriane Josende

Mme Salama Ramia

Mme Sophie Briante Guillemont

Mme Dominique Vérien

M. Ian Brossat

M. Guy Benarroche

Mme Laurence Harribey

M. Marc-Philippe Daubresse

M. Stéphane Le Rudulier

Mme Marie-Claire Carrère-Gée

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. Olivier Paccaud

M. Jean-Claude Tissot

Amendement n° 53 de M. André Reichardt. – Non soutenu.

Amendement n° 1 rectifié ter de Mme Dominique Vérien. – Rejet.

Amendement n° 37 rectifié ter de M. Pierre Jean Rochette. – Rejet.

Amendement n° 42 de M. Joshua Hochart. – Rejet.

Amendement n° 39 rectifié ter de M. Pierre Jean Rochette. – Rejet.

Amendement n° 38 rectifié ter de M. Pierre Jean Rochette. – Retrait.

Amendement n° 56 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 58 de Mme Salama Ramia. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 1er

Amendement n° 43 de M. Joshua Hochart. – Rejet.

Article 2

Amendements identiques nos 2 rectifié de Mme Dominique Vérien et 9 rectifié de Mme Salama Ramia. – Rectification des deux amendements.

Amendements identiques nos 2 rectifié bis de Mme Dominique Vérien et 9 rectifié bis de Mme Salama Ramia. – Adoption des deux amendements rédigeant l’article.

Amendement n° 44 rectifié quater de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Devenu sans objet.

Article 3

Amendement n° 57 de Mme Salama Ramia. – Rejet.

Amendement n° 46 rectifié de Mme Dominique Vérien. – Adoption.

Amendement n° 45 rectifié quinquies de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 4 (supprimé)

Amendement n° 48 rectifié sexies de Mme Marie-Claire Carrère-Gée

Amendement n° 52 du Gouvernement

Amendements identiques nos 3 rectifié de Mme Dominique Vérien et 10 rectifié de Mme Salama Ramia. – Retrait de l’amendement n° 3 rectifié.

Suspension et reprise de la séance

Amendement n° 48 rectifié sexies de Mme Marie-Claire Carrère-Gée (suite). – Rectification.

Amendement n° 52 du Gouvernement (suite). – Retrait.

Amendement n° 48 rectifié septies de Mme Marie-Claire Carrère-Gée. – Adoption, par scrutin public n° 239, de l’amendement rétablissant l’article.

Amendement n° 10 rectifié de Mme Salama Ramia (suite). – Devenu sans objet.

Après l’article 4

Amendement n° 36 rectifié quater de Mme Lauriane Josende. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Renvoi de la suite de la discussion.

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Dominique Théophile

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

Mme Nicole Bonnefoy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

prisonniers arméniens détenus illégalement à bakou

M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, auteure de la question n° 351, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Marie-Arlette Carlotti. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le sort des otages arméniens prisonniers à Bakou après que l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont récemment annoncé la signature imminente d’un accord de paix censé mettre fin à trois décennies d’un conflit armé ayant fait des milliers de morts.

En septembre 2023, l’Azerbaïdjan a pris le contrôle du Haut-Karabagh à l’issue d’une attaque fulgurante et extrêmement meurtrière, qui a poussé à l’exode la quasi-totalité de la population, soit plus de 100 000 Arméniens, qui n’avaient le choix qu’entre partir ou mourir.

Ces derniers jours, la communauté internationale, y compris la France, se félicite de l’annonce d’un futur traité de paix. Si nous pouvons nous réjouir des efforts réalisés pour installer une paix juste et durable dans la région, nous ne savons à ce stade que très peu de choses sur le contenu de cet accord. Faute d’alliés puissants, nous imaginons que l’Arménie a dû faire de nombreuses concessions.

Quoi qu’il en soit, les prisonniers de guerre arméniens retenus à Bakou ne sauraient être les oubliés de ces négociations, comme il semble que ce soit le cas. Ils sont vingt-trois prisonnières et prisonniers arméniens du Haut-Karabakh à croupir dans les geôles azerbaïdjanaises. Parmi eux figurent d’anciens dirigeants de l’Artsakh, des journalistes, des militants des droits humains, des hommes et des femmes enfermés sans procès équitable.

En effet, le 14 janvier dernier s’est ouvert à Bakou un simulacre de procès, qui n’avait rien à voir avec la justice. C’était un théâtre de l’horreur : nous avons vu leurs visages émaciés, leurs corps éprouvés par les privations. Tous sont torturés, humiliés. Les femmes sont victimes de violences fondées sur leur genre. L’eau leur est refusée, la lumière ne s’éteint jamais dans leurs cellules, les visites sont interdites, de même que les soins médicaux. Certains sont battus, tandis que d’autres s’apprêtent à disparaître dans l’anonymat des geôles azerbaïdjanaises.

Monsieur le ministre, les droits de ces prisonniers sont bafoués, et leur dignité abandonnée. La France va-t-elle à son tour les abandonner ? Que faisons-nous pour eux ? Que faisons-nous pour les sortir de là ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Madame la sénatrice Marie-Arlette Carlotti, la France suit attentivement la situation en Azerbaïdjan.

Les procès des Arméniens du Haut-Karabagh ont débuté le 17 janvier dernier au tribunal militaire de Bakou et nous prêtons une attention toute particulière aux inquiétudes exprimées par les organisations de défense des droits de l’homme quant à l’équité du jugement et au traitement des accusés.

Nous avons rappelé à plusieurs reprises – et nous continuerons de le faire – au gouvernement azerbaïdjanais ses obligations internationales en matière de respect des droits fondamentaux. L’Azerbaïdjan doit tout particulièrement garantir que chaque individu ait droit à une procédure régulière et à un procès équitable, et qu’il soit détenu dans des conditions dignes et sûres. Nous avons également rappelé que les signalements de torture et de mauvais traitements doivent faire l’objet d’une enquête rapide et impartiale.

Les procès du tribunal militaire de Bakou touchent toutefois à la question bien plus vaste de l’instauration d’une paix durable entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. À cet égard, la France a salué l’annonce de l’aboutissement de la négociation d’un traité de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Plus rien ne s’opposant désormais à sa signature, nous avons appelé les parties à fixer une date sans délai.

La normalisation des relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, dans le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté des deux États, doit permettre au Sud-Caucase de devenir un espace de paix, d’intégration et de coopération, avec des frontières ouvertes, au bénéfice des populations de la région.

Madame la sénatrice, je vous sais très engagée sur ce sujet. Nous continuerons de suivre la situation de très près et nous vous ferons parvenir un complément de réponse par écrit si vous le souhaitez.

situation critique en république démocratique du congo

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, auteur de la question n° 384, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Akli Mellouli. Monsieur le ministre, la République démocratique du Congo (RDC) s’enfonce dans une crise aux ramifications régionales et internationales alarmantes. Il ne s’agit pas simplement d’un conflit de plus dans une région instable ; il s’agit d’une guerre hybride, alimentée par des intérêts économiques, miniers et stratégiques, qui échappe aux logiques classiques des affrontements étatiques ou civils.

Il me faut rappeler que le Mouvement du 23 mars (M23), soutenu de manière attestée par le Rwanda, n’est pas un acteur isolé. Il s’inscrit dans une toile complexe d’ingérences, de prédation des ressources naturelles et de reconfigurations d’alliances régionales. Ce groupe armé, responsable d’exactions massives, avance en territoire congolais avec des moyens militaires incompatibles avec ceux d’une simple rébellion locale.

Nous avons affaire non pas à une guerre civile, mais à une agression dissimulée, aux conséquences humanitaires désastreuses. Les chiffres sont éloquents : plus de 6,9 millions de déplacés internes et des milliers de civils massacrés, sans parler des violences sexuelles systématisées. Les structures de santé sont débordées, notamment à Goma, où plus de 4 500 blessés ont été pris en charge à la fin du mois de février.

S’il se déroule loin de nos frontières, ce drame résonne douloureusement en France. De nombreux Français d’origine congolaise, impuissants face au cauchemar que traversent leurs proches, vivent dans l’angoisse. J’en veux pour preuve cette lettre poignante d’un collégien de Vitry-sur-Seine que j’ai reçue il y a quelques jours : le jeune Joseph, qui est présent dans les tribunes de l’hémicycle, y exprime son désespoir face à la situation de sa famille, restée à l’est du pays.

Monsieur le ministre, alors que d’autres pays ont pris des sanctions claires contre Kigali, la France reste prudente – trop prudente ! Jusqu’à quand ? Quelle ligne rouge faudra-t-il encore franchir pour que notre diplomatie sorte de l’ambiguïté ? Continuerez-vous de parler de médiation tandis que la souveraineté congolaise s’effondre ?

La France est-elle enfin prête à nommer les responsables, à agir et à peser pour mettre fin à ce conflit qui menace tout l’équilibre de l’Afrique centrale ? Envisagez-vous de prendre des sanctions, comme l’ont déjà fait l’Allemagne, le Canada et d’autres nations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur Akli Mellouli, je vous remercie de soulever dans cette enceinte la question importante de la crise se déroulant dans l’est de la RDC, qui est actuellement l’une des plus graves au monde.

La diplomatie française est mobilisée sur tous les fronts pour que la paix revienne dans cette région, qui a déjà été trop meurtrie. Notre objectif est clair : obtenir un cessez-le-feu et permettre la reprise du dialogue entre les parties.

Le Président de la République et le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sont en contact régulier avec leurs homologues de la région pour les appeler à cesser les hostilités et à reprendre le dialogue. Jean-Noël Barrot s’est ainsi rendu à Kinshasa et à Kigali à la fin du mois de janvier pour porter un message clair aux présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame : le droit international doit être respecté et les armes ne résoudront pas les problèmes complexes de l’est de la RDC. La France continuera de se mobiliser en ce sens.

Au Conseil de sécurité de l’ONU, la diplomatie française est depuis longtemps mobilisée. Elle y a récemment défendu la résolution 2773, qui a été adoptée à l’unanimité le 21 février dernier. Celle-ci condamne pour la première fois en des termes aussi clairs l’offensive du M23 et la présence rwandaise en RDC. Elle appelle le Rwanda à mettre fin à son soutien au M23 et à se retirer du territoire de la RDC. Le Conseil de sécurité de l’ONU a ainsi envoyé un message fort, car unanime.

À Bruxelles, nous avons adopté la semaine dernière de nouvelles mesures restrictives contre neuf personnalités du M23 et de l’armée rwandaise, ainsi que contre une entité, et nous sommes ouverts pour discuter d’autres mesures.

Face aux conséquences humanitaires du conflit, nous avons augmenté, à titre bilatéral, notre appui humanitaire de 3 millions d’euros pour répondre aux besoins élémentaires des populations touchées en RDC.

Vous le voyez, nous sommes mobilisés sur tous les fronts, en soutien des médiations régionales africaines, pour que les conditions d’une paix et d’une prospérité durables dans les Kivu soient enfin réunies.

création d’une « mdph 99 » à destination des français établis hors de france

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la question n° 281, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le ministre, pour nos compatriotes résidant à l’étranger, la reconnaissance du handicap d’un enfant, puis l’attribution d’aides sociales pour obtenir l’assistance d’un accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH) relèvent d’un véritable parcours du combattant.

Cette situation résulte notamment du fait que les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont des guichets uniques recueillant toutes les demandes, qu’elles viennent de France ou du reste du monde. Si les Français vivant à l’étranger peuvent choisir n’importe quelle MDPH pour instruire leur demande, celle de Paris est la plus sollicitée : l’année dernière, elle a reçu 119 demandes, tandis que celle du Rhône, par exemple, n’en a reçu que 13.

Cette procédure est longue, complexe et mal adaptée aux spécificités des Français résidant hors de France. Pour remédier aux difficultés rencontrées par ces derniers, je vous ai proposé la création d’une MDPH qui leur serait dédiée, en concertation avec les conseillers des Français de l’étranger, dont je salue le travail et l’engagement sur ce dossier.

Il semblerait que cette piste ait été écartée lors de la dernière réunion de l’observatoire des élèves à besoins éducatifs particuliers de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), faute d’un nombre de demandes jugé suffisant.

Pourtant, les chiffres sont incontestables : le nombre d’élèves accompagnés par un AESH est en augmentation constante ces dernières années, passant de 69 en 2015-2016 à 474 en 2023-2024.

Monsieur le ministre, si la création d’une « MDPH 99 » ne semble pas envisagée, les besoins sont réels et les dysfonctionnements persistent, malgré les efforts des différents groupes de travail mis en place par l’AEFE et la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE).

Dès lors, pourquoi ne pas implanter un guichet au sein d’une MDPH existante, qui centraliserait les demandes de toutes les familles et dont les personnels seraient spécifiquement formés ? Cette solution réduirait les délais de traitement, améliorerait l’accompagnement des familles et garantirait que l’école inclusive soit accessible à tous nos enfants, où qu’ils se trouvent.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Madame la sénatrice Hélène Conway-Mouret, l’accompagnement des familles françaises établies à l’étranger dont un enfant se trouve en situation de handicap constitue une priorité de l’action sociale du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

En 2024, l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé a ainsi été versée à 821 familles, et l’aide au financement des accompagnants d’élèves en situation de handicap l’a été à 473 familles, pour un montant total de 4,1 millions d’euros.

Le ministère a par ailleurs engagé un dialogue avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et le ministère de la santé afin de sensibiliser les MDPH à la nécessité d’harmoniser les pratiques au sein de leur réseau et d’accélérer le traitement des dossiers.

De plus, une fiche technique à l’attention des MDPH est en cours d’actualisation, afin de mieux leur faire appréhender les spécificités des demandes et des procédures propres aux Français de l’étranger en situation de handicap.

Pour toute urgence ou lorsque le délai d’instruction se prolonge au-delà de la moyenne, nos services – et plus spécifiquement la DFAE et les postes consulaires – saisissent la MDPH concernée en vue d’inscrire le dossier à la commission pluridisciplinaire.

Pour répondre à votre question, la création d’une MDPH consacrée aux Français de l’étranger a fait l’objet d’une réflexion au sein d’un groupe de travail en lien avec la CNSA. Jusqu’à présent, cette réflexion n’a pas été conclusive, principalement en raison du nombre limité d’allocataires en situation de handicap résidant à l’étranger au regard du nombre moyen d’allocataires gérés par une MDPH en France.

S’agissant des aides au financement des AESH, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger est associée aux travaux en cours avec la CNSA en vue de faciliter les procédures pour les familles à l’étranger. Ces travaux portent notamment sur la systématisation des notifications pluriannuelles, sur l’instauration d’un calendrier de dépôt et de traitement des dossiers par les MDPH qui soit compatible avec la rentrée scolaire et sur la communication sur le parcours usager afin d’améliorer l’accompagnement des familles dans leurs démarches.

Enfin, des facilités peuvent être mises en place en cas de difficulté de paiement pour les familles en situation précaire. Les échéances des familles boursières sont ainsi assumées à 100 %, par le biais du versement par l’établissement de l’aide directement à l’accompagnant ou d’une avance permettant de rémunérer ce dernier.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le ministre, il est indéniable que de gros efforts sont réalisés, mais les difficultés demeurent. Aussi, je vous invite à considérer ma proposition et toutes celles qui sont susceptibles d’aider ces familles en difficulté.

mise en application de la circulaire du 22 novembre 1999 relative aux aspirations endotrachéales

M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, auteur de la question n° 321, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

M. Pascal Martin. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et porte sur la circulaire du 22 novembre 1999 relative aux aspirations endotrachéales, qui entraîne des difficultés d’application pour les parents dont les enfants sont atteints de maladies rares les empêchant de s’alimenter par eux-mêmes.

En effet, elle prévoit que le maintien de la liberté des voies respiratoires nécessite chez les personnes trachéotomisées des aspirations endotrachéales périodiques. Ces gestes peuvent être pratiqués par les parents et, en cas d’indisponibilité, par des infirmiers ou des masseurs kinésithérapeutes habilités à les accomplir. En l’absence d’infirmier et sur prescription médicale, ils peuvent également être réalisés par des personnes ayant suivi une formation ad hoc.

Les infirmières libérales sollicitées par les parents refusent très souvent d’intervenir, car elles jugent que la gastrostomie est un acte trop contraignant. Les parents sont alors obligés de s’absenter de leur travail à l’heure du déjeuner pour brancher et débrancher l’alimentation de leur enfant, y compris lorsqu’il est à l’école, car le personnel scolaire n’est pas autorisé à faire ce geste.

À ce jour, de nombreux parents sont concernés par le manque de disponibilité de tiers susceptibles d’assurer périodiquement et très rapidement ces aspirations endotrachéales. Il a même été constaté que, dans certains instituts médico-éducatifs (IME), les infirmières responsables des enfants trachéotomisés sont dans l’impossibilité d’assurer des soins réguliers en raison de leur surcharge de travail.

Madame la ministre, quelles sont les solutions envisagées pour aider les parents lorsque, ne pouvant pas s’absenter de leur travail, ils ne parviennent pas à trouver une personne autorisée par la circulaire pour intervenir rapidement et pratiquer de façon régulière les aspirations endotrachéales dont sont tributaires leurs enfants ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de lemploi. Monsieur Pascal Martin, je vous remercie de votre question, qui souligne le stress que vivent certaines familles, dans la mesure où il est question d’une nécessité vitale.

Le maintien de la liberté des voies respiratoires nécessite chez les personnes trachéotomisées des aspirations endotrachéales périodiques qui ne peuvent pas être planifiées et doivent être effectuées très rapidement.

Les patients qui ont l’usage de leurs mains les réalisent eux-mêmes. Lorsque ce n’est pas le cas, ils doivent avoir recours à l’assistance d’un tiers. Jusqu’en 1999, seuls les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes étaient habilités à accomplir ce geste, ce qui compromettait le retour à domicile ou l’accueil en structure d’hébergement de personnes dont l’état ne nécessitait plus une hospitalisation et posait problème aux parents ayant des enfants à la maison.

Les textes parus en 1999 ont autorisé toute personne ayant suivi une formation ad hoc à pratiquer ces aspirations endotrachéales en l’absence d’un infirmier. Les problèmes que vous mettez en avant ne sont donc pas liés à des limitations imposées par les textes ; ils sont d’ordre organisationnel et découlent de la pénurie de personnel qualifié. Des solutions doivent être trouvées dans le dialogue en fonction de l’environnement de chaque personne.

Par ailleurs, les personnels scolaires sont parfaitement autorisés à faire ce geste dès lors qu’ils ont suivi la courte formation que je viens de mentionner.

Nous avons également ajouté en 2021 la maîtrise de cet acte à la formation des aides-soignants et des ambulanciers pour augmenter le nombre de personnes formées et susceptibles d’intervenir.

Dans le cadre de la refonte de la profession d’infirmier, un grand travail de concertation autour de l’évolution de la profession a été lancé en 2023 et a abouti à l’adoption en première lecture de la proposition de loi sur la profession d’infirmier à l’Assemblée nationale, qui élargit les compétences des infirmiers et infirmières.

Le ministère de la santé anime de nombreux groupes de travail avec la profession. Cette question spécifique sera abordée avec les infirmiers libéraux. Je le répète, le blocage ne provient pas des textes. Il nous faut donc trouver des solutions organisationnelles selon l’environnement des personnes concernées. C’est une nécessité absolue, à la fois pour les personnes concernées et pour leur entourage.

conséquences d’un projet de décret menaçant le secteur de la petite enfance

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 344, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

M. Stéphane Le Rudulier. Madame la ministre, le décret relatif à la nouvelle procédure d’autorisation des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) et au renforcement de la qualité de l’accueil dans les microcrèches, dont la mise en œuvre est prévue pour le 1er janvier 2026, suscite de nombreuses inquiétudes chez les professionnels de la petite enfance.

Bien sûr, personne n’a rien de plus précieux à confier à la garde d’autrui que ses enfants. Chacun peut donc trouver louable que les normes d’encadrement en vigueur dans les crèches de petite taille s’appliquent également dans les microcrèches.

Néanmoins, force est de constater que l’État se trouve, pour l’heure, dans l’impossibilité de former un nombre suffisant de candidats pour répondre aux besoins, ce qui menace directement l’avenir du secteur de la petite enfance. En effet, les nouvelles normes pourraient entraîner la disparition de 80 000 places d’accueil et la fermeture de plusieurs milliers de microcrèches sur l’ensemble du territoire français, alors même qu’il existe déjà une pénurie de professionnels qualifiés dans ce secteur.

Madame la ministre, ma question s’articule en deux temps.

Pouvez-vous nous confirmer que cette réforme ne s’appliquera pas aux 15 000 professionnels déjà en poste qui sont titulaires d’un CAP petite enfance et que le niveau de qualification exigé ne s’appliquera aux recrutements qu’à compter du 1er septembre 2026 ?

Par ailleurs, vous engagez-vous à entamer un processus de concertation sur le calendrier de déploiement de cette réforme, sur la formation de professionnels en urgence pour répondre aux nouvelles exigences de qualification et sur la mise en œuvre de mesures transitoires ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de lemploi. Monsieur le sénateur Stéphane Le Rudulier, le projet de décret que vous mentionnez est fondamental pour assurer la qualité de l’accueil du jeune enfant. De nombreuses informations erronées ayant circulé à son sujet, je me dois d’être très claire sur ce que prévoit ce projet de décret, qui vient d’être examiné par le Conseil d’État.

Il a pour objet d’aligner les normes d’encadrement des microcrèches sur celles des crèches classiques de taille similaire, les petites crèches. Ainsi, les microcrèches devront compter au moins un professionnel de catégorie 1, c’est-à-dire titulaire d’un diplôme d’État. De même, l’accueil de moins de trois enfants par un professionnel seul ne pourra être assuré qu’à la condition que celui-ci soit titulaire d’un tel diplôme. Par ailleurs, un directeur ne pourra exercer des fonctions de direction que dans deux établissements au maximum.

Toutefois, il convient de rappeler que ce décret n’entrera en vigueur qu’à compter du 1er septembre 2026. Les auxiliaires de puériculture ou tout autre professionnel occupant le poste de référent technique avant cette date pourront être maintenus à leur poste.

Les titulaires d’un CAP présents dans les crèches n’auront pas à acquérir le diplôme d’État d’auxiliaire de puériculture et pourront continuer d’exercer. En effet, de nombreuses crèches disposent déjà d’un directeur ou référent technique pour deux structures et comptent 40 % de personnel dit qualifié, c’est-à-dire de catégorie 1.

Ces mesures sont essentielles pour respecter les besoins des enfants et assurer leur sécurité. En effet, les enfants accueillis dans les microcrèches étant les mêmes que ceux qui sont accueillis dans les petites crèches classiques, il n’y a aucune raison que les conditions d’encadrement diffèrent.

L’État n’abandonne pas les microcrèches. Au contraire, il les finance, notamment par le versement aux parents du complément de libre choix du mode de garde (CMG). En ce qui concerne les microcrèches subventionnées par la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje), j’attire votre attention sur le fait que le coût de revient moyen reste à ce jour inférieur au plafond de 10 euros par heure et que je ne dispose à ce jour d’aucun élément financier me démontrant l’inverse.

Enfin, pour reconnaître l’engagement des professionnels et renforcer l’attractivité des métiers, le Gouvernement entend faciliter l’accès au diplôme d’État d’auxiliaire de puériculture ou tout autre diplôme appartenant à la catégorie 1 par voie de validation des acquis de l’expérience (VAE).

Le Gouvernement est donc pleinement mobilisé pour accompagner ce changement, qui est conduit en faveur de la sécurité et du bien-être de nos enfants.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.

M. Stéphane Le Rudulier. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Une mobilisation importante s’est exprimée en février par l’opération « crèches mortes » et j’estime qu’il est urgent d’ouvrir une phase de concertation avec les professionnels du secteur et les élus locaux pour améliorer la qualité de l’accueil de l’enfant en tenant compte du manque cruel d’effectifs dans le secteur.

création de résidences de répit partagé

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, auteur de la question n° 388, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l’autonomie et du handicap.

M. Olivier Rietmann. Madame la ministre, en France, plus de 11 millions de personnes soutiennent un proche en situation de handicap, de perte d’autonomie ou de maladie chronique ou invalidante. Ce nombre va augmenter dans les prochaines années du fait des évolutions démographiques et de la demande accrue pour le maintien à domicile.

En décembre 2022, l’inspection générale des affaires sociales (Igas) formulait des préconisations pour soutenir les aidants. L’une d’entre elles portait sur le soutien au développement des séjours de vacances aidés-aidants. Cette mesure figure bien dans la stratégie « Agir pour les aidants ».

Toutefois, l’Igas estimait dans ce rapport que cette stratégie était en retrait par rapport aux ambitions initiales, en raison notamment d’une faible consommation des crédits afférents par les agences régionales de santé (ARS). Elle déplorait, d’une part, le peu d’appels à projet ou à manifestation d’intérêt et, d’autre part, la réticence des ARS à financer ce type d’offre, qui tient de l’expérimentation.

Pourtant, la création de résidences de répit partagé aidés-aidants offre une solution innovante, dont les nombreux atouts ont déjà été longuement évoqués dans cet hémicycle. Ce fut le cas encore très récemment, lors de l’examen des textes budgétaires pour 2025, au travers des amendements de nos collègues Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales, Patrick Kanner et Monique Lubin.

Nous avons d’ailleurs été entendus, puisque l’annexe du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) indique que 80 millions d’euros concerneront des « mesures domicile », et notamment des solutions de répit pour les familles.

Sur le terrain, cette hausse des moyens est attendue par les ARS et par les porteurs de projet. Je pense en particulier au projet expérimental ciblé sur la commune de Luxeuil-les-Bains, dans mon département, la Haute-Saône, qui présente la particularité médicale de permettre l’accès des aidants aux soins thermaux.

Madame la ministre, confirmez-vous que cette enveloppe de 80 millions d’euros servira – et, le cas échéant, à quelle hauteur – à déployer de nouvelles places en résidence de répit partagé ? Quelles mesures mettez-vous en œuvre pour inciter les ARS à se saisir de cet enjeu de premier ordre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de lemploi. Monsieur le sénateur Olivier Rietmann, je vous remercie de votre question, qui me permet de souligner combien le rôle des aidants familiaux est essentiel dans la chaîne de solidarité et de vulnérabilité entre la personne aidée, l’aidant familial et le professionnel du soin et du lien.

L’engagement des aidants a des répercussions importantes dans tous les domaines de leur vie : leur santé, leur activité professionnelle, leur bien-être, leur temps libre. Aussi, ils expriment un besoin de répit, notamment lorsque le proche qu’ils aident vit à leur domicile.

Pour y répondre, un chapitre consacré au renforcement de l’offre et de l’accès au répit a été intégré à la stratégie de mobilisation et de soutien pour les aidants 2023-2027, qui s’appuie sur un plan de 100 millions d’euros. Il se traduit notamment par la poursuite du développement de l’offre d’accueil temporaire et d’accueil de jour, l’objectif étant de créer 6 000 places supplémentaires en 2027, mais aussi par le renforcement de séjours de vacances répit.

Vous évoquez spécifiquement les résidences de répit partagé. Spécialisées dans l’accueil simultané des personnes aidées et de leurs aidants, ces structures proposent à des personnes en perte d’autonomie, aux personnes âgées et aux personnes handicapées des séjours de vacances avec leur proche aidant. Cette offre de service adaptée, à la fois touristique et médico-sociale, traduit une demande des familles.

En 2019, il existait en France trois structures fondées sur ce modèle. Nous ne sommes donc qu’au début de leur déploiement. La création de deux résidences de répit et de vacances partagées en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie a fait l’objet d’un engagement politique en 2024 et 2,6 millions d’euros de crédits ont été fléchés à cet effet.

En ce qui concerne le projet de Luxeuil-les-Bains que vous mentionnez, l’ARS Bourgogne-Franche-Comté n’a reçu aucun dossier formel à ce jour ; elle n’a reçu qu’une demande de rendez-vous de l’association qui porte le projet, dont je salue le président, que j’ai rencontré avant de venir ici. Nous devons voir avec cette association comment accélérer les choses.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Comme pour tout dossier de ce type qui lui sera présenté, l’agence examinera cette demande avec la plus grande attention.

Je vous remercie encore une fois, monsieur le sénateur, d’avoir posé cette question si importante.

diminution du niveau de prise en charge des contrats d’apprentissage prévue par décret

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, auteur de la question n° 407, adressée à Mme la ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l’emploi.

M. Stéphane Piednoir. Madame la ministre, j’attire votre attention sur plusieurs problématiques soulevées par la baisse de prise en charge des contrats d’apprentissage, décidée sans prise en compte de la qualité de l’enseignement dispensé.

Chacun le sait, les entreprises ont recours aux contrats d’apprentissage pour recruter à un coût significativement moins élevé que celui de l’embauche d’un jeune diplômé.

Alors que le cap du million de jeunes en apprentissage a été franchi l’an dernier, l’augmentation du reste à charge risque d’entraîner une baisse substantielle du nombre d’apprentis, en raison d’une perte d’attractivité économique. Un tel retour en arrière serait évidemment regrettable.

Les étudiants les moins favorisés verront leur accès à des études de qualité limité, puisque l’offre en alternance joue un rôle essentiel dans leur choix de formation.

De plus, les aides d’État à l’apprentissage ont, depuis 2018, créé un appel d’air permettant à de nombreuses écoles, parfois peu scrupuleuses, d’ouvrir leurs portes en proposant diverses formations. Les écoles privées lucratives représentent aujourd’hui 15 % des étudiants en France.

Contrairement à ces écoles privées à but lucratif, les établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig) réinvestissent l’intégralité de leurs revenus dans la formation et la recherche. Ces écoles vertueuses ne pourront pas absorber la diminution de l’accompagnement et risquent, dès lors, d’être fragilisées de manière injustifiée.

La réduction de la dépense publique est bien sûr une impérieuse nécessité ; mais le changement dont il s’agit doit s’accompagner d’une prise en compte de la qualité des formations dans l’attribution des aides.

Il faut mettre en avant des critères de qualité pour inciter tous les établissements à se tourner vers un enseignement à haute valeur ajoutée. Ce faisant, on élaguera les offres les moins solides et l’on récompensera les modèles les plus vertueux tout en préservant le principe de réduction des dépenses.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Stéphane Piednoir. Madame la ministre, votre collègue chargé de l’enseignement supérieur et vous-même pouvez-vous concevoir et mettre en œuvre de tels critères objectifs pour garantir l’efficacité des aides à l’apprentissage ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de lemploi. Monsieur le sénateur Piednoir, nous assistons à une véritable révolution culturelle en matière d’apprentissage.

Contrairement à d’autres pays, la France part aujourd’hui du principe que l’apprentissage concerne tous les jeunes, quel que soit leur niveau de qualification, de l’infrabac au master. Dans un pays qui reste obsédé par les diplômes – on peut le déplorer, mais c’est ainsi –, il faut faire comprendre à tous que l’apprentissage n’est pas une voie de garage.

Nous avons déjà rationalisé les aides aux entreprises : pour les entreprises de moins de 250 salariés, qui concentrent 80 % des apprentis, l’enveloppe est passée de 6 000 à 5 000 euros, et nous allons continuer ce travail.

Vous m’interrogez quant au contenu des formations.

Tout d’abord, il convient effectivement d’adapter les offres d’apprentissage et les orientations aux besoins actuels de l’économie, notamment aux besoins des entreprises, en insistant sur les métiers d’avenir. Nous avons lancé une concertation en ce sens à la fin du mois de novembre dernier, avec les représentants des branches professionnelles et les partenaires sociaux. Il s’agit de redonner la main aux branches professionnelles pour qu’elles puissent décider d’elles-mêmes de variations beaucoup plus fortes sur les coûts contrats en fonction des besoins des entreprises.

Dans la même logique, nous devons être sûrs d’orienter les apprentis, quel que soit leur niveau de qualification, vers les besoins réels des entreprises, vers les métiers d’avenir, qui sont les mieux rémunérés et offrent les plus belles perspectives.

Cet effort passe aussi par une meilleure information des jeunes et des familles, que ce soit via Parcoursup ou InserJeunes, qui donne des perspectives et des indications relatives aux différents métiers – je pense en particulier au taux d’emploi et aux rémunérations attendues.

Enfin, la révolution de l’apprentissage doit maintenant s’accompagner d’un meilleur contrôle de qualité. Nous y travaillons de concert avec Mme la ministre de l’éducation nationale et M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur. À l’évidence, une régulation doit être assurée, non seulement au travers de Qualiopi et des travaux de la Cour des comptes, mais aussi quant au contenu des formations. C’est un sujet que nous sommes appelés à traiter dans le cadre de nos concertations avec les partenaires sociaux.

généralisation des déclarations préremplies de ressources pour l’attribution du revenu de solidarité active et de la prime d’activité

M. le président. La parole est à M. Jean-Gérard Paumier, auteur de la question n° 391, adressée à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.

M. Jean-Gérard Paumier. Madame la ministre, l’État a récemment décidé de moderniser et de simplifier les démarches d’accès au revenu de solidarité active (RSA) et à la prime d’activité en lançant Solidarité à la source, dispositif calqué sur le prélèvement des impôts à la source.

Cette réforme devrait bénéficier à plus de 6 millions de Français. L’enjeu est donc important.

Le déploiement d’une telle mesure doit être soigneusement préparé ; il suppose en particulier une concertation avec les acteurs concernés, au premier rang desquels les départements.

Si aucune étude d’impact n’a été diligentée en amont, on a au moins eu le souci d’engager, il y a deux mois, une expérimentation dans cinq départements témoins : les Alpes-Maritimes, l’Aube, l’Hérault, les Pyrénées-Atlantiques et la Vendée.

Toutefois, par un décret du 1er mars dernier, soit deux mois seulement après le lancement de l’expérimentation, et sans même en avoir évalué les tout premiers résultats, le Gouvernement a décidé de généraliser cette réforme. Quelle étrange méthode, qui plus est quand on connaît la charge financière que cette mesure impose aux départements, lesquels sont déjà confrontés à d’importantes difficultés pour boucler leurs budgets…

Si l’on ajoute à cela l’absence de consultation des conseils départementaux et la non-prise en compte des propositions de Départements de France, nous réunissons tous les ingrédients d’une réforme mal engagée, dont le calendrier précipité et le manque de discussions préalables risquent de rendre difficile le déploiement.

Madame la ministre, ma question est double. Comment le Gouvernement peut-il généraliser un dispositif potentiellement coûteux pour les départements sans avoir diligenté la moindre consultation, sans avoir mené la moindre étude d’impact ? De plus, comment justifiez-vous un calendrier si précipité, qui n’a laissé que deux mois à l’expérimentation et n’a dès lors permis aucune évaluation solide ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de lemploi. Monsieur le sénateur Jean-Gérard Paumier, la solidarité à la source est effective depuis le 1er mars 2025, et il me semble avant tout nécessaire de rappeler les bienfaits de cette démarche. Il s’agit d’une mesure de simplification tout à fait concrète, permettant un meilleur accès aux droits pour les plus fragiles et une meilleure allocation des ressources de notre modèle social par la diminution des indus et l’amélioration de la lutte contre les fraudes.

Vous rappelez que cette mesure a fait l’objet d’une première expérimentation dans cinq départements, à la suite de laquelle la réforme a été généralisée le 1er mars dernier. En effet, aucun dysfonctionnement majeur n’a été constaté et le nouveau dispositif a été bien accueilli par les allocataires. Ces derniers n’ont que très peu corrigé les déclarations préremplies et, après vérification par les équipes dédiées, il apparaît que les corrections apportées sont très majoritairement faites à tort, ce qui confirme la fiabilité des données sociales préaffichées.

Enfin, à la demande de Départements de France, un comité mensuel de suivi de la réforme a été installé. Il s’est réuni pour la première fois vendredi dernier. Sa constitution peut être jugée tardive, mais il n’en a pas moins le mérite d’exister.

Ce comité continuera d’éclaircir les impacts de la réforme. Il sera bientôt renouvelé et poursuivra son travail de suivi, maille par maille, en prenant pour base les données mensuelles.

Il s’agit d’une réforme de simplification très concrète pour nos concitoyens, qui sera source d’économies et permettra de dégager de nouveaux moyens financiers. Elle participe à la fois de la lutte contre la précarité et de la lutte contre la fraude. Elle constitue, enfin, le premier bloc de la réforme de l’allocation sociale unifiée, qu’a lancée Michel Barnier et que le Gouvernement souhaite reprendre, pour assurer une vraie différenciation entre les minima sociaux et le travail, qui doit payer plus dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Jean-Gérard Paumier, pour la réplique.

M. Jean-Gérard Paumier. Madame la ministre, le Parlement a récemment voté la prorogation de l’expérimentation, lancée en 2021, visant à favoriser l’égalité des chances pour l’accès à différentes écoles du service public.

Le Gouvernement soutenait cette mesure, permettant de mieux évaluer les effets de l’expérimentation menée et, partant, de prendre du recul. Mais, à rebours, il précipite la généralisation du dispositif Solidarité à la source. Il l’impose à marche forcée, sans consultation ni évaluation financière, si l’on excepte les travaux du comité de suivi.

Les départements font état de leurs inquiétudes quant à la charge financière qui pourrait en découler, qui plus est dans le contexte actuel…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Gérard Paumier. Il faut, madame la ministre, les rassurer au plus vite.

police ou gendarmerie : cas d’une portion de l’autoroute a1 en île-de-france

M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, auteur de la question n° 285, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Daniel Fargeot. Madame la ministre, dans son rapport du 13 janvier dernier, la Cour des comptes pointe un problème structurel dans la répartition des zones de compétence entre la police et la gendarmerie nationales. Non seulement cette carte est figée depuis des décennies, mais un certain nombre d’enjeux organisationnels affectent directement l’efficacité des interventions sur le terrain.

L’organisation des forces de sécurité sur l’autoroute A1, entre Survilliers et Roissy-en-France, dans le Val-d’Oise, en est un exemple concret.

Cette portion stratégique de treize kilomètres, aux portes de la région des Hauts-de-France, relève de la compétence de septième compagnie républicaine de sécurité (CRS 7) autoroutière Nord – Île-de-France, placée sous l’autorité de la préfecture de police de Paris. Mais, du fait de son éloignement géographique et de diverses priorités d’intervention qui s’imposent à elle, la CRS 7 n’intervient que rarement sur la portion autoroutière dont il s’agit.

En pratique, cette zone sensible est délaissée, ce qui favorise la survenue de divers phénomènes – runs sauvages, intrusions de migrants et autres atteintes à l’ordre public.

Pour les acteurs locaux, cette situation est à l’origine d’un flou, notamment quant à la force compétente en matière de police judiciaire.

Les autorités locales, le préfet du Val-d’Oise, la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et le procureur de la République sont unanimes : il faut transférer cette portion en zone gendarmerie, conformément à la logique de continuité suivie dans le département voisin de l’Oise. La préfecture de police de Paris elle-même ne semble pas s’y opposer. La décision serait en fait bloquée par la direction générale de la police nationale (DGPN).

Cet axe autoroutier est un corridor stratégique, tant pour le trafic que pour la sécurité des usagers. Il semble difficilement compréhensible que cette inertie bloque une décision de bon sens, attendue par tous les acteurs de terrain pour une meilleure efficacité de l’action publique.

Madame la ministre, le Gouvernement entend-il clarifier la situation en actant rapidement ce transfert, afin de garantir une gestion cohérente et efficace de la sécurité sur cette portion de l’A1 ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de lemploi. Monsieur le sénateur Daniel Fargeot, avant tout, permettez-moi de revenir sur une de vos affirmations.

Non, les policiers de la CRS autoroutière Nord – Île-de-France ne négligent pas le tronçon de l’autoroute A1 que vous citez, bien au contraire. Au nom de M. le ministre de l’intérieur, qui ne peut répondre à votre question ce matin, je tiens d’ailleurs à saluer leur engagement et leur professionnalisme.

En 2024, les policiers de la CRS 7 y ont procédé à plus de 360 interventions, qu’il s’agisse de faire face à des accidents de la circulation ou à des vols de fret, de mener des opérations anti-rodéos ou encore de réprimer des délits routiers. Ils ont dressé plus de 700 procès-verbaux électroniques et traité plus de 200 délits, sans parler de leurs opérations de lutte contre la vitesse excessive. Vous en conviendrez, ces chiffres ne traduisent pas un quelconque désengagement.

Pour autant, la répartition des compétences dans ce secteur entre police nationale et gendarmerie nationale peut faire l’objet d’une réflexion entre l’ensemble des acteurs. À cet égard, je tiens à vous rassurer : la direction générale de la police nationale ne bloque aucune décision.

Dans le rapport que vous évoquez, la Cour des comptes souligne la particularité de cette portion de l’autoroute A1 (M. Daniel Fargeot le confirme.), qui est de la compétence de la CRS autoroutière pour la sécurité routière. Il en va de même pour l’ordre public et la police judiciaire, en lien avec les forces de police territorialement compétentes, à savoir la DIPN 95 (direction interdépartementale de la police nationale) et la CRS 7.

En tout état de cause, soyez certain qu’à ce jour, indépendamment des zones de compétence, policiers et gendarmes sont pleinement mobilisés sur l’A1 pour exercer efficacement tant leurs missions de sécurité routière que leurs missions de sécurité publique générale.

attente du décret relatif à la bonification des trimestres des sapeurs-pompiers volontaires

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 295, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Patrice Joly. Madame la ministre, ma question porte sur la reconnaissance, au titre de la retraite, de l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires.

Il y a maintenant près de deux ans, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023 a instauré un dispositif grâce auquel les sapeurs-pompiers volontaires justifiant d’au moins dix années d’engagement peuvent obtenir des trimestres de retraite supplémentaires – un trimestre pour les dix premières années, puis un trimestre par période supplémentaire de cinq années. Il s’agit de reconnaître le rôle essentiel de leur engagement au service de la population. Toutefois, cette mesure reste suspendue à la publication de décrets d’application.

Les sapeurs-pompiers volontaires – faut-il le rappeler ? – représentent près de 78 % des effectifs de pompiers en France et jouent un rôle fondamental, notamment dans les zones rurales et périurbaines. Leur engagement y est primordial pour assurer le maillage territorial des secours.

Face aux défis actuels liés aux conséquences du changement climatique, aux catastrophes naturelles et aux crises sanitaires, les sapeurs-pompiers volontaires jouent, de même, un rôle crucial. Sans eux, notre dispositif de sécurité serait fragilisé et l’efficacité des secours se trouverait largement compromise.

Malgré les engagements fermes pris au mois de décembre dernier, ici même, par Mme Sabrina Agresti-Roubache, le décret assurant la mise en œuvre de cette prestation n’est toujours pas publié. Cette situation suscite de légitimes interrogations, qu’il s’agisse de la date de parution du décret ou de la prise en compte des années de service antérieures à 2023 pour l’attribution de trimestres.

Non seulement la reconnaissance de l’engagement des sapeurs-pompiers paraît menacée, mais le recrutement de volontaires risque d’être freiné : la perspective d’une bonification au titre de la retraite constitue un levier majeur pour attirer et retenir ces hommes et femmes indispensables à notre sécurité.

Madame la ministre, je vous demande de bien vouloir nous préciser la date de parution de ce décret. En outre, pouvez-vous nous garantir que la bonification des trimestres s’appliquera à l’ensemble des sapeurs-pompiers volontaires, sans distinction, qu’ils aient effectué une carrière complète ou non ? Il est grand temps qu’ils bénéficient de la reconnaissance qu’ils méritent.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de lemploi. Monsieur le sénateur Patrice Joly, comme vous le rappelez, 200 000 sapeurs-pompiers volontaires œuvrent au quotidien pour porter secours à nos concitoyens. Or leur engagement est aujourd’hui remis en question par la possible qualification statutaire du sapeur-pompier volontaire en travailleur.

Par définition, le sapeur-pompier volontaire n’est pas un pompier professionnel, mais un citoyen engagé. C’est une réalité qu’il faut absolument reconnaître et valoriser.

Au nom du Gouvernement, je tiens à rendre hommage à nos sapeurs-pompiers volontaires. Le Parlement – je le sais – leur témoigne la même gratitude : la mesure de reconnaissance que vous avez évoquée en est la preuve.

Comme vous le précisez, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 dispose que les sapeurs-pompiers volontaires ayant accompli plus de dix ans de service peuvent bénéficier de trimestres de retraite selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

Le décret d’application n’a pour l’heure pas été pris, et pour cause, ses premières versions n’étaient pas conformes à l’esprit de la loi.

M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur, n’en a pas moins repris le dossier. Il est favorable à une attribution progressive des trimestres, s’ajoutant à des années complètes de cotisation.

Sur ce sujet, la concertation exige du temps, faute de quoi nous risquons fort d’aboutir de nouveau à une situation insatisfaisante pour nos sapeurs-pompiers.

C’est précisément leur insatisfaction qui nous conduit à rouvrir le dossier. Les travaux interministériels ont repris afin de renforcer la valorisation prévue au titre de la retraite.

Comme vous, nous souhaitons que ces travaux aboutissent le plus rapidement possible – je ne puis toutefois pas vous donner de date –, afin de reconnaître l’engagement, indispensable à la Nation, de nos sapeurs-pompiers volontaires.

Vous pouvez en être assuré : M. le ministre de l’intérieur et moi-même, en tant que ministre chargée de la question des retraites, sommes pleinement impliqués dans ce dossier.

indemnisations des communes, entreprises et habitants sinistrés par les inondations reconnues catastrophes naturelles

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, auteur de la question n° 327, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Philippe Grosvalet. Madame la ministre, les inondations ont frappé le nord de la France en 2023 ; le Sud-Est, le Centre et la Loire-Atlantique en 2024 ; puis l’Ille-et-Vilaine et, une nouvelle fois, mon département en janvier dernier.

Chaque année, près de 6 000 communes font l’objet d’une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, en grande majorité à cause d’inondations. À elles seules, ces dernières entraînent des indemnisations annuelles de l’ordre de 20 milliards d’euros, selon les services du Gouvernement, qui ne prennent pas en compte les indemnisations versées pour les véhicules sinistrés.

À titre d’exemple, les dommages subis cette année par le magasin Leclerc de Saint-Nicolas-de-Redon sont estimés à 9 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 6 millions d’euros pour les commerces de la galerie marchande. Évidemment, ces coûts sont lourds de conséquences.

En 2021, notre collègue Jean-Yves Roux alertait déjà vos prédécesseurs quant aux réticences des compagnies d’assurances à couvrir les équipements publics des communes, du fait des risques climatiques. Ce frein risque fort d’être étendu aux entreprises et aux particuliers victimes d’inondations. Or, pour bénéficier des dispositifs mis en œuvre en cas de reconnaissance de catastrophe naturelle, il faut être couvert par un contrat d’assurance.

Dès lors, quelles pistes envisagez-vous pour garantir aux communes, aux entreprises et aux habitants des indemnisations à la hauteur des dégâts subis lors des inondations ? De même, quelles suites donnera-t-on au rapport sur l’assurabilité des collectivités territoriales remis au Gouvernement au mois d’avril dernier ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de lemploi. Monsieur le sénateur Philippe Grosvalet, en raison de la hausse de la sinistralité que vous mentionnez, le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, créé en 1982, est soumis à de fortes contraintes financières.

C’est pour assurer la pérennité du régime que le taux de la surprime catastrophes naturelles (CatNat) a augmenté au 1er janvier dernier, qu’il s’agisse des contrats d’assurance couvrant les dommages aux biens d’habitation et professionnels ou des contrats automobiles.

Au total, le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles disposera ainsi d’une capacité de couverture supplémentaire de 1,2 milliard d’euros par an.

Vous insistez sur une difficulté plus spécifique : les collectivités territoriales ont de plus en plus de mal à s’assurer à un prix raisonnable.

Dans un contexte d’offre assurantielle réduite, et du fait d’une sinistralité croissante, certains assureurs ont quitté le marché de l’assurance des collectivités territoriales, si bien qu’un nombre croissant de ces dernières rencontrent de plus en plus de difficultés à s’assurer. Les assureurs résilient divers contrats ou imposent des conditions tarifaires difficilement soutenables.

Un certain nombre de dispositifs permettent d’accompagner l’effort de protection engagé, face aux risques, par les collectivités territoriales. Ainsi, en vertu de la loi de finances pour 2025, et malgré un contexte budgétaire particulièrement contraint, l’État a augmenté de 145 millions d’euros le budget alloué au fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier.

Ce fonds peut être mobilisé par les collectivités territoriales pour financer des dépenses d’investissement, qu’il s’agisse de réaliser des études, des travaux, des équipements de prévention ou de protection contre les risques naturels.

Engager de tels travaux, c’est aussi envoyer un signal aux assureurs pour obtenir la réduction des primes exigées.

délais trop longs pour passer son permis de conduire

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, auteur de la question n° 346, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Guislain Cambier. Madame la ministre, la mobilité est gage non seulement d’épanouissement, mais aussi et surtout d’insertion économique et sociale. Or, dans les territoires ruraux, ou en tout cas éloignés des métropoles, l’accès à l’examen du permis de conduire est un réel souci. Dans le Cambrésis, par exemple, il faut désormais attendre plus de neuf mois pour passer son permis auto. Quant à l’attribution des places pour le permis moto, elle favorise les moto-écoles extérieures à l’Avesnois.

Ces délais excessifs ont des conséquences très concrètes : ne voyant pas venir leur date d’examen, un certain nombre d’élèves des auto-écoles prennent la route sans permis pour se rendre au travail. On estime aujourd’hui à 100 000 le nombre de personnes conduisant en France sans permis.

Dans des territoires où l’offre de transports en commun est souvent inexistante, ne pouvoir conduire signifie être isolé, éloigné des opportunités professionnelles et limité dans son quotidien. Le Cambrésis et l’Avesnois souffrent déjà de difficultés d’accès à l’emploi : peut-on enfin accorder un regard attentif à ces territoires ?

Ces retards placent également en grande difficulté les auto-écoles et moto-écoles locales, qui peinent à organiser des formations efficaces pour leurs élèves. Veut-on encore éloigner la formation de notre ruralité ?

Entre zones urbaines et territoires ruraux, les inégalités d’accès au permis de conduire, déjà flagrantes, tendent à se renforcer. Madame la ministre, quelles solutions le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour réduire ces délais ? Allez-vous renforcer les équipes d’inspecteurs ou déployer un dispositif spécifique pour ces zones périphériques, où vivent 40 % des Français ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de lemploi. Monsieur le sénateur Guislain Cambier, je vous prie tout d’abord d’excuser M. le ministre de l’intérieur, ainsi que son ministre délégué, François-Noël Buffet, retenu à l’Assemblée nationale.

En la matière, le département du Nord se situe aujourd’hui dans la moyenne des indicateurs nationaux annualisés de février 2025. Le délai médian, à savoir le délai de passage de la deuxième épreuve pratique après un échec à la première, s’y établit à soixante-seize jours, contre soixante-dix-sept à l’échelle nationale. Le taux de réussite à l’examen est de 57,6 %, pour 58,77 % à l’échelle nationale. Quant au seuil formateur, autrement dit le nombre d’élèves par formateur, il est de 5,4, contre 5,8 au niveau national. L’encadrement y est donc meilleur que dans d’autres territoires.

Le département du Nord dispose de 50 postes d’inspecteur, qui, dans quelques mois, seront tous pourvus. Les six postes vacants ont été attribués à des lauréats du dernier concours ; quatre d’entre eux entreront en formation en mai 2025, suivis des deux autres en septembre suivant.

Par ailleurs, les inspecteurs retraités peuvent se porter volontaires pour continuer ou reprendre leur activité, sous couvert d’une convention. C’est le cas d’un inspecteur retraité de votre département. En vertu d’une convention signée le 19 mars dernier, ce professionnel est habilité à réaliser des examens dès le 1er avril prochain. Grâce à son renfort, que nous pouvons saluer, la situation du département du Nord va donc encore s’améliorer dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.

M. Guislain Cambier. Madame la ministre, je vous remercie de ces bonnes nouvelles. Je tiens toutefois à insister sur la situation des zones rurales du Nord : les moyennes cachent en effet de nombreuses disparités. Dans le Cambrésis et l’Avesnois, le délai est bien de neuf mois. Les professionnels vous le confirmeront, qu’ils travaillent à l’auto-école de Mormal, à Berlaimont, ou à l’auto-moto-école Stéphane de Caudry.

Bien sûr, je me félicite de l’arrivée prochaine de six nouveaux inspecteurs et du renfort assuré par un inspecteur retraité. Mais il faut également veiller à ce que les examens du code ou encore du plateau, pour les motos, ne soient pas victimes de grandes structures situées en dehors de notre territoire, lesquelles trustent bon nombre de places.

sécurisation de l’écocontribution des produits soumis à la responsabilité élargie des producteurs

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, auteur de la question n° 259, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

M. Didier Mandelli. Madame la ministre, les filières à responsabilité élargie du producteur (REP) partent du principe selon lequel les producteurs sont responsables du financement ou de l’organisation de la prévention et de la gestion des déchets issue des produits en fin de vie.

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, a d’ailleurs permis de porter à vingt-cinq le nombre de ces filières, qui jouent un rôle essentiel dans la réduction de l’impact environnemental des produits en favorisant le réemploi, la réutilisation, le recyclage ou encore la réparation.

Depuis son lancement, la filière REP de l’ameublement bénéficie d’une écocontribution répercutable à l’identique, assortie d’un principe de non-réfaction, jusqu’au dernier acheteur. Mais la non-réfaction et la répercussion à l’identique de l’écocontribution ne seront malheureusement plus obligatoires après le 31 décembre 2025.

Depuis plusieurs mois déjà, les professionnels, auxquels je me suis joint, alertent quant au risque réel de déstabilisation de l’ensemble de cette filière.

En effet, les filières REP font face à des prises de marges successives et cumulatives sur le montant de l’écocontribution.

Ces prises de marges augmentent artificiellement les prix des produits. Elles conduisent aujourd’hui certains professionnels à remettre en cause le versement des écocontributions. Aussi est-il urgent de pérenniser le principe de non-réfaction et de répercussion à l’identique de l’écocontribution de la REP ameublement et de généraliser ce principe à l’ensemble des filières ; je pense notamment à la filière des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment.

Madame la ministre, allez-vous répondre à cette demande ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Mandelli, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Mme Pannier-Runacher, retenue par d’autres obligations.

Votre question porte sur la sécurisation des contributions liées à la mise sur le marché de produits soumis à une filière à responsabilité élargie du producteur.

Cette sécurisation pourrait être assurée par l’affichage du montant de l’écocontribution sur la facture. Dans une logique de contribution visible, ledit montant ne pourrait être négocié à la hausse ou à la baisse dans la chaîne des fournisseurs du produit jusqu’au client final.

La responsabilité élargie du producteur découle du principe du pollueur-payeur. Les fabricants ou importateurs supportent les coûts de prévention et de gestion des déchets issus de leurs produits. Ils sont ainsi incités à améliorer l’écoconception.

Les producteurs concernés s’acquittent généralement de leurs obligations en mettant en place collectivement des éco-organismes auxquels ils transfèrent leurs obligations. Ils versent, en contrepartie, une contribution financière.

Dans la filière des équipements électriques et électroniques comme dans la filière des meubles, cette contribution visible a été mise en place selon des modalités particulières, visant à la répercuter jusqu’au consommateur final.

Or une telle répercussion rend le dispositif moins incitatif à l’écoconception des produits. De plus, elle fait peser des charges administratives sur les distributeurs et les autres acteurs tout en réduisant l’intensité concurrentielle.

De telles dispositions présentent à la fois des avantages et des inconvénients. Il convient de les évaluer au regard de l’intérêt que peut présenter le dispositif en fonction des spécificités de chaque filière REP. Elles seront notamment étudiées dans le cadre des travaux d’évolution de la filière REP du bâtiment, que vous avez évoquée, réflexion que Mme Pannier-Runacher vient d’annoncer.

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.

M. Didier Mandelli. Madame la ministre, votre réponse me laisse assez circonspect.

Voilà quelques mois, voire quelques années, que j’alerte le Gouvernement sur ces dispositions, avec un certain nombre de mes collègues sénateurs.

Selon nous, la contribution visible est indispensable pour éviter les difficultés évoquées. C’est pourquoi elle doit être rendue obligatoire. Vous nous annoncez de énièmes travaux de réflexion : très bien…

Mme Anne-Catherine Loisier. Cela ne sert à rien…

M. Didier Mandelli. Mais, pour ma part, je souhaite que l’on puisse très rapidement donner de la visibilité à cette contribution – avant le 31 décembre 2025 pour la filière ameublement, et le plus vite possible pour les filières du bois et des produits des secteurs du bâtiment.

revue de la grille d’indemnisation relative aux attaques du loup pour prendre en compte les animaux en gestation

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, auteur de la question n° 395, transmise à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Mme Frédérique Puissat. Madame la ministre, comme vous le savez, dans cet hémicycle, nous sommes nombreux, parlementaires de tout bord, à interpeller régulièrement le Gouvernement sur les enjeux de la prédation, notamment celle du loup. Nous ne lâcherons pas, conscients du travail des éleveurs, mais également de leurs souffrances. Je sais que notre position, à bien des égards, est aussi la vôtre.

N’ayant pas eu de réponse à ma question écrite, très spécifique, je vous la pose oralement. Elle porte sur les montants forfaitaires d’indemnisation par espèce, précisément sur la grille d’évaluation de février 2024. Cette dernière tient compte d’un certain nombre de paramètres : l’espèce, selon qu’il s’agisse d’indemniser des ovins, des bovins ou des équins, l’âge de l’animal, son sexe et sa finalité. Cependant, madame la ministre, il n’y a qu’une seule catégorie d’indemnisation pour les brebis, qu’elles soient allaitantes, gestantes, vides ou non suitées, ce qui ne nous paraît pas équitable.

En effet, lorsqu’une brebis allaitante est prédatée, l’éleveur est indemnisé, et l’agneau de celle-ci peut soit survivre, soit donner lui aussi lieu à une indemnisation s’il est également prédaté. En revanche, lorsqu’une brebis gestante est prédatée, seule cette dernière fait l’objet d’une indemnisation, alors que l’éleveur perd à la fois la brebis et l’agneau qu’elle porte.

Ainsi, j’ai à l’esprit une situation au cours de laquelle des brebis étaient très proches de l’agnelage, au point qu’elles auraient pu allaiter dans l’heure qui aurait suivi leur décès. En colère, l’agriculteur a retiré les agneaux du ventre des mères concernées, prédatées par le loup : il était visible que ces derniers étaient sur le point de naître.

Envisagez-vous, madame la ministre, une révision de cette grille, afin de tenir compte de ce paramètre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la sénatrice Puissat, votre question porte sur la prédation des troupeaux par les loups. Ce sujet est extrêmement important, ce qu’illustrent les deux questions dont il fait aujourd’hui l’objet.

Ma collègue Agnès Pannier-Runacher, qui ne peut être là aujourd’hui, me charge de vous dire que nous portons une attention particulière à ce phénomène, parce qu’il a des conséquences économiques graves. Une indemnisation des pertes, directes ou indirectes, subies par le troupeau, est donc prévue en application d’un arrêté de février 2024.

Les pertes directes correspondent à celles d’animaux vivants, lesquels font l’objet d’une indemnisation pour leur valeur intrinsèque. Celle d’un ovin est donc compensée en fonction de la catégorie et de l’âge de l’animal victime : laitière, allaitante, bio, etc. Vous connaissez très bien le sujet, madame Puissat…

Ces indemnités pour pertes directes ont été revalorisées d’environ 30 % en février 2024. Il est aussi prévu une indemnisation pour les femelles gestantes ou reproductrices à une valeur de près de deux à cinq fois plus élevée que celle des agneaux, pour tenir compte de ce potentiel reproducteur.

Les pertes indirectes sont, elles, liées à la perturbation du troupeau du fait, notamment, du stress, de la moindre prise de poids, des avortements ou de la baisse de lactation. Le montant de l’indemnisation de ces pertes est fixé de façon forfaitaire, selon la taille du troupeau attaqué.

Toutefois, cela n’est pas satisfaisant, je vous l’accorde. C’est pourquoi, dans le cadre du plan national d’actions 2024-2029 sur le loup et les activités d’élevage, la prise en compte de ces pertes indirectes, notamment liées aux avortements consécutifs à une attaque de loup, est en cours de révision. L’objectif est de proposer un système d’indemnisation mieux proportionné aux pertes effectivement subies par les éleveurs. Je ne doute pas, madame la sénatrice, que vous suivrez avec beaucoup d’attention les travaux sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.

Mme Frédérique Puissat. Bien sûr, madame la ministre, nous suivrons ces travaux avec attention.

Je rappellerai alors l’exemple précis d’un agriculteur qui a subi de nombreuses attaques, dont la dernière a été la goutte qui a fait déborder le vase. J’ai une pensée pour tous les éleveurs, alors que les estives ont commencé. Franchement, dans tous les territoires, c’est pour eux la panique, et nous ne pouvons que les comprendre.

Nous comptons vraiment sur vous et sur ce gouvernement, madame la ministre.

compensations des préjudices indirects liés aux attaques de loup

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 185, transmise à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, je vous propose de continuer sur les loups…

Ma collègue Frédérique Puissat venant de mentionner les pertes directes, je souhaite parler des pertes indirectes, madame la ministre, dont vous avez précédemment indiqué qu’elles sont calculées, notamment, en fonction du troupeau. En effet, dans les zones de polyculture, on trouve non pas de gros troupeaux, mais des troupeaux de moins de 100 animaux. Or à ma connaissance, en cas de pertes indirectes dans un tel troupeau, le forfait atteint 150 euros et quelques centimes par bête concernée.

Les difficultés sont donc considérables aujourd’hui pour nos éleveurs présents dans ces zones intermédiaires : sachant qu’un agneau, à la naissance, vaut 90 euros, la perte pour l’exploitant peut rapidement s’élever à plusieurs milliers d’euros.

Je rappelle que les pertes indirectes, comme vous l’avez évoqué, madame la ministre, comprennent les avortements de bêtes qui n’ont pas été touchées, mais qui ont été pourchassées. Toutefois, d’autres motifs de surcoût pour nos éleveurs existent aussi : les dommages sur les clôtures, les frais de remise en état, qui ne sont pas systématiquement pris en compte, ou encore l’achat de nouvelles agnelles, ce qui entraîne un agnelage désaisonné, soit une année perdue de vente et d’exploitation de leur troupeau. Une agnelle coûtant 250 euros, on voit que les forfaits existants ne sont pas du tout à la hauteur des pertes réelles.

N’oublions pas, comme les éleveurs le soulignent, les pertes liées aux frais bancaires, car les trésoreries sont touchées. Ainsi, des agriculteurs, dont on connaît la faiblesse des revenus, sont aujourd’hui dans une situation de grande détresse et de grande précarité.

Madame la ministre, est-il possible de reconsidérer les paliers qui existent actuellement entre les troupeaux de moins de 100 animaux et les autres, les premiers étant sous-indemnisés à ce jour ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la sénatrice Anne-Catherine Loisier, votre question, qui suit celle de votre collègue Frédérique Puissat, montre l’importance d’un phénomène qui s’étend au-delà des territoires traditionnellement touchés. Chacun en mesure les répercussions économiques, et le sujet est pris très au sérieux.

Les pertes directes sont évaluées en fonction de la catégorie et de l’âge de l’animal ; les pertes indirectes sont également indemnisées. Ces dernières sont extrêmement lourdes pour les éleveurs. Le cadre est déterminé par l’arrêté de février 2024.

Une indemnité concerne ainsi les femelles gestantes ou reproductrices. Sa valeur est presque deux à cinq fois plus élevée que celle des agneaux, afin de tenir compte des conséquences économiques retardées que vous avez évoquées.

Un travail est en cours sur les pertes indirectes, afin d’affiner la manière dont elles sont indemnisées. Lorsque ces travaux auront abouti – nous souhaitons que ce soit le cas le plus rapidement possible –, l’arrêté de février 2024 pourra être révisé pour tenir compte de leurs conclusions. Chère Anne-Catherine Loisier, je ne doute pas de votre implication dans cette réflexion, pas plus que je ne doute de celle de Frédérique Puissat et d’autres sénateurs.

Vous avez également évoqué la prise en compte des dégâts sur les clôtures électriques. Comme vous le savez, il existe aujourd’hui un système d’accompagnement financier des éleveurs pour installer, par mesure de protection, de telles clôtures. Ces dernières peuvent être, en effet, dégradées ou très abîmées à l’issue d’attaques de loup. Les réparations peuvent, elles aussi, être indemnisées à hauteur de 80 %, dans le cadre d’un contrat de protection.

Je vous invite donc à prendre contact avec les préfets de vos territoires, mesdames, messieurs les sénateurs, parce que ces derniers sont extrêmement mobilisés. J’en ai d’ailleurs parlé avec beaucoup d’entre eux lors de mes déplacements.

projets et concertations sur le parc éolien de seine-et-marne/gâtinais val-de-loing

M. le président. La parole est à M. Louis Vogel, auteur de la question n° 390, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

M. Louis Vogel. Madame la ministre, ma question concerne un projet de construction et d’exploitation d’un parc éolien en Seine-et-Marne.

Ce dossier, baptisé Parc éolien de la Tonnelle, se situe sur le territoire de la communauté de communes Gâtinais Val-de-Loing et concerne les communes de Souppes-sur-Loing, de Poligny et de Bagneaux-sur-Loing. L’implantation des éoliennes est projetée, respectivement, à 1,2 kilomètre du centre-bourg de Poligny et à 3 kilomètres de celui de Souppes-sur-Loing.

Dans le cadre de sa compétence en matière d’environnement, la communauté de communes s’inscrit déjà fortement dans plusieurs projets liés aux énergies renouvelables et prend sa part dans l’introduction d’énergies propres. Ainsi, parmi d’autres installations, 25 éoliennes sont d’ores et déjà en place.

La communauté de communes Gâtinais Val-de-Loing et les communes incluses dans la zone d’implantation potentielle (ZIP) ont fait part de leur opposition au projet, alors que la concertation est ouverte depuis le 5 février 2025.

Le tracé a été réalisé en respectant plusieurs contraintes posées par les services de l’État et les gestionnaires de réseaux, mais la voix des collectivités doit être entendue.

La procédure de concertation a été placée sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP). Une demande d’autorisation environnementale devra être déposée à son issue.

Ma question est simple, madame la ministre : quelle est la position du Gouvernement sur ce projet ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur, cher Louis Vogel, je salue votre attachement à votre territoire, mais aussi au dialogue avec les élus locaux. Chacun connaît à la fois l’importance des projets liés aux énergies renouvelables, le rôle de ces derniers dans le développement des collectivités, mais aussi l’enjeu de la transition écologique.

L’éolien terrestre reste une énergie essentielle à l’atteinte de nos objectifs, mais il n’est pas sans soulever des questions. Je sais qu’ici, lorsque des textes de loi concernent ce sujet, les sénateurs font régulièrement preuve de beaucoup d’engagement.

Les collectivités qui s’engagent dans l’éolien terrestre font preuve de solidarité. Certes, elles bénéficient, bien naturellement, de retombées économiques. Cependant, comme vous le dites – le Gouvernement y est très attentif –, pour de tels projets, dont celui que vous mentionnez, monsieur le sénateur, la voix des territoires, des communes, des élus locaux, doit être justement entendue au cours du processus d’élaboration d’un projet de production d’énergie renouvelable. Il en a été ici beaucoup question lors de l’examen des textes récents, et le Gouvernement a exprimé son intention d’une prise en compte de la voix des élus.

Comme vous l’avez rappelé, un débat est mené sous l’égide de la Commission nationale du débat public. En l’occurrence, l’enquête vient de démarrer. C’est l’analyse des contributions et des différents enjeux du projet, parmi lesquels on trouvera les contributions des élus locaux, qui fondera la décision du préfet d’autoriser ou non la mise en œuvre du projet de parc éolien.

Si elle devait être autorisée – une procédure est en cours, qu’il n’appartient pas au Gouvernement de commenter –, le projet pourrait faire l’objet de mesures de compensation, afin que son implantation se fasse avec un moindre impact sur les territoires. Il y va de son acceptabilité.

M. le président. La parole est à M. Louis Vogel, pour la réplique.

M. Louis Vogel. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je sais votre souci de faire entendre la voix des collectivités, que vous avez amplement prouvé lorsque vous siégiez sur les travées de notre assemblée.

Je fais donc confiance à votre ministère pour que ce projet tienne compte de la voix des collectivités, qui ont montré qu’elles s’y opposaient, non pas par conservatisme, mais par souci de sauvegarder la ruralité des communes concernées.

conséquences du règlement européen 2023/1115 sur le développement agricole et énergétique guyanais

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 403, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

M. Georges Patient. Madame la ministre, la Guyane sera-t-elle, une fois de plus, sacrifiée sur l’autel de la bonne conscience écologique ? Après la loi Hulot mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures, qui interdit les forages pétroliers alors que tous les états voisins de la Guyane, sans exception, exploitent cette ressource, voilà qu’intervient maintenant le règlement européen du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) n° 995/2010. Ce dernier porte sur la lutte contre la déforestation importée.

S’il vise principalement des pays comme l’Indonésie, il omet totalement la réalité guyanaise. Ainsi, la Guyane couverte à plus de 96 % par la forêt, dont 95 % de forêt primaire, en sera une victime collatérale. Encore une fois, l’Union européenne légifère en oubliant d’évaluer les conséquences sur ses régions ultrapériphériques. Et il n’y a toujours pas de réaction de notre gouvernement !

En effet, la Guyane est la seule région française dont la surface agricole utile connaît une croissance continue, pour répondre à la forte augmentation démographique et au défi de la souveraineté alimentaire, prônée par l’État. Le passage de 20 % à 50 % d’autosuffisance grâce à la production locale à l’horizon de 2030 a, par exemple, été acté dans le schéma d’aménagement régional (SAR).

Or le règlement européen que j’ai mentionné, qui interdit l’exploitation des terres défrichées après le 30 décembre 2020, mettra un coup d’arrêt brutal au développement des productions locales : bovins, cacao, café, bois, huile de palme. Il bloquera le développement d’une filière de production d’huile de palme, qui aurait pu être utilisée par la nouvelle centrale électrique de Guyane en remplacement de l’huile de colza.

Aussi, madame la ministre, le Gouvernement doit agir vite et fort et demander pour la Guyane une dérogation à l’application de ce règlement. Il y va du développement de la Guyane, de son agriculture et de sa capacité à bâtir un avenir durable pour ses habitants. Après l’interdiction des forages pétroliers, les difficultés que rencontrent les orpailleurs légaux, le blocage des aides aux pêcheurs, maintenant, nous en arrivons à la forêt et à l’agriculture : trop, c’est trop !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Patient, j’ai bien entendu votre inquiétude, que vous exprimez très clairement.

Vous évoquez le règlement de lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts, texte important du Pacte vert européen. Ledit règlement ne tend pas à restreindre les usages des terres des pays en voie de développement. Son objet consiste à laisser entrer sur le marché de l’Union européenne et à permettre l’exportation de certains produits de base ou associés à la déforestation et à la dégradation des forêts.

Concernant les territoires ultrapériphériques et ultramarins, comme le vôtre, la spécificité de la Guyane est bien identifiée. Le schéma d’aménagement régional confère ainsi à certains espaces une vocation agricole, visant, comme vous l’avez évoqué, le développement économique et l’autonomie alimentaire de la région.

Sachez que le Gouvernement est extrêmement attentif à votre alerte. Nous sommes donc pleinement mobilisés pour faire passer ces messages auprès de la Commission européenne.

programmation des investissements avec calendrier sur mayotte

M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, auteur de la question n° 146, adressée à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Saïd Omar Oili. Madame la ministre, au mois d’octobre dernier, le directeur de la prison de Majicavo démissionnait pour dénoncer la situation de surpopulation carcérale, laquelle engendre de plus en plus de tensions entre les détenus et le personnel pénitentiaire. Ce dernier a été éprouvé par la mutinerie du 28 septembre 2024.

Le taux d’occupation de la prison de Majicavo est très élevé, puisqu’on y compte 650 détenus pour 278 places. Cette surpopulation carcérale est aggravée par un manque d’infrastructures judiciaires et carcérales essentielles pour la vie d’un département : font défaut une cité judiciaire, un deuxième centre pénitentiaire et un centre de semi-liberté.

Par courrier en date du 2 octobre 2024, j’ai sollicité le prédécesseur du garde des sceaux actuel pour connaître l’état d’avancement de ces projets. Le 28 octobre 2024, il m’a répondu que la planification de la construction des infrastructures judiciaires me serait rapidement communiquée. Je n’ai à ce jour pas d’autre réponse.

Je vous demande donc, madame la ministre, de m’indiquer la programmation des investissements, avec calendrier, des infrastructures judiciaires que je viens de mentionner.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Saïd Omar Oili, tout d’abord, je tiens à exprimer mon plein soutien, ainsi que celui du Gouvernement, à nos concitoyens mahorais, touchés par le passage dévastateur du récent cyclone, et dont la situation est encore difficile, ainsi qu’aux personnels du ministère de la justice qui, sur place, assurent avec courage et résilience la continuité de leurs missions.

Le projet de cité judiciaire de Mayotte doit permettre de regrouper les juridictions, actuellement dispersées sur quatre sites. Un premier terrain a été identifié pour l’accueillir, à proximité du centre de Mamoudzou. Le démarrage de la phase d’études est prévu en 2026.

Afin d’améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires et la prise en charge des personnes détenues, la construction d’un second centre pénitentiaire à Mayotte a été annoncée en 2022, sur la base d’un projet de construction de 400 nouvelles places de détention.

En mars 2023, comme vous le savez, des recherches foncières ont commencé. Le garde des sceaux a demandé à ses services de se rendre sur place très prochainement, afin de poursuivre les échanges avec les acteurs locaux sur ces terrains, tout en procédant aux évaluations géotechniques nécessaires à la prise en compte des effets du cyclone sur les terrains concernés. Cette démarche permettra de poursuivre l’avancement du projet.

Vous évoquez également la construction d’un quartier de semi-liberté au sein du centre pénitentiaire. S’il n’est pas prévu, pour le moment, de centre de semi-liberté indépendant sur le territoire, il est envisageable, quand la phase opérationnelle de construction du second centre pénitentiaire de Mayotte sera lancée, d’y intégrer un tel quartier.

M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour la réplique.

M. Saïd Omar Oili. Je vous remercie, madame la ministre. Cependant, pour tous ces projets destinés à notre territoire, les élus locaux que nous sommes ne sont pas informés.

En effet, des personnes sont venues à Mayotte, à la recherche de terrains pour la construction de cette deuxième prison. Nous leur avons proposé presque une dizaine d’emprises : aucune n’a convenu au ministère de la justice.

Ce que je demande donc aujourd’hui, c’est qu’on nous dise la vérité : veut-on vraiment construire cette deuxième prison, nécessaire aujourd’hui ? Je rappelle que la prison actuelle regroupe 650 détenus, alors qu’elle ne compte que 278 places. Cela entraîne des difficultés tous les jours.

Les terrains, il y en a ! Il suffit, tout simplement, de nous faire confiance et de nous associer à leur recherche : vous verrez qu’on en trouvera rapidement.

suppression de postes d’enseignants et de classes et fin de la décharge pour les directeurs d’école à paris

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, auteur de la question n° 329, adressée à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Ian Brossat. Madame la ministre, ma question concerne les écoles parisiennes. En effet, communauté scolaire parisienne est en colère depuis de nombreuses semaines, de nombreux mois. Ce mécontentement est imputable à deux causes principales.

La première est l’éventualité de la suppression des décharges de directeur. À Paris, au-delà de 5 classes dans l’école, les directeurs sont déchargés de leurs heures d’enseignement, ce qui leur permet de se consacrer pleinement à leurs tâches de direction. Mme Borne voulait supprimer cette disposition. Elle a finalement renoncé à ce projet en annonçant un moratoire : tant mieux ! Cette victoire est à porter au crédit des directeurs, des parents d’élèves et des enseignants, qui se sont mobilisés.

Reste néanmoins le second objet de cette colère : la suppression, très massive, de postes d’enseignants dans le premier degré. Ainsi, 180 classes sont aujourd’hui menacées de fermeture. La démographie, argument invoqué, a bon dos : en effet, Paris représente 3 % de la baisse de la démographie à l’échelle nationale, alors que le territoire concentre 23 % des suppressions de postes à l’école.

J’ajoute que, parmi les classes qui risquent d’être fermées, très nombreuses sont celles qui sont situées en réseau d’éducation prioritaire (REP), avec des enfants dont les parents ont de tout petits revenus. La qualité de l’enseignement dont ils bénéficient se dégraderait alors considérablement.

Ma question est donc simple : au vu de cette mobilisation, qui s’ancre dans la durée, le Gouvernement compte-t-il revenir sur ces suppressions de postes, notamment dans les zones situées en REP ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Ian Brossat, le sujet du taux d’encadrement des élèves et des décisions de fermetures de classe est, de manière générale, sensible sur tous les territoires, particulièrement à cette époque de l’année.

Il l’est aussi, naturellement, dans l’académie de Paris, où la baisse démographique, qui nous touche tous, sera particulièrement sensible à la rentrée prochaine, puisque nous compterons 3 200 élèves en moins pour le seul premier degré. Cette baisse s’accompagne d’une réduction du nombre d’élèves par classe.

Le texte de votre question écrite mentionne le fait que le nombre d’élèves par classe est plus important en France qu’en en Europe. Cependant, pour l’académie de Paris, ce n’est pas tout à fait exact, puisque, au niveau européen, on compte 21 élèves par classe, ce qui correspond aussi à la moyenne française, alors que, à Paris, ce nombre est de 20, donc inférieur.

La lutte contre les inégalités sociales, que vous évoquez, est aussi notre priorité. Mais à Paris, en éducation prioritaire, 8 élèves sur 10, tous niveaux confondus, sont scolarisés dans des classes de moins de 20 élèves. Les fermetures prévues se traduiront donc, non pas par une baisse, mais par une hausse du taux d’encadrement. Nous y sommes attentifs.

Par ailleurs, vous l’avez rappelé, les directeurs des écoles publiques de Paris bénéficient d’un régime dérogatoire de décharges d’enseignement. Depuis 1982, les directeurs des écoles parisiennes sont ainsi déchargés de leurs fonctions d’enseignement, se consacrant totalement à leurs missions de direction, à partir de 5 classes dans l’établissement, contre 13 ailleurs en France.

Ce dispositif dépendait d’un accord avec la Ville de Paris. Or depuis 2019, celle-ci ne contribue plus à ce dispositif, comme vous le savez très bien, monsieur Brossat, compte tenu de vos fonctions locales. Cette décision a entraîné une perte sèche de 116 millions d’euros pour le ministère. La situation qui en résulte est très différente entre Paris et le reste du territoire national.

En septembre, la Cour des comptes a pointé du doigt cet état de fait et a demandé au Gouvernement d’y mettre fin. Le ministère a donc lancé une concertation avec la Ville. Élisabeth Borne a annoncé un moratoire, dont je me doute qu’il a été bien accueilli. Il n’empêche, monsieur le sénateur, que la question reste entière.

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour la réplique.

M. Ian Brossat. Je remarque tout d’abord que, sur les décharges de directeur, vous avez raison d’affirmer que Paris bénéfice d’un dispositif dérogatoire. Mais rien n’interdit au Gouvernement de l’élargir aux autres villes et départements qui, j’en suis sûr, seront très heureux d’en profiter… (Mme la ministre déléguée rit.)

Ensuite, je rappelle que Paris concentre 3 % de la baisse démographique nationale, pour 23 % des suppressions de poste. C’est dire que le sort qui lui est réservé n’est pas particulièrement favorable.

situation de la ligne paris-orléans-limoges-toulouse

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, auteur de la question n° 261, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.

M. Daniel Chasseing. Madame la ministre, ma question porte sur la situation de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt), et plus précisément sur le report à janvier 2027 de la livraison des trains Oxygène. Alain Picard, directeur du constructeur ferroviaire, a fait savoir qu’il s’engageait à livrer un maximum de trains pour décembre 2026, et la totalité dans le courant de l’année 2027. Ces délais doivent absolument être respectés.

Pour l’association Urgence Ligne Polt et pour les élus, reporter une troisième fois la livraison des nouvelles rames, initialement prévue pour la fin de 2023 avant d’être retardée à la fin de 2025, est inacceptable. Sont mis en cause le moteur et les freins, non conformes au moment des essais.

Les passagers devront donc encore subir, pendant trois ans, des locomotives de plus de 40 ans et des voitures Corail à bout de souffle, qui connaissent de nombreuses pannes, malgré le travail sérieux des cheminots.

S’agissant du trafic, pendant la réalisation de travaux au nord d’Orléans, il était absolument nécessaire de maintenir les allers-retours du matin et du soir, dans le respect de l’économie des territoires et des usagers. En effet, cette ligne ferroviaire, stratégique, dessert 4 régions, 32 départements et 5 millions d’usagers potentiels.

Au cœur de la ligne se situe, à Brive-la-Gaillarde, une étoile ferroviaire stratégique pour les départements de la Corrèze, du Lot, de la Dordogne, du Cantal et de l’Aveyron. Elle doit être protégée.

Madame la ministre, il est essentiel d’écouter et de prendre en compte la voix des territoires ruraux, des villes moyennes et des entreprises. Quelles solutions concrètes pouvez-vous nous apporter afin de garantir la livraison des nouvelles rames d’ici à la fin de l’année 2026, ainsi que l’achèvement des travaux de rénovation à cette date ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Daniel Chasseing, je sais votre attachement au sujet extrêmement important du désenclavement des territoires, ainsi qu’à cette ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, qui est essentielle.

Vous l’avez rappelé : des investissements considérables sont en cours, à hauteur de 2,4 milliards d’euros. Des travaux ont lieu sur les infrastructures, à la fois pour assurer la pérennité de la ligne et pour permettre des gains en temps. Ainsi, à partir de décembre 2027, les trains les plus rapides relieront Paris à Limoges en 2 heures 52.

Certes, la livraison des matériels soulève quelques interrogations. Cependant, le ministre Philippe Tabarot suit ce sujet très attentivement. Entre août 2025 et janvier 2026, dans le cadre d’une grande opération de travaux au nord d’Orléans, sept allers-retours sur dix seront maintenus, préservant ainsi l’essentiel du trafic. Le transport de nuit est également sauvegardé.

Toutefois, sur ces retards d’approvisionnement, Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, et Philippe Tabarot ont commandité un audit sur la filière ferroviaire, dont les conclusions nous éclaireront – rapidement, nous l’espérons – sur les mesures à prendre pour agir sur les raisons à l’origine des retards de livraison, tout en renforçant la souveraineté industrielle de la France.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.

M. Daniel Chasseing. Le temps de parcours entre Brive et Paris, en 1983, était de 3 heures 50. En 2025, il atteint 4 heures 40. La réhabilitation de cette ligne Polt, colonne vertébrale de 32 départements, ne doit pas subir de retards.

Son état, vétuste après des années sans maintenance ni renouvellement, a eu des conséquences très néfastes pour les usagers, ainsi que pour l’économie de nos territoires.

difficultés des communes à souscrire un contrat d’assurance

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, auteure de la question n° 380, adressée à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.

Mme Marion Canalès. Madame la ministre, aujourd’hui, 1 500 communes sont dépourvues d’un contrat d’assurance, soit parce qu’elles n’ont reçu aucune réponse à leur appel d’offres, soit à cause de tarifs élevés. Dans le Puy-de-Dôme, qui fait partie des dix départements comptant un taux de sinistralité dégradé, la ville de Thiers a vu son budget dédié augmenter de près de 118 %.

Sur ce sujet, largement évoqué au Sénat, deux rapports ont été commis : celui qui a été rédigé par notre collègue Jean-François Husson, dans le cadre de la mission d’information sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales, et celui qui a été élaboré, à la demande du Gouvernement, par le vice-président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et l’ancien président de Groupama.

Par ailleurs, depuis 2023, de plus en plus de collectivités territoriales ont subi la résiliation unilatérale de leur contrat de la part de leur assureur.

Plusieurs propositions ont été formulées pour lutter contre le phénomène potentiel de « déserts assurantiels », dont la saisine du médiateur de l’assurance et le lancement d’une mission de réflexion sur la création, par la Caisse centrale de réassurance (CCR), d’un observatoire des tarifs des assurances souscrites par les collectivités.

Néanmoins, ces solutions ne sont pas de nature à répondre aux inquiétudes. Dans ces conditions, que ferez-vous des deux rapports précités, qui ont chacun formulé quinze à dix-sept propositions très concrètes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la sénatrice, votre question porte sur un sujet extrêmement important dont il a été beaucoup question au Sénat. Le Gouvernement s’en est lui-même emparé en demandant au maire de Vesoul, Alain Chrétien, dans le cadre de ses missions au sein de l’AMF, et à l’ancien président de Groupama d’élaborer un rapport.

François Rebsamen et moi-même sommes extrêmement attentifs à ce sujet : nous avons vu la situation des assurances des collectivités se dégrader considérablement, en raison d’une augmentation des primes et des franchises et, parfois, d’une absence de réponse. Je sais qu’une commune de mon département est dépourvue de tout contrat d’assurance.

L’offre des assurances s’est contractée au cours des dernières années. Aujourd’hui, nous constatons de nouveaux équilibres qui se traduisent par une pression à la hausse des primes. Par ailleurs, il faut tenir compte de l’augmentation des risques climatiques et des risques en matière de cybersécurité.

Vous l’avez rappelé, face à cette situation intenable, deux rapports ont été commis. Le Gouvernement s’engage à proposer, avec les représentants du secteur et les associations d’élus, des solutions aux difficultés assurantielles rencontrées par les collectivités territoriales. Dans les toutes prochaines semaines, il annoncera une série d’actions concrètes issues de ces travaux, pour que chaque collectivité puisse recevoir une réponse.

Soyez assurée, madame la sénatrice, de l’attention que porte François Rebsamen à ce sujet.

zones france ruralités revitalisation dans le cher : combler les zones d’ombre pour une équité territoriale

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 394, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité.

M. Rémy Pointereau. Madame la ministre, j’appelle votre attention sur la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR), désormais converties en zones France Ruralités Revitalisation (FRR). Vous le savez, je suis particulièrement engagé sur ce dossier au Sénat.

Aujourd’hui, je souhaite vous interroger sur l’exclusion du nouveau zonage des communes d’Azy et de Laverdines, situées dans le Cher, alors qu’elles répondent aux critères d’éligibilité.

Le cas de la commune de Laverdines est d’autant plus surprenant que, depuis 2019, elle fait partie d’une commune nouvelle, aux côtés de Baugy et Saligny-le-Vif, qui, elles, sont bien classées en zone FRR.

Cette incohérence suscite d’autant plus d’interrogations sur les critères retenus que, en juillet 2021, la direction départementale des territoires (DDT) du Cher, après avoir été sollicitée par le maire de Baugy, a confirmé le classement en zone FRR de l’ensemble de la commune nouvelle.

Pourtant, vos services m’indiquent aujourd’hui le contraire. Comment expliquer que, au sein d’une même commune nouvelle, une partie du territoire soit exclue du dispositif FRR ?

De toute évidence, cela envoie un signal pour le moins décourageant aux communes qui s’engagent dans la démarche de création d’une commune nouvelle, à laquelle vous êtes vous-même très attachée, madame la ministre.

L’exclusion de la commune d’Azy, qui réunit tous les critères d’éligibilité, est tout aussi incompréhensible. Elle est mise à l’écart alors qu’elle est entourée de communes toutes classées. J’insiste : cela pose la question de la cohérence de l’ensemble du dispositif.

Sans remettre en cause la réforme du zonage FRR, ces exclusions laissent subsister des zones d’ombre aux conséquences bien réelles. Les entreprises et les professionnels de santé attendent le classement d’Azy et de Laverdines pour s’y installer.

Ma question est simple : envisagez-vous des ajustements ou des dérogations pour que ces communes bénéficient enfin du soutien auquel elles peuvent légitimement prétendre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Je sais l’engagement qui est le vôtre en matière de revitalisation des communes rurales, monsieur le sénateur, et je vous en remercie. Il ne se passe pas une journée sans que je sois interpellée sur le sujet.

Je vous répondrai sur la base des éléments dont je dispose, en commençant par vous dire, avec conviction, que la situation est d’une grande complexité. Il m’incombe de mettre en œuvre les dispositions qui ont été adoptées à la fois au Parlement et dans le cadre des accords qui ont été conclus.

Je le reconnais, la situation actuelle n’est pas pleinement satisfaisante. Il convient de mettre en place de façon aboutie le nouveau dispositif FRR. Pour rappel, certaines communes classées en ZRR ne l’étaient plus, mais y ont été de nouveau intégrées en juillet 2024, pour finalement en sortir en 2027.

Pour ma part, je souhaite que, de manière calme et mesurée, nous reprenions les choses, en veillant aux cas de télescopage entre les dispositions favorables des FRR ou ZRR pour l’attractivité économique et les dispositifs facilitant l’installation des professions de santé.

Monsieur le sénateur, je crains de ne pouvoir vous éclairer tout de suite sur le classement des communes d’Azy et de Laverdines. Toutefois, nous veillerons à vous envoyer une réponse précise, car nous nous sommes attachés à étudier ce genre de situations.

Le classement actuel repose sur une approche soit par bassin de vie, soit par intercommunalité, et suppose que les seuils de population et de revenu médian des communes et intercommunalités concernées soient inférieurs à la moyenne nationale.

Vous avez raison, on observe parfois des incohérences : des communes ne sont pas éligibles au dispositif FRR, même si elles peuvent en bénéficier, tandis que d’autres communes présentant les mêmes caractéristiques y sont intégrées dès lors qu’elles font partie d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou d’un bassin de vie éligible.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre déléguée !

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Les deux communes que vous évoquez se trouvent exclues du zonage FRR, alors qu’elles répondent individuellement aux critères d’éligibilité.

Bref, ma réponse est aussi claire que ce dispositif, qui ne l’est pas totalement. Il faut donc que nous reprenions le travail sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.

M. Rémy Pointereau. Je connais la détermination dont vous faites preuve, madame la ministre, notamment sur le sujet de la ruralité. Je pense qu’il est impératif de mettre en place un comité de suivi pour les communes exclues du zonage FRR et de donner au préfet la possibilité de prononcer des dérogations.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Absolument !

sauvegarde de la ligne ferroviaire guéret-felletin

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, auteur de la question n° 396, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.

M. Jean-Jacques Lozach. Madame la ministre, par voie de presse, le 9 janvier dernier, la population creusoise a brutalement pris connaissance de la décision de SNCF Réseau Nouvelle-Aquitaine de stopper toute circulation à compter d’août 2025 sur la ligne de train express régional (TER) reliant Guéret à Felletin.

Cette annonce ne fut précédée d’aucune information ou consultation préalable avec les acteurs publics et privés du département de la Creuse. Elle révèle un manque patent d’anticipation du gestionnaire et survient après d’autres décisions analogues : je pense à la fermeture de la ligne Ussel-Montluçon, qui desservait jusqu’en 2008 toute la partie est du département.

La mort programmée de cette ligne de désenclavement reliant la préfecture de Guéret à la sous-préfecture d’Aubusson est désastreuse en matière de service à la population, de développement économique, d’attractivité territoriale, d’accès touristique, d’image et de contribution à la politique de formation professionnelle. En effet, cette région possède de nombreux établissements : je pense au lycée agricole d’Ahun, au lycée des métiers du bâtiment de Felletin et à la Cité internationale de la tapisserie d’Aubusson, qui assure la formation aux métiers d’art.

Par ailleurs, elle alimente le sentiment d’abandon, déjà très vif, dans nos ruralités. Elle fragilise toute une chaîne de mobilité : en l’occurrence, elle réduit l’accès aux quatre gares de la ligne Polt – Paris, Orléans, Limoges et Toulouse –, principale ligne radiale du réseau ferroviaire français, et empêche de rejoindre Bordeaux, capitale régionale, via Limoges.

Les besoins de régénération de la voie sont urgents et indispensables à la sécurisation de la circulation et à la pérennisation de la ligne. Il est de la responsabilité de l’État, de la région Nouvelle-Aquitaine et de la SNCF de trouver les moyens de financer sa sauvegarde.

Le succès remporté par la pétition « Touche pas à ma p’tite ligne ! », qui a recueilli près de 25 000 signatures, traduit le profond attachement des élus et de la population locale à cette desserte fine du territoire. Elle confirme la nécessité de préserver le ferroviaire, qui demeure la mobilité la plus décarbonée et la mieux adaptée à la lutte contre le réchauffement climatique.

Que comptez-vous faire concrètement pour assurer le maintien en service et la rénovation de cette liaison autour de dessertes suffisamment cadencées et d’une tarification attractive ? Quelle garantie êtes-vous en mesure d’apporter pour mettre un terme à cette fracture ferroviaire qui éprouve ce département ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Jean-Jacques Lozach, votre question est au cœur de la ruralité, qui caractérise votre territoire, en ce qu’elle porte sur le maintien, la préservation et la remise en état des petites lignes ferroviaires.

En 2021, un protocole a été signé entre l’État et la région Nouvelle-Aquitaine pour déterminer la répartition entre les cofinanceurs des besoins de régénération. Ainsi, il permet la remise en état de 1 856 kilomètres de petites lignes ferroviaires. Il en ressort que la régénération de la ligne Guéret-Felletin est à la charge du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine.

Les études conduites dans le cadre du contrat de plan État-région (CPER) 2023-2027 ont permis d’identifier un besoin de travaux d’urgence, d’un montant compris entre 50 millions et 80 millions d’euros, pour assurer la poursuite des circulations en toute sécurité.

Dans ce contexte, le Gouvernement, plus particulièrement Philippe Tabarot, souhaite que soient explorées toutes les solutions de mobilité envisageables afin de maintenir cette liaison essentielle pour les habitants de la Creuse, en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés.

La réflexion sur l’avenir de cette ligne a été inscrite au deuxième plan particulier pour la Creuse (PPC2), qui devrait être bientôt signé, conformément à la volonté du ministre de l’aménagement du territoire, sachant que les crédits annoncés sont disponibles.

Du reste, François Rebsamen vous propose de le rencontrer aux côtés d’élus creusois, si vous le souhaitez.

réexamen du zonage france ruralités revitalisation en lot-et-garonne

M. le président. La parole est à M. Michel Masset, auteur de la question n° 398, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité.

M. Michel Masset. Madame la ministre, le nouveau découpage France Ruralités Revitalisation (FRR) a créé une situation critique pour le Marmandais et d’autres territoires du Lot-et-Garonne, malgré les aménagements votés dans le cadre de la loi de finances pour 2025.

Sur les 43 communes qui composent l’intercommunalité, 21 communes du bassin de vie de Marmande sont actuellement exclues du dispositif. La nouvelle cartographie FRR entérine ainsi une distorsion au sein de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), où certains territoires sont maintenus dans leurs droits quand d’autres perdent cet avantage.

Les conséquences sont déjà visibles : des médecins partent et des entreprises délocalisent leurs activités à quelques kilomètres pour bénéficier de la fiscalité propre aux zones FRR.

Ces mouvements de dumping fiscal réorganisent l’espace et les activités dans un territoire déjà fragilisé par le chômage et un taux de pauvreté important.

Au sens de la grille de densité établie par l’Insee, Marmande n’est pas considérée comme une commune rurale, ce qui lui interdit tout rattrapage. Or des villes aux caractéristiques similaires continuent d’être classées en zone de revitalisation rurale (ZRR). Nous y voyons une incohérence, voire un risque très concret de fracture pour le Marmandais et, plus largement, pour le Lot-et-Garonne.

Si, à l’échelon communal, Marmande est considérée comme un centre urbain intermédiaire, à l’échelon intercommunal, elle doit être regardée, selon l’Insee, comme un EPCI rural.

Si le déclassement devait perdurer, Marmande pâtirait à coup sûr de cette situation d’isolement fiscal, ce qui nuirait à son attractivité et à son dynamisme. Je suis certain que ce n’est pas l’objectif visé par le Gouvernement.

Madame la ministre, pouvons-nous envisager ensemble le réexamen rapide de ce dossier ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Michel Masset, j’ai en partie évoqué ce sujet en répondant à votre collègue Pointereau. Encore une fois, il faut se référer aux nouveaux critères qui ont été adoptés depuis la mise en place du dispositif FRR, à savoir le seuil de population et le revenu médian, dans le cadre d’un bassin de vie ou d’un EPCI.

Cette évolution a donné lieu à une nouvelle cartographie qui est apparue insatisfaisante. Nous avons donc intégré au nouveau zonage les communes anciennement classées en ZRR.

Cela engendre des incohérences au sein d’une même intercommunalité et suscite de l’incompréhension ; nous avons eu l’occasion d’échanger longuement sur ce sujet et je sais que vous défendez bien votre territoire, monsieur le sénateur.

Je vous le dis avec beaucoup de sincérité : je pense que la perfection n’a pas été atteinte en ce domaine. Aussi, j’ai demandé à la direction générale des collectivités locales (DGCL) de procéder à une première évaluation et de continuer à travailler sur le sujet.

Le nouveau zonage est provisoire, étant donné que des communes peuvent encore y entrer ou en sortir, mais cela ne doit pas nous empêcher d’assurer une certaine cohérence.

J’ajoute que les communes de vos deux EPCI qui ne sont éligibles ni au dispositif ZRR ni au nouveau zonage FRR peuvent bénéficier de dispositifs favorables en matière d’économie. Il n’en demeure pas moins que je comprends toutes les questions que vous posez.

M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour la réplique.

M. Michel Masset. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre ; je sais que vous connaissez la ruralité et sa complexité.

Vous l’avez dit, nous avons besoin de souplesse. Sur ce dossier, je resterai, tout comme mon collègue Pointereau, entièrement mobilisé pour trouver avec vos services une issue favorable. À cet égard, je considère que la création d’un comité de suivi est une excellente idée.

Au demeurant, nous serions ravis de vous recevoir sur notre territoire pour évoquer ce sujet.

conséquences de l’avis de l’autorité de régulation des transports sur la fin de la gratuité de la portion d’autoroute A40 entre annemasse et saint-julien-en-genevois

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 405, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.

Mme Sylviane Noël. Madame la ministre, contre toute attente, par un communiqué en date du 10 mars dernier, après un avis favorable de l’Autorité de régulation des transports (ART), la préfecture de Haute-Savoie a annoncé la fin de la gratuité, à compter du 1er janvier 2029, de la portion d’autoroute A40 de 12 kilomètres reliant les communes d’Annemasse et de Saint-Julien-en-Genevois.

Alors que la gratuité de cette section autoroutière existe depuis près de quarante ans, cette décision soudaine suscite la colère de l’ensemble des élus locaux et des habitants du Genevois français, d’autant qu’on n’a pas recueilli leur avis.

Ce tronçon fait partie du Grand Genève et constitue, avec 50 000 véhicules par jour, une autoroute urbaine de contournement. Il devrait donc à ce titre rester gratuit, tout comme les autres axes gratuits situés autour de grandes agglomérations françaises telles que Paris, Lyon ou Tours.

Au-delà du strict impact financier, notamment pour les milliers de salariés payés en euros qui utilisent quotidiennement ce tronçon et qui sont les premières victimes de l’augmentation du coût de la vie dans le département, cette décision unilatérale de l’État risque d’entraîner un report massif du trafic sur le réseau secondaire, déjà fortement saturé.

Ce renvoi de circulation sur d’autres routes, telles que la route départementale (RD) 1206, va inévitablement créer des nuisances environnementales et sonores pour des milliers de riverains déjà bien éprouvés par le ballet incessant de véhicules en provenance ou à destination de la Suisse voisine.

Sachant que la société concessionnaire Autoroute et tunnel du Mont-Blanc (ATMB) est majoritairement détenue par l’État et les collectivités locales, et que l’aménagement du territoire doit garantir l’équité entre les régions, quelles suites entendez-vous donner à l’avis de l’ART ? (M. Loïc Hervé applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la sénatrice Sylviane Noël, permettez-moi de m’associer aux applaudissements de Loïc Hervé et de saluer votre engagement. Vous posez la question des conséquences de la régularisation des péages qui concernent la section de l’A40 entre Annemasse et Saint-Julien-en-Genevois.

Entre 1991 et 2016, les frais d’exploitation étaient pris en charge par le conseil départemental de Haute-Savoie dans le cadre d’une convention. Il n’a pas souhaité prolonger cette dernière, créant une situation de non-droit, pointée du doigt par la Cour des comptes en 2019.

Le Gouvernement a souhaité prendre le temps de la concertation pour régulariser la question du péage sur cette section et, in fine, mettre en œuvre des mesures d’accompagnement.

La remise au péage est accompagnée d’un abattement exceptionnel de 35 % dès le premier trajet pour les usagers disposant d’un badge, auquel s’ajoutent les réductions pour les usagers fréquents, qui sont d’ordinaire proposées par la société ATMB. Ainsi, les usagers fréquents paieront moins de 1 euro le trajet entre Annemasse et Saint-Julien-en-Genevois.

Par ailleurs, les conditions de circulation des usagers seront améliorées par des aménagements réalisés aux deux extrémités de la section, au niveau de Saint-Julien-en-Genevois et d’Étrembières.

Du reste, les études de trafic démontrent que l’impact sur le réseau secondaire est infime, soit 3 % du trafic actuel. Malgré tout, une enveloppe de 750 000 euros sera consacrée à l’accompagnement des aménagements qui pourraient être entrepris par les gestionnaires sur le réseau secondaire, en lien avec l’opération.

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.

Mme Sylviane Noël. Soyez sérieuse, madame la ministre : vous savez autant que moi que ces mesures compensatoires ne suffiront pas à nous faire avaler la pilule ! Aucune raison financière ne justifie la fin de cette gratuité, car la société concessionnaire est largement bénéficiaire.

M. Loïc Hervé. Bien sûr !

Mme Sylviane Noël. Nous faisons face à une décision purement administrative. Or nous attendons du Gouvernement une décision politique, élaborée en lien avec les élus locaux, car elle aura des impacts très lourds non seulement sur la pollution de l’air et la mobilité, mais aussi en matière financière. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

sécurisation des passages à niveau et modernisation des infrastructures routières

M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, auteur de la question n° 410, adressée à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.

M. Joshua Hochart. Madame la ministre, lundi dernier, dans le Pas-de-Calais, deux militaires du 41régiment de transmissions de Douai ont tragiquement perdu la vie, après avoir été percutés par un train alors que leur véhicule traversait un passage à niveau. Permettez-moi d’avoir une pensée pour leurs familles, leurs frères d’armes et les blessés.

Ce drame vient s’ajouter à la longue liste des accidents survenus à des intersections critiques entre la route et le rail. Malgré les efforts de sécurisation engagés depuis plusieurs années, les passages à niveau restent un véritable danger sur notre réseau routier.

Certains d’entre eux ont été supprimés ou modernisés, mais force est de constater que trop peu de moyens sont alloués pour améliorer significativement la situation.

Les collectivités locales, qui sont en première ligne pour assurer la sécurité des infrastructures, peinent à obtenir les financements nécessaires.

Les infrastructures vieillissantes nécessitent pourtant une modernisation urgente et leur sécurisation doit être une priorité absolue. Les communes et départements, qui disposent souvent de budgets contraints, ne peuvent pas assumer seuls les investissements colossaux nécessaires à la mise en conformité de ces équipements.

Le plan de sécurisation des passages à niveau, lancé en 2021, a certes permis de financer 130 projets à hauteur de 26 millions d’euros, mais cet effort reste largement insuffisant pour répondre aux besoins des territoires.

Ce drame nous rappelle brutalement que chaque jour de retard pris dans la réalisation des travaux de sécurisation coûte des vies. Face à cette réalité, il est urgent que l’État prenne ses responsabilités et accompagne bien plus activement les collectivités locales dans la modernisation et la sécurisation des passages à niveau.

Cela passe bien évidemment par une augmentation significative des crédits afférents, mais aussi par une simplification des démarches administratives, qui freinent trop souvent la mise en œuvre des projets.

Madame la ministre, quelles mesures concrètes votre gouvernement compte-t-il prendre pour renforcer cet accompagnement ? Quels nouveaux financements seront mobilisés pour aider les collectivités à supprimer ou moderniser les passages à niveau les plus dangereux ?

Enfin, pouvez-vous nous garantir que la sécurisation de ces infrastructures deviendra une véritable priorité, pour éviter que de telles tragédies ne se reproduisent encore et protéger nos concitoyens d’un danger qui ne devrait pas en être un ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Nous sommes très sensibles à votre question, monsieur le sénateur ; naturellement, chacun d’entre nous pense aux victimes des accidents qui se produisent aux passages à niveau.

Ces accidents surviennent pour deux raisons. Premièrement, sans accuser personne, il faut reconnaître que certains automobilistes adoptent des comportements qui mettent leur vie en danger. Deuxièmement, un certain nombre de passages à niveau sont dans un état vétuste qui ne garantit pas les conditions de sécurité.

Après l’accident tragique de Millas, survenu en 2017, l’État a pris à bras-le-corps la situation en s’engageant à améliorer la sécurité, dans le cadre d’un plan annoncé en 2019.

Depuis, le plan est mis en œuvre conformément aux prévisions et plusieurs passages à niveau ont déjà été sécurisés. L’État assure un soutien financier annuel, auquel ont été ajoutés 80 millions d’euros dans le cadre du plan de relance.

Je tiens à vous assurer que les crédits de l’État disponibles en 2025 pour la sécurisation des passages à niveau permettent de couvrir les besoins exprimés par les préfets de région. Je vous confirme que le Gouvernement est déterminé à poursuivre ses efforts pour que des drames comme celui de Bailleul-Sir-Berthoult ne se reproduisent plus.

Je vous invite, monsieur le sénateur, à diffuser ces bonnes nouvelles à votre territoire.

accès au foncier des jeunes agriculteurs

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, auteure de la question n° 377, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la ministre, ma question porte sur l’accès au foncier des jeunes agriculteurs porteurs de projets.

Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) ont pour mission essentielle de dynamiser l’agriculture et les espaces forestiers, de favoriser l’installation des jeunes, de protéger l’environnement et les paysages et d’accompagner le développement de l’économie locale. Aussi, il est regrettable et fortement préjudiciable que de jeunes agriculteurs renoncent à leur projet, faute de terres, et soient privés de la dotation jeunes agriculteurs (DJA).

Chacun peut constater que la durée des procédures et des recours devient un frein non négligeable. De plus, la motivation des décisions n’est souvent pas de nature à rendre compréhensibles les choix opérés.

Notons également le sentiment d’injustice frappant les jeunes agriculteurs, qui voient des fonciers rétrocédés à des agriculteurs déjà installés. Ce sentiment est d’autant plus prononcé lorsqu’il est fait recours à des prête-noms ou des sociétés opaques.

La durée des recours devient intolérable. Cette situation semble être en partie due au mode de fonctionnement des Safer et des moyens financiers dont ces établissements publics disposent.

Mis en place en 1960, ces outils sont nécessaires, mais ils doivent impérativement s’adapter, étant donné les évolutions importantes que connaît le secteur de l’agriculture et le rôle fondamental joué par les agriculteurs dans l’économie française.

L’Assemblée nationale a adopté un texte sur ce sujet. J’espère qu’il sera inscrit à l’ordre du jour du Sénat prochainement.

Vous le savez, la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) dénonce un abus de position dominante et a saisi la Commission européenne. Sur le terrain, nombreuses sont les contestations et interrogations.

Compte tenu de ces éléments, quelles sont, à court et moyen terme, les mesures de simplification des démarches et de réduction des délais que le Gouvernement pourrait prendre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Marie-Claude Lermytte, je partage votre préoccupation pour l’installation des jeunes agriculteurs. Le renouvellement des générations en agriculture est un défi majeur pour notre agriculture dans les prochaines années ; c’est un sujet sur lequel je suis fortement mobilisée.

Les Safer ont rétrocédé en pleine propriété plus de 32 000 hectares en 2023, soit plus du tiers des surfaces intermédiées, au profit d’installations, hors du cadre familial pour 71 % d’entre elles.

La loi de finances pour 2025 a porté le délai de substitution de six à dix mois, ce qui est propice à la réalisation d’opérations complexes. En outre, cela laisse du temps aux acquéreurs pour parfaire leur dossier et permet aux jeunes agriculteurs d’obtenir des garanties bancaires pour leur projet.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement appuie fortement toutes les options de transmission du foncier agricole hors acquisition.

Le portage constitue l’une de ces options. Il permet aux jeunes agriculteurs qui souhaitent s’installer de ne pas grever leur compte d’exploitation avec des charges d’acquisition foncière. En effet, il favorise la mise à bail des terres dans un premier temps : l’acquisition est ainsi retardée, au moment où l’exploitation est financièrement stabilisée.

Par ailleurs, les commissaires du Gouvernement auprès des Safer, qui relèvent à la fois du ministère de l’agriculture et du ministère des finances, exercent une tutelle appuyée sur ces sociétés, en vue notamment d’obtenir des éléments clairs, précis et non stéréotypés sur la motivation des décisions de rétrocession. C’est un point central pour assurer l’intelligibilité et l’acceptabilité des décisions.

Au demeurant, soyez assurée que je veillerai toujours à simplifier autant que possible la transmission agricole aux jeunes. C’est un enjeu d’avenir capital pour notre agriculture.

gestion de la présence du loup dans la nièvre

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 386, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la méthode de suivi de la population lupine employée par l’Office français de la biodiversité (OFB), dont la fiabilité suscite de nombreuses interrogations.

Les cartographies de l’OFB indiquaient ces dernières années une présence occasionnelle du loup dans le département de la Nièvre, dont je suis élue. Pourtant, en 2022, elles n’en font plus mention. Or cette absence de reconnaissance officielle est en contradiction complète avec les observations récurrentes et documentées sur le terrain.

C’est pourquoi, madame la ministre, au regard de ces éléments, je vous demande de préciser les critères et la méthodologie utilisés par l’OFB pour cartographier la présence du loup.

Je souhaite également connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour améliorer la transparence de la collecte des données et assurer une meilleure prise en compte des signalements effectués par les acteurs locaux.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Nadia Sollogoub, élue d’un territoire d’élevage moi-même, je sais combien la présence du loup emporte de conséquences sur l’activité pastorale en France et je travaille sur le sujet depuis de très nombreuses années. Je partage donc votre préoccupation.

Dans ce contexte, afin de gagner la confiance de tous, il est indispensable de disposer de données fiables sur l’estimation et la répartition du nombre d’individus en France. C’est l’objet des travaux qu’a conduits l’OFB l’année dernière. Je n’ignore pas pour autant les interrogations quant à la fiabilité de ce comptage.

La méthode d’estimation de la population du loup a fait l’objet d’une évolution en 2024, pour trois raisons.

Premièrement, l’OFB publiait jusqu’alors deux chiffres par an et il a été décidé de disposer d’une estimation unique pour une meilleure lisibilité ; deuxièmement, les marges d’erreur de l’ancienne méthodologie étaient de plus en plus importantes, ce qui ruinait la confiance à l’égard des chiffres et nourrissait la colère des éleveurs ; troisièmement, vous admettrez qu’il existait un réel besoin de transparence.

La nouvelle méthode, basée sur les données génétiques, a été présentée aux membres du groupe national Loup à la fin de l’année 2024, pour une mise en œuvre en 2025.

Je peux vous assurer que, grâce au travail de l’OFB, cette nouvelle méthode, unique en Europe, permet de disposer rapidement d’une estimation fiable de la population. Nous aurons, en tout état de cause, à juger de son opportunité.

Cette année, les efforts de l’OFB portent sur une meilleure répartition de la collecte des indices afin d’assurer un suivi homogène. Pour cela, l’Office a développé une carte accessible au grand public sur le site loupfrance.fr. Vous pourrez y retrouver les indices recueillis pour la Nièvre et le traitement qui leur a été réservé. Cela apporte un gage de transparence essentiel dans ce dossier.

Les données que vous évoquez, et leur traitement, relèvent de l’ancienne méthode. Grâce à la nouvelle, appuyée sur l’analyse de l’ADN des individus, un suivi plus fiable pourra être établi. Au fil des années, cela permettra de mieux comprendre comment les loups se répartissent, de mieux réguler leur présence et ainsi de mieux répondre aux attaques qu’ils opèrent sur nos élevages.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Annie Genevard, ministre. Tel est le vœu que je forme et je peux vous assurer, madame la sénatrice, que j’y porterai une attention toute particulière.

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.

Mme Nadia Sollogoub. Vous avez toute ma confiance, madame la ministre, mais l’essentiel est maintenant de s’assurer que cette méthode de comptage va mettre en évidence combien le loup a échappé à tout contrôle dans mon département : onze attaques en 2023, quarante-huit en 2024 et déjà trente-neuf en 2025.

Peu importe, finalement, que la méthode de comptage soit efficace, il est désormais absolument vital d’obtenir des autorisations de régulation. En leur absence, les éleveurs connaissent actuellement un immense sentiment d’abandon. Ils se trouvent dans une situation absolument dramatique : toutes les nuits, la seule question est de savoir où le carnage aura lieu. Des milices s’organisent !

Nous sommes en territoire de bocage, il est donc absolument impossible, vous le savez très bien, de rentrer toutes les nuits tous les agneaux et tous les veaux. Les procédures sont très longues, d’une extrême complexité, totalement inefficaces et, pour finir, incompréhensibles. Les éleveurs sont au bord du gouffre, fous de rage et de désespoir.

Il faut absolument que cette méthode de comptage colle à la réalité et que nous puissions, de façon réactive, efficace et urgente, apporter des réponses et réguler le loup dans nos départements, où l’animal a échappé à tout contrôle.

conséquences de la réglementation européenne relative au contrôle des salmonelles sur la filière avicole française

M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, auteur de la question n° 392, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Christian Klinger. Madame la ministre, les producteurs d’œufs traversent une crise majeure.

Actuellement, dès qu’un prélèvement unique détecte une suspicion de salmonelle, tout le cheptel doit être abattu. Or ces résultats sont souvent discutables et des analyses complémentaires réalisées par des laboratoires accrédités montrent régulièrement qu’il n’existe en réalité aucune contamination.

Ce système est un véritable désastre pour les éleveurs. En un an, le cheptel de poules pondeuses en Alsace a chuté de 17 %, soit plus de 175 000 volailles en moins. Certains exploitants sont à bout. Toute la filière est en danger, alors même que nous continuons d’importer des œufs de pays extra-européens, dans lesquels les règles sanitaires sont bien moins strictes.

Pourtant, il existe des solutions qui pourraient être mises en œuvre rapidement : ajouter un second test de confirmation avant l’abattage, comme cela se pratique déjà en Belgique et aux Pays-Bas, tester directement les œufs destinés à la consommation, car c’est là que se situe le véritable risque pour le consommateur, plutôt que d’analyser des poussières ou des fientes, ou encore assouplir les règles quand les œufs sont destinés à être consommés après un traitement thermique.

Par ailleurs, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), saisie depuis le début de 2023 pour revoir ses procédures, n’a toujours pas rendu ses conclusions. Il est donc urgent de savoir quelles mesures seront prises pour répondre aux attentes des éleveurs et éviter l’effondrement de cette filière essentielle.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, la filière œuf est l’une des rares dans laquelle nous sommes en situation de souveraineté alimentaire. Elle a donc une valeur particulière à mes yeux. Les consommateurs ne s’y trompent pas, ils plébiscitent l’œuf, en particulier l’œuf français.

Vous me posez une question légitime quant à la salmonellose, à l’origine de nombreuses intoxications alimentaires, dont l’enjeu est important pour la santé publique, mais aussi pour la filière des ovoproduits.

Les méthodes de prélèvement en élevage sont basées sur les caractéristiques propres des salmonelles. Les volailles en étant des porteurs sains, les bactéries sont excrétées de façon intermittente dans l’environnement par leurs fientes. Cette intermittence rend difficile leur détection. C’est pour cette raison scientifique que la réglementation prévoit qu’un prélèvement positif suffit à en démontrer la présence.

Concernant les résultats d’analyse, j’attire votre attention sur le fait qu’ils émanent de laboratoires agréés soumis à des essais interlaboratoires, supervisés par le laboratoire national de référence. Ils sont donc particulièrement fiables.

Par ailleurs, mon ministère a saisi l’Anses sur l’optimisation des méthodes actuelles de prélèvement en élevage. Une étude est en cours et la restitution des travaux aura lieu au début de l’automne 2025.

Pour ce qui est de l’impact économique, les élevages bénéficiant de la charte sanitaire, c’est-à-dire ceux qui prennent toutes les mesures de prévention contre l’introduction de salmonelles, sont indemnisés à la suite de la découverte de la présence de ces bactéries.

Enfin, d’un point de vue de santé publique, les salmonelles présentes sur les viandes de volaille peuvent être tout aussi dangereuses que celles qui se trouvent dans les œufs.

Ainsi, la viande de volaille issue d’animaux contaminés par une salmonelle peut s’avérer extrêmement dangereuse, soit en raison d’une cuisson incomplète, parfois sous l’effet de nouveaux modes de consommation, soit à la suite d’une contamination croisée lors de la préparation des repas. De telles situations sont susceptibles de provoquer des salmonelloses chez le consommateur.

Il nous faut donc tout mettre en œuvre pour préserver la santé humaine, mais aussi la confiance dans les produits et ainsi assurer la pérennité de nos filières.

M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, pour la réplique.

M. Christian Klinger. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Attendons les résultats de l’enquête de l’Anses en septembre prochain – je forme le vœu que ces délais soient tenus.

Néanmoins, les producteurs d’œufs me disent très souvent que, lorsque des salmonelles sont détectées dans les fientes ou dans les poussières, elles ne sont pas toujours présentes dans les œufs. S’il faut évidemment faire preuve de prudence en la matière, abattre tout un cheptel pourrait se révéler excessif et ne serait pas toujours justifié.

Un deuxième test avant l’abattage serait alors une solution. Une fois que le cheptel est abattu, un laps de temps très long s’écoule avant que la volaille ne puisse de nouveau pondre des œufs.

Vous l’avez dit, cette filière est importante en France et les Français aiment les œufs !

fièvre catarrhale ovine : préparation de la prochaine épidémie

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 393, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Guillaume Gontard. Déjà fragilisé par la concurrence étrangère et par des prix de vente des animaux insuffisants, l’élevage français fait désormais face à une accumulation de périls sanitaires.

Depuis l’été dernier, 26 000 élevages ont été touchés par la fièvre catarrhale ovine, qui a entraîné une surmortalité des animaux de 10 % au niveau national.

Dans le nord-est de la France, pour la fièvre catarrhale ovine sérotype 3 (FCO-3), et en Auvergne-Rhône-Alpes, pour la fièvre catarrhale ovine sérotype 8 (FCO-8), c’est, hélas, une hécatombe.

À la suite des alertes des éleveurs et des parlementaires, votre ministère a réagi en urgence : 14 millions de doses de vaccins contre la FCO ont été commandées l’an dernier et des avances d’indemnisation ont été versées sur la base des déclarations des éleveurs. Ces efforts de vaccination et de simplification administrative doivent évidemment être salués : ils ont permis de réduire la mortalité et de sauver la trésorerie de milliers d’exploitations.

Pour autant, cette réponse est incomplète, car les vaccins manquent toujours et la France est encore dépendante d’importations pour se les procurer.

Surtout, il nous faut nous préparer aux futures épidémies, qui vont se multiplier dans les années à venir. Le réchauffement climatique et les échanges internationaux entraînent l’arrivée de nouvelles maladies auxquelles nous sommes très peu préparés, comme la FCO et ses différents variants ou la maladie hémorragique épizootique (MHE).

Ces nouvelles maladies requièrent une véritable anticipation, une planification, une coordination, une adaptation, et les éleveurs attendent à ce titre des réponses de l’État.

Vous avez lancé les assises du sanitaire animal. Quel en est le périmètre ? Au vu de l’urgence, quelles mesures allez-vous prendre dès maintenant pour garantir la disponibilité des vaccins ?

Par ailleurs, alors que de nouvelles souches de virus pour lesquelles nous n’avons pas de vaccins apparaissent, comme la FCO-12 aux Pays-Bas, quels moyens allez-vous mettre en œuvre pour renforcer la recherche scientifique, les services vétérinaires et l’équarrissage ?

Enfin, comment allez-vous prendre en compte les spécificités de l’élevage en plein air, plus résilient, afin que celui-ci ne soit pas pénalisé par des règles conçues pour l’élevage en hangar ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président Guillaume Gontard, vous me posez une question légitime à laquelle je n’ai eu de cesse de répondre avec le Gouvernement depuis le premier jour de mon arrivée au ministère, depuis le premier jour de la crise sanitaire qui touche le cheptel français. Je vous remercie à ce titre d’avoir rappelé les différentes mesures que nous avons mises en place.

Du 2 août 2024 au 16 février 2025, une zone régulée a été créée afin de limiter l’extension de la maladie et de préserver les échanges commerciaux avec les autres États membres.

Dès le printemps 2024, une ambitieuse campagne de vaccination a été déployée sur l’ensemble du territoire, effective à partir du mois d’août 2024. L’État a passé commande de 14 millions de doses de vaccins, pour un montant de 37 millions d’euros, afin de réduire les conséquences sanitaires sur les cheptels.

En dépit d’un contexte budgétaire défavorable, j’ai mis en place dès mon arrivée au Gouvernement, avec l’accord du Premier ministre de l’époque, un fonds d’urgence exceptionnel de 75 millions d’euros, qui a permis de répondre à l’intégralité des demandes d’indemnisation déposées.

Par ailleurs, le Gouvernement a tenu son engagement de réactivité pour aider les éleveurs en déployant deux guichets : un guichet « avance », qui a permis de répondre à l’urgence en novembre 2024 à hauteur de 30 %, puis un guichet « solde », ouvert du 30 janvier au 14 février 2025, devant lequel près de 9 425 dossiers ont été déposés et sont en cours d’instruction et de règlement par mes services.

Au-delà de ces réponses en urgence, je suis convaincue qu’une stratégie sanitaire résiliente, axée sur l’anticipation et la prévention des maladies, est nécessaire. C’est pourquoi j’ai lancé les assises du sanitaire animal le 30 janvier dernier, dont j’ai présidé la réunion de lancement devant plus de 200 acteurs du sanitaire et des professionnels de l’élevage.

L’année 2025 sera donc une année de transition, pour laisser le temps aux filières et au ministère de l’agriculture de coconstruire les contrats sanitaires de filières. J’ai demandé à chacune d’entre elles d’élaborer le sien et nous travaillons d’ores et déjà avec elles pour l’anticipation de la campagne de vaccination de 2025.

M. le président. Merci de conclure, madame la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Vous avez raison de signaler qu’en France, nous n’avons pas suffisamment de laboratoires qui en produisent, mais nous faisons tout pour accéder aux vaccins, chaque fois que ceux-ci existent, ce qui n’est pas le cas pour toutes les maladies concernées.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Annie Genevard, ministre. Cependant, chaque fois qu’il y en a, nous nous activons pour en disposer au profit de nos éleveurs.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.

M. Guillaume Gontard. Je souhaitais également insister sur la nécessité d’anticiper la crise. Nous risquons d’entrer dans une période difficile avec l’été et nous avons constaté un manque de coordination à l’échelle des départements à cet égard.

situation préoccupante de la fosse de petosse en vendée

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, auteure de la question n° 356, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Annick Billon. En mars 2022, à la suite de la succession des épidémies de grippe aviaire et face à l’insuffisance des capacités d’équarrissage, l’État a ouvert en urgence plusieurs sites d’enfouissement.

Une zone de préstockage temporaire sous contrôle devant accueillir les cadavres de volailles est alors créée sur la commune de Petosse, en Vendée. Cette installation s’est faite sans que les élus locaux en soient informés en amont.

Huit mois plus tard, en décembre 2022, la fosse a récupéré les restes du site de Tallud-Sainte-Gemme, fermé en raison de risques de ruissellement. Une fois de plus, les élus n’ont pas été prévenus et ce transfert massif s’est déroulé dans une opacité totale : le maire de Petosse n’en a eu connaissance qu’en voyant les camions chargés de carcasses arriver sur sa commune.

Madame la ministre, vous n’étiez alors pas en responsabilité, mais il est important de rappeler que le maire et les habitants ont subi cette situation sans explications ni anticipation et que cette fosse aurait dû fermer il y a déjà un an : sa durée d’exploitation était fixée à vingt-quatre mois.

Pourtant, près de 13 700 tonnes de matières solides y sont encore stockées, en dépit des engagements pris. Pendant des mois, les élus locaux ont été laissés sans soutien ni réponse à leurs sollicitations. Jusqu’à récemment, aucune information ne leur avait été communiquée sur les résultats des tests sanitaires réalisés.

Un rapport d’inspection préparé en début d’année énumère plusieurs solutions pour vider cette fosse. Malgré ces propositions, les modalités de traitement et d’évacuation des matières stockées n’ont pas été tranchées.

Madame la ministre, quelle solution le Gouvernement entend-il retenir pour résoudre cette situation ? Surtout, dans quel délai compte-t-il la mettre en œuvre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Annick Billon, vous posez une question légitime et le Gouvernement est conscient des enjeux autour de ce site de stockage temporaire de cadavres de volailles de Petosse.

Permettez-moi de rappeler que la France a fait face entre 2019 et 2023 à plusieurs épidémies d’influenza aviaire dans les élevages de volailles.

En mars 2022, au plus fort de la crise des années 2021 et 2022, il a été nécessaire de mettre en œuvre des mesures exceptionnelles pour le traitement des cadavres de volailles, en complément des usines d’équarrissage, qui étaient saturées : l’enfouissement définitif en élevage et en installation de stockage de déchets non dangereux. Ainsi ont été créés deux sites temporaires de stockage de cadavres sur les communes de Tallud-Sainte-Gemme et de Petosse, dans votre département.

Afin d’assurer la maîtrise des risques sanitaires et environnementaux, ces mesures ont été prises de manière concertée entre les différents services des ministères en charge de l’agriculture et de l’environnement.

Contrairement aux allégations que j’entends, le site de Petosse est un site non pas d’équarrissage, mais d’enfouissement temporaire mobilisé sur l’initiative de l’État dans le cadre d’une gestion de crise. Sa qualité a d’ailleurs été saluée par les représentants de la Commission européenne, venus constater la gestion globale de la crise de l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) en France.

Je vous rassure, l’État cherche des solutions pour fermer ce site.

Dans ce contexte, mon prédécesseur Marc Fesneau a diligenté en 2024 une mission conjointe du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), afin de définir les options possibles quant au devenir des matières stockées, les dispositifs d’évacuation et le processus de restitution du terrain.

Son rapport vient de m’être présenté. Mon cabinet et les services en examinent les conclusions et les recommandations. Je prendrai donc une décision dans les mois à venir, conformément aux recommandations de ce rapport et en collaboration avec les autorités locales, dont vous êtes.

conséquences de la réforme de la tarification de l’eau sur les secteurs agricole et industriel

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 409, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les conséquences de la tarification de l’eau entrée en vigueur le 1er janvier 2025 pour les agriculteurs irrigants raccordés au réseau d’eau potable.

Assujettis, comme l’ensemble des usagers, à une redevance pour consommation atteignant 0,43 euro par mètre cube dans les Alpes-Maritimes, ces professionnels maralpins, dont près de 80 % sont raccordés pour subvenir aux besoins d’une agriculture à taille humaine, sobre en intrants et orientée vers le maraîchage multirotation, font état d’une situation financièrement intenable.

Les factures reçues en 2025 et portant sur les consommations de 2024 intègrent déjà la nouvelle redevance. Cette charge, mise en œuvre sans concertation préalable et pesant de manière disproportionnée sur les secteurs agricole et agroalimentaire, est particulièrement inquiétante dans mon département, où les agriculteurs sont placés dans un état contraint de dépendance au réseau d’eau potable.

Cette situation est le fruit malheureux du démantèlement des réseaux agricoles, de la forte pression urbaine et de l’absence d’un tarif spécifique agricole, qui aurait pour effet d’éviter la multiplication par dix des redevances actuellement appliquées aux usagers.

Sans une action urgente, nous pouvons craindre des cessations d’activité en cascade ainsi que des renoncements à l’installation de nouveaux agriculteurs.

Madame la ministre, les agriculteurs maralpins ne peuvent faire face à ces hausses qui les étranglent et encore moins attendre le prochain budget. Ils aspirent à une solution rapide : la mise en suspens immédiate des factures des prestations destinées aux abonnés bénéficiant d’un compteur au sein des exploitations fortement touchées et la mise en place de dispositifs d’aide ciblés répondant aux professionnels en situation de dépendance.

Pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions et sur celles du Gouvernement en la matière ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice, vous m’alertez sur l’effet cumulé de la réforme des redevances des agences de l’eau et des tarifs votés par leurs instances pour financer le plan Eau. Il s’agit d’un enjeu majeur pour les agriculteurs irrigants raccordés à l’eau potable, particulièrement dans votre département des Alpes-Maritimes.

Pour rappel, la réforme adoptée en loi de finances pour 2024 a pour objectif de rééquilibrer la contribution des différentes catégories d’usagers au financement de la politique de l’eau, de promouvoir un usage plus sobre et plus performant de cette ressource et d’améliorer la lisibilité de la fiscalité y afférente.

Cet objectif de lisibilité et de simplicité se traduit par la modification des assiettes de la redevance.

Les redevances de consommation d’eau potable et de performance du service d’eau potable sont assises sur la consommation ; la redevance de performance assainissement est, quant à elle, assise sur l’eau usée rejetée au réseau d’assainissement collectif.

Cela explique des hausses significatives, avec une multiplication supérieure à vingt par rapport au régime antérieur pour un nombre important de professionnels, ce qui les met en situation de fragilité. C’est vrai pour les agriculteurs, mais aussi pour le secteur agroalimentaire, qui est très affecté.

Nous devons accompagner de manière ciblée ces professionnels, bien souvent des agriculteurs irrigants, mais aussi des industriels, en instaurant un mécanisme à même d’éviter que les prélèvements ne les fragilisent en les frappant trop lourdement. Nous travaillons sur ce sujet avec mes collègues chargés de l’écologie, de l’industrie et du budget.

Enfin, je souhaite mentionner qu’il a été donné instruction aux agences de l’eau de mettre à profit la période pour accompagner de manière proactive les industriels concernés dans la mise en œuvre de procédés plus sobres en eau potable.

Tout le monde aspire à la sobriété en matière d’usage de l’eau, parce que cette ressource est précieuse et qu’elle n’est pas infinie. Pour autant, on ne peut demander aux acteurs économiques qui n’ont pas d’eau d’économiser celle-ci. Cela pose un problème concret auquel il faut porter une attention particulière.

Nous entendons précisément permettre l’accès à cette ressource indispensable à l’exercice de l’activité, notamment agricole, dans certains territoires qui n’y ont tout simplement pas accès, ce qui compromet purement et simplement sa pérennité.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Annie Genevard, ministre. Il s’agit d’un sujet majeur. La technologie nous apprendra beaucoup dans les années à venir pour économiser et pour irriguer autrement, de façon à permettre la pérennité de l’activité agricole et agroalimentaire.

situation de l’industrie dans le pas-de-calais

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la question n° 249, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la ministre, vous nuancez les difficultés que rencontre notre industrie et vous accusez ceux qui mettent en doute votre stratégie, si tant est qu’il en existe une, de faire preuve de pessimisme et de refuser de reconnaître les quelques avancées obtenues en la matière.

La réalité est pourtant là : les restructurations tombent en cascade. Vous affirmez que l’on compte davantage d’ouvertures que de fermetures d’usines en 2024, mais vous intégrez dans votre calcul les extensions de sites déjà existants, quel que soit le montant de l’investissement concerné.

Or nos industries sont loin de tourner à leur pleine capacité. En décembre dernier, le taux d’utilisation des usines est tombé à 73,9 %, au plus bas depuis 2010 en dehors de la période du covid.

En face, que constatons-nous du côté des grandes promesses d’une nouvelle industrialisation ? Notre usine ACC de Billy-Berclau ne monte pas suffisamment en cadence et le fossé technologique se creuse, notamment avec la Chine. Vous ne pouvez pas soutenir que nous rattrapons petit à petit notre retard : ce n’est pas vrai. Je peux vous assurer pourtant que les travailleurs et les élus se mobilisent et mettent du cœur à l’ouvrage.

Vous me direz qu’il convient aussi d’écouter les industriels ; je le fais. Lorsque la Commission européenne étudie la possibilité d’une subvention directe, la réaction d’ACC est claire : « pour en bénéficier, il nous faudra survivre jusque-là ! » Très franchement, si vous ne corrigez pas le tir, nous allons droit dans le mur.

Je vous ai interpellée à de nombreuses reprises. Pour le moment, je n’ai pas obtenu de réponse concrète à mes questions.

Quelle est la stratégie de l’État en matière de planification ? Que comptez-vous faire pour soutenir l’entreprise Lhoist dans sa décarbonation ? Entendez-vous tenir l’engagement pris par M. Lescure de venir à Calais et de présenter les résultats du travail de vos services ? Quelles mesures précises pouvez-vous proposer à Catensys afin d’offrir à cette entreprise un avenir au travers, peut-être, d’une diversification de son activité ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, je vous réponds au nom du ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, Marc Ferracci, sur la situation que vous décrivez en France, plus particulièrement dans le Pas-de-Calais et dans le Calaisis, puisque vous mentionnez ce bassin industriel.

Vous soulignez votre inquiétude pour les secteurs de la chimie, de la sidérurgie et du travail du verre.

La réindustrialisation, conçue territoire par territoire, avec les offres commerciales, de formation et de financement qui l’accompagnent, constitue une ambition majeure du Gouvernement depuis 2017. Cette politique porte ses fruits, puisque nous avons créé 130 000 emplois dans l’industrie depuis lors et que nous continuons d’ouvrir davantage d’usines que nous n’en fermons : en 2024, on dénombre 89 créations et extensions nettes, portant le total à 450 depuis 2022.

Cependant, je ne nierai pas les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Certains secteurs, notamment la chimie, l’automobile ou l’acier, subissent la pression d’une concurrence internationale plus ou moins loyale, dans un contexte de mutations technologiques et alors même que les règles et normes françaises et européennes, adoptées à juste titre, nous placent face à des concurrents qui ne s’imposent pas les mêmes contraintes.

Concernant l’acier, vous n’ignorez pas, madame la sénatrice, que nous souffrons de surcapacité. Lorsque j’étais ambassadrice à l’OCDE, j’ai travaillé avec tous les partenaires de l’organisation sur cette problématique. Par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, nous entendons prévenir l’entrée en Europe d’acier vendu à des prix déloyalement bas.

Dans le secteur de la chimie, nous devons également agir pour renforcer notre attractivité. Le rôle de l’État consiste à accompagner non seulement les secteurs, mais aussi les salariés, en améliorant leur formation.

Nous avons par ailleurs conclu des accords avec certaines entreprises, à l’instar d’Arc, leader mondial du verre et employeur de 4 000 salariés, qui, grâce à l’engagement d’acteurs privés ayant investi 42 millions d’euros, peut envisager l’avenir avec confiance.

Soyez assurée, madame la sénatrice, que nous ne relâchons pas nos efforts. Je ne manquerai pas de transmettre à M. Ferracci votre souhait de le voir venir dans le Calaisis.

Notre stratégie, tant française qu’européenne, vise non seulement à sauvegarder l’emploi, mais aussi à pérenniser nos filières industrielles. Nous la mènerons avec tout le dynamisme et l’engagement requis.

création d’une ligne électrique aérienne tht 400 000 volts

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 326, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.

M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, ma question porte sur le projet de création d’une ligne aérienne très haute tension (THT) dans le cadre de l’organisation de la décarbonation du site de Fos-sur-Mer.

Si je partage l’objectif de décarbonation de ce site, qui est la deuxième zone la plus émettrice de CO2 de notre pays, je ne peux toutefois, comme du reste de nombreux élus, que m’opposer au tracé retenu, qui traverse le département dont je suis élu, le Gard.

Ce tracé affecte directement le secteur agricole et viticole emblématique de Costières de Nîmes, une appellation d’origine contrôlée (AOC) d’importance économique majeure pour le Gard, dont je rappelle qu’il est l’un des départements les plus pauvres de notre pays.

Les territoires concernés par ce tracé abritent de plus des sites naturels protégés, des monuments patrimoniaux et des paysages où se développent des activités touristiques. La construction de cette ligne pourrait ainsi menacer des emplois et fragiliser certaines entreprises locales.

Le collectif Stop THT 13/30, qui regroupe vingt-deux associations engagées pour la préservation de l’environnement dans la vallée de La Crau, en Camargue, dans le parc naturel des Alpilles et en Terre d’Argence, propose une alternative au projet de ligne de Réseau de transport d’électricité (RTE) reliant Jonquières-Saint-Vincent à Fos.

Cette alternative consiste à déplacer la production d’hydrogène à Aramon, à proximité des sources d’électricité existantes, et à l’acheminer par des ouvrages enterrés le long des digues du Rhône. Cette solution garantirait une meilleure acceptabilité du projet tout en évitant la construction d’une ligne aérienne à très haute tension.

Le Gouvernement entend-il examiner cette solution de remplacement, madame la ministre ? Si non, pourquoi ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le sénateur Burgoa, je vous remercie de cette question relative à la fameuse ligne Fos-Jonquières. Cette dernière est essentielle pour sécuriser l’approvisionnement électrique de la zone de Fos et, partant, décarboner celle-ci.

Sans ce raccordement, les nombreux projets industriels de la zone de Fos ne pourront pas être mis en service ; or l’électrification des procédés pourrait contribuer à créer jusqu’à 10 000 emplois et permettre jusqu’à 20 milliards d’euros d’investissements.

J’entends toutefois vos inquiétudes légitimes concernant les conséquences de la ligne sur les paysages de cette zone.

Afin de limiter ces inconvénients, la possibilité d’enfouissement, au moins partiel, de la ligne a été étudiée. Permettez-moi de vous exposer les raisons qui ont conduit à écarter cette solution.

Cette option exigerait des études environnementales et de génie civil supplémentaires ainsi que des recherches foncières afin de trouver des terrains accueillant les postes électriques de transition air-sous-sol.

Les conséquences environnementales de cette option sont ensuite potentiellement plus importantes que celles de la création d’une ligne aérienne, même si c’est sans doute contre-intuitif : l’enfouissement de la ligne emporterait en effet le versement de compensations écologiques du fait de la sensibilité des milieux humides qui seraient traversés.

Cette option impliquerait enfin un délai supplémentaire de deux à cinq ans, ainsi qu’un coût plus élevé.

Si l’enfouissement de la ligne paraît affecter moins fortement le paysage, cette option n’est en réalité pas adaptée.

Comme vous le savez sans doute, monsieur le sénateur, la Commission nationale du débat public (CNDP) a été saisie par le préfet. Un débat se tiendra donc en bonne et due forme, qui sera l’occasion de mener l’ensemble des travaux nécessaires à une prise de décision éclairée et qui permettra d’aborder l’ensemble des aspects de ce projet d’ampleur – la biodiversité, la décarbonation, les paysages et les territoires. Nous pourrons alors avancer collectivement.

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.

M. Laurent Burgoa. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Contrairement à certains élus populistes, je ne feindrai pas de ne pas comprendre l’utilité du projet.

J’estime toutefois que le département du Gard doit obtenir des compensations, qui pourraient prendre la forme de projets économiquement positifs pour le département, eu égard aux désagréments occasionnés par cette ligne à très haute tension. Je suis prêt à étudier cette question avec le préfet du Gard et le préfet préfigurateur exerçant sous la responsabilité du préfet de région.

projet d’arrêté modifiant le soutien au développement du photovoltaïque sur bâtiment, hangar et ombrière

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, auteur de la question n° 349, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.

M. Stéphane Demilly. Dans un communiqué de presse en date du 12 février dernier, le Gouvernement a annoncé mettre en consultation un projet d’arrêté modifiant le soutien au développement du photovoltaïque sur bâtiment, hangar et ombrière. Il s’agit de réduire fortement les aides, avec effet rétroactif au 1er février 2025, pour le segment de puissance situé entre 0 et 500 kilowatts-crête, dit segment S21. Seraient notamment concernées les petites centrales installées sur des toitures ou sur des ombrières, dans des espaces déjà artificialisés.

Les professionnels du secteur s’inquiètent des conséquences de telles annonces sur leur entreprise, d’autant que si les mesures s’appliquent immédiatement, comme ils le craignent, ils ne pourront pas s’y préparer en protégeant leur activité et les emplois de leurs salariés.

J’ai ainsi été alerté par une entreprise de mon département qui emploie environ trente-cinq salariés et qui s’alarme des conséquences des revirements incessants des décisions publiques.

En avril 2024, les acteurs du secteur avaient en effet signé avec l’État un Pacte solaire, promesse d’un soutien ferme. C’était il y a moins d’un an.

Je pense également aux agriculteurs, qui seront, eux aussi, affectés par une décision rétroactive qui pourrait remettre en cause la soutenabilité économique de leurs projets, pourtant pensés de longue date.

Mais je pense aussi aux collectivités locales : à l’heure où les budgets des communes se resserrent, les projets photovoltaïques facilitent la rénovation et la modernisation du patrimoine public ainsi que le financement d’infrastructures.

Ne craignez-vous pas que ces évolutions annoncées soient synonymes de moratoire pour les filières, madame la ministre ? En avez-vous évalué les conséquences ?

Par ailleurs, dans quelle mesure allez-vous tenir compte des demandes de modifications formulées par le Conseil supérieur de l’énergie (CSE) et des observations de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui souhaite davantage de visibilité ?

Si nous sommes tous conscients des contraintes budgétaires pesant sur notre pays, une évolution moins radicale des dispositifs, dans le cadre d’une concertation avec les organisations représentatives de la filière, pourrait-elle être enfin envisagée ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le sénateur Demilly, vous m’interrogez au sujet des annonces récentes concernant le soutien au développement du photovoltaïque et vous relayez les préoccupations légitimes que ces annonces ont suscitées.

Je tiens tout d’abord à préciser que ces modifications ne seront pas mises en œuvre immédiatement et que les contrats déjà signés ne seront aucunement remis en question. Ils continueront de s’appliquer selon les conditions fixées par l’arrêté tarifaire d’octobre 2021. Les usagers ayant installé des panneaux photovoltaïques bénéficieront donc du soutien prévu.

Le Gouvernement est conscient des enjeux qu’une telle modification emporte pour les entreprises du secteur. Le ministre Marc Ferracci mène des consultations avec l’ensemble de la profession, à laquelle nous devons permettre de s’adapter.

Permettez-moi toutefois de préciser les tenants et les aboutissants de cette décision de modification de l’arrêté.

Les demandes de contrats qui sont parvenues à l’administration dans le courant du seul mois de janvier 2025 suffisent à remplir la moitié de l’objectif annuel. Nous constatons donc une forme d’emballement, qui nous pousse à réfléchir aux implications de ces installations sur le potentiel de déploiement de notre système électrique et à nous pencher sur les types de panneaux qui sont installés : sont-ils de bonne qualité ? Sont-ils fabriqués en Europe ? Plus globalement, nous nous interrogeons quant à l’opportunité de réajuster ce dispositif de soutien – le secteur agricole n’étant pas le seul concerné.

Le cabinet du ministre Marc Ferracci et la direction générale de l’énergie et du climat ont depuis lors eu l’occasion d’apporter un certain nombre de clarifications, notamment dans le cadre du Conseil supérieur de l’énergie qui s’est réuni le 6 mars dernier. Un projet d’arrêté tarifaire sera publié dans les prochains jours.

Par ailleurs, la création d’un appel d’offres simplifié permettra d’allouer de manière plus claire un volume donné sur le segment 100-500 kilowatts-crête, avec un tarif économiquement viable pour ces projets. Ce dispositif sera mis en place au plus vite, après échange avec les acteurs concernés.

Les engagements pris dans le cadre du Pacte solaire ne sont donc pas remis en question, monsieur le sénateur. Il nous faut toutefois nous efforcer de tenir ces derniers de manière optimale. Vous conviendrez que l’emballement que nous avons constaté au mois de janvier appelle une reprise en main concertée.

baisse du tarif de rachat de l’énergie solaire photovoltaïque et impact sur les collectivités et les agriculteurs

M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, auteur de la question n° 364, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.

M. Alain Duffourg. Ma question, comme celle de mon collègue Stéphane Demilly, porte sur la baisse du tarif de l’électricité solaire pour le segment S21.

Dans le département dont je suis élu, le Gers, comme dans de nombreux départements français, les agriculteurs ont investi dans le photovoltaïque. Dans le Gers, 80 % des agriculteurs ont fait ce choix, si bien que la baisse du tarif de rachat bonifié de l’énergie solaire affecterait 300 exploitations.

Il s’agit pourtant d’un investissement tout à fait raisonnable et écologique, puisque l’énergie consommée est produite sur place, sans coût de transport.

Vous n’avez répondu que partiellement à mon collègue Demilly, madame la ministre. Le Gouvernement entend-il revenir en arrière et mener des discussions avec les organisations syndicales, les chambres d’agriculture et l’ensemble des acteurs institutionnels ?

La loi du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture n’a pas donné entière satisfaction aux syndicats, qui présentaient pourtant des revendications légitimes, si bien que le malaise agricole demeure.

Par le passé, les gouvernements successifs ont eu affaire à des syndicats que je qualifierais de « connivents » ; or de nombreuses chambres d’agriculture, notamment dans le Gers, sont désormais gérées par la Coordination rurale, un syndicat de rupture puissant et revendicatif.

Si satisfaction n’est pas donnée aux revendications de cet organisme, notamment en matière d’électricité solaire, des actions nombreuses pourraient être menées.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le sénateur Duffourg, vous m’alertez à votre tour sur les inquiétudes suscitées au sein de la filière agricole par les modifications récentes du tarif de rachat bonifié de l’énergie solaire pour les installations de moins de 500 kilowatts-crête. Comme je viens de l’indiquer, le Gouvernement est pleinement conscient des incidences de cette modification sur plusieurs filières.

Pour un certain nombre d’acteurs gersois, dont vous vous faites l’écho, monsieur le sénateur, le photovoltaïque non seulement joue un rôle central dans le cadre la transition énergétique, mais constitue aussi un complément de revenu d’autant plus nécessaire que les agriculteurs font face à de fortes incertitudes climatiques.

Le Gouvernement nourrit de grandes ambitions en matière de photovoltaïque. Le Pacte solaire est toujours sur la table. Nous sommes par ailleurs conscients de la nécessité, pour les agriculteurs, de disposer d’une plus grande visibilité.

Comme je l’ai indiqué, un Conseil supérieur de l’énergie s’est tenu le 6 mars dernier. Nous sommes en train d’apporter des modifications au projet d’arrêté. Nous travaillons en particulier à un projet d’appel d’offres simplifié qui aura vocation à réguler les volumes sur le segment 100-500 kilowatts-crête tout en préservant le soutien adapté à la filière.

Les réformes qui sont envisagées doivent nous permettre de trouver un équilibre entre le coût de ce tarif de rachat bonifié pour le contribuable, qui doit être maîtrisé, et la compétitivité du photovoltaïque. Je rappelle du reste que les conditions tarifaires de tous les usagers ayant déjà installé des panneaux resteront inchangées. L’absence de rétroactivité de la réforme est un objectif que nous devons être capables de tenir collectivement.

En tout état de cause, nous avons pris en compte les préoccupations des collectivités, des syndicats d’énergie et des agriculteurs.

J’ajoute qu’un arrêté sera prochainement pris afin de soutenir les petits projets photovoltaïques au sol. Ce dispositif, très attendu par le monde agricole, permettra de valoriser des friches ou des terrains qui ne sont pas très propices à l’agriculture.

Monsieur le sénateur, soyez assuré que le Gouvernement est pleinement conscient de la nécessité de garantir aux agriculteurs un cadre stable et prévisible. Nous continuerons d’accompagner la filière, tout en veillant à ce que ce soutien soit cohérent avec nos besoins énergétiques et nos ressources collectives.

soutien public à la filière photovoltaïque

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, auteure de la question n° 366, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.

Mme Viviane Artigalas. Madame la ministre, je souhaite à mon tour vous interroger sur le projet d’arrêté relatif aux installations photovoltaïques de moins de 500 kilowatts-crête. Les nombreuses questions qui vous sont posées ce matin illustrent l’importance de ce sujet.

Le caractère rétroactif de la réforme inquiète les nombreuses PME qui font vivre la filière, les particuliers qui choisissent l’autoconsommation et les agriculteurs qui profitent de leurs bâtiments agricoles pour développer leur autonomie énergétique ou compléter leurs revenus.

Dans le département dont je suis élue, les Hautes-Pyrénées, le syndicat départemental d’énergie redoute que les modifications annoncées ne mettent à mal les projets solaires territoriaux qu’il soutient et ne fragilisent une filière économique majeure pour le département.

Vous avez indiqué que le Gouvernement avait renoncé au caractère rétroactif de la réforme, madame la ministre. Pourriez-vous toutefois me le confirmer ?

En tout état de cause, ces évolutions pourraient porter un coup d’arrêt brutal à de nombreux projets en cours et compromettre la viabilité de nombreuses entreprises et la pérennité des emplois y afférents.

Le photovoltaïque est une technologie mature, compétitive ; il constitue l’une des solutions les plus agiles pour réussir la transition écologique. C’est aussi une filière dynamique qui emporte l’implantation dans nos territoires d’un écosystème économique non délocalisable. Il faut donc impérativement la soutenir.

Madame la ministre, quel est l’état d’avancement des réflexions du Gouvernement sur la réforme envisagée ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Madame la sénatrice Artigalas, vous interrogez le ministre Marc Ferracci, chargé de l’industrie et de l’énergie, sur la filière du petit photovoltaïque, laquelle non seulement joue un rôle essentiel pour la transition énergétique, mais permet aussi à des usagers de consommer l’électricité qu’ils produisent – ce qu’il nous faut encourager –, voire d’en tirer un complément de revenu.

Dans votre département des Hautes-Pyrénées, un certain nombre de projets solaires locaux ont vu le jour, ce dont on ne peut que se féliciter.

Le Gouvernement souhaite continuer de soutenir de manière efficace, équilibrée et concertée ce segment du petit photovoltaïque, c’est-à-dire en dessous de 500 kilowatts-crête. L’engouement, je vous l’ai dit, a été massif en début d’année. En un seul mois, la moitié de l’objectif annuel a été atteint. Nous avons donc étudié des pistes de rééquilibrage du dispositif.

Les ajustements découleront du Conseil de l’énergie qui s’est tenu le 6 mars dernier. Ils devront assurer la pérennité du dispositif.

Il n’est pas question – je le répète, madame la sénatrice – que les décisions prises s’appliquent de manière rétroactive. Le dialogue doit au contraire porter sur l’avenir. Comme je l’ai indiqué, nous travaillons à l’élaboration d’un appel d’offres simplifié pour le segment 100-500 kilowatts-crête, avec un tarif économiquement viable pour les projets.

Nous avons par ailleurs bien entendu la situation particulière des collectivités et des projets qu’elles soutiennent. Un arrêté sera prochainement publié afin d’accompagner les petits projets photovoltaïques au sol.

Le Gouvernement croit à l’énergie solaire, sous réserve que cette filière soit dûment encadrée et que les décisions qui la concernent soient suffisamment concertées.

Je rappelle toutefois qu’au-delà du coût des incitations fiscales qui pèsent sur la collectivité, le photovoltaïque emporte des coûts – souvent oubliés – de raccordement qui sont parfois bien plus élevés que les gains pour le système électrique ou que les gains de décarbonation. S’agissant de très petites installations, il est donc plus judicieux de favoriser l’autoconsommation.

En tout état de cause, un juste équilibre doit être trouvé entre les intérêts locaux et l’intérêt collectif pour assurer la maîtrise de notre système électrique et garantir que celui-ci soit à la fois rentable, économe, efficient et décarboné.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.

Mme Viviane Artigalas. Je vous remercie, madame la ministre.

Je prends acte de la non-rétroactivité de la réforme. J’entends aussi que les coûts de raccordement remettent en cause la rentabilité d’une production trop fragmentée. Mais que ne l’avez-vous évalué avant ? Les opérateurs savent déjà estimer l’intégration des projets photovoltaïques, maîtriser les coûts et préserver la sûreté des réseaux. Ils le font déjà en refusant des opérations.

Il reste que si nous voulons maintenir la trajectoire zéro carbone d’ici à 2050, il n’est plus possible de faire du stop-and-go. Il y a moins d’un an, l’État signait avec la filière le Pacte solaire ; or vous imposez aujourd’hui vos choix sans débat et sans vote du Parlement. Ce changement de politique publique aura des conséquences graves sur l’ensemble du marché.

situation préoccupante de l’entreprise f2j-japy

M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet, auteure de la question n° 371, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.

Mme Annick Jacquemet. Ma question porte sur la situation particulièrement préoccupante de l’entreprise F2J-Japy située à Valentigney, dans le pays de Montbéliard, dans mon département du Doubs.

En l’espace de huit ans, cette entreprise, qui emploie encore 102 salariés, a dû engager six plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), fragilisant ainsi son avenir, celui de ses salariés et de tout un territoire, le bassin industriel dans lequel elle est implantée étant principalement orienté vers le secteur automobile.

Face à la transition écologique, nécessaire, mais parfois brutale, F2J-Japy rencontre de grandes difficultés pour se diversifier. En particulier, l’arrêt programmé de la vente des véhicules à moteur thermique d’ici à 2035 et la concurrence étrangère accrue, souvent en provenance de pays aux normes environnementales et sociales bien moins exigeantes que les nôtres, mettent l’entreprise en difficulté.

Ce contexte met en lumière les défis structurels auxquels est confrontée l’industrie française pour s’adapter à ces mutations que ne précèdent hélas ! pas toujours des mesures d’anticipation suffisantes. La transition écologique exige notamment des investissements significatifs dans la formation pour adapter les compétences des salariés aux nouvelles exigences du marché.

Ces enjeux font d’ailleurs l’objet de la mission d’information sénatoriale sur l’avenir de la filière automobile dont je suis corapporteure. Avec mes collègues Alain Cadec et Rémi Cardon, nous formulerons un certain nombre de propositions pour soutenir l’industrie automobile française.

Madame la ministre, quelles mesures concrètes peuvent être prises au plus vite afin d’accompagner financièrement et stratégiquement la diversification de F2J-Japy tout en préservant son outil industriel et les emplois locaux ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Madame la sénatrice Jacquemet, vous appelez l’attention de mon collègue Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, sur la situation de l’entreprise F2J-Japy située, vous l’avez dit, à Valentigney dans le Doubs.

Cette société spécialisée dans la fabrication de produits métalliques destinés à de grands groupes industriels, en particulier automobiles, compte 102 salariés à ce jour.

L’entreprise est affectée par la diminution des commandes, notamment liée à l’évolution du marché et à la fin des moteurs thermiques, ainsi que par la hausse du coût des matières premières.

Le Gouvernement suit de près la situation de F2J-Japy et entend accompagner le projet de restructuration et de réduction des effectifs que l’entreprise souhaite mettre en œuvre pour enrayer la dégradation de sa situation économique et financière.

Dans ce cadre, le groupe a pris des engagements concernant la recherche de solutions de reclassement, d’aides et d’accompagnement à la mobilité et à la formation. Les services de l’État y veillent étroitement.

Par ailleurs, F2J-Japy dépendant à plus de 90 % de Stellantis, la pérennité de l’entreprise suppose une diversification de sa production. Des commandes ont ainsi été engrangées dans le machinisme agricole et dans la fabrication de châssis de groupes électrogènes. Les services de Bercy échangent à ce sujet régulièrement avec l’entreprise.

Plus généralement, de très nombreuses entreprises sont affectées par la transition de la filière automobile en France et en Europe. Il y a quinze jours, la Commission européenne a annoncé un plan d’envergure reprenant les propositions de la France. Les mesures annoncées aideront les industriels dans cette phase de transition vers le modèle électrique à l’horizon 2035.

Ce plan européen, robuste et stratégique, soutiendra notamment massivement la filière des batteries électriques qui, elle, crée des emplois.

Enfin, le principe de la préférence européenne, pour lequel nous sommes battus, est aujourd’hui acté. Les sous-traitants français seront bénéficiaires de l’application de ce principe. Nous allons le compléter en introduisant des critères de contenu local pour nous assurer que les chaînes de valeur soient localisées en Europe le plus souvent possible.

Si l’entreprise F2J-Japy est dans une passe difficile qu’elle doit surmonter, soyez assurée, madame la sénatrice, que nous sommes désormais dotés d’une stratégie bien plus claire, cohérente et positive pour nos territoires qui, aujourd’hui, se cherchent un avenir et de nouveaux projets.

1 150 emplois menacés chez valeo en france

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, auteur de la question n° 196, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Thierry Cozic. Madame la ministre, depuis le début de l’année, la fermeture de sites industriels est légion. Le département dont je suis élu, la Sarthe, ne fait pas exception : 1 150 emplois sont menacés au sein de l’entreprise Valeo au plan national.

En juillet 2024, l’équipementier automobile a fait connaître son intention de rechercher un repreneur pour plusieurs sites en France, dont celui de la Suze-sur-Sarthe, ou encore de Saint-Quentin-Fallavier en Isère et de La Verrière dans les Yvelines.

En février dernier, la direction de Valeo a brutalement annoncé la cessation anticipée de l’activité du site sarthois d’ici au 25 avril prochain. Quelque 250 salariés sont concernés et attendent les conditions de leur licenciement ou de leur reclassement, sans compter les prestataires affectés par cette fermeture.

Dans un bassin de vie comme celui de la communauté de communes du Val de Sarthe, cela signifie qu’aucune famille ne sera épargnée. L’intersyndicale de l’entreprise de la Suze-sur-Sarthe, dont j’ai rencontré des représentants, déplore un mépris inacceptable.

L’annonce d’une potentielle fermeture a été faite mi-juillet, à l’aube des congés, sans égard pour des salariés cumulant en moyenne vingt-cinq ans d’ancienneté. Et l’annonce, en février dernier, de la fermeture définitive du site sarthois d’ici au mois d’avril prochain a encore une fois montré le manque de considération de la direction vis-à-vis des salariés.

Les résultats financiers du groupe Valeo font état d’une hausse notable de la marge opérationnelle et du flux de trésorerie disponible, qui ont augmenté de 45 % entre l’exercice 2023 et l’exercice 2024.Rien ne justifie donc la menace que l’équipementier fait peser sur des milliers de salariés et de familles.

Valeo, je tiens de plus à le rappeler, a compté parmi les bénéficiaires du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) de 2020 à 2023. Or, pendant qu’elle était aidée grâce à des fonds publics français, l’entreprise délocalisait son activité dans des pays low-cost.

L’État français étant aujourd’hui actionnaire de cette entreprise, il doit en protéger les salariés. Quels moyens le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour sécuriser les emplois des salariés en France et éviter qu’une telle situation ne se reproduise, madame la ministre ? Que compte faire le Gouvernement pour accompagner socialement les salariés dont l’emploi compte parmi les très nombreuses suppressions annoncées par l’entreprise ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le Sénateur, vous interrogez mon collègue ministre Marc Ferracci sur la situation du site de la Suze-sur-Sarthe, qui fait partie des sites pour lesquels Valeo a engagé une recherche de repreneur en juillet 2024.

La situation de Valeo s’est considérablement dégradée ces derniers mois en raison du déficit de compétitivité et de la remise en cause de la technologie 48V, sur laquelle l’entreprise avait misé. S’y ajoutent des difficultés conjoncturelles, notamment une baisse des volumes et la réorientation des stratégies d’achat des constructeurs vers des pays à plus bas coût.

Face à cette chute de son chiffre d’affaires, Valeo a engagé une procédure de recherche de repreneurs pour deux sites. Si un repreneur a été trouvé pour le premier site, aucune solution n’a, à ce jour, été trouvée pour le site de la Suze-sur-Sarthe, dont les technologies perdent en compétitivité sur l’ensemble du marché européen.

Les salariés ont été informés en novembre de cette décision de fermeture. Après quatre mois de recherche de repreneur, une phase de négociation s’est engagée dans l’objectif de signer un PSE d’ici à la fin du mois de mars.

Le Gouvernement et l’administration sont très attentifs à la qualité du dialogue social, au respect des exigences du code du travail et à la fiabilité des mesures de reclassement qui sont proposées.

Plus largement, l’État veille à ce que Valeo maintienne une ambition forte en France. Au cours des dix dernières années, Valeo a investi 9 milliards d’euros en recherche et développement et 2 milliards d’euros en outils de production, ce qui représente 40 % de l’effort global de recherche et développement et 15 % de l’effort d’industrialisation de l’entreprise au niveau mondial.

D’ici à 2026, Valeo a l’ambition de réaliser dans notre pays 300 millions d’investissements et 1,7 milliard d’euros d’investissements en recherche et développement dans des technologies d’avenir : les moteurs électriques, la gestion thermique des batteries, l’intelligence artificielle (IA), les logiciels embarqués, etc.

Comme je l’ai indiqué précédemment, nous ne pouvons pas considérer la situation particulière d’une entreprise sans prendre en compte la situation de la filière en Europe. Le plan qui a été annoncé au niveau européen la semaine dernière reprend les exigences françaises. Les principes de préférence européenne et de contenu local permettront d’exiger des constructeurs qu’ils privilégient les équipementiers locaux.

Au-delà des situations particulières, que le Gouvernement suit attentivement, cette avancée européenne nous permettra d’assurer un avenir à cette filière industrielle européenne.

réglementation de l’affichage des tarifs de recharge des véhicules électriques

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 239, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bernard Buis. Madame la ministre, ma question porte sur le défaut d’obligation d’affichage des tarifs de recharge pour les véhicules électriques. Un tel affichage est pourtant imposé aux fournisseurs d’énergie pétrolière par les arrêtés du 8 juillet 1988 et du 12 décembre 2006.

Cette difficulté a déjà été soulevée le 6 juillet 2023 par mon collègue Christian Bilhac, sénateur de l’Hérault, dans une question écrite adressée à M. Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur et des outre-mer. La question étant devenue caduque, aucune réponse n’a été apportée, alors qu’elle soulève un enjeu de régulation essentiel dans un contexte de transition énergétique et de forte croissance du parc de véhicules électriques.

Les fournisseurs de recharge pour véhicules électriques appliquent des tarifs fort variables et souvent très élevés en comparaison du coût réel de l’énergie électrique. En effet, alors que le prix d’achat du kilowattheure par ces sociétés auprès d’EDF varie de 6 centimes à 11 centimes d’euros toutes taxes comprises (TTC), les tarifs pratiqués aux bornes peuvent atteindre jusqu’à 69 centimes d’euros par kilowattheure sur certaines infrastructures. Ces écarts tarifaires soulignent l’absence de régulation homogène du secteur.

Selon l’Autorité de la concurrence, une telle opacité tarifaire empêche les automobilistes de comparer efficacement les offres, au mépris des principes de transparence économique et de protection des consommateurs.

Par ailleurs, force est de constater que ces écarts tarifaires sont d’autant plus injustifiés dans un marché soutenu par des subventions publiques.

Afin de renforcer la confiance des usagers et de garantir enfin la transparence des prix, le Gouvernement envisage-t-il d’étendre les obligations réglementaires d’affichage des tarifs pour la recharge des véhicules électriques ? (Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le sénateur Buis, vous soulevez un sujet important. J’y suis particulièrement sensible, en raison de ses incidences sur le pouvoir d’achat des consommateurs et sur la transition écologique.

Le nombre de nouvelles voitures électriques est passé de 2 % du parc en 2020 à 17 % en 2023. En 2030, le nombre de véhicules électriques en circulation dans notre pays pourrait atteindre 13 millions. Nous comptons déjà 150 000 bornes de recharge électrique, nombre que nous entendons porter à 400 000.

Comme vous l’indiquez, la transparence et la compréhension des prix par le consommateur sont toutefois essentielles. Or le secteur de la recharge électrique se distingue de celui des carburants par certaines spécificités.

Ainsi, le prix de la recharge électrique dépend de la quantité d’électricité fournie, mais aussi de la puissance de la charge et de la durée de stationnement et d’occupation de la borne.

Pour ajouter encore de la complexité, d’autres facteurs, tels que le nombre de véhicules qui se rechargent en même temps, le niveau de charge initiale du véhicule ou encore le modèle de la batterie, ont des répercussions sur la durée de recharge et donc sur le prix.

Ces spécificités rendent l’information tarifaire sur le prix de recharge beaucoup plus compliquée que pour les carburants. Pour y voir plus clair, des règles harmonisées d’information sur les prix sont entrées en vigueur en avril 2024 : c’est le règlement européen dit Afir sur le déploiement des infrastructures pour carburants alternatifs.

En application de ces nouvelles règles, les points de recharge doivent désormais indiquer très clairement le prix de l’énergie par kilowattheure, le prix de la durée d’occupation en minutes et le prix de la session de recharge.

À partir du mois d’août, pour les bornes de recharge rapide d’une puissance supérieure à 50 kilowatts, l’affichage du prix devra être indiqué sur la borne elle-même.

Pour s’assurer que ces nouvelles dispositions ont bien été comprises et qu’elles sont bien appliquées, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a engagé, en 2025, une enquête nationale.

Nous réfléchissons à la possibilité d’aller plus loin, le cas échéant, pour mieux informer le consommateur, afin que celui-ci n’ait pas le sentiment d’être pris en otage quand il a besoin d’électricité et que la borne à laquelle il doit se brancher ne lui offre pas toute la transparence souhaitable.

distorsion de concurrence pour les contrats obsèques en capital

M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, auteur de la question n° 340, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.

M. Christophe Chaillou. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur des phénomènes de distorsion de concurrence sur le marché du funéraire qui sont liés notamment à l’offensive menée par des opérateurs proposant des contrats obsèques en capital ou des formules de financement d’obsèques à l’avance.

La souscription de ces contrats est en très forte augmentation ces dernières années : on les estime à 5,3 millions aujourd’hui. En 2023, 539 000 nouveaux contrats ont été signés, contre 467 000 en 2022, soit une hausse de près de 15 %.

Ces contrats sont strictement encadrés par la loi. Celle-ci prévoit notamment que toute prise d’intérêts à l’occasion ou en prévision des funérailles est interdite.

Pourtant, il est constaté que de nombreux organismes financiers influencent les souscripteurs et les familles en deuil dans le choix de leur opérateur funéraire, en les orientant vers des entreprises partenaires, qu’ils rendent seules bénéficiaires, de fait, du tiers payant. Ces partenaires exclusifs sont le plus fréquemment des groupes funéraires. Dès lors, les petites et moyennes entreprises, qui représentent pourtant 60 % du marché et plus de 26 000 emplois, se retrouvent exclues.

Par ailleurs, certains organismes retardent volontairement le versement du capital prévu lorsque l’opérateur funéraire choisi ne figure pas dans la liste de leurs partenaires exclusifs.

Madame la ministre, face à ces phénomènes qui sont difficilement acceptables, quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour que l’esprit de la loi soit respecté et pour rétablir la libre concurrence au sein du marché du funéraire ? Ce dernier, je le précise, est régi par la loi du 8 janvier 1993, dite loi Jean-Pierre Sueur, mon prédécesseur au Sénat. Il s’agit de permettre aux familles en deuil de choisir librement leur opérateur funéraire.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le sénateur Chaillou, vous m’interrogez sur un sujet important, celui du financement des funérailles, qui concerne tous les Français.

À titre préliminaire, j’indique que la DGCCRF a lancé une enquête nationale sur 1 000 opérateurs funéraires sur la période 2024-2025. Il s’agira notamment de vérifier le respect du nouveau modèle de devis funéraire, qui s’appliquera à partir du 1er juillet 2025.

De plus en plus de nos concitoyens ont recours à des contrats d’assurance obsèques pour ne pas laisser cette charge à leur famille. Je suis sensible à la situation que vous décrivez de ces souscripteurs ou de ces familles de défunts qui n’auraient pas la possibilité de choisir leur opérateur funéraire. Cette question, qui soulève un enjeu de pouvoir d’achat, recouvre également une dimension qui relève de l’humain, de l’intime. Nous devons donc intervenir en la matière avec beaucoup de précautions.

Les contrats d’assurance obsèques sont de deux types. Il s’agit soit de prestations funéraires déterminées à l’avance, soit d’un capital versé à un bénéficiaire pour le financement des obsèques.

Dans le cas d’un contrat de prestations funéraires, la loi prévoit déjà expressément que la personne qui le souscrit peut modifier à tout moment l’opérateur funéraire qu’elle choisit aussi bien que les prestations attendues. En revanche, à son décès, il n’est pas possible pour une autre personne, qu’elle soit de sa famille ou non, de modifier le contrat. En somme, celui-ci peut seulement être révisé en amont du décès. Le contrat traduit la volonté du défunt et celle-ci doit être respectée. Ce type de contrats est minoritaire et ne représente que 20 % du marché.

Le second cas concerne les contrats en capital, qui représentent 80 % du marché. Au décès de l’assuré, le capital constitué est versé au bénéficiaire qui avait été choisi par le souscripteur. Il s’agit traditionnellement d’un membre de la famille du défunt, qui est alors libre de choisir l’opérateur funéraire, les prestations et de faire jouer ainsi la concurrence. Même s’il n’est pas interdit aux assureurs de formuler des suggestions, l’information des familles bénéficiaires du capital sur leur libre choix en la matière mériterait sans doute d’être renforcée.

Je note de votre propos, monsieur le sénateur, et de signalements qui me sont récemment parvenus, notamment par la voix du député Labaronne, que se développe la pratique de contrats en capital dont le bénéficiaire désigné lors de la souscription, sur la suggestion de l’assurance, est lui-même le prestataire funéraire. Dans ce cas, au moment du décès, la famille du défunt ne peut plus choisir un autre opérateur funéraire et peut se voir imposer des prestations au choix de l’opérateur.

Ce type de contrats me paraît soulever une difficulté sérieuse ; j’ai demandé aux services de Bercy d’évaluer leur conformité à la loi. En fonction du résultat de leurs travaux, le Gouvernement prendra les sanctions qui s’imposent ou fera évoluer les règles.

M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour la réplique.

M. Christophe Chaillou. Je vous remercie, madame la ministre, pour ces précisions très utiles.

Nous serons extrêmement vigilants sur la suite que le Gouvernement voudra bien donner à cette question, qui, comme vous l’avez souligné, concerne de très nombreuses familles dans notre pays.

enquête sur les pratiques commerciales de shein et position française sur les droits de douane

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, auteure de la question n° 402, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la ministre, la déferlante des sites d’e-commerce à très bas prix, dans les secteurs de l’ultra fast fashion, de l’ameublement ou du jouet, menace l’industrie et le commerce qui risquent d’aller très rapidement au tapis, en raison d’une concurrence que l’on peut qualifier d’ultra-déloyale : prix cassés, qui ne couvrent pas même le coût de la matière première, frais de transport quasi gratuits pour faire 10 000 kilomètres, absence de droits de douane, etc.

Il y a urgence à agir : chaque mois de perdu, ce sont des emplois qui disparaissent et qui ne réapparaîtront pas de sitôt.

Je voudrais, madame la ministre, vous interroger sur ce qui pourrait apparaître comme une déconcertante immobilité politique. J’aurai deux questions.

Voilà plus de deux ans, l’un de vos prédécesseurs a annoncé qu’il avait saisi la DGCCRF afin d’enquêter sur les dérives de la fast fashion, en particulier sur Shein, en matière de sécurité des produits et de loyauté des pratiques commerciales. Ses conclusions, qui étaient attendues pour l’automne 2023, n’ont toujours pas été rendues.

Cette situation est d’autant plus étonnante qu’elle contraste avec l’efficacité des actions qui ont été menées par votre ministère à l’encontre de la plateforme en ligne Wish, qui a été déréférencée sur la base de l’article L. 521-3-1 du code de la consommation. Quand on veut, on peut !

Ma première question sera donc la suivante, madame la ministre : où en est l’enquête de la DGCCRF ?

Ensuite, il n’y a aucune raison pour que les colis d’une valeur inférieure à 150 euros, qui déferlent dans nos aéroports, soient exonérés de droits de douane. Cela doit cesser, sans attendre 2028. On pourrait mettre en place un système simple, en imposant, par exemple, le paiement d’un droit forfaitaire et aisément identifiable pour tous ces colis de faible valeur et en transférant la responsabilité du paiement du droit de douane du consommateur à la plateforme. Ma seconde question est donc simple : qu’en pensez-vous ?

Je voudrais également savoir comment le Gouvernement se prépare à la fin de l’exonération de droits de douane des colis d’une valeur de moins de 150 euros ? Quelles sont les méthodes de contrôle de nos services des douanes ? Sont-ils dotés de moyens suffisants pour garantir l’effectivité de cette décision ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Madame Carrère-Gée, je suis très heureuse que vous m’interrogiez sur un sujet qui est au cœur de mon action en tant que ministre de tutelle des douanes et qui est aussi très important pour l’Europe, puisque les plateformes de fast fashion ne ciblent pas que la France.

L’enquête de la DGCCRF, sur Shein en particulier, est en cours. Je ne peux, à ce stade, vous détailler les mesures qui sont actuellement à l’étude. Ce que je peux vous dire, en revanche, c’est que nous avons porté cette affaire au niveau européen, afin d’agir de manière coordonnée avec nos voisins. Cette force de frappe nous permettra d’éviter que les plateformes visées ne trouvent une échappatoire en cas de sanction. Les autorités nationales des pays européens chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs travaillent ainsi en réseau – le réseau CPC.

Le 3 février dernier, la Commission européenne a informé Shein du lancement d’une action coordonnée. Cette enquête vise à examiner la conformité des pratiques de Shein vis-à-vis de toutes les obligations européennes, notamment de celles qui découlent des directives sur les pratiques commerciales déloyales, sur le droit des consommateurs, sur les clauses abusives dans les contrats, sur l’indication des prix, sur le e-commerce, ou encore du règlement sur les services numériques, le Digital Services Act (DSA).

Sur la base de ces éléments, la Commission déterminera les prochaines étapes. La France, qui a déjà mené des enquêtes en la matière, participe très activement à cette démarche. Nous vous communiquerons les résultats, dès que l’état d’avancement des procédures nous le permettra – vous comprenez, je crois, très bien pourquoi.

Le déréférencement de la plateforme Wish, qui a eu lieu en 2021, était motivé par des raisons quelque peu différentes. Il résultait de manquements très graves aux obligations de sécurité des produits vendus. De plus, l’opérateur ne procédait pas aux retraits des produits visés de manière satisfaisante.

En ce qui concerne les douanes, je plaide fortement pour que l’Union européenne mette en place ce que l’on appelle l’union douanière, afin que nous puissions appliquer des droits de douane et prélever de la TVA sur l’ensemble des produits qui rentrent sur notre territoire. On estime que 800 millions d’articles sont entrés en France l’année dernière par le biais de petits colis. Ce flux est l’occasion de fraudes à la TVA, tandis que ces colis, qui échappent aux droits de douane, peuvent aussi contenir des substances illicites, telles que de la drogue, des produits de contrefaçon, des médicaments falsifiés, etc.

J’ai présenté hier, à La Seyne-sur-Mer, le bilan des douanes de 2024. Le sujet sur lequel vous m’interrogez, madame la sénatrice, constitue pour moi une priorité. Cette situation induit de moindres recettes pour nos finances publiques et une mise en danger des consommateurs français. Cet immense dumping alimente, je le crains, une crise industrielle en Europe.

La mobilisation du Gouvernement est totale ; nous travaillons de manière interministérielle. Je vous ferai parvenir, madame la ministre, toutes les informations sur notre action, dans le respect des enquêtes administratives en cours.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

3

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux de saluer en votre nom, la présence dans la tribune d’honneur, du président du Sénat de la République démocratique du Congo, M. Sama Lukonde, et d’une délégation de sénatrices et de sénateurs, dont le président de la commission des relations extérieures et celui de la commission de la défense. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie, se lèvent.)

Ils sont accompagnés par nos collègues Guillaume Chevrollier, président du groupe d’amitié France-Afrique centrale, et Francis Szpiner, président délégué pour la République démocratique du Congo.

Nous venons de l’évoquer avec le président du Sénat de la République démocratique du Congo : alors que celle-ci connaît une situation humanitaire dramatique, du fait, en particulier, des tentatives de déstabilisation orchestrées dans l’est du pays par le Mouvement du 23 mars (M23) et le Rwanda, le Sénat assure le peuple congolais de sa solidarité et de son attachement indéfectible à son intégrité territoriale et à sa souveraineté, et de son souhait que soit empêché le pillage de ses biens.

Notre pays a en particulier fait adopter, à l’unanimité du Conseil de sécurité des Nations unies, la résolution 2773 condamnant les offensives du M23 et appelant au cessez-le-feu et au retrait immédiat des troupes rwandaises du territoire de la République démocratique du Congo.

Nous tenons à le rappeler avec force : la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo ne sont pas négociables. Il y va de la stabilité du continent africain tout entier, nous venons de l’évoquer et de le partager.

Nous aurons l’occasion de retrouver nos collègues du Sénat de la République démocratique du Congo, premier pays francophone au monde – ne l’oublions pas –, à l’occasion de la cinquantième session de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, qui se tiendra à l’Assemblée nationale et au Sénat du 9 juillet au 13 juillet 2025.

Mes chers collègues, en votre nom à tous, je souhaite à nos collègues de la République démocratique du Congo des échanges riches et féconds, en les assurant de l’amitié et de la confiance du Sénat de la République française. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M le ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie, applaudissent longuement.)

4

Rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal

M. le président. Mes chers collègues, avant de passer à notre ordre du jour, je voulais vous faire part d’un incident grave qui s’est produit lors de la séance du mardi 18 février après-midi, au cours des débats sur la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport.

Alors que le président Patrick Kanner avait la parole pour explication de vote sur les amendements portant suppression de l’article 1er de la proposition de loi, notre collègue Stéphane Ravier est intervenu en employant notamment le mot de « collabo » à son encontre. Laurent Burgoa a pris la parole en séance pour confirmer l’emploi de ce terme, comme l’atteste le compte rendu des débats.

Ces propos, qui ont été entendus par d’autres de nos collègues, sont constitutifs d’une injure et sont donc passibles de la censure aux termes de l’article 94 de notre règlement.

Par une lettre en date du 19 février 2025, le président Patrick Kanner m’a donc demandé de prononcer cette sanction contre Stéphane Ravier, qui emporte, de droit, la privation, pendant un mois, du tiers de l’indemnité parlementaire et de la totalité de l’indemnité de fonction. Jamais la censure n’a été prononcée contre un sénateur sous la Ve République.

Le bureau du Sénat s’est réuni le jeudi 20 mars afin d’examiner la situation de Stéphane Ravier. Le caractère inacceptable du propos tenu par notre collègue a fait l’objet d’un consensus unanime.

Dans le cadre de la procédure, Stéphane Ravier a toutefois, par écrit, reconnu les faits et a présenté ses excuses au Président Kanner.

Au regard de ces éléments, et après consultation du bureau, j’ai donc décidé de ne pas proposer au Sénat de prononcer la censure, mais de procéder à un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal.

J’adresse donc ici un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal à Stéphane Ravier pour son attitude à l’égard du président Patrick Kanner lors des débats sur la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport.

Mes chers collègues, je me fais ici l’interprète du bureau du Sénat, là encore unanime, pour appeler solennellement chacune et chacun d’entre vous, dans tous les groupes, au respect mutuel.

Des débats difficiles nous attendent ces prochains mois et nous ne pouvons pas, nous ne devons pas, basculer dans les injures et les outrages.

Méfions-nous des mots à charge polémique qu’il nous est arrivé d’entendre lors de débats récents : je pense à des termes, puisque j’ai consulté le Journal officiel, comme « négationniste », « raciste », « xénophobe »…

Il est de notre intérêt et de notre devoir de préserver le ton très particulier du débat au Sénat, empreint de respect et d’écoute. Je n’accepterai pas qu’il en soit autrement et je compte sur chacune et chacun d’entre vous, et en particulier sur les vice-présidents, pour y veiller avec attention. Il y va tout simplement du respect de la fonction parlementaire et du respect que nous devons à nos concitoyens.

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Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Lors du scrutin public n° 237 sur l’ensemble de la proposition de loi visant à reconnaître le préjudice subi par les personnes condamnées sur le fondement de la législation pénalisant l’avortement, et par toutes les femmes, avant la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de la grossesse, mon collègue Hervé Maurey ne souhaitait pas participer au vote.

Lors du scrutin public n° 235 sur l’ensemble de la proposition de loi créant une condition de durée de résidence pour le versement de certaines prestations sociales, ma collègue Olivia Richard souhaitait voter contre.

M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mon cher collègue. Elles figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement
Article 1er

Conversion de centrales à charbon

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement, présentée par M. Khalifé Khalifé (proposition n° 324, texte de la commission n° 462, rapport n° 461).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Khalifé Khalifé, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. Khalifé Khalifé, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à convertir les centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement.

En France, deux centrales à charbon sont concernées : celle de Saint-Avold, en Moselle, et celle de Cordemais, en Loire-Atlantique – cette dernière faisant l’objet du quatrième article, ajouté lors de nos travaux en commission.

Permettez-moi tout d’abord de vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir accepté de donner suite aux alertes successives que mes collègues sénateurs de la Moselle et moi-même vous avons adressées sur l’avenir de la centrale Émile-Huchet de Saint-Avold. Nous vous remercions aussi d’avoir construit avec nous cette proposition de loi et d’avoir engagé la procédure accélérée pour son examen, en accord avec le président et le bureau de notre Haute Assemblée.

Permettez-moi aussi, mes chers collègues, de saluer les nombreux salariés de cette centrale, ainsi que les élus du bassin de Saint-Avold qui, accompagnés du président du conseil départemental de la Moselle, M. Patrick Weiten, ont fait le déplacement au Sénat en cette journée cruciale.

Cruciale, j’y insiste, car le sujet que nous traitons aujourd’hui dépasse la simple question énergétique : il s’agit d’emploi, de justice sociale et de responsabilité envers des territoires comme la Moselle qui ont fait, deux siècles durant, la force industrielle de la France.

La centrale Émile-Huchet est un symbole de cette histoire. Sa dénomination est un hommage à celui qui dirigea la compagnie des houillères après le retour de ces territoires annexés à la France.

Construite au pied des mines à la sortie de la guerre et dans l’esprit du programme du Conseil national de la Résistance (CNR), cette centrale, qui fut l’une des plus importantes d’Europe, a joué un rôle clef dans notre approvisionnement énergétique. Aujourd’hui, elle est l’un des témoins de cette grande aventure industrielle.

Nous devons tourner définitivement la page du charbon pour nos enfants et pour notre environnement, personne ici ne le remet en cause. Pour autant, tourner cette page doit se faire non pas au mépris des salariés, mais avec dignité, en respectant ces hommes et ces femmes qui, encore récemment, n’ont pas hésité à rallumer la flamme pour que nous ayons de l’électricité alors que la guerre et la crise frappaient de nouveau l’Europe.

Rappelons-nous encore, mes chers collègues, qu’en 2022 la réouverture de cette centrale avait été décidée afin de sauver le système électrique national, après que sa fermeture a été votée en 2019. Ces allers-retours ne sont plus tolérables : il nous faut stabiliser les emplois et sécuriser les dizaines de millions d’euros d’investissement nécessaires à cette conversion demandée en 2023 par le Président de la République.

Cette promesse, nous devons désormais la réaliser : tourner la page du charbon sans reproduire les erreurs et sans tolérer les stigmates, encore visibles, laissés par les politiques publiques mises en œuvre lors de la fermeture des mines de charbon et des aciéries.

Je vous le rappelle aussi, avec beaucoup d’émotion : c’est sur la base de l’interdépendance du charbon et de l’acier que les fondements de la construction européenne et de la paix furent posés par le Mosellan Robert Schuman, ministre des affaires étrangères en mai 1950, qui fut l’un des pères de l’Europe.

Nous devons faire de l’arrêt de la production d’électricité à partir du charbon un exemple en termes de transition énergétique, sociale, environnementale et industrielle.

Cette proposition de loi, que j’ai déposée avec l’ensemble de mes collègues de Moselle, au-delà de toute appartenance politique, est également cosignée par les sénateurs lorrains et par plusieurs dizaines d’autres sénateurs, que je remercie chaleureusement. Solution pragmatique et équilibrée, elle permet une conversion rapide des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs, comme le gaz et le biogaz, sans peser sur les finances publiques. Elle garantit le maintien des emplois, tout en réduisant les émissions de CO2 d’un facteur 2 à 3. En un mot, elle concilie l’exigence écologique avec la nécessité économique et sociale.

Résultat d’un consensus construit entre les collectivités, les parlementaires, le Gouvernement, l’exploitant et les salariés du site, elle permettra de poursuivre la sécurisation du système électrique lors des pointes de consommation, en particulier en cette période où la crise internationale est doublée par un nouveau et important retard annoncé dans la production d’électricité par d’autres méthodes.

Pour ce faire, grâce à un investissement de plusieurs dizaines de millions d’euros de la part de l’exploitant actuel, il convient d’exécuter au plus vite des travaux qui dureront environ un an. La conversion permettra de maintenir une centrale d’une capacité de 600 mégawatts et sécurisera le système électrique national. Cette solution technologique est compétitive, mais il est nécessaire de la compléter en adoptant le présent texte.

Si la proposition de loi a fait l’objet d’un vote plus que favorable en commission des affaires économiques, les modifications du texte initial, plus spécialement celles qui concernent le périmètre, ne nous ont guère rassurés quant à la viabilité et à la pérennité, même à moyen terme, de l’investissement humain et financier prévu.

Les travaux de la commission ont permis d’approfondir le débat sur la transition énergétique – je m’en félicite et salue les divers éclairages qui ont été apportés à cette occasion. Toutefois, bien que motivées par une bonne intention, à savoir sécuriser le dispositif, les modifications proposées risquaient à nos yeux de transformer un processus de conversion efficace en un labyrinthe qui aurait condamné cette centrale à la fermeture.

Notre proposition de loi comportait initialement deux articles.

Le premier vise à reconnaître que l’installation, une fois convertie, est une nouvelle installation de production, ce qui lui permettra de candidater au nouveau mécanisme de capacité.

Le deuxième article permet d’octroyer une autorisation de production à la centrale à charbon une fois convertie, si elle est lauréate du nouveau mécanisme de capacité.

Je tiens à vous préciser, mes chers collègues, que cette proposition de loi est en adéquation avec la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) actuellement soumise à la consultation, et qui fait de Saint-Avold un site pilote en la matière.

Pour préserver le sens initial du texte, j’ai déposé sept amendements, que je vous invite vivement à soutenir.

Il s’agit, tout d’abord, de délimiter le périmètre du texte en se basant sur une réglementation européenne existante.

Je vous propose également : d’avancer la date butoir de conversion au 1er janvier 2025 ; de supprimer l’obligation de nouvelles autorisations environnementales inutiles, en laissant la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) faire son travail selon la réglementation existante ; enfin, de supprimer les dispositions conditionnant l’entrée en vigueur à une notification européenne déjà prévue ailleurs.

Lors de l’une de mes visites dans cette centrale, j’ai été profondément marqué par cette phrase d’un salarié : « Une transition bien pensée est celle qui ouvre une porte sans en fermer une autre brutalement. » Cela résume parfaitement l’enjeu de notre débat, mes chers collègues : nous voulons sortir du charbon, mais nous devons le faire en garantissant un avenir aux salariés et aux territoires concernés.

Cette proposition de loi sera donc un réel test de notre volonté politique de respecter les engagements pris devant nos concitoyens et de leur offrir un avenir stable.

Aujourd’hui, nous avons la possibilité de faire un choix historique. En adoptant cette proposition de loi, nous enverrons un message clair : oui, la transition écologique peut être socialement juste et économiquement viable.

Mes chers collègues, nous avons une énorme responsabilité et devons être à la hauteur des enjeux, qui sont majeurs. Ne répétons pas les erreurs du passé : toute la France se souvient encore de la fermeture du site de Florange, en Moselle, et de ses conséquences humaines et politiques…

Comme vous, je sais combien la Haute Assemblée est attachée à la défense de nos territoires. En votant cette proposition de loi et nos amendements, vous aurez l’occasion de réaffirmer votre engagement et de confirmer l’une des missions du Sénat : soutenir nos collectivités. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

(Mme Anne Chain-Larché remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que nous soyons réunis aujourd’hui pour examiner un texte transpartisan dont je suis certain qu’il sera adopté et appliqué. Il servira de socle au projet de conversion de la centrale à charbon de Saint-Avold, un projet que nous soutenons tous, quelle que soit notre sensibilité politique.

Je rappelle que ce projet concerne 500 emplois, directs ou indirects, dans un département, la Moselle, durement éprouvé par la fermeture des mines de charbon. Il est de notre responsabilité de législateur d’offrir à ce projet le cadre juridique robuste dont il a besoin ; c’est l’aiguillon qui a guidé mes travaux.

Je suis convaincu de l’intérêt de la présente proposition de loi, non seulement pour le projet qu’elle permet de mettre en place localement, mais aussi pour le signal en direction des reconversions industrielles qu’elle adresse nationalement.

Il nous faut sortir des dogmes et reconnaître que, plutôt que d’être arrêtées, les centrales à charbon existantes et, au-delà, celles qui fonctionnent à énergie fossile, peuvent être converties, sous réserve de respecter de strictes normes d’émissions. Ces centrales sont susceptibles de contribuer ponctuellement à notre sécurité d’approvisionnement lors des pics hivernaux de consommation d’électricité.

Je tiens donc à remercier chaleureusement nos collègues sénateurs de Moselle d’avoir déposé cette proposition de loi : Khalifé Khalifé, Jean-Marie Mizzon, Catherine Belrhiti, Michaël Weber, ainsi que Christine Herzog, qui est également rapporteure pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et avec laquelle nous avons conduit des auditions communes.

Je suis reconnaissant à l’auteur de cette proposition de loi, Khalifé Khalifé, d’avoir accepté d’être entendu dans le cadre de ces auditions.

Je veux saluer enfin l’appui constant, à l’occasion de l’examen de ce texte, de la présidente Dominique Estrosi Sassone et du président Jean-François Longeot.

Maintes fois reportée, la sortie du charbon est toujours prévue par le Gouvernement.

Comme vous le savez, la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat avait pour objectif la sortie du recours aux quatre dernières centrales à charbon – Cordemais, Le Havre, Gardanne et Saint-Avold – d’ici à 2022. C’est pourquoi a été prévue, à l’article 12 de cette loi, l’application d’un plafond d’émissions aux installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles, le Gouvernement étant autorisé à légiférer par ordonnance pour en tirer les conséquences sociales. Sur cette base, un décret du 5 février 2022 et une ordonnance du 29 juillet 2020 ont été pris.

Compte tenu de la crise des prix des énergies entre 2022 et 2023, la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a permis le maintien de ces installations en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement. À cette fin, il a été prévu aux articles 32 et 36 de ce texte de rehausser par décret le plafond d’émissions et d’autoriser une reprise temporaire de cette activité. Deux décrets, l’un du 14 septembre 2022 et l’autre du 23 août 2023, ont ainsi modifié le décret précité.

Dans ce contexte, deux centrales, Le Havre et Gardanne, ont été fermées en 2021, tandis que deux autres, Cordemais et Saint-Avold, étaient maintenues.

Dans le cadre de la révision de notre programmation énergétique, qui est toujours en cours, le Gouvernement envisage un objectif de sortie ou de conversion des deux dernières centrales à charbon d’ici à 2027, ce qui laisserait davantage de temps et de marge que ce qui était initialement envisagé.

Tout d’abord, le plan national intégré énergie-climat (Pniec) transmis à la Commission européenne prévoit de « fixer les conditions de fermeture ou de conversion […] des dernières centrales à charbon, qui doivent être effectives au plus tard en 2027 ».

Ensuite, le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie, soumis à consultation publique, vise, d’une part, à « organiser et accompagner la fin de la production d’électricité à partir de charbon » et, d’autre part, à « accompagner le lancement d’études ou de sites pilotes […] pour la conversion de centrale thermique ».

Dans cette perspective, une centrale, en l’occurrence celle de Saint-Avold, pourrait être convertie.

La proposition de loi vise à favoriser la conversion des centrales à charbon dans le cadre du mécanisme de capacité. Réformé par la loi de finances pour 2025, ce mécanisme consiste en un dispositif de rémunération, par Réseau de transport d’électricité (RTE), des exploitants de capacités de production en contrepartie de leur engagement de disponibilité. Pour le financer, une taxe sur les fournisseurs et les consommateurs d’électricité est affectée à RTE.

Comme le précédent dispositif, le nouveau mécanisme de capacité doit être notifié par la France à la Commission européenne au titre des aides d’État. De plus, il est encadré par le règlement du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l’électricité, tel que révisé en 2024.

Dans ce contexte, l’article 1er de la proposition de loi tend à faciliter l’éligibilité au mécanisme de capacité des centrales à charbon faisant l’objet d’un projet de conversion. Ce faisant, il dispose que le seuil d’émissions de ce mécanisme peut être apprécié à l’issue de cette conversion.

De son côté, l’article 2 vise à regrouper les autorisations des centrales à charbon faisant l’objet d’une conversion dans le cadre du mécanisme de capacité. À cette fin, il dispose que la sélection par ce mécanisme tient lieu de l’autorisation d’exploiter prévue par le code de l’énergie.

En dépit d’un calendrier contraint, j’ai organisé six auditions et reçu six contributions, recueillant ainsi les points de vue de l’ensemble des parties prenantes. J’en retiens que ce texte est accueilli favorablement. Ainsi, GazelEnergie entend y recourir pour la conversion de sa centrale à charbon de Saint-Avold, mais pas le groupe EDF pour sa centrale à charbon de Cordemais.

En définitive, selon le Gouvernement, la proposition de loi serait susceptible d’être appliquée non seulement aux centrales à charbon, mais aussi aux turbines à combustion au fioul ou au gaz. Quant aux centrales à cycle combiné gaz, elles affichent normalement un seuil d’émissions moins élevé que celui qui a été prévu. Si huit centrales sont potentiellement éligibles, seuls les responsables de la centrale à charbon de Saint-Avold ont fait part au Gouvernement et à RTE de leur souhait de bénéficier du texte : cette candidature est donc bien identifiée.

Notre commission approuve résolument la proposition de loi. J’ai fait adopter trois amendements qui visent uniquement à la consolider juridiquement. La direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), RTE et la Commission de régulation de l’énergie (CRE) m’ont aidé dans cette tâche. Nous devons être très vigilants quant à la robustesse du texte, car la précédente autorisation des centrales à charbon, mal calibrée, a été partiellement censurée par le Conseil constitutionnel en 2022. Il ne faut absolument pas que ce scénario se reproduise, car cela remettrait durablement en cause les projets d’investissements prévus.

Le texte adopté en commission laisse inchangé le périmètre initial de la proposition de loi, qui concerne les énergies fossiles. Dans ce contexte, il pourrait aussi servir d’appui à un projet de conversion vers les huiles végétales hydrotraitées, expérimenté à la centrale de Vaires-sur-Marne. Si nous avons laissé ce périmètre tel quel, c’est parce que le règlement sur le marché intérieur de l’électricité de 2019, tel qu’il a été révisé en 2024, applique un même seuil d’émissions à toutes les énergies fossiles.

Il n’a été ajouté dans le texte adopté en commission aucune nouvelle contrainte et aucun nouveau délai. Nous avons introduit une référence à la loi de finances pour 2025, car le mécanisme de capacité auquel la proposition de loi raccroche les centrales à charbon doit, selon ladite loi, entrer en vigueur après notification auprès de la Commission européenne au titre des aides d’État.

Le Gouvernement nous a rappelé que les négociations étaient déjà en cours, la notification du dispositif devant intervenir en 2025 et son application d’ici à 2026. Tel est le droit existant.

Nous avons aussi introduit une référence au code de l’environnement, car le regroupement des procédures proposé, entre l’autorisation d’exploiter prévue par le code de l’énergie et la sélection du mécanisme de capacité, n’a pas vocation à supprimer les exigences environnementales. De nouveau, je n’ai fait que consolider la proposition de loi initiale, ce point figurant dans l’exposé des motifs.

En revanche, notre commission a modifié la proposition de loi sur deux points.

D’une part, sur mon initiative, nous avons précisé que le texte concernait les seules centrales existantes et non les nouvelles.

L’objectif de la proposition de loi est de faciliter la conversion des installations existantes et non de déroger à l’article 8 du décret du 21 avril 2020 relatif à l’actuelle PPE, qui prohibe les nouvelles installations. Une telle précision présente un double intérêt : sur le plan économique, elle évite que les projets de reconversion soient évincés au profit de nouveaux projets et protège Saint-Avold ; sur le plan environnemental, elle constitue un garde-fou utile, les nouvelles capacités de production d’électricité devant être nucléaires et renouvelables.

D’autre part, avec mon appui, nous avons ajouté une disposition demandant au groupe EDF de préciser le devenir de la centrale à charbon de Cordemais.

Au nom de notre commission, je vous invite donc à adopter cette proposition de loi. Soyez assurés de ma détermination sans faille à la faire aboutir dans le cadre de la navette parlementaire qui s’ouvre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Khalifé Khalifé applaudit également.)

Mme Christine Herzog, rapporteure pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi trouve son origine dans l’urgence de sauvegarder les emplois de la centrale thermique à charbon de Saint-Avold, en Moselle.

En permettant la conversion de cette centrale à charbon vers une source d’énergie moins polluante, cette proposition de loi représente un petit pas pour l’environnement et un grand pas pour l’emploi. Très attendue par les élus et les habitants du département, elle me tient particulièrement à cœur.

Je tiens ici à saluer la présence des salariés, des sous-traitants, des maires, de mes collègues conseillers départementaux et du président de cette centrale, qui sont présents dans nos tribunes ou qui manifestent aujourd’hui près du Sénat pour sauver tout un territoire qui a déjà trop souffert de la fermeture des mines.

Avec mes collègues sénateurs de Moselle, nous avons pris l’initiative de présenter ce texte pour défendre la vitalité économique de notre département. Alertée il y a quelques mois sur l’urgence de cette reconversion, j’avais interpellé le Gouvernement, qui m’avait encouragée à légiférer sur le sujet. Le choix d’un dépôt collectif traduit notre engagement commun, l’ordre de signature des auteurs ayant été déterminé par âge décroissant.

Il s’agit d’un texte de circonstance, porteur de beaucoup d’espoirs pour les 150 salariés de cette centrale, les 150 sous-traitants et les 500 emplois directs et indirects du territoire.

Depuis l’annonce en 2019 de la fermeture progressive des centrales à charbon, ces travailleurs vivent dans une incertitude permanente. Cette situation est inacceptable.

Ils ont tout connu : une fermeture en février 2022, votée dans cet hémicycle ; une réouverture quelques mois plus tard, votée en urgence ici-même, encore une fois ; l’échec d’un projet de conversion à la biomasse ; enfin, un projet de conversion au gaz et au biogaz. Il est, dans ce contexte, de notre responsabilité d’envoyer un signal clair à ces salariés, trop souvent soumis aux aléas des décisions politiques.

La fermeture des centrales thermiques à charbon est une nécessité. Aujourd’hui, 95 % de la production d’électricité en France est bas-carbone grâce à notre parc nucléaire et au développement des énergies renouvelables. Le charbon ne représente plus qu’une part infime de la production : seules deux centrales sont toujours en activité – à Cordemais, en Loire-Atlantique, et à Saint-Avold, en Moselle –, qui contribuent à 0,1 % seulement de la production nationale.

Nous devons arrêter la production d’électricité à partir du charbon, mode de production le plus polluant, pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.

En 2022, dans un contexte de crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, la centrale de Saint-Avold a dû rouvrir en urgence quelques mois seulement après sa fermeture. Puis, en septembre 2023, le Président de la République a annoncé la conversion des deux dernières centrales à charbon d’ici à 2027. Cet engagement, nous le devons aux salariés.

L’exploitant a proposé une conversion au gaz naturel et au biogaz, soutenue par le ministre de l’économie, le 12 février dernier. Nous en convenons, le gaz naturel reste une énergie fossile et n’est pas la solution optimale ; il constitue malgré tout un progrès, étant deux fois moins émetteur de gaz à effet de serre que le charbon.

De surcroît, la centrale n’a pas vocation à fonctionner en continu. Elle interviendra en période de pointe, garantissant ainsi la stabilité du réseau électrique et une sécurité d’approvisionnement électrique en hiver, soit l’équivalent de quatre semaines de production par an.

Enfin, nous devons toujours concilier environnement et justice sociale. Ce projet est une solution de compromis qui assure la préservation des emplois tout en réduisant l’empreinte carbone de la production électrique.

Le texte, tel qu’il a été déposé sur le bureau du Sénat, c’est-à-dire composé de deux articles, doit permettre à la centrale de Saint-Avold, notamment, de réaliser sa nécessaire transition vers des énergies moins polluantes en accédant au nouveau mécanisme de capacité.

La commission d’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable sur la proposition de loi dans cette version initiale. À titre personnel, je mets en garde sur le fait que la conversion pourrait être compromise par la rédaction issue des travaux de la commission des affaires économiques.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a su donner à notre initiative transpartisane la juste reconnaissance d’une méthode pragmatique qui permettait de concilier les trois impératifs que sont la transition écologique, la sécurité énergétique et la justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mmes Catherine Belrhiti et Véronique Guillotin applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui est porteuse d’espoir et de solutions.

Notre pays doit une partie de son histoire au charbon. Au moment de sortir ce combustible de notre production d’électricité, je souhaite rappeler qu’entre 1230 et 2004, le charbon a fait vivre des bassins entiers de population.

Le pacte charbonnier, négocié en 1994, avait permis un arrêt progressif de l’extraction houillère. La dernière mine profonde à fermer était celle de La Houve, en Moselle, en 2004. L’accompagnement des territoires et des anciens mineurs avait été la clef de voûte de ce pacte.

Accompagner la sortie du charbon est un enjeu à la fois territorial et social. Dans cette perspective, la présente proposition de loi est porteuse d’espoir pour les salariés de la centrale Émile-Huchet de Saint-Avold, qui est l’une des deux dernières centrales à charbon de France. Avec elle, c’est l’avenir de nombreuses familles et de tout un territoire qui est en jeu.

Si ce texte est porteur d’espoir, c’est parce qu’il est porteur de solutions. Il s’agit de convertir cette centrale à charbon vers un combustible beaucoup moins émetteur en dioxyde de carbone : le biogaz. Par là même, nous renforçons notre sécurité d’approvisionnement en électricité et décarbonons notre bouquet énergétique.

Issue de la chambre haute, la présente proposition de loi est un modèle d’initiative transpartisane. Elle confirme l’attachement du Sénat au dynamisme de nos territoires et témoigne de la culture du dialogue, qui est la marque de fabrique de cette assemblée.

Je salue, en particulier, la mobilisation des sénateurs mosellans Khalifé Khalifé, Christine Herzog, Jean-Marie Mizzon, Catherine Belrhiti et Michaël Weber, ainsi que l’engagement des élus de Moselle et de la région Grand Est. Le Gouvernement soutient pleinement cette initiative, qui s’inscrit dans la stratégie nationale en faveur de la transition énergétique à l’échelle des territoires.

En septembre 2023, le Président de la République avait pris l’engagement de convertir les centrales à charbon françaises afin de réduire nos émissions de dioxyde de carbone et de garantir la sécurité d’approvisionnement électrique de notre pays. Les responsables de la centrale de Saint-Avold ont ainsi présenté un projet de conversion de la centrale au biogaz. De nombreux échanges ont eu lieu depuis lors avec mes services afin de préciser les modalités de cette conversion.

L’état actuel du droit ne permettant pas d’opérer cette transformation, il était indispensable d’agir.

Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Éric Lombard, le président du Sénat, Gérard Larcher, et moi-même avons pris les mesures nécessaires pour que ce texte soit examiné dans les meilleurs délais. Nous y sommes.

Ce texte vise à garantir que les centrales à charbon converties à une autre source d’énergie primaire, moins émettrice, soient éligibles au futur mécanisme de capacité. Parmi les projets concernés, les lauréats seront ceux qui répondent aux besoins de notre pays en matière de sécurité d’approvisionnement électrique. Dès lors, ces projets seront réputés autorisés au sens de l’article L. 311-1 du code de l’énergie.

En accord avec les lignes directrices de la Commission européenne, ce texte doit rester focalisé sur les centrales à charbon, à tourbe et à schiste bitumineux. En l’élargissant à d’autres combustibles fossiles, pour lesquels le coût de conversion serait négligeable, le risque est grand de créer un effet d’aubaine injustifié, qui ferait manquer l’objectif de la proposition de loi : accompagner la défossilisation de notre économie.

Cette solution représente une avancée à double titre : elle allège le cadre administratif sans alourdir le budget de l’État. C’est, je crois, assez rare pour être souligné.

Naturellement, les projets de conversion demeurent soumis au respect de la réglementation européenne et du code de l’environnement. Pour la centrale de Saint-Avold, je sais que les discussions avec les services de l’État sont bien avancées et je puis vous assurer que mes équipes suivent le projet avec beaucoup d’attention.

Les bénéfices de cette conversion seront nets et très significatifs.

D’abord, pour l’emploi : cette conversion représente un investissement de plusieurs dizaines de millions d’euros de la part de GazelEnergie. C’est une excellente nouvelle pour l’avenir de ce site industriel et pour les 500 personnes, sous-traitants compris, dont l’activité est liée à la centrale de Saint-Avold.

Je salue, à ce titre, les mesures prises par GazelEnergie en faveur des salariés dans cette période délicate de transition, en particulier la prolongation des contrats de travail jusqu’au 31 août 2025, à la demande des organisations syndicales.

Les bénéfices sont réels aussi pour notre souveraineté énergétique et pour nos objectifs climatiques. En effet, cette conversion permet de maintenir un avantage qui a son importance, celui de produire de l’électricité dans les périodes de pic de consommation, en complémentarité avec les sources d’énergie renouvelable.

Enfin, cette proposition de loi illustre la nécessité de trouver des solutions adaptées aux enjeux et aux spécificités de chaque territoire. Le principe est le suivant : un territoire, une solution.

Ce principe s’applique, bien sûr, à la centrale de Cordemais, dans l’ouest de la France. Je garde à l’esprit la situation de cette centrale, dont le projet de conversion à la biomasse n’a pu aboutir en raison de coûts extrêmement élevés. Nous sommes donc pleinement mobilisés, avec EDF, pour assurer le reclassement intégral des salariés, notamment en lien avec l’usine Framatome située à proximité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi représente, je crois, un modèle en termes d’écoute du terrain, de démarche transpartisane, de pragmatisme et d’efficacité.

Je suis heureux et fier, au nom du Gouvernement, d’apporter mon plein soutien à ce texte porteur d’espoirs et de solutions pour ces hommes et ces femmes engagés dans le grand chantier de la transition énergétique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier, au nom de mon groupe, l’auteur de la proposition de loi ainsi que le rapporteur pour leur travail : ce texte nous donne l’occasion de débattre du sujet important de la reconversion de nos centrales à charbon.

La transition énergétique demande de l’accompagnement. Il faut une ligne directrice, mais on ne peut bien faire qu’avec les acteurs locaux, les élus et les riverains, afin de créer une dynamique de territoire et, surtout, de l’engagement. Donner les moyens de la transition, c’est à la fois accompagner financièrement et construire une culture du consensus autour de projets et de bénéfices partagés.

Les centrales à charbon en fournissent un parfait contre-exemple. Emmanuel Macron promettait de les fermer dès 2017, avant de renouveler cette promesse en 2022. On aurait pu imaginer que huit ans suffiraient pour assurer une transition en douceur, mais non : aucune anticipation, aucun accompagnement, aucune stratégie.

Disons-le clairement, nous payons aujourd’hui l’impréparation et l’absence de vision du Gouvernement sur l’énergie.

Il reste deux centrales à charbon en France, à Cordemais et à Saint-Avold. Elles représentent environ 1 000 emplois directs et indirects, soit 1 000 salariés qui risquent de se retrouver sur le carreau.

Nous avons rarement autant eu besoin d’investir dans d’autres énergies et de mobiliser les talents pour porter de nouveaux projets. Ces 1 000 salariés sont une partie de la solution, car ils sont ces talents. Toutefois, la conversion ne peut avoir lieu à n’importe quel prix ou à n’importe quel moment.

L’une des solutions avancées est la transition en centrale à gaz. Toutefois, investir dans le gaz sans contreparties quant à l’approvisionnement serait une erreur. Le projet de conversion de Saint-Avold au biogaz est partiel, l’approvisionnement reposant à 40 % sur du gaz fossile et à 60 % sur du biogaz. Nous savons pourtant que nos ressources en biogaz, très limitées, rendent cet engagement presque intenable.

Le risque est que ces centrales tournent très probablement au GNL russe, qui finance Poutine et l’invasion de l’Ukraine, ou au GNL américain, ultra polluant, à l’heure où Trump nous livre une guerre commerciale. Cela n’est pas viable.

En tant qu’écologistes, nous soutenons l’idée de recourir à la biomasse, mais les difficultés d’approvisionnement sont inévitables pour des unités de cette taille. Il faut utiliser la biomasse, mais sans épuiser nos terres, sans importer d’engrais azotés produits par des énergies fossiles, sans altérer la production alimentaire.

Ne répétons pas le fiasco de la centrale Provence 4 de Gardanne : rendement médiocre, étude d’impact bâclée, risque pour les forêts environnantes, annulation de l’autorisation d’exploitation… Pour faire fonctionner cette centrale, nous importons massivement du bois brésilien : déforester l’Amazonie et le Cerrado pour produire de l’électricité à Gardanne, clairement, cela ne va pas !

En outre, l’inclusion en commission des centrales à fioul dans le dispositif constitue pour nous une régression inacceptable et une ligne rouge absolue.

Mes chers collègues, nos marges financières sont plus que jamais contraintes ; il faut donc taper juste. La subvention de 800 millions d’euros que l’État compte débloquer pour maintenir Gardanne pourrait servir à financer du solaire, de l’éolien offshore ou des projets d’une plus grande efficacité énergétique. Je ne parle même pas des dizaines de milliards d’euros investis dans les réacteurs pressurisés européens (EPR), avec une prise de risque maximale, sans aucune garantie.

Il faut accompagner les employés de Cordemais et de Saint-Avold dans la transition de leurs centrales et de leurs sites, mais nous devons faire mieux qu’ailleurs.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires appelle le Gouvernement à mettre en place des plans de transition territoriaux avec les entreprises, les salariés et les élus locaux, pour accompagner en douceur le changement, former les salariés, élaborer des calendriers réalistes et des solutions réellement renouvelables.

La conversion au gaz est un leurre qui ne pourra durer que quelques années si l’on veut respecter les engagements de l’accord de Paris et sortir de notre dépendance énergétique.

Il faut donc construire un plan de plus long terme, centré sur les solutions d’avenir, notamment sur les énergies renouvelables, le stockage ou l’hydrogène vert, ainsi que les salariés du site de Saint-Avold ont commencé à le faire avec le projet Emil’hy. C’est une très bonne chose. L’État doit se porter garant de la viabilité de tels projets et les encourager. C’est là que réside la vraie rationalité économique aujourd’hui, c’est là qu’est la voie vers notre souveraineté énergétique.

Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera majoritairement contre ce texte si l’inclusion des centrales au fioul est maintenue dans le dispositif. Dans le cas contraire, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Franck Montaugé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, il n’y a aucun doute ni sur la pertinence de la présente proposition de loi ni sur la nécessité de la mettre en œuvre le plus rapidement possible.

La conversion au biométhane des moteurs des centrales au charbon contribuera positivement à la transition écologique, en réduisant nos émissions de dioxyde de carbone.

Les projets atteindront l’équilibre économique grâce à la participation des centrales en question au mécanisme de capacité. Par leur dimension sociale, ils permettront de maintenir l’emploi de très nombreux salariés et assureront la vitalité des territoires concernés.

De fait, la proposition de loi prévoit de donner un contenu juridique à des décisions et à des promesses faites au cours des dernières années, notamment par le Président de la République.

Son caractère transpartisan – je salue les sénateurs mosellans qui la soutiennent – nous permettra, je l’espère, de trouver un consensus pour contribuer à l’équilibre du système de production nationale lors des périodes de pointe ou d’hyperpointe de consommation.

Lorsque la centrale en question fonctionnera en période de pointe, son coût marginal de production contribuera à la fixation du prix de gros de l’électricité. La maîtrise des prix du gaz reste donc un sujet majeur. Monsieur le ministre, comment la France s’affranchira-t-elle de l’importation du gaz utilisé dans ces centrales dites marginales, lesquelles dictent les prix de marché du kilowattheure ?

Comme nous l’avons vu dès 2022, en situation de crise géopolitique, et a fortiori lorsque la disponibilité du parc de production est insuffisante, nous subissons de plein fouet l’envolée des prix. Nous ne sommes pas à l’abri de subir de nouveau ce genre de crise.

Quels enseignements le Gouvernement a-t-il tirés de cet épisode ? En 2024, la commission d’enquête sénatoriale portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 n’a obtenu aucune réponse à cette question. Il y va pourtant du niveau des prix, de leur stabilité et de leur visibilité pour toutes les catégories de consommateurs.

Le combustible de Saint-Avold sera constitué à 40 % de méthane et à 60 % de biogaz. Monsieur le ministre, comment, dans ces conditions, définir une trajectoire de diminution de la part du méthane dans le marché de l’électricité et, à terme, assurer sa disparition ?

Dans sa version initiale, ce texte pensé pour assurer la conversion de Saint-Avold visait prioritairement cette centrale. Cette conversion doit rester une priorité.

Je le dis clairement, la modification introduite en commission par le rapporteur au motif que la version initiale du texte visait les combustibles « fossiles » et non uniquement « solides » ne doit pas se traduire par un changement de l’ordre des priorités des conversions à engager. La centrale de Saint-Avold doit être convertie dans les meilleurs délais.

Il ne faut pas non plus empêcher d’autres centrales, sur la base de projets optimisés répondant aux besoins énergétiques et aux critères de décarbonation, d’entreprendre leur conversion. Je pense particulièrement à Cordemais et à Gardanne, qui devraient faire l’objet d’un soutien particulier de la part de l’État.

Au risque de me répéter, rien ne nous garantit d’être définitivement à l’abri d’une envolée des marchés de l’électricité similaire à celle qui a été provoquée par l’agression russe contre l’Ukraine en 2022.

Sous réserve que la reconversion des centrales à charbon demeure la priorité de ce texte, le groupe SER votera en sa faveur.

Pour terminer, monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire à quel point nous trouvons insensé et ahurissant de ne pas soumettre la troisième version de la programmation pluriannuelle de l’énergie au Parlement.

M. Franck Montaugé. Pour le moins, il s’agit là d’un véritable déni de démocratie. Comment est-il possible que l’énergie, pourtant au cœur de la transition écologique, facteur clef de notre souveraineté nationale future, soit ainsi soustraite à la discussion des représentants de la Nation ?

Au cours des dernières années, le Sénat a saisi toutes les occasions et tous les moyens à sa disposition pour aborder la révision de la PPE.

La troisième version que vous en proposez et le limogeage du PDG d’EDF nous conduisent à nous interroger sur la faisabilité des objectifs et les trajectoires proposées. Se pose notamment la question des moyens financiers attribués aux investissements nécessaires pour le développement des filières sur notre sol, dans une perspective de souveraineté.

Les difficultés politiques engendrées par la dissolution de l’Assemblée nationale ne doivent pas servir de prétexte au contournement du Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Christine Herzog et M. Henri Cabanel applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeric Durox.

M. Aymeric Durox. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la raison d’être et le sujet de cette proposition de loi proviennent du fameux cas d’espèce de la centrale à charbon de Saint-Avold, dignement défendue, avec énergie, par mon collègue député Alexandre Loubet ainsi que par l’ensemble du mouvement auquel j’appartiens.

Saint-Avold, c’est tout un symbole des petits calculs politiciens du Président de la République et de la Macronie. En effet, alors que la centrale est fermée en mars 2022, en pleine campagne présidentielle et à quelques jours du premier tour des élections, elle est finalement rouverte à la fin du mois de juin 2022, soit une semaine après le second tour des législatives.

Cette réouverture, dois-je le rappeler, était devenue nécessaire pour faire face aux pénuries d’électricité causées par l’arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim et par les atermoiements de la politique énergétique du président Macron, qui, je vous le rappelle, voulait fermer quatorze réacteurs durant son premier mandat.

Au Rassemblement national, face au lobbyisme « décroissantiste » des écologistes, qui souhaitent ramener la France à l’âge de pierre, nous avons toujours maintenu le cap : développer le nucléaire, l’énergie la plus décarbonée qui soit, pour nous permette de conserver un maximum de souveraineté. En complément, nous sommes conscients de la nécessité d’assurer la conversion des centrales à charbon, et ce pour trois raisons : sauver la centaine d’emplois à Saint-Avold et les centaines d’emplois indirects autour de la centrale ; sécuriser l’approvisionnement électrique de notre pays, ce qui est essentiel pour notre souveraineté ; décarboner notre production d’électricité à l’aune d’une vision écologique responsable.

L’adoption de ce texte est également fortement attendue par les salariés, car le site fermera dès cet été si sa conversion n’est pas assurée.

Nous saluons bien naturellement cette initiative législative transpartisane, même si le Rassemblement national a été bien seul pour défendre Saint-Avold.

M. Aymeric Durox. Toutefois, je tiens à alerter sur l’aberration de la version du texte issu des travaux de la commission, qui menace clairement la faisabilité de la conversion du site et l’avenir des emplois.

Tout d’abord, la rédaction adoptée par la commission favorise le développement du fioul, pourtant écologiquement absurde, alors que le texte doit uniquement se consacrer à l’objectif écologique de la conversion des centrales à charbon.

Rendre les centrales à fioul éligibles aux mêmes dispositifs de conversion que les centrales à charbon revient à menacer de fermeture la centrale de Saint-Avold. Il faut donc exclure les centrales au fioul du mécanisme.

En outre, la version issue des travaux de la commission retarde la conversion en reportant le calendrier à cet été et en alourdissant les procédures. Les salariés de Saint-Avold ne peuvent plus attendre, alors que les dispositions du code de l’environnement permettent déjà de traiter les obstacles.

Enfin, l’article 3, inséré en commission, menace d’empêcher la conversion en intégrant à la procédure une décision de la Commission européenne. Nous le refusons, cette dernière n’est pas légitime dans ce dossier : la France n’a pas besoin de notifier la présente proposition de loi à la Commission, cela constituerait une véritable perte de souveraineté.

Si les sénateurs ne reviennent pas sur ces diverses modifications, ils auront trahi la promesse de favoriser la conversion des centrales à charbon françaises.

Dans tous les cas, comme depuis 2022, les salariés de la centrale à charbon de Saint-Avold savent pouvoir compter sur le Rassemblement national, au Sénat et à l’Assemblée nationale, pour les défendre. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Christine Herzog applaudit également.)

M. Pierre Jean Rochette. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, des années d’atermoiement et de renoncement, des erreurs parfois guidées par des opportunités politiques, des crises menaçant la sécurité des approvisionnements et mettant en question nos choix passés : tout cela montre que nous sommes malheureusement incapables d’anticiper.

Une transition efficace prend du temps, mais il est urgent d’agir pour réduire nos émissions de carbone. Ne manquons toutefois ni de réalisme ni de vision : seul un cap sur le long terme nous permettra de rendre attractives nos filières, de laisser la porte ouverte aux innovations futures et d’avoir un mix énergétique décarboné, permettant un approvisionnement stable.

Cette vision équilibrée doit s’accompagner d’actes, comme ceux que permettrait l’adoption du présent texte. Celui-ci vient corriger certaines erreurs passées. Je tiens à saluer le travail effectué par les auteurs de cette proposition de loi, très majoritairement mosellans, ainsi que par le rapporteur.

Certes, le texte présente un ancrage local indéniable : nous devons sécuriser des centaines d’emplois, plongés dans l’incertitude depuis des années. Parfois, à vouloir aller trop vite, nous nous retrouvons à reculer lors des crises, ainsi que certains exemples européens, pas toujours heureux en la matière, en témoignent. Derrière ces tergiversations, des bassins d’emplois et des régions sont affectés.

Ces conversions auront également des effets sur notre approvisionnement énergétique national. Il y va de notre souveraineté.

Le contexte géopolitique l’a montré, nous devons gagner en autonomie. Or ce n’est pas en procédant à des fermetures sèches de centrales que nous parviendrons à atteindre cet objectif. C’est d’ailleurs le sens du plan de conversion des installations demandé à EDF.

Lors des crises passées, il a été prouvé que mobiliser toutes nos centrales était nécessaire pour répondre aux pointes de consommation. Or la conversion des centrales concernées suppose des investissements importants et une mobilisation de tous. Il convient donc de garantir leur viabilité économique.

Considérer ces centrales comme de nouvelles installations et faciliter leur éligibilité au mécanisme de capacité permet d’encourager les conversions, de se projeter et de sécuriser les investissements.

L’objectif est non pas de faire tourner en continu ces centrales ni de pousser à la création de nouvelles installations, mais bien de faciliter l’éligibilité des centrales converties au mécanisme de capacité pour permettre une stabilité du réseau électrique lors des pointes.

Par ailleurs, le regroupement des procédures permettant d’établir que la désignation de ces centrales par RTE emporte l’attribution de l’autorisation d’exploiter est une simplification bienvenue. La précision du rapporteur concernant l’autorisation environnementale y participe également.

Malgré ces avancées notables, le chemin est encore long. Le vrai défi de demain est technologique, industriel, financier et humain.

Nous devons analyser nos échecs et en tirer les enseignements. La consommation croissante d’électricité, le changement climatique et le contexte géopolitique nous obligent à accroître notre production d’énergie décarbonée. Mettons toutes les chances de notre côté.

La transformation de notre mix énergétique impose de disposer d’énergies renouvelables intermittentes et d’énergies bas-carbone pilotables, puissantes et bien implantées. Toutes ces énergies sont complémentaires pour assurer une production d’énergie continue ainsi qu’un approvisionnement suffisant et régulier, sans affecter durablement notre environnement.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est toujours investi quand il s’agit de soutenir la souveraineté énergétique de la France. Nous soutiendrons ce texte qui permet de gagner en efficacité ; nous le voterons à l’unanimité ou à la majorité, en fonction de l’évolution de nos débats. Nous espérons que l’expérimentation permise sur le site de Saint-Avold pourra être étendue à d’autres territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Christine Herzog et M. Khalifé Khalifé applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue les auteurs, en particulier Khalifé Khalifé, de cette proposition de loi ô combien importante pour notre pays et notre région.

Je préside le groupe d’études Énergie du Sénat depuis près de dix ans. S’il est un sujet sur lequel l’État a louvoyé, c’est bien celui de la fermeture des centrales à charbon.

Dans la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite loi Énergie-Climat, l’État a souhaité fermer ces centrales d’ici à 2022. Rapporteur de la commission lors de l’examen de ce texte, j’avais à l’époque dénoncé l’absence d’étude d’impact autour de cette fermeture et j’avais voulu protéger les sous-traitants ainsi que les salariés en conditionnant notre vote à l’institution d’un fonds d’accompagnement.

Nous avions obtenu gain de cause, puisque le Gouvernement avait créé un tel fonds par ordonnance. Depuis, monsieur le ministre, je défends chaque année lors de la discussion budgétaire un amendement visant à en revaloriser le montant.

Dans la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, l’État a voulu modifier le droit social appliqué aux centrales à charbon. Ici encore, nous avons accompagné ce mouvement sous conditions, en consolidant le droit au reclassement.

Dans la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, l’État a entendu réautoriser le fonctionnement des centrales à charbon, dont il a compris l’intérêt pour assurer notre approvisionnement face à la crise énergétique. Nous avons soutenu sans réserve cette décision.

La présente proposition de loi vise à accompagner les projets de conversion des centrales fossiles et à favoriser leur éligibilité au mécanisme de capacité. Ce texte technique est crucial pour les projets concernés.

Les travaux réalisés en commission ont permis la consolidation juridique du texte. Ils offrent un cadre robuste pour réaliser de tels projets. La direction générale de l’énergie et du climat, Réseau de transport d’électricité et la Commission de régulation de l’énergie y ont d’ailleurs contribué.

Ces travaux n’ont pas modifié le périmètre initial du texte, qui concerne les énergies fossiles. À ce stade, j’y insiste, seule la centrale de Saint-Avold a fait part à l’État et à RTE de son souhait de bénéficier des mesures prévues : elle en aura la primeur. Le projet de conversion vers les huiles végétales hydrotraitées expérimenté à la centrale de Vaires-sur-Marne n’en sera pas exclu.

Ces projets ne sont pas affectés par les délais d’application du texte, qui doivent être les plus courts possible. La proposition de loi modifie le mécanisme de capacité qui, en application de la dernière loi de finances, fait l’objet de négociations européennes en cours.

De plus, la proposition de loi intervient à droit de l’environnement constant, comme il est précisé dans son exposé des motifs et dans le texte issu des travaux de la commission. Il ne s’agit que de références au droit existant.

J’appuie donc sans réserve la consolidation juridique opérée par la commission, lot de tout examen législatif. Elle sécurise la forme, sans rien changer au fond. Gardons en mémoire que la précédente réautorisation des centrales à charbon, mal calibrée, a été partiellement censurée par le Conseil constitutionnel en 2022.

Pour conclure, l’adoption de ce texte technique serait vaine sans une révision de notre programmation énergétique. L’État ayant trop louvoyé, monsieur le ministre, c’est à la représentation nationale de définir notre cap énergétique. Comme de nombreux collègues, je déplore que le Gouvernement envisage de publier par décret la programmation pluriannuelle de l’énergie, sans passer par la loi de programmation pourtant requise depuis la loi Énergie-Climat.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Gremillet. Le Sénat a pu débattre de notre mix énergétique. Nous souhaitons que le Parlement puisse s’emparer des choix stratégiques pour l’énergie de la France de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, du célèbre Germinal d’Émile Zola à la chanson Les Corons de Pierre Bachelet, l’extraction du charbon semble appartenir à une autre époque.

Pourtant, force est de constater que le charbon est toujours un sujet d’actualité. Après avoir eu un rôle fondamental dans le développement industriel de la France au XIXe siècle, le charbon a été pointé du doigt en raison des conditions de travail délétères des mineurs et des risques sanitaires importants qu’il engendrait.

Le charbon a ensuite été reconnu comme étant l’une des énergies les plus émettrices de dioxyde de carbone.

En toute logique, la France a donc décidé de fermer ses mines de charbon. La dernière mine de notre pays a d’ailleurs cessé d’être exploitée en 2004 à Creutzwald, près de la frontière franco-allemande. La fermeture de ces mines n’était toutefois qu’une première étape, puisque notre pays est encore doté de centrales à charbon.

En 2020, quatre centrales à charbon étaient toujours ouvertes en France. Leur fermeture, annoncée en 2022, a été repoussée à 2027 pour les deux dernières d’entre elles : les centrales de Saint-Avold, en Moselle, et de Cordemais, en Loire-Atlantique.

En septembre 2023, le Président de la République Emmanuel Macron avait annoncé lors de la conclusion du Conseil de planification écologique l’ambition de décarboner notre économie et de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Dans son intervention, il avait insisté sur un objectif absolument fondamental pour réussir la décarbonation : la sortie du charbon, au plus tard le 1er janvier 2027.

Il s’agit d’une étape importante pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 et assurer notre souveraineté énergétique fondée sur le nucléaire et les énergies renouvelables.

Conformément aux engagements pris par le Président de la République, il a donc été précisé à l’époque que les centrales à charbon de Saint-Avold et Cordemais seraient converties au biogaz et à la biomasse d’ici à 2027. Mais pour qu’une centrale charbon puisse faire l’objet d’une conversion, encore faut-il lui faciliter la tâche.

Cette proposition de loi a ainsi pour objectif de s’assurer que les installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles converties à une autre source d’énergie primaire pour émettre moins de 550 grammes de dioxyde de carbone par kilowattheure puissent être éligibles au futur mécanisme de capacité européen.

Le texte présente selon moi de nombreux avantages, en matière de respect de nos engagements environnementaux, de renforcement de notre souveraineté énergétique ou encore d’emploi.

Tout d’abord, il répond à une exigence essentielle, celle de respecter nos propres engagements environnementaux, en l’occurrence les accords de Paris, par lesquels la France s’est engagée à réduire significativement ses émissions de gaz à effet de serre. Se séparer d’une énergie fossile telle que le charbon s’avère donc inévitable.

Il s’agit également d’une étape importante pour notre transition énergétique. La transformation de ces installations en unités utilisant des combustibles émettant moins de CO2 contribuera à la diminution de notre empreinte carbone.

Par ailleurs, la fermeture de ces centrales entraînera la réduction de nos importations de charbon et nous permettra de ne plus être dépendants de cette source d’énergie fossile. Face aux tensions internationales et à la crise énergétique européenne survenue ces dernières années, réduire notre dépendance en la matière est décisif pour atteindre notre quête de souveraineté énergétique.

En outre, faciliter la conversion d’une centrale à charbon présente des avantages non négligeables par rapport à la fermeture pure et simple d’un site.

Bien évidemment, je me fais l’écho des arguments de l’auteur de la proposition de loi, qui soulignait en commission les conséquences sociales d’une reconversion. Environ 150 familles sont directement concernées, voire 500 familles si l’on prend en compte les emplois indirects. Dans des territoires déjà traumatisés par la désindustrialisation, lever les freins à la reconversion permettrait donc de préserver des centaines d’emplois sur les sites des anciennes centrales.

En attendant la refonte du mécanisme de capacité électrique européen, qui doit intervenir entre fin 2026 et début 2027, ce texte présente des avantages environnementaux, géostratégiques et sociaux.

Mes chers collègues, nos débats en commission ont permis d’enrichir le texte. Nous avons notamment précisé que la proposition de loi ne s’appliquerait qu’aux seules centrales existantes produisant de l’électricité à partir de combustibles fossiles.

Compte tenu des objectifs et des dispositions de cette proposition de loi, le groupe RDPI votera en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Marie Mizzon applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Philippe Grosvalet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres » : que ce trait d’esprit d’Alexis de Tocqueville illumine nos travaux.

Près de cent cinquante ans après l’apparition des premières centrales thermiques françaises et environ vingt ans après la fermeture de la dernière mine de charbon, nous discutons du devenir des deux dernières centrales à charbon françaises : Saint-Avold et Cordemais.

Reconnaissons à la décision d’arrêter la production d’électricité par la combustion de charbon son caractère précurseur, quand cette dernière représentait encore 86 % de l’énergie produite en Pologne en 2012 et 43 % de l’énergie produite aux États-Unis ou en Allemagne.

Aussi faut-il associer à cette démarche exemplaire la réussite de la conversion de nos deux dernières centrales nationales. Cette réussite suppose trois conditions : la progressivité nécessaire à cette transition ; la garantie de notre autonomie énergétique et de nos approvisionnements en cas de pic de consommation, a fortiori en cette période de hautes tensions internationales ; le respect des salariés et le maintien de leurs compétences rares d’énergéticiens.

À ces conditions, nous ne pouvions que saluer la déclaration du Président de la République qui, le 23 septembre 2023, affirmait que Cordemais et Saint-Avold allaient être reconverties en centrales à biomasse.

Pour mon territoire et pour les 500 salariés travaillant à la centrale de Cordemais, auxquels il faut ajouter près de 800 emplois indirects, cette déclaration apportait une issue positive à une mobilisation de dix ans, sur l’initiative des représentants syndicaux, soutenus par les collectivités locales et l’ensemble des élus tant locaux que nationaux.

Dix ans de travail pour élaborer un projet de territoire commun, le négocier, le tester et convaincre. Dix ans pour soutenir la conversion de la plus grande centrale à charbon de France encore en activité autour du projet Ecocombust.

Imaginez alors, monsieur le ministre, notre colère et notre révolte contre la direction d’EDF, qui a annoncé l’été dernier, profitant de la vacance gouvernementale, sa décision de ne pas donner suite au projet de Cordemais, comme je l’ai rappelé ici même lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement du 16 octobre dernier. Une entreprise dont l’actionnaire unique est l’État ne peut dicter ainsi sa loi au politique – et je ne ferai évidemment aucun commentaire sur l’actualité concernant la tête du groupe EDF…

Par conséquent, nous ne pouvons que saluer la démarche transpartisane de notre collègue Khalifé Khalifé et des coauteurs de ce texte, ainsi que le travail accompli par le rapporteur pour élargir l’objet initial de la proposition de loi. De même, je ne peux que rendre hommage à l’esprit de sagesse de mes collègues de la commission des affaires économiques et de sa présidente, ayant conduit à l’insertion de l’article 4, rédigé sur l’initiative de notre collègue Karine Daniel.

Cet article est crucial pour conforter la transition énergétique et garantir la sécurité de l’approvisionnement de l’ensemble de nos territoires. Il impose à EDF de présenter un plan de conversion des centrales à charbon en lieux de production d’énergie à bas carbone d’ici à la fin du mois de décembre 2026. Le groupe du RDSE aborde donc très favorablement les débats sur le texte de la commission.

Nous nous inquiétons en revanche de l’amendement gouvernemental portant sur l’article 4, qui tend à vider intégralement cet article de sa substance. Il aurait été plus courageux de votre part, monsieur le ministre, de proposer sa suppression pure et simple…

Au nom de notre souveraineté énergétique, de nos objectifs de transition et de la préservation de l’emploi dans nos territoires, mais aussi parce que l’on ne revient pas sur la parole présidentielle, nous serons particulièrement vigilants à la défense de cet article, lors de nos débats et tout au long du parcours parlementaire de cette proposition de loi.

Je l’ai indiqué le 16 octobre dernier et je le répète aujourd’hui : la transition énergétique ne se fera pas contre les territoires et leurs habitants. Saint-Avold et Cordemais doivent rester des lieux de production d’électricité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Christine Herzog applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Khalifé Khalifé applaudit également.)

M. Jean-Marie Mizzon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi suscite, sur la forme comme sur le fond, la plus grande perplexité au sein du groupe UC, tant elle paraît, à maints égards, contraire à son objectif initial – cela dit, les débats ne font que commencer…

À l’origine, toutes les conditions étaient réunies pour que soit adoptée la proposition de loi déposée le 11 février dernier et rédigée par notre collègue Khalifé Khalifé. Il allait de soi que seule la conversion des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pouvait permettre une transition écologique socialement plus juste.

Autre qualité, et non des moindres – le fait est suffisamment rare pour être souligné –, de cette proposition de loi : elle était cosignée par les cinq sénateurs mosellans. Enfin, transpartisane et consensuelle, elle répondait aux attentes manifestées sur toutes les travées de la Haute Assemblée.

La discussion générale de ce jour s’annonçait donc parfaitement sereine. Mais le sera-t-elle réellement ?

En incluant le fioul dans le périmètre du texte, la commission des affaires économiques fait le choix, que je regrette, de relancer massivement l’utilisation de l’un des pires combustibles fossiles du point de vue des émissions de dioxyde de carbone. Surtout, cette décision, difficilement compréhensible, condamne la conversion de la centrale de Saint-Avold et, avec elle, l’opportunité d’une véritable transition énergétique locale.

Comment, dans ces conditions, comprendre cette proposition de loi, dont la substance a tant changé de nature ? Souvenez-vous, ce texte avait initialement pour objet d’accompagner la conversion des dernières centrales à charbon de France, l’une située en Loire-Atlantique, à Cordemais, l’autre – la centrale Émile-Huchet – à Saint-Avold, en Moselle.

La fermeture de ces centrales était prévue à l’origine pour 2026, puis elle a été repoussée à 2027, afin de servir d’appoint à la production d’électricité en raison de la guerre d’Ukraine et de la faible production nucléaire.

C’est en 2023 que le Président de la République a annoncé la conversion de la centrale de Saint-Avold en une centrale de biomasse, pour un coût relativement modeste : entre 500 millions et 600 millions d’euros pour une centrale biomasse à 100 % et quelque 100 millions d’euros pour une centrale biomasse à 50 %. Cette annonce présidentielle avait suscité beaucoup d’espoirs en Moselle.

Je tiens à dire, pour la parfaite information de tous et sans vouloir être trop technique, que les centrales thermiques classiques fonctionnent avec l’énergie produite par une chaudière à vapeur alimentée indifféremment par du charbon, du gaz naturel, du fioul, ou encore de la biomasse, combustible peu coûteux et disponible en grande quantité puisqu’il valorise des déchets végétaux, essentiellement du bois ou des produits issus du bois, mais aussi des végétaux agricoles.

In fine, alors que le scénario d’un passage à une centrale au gaz, estimé à 110 millions d’euros en 2024, s’est révélé peu rentable, c’est lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement du Sénat, le 12 février 2025, que le ministre de l’économie, répondant à ma collègue Catherine Belrhiti, qui l’interrogeait sur l’avenir du site de Saint-Avold, a confirmé que la conversion de la centrale Émile-Huchet en centrale à biomasse, trop complexe, serait remplacée par une conversion vers le gaz naturel ou le biogaz. Et le ministre d’expliquer que les « textes en vigueur ne permett[ai]ent pas d’opérer cette transformation à droit constant », ce qui impliquait la nécessité de légiférer.

D’où le dépôt, par mon excellent collègue Khalifé Khalifé, de cette proposition de loi, comprenant initialement deux articles, visant à reconnaître les centrales à charbon converties parmi les nouvelles installations de production d’électricité et à s’assurer de l’éligibilité de celles-ci au mécanisme de capacité de production d’électricité, prévu par le code de l’énergie.

Or la décision de la commission des affaires économiques, qui dénature la proposition initiale de Khalifé Khalifé, condamne irrémédiablement la conversion de la centrale de Saint-Avold. En effet, les financements censés aider cette centrale, qui pourrait devenir un modèle d’innovation et de décarbonation, à sortir du charbon seront captés par des infrastructures au fioul, qui ne fonctionnent presque plus, ne nécessitent aucun investissement et ne menacent aucun emploi ou presque.

Cette proposition de loi, telle qu’elle avait été rédigée par Khalifé Khalifé, était nécessaire, parce qu’elle répondait pleinement aux attentes actuelles des différentes parties prenantes, lesquelles se sont senties rassurées quant au maintien d’une activité créant de nombreux emplois, et qu’elle préservait le tissu économique des territoires concernés, comme le bassin de l’est mosellan.

Mes chers collègues, le maintien en activité d’une centrale permet de conserver le personnel sur place, de conforter le réseau des sous-traitants et de ne pas engendrer de séisme socio-économique sur le territoire. C’est un important facteur de stabilité, apprécié des élus, des décideurs et, surtout, de la population locale.

Saborder la conversion de la centrale de Saint-Avold et son modèle résilient constituerait une faute politique. Priver des travailleurs d’un avenir durable dans une filière énergétique d’avenir serait une erreur, non seulement économique, mais également écologique, dont nous serions tous comptables et que les générations futures ne nous pardonneraient pas. Enfin, sur le plan humain, quel gâchis ! quelle faillite !

Ainsi, vous l’aurez compris, je ne voterai pas ce texte si nos amendements ne sont pas adoptés. Mais j’y crois…

Enfin, je tiens à saluer la présence, en tribune, du président du conseil départemental, Patrick Weiten, accompagné de plusieurs maires et de presque tous les salariés du secteur, afin de vous faire comprendre, mes chers collègues, l’insigne importance du sujet. Ils comptent sur votre appui ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin et M. Michaël Weber applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi de mon voisin de Moselle, Khalifé Khalifé, et cosignée par l’ensemble des sénateurs de ce département, est intéressante, car son examen nous permet d’aborder la question de la sécurité de notre réseau électrique, de la gestion des pointes de consommation et de la conversion des centrales de production d’électricité à partir d’énergies fossiles, dans le cadre du mécanisme de capacité.

Par l’adoption de la loi Énergie-Climat du 8 novembre 2019, nous avons acté l’arrêt des quatre centrales à charbon, tout en conservant la possibilité d’y recourir ponctuellement, lors des épisodes de pointe de consommation, jusqu’en 2027. Oui, le changement climatique et les engagements de la France nous imposent de réduire, puis de supprimer, l’utilisation du charbon. Cela n’est pas remis en cause.

Toutefois, nous avions imposé des conditions : d’abord, qu’il n’y ait aucune casse sociale et que la question des salariés et de leur reclassement soit une priorité ; ensuite, qu’aucune fermeture ne soit décidée sans apporter de garantie pour le réseau en matière de gestion des pointes ; enfin, que les projets de conversion soient soutenus financièrement. Pour l’instant, il faut avouer que la gestion gouvernementale de ces fermetures laisse à désirer…

Notre mix énergétique repose toujours sur une contradiction : l’augmentation nécessaire de la part des énergies renouvelables, par définition intermittentes, exige la présence de capacités pilotables, permettant de garantir l’équilibre du réseau. Or, dans son modèle actuel, le nucléaire ne peut répondre aux variations rapides de la demande sans engendrer des coûts d’exploitation accrus et des risques en matière de sûreté. En ce sens, les projets de conversion des deux dernières centrales à charbon, celles de Cordemais et de Saint-Avold, relèvent non d’un fétichisme industriel, mais d’une nécessité dictée par les conditions objectives du réseau électrique.

C’est pourquoi nous partageons l’objectif consistant à permettre à la centrale de Saint-Avold de bénéficier du mécanisme de capacité et, ainsi, de protéger un bassin de près de 500 emplois directs et indirects, de même que les savoir-faire industriels qui y sont associés.

Toutefois, nous vous alertons, mes chers collègues, sur le fait que le site de Saint-Avold est détenu par une entreprise privée, propriété du milliardaire Kretinsky, dont on connaît les pratiques industrielles, à savoir toucher l’argent public puis liquider les outils de production.

C’est d’autant plus gênant que, d’une part, on nous propose une conversion au gaz, alors qu’il nous faut réduire notre dépendance à cette énergie fossile, et que, d’autre part, le Gouvernement a décidé d’enterrer le projet de conversion proposé par les salariés et le syndicat affilié à la CGT de la centrale de Cordemais, propriété d’EDF.

En effet, Ecocombust est un projet de conversion industrielle, alliant préservation de l’emploi, développement de la filière et transition énergétique et écologique. C’est un projet vertueux, qui répond aux besoins de production électrique et aux enjeux climatiques. Il est donc inconcevable que l’État laisse EDF enterrer ce projet de conversion à la biomasse sans même présenter un projet de substitution permettant de garantir que la centrale de Cordemais restera un site de production d’énergie.

La pérennité de ces deux centrales répond avant tout à la nécessité de garder un filet de sécurité, même si, selon Réseau de transport d’électricité, en maintenant ou en convertissant ces centrales, « la couverture de leurs coûts d’exploitation [ne paraît] pas garantie ». Si ce n’était pas le cas, l’autre solution serait d’avoir recours à des importations d’électricité pour couvrir les pointes, à un prix bien plus élevé et avec un bilan carbone plus important.

Enfin, au vu des débats de la commission des affaires économiques et de l’extension de l’accès au mécanisme de capacité à toutes les centrales thermiques, nous réitérons notre exigence d’un projet de loi consacré au futur de notre système électrique,…

Mme Silvana Silvani. … en lieu et place du décret de programmation pluriannuel de l’énergie, qui prive le Parlement de sa compétence. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Christine Herzog applaudit également.)

M. Michaël Weber. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’histoire de la Moselle est intimement liée à ses industries et à ses mines. Le charbon y a façonné aussi durablement l’économie et le paysage industriel qu’il a coûté cher à ses habitants. Les friches minières, la pollution des nappes, les mouvements de terrain, les maladies respiratoires ou encore l’exposition à l’amiante constituent le lourd tribut payé par les mineurs et les Mosellans pour la reconstruction économique de la France.

Au siècle de l’écologie, nous ne pouvons pas simplement tourner la page de cette histoire comme celle d’un passé honteux et laisser dépérir ces régions industrielles sans proposer d’option de substitution viable et durable. Il nous faut résoudre cette équation complexe : en finir avec le charbon et les fossiles tout en garantissant la production d’électricité en période de tension et en préservant les emplois et le tissu industriel.

Nous ne pouvons pas abandonner à leur sort les salariés, les ouvriers, les anciennes « gueules noires » et leurs ayants droit, car nous avons collectivement une dette envers eux. L’État a une responsabilité ; il a le devoir d’accompagner la transition de ces territoires, qui sont prêts à accueillir l’industrie verte de demain et la relocalisation de la production.

Il ne s’agit pas pour autant de donner un blanc-seing aux industriels, en se contentant d’engagements qui ne seraient pas respectés. La conversion de la centrale à charbon de Saint-Avold est un enjeu social et écologique de taille et un pari risqué.

Le projet de conversion en une centrale au gaz avec incorporation de 60 % de biométhane permettrait, a priori, de réduire considérablement les émissions carbone du site. Tout dépendra de la provenance et du mode de production des 40 % restants, constitués de gaz fossile.

Nous veillerons particulièrement à ce que la centrale ne reste pas indéfiniment dans une phase transitoire, tournant uniquement aux énergies fossiles. L’effort pour la transition énergétique doit être partagé et il revient aussi à l’exploitant de tenir ses engagements.

La réussite de ce projet de conversion est un enjeu économique et environnemental, mais surtout social. Des centaines d’emplois directs et indirects dépendent de ce site et sont aujourd’hui menacés. La confusion la plus totale quant à l’avenir de ces emplois est aggravée par les atermoiements sans fin des uns et des autres. L’État doit s’assurer que les salariés ne soient pas de nouveau victimes de mauvais choix industriels ou d’un manque d’anticipation.

La conversion des dernières centrales à charbon correspond à un engagement présidentiel. Tout nouveau retard risquerait de compromettre définitivement la viabilité du projet et vouerait celui-ci à l’échec.

Nous voterons donc, de manière transpartisane, je l’espère, pour la suppression des dispositions susceptibles d’engendrer des délais supplémentaires. Nous soutiendrons également les amendements visant à éviter la mise en concurrence des centrales au fioul avec les centrales au charbon. La conversion de ces dernières, qui sont les plus polluantes, est plus complexe à mettre en œuvre et doit rester prioritaire. Tel est l’objet de cette proposition de loi.

La décision de conversion des dernières centrales à charbon est un symbole important ; nous y adhérons, mais tout reste à faire et la bonne mise en œuvre de ce projet est cruciale si l’on ne veut pas discréditer notre ambition pour le climat et pour la justice sociale. Nous resterons donc attentifs au respect de l’équilibre social, environnemental et économique de cette transition, à Émile-Huchet comme ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Christine Herzog et MM. Olivier Bitz et Khalifé Khalifé applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Belrhiti. Madame la présidente, mes chers collègues, c’est avec une certaine gravité et un profond sens des responsabilités que je prends la parole devant vous. Nous sommes réunis cet après-midi pour évoquer un enjeu fondamental, qui engage à la fois notre souveraineté énergétique, la transition écologique de notre pays et l’avenir de centaines de salariés : la conversion de la centrale Émile-Huchet de Saint-Avold.

Rappelons les faits.

La loi Énergie-Climat, promulguée en 2019, a acté la fermeture des centrales à charbon à l’horizon de 2022, marquant une avancée décisive dans notre lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Toutefois, la crise énergétique provoquée par le conflit en Ukraine a bouleversé nos certitudes et a imposé des ajustements nécessaires. Dès 2022, la centrale de Saint-Avold a ainsi vu son activité se prolonger, ce qui soulignait son rôle dans la sécurité de notre approvisionnement électrique.

Cette prolongation, initialement prévue pour durer jusqu’en avril 2025, devait s’accompagner d’une transition vers des énergies plus propres. Le 24 septembre 2023, le Président de la République a confirmé l’engagement du Gouvernement en faveur de la conversion des anciennes centrales à charbon. Cette annonce, qui s’inscrivait dans le cadre de la planification écologique, portait en elle une promesse, celle d’un avenir viable pour Saint-Avold et ses salariés.

Cette promesse s’est hélas! perdue derrière des lenteurs administratives. Alors que les salariés et les élus locaux attendaient un plan de transition concret, l’incertitude s’est installée, plongeant des centaines de familles dans l’angoisse et mettant en péril l’avenir du site.

Face à cet état de fait, soutenue par plus de 470 maires, conseillers départementaux et régionaux, et parlementaires mosellans – je salue d’ailleurs à mon tour le président du conseil départemental de Moselle, M. Patrick Weiten –, j’ai de nouveau interpellé le Président de la République le 3 juin 2024, afin qu’il tienne ses engagements. Saint-Avold peut et doit devenir le symbole d’une transition énergétique réussie.

Des projets concrets ont été présentés – production d’hydrogène, de gaz ou de biogaz – et les initiatives de l’exploitant du site témoignent d’une volonté d’adaptation et d’investissements massifs. Plus de 100 millions d’euros sont sur le point d’être investis pour garantir l’avenir de la centrale à une condition : que l’État tienne parole et autorise la conversion du site.

J’ai donc déposé un amendement à ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025 et j’ai participé à la rédaction d’une proposition de loi visant à simplifier les démarches pour accélérer la conversion des centrales à charbon. Cette proposition de loi a ensuite été reprise dans un texte transpartisan porté par les cinq sénateurs de Moselle – je remercie mes quatre collègues de ce département –, c’est celui que nous examinons aujourd’hui.

Les objectifs du présent texte sont clairs : lever les blocages administratifs, garantir des procédures transparentes et offrir un cadre stable aux industriels et aux territoires concernés. Il est de notre responsabilité, en tant que législateurs, de faire en sorte que cette transition énergétique soit juste socialement et ne sacrifie ni les travailleurs ni la souveraineté énergétique de notre pays.

En réponse à ma question d’actualité au Gouvernement du 12 février dernier, M. le ministre Lombard a confirmé le soutien du Gouvernement à la conversion de la centrale Émile-Huchet au gaz et au biogaz. Cette déclaration a apporté un répit bienvenu aux salariés et a permis de prolonger les contrats pendants, en attendant le vote de cette proposition de loi.

Il faut inscrire cette transition dans la durée, avec des décisions claires et irréversibles. En tant que législateurs, nous devons mettre fin à cette incertitude. Ce combat me semble important, ce texte ne doit pas être compromis. Il ne faudrait pas alourdir les procédures administratives et introduire des délais incompatibles avec la réalité économique et industrielle du projet. Le Sénat doit accompagner les acteurs territoriaux en simplifiant les démarches administratives.

Autre point essentiel de cette réforme : le périmètre d’application du texte. L’ajout du fioul parmi les sources d’énergie ne correspond pas à la parole donnée par le chef de l’État, qui avait promis la conversion des centrales à charbon. L’objectif de cette conversion est bien d’assurer une transition énergétique durable, non de favoriser des énergies fossiles encore plus polluantes.

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser ces modifications entraver un projet qui répond à des impératifs sociaux et d’urgence énergétique. Les pertes engendrées par les allongements de délai sont considérables – ils seraient d’environ 40 millions d’euros par an. Quel signal enverrions-nous à l’ensemble des employés et à notre industrie si nous laissions les lourdeurs administratives mettre fin à un projet pourtant viable et essentiel ? Nous devons faire preuve de pragmatisme.

Je vous en conjure, mes chers collègues, prenons la mesure de notre responsabilité ! Vous avez entre vos mains l’avenir de centaines de travailleurs et de leurs familles, qui manifestent aujourd’hui avec les élus mosellans devant le Sénat,…

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Catherine Belrhiti. … mais aussi le sort d’un projet qui s’inscrit pleinement dans les enjeux de notre époque. Revenons à l’esprit initial du texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui nous donne l’occasion de consacrer la priorité numéro un dans le domaine de la transition énergétique : poursuivre autant que possible la décarbonation ou la « défossilisation », voire, plus précisément encore, bien que nous soyons tenus à une certaine neutralité technologique, la « décharbonation » de notre mix énergétique.

Au milieu d’un concert international parfois assourdissant, la France affiche un nombre ambitieux d’objectifs, tous plus difficiles à atteindre les uns que les autres, à des horizons dont on peine à déterminer s’ils procèdent d’une frénésie de marketing politicien ou d’une course à l’échalote avec nos pays voisins. Il est de bon ton, en effet, d’annoncer, à l’issue de conférences internationales, des conclusions fracassantes, marquées par le décalage entre les capacités réelles des États et les spéculations théoriques des négociateurs…

Revenons à notre sujet. Chacun sait à quel point la France supporte largement la comparaison internationale en la matière, puisque les émissions natives de CO2 en France sont inférieures à six tonnes par habitant, contre quinze tonnes en Amérique du Nord ou en Chine. Du côté de l’énergie électrique, nous sommes même d’excellents élèves, puisque l’électricité produite sur notre sol est décarbonée à 95 %, principalement grâce à notre parc nucléaire.

Vouloir « laver plus blanc que blanc » comporte le risque d’atteindre les confins de l’ubuesque, mais concédons que nos vertus réelles n’empêchent pas les efforts. Que reste-t-il donc à faire ? À mon sens, deux chantiers d’ampleurs très inégales.

Idéalement, il reste d’abord à électrifier nos usages, c’est-à-dire à basculer des consommations énergétiques d’origine fossile vers la consommation de l’électricité vertueuse qui caractérise notre pays.

Sur le papier, le schéma est assez simple, puisque c’est bien la part fossile du mix énergétique qui pèse encore lourdement dans notre bilan carbone. Dans la réalité, néanmoins, la chose n’est pas si aisée, parce que cela exige des investissements importants et que les industries manquent cruellement de visibilité tarifaire et politique.

À l’évidence, l’instabilité récente dont souffre la tête du groupe EDF n’est pas de nature à les rassurer ; je ne suis pas marin, mais j’ai rarement vu un navire changer de capitaine au moment où il était indispensable de tenir la barre et de maintenir un cap. Cela dit, chacun le sait, les voies de la Macronie sont impénétrables, pas moins aujourd’hui qu’en juin dernier, lorsqu’il a été décidé de dissoudre l’Assemblée nationale.

Deuxième chantier, plus marginal, restant à conduire : envisager la conversion des dernières centrales à charbon de production d’électricité – tel est l’objet de la présente proposition de loi –, dont les émissions de dioxyde de carbone sont évidemment largement supérieures au seuil annoncé de 550 grammes de CO2 par kilowattheure.

Ces centrales ont joué un rôle capital au moment de la crise énergétique de 2022, en nous évitant un blackout redouté. À cet égard, je veux saluer les employés des sites, qui ont été rappelés en catastrophe pour reprendre une production en déshérence. Je pense tout particulièrement à la centrale de Saint-Avold, en Moselle, largement évoquée, mais aussi à celle de Cordemais en Loire-Atlantique, dans ma région.

La solution la plus simple pour permettre cette transition consiste à installer des centrales au gaz. Le gain du point de vue des émissions de gaz à effet de serre serait très modeste, mais cela aurait l’avantage de la flexibilité.

Un autre choix peut toutefois émerger, celui des petits réacteurs modulaires (SMR), et je suis surpris qu’il ne fasse pas partie de notre débat aujourd’hui. Certes, la maturité des technologies de rupture n’est pas pour demain matin, mais l’échelle des gains serait sans commune mesure et ce choix serait source tant de vertus écologiques que de « pilotabilité ».

En tout état de cause, le mécanisme de capacité doit pouvoir s’appliquer à toute forme de production inférieure au seuil de 550 grammes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement
Article 2

Article 1er

I. – (Supprimé)

II. (nouveau) – Après l’article L. 311-1 du code de l’énergie, il est inséré un article L. 311-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-1-1. – Les installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles existantes au 1er juillet 2025 émettant plus de 550 grammes de dioxyde de carbone par kilowattheure converties pour atteindre un niveau inférieur à ce seuil sont considérées comme de nouvelles installations de production.

« Pour l’application de l’article L. 316-9, la date de début de la production commerciale de la nouvelle installation de production est réputée être la date à laquelle elle est autorisée en application de l’article L. 311-5 ou réputée autorisée en application de l’article L. 311-6-1. »

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 10 rectifié bis est présenté par M. Khalifé et Mme Herzog.

L’amendement n° 17 rectifié ter est présenté par MM. Mizzon, Menonville et Cambier, Mme Sollogoub, MM. Duffourg et Canévet, Mme Perrot, MM. Kern et Vanlerenberghe et Mme Vérien.

L’amendement n° 24 est présenté par Mme Belrhiti.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

à partir de combustibles fossiles

par les mots :

utilisant du charbon, de la tourbe ou du schiste bitumineux

La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié bis.

M. Khalifé Khalifé. Cet amendement rédactionnel a pour objet de préciser le périmètre d’application de l’article 1er, en remplaçant les termes « à partir de combustibles fossiles » par l’expression « utilisant du charbon, de la tourbe ou du schiste bitumineux », et ce afin que nous nous mettions en conformité avec la réglementation européenne en matière de conversion des centrales à charbon.

En effet, l’impact environnemental du fioul n’est pas le même que celui des autres combustibles que sont le charbon, la tourbe ou le schiste bitumineux, le procédé de transformation de celui-ci étant tout à fait différent.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié ter.

M. Jean-Marie Mizzon. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour présenter l’amendement n° 24.

Mme Catherine Belrhiti. Défendu également.

Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par MM. Montaugé et M. Weber, Mmes Daniel et Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Pla, Michau, Mérillou, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bonnefoy et Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Gillé, Jacquin, Uzenat, Ouizille, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

combustibles

insérer le mot :

solides

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Afin de respecter l’objet initial de cette proposition de loi, il est selon nous indispensable de préciser le périmètre d’application de cet article. Par cet amendement, nous cherchons ainsi à éviter toute mise en concurrence entre centrales au fioul et centrales à charbon pour ce qui est de leur conversion.

Pour rappel, en septembre 2023, le Président de la République s’était engagé à soutenir la reconversion des deux dernières centrales à charbon, celles de Cordemais et de Saint-Avold, d’ici à 2027. Comme cela a été indiqué lors de la discussion générale, des centaines d’emplois, directs et indirects, sont concernés, raison pour laquelle seules les centrales à charbon en conversion vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone devraient relever du dispositif de ce texte.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Chauvet, rapporteur. Après analyse, nous avons quelques doutes sur la solidité juridique des amendements identiques nos 10 rectifié bis, 17 rectifié ter et 24. Pour nous rassurer, monsieur le ministre, et pour donner toutes les chances à cette proposition de loi d’aboutir, nous souhaitons avoir l’éclairage du Gouvernement.

Par ailleurs, si je ne me trompe pas, monsieur Montaugé, vous avez voté en commission contre un amendement similaire à l’amendement que vous présentez aujourd’hui. Conformément au vote intervenu la semaine dernière – l’amendement a alors été rejeté –, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement n° 6 ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Ferracci, ministre. J’émets un avis favorable sur les amendements identiques nos 10 rectifié bis, 17 rectifié ter et 24, qui tendent à réduire au charbon, à la tourbe et au schiste bitumineux le champ des dispositions de la présente proposition de loi.

La restriction du périmètre de l’article à ces combustibles présente l’avantage d’éviter un certain nombre d’effets d’aubaine, comme celui qui consisterait à favoriser l’éligibilité d’autres installations faisant l’objet d’un projet de conversion au mécanisme de capacité.

Cette restriction permettrait aussi de rendre le texte compatible avec les textes européens, lesquels font explicitement mention du charbon, de la tourbe et du schiste bitumineux. Avec une telle rédaction, il nous semble que nous pouvons espérer une issue heureuse aux discussions autour de la notification de ce mécanisme de capacité à la Commission européenne. Il nous semble également que ces amendements permettent de concilier de la meilleure manière possible le ciblage du mécanisme de capacité et l’exigence de sécurité juridique.

À l’inverse, le dispositif de l’amendement n° 6 est sans doute trop large. C’est pourquoi le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il y sera défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. J’ai besoin d’une explication, monsieur le ministre. Je ne suis pas un spécialiste, mais je crois comprendre – si j’ai tort, vous me corrigerez – que le schiste bitumineux est une roche poreuse qui contient du pétrole. J’y insiste, quand on parle de schiste bitumineux, on parle aussi de pétrole !

Par conséquent, je ne vois pas en quoi l’inclusion de centrales utilisant de telles roches dans le périmètre d’application de la proposition de loi exclurait les centrales fonctionnant au fioul du mécanisme de capacité. Pourriez-vous expliciter ce point, monsieur le ministre ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de me donner l’occasion de préciser la réflexion qui a prévalu au moment où le Gouvernement a arrêté sa position.

Nous devons faire en sorte que le mécanisme de capacité passe, si je puis le dire ainsi, sous les fourches caudines du droit européen et de la Commission européenne au regard du régime des aides d’État. C’est notre point de départ.

De fait, le principe de neutralité technologique est au cœur de la doctrine de la Commission. Ce principe signifie concrètement qu’en matière de source de production énergétique il ne faut pas préférer une solution à une autre. C’est la raison pour laquelle il nous a semblé souhaitable d’élargir à la tourbe et au schiste bitumineux le bénéfice du mécanisme de capacité introduit par la présente proposition de loi.

Nous avons essayé, dans cette logique, de trouver un équilibre qui consiste, selon nous, à exclure certains combustibles comme le fioul et à en intégrer d’autres, qui sont reconnus par la Commission comme pouvant être éligibles au mécanisme de capacité et aux aides d’État qui lui sont associées.

Le dispositif des amendements nos 10 rectifié bis, 17 rectifié ter et 24 est l’aboutissement des discussions qui ont eu lieu ces derniers jours et ces dernières semaines autour de ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Mizzon. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Néanmoins, je ne l’ai pas totalement comprise… (Rires sur des travées du groupe Les Républicains.) Il faut parfois faire preuve de pédagogie : le schiste bitumineux contient-il, oui ou non, du pétrole ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre. Monsieur le sénateur, je vais devoir reprendre le fil du raisonnement que je viens de tenir.

Notre objectif est de trouver un point d’équilibre : il faut avant tout garantir la sécurité juridique de cette proposition de loi en n’allant pas, par nos restrictions, à rebours du principe de neutralité technologique qui guide le droit européen en matière d’aides d’État.

C’est la raison pour laquelle il convient certes d’élargir le périmètre d’application de l’article 1er, mais sans pour autant l’étendre à une gamme trop vaste de combustibles. Avec la rédaction qui est proposée dans les amendements identiques nos 10 rectifié bis, 17 rectifié ter et 24, je pense que nous avons trouvé cet équilibre, car nous éliminons les effets d’aubaine qui pourraient résulter d’une application trop large de la proposition de loi et, surtout, du mécanisme de capacité.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je remercie notre rapporteur d’avoir demandé son avis au Gouvernement.

En effet, monsieur le ministre, votre propos est clair. Vous nous indiquez une marche à suivre et contribuez à proposer une réponse forte pour la conversion de la centrale de Saint-Avold. Le chemin était pourtant tortueux ! Pour ma part, je vous fais confiance et soutiendrai ces trois amendements identiques (Mme Catherine Belrhiti applaudit.) : ils apportent une précision utile, de nature à clarifier l’avenir de cette centrale et à lui donner des perspectives de long terme.

Je vous remercie également, monsieur le rapporteur, pour les échanges que nous avons eus en commission. Grâce aux auteurs de ces amendements, nous en venons à l’essentiel, ce dont je me félicite.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour explication de vote.

Mme Catherine Belrhiti. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre : elle est parfaitement claire et a été très bien comprise de tous.

Je tiens aussi à préciser qu’il n’existe pas de production électrique à partir de schiste bitumineux ou de tourbe en France. Il fallait cependant faire le nécessaire pour que le dispositif de l’article 1er évolue de sorte à être conforme au droit communautaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Lors de la discussion générale, nous avons tous entendu l’appel des élus du territoire mosellan ; ensuite, le ministre nous a expliqué qu’il était nécessaire de rendre cette proposition de loi compatible avec les textes européens. Chacun voit bien qu’il nous faut faire de la dentelle !

Je remercie à la fois les auteurs de ces trois amendements, le rapporteur pour son ouverture d’esprit, et le Gouvernement pour ses réponses. En adoptant les amendements nos 10 rectifié bis, 17 rectifié ter et 24, nous permettrons à l’État de tenir parole dans le respect, encore une fois, des règles européennes, ce qui est très important pour sécuriser juridiquement le dispositif. C’est la raison pour laquelle je voterai résolument en leur faveur.

Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.

M. Michaël Weber. En clair, M. le ministre indique, en particulier aux élus de Moselle, qui sont directement concernés, qu’il souhaite une garantie : il ne veut pas, d’une façon ou d’une autre, inclure le fioul dans le périmètre de cette proposition de loi. Nous avons bien compris qu’il s’agit de faire de la dentelle…

À la suite d’une discussion en commission à ce sujet, nous avons déposé l’amendement n° 6, défendu par mon collègue Franck Montaugé, dont le dispositif fait référence aux combustibles « solides ». Vous-même, monsieur le rapporteur, conveniez que cette rédaction semblait mieux répondre aux enjeux soulevés, parce qu’elle respectait la réglementation européenne en la matière.

Au-delà des explications que nous vous demandons, nous souhaitons nous aussi une garantie : que le texte ne soit pas une porte ouverte aux centrales au fioul.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Nous avons bien évidemment entendu votre argumentaire, monsieur le ministre ; je fais également miens les propos de notre collègue Daniel Gremillet : nous vous faisons confiance concernant cette aide à la fermeture de centrales électriques utilisant du charbon, de la tourbe ou du schiste bitumineux.

Toutefois, il me semble – je peux me tromper, il faut le vérifier ! – que le schiste bitumineux contient du fioul. (M. Daniel Gremillet acquiesce.) C’est du reste ce qui figure sur Wikipédia. De plus, l’aide à la fermeture de centrales électriques s’applique aux États membres affichant un très faible revenu par habitant et à ceux qui ne disposent pas de mécanisme de capacité.

Je le répète, monsieur le ministre : nous vous faisons confiance. Nous entendons bien que vous voulez garantir le respect du principe de neutralité technologique. Aussi, pour éviter qu’une seule technologie soit mise en avant, vous souhaitez l’élargissement du dispositif aux centrales utilisant de la tourbe ou du schiste bitumineux. J’espère qu’une telle évolution ne fragilisera pas la proposition de loi, une fois qu’elle sera votée.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre. Pour clore le débat sur ces amendements, je tiens à ce que nous nous projetions vers le futur : quelle sera la suite donnée à cette proposition de loi ?

En vérité, nous allons limiter le dispositif aux centrales existantes. Cette précision est très importante et fait écho à la remarque de Mme Belrhiti : force est de constater qu’aucune centrale, à l’heure actuelle, ne fonctionne à partir de schiste bitumineux.

Cela devrait vous rassurer collectivement, notamment vous, madame Estrosi Sassone. L’équilibre que nous recherchons entre sécurité juridique et éligibilité des centrales à charbon au mécanisme de capacité est relativement robuste.

Mme la présidente. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.

Mme Antoinette Guhl. Mes chers collègues, le plus simple serait, me semble-t-il, de voter à la fois les trois amendements identiques que soutient M. le ministre et celui de M. Montaugé. Nous serions ainsi certains de l’exclusion des centrales au fioul.

Mme la présidente. Ma chère collègue, je précise que, si les trois premiers amendements en discussion commune sont adoptés, l’amendement de M. Montaugé n’aura plus d’objet.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 rectifié bis, 17 rectifié ter et 24.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 6 n’a plus d’objet.

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 12 rectifié bis est présenté par M. Khalifé et Mme Herzog.

L’amendement n° 19 rectifié ter est présenté par MM. Mizzon, Menonville et Cambier, Mme Sollogoub, MM. Duffourg et Canévet, Mme Perrot, MM. Kern et Vanlerenberghe et Mme Vérien.

L’amendement n° 26 est présenté par Mme Belrhiti.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Remplacer le mot :

juillet

par le mot :

janvier

La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié bis.

M. Khalifé Khalifé. Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit que seules les centrales fonctionnant au 1er juillet 2025 entreront dans le champ d’application du dispositif. Nous proposons de remplacer cette date par celle du 1er janvier 2025 pour que les dispositions se déploient le plus rapidement possible.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié ter.

M. Jean-Marie Mizzon. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour présenter l’amendement n° 26.

Mme Catherine Belrhiti. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Chauvet, rapporteur. Ces trois amendements ont pour objet d’apprécier l’existence des installations, non pas au 1er juillet, mais au 1er janvier de la présente année. Ils me semblent de nature à consolider les travaux de notre commission et conviennent tant aux acteurs administratifs chargés de l’application du mécanisme de capacité qu’aux acteurs économiques potentiellement éligibles à ce dispositif.

La commission émet donc un avis favorable sur les amendements identiques nos 12 rectifié bis, 19 rectifié ter et 26.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 rectifié bis, 19 rectifié ter et 26.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement
Article 3 (nouveau)

Article 2

I. – (Supprimé)

II. (nouveau) – Après l’article L. 311-6 du code de l’énergie, il est inséré un article L. 311-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-6-1. – Pour les installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles existantes au 1er juillet 2025 émettant plus de 550 grammes de dioxyde de carbone par kilowattheure converties pour atteindre un niveau inférieur à ce seuil, la désignation en tant que lauréates des procédures concurrentielles prévues à l’article L. 316-6 emporte l’attribution de l’autorisation prévue à l’article L. 311-5.

« Toutefois, cette désignation n’emporte pas l’attribution de l’autorisation prévue à l’article L. 181-1 du code de l’environnement, dans les cas prévus au 10° du I de l’article L. 181-2 du même code ou au 8° du II de l’article L. 181-3 dudit code. »

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 11 rectifié bis est présenté par M. Khalifé et Mme Herzog.

L’amendement n° 18 rectifié ter est présenté par MM. Mizzon, Menonville et Cambier, Mme Sollogoub, MM. Duffourg et Canévet, Mme Perrot, MM. Kern et Vanlerenberghe et Mme Vérien.

L’amendement n° 25 est présenté par Mme Belrhiti.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

à partir de combustibles fossiles

par les mots :

utilisant du charbon, de la tourbe ou du schiste bitumineux

La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié bis.

M. Khalifé Khalifé. Comme mon amendement n° 10 rectifié bis, mais cette fois-ci à l’article 2, le présent amendement vise à remplacer les termes « combustibles fossiles » par ceux de « charbon », « tourbe » et « schiste bitumineux ».

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié ter.

M. Jean-Marie Mizzon. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour présenter l’amendement n° 25.

Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par MM. Montaugé et M. Weber, Mmes Daniel et Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Stanzione, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Devinaz, Fagnen, Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

combustibles

insérer le mot :

solides

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Il est également défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Chauvet, rapporteur. Concernant les amendements identiques nos 11 rectifié bis, 18 rectifié ter et 25, j’ai déjà fait part de mes doutes et de mes réserves. Je sollicite donc à nouveau l’avis du Gouvernement.

La commission demande par ailleurs le retrait de l’amendement n° 7 ; à défaut, elle y sera défavorable. Je précise qu’un amendement analogue à celui-ci a déjà été rejeté en commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Ferracci, ministre. Le débat est exactement le même que celui que nous avons eu il y a quelques instants : le Gouvernement émet donc un avis favorable sur les amendements identiques nos 11 rectifié bis, 18 rectifié ter et 25 ; il demande en revanche le retrait de l’amendement n° 7 ; à défaut, il y sera défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 rectifié bis, 18 rectifié ter et 25.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 7 n’a plus d’objet.

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 13 rectifié bis est présenté par M. Khalifé et Mme Herzog.

L’amendement n° 20 rectifié ter est présenté par MM. Mizzon, Menonville et Cambier, Mme Sollogoub, MM. Duffourg et Canévet, Mme Perrot, MM. Kern et Vanlerenberghe et Mme Vérien.

L’amendement n° 27 est présenté par Mme Belrhiti.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Remplacer le mot :

juillet

par le mot :

janvier

La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié bis.

M. Khalifé Khalifé. Cet amendement se justifie par son texte même.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 20 rectifié ter.

M. Jean-Marie Mizzon. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour présenter l’amendement n° 27.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Chauvet, rapporteur. Je suis favorable à ces trois amendements identiques pour les raisons qui ont déjà été évoquées précédemment.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 rectifié bis, 20 rectifié ter et 27.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les quatre premiers sont identiques.

L’amendement n° 8 est présenté par MM. Montaugé et M. Weber, Mmes Daniel et Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Stanzione, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Devinaz, Fagnen, Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 14 rectifié bis est présenté par M. Khalifé et Mme Herzog.

L’amendement n° 21 rectifié ter est présenté par MM. Mizzon, Menonville et Cambier, Mme Sollogoub, MM. Duffourg et Canévet, Mme Perrot, MM. Kern et Vanlerenberghe et Mme Vérien.

L’amendement n° 28 est présenté par Mme Belrhiti.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Michaël Weber, pour présenter l’amendement n° 8.

M. Michaël Weber. À l’article 2, dans sa rédaction issue des travaux de la commission, le rapporteur a souhaité préciser que le remplacement de l’autorisation d’exploiter par l’éligibilité des centrales au mécanisme de capacité laisse inchangée l’autorisation environnementale, qui peut valoir autorisation d’exploiter dans certains cas.

Cette disposition a suscité de vives inquiétudes en Moselle, car elle risque notamment de retarder de plus d’un an la conversion de la centrale de Saint-Avold, compromettant ainsi la réussite du projet.

Des discussions sont déjà en cours avec la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) et le préfet, au travers d’une procédure dite de « porter à connaissance », dans la mesure où les modifications techniques de l’installation sont « non substantielles ». Les travaux et modifications ont ainsi fait l’objet d’un dépôt d’étude, analysée par la Dreal de la Moselle.

Puisqu’il n’y a a priori pas la moindre conséquence sur l’environnement ni risque industriel lié à l’exploitation existante – la modification de l’installation n’étant pas, j’y insiste, substantielle –, la disposition introduite par le rapporteur à l’alinéa 4 du présent article nous semble superfétatoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié bis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié ter.

M. Jean-Marie Mizzon. Il est défendu également.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour présenter l’amendement n° 28.

Mme la présidente. L’amendement n° 31, présenté par M. Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

, dans les cas prévus au 10° du I de l’article L. 181-2 du même code ou au 8° du II de l’article L. 181-3 dudit code

par les mots :

lorsque cette autorisation tient lieu de l’autorisation prévue à l’article L. 311-5 du code de l’énergie

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Cet amendement tend à simplifier la référence à l’autorisation environnementale figurant dans le code de l’environnement, en conservant le regroupement entre autorisation d’exploiter, prévue par le code de l’énergie, et sélection au mécanisme de capacité, instituée par la loi de finances pour 2025.

Cet amendement a pour objet de consolider sans retarder. Il traduit la volonté transpartisane qui est la nôtre d’une mise en œuvre rapide et certaine de la reconversion de Saint-Avold. Nous souhaitons – la présidente de la commission l’a indiqué tout à l’heure – qu’il n’y ait pas de mauvaise surprise.

Le présent amendement vise donc uniquement l’application réglementaire du dispositif, conformément au droit communautaire, et sans retarder – j’y insiste – les procédures.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Chauvet, rapporteur. Ne pas prévoir d’articulation avec le code de l’environnement fragiliserait juridiquement le texte.

Rappelons que le Conseil constitutionnel dans sa décision sur la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a émis des réserves d’interprétation sur le fondement de la Charte de l’environnement. D’ailleurs, l’exposé des motifs de la présente proposition de loi indique déjà que le texte intervient à droit de l’environnement constant.

En outre, il ressort de l’audition et de la contribution de la direction générale de l’énergie et du climat que l’autorisation environnementale n’est pas supprimée.

Aussi, la commission demande le retrait des quatre amendements identiques nos 8, 14 rectifié bis, 21 rectifié ter et 28 ; à défaut, elle y sera défavorable.

En revanche, elle est favorable à l’amendement n° 31, par lequel il est proposé une rédaction plus simple, de nature à rassurer les acteurs économiques concernés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Ferracci, ministre. La disposition introduite en commission nous semble utile. Aussi, la suppression de l’alinéa 4 n’est, selon nous, pas opportune. Le Gouvernement demande le retrait des amendements identiques nos 8, 14 rectifié bis, 21 rectifié ter et 28 ; à défaut, l’avis serait défavorable.

En revanche, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 31, lequel permet de clarifier plus encore la rédaction.

Mme la présidente. Monsieur Weber, l’amendement n° 8 est-il maintenu ?

M. Michaël Weber. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 8 est retiré.

Monsieur Khalifé, l’amendement n° 14 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Khalifé Khalifé. Non, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié bis est retiré.

Monsieur Mizzon, l’amendement n° 21 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Jean-Marie Mizzon. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié ter est retiré.

Madame Belrhiti, l’amendement n° 28 est-il maintenu ?

Mme Catherine Belrhiti. Il est retiré, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 28 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 31.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement
Article 4 (nouveau) (début)

Article 3 (nouveau)

Les articles 1er et 2 de la présente loi entrent en vigueur à la date fixée par décret en application du IV de l’article 19 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025. La condition de notification prévue au même IV leur est applicable.

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 9 est présenté par MM. Montaugé et M. Weber, Mmes Daniel et Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Stanzione, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Devinaz, Fagnen, Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 15 rectifié bis est présenté par M. Khalifé et Mme Herzog.

L’amendement n° 22 rectifié ter est présenté par MM. Mizzon, Menonville et Cambier, Mme Sollogoub, MM. Duffourg et Canévet, Mme Perrot, MM. Kern et Vanlerenberghe et Mme Vérien.

L’amendement n° 29 est présenté par Mme Belrhiti.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michaël Weber, pour présenter l’amendement n° 9.

M. Michaël Weber. En commission, le rapporteur a souhaité introduire un nouvel article relatif à la notification du mécanisme de capacité à la Commission européenne au titre du régime des aides d’État.

Par cet amendement, nous souhaitons préciser que le dispositif prévu ne s’appliquerait qu’à compter de la réponse de la Commission sur la compatibilité de celui-ci avec le droit de l’Union européenne.

Nous entendons les arguments du rapporteur selon lesquels l’article 3 ne constituerait en réalité qu’une coordination avec le droit existant et n’impliquerait pas de délai supplémentaire susceptible de freiner les projets de reconversion des centrales. Néanmoins, le mécanisme de capacité fait déjà l’objet d’une notification à la Commission et rien dans la conversion des centrales ne modifie le dispositif général. En effet, la conversion, notifiée comme technologiquement neutre, est bien éligible à ce dernier.

La référence ou le simple renvoi à l’article 19 de la loi de finances pour 2025 serait sans doute utile, puisqu’il est fait mention, dans cette proposition de loi, d’articles qui n’existent pas encore dans le code de l’énergie. Toutefois, dans les faits, l’article 3 est anxiogène pour les territoires concernés : il pourrait être contre-productif en retardant de plusieurs mois la conversion de la centrale de Saint-Avold, ce qui aurait pour effet de compromettre la viabilité du projet et conduirait inévitablement à son échec.

Nous souhaiterions être complètement rassurés à cet égard.

Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié bis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié ter.

M. Jean-Marie Mizzon. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour présenter l’amendement n° 29.

Mme Catherine Belrhiti. Défendu également.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Chauvet, rapporteur. L’article 3 détermine les modalités d’application des dispositions prévues aux articles 1 et 2. Les omettre fragiliserait juridiquement le texte, qui établirait alors des renvois à des articles n’existant pas encore en droit, à savoir les articles L. 316-6 et L. 316-9 du code de l’énergie. J’ajoute que cela ouvrirait la voie à un contentieux européen au titre des aides d’État.

Dans son audition et sa contribution, la direction générale de l’énergie et du climat a rappelé l’existence de négociations en cours avec la Commission européenne. De plus, elle a précisé qu’il serait préférable que la proposition de loi entre en vigueur en même temps que le nouveau mécanisme de capacité. Cette précision a également été considérée comme pertinente par Réseau de transport d’électricité (RTE).

Aussi, la commission demande le retrait de ces quatre amendements identiques ; à défaut, elle y sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9, 15 rectifié bis, 22 rectifié ter et 29.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 16 rectifié bis est présenté par M. Khalifé et Mme Herzog.

L’amendement n° 23 rectifié ter est présenté par MM. Mizzon, Menonville et Cambier, Mme Sollogoub, MM. Duffourg et Canévet, Mme Perrot, MM. Kern et Vanlerenberghe et Mme Vérien.

L’amendement n° 30 est présenté par Mme Belrhiti.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

1° Première phrase

Remplacer les mots :

les articles 1er et 2

par les mots :

Le deuxième alinéa de l’article 1er et l’article 2

2° Seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié bis.

M. Khalifé Khalifé. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié ter.

M. Jean-Marie Mizzon. Le cadre général des appels d’offres du mécanisme de capacité a d’ores et déjà été voté dans le cadre de la loi du 14 février 2025 de finances pour 2025.

La mise en place de ce dispositif est soumise à une notification de la Commission européenne en application de l’article 21 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l’électricité. En effet, il est prévu au travers de ce mécanisme de capacité le déploiement d’un régime d’aides, dont l’octroi est fondé sur des critères qui seront objectifs, transparents et non discriminatoires.

La notification de ce nouveau régime d’aides est prévue à l’article 19 de la dernière loi de finances. Aussi, il nous paraît superfétatoire de préciser que la condition de notification prévue dans cette même loi de finances est applicable aux articles 1 et 2 du présent texte. L’entrée en vigueur du premier alinéa de l’article 1er est en outre sans lien direct avec le mécanisme de capacité et indépendante de la notification du mécanisme de capacité à la Commission européenne au titre du régime d’aides d’État.

Il est souvent question dans cet hémicycle de l’impérieux besoin de simplification du droit, auquel nous sommes tous sensibles. J’observe cependant que, lorsqu’on entre dans le détail, nous sommes souvent bien en peine de donner une traduction concrète à cette préoccupation.

Je n’ai pas été convaincu par les avis émis par M. le rapporteur et par M. le ministre sur nos amendements de suppression. En quoi les dispositions existantes ne suffiraient-elles pas à se passer d’une nouvelle notification ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour présenter l’amendement n° 30.

Mme Catherine Belrhiti. Il est défendu.

Mme la présidente. L’amendement n° 32, présenté par M. Gremillet, est ainsi libellé :

1° Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, et selon les mêmes conditions que celles prévues au même IV

2° Seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Cet amendement a pour objet de simplifier la référence à l’entrée en vigueur du mécanisme de capacité.

Pour rappel, dans le cadre des travaux préparatoires conduits par notre commission des affaires économiques, le Gouvernement avait donné l’indication suivante : « La loi de finances prévoit que les évolutions du mécanisme de capacité entrent en vigueur à une date fixée par décret et n’intervenant pas plus de six mois après l’approbation du dispositif par la Commission. Il serait en effet préférable que cette proposition de loi entre en vigueur à la même date que les évolutions du mécanisme de capacité, c’est-à-dire à la date prévue par décret, d’autant plus que cette proposition de loi renvoie à des articles qui ne seront créés qu’à cette date-là. »

Il s’agit, par la mesure de simplification que je propose, de garantir la conformité de la proposition de loi à ce qui est prévu par ailleurs pour le mécanisme de capacité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Chauvet, rapporteur. J’ai déjà mentionné la nécessité de conserver cette référence, qui garantit une bonne articulation de la proposition de loi avec la loi de finances pour 2025 et, au-delà, avec la législation européenne sur les aides d’État.

La modification rédactionnelle proposée par les auteurs des amendements nos 16 rectifié bis, 23 rectifié ter et 30 ne peut être retenue, car elle ne permettrait une pleine coordination juridique qu’avec l’article 2, qui porte sur le regroupement des procédures, et non avec l’article 1er, qui concerne l’éligibilité au mécanisme.

À l’inverse, l’ajustement rédactionnel envisagé par M. Gremillet à l’amendement n° 32 garantirait une complète coordination juridique, tant avec l’article 1er qu’avec l’article 2, la rédaction proposée étant en outre plus compacte, à même de lever les inquiétudes des acteurs économiques concernés.

Je demande donc le retrait des amendements identiques nos 16 rectifié bis, 23 rectifié ter et 30 ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable. J’émets par ailleurs un avis favorable sur l’amendement n° 32.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Khalifé Khalifé. Je retire mon amendement, madame la présidente !

M. Jean-Marie Mizzon. Je retire également le mien !

Mme Catherine Belrhiti. Et moi de même, madame la présidente !

Mme la présidente. Les amendements nos 16 rectifié bis, 23 rectifié ter et 30 sont retirés.

Je mets aux voix l’amendement n° 32.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3 (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement
Article 4 (nouveau) (fin)

Article 4 (nouveau)

Après l’article L. 311-1 du code de l’énergie, il est inséré un article L. 311-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-1-2. – Au plus tard le 31 décembre 2026, les entreprises dont l’État est actionnaire à plus de 50 % et exploitant des installations de production d’électricité à partir du charbon présentent un plan de conversion de ces installations vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone, pour atteindre un niveau d’émission inférieur au seuil de 550 grammes de dioxyde de carbone par kilowattheure. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Daniel, sur l’article.

Mme Karine Daniel. Je remercie nos collègues de Moselle d’avoir déposé cette proposition de loi : son examen nous permet de discuter de la conversion des centrales à charbon qui sont encore en activité sur notre territoire, et singulièrement de la centrale de Cordemais. Mes collègues de Loire-Atlantique et moi-même souscrivons à tous les arguments qui ont été précédemment avancés quant à la nécessité de conserver des outils de production d’électricité mobilisables à titre ponctuel pour satisfaire des besoins de pointe. Vous en avez besoin à l’est du pays, mes chers collègues ; nous en avons besoin à l’ouest.

Avec cet article 4, issu, comme l’ensemble de la proposition de loi, d’un travail transpartisan, nous invitons EDF à présenter, pour la centrale à charbon de Cordemais, un plan de conversion de l’installation vers une production pilotable et facilement mobilisable à court terme. L’objet d’un tel plan serait de conserver à ce site sa vocation de production d’électricité, Cordemais étant au cœur de dispositifs de distribution d’énergie essentiels pour la Basse-Loire et pour l’ouest de la France en général.

Mme la présidente. L’amendement n° 33, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Remplacer les mots :

un plan

par les mots :

une évaluation technique et économique des solutions

2° Compléter cet alinéa par les mots :

ou le cas échéant, des solutions de reconversion industrielle du site de l’installation

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre. Madame la sénatrice Daniel, avec cet article 4, introduit en commission sur votre initiative, vous avez témoigné de votre intérêt pour la conversion de la centrale de Cordemais.

Nous partageons l’idée qu’il faut toujours envisager toutes les options. Néanmoins, fixer l’obligation pour EDF de formuler un plan de conversion, c’est au fond lui imposer de prendre l’engagement suivant : cette conversion non seulement est possible, mais sera réalisée. Or un tel engagement est difficile à tenir en l’absence d’une évaluation préalable – évaluation technique et économique – des différentes options de conversion.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons préciser qu’il faut un préalable à l’établissement d’un plan de conversion ; cela vaut d’ailleurs pour cette centrale comme pour toutes les installations de ce type. Ce préalable consiste précisément dans la réalisation par l’exploitant d’une évaluation technico-économique des différentes solutions de conversion possibles, tendant à vérifier que celles-ci sont faisables sur le plan technique et compatibles avec l’objectif d’atteinte d’un équilibre économique.

Cette évaluation pourrait tout aussi bien inclure, lorsque cela est pertinent – ce sont les circonstances et la spécificité des cas d’espèce qui en décident –, une étude des scénarios de reconversion industrielle du site, en l’occurrence celui de Cordemais.

La décision qui a été prise a fait l’objet, ces derniers mois, d’une très grande attention de la part du Gouvernement, qui s’attache en particulier à la question du reclassement des salariés concernés, le projet d’usine Framatome ayant à cet égard un rôle essentiel à jouer sur le bassin d’emploi.

Du reste, avec la rédaction que nous proposons, l’idée d’une évaluation, sans laquelle il nous semble difficile d’exiger d’EDF un engagement aussi lourd, est tout à fait compatible avec la perspective d’une conversion du site.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Chauvet, rapporteur. En commission, nous avons adopté un amendement, présenté par nos collègues Karine Daniel, Philippe Grosvalet, Fabien Gay et Ronan Dantec, portant création d’un article 4. Cet amendement visait à ce que le groupe EDF présente, pour sa centrale à charbon de Cordemais, un plan de conversion vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone.

J’ai soutenu cet amendement en émettant un avis favorable. Il s’agit en effet de donner au groupe EDF l’occasion d’indiquer ses intentions de manière plus précise et plus détaillée quant au devenir de cette centrale à charbon. Je rappelle qu’EDF a annoncé sa volonté d’arrêter cette centrale d’ici à 2027, la conversion vers les pellets ou le gaz ayant été étudiée puis écartée pour des raisons technico-économiques.

L’amendement n° 33 du Gouvernement tend à préciser l’obligation ainsi appliquée au groupe EDF, en visant une évaluation plutôt qu’un plan, ainsi qu’à ajouter à la mention de la conversion énergétique celle des solutions de reconversion industrielle du site. J’y souscris, car son adoption permettrait de rallier le Gouvernement à l’article 4, et donc d’obtenir le maintien de cet article dans le texte final.

Je m’en remets donc à la sagesse de notre assemblée sur l’amendement n° 33.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. L’amendement du Gouvernement annule tout simplement celui que nous avons fait adopter en commission : ce que vous proposez, monsieur le ministre, c’est le maintien de l’existant et l’effacement du travail transpartisan effectué avant la séance publique. Mon impression est d’ailleurs qu’en échangeant avec vous c’est bien à EDF que je m’adresse, vu la façon dont l’État, dans les circonstances actuelles, dirige directement le groupe.

Vous êtes en train de dire qu’il faut une évaluation technique pour qu’il y ait un plan. Soit : vous enfoncez une porte ouverte ! On n’imagine pas un plan de conversion sans évaluation technique… Simplement, au lieu de proposer un plan précédé d’une évaluation technique, vous plaidez pour une évaluation à la place du plan ! Et vous rouvrez grand la porte au projet actuel, qui est d’y faire fabriquer des tuyaux, ce qui ne correspond absolument en rien à la destination du site.

Cet amendement n’est pas sage du tout : il efface totalement l’amendement précédent. Si l’on veut réussir la transition, il est important, comme à Saint-Avold, de donner de véritables perspectives aux salariés, en l’occurrence ceux d’EDF et de ses sous-traitants.

Il est évident que les grands sites de ce type, qui sont par définition extrêmement bien reliés au réseau par l’infrastructure des lignes à haute tension, ont vocation à devenir, demain, les grands lieux de stockage d’électricité, d’autant qu’en l’espèce le plus grand parc éolien en mer du pays se trouve à proximité immédiate.

Voici ce que nous demandons à l’article 4 : que la destination énergétique du site soit expressément consacrée. Or vous, monsieur le ministre, vous proposez clairement, par votre amendement, de supprimer cette destination énergétique pour revenir à la situation antérieure. Comme vous et comme mes collègues sénateurs de Loire-Atlantique, je participe au comité de pilotage de la reconversion de la centrale de Cordemais : vous savez bien l’opposition du territoire à la proposition qui est actuellement celle d’EDF et du Gouvernement.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Dantec.

M. Ronan Dantec. M. le rapporteur ayant choisi de s’en remettre à la sagesse du Sénat, je vous invite, mes chers collègues, à ne pas voter cet amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.

M. Philippe Grosvalet. Je veux commencer par redire notre soutien à la transformation de Saint-Avold.

Cela étant dit, parlons-nous très franchement, comme toujours, monsieur le ministre : quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage – j’ai déjà utilisé cette expression. Lisant la presse, j’ai cru comprendre que l’État, en tant qu’actionnaire à 100 %, avait récemment réaffirmé toute son autorité sur EDF. J’avais dit à votre collègue ministre de la transition écologique tout le mal que je pensais de l’annonce qu’elle avait faite publiquement sans même rencontrer les organisations syndicales : elle était venue sur mon territoire pour annoncer la fermeture de la centrale !

Monsieur le rapporteur, je voudrais comprendre comment, de l’amendement transpartisan voté à l’unanimité en commission la semaine dernière, on est passé à la position qui est la vôtre aujourd’hui. La disposition sur laquelle nous nous étions mis d’accord en commission témoignait de notre refus du « deux poids, deux mesures » dans ce pays : d’un côté, à Saint-Avold, on soutiendrait le projet de conversion émanant d’un groupe dont le propriétaire est un milliardaire étranger ; de l’autre, à Cordemais, l’État, actionnaire unique d’un grand producteur d’électricité, se priverait d’une énergie d’appoint indispensable, comme l’a expliqué notre collègue tout à l’heure, pour répondre aux besoins de pointe qui sont ceux de l’ouest du pays.

C’est une question de sécurité, monsieur le ministre ! Je vous demande de revoir votre position. La France a réellement besoin de ces deux centrales, qui sont chacune engagées dans un projet intelligent. Est-ce parce que ce sont les syndicats qui ont eu cette merveilleuse idée et que les polytechniciens qui sont à la tête d’EDF l’ont refusée que le groupe n’en a jamais voulu, malgré toutes les évaluations, et ce y compris – nous en avons la conviction – en faussant les chiffres ?

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Philippe Grosvalet. Vos prédécesseurs s’étaient engagés à faire réaliser des études complémentaires, c’est chose faite : il n’est nul besoin de revenir sur l’amendement adopté en commission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Daniel, pour explication de vote.

Mme Karine Daniel. À mon tour d’expliquer notre position.

Monsieur le ministre, vous nous dites, de manière quelque peu contradictoire, qu’il faut procéder à des évaluations, quand par ailleurs nous entendons que les études techniques et économiques qui s’imposaient ont évidemment été faites.

Le marché de l’électricité, on le sait, évolue en fonction du contexte : une étude réalisée à l’instant t ne vaut plus à l’instant t+10.

À vous entendre, le site de Cordemais n’est qu’une emprise foncière : sa vocation serait d’accueillir une installation industrielle, quelle qu’elle soit, y compris de celles qui peuvent être implantées partout ailleurs. Voilà le fond du sujet !

Nous considérons, nous, que les emplois concernés, qui sont des emplois de production, doivent rester des emplois de production d’électricité !

J’ajoute que des inquiétudes se font jour concernant l’implantation à Cordemais d’un site industriel dans le domaine du soudage, s’agissant d’un bassin d’emploi, celui de la Basse-Loire et de la Loire-Atlantique, où le marché des soudeurs est déjà en extrême tension, compte tenu de la présence des Chantiers de l’Atlantique et d’Airbus. La concrétisation de ce projet viendrait fragiliser toute une filière et tout un secteur d’emploi industriel.

Comme l’ont dit mes collègues, c’est le parallélisme des formes que nous défendons : nous souhaitons réaffirmer pour l’ouest une ambition énergétique analogue à celle que le Gouvernement consacre à l’est.

Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.

M. Michaël Weber. Cela a été dit, deux centrales sont concernées : les deux dernières centrales à charbon qui sont encore en activité dans notre pays.

Au-delà de la question territoriale, tous les arguments que nous avons développés tout à l’heure à propos du site de Saint-Avold sont aussi valables pour celui de Cordemais. Je ne vois pas pourquoi – au nom de quels arguments nouveaux – on s’efforcerait d’accompagner la conversion du premier tout en refusant cette possibilité au second. Nous avons pourtant besoin d’énergie, de part et d’autre, dans les mêmes conditions.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez parlé de Framatome et de la reconversion des salariés. Mais, on le sait, les métiers dont il est question ne sont pas du tout les mêmes. Chaque entreprise a ses savoir-faire et de nombreux emplois sont concernés, en Loire-Atlantique plus encore qu’en Moselle. Il me semble que, de ce point de vue, les garanties nécessaires ne sont pas réunies pour ce qui est de l’impact social du projet que vous mettez en avant aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit, je demande que les mêmes causes produisent les mêmes effets et qu’en conséquence nous votions contre cet amendement et pour le maintien de la rédaction actuelle de l’article 4.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre. Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de nourrir ainsi, par vos interventions, le débat sur ce sujet.

Monsieur le sénateur Grosvalet, donner à voir les différentes options disponibles, tant sur le plan technique que sur le plan économique, à l’ensemble des parties prenantes, en faisant à cet égard toute la transparence, ce n’est pas accuser son chien d’être victime de la rage afin de mieux s’en débarrasser ! Ce travail peut être fait, me semble-t-il, en toute bonne foi.

Madame la sénatrice Daniel, vous venez de le dire, les conditions économiques changent, les conditions techniques aussi. Autrement dit, les conditions qui ont présidé à la décision annoncée concernant la centrale de Cordemais peuvent changer. C’est la raison pour laquelle l’établissement d’un diagnostic partagé sur les différentes options possibles nous paraît la meilleure solution.

Si d’aventure on laissait figurer dans le texte qu’un plan de conversion doit être proposé par EDF, cela signifierait, très concrètement, que l’on préempterait l’existence de solutions techniquement et économiquement viables. Or je ne saurais préempter l’existence de telles solutions ! Certains parmi vous ont peut-être des informations dont je ne dispose pas, mais ma conviction est que nous avons besoin d’une étude des différents scénarios envisageables.

Imposer la réalisation d’un plan de conversion, j’y insiste, c’est préempter le fait que des solutions existent qui soient économiquement et techniquement viables. Or pareille préemption de l’analyse ne me semble pas opportune.

Je maintiens donc évidemment cet amendement, étant entendu que la démarche du Gouvernement n’est en rien dilatoire. Loin de nous l’idée d’éviter que l’opérateur, et plus généralement la puissance publique, soit mis devant ses responsabilités : il s’agit de documenter les choses, en toute transparence.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 33.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.

Mme Antoinette Guhl. Mosellane d’origine, ayant grandi à Hayange, non loin de Florange, fille de sidérurgiste, je sais – et puis en témoigner – combien la désindustrialisation de la Moselle et la fermeture de ses mines, puis de ses hauts-fourneaux, ont blessé – meurtri – ses habitants, toutes ces familles laissées sur le carreau.

La France a poursuivi son développement sans qu’aucune solution acceptable de réindustrialisation ni même aucun projet économique nouveau apparaisse en réponse à ces fermetures d’usine. Cela a engendré un fort sentiment de relégation. Bien sûr, je pense à la centaine d’hommes et de femmes que j’ai pu rencontrer lors de mon passage à la centrale de Saint-Avold.

L’écologiste que je suis sait que le gaz produit inefficacement de l’électricité. Mais je forme le vœu que l’hydrogène vert, le stockage et la production de chaleur pérennisent l’emploi des salariés, actuels et futurs, de la centrale. Mon espoir d’écologiste est également que, très vite, nous venions à bout de toute forme d’énergie fossile.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je me félicite du chemin que nous avons tracé, et je veux en remercier à nouveau notre rapporteur ainsi que la présidente de la commission des affaires économiques.

En ce domaine, depuis 2019 – je le dis en réponse à des propos qui ont été tenus lors de la discussion générale –, nous avons fait preuve de courage : le Sénat a toujours été au rendez-vous. Lorsqu’il a été décidé, parce que nous voulions que la France soit exemplaire, d’arrêter l’utilisation du charbon pour la production d’électricité, nous avons d’emblée dit trois choses.

Premièrement, monsieur le ministre, je le répète, nous avons besoin d’une vision énergétique pour notre pays. Nous en avons débattu au mois d’octobre 2024, en examinant la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, et le Sénat attend que ce débat se poursuive à l’Assemblée nationale. Le sujet que nous avons évoqué aujourd’hui était traité dans ce texte !

Deuxièmement, nous avons voté par ailleurs la création d’un fonds d’accompagnement des territoires. À cet égard, monsieur le ministre, je vous fais confiance pour tenir les engagements que vous avez pris tout à l’heure en ce qui concerne la centrale de Cordemais – car il y a un sujet !

Troisièmement, pour ce qui est spécifiquement de Saint-Avold, je veux remercier les auteurs de ce texte : lorsque le soleil et le vent font défaut, il nous faut – c’est là ce qui guide tous les travaux du Sénat en matière d’énergie – des capacités énergétiques susceptibles de satisfaire les besoins de pointe de l’industrie, des collectivités et des particuliers.

En traçant ensemble ce chemin, nous apportons une réponse à Saint-Avold. Et, au-delà de ce seul site, qui s’inscrit dans l’arsenal énergétique de notre pays, nous dotons la France d’une munition supplémentaire parmi celles qui lui seront nécessaires dans le futur. Je suis fier du travail accompli : je voterai pour ! (M. Khalifé Khalifé et Mme Christine Herzog applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.

M. Michaël Weber. Je souhaite dire à mon tour ma satisfaction : autant je comprends qu’il ait été compliqué pour un certain nombre de nos collègues de comprendre les enjeux propres à ce territoire particulier qu’est le territoire mosellan, autant je veux rendre hommage au travail mené par M. le rapporteur et par Mme la présidente de la commission – cela fait deux fois en deux semaines, madame la présidente ! Voilà qui est à l’image de ce dont le Sénat est capable : nous savons trouver un chemin quand des enjeux particuliers sont en cause, comme c’est le cas sur le site de Saint-Avold.

J’ai aussi bien sûr une pensée pour l’ensemble des salariés des sites dont il est question aujourd’hui ; je sais combien ils sont attentifs aux travaux du Sénat.

Pour ce qui est de la centrale de Saint-Avold, que je connais bien, des milliers de familles ont pu vivre, par le passé, grâce à sa production d’électricité. Ce site, nous l’accompagnons depuis longtemps vers la chimie verte ; il est porteur d’espoir et les élus se sont engagés, tenant compte des savoir-faire et des habitudes de la population, pour l’orienter vers les énergies de l’avenir et vers une autre forme de développement industriel.

La position que nous défendons aujourd’hui est un hommage rendu à la volonté de reconversion de ces sites et une contribution significative au développement économique de nos territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Mizzon. Nous revenons de loin : il y a quelques jours encore, il n’était pas du tout dit que cette proposition de loi serait votée aujourd’hui. Et je suis très heureux que la trajectoire que nous avons choisie ensemble soit sur le point d’être adoptée. J’en suis heureux pour les salariés du site, tout d’abord, et pour le territoire, ensuite, qui retrouve des raisons d’espérer : il pourra construire son avenir dans un environnement plus serein et mieux garanti.

Je remercie notre rapporteur – il a fait montre de l’intelligence et de la pertinence que chacun lui connaît – et la présidente de la commission, qui ont tous deux travaillé pour qu’il puisse en être ainsi.

Nous avons mis les formes, conformément aux orientations données par le président Larcher, qui nous a opportunément rappelé tout à l’heure que, dans cette enceinte, nous devons échanger avec calme, sérénité et respect. Nous avons su le faire sur un texte de loi qui était cher à certains d’entre nous : tout au long de cette discussion, nous avons su rester modérés, réfléchis et pertinents.

Ce soir, pour toutes ces raisons, je suis très heureux.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Malgré le très maigre succès de ses amendements – c’est un euphémisme –, le groupe socialiste votera cette proposition de loi.

Nous voulions appeler l’attention de la Haute Assemblée sur des points majeurs, et j’espère que les garanties que nous demandons seront respectées. Je pense notamment aux priorités fixées en matière de reconversion des installations.

Je l’ai dit en discussion générale, cette proposition de loi a été faite avant tout pour Saint-Avold ; je souhaite que la reconversion de cette centrale ait lieu le plus rapidement possible, ce qui n’exclut pas les autres sites qui ont été évoqués, les enjeux territoriaux et sociaux étant absolument considérables.

Nous voterons donc ce texte, et je remercie tous ceux qui ont contribué à son élaboration : son auteur, les sénateurs mosellans, la commission des affaires économiques, le rapporteur. Œuvre collective plutôt exemplaire, donc : j’espère qu’il y en aura d’autres !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

M. Jean-François Longeot. Je voudrais remettre l’église au milieu du village.

Si cette proposition de loi n’est pas adoptée, ai-je entendu, le Sénat sera rendu coupable de l’échec du dossier. Dois-je rappeler que c’est le Sénat qui, de lui-même, s’est saisi de cette question ? Un travail important a été accompli par la commission des affaires économiques, dont je remercie le rapporteur et la présidente. Je me félicite en particulier des échanges qu’elle a pu nouer avec la commission de l’aménagement du territoire.

Il est tout à fait normal et logique que des différences d’approche existent. Mais le Sénat sait travailler pour l’intérêt général et œuvrer à la défense des emplois. C’est un tel travail collectif qui a été fait : j’en remercie tous les collègues qui y ont contribué.

Nous avons passé un week-end un peu difficile et, ce matin encore en réunion de groupe, je ne savais plus tout à fait où nous en étions… Mais le bon sens sénatorial a prévalu et nous pouvons nous réjouir, ce soir, que ce dossier aboutisse.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis, pour explication de vote.

M. Bernard Buis. À mon tour de souligner l’excellente coopération des auteurs de cette proposition de loi, des rapporteurs et du Gouvernement pour parvenir à un consensus sur la conversion de la centrale à charbon de Saint-Avold et permettre ainsi aux salariés et aux sous-traitants de conserver leur emploi.

Notre groupe votera évidemment cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour explication de vote.

Mme Catherine Belrhiti. Je remercie le Gouvernement, qui a su entendre les inquiétudes de nos ouvriers et de leurs familles. Vous le savez, monsieur le ministre, cela fait trois ans que nous défendons ce texte. Je suis très heureuse que vous ayez su réagir rapidement et que nous ayons pu déposer cette proposition de loi.

Au nom de tous les employés de la centrale, je remercie également la commission, qui a abattu un énorme travail, et l’ensemble des collègues qui ont participé à la discussion que nous avons pu avoir aujourd’hui sur les points qui restaient sensibles.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.

M. Philippe Grosvalet. J’ai souligné, au cours de la discussion générale, la sagesse de la commission, et la vôtre, madame la présidente. Je suis très heureux de pouvoir adresser les mêmes compliments à l’ensemble des membres de notre assemblée. Notre vote transpartisan sur l’amendement du Gouvernement montre en particulier combien nous avons su faire prévaloir l’intérêt général, celui du pays comme celui de tous les territoires et salariés concernés.

Monsieur le ministre, vous êtes le bienvenu à Cordemais, car il faut que vous puissiez entendre celles et ceux qui, depuis dix années, ont travaillé sur ce beau dossier. Je serai très heureux, avec mes collègues, de vous y accueillir : ainsi pourrons-nous vous expliquer la nature profonde de ce projet.

J’associe Véronique Guillotin, ma collègue du groupe du RDSE, à mon propos : nous aurions de toute façon voté cette proposition de loi, par solidarité, mais, compte tenu du vote intervenu sur l’amendement du Gouvernement, c’est avec un entrain redoublé que nous le faisons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Pour l’anecdote, je suis moi aussi née en Moselle. Je fais partie de cette génération qui a vécu les effets de la désindustrialisation sur ce bassin. Nous en payons encore les conséquences aujourd’hui.

Je me félicite bien entendu de la position que nous allons adopter concernant Saint-Avold. Ce texte permettra au moins de préserver cette entreprise.

Il faut bien sûr aller vers la suppression des énergies fossiles, et c’est aussi le sens de cette proposition loi.

Cependant, monsieur le ministre, je m’étonne que l’État ne témoigne pas partout du même intérêt pour l’industrie et l’emploi. Je fais ici évidemment référence au site de Cordemais, dont la situation prouve bien que nous avons besoin d’un véritable projet de loi dédié au futur de notre système électrique. Il est essentiel que nous connaissions les projections du Gouvernement dans le domaine industriel pour l’ensemble du territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour explication de vote.

M. Khalifé Khalifé. Je me félicite de la qualité de nos échanges, tant lors de l’examen en commission, qui nous a largement éclairés, qu’au sein de cet hémicycle, où chacun a aujourd’hui pris ses responsabilités.

Au nom de tous les salariés, des élus du bassin mosellan, du président du département et de l’ensemble de mes collègues, je salue donc la teneur de nos discussions. L’ensemble du territoire, tout comme celui de la centrale de Cordemais, sera ravi de se sentir une nouvelle fois épaulé.

Madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre patience et pour la prise en compte de nos craintes.

J’ai également une pensée pour Daniel Gremillet, qui s’est montré d’excellent conseil. Je suis électricien en cardiologie, mais pas dans le domaine du nucléaire, et encore moins dans celui du charbon ! (Sourires.) Son expérience sur ce dossier s’est révélée très instructive.

Je remercie enfin M. le ministre, ainsi que l’ensemble de ses collaborateurs qui ont contribué, y compris durant le week-end, à lever nombre de blocages.

Je suis certain que notre assemblée votera en faveur de cette proposition de loi. Aujourd’hui encore, le Sénat a rempli sa mission ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Corinne Bourcier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Herzog, pour explication de vote.

Mme Christine Herzog. C’est dans ces moments-là que l’on est fier d’être sénateur !

Je remercie l’ensemble de mes collègues, notamment M. le rapporteur Patrick Chauvet. Cela n’a pas toujours été simple : nous allons enfin pouvoir dormir ! (Sourires.)

Au nom des salariés, qui nous ont suivis tout au long de l’examen de ce texte, je remercie aussi le Gouvernement de son soutien. Nous allons pouvoir passer à autre chose. J’espère que la centrale Émile-Huchet aura encore de belles années devant elle !

Le Sénat montre aujourd’hui le très bon exemple. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Corinne Bourcier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, je tiens à m’associer à l’ensemble des propos qui viennent d’être tenus.

Permettez-moi de remercier au premier chef le rapporteur de la commission des affaires économiques, Patrick Chauvet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.) Ses interventions vous l’auront prouvé : depuis que la commission l’a nommé rapporteur de cette proposition de loi, dont nous ne pensions pas qu’elle susciterait autant de débats – mais je suis satisfaite que ceux-ci se terminent favorablement –, c’est la seule volonté de conforter autant que possible le socle juridique de ce texte qui l’a animée. Et cela, nous en avons été témoins du début des auditions jusqu’à la présentation du rapport en commission et ses prises de parole en séance aujourd’hui. Cher Patrick, je vous remercie du fond du cœur !

J’adresse également tous mes remerciements aux services de la commission des affaires économiques, qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour trouver une issue à cette proposition de loi susceptible de satisfaire tout le monde. Nous avons pleine confiance dans la qualité d’un tel travail, que nous mettons à profit à l’occasion de l’examen de chaque texte de loi.

Je n’oublie pas non plus Daniel Gremillet, que je remercie pour son expertise, unanimement reconnue.

Monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire, cher Jean-François Longeot, madame la rapporteure pour avis, si le chemin a été quelque peu sinueux, le résultat est là.

Monsieur le ministre, j’espère que les avancées auxquelles nous avons contribué cet après-midi seront fiables sur le plan juridique. Elles devraient permettre à cette proposition de loi, qui sera examinée par l’Assemblée nationale le 7 avril prochain, de trouver une issue favorable, le terme de ce parcours devant correspondre, en dernier recours, au texte élaboré par une éventuelle commission mixte paritaire. C’est ainsi que nous faciliterons la conversion de la centrale à charbon de Saint-Avold.

J’ai aussi une pensée pour tous nos collègues mosellans. Nous avons été, me semble-t-il, à leur écoute. Chacun a accepté de faire un pas vers l’autre, et le vote de ce texte marque aujourd’hui la conclusion de tout ce travail.

Je me tourne enfin vers nos collègues de Loire-Atlantique, en particulier Philippe Grosvalet et Ronan Dantec, avec lequel nous sommes en partie tombés d’accord aujourd’hui ! Tout arrive, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. Jacques Grosperrin. Oui, tout arrive ! (M. Ronan Dantec lève les bras au ciel.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Si nous avons créé l’article 4, qui vise à tenir compte de la situation de la centrale de Cordemais, c’est précisément parce que nous avions entendu vos précédentes alertes sur le sujet. Le rapporteur tenait à ce que les élus de ce territoire, comme ceux de Moselle, puissent interpeller le Gouvernement et garantir un avenir à cette centrale. Telle est la conviction qui nous a guidés dans l’élaboration de ce texte, ce dont je me réjouis pleinement.

J’espère que la présente proposition de loi, une fois adoptée, assurera aux territoires de Moselle et de Loire-Atlantique un futur plus serein et radieux, en préservant l’emploi et en favorisant le dynamisme local. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, RDSE et INDEP.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement.

(La proposition de loi est adoptée. – Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-trois, est reprise à dix-sept heures vingt-quatre, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 4 (nouveau) (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement
 

7

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte
Avant l’article unique

Renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte (proposition n° 315, texte de la commission n° 467, rapport n° 466).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice. (M. François Patriat applaudit.)

M. Gérald Darmanin, ministre dÉtat, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat examine aujourd’hui la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte.

Nul n’ignore ici la situation exceptionnelle que connaît ce territoire français, le plus jeune de nos départements, confronté à des flux migratoires d’une intensité inégalée, à des tensions sociales croissantes et à une pression démographique qui met à rude épreuve l’ensemble de ses services publics, son tissu social et son développement économique, en un mot, la République.

Mayotte est française. Elle l’a choisi et elle doit le rester. C’est pour cela que le législateur, sur la proposition du Président de la République, en a fait un territoire définitivement français, puis un département français et, enfin, une collectivité territoriale régie par l’article 73 de la Constitution.

Pour que Mayotte reste pleinement française, nous devons adapter notre droit, sans renoncer à nos principes, mais sans non plus fermer les yeux sur une réalité devenue insoutenable pour les habitants de Mamoudzou ou de Mtsamboro.

La proximité géographique avec l’Union des Comores, qui continue d’ailleurs à revendiquer l’appartenance de Mayotte à son territoire, l’attractivité exercée par le statut de département français et la possibilité actuelle d’acquérir la nationalité française par simple effet du droit du sol ont transformé cette île en porte d’entrée de l’immigration irrégulière vers la République.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : près d’un habitant sur deux à Mayotte est de nationalité étrangère. Chaque année, des milliers de femmes enceintes prennent tous les risques pour accoucher sur le territoire, animées par l’espoir que ces naissances ouvrent un jour la voie à une régularisation et à une naturalisation. La réalité que recouvrent ces chiffres est criante, dès lors que l’on met les pieds à Mayotte. Pour ma part, je m’y suis rendu onze fois. Au-delà des chiffres et des discours, on est avant tout confronté à la réalité du terrain.

L’État est engagé pleinement. En 2023, à la demande du Président de la République, le nombre de reconduites à la frontière a fortement augmenté, pour atteindre 25 000, soit un tiers des expulsions prononcées sur l’ensemble du territoire national. Depuis 2017, les effectifs des forces de l’ordre ont doublé : Mayotte est le territoire de la République qui a connu la plus forte progression dans ce domaine.

L’opération Wuambushu, qui, je le regrette, a fait l’objet d’oppositions politiques, administratives et, parfois, d’entraves judiciaires, a permis des avancées significatives en matière de sécurité et de lutte contre l’habitat illégal. Si cette opération avait été menée à son terme, sans doute aurions-nous dénombré moins de blessés et plus de survivants après le passage de la tempête Chido…

Cependant, chacun le sait ici : les efforts de l’État, aussi importants soient-ils, ne suffiront pas à enrayer totalement la dynamique. Le système scolaire est saturé, avec des classes de plus de 50 élèves. Le centre hospitalier est débordé : on y enregistre 25 naissances par jour. C’est à Mayotte que se trouve la plus grande maternité de France.

Au-delà des 10 000 naissances recensées chaque année, environ 1 000 accouchements ont lieu dans des bangas, avec l’assistance des sapeurs-pompiers. Quel territoire accepterait cela ?

L’insécurité progresse. Les tensions, déjà vives, ont été encore exacerbées par le passage du cyclone Chido, qui a frappé durement nos compatriotes mahorais.

Face à cela, nous avons une responsabilité : protéger. Nous devons protéger la République sur ce beau territoire, protéger celles et ceux qui y vivent dans le respect de nos lois, protéger, enfin, la promesse républicaine d’éducation, d’égalité des chances et de soins.

La proposition de loi déposée par le député Philippe Gosselin constitue un pas important dans cette direction. Elle fait écho aux annonces que nous avons faites il y a plus d’un an à l’occasion de l’importante crise et des mobilisations qu’a connues Mayotte avant les dernières élections législatives.

Ce texte ne remet pas en cause le droit du sol, car seule une révision constitutionnelle, à laquelle, je l’ai déjà dit, je suis favorable, le permettrait. Toutefois, cette proposition de loi ordinaire vise à encadrer de manière plus stricte, comme l’a déjà fait le législateur, l’acquisition de la nationalité à Mayotte, dans les limites fixées par notre droit.

Dans sa version initiale, le texte prévoyait deux dispositifs.

D’une part, il s’agissait de faire passer la durée de résidence régulière exigée d’un parent avant la naissance de l’enfant de trois mois à un an – soit antérieurement à la conception de l’enfant –, afin d’éviter les reconnaissances opportunistes liées au lieu d’accouchement. En tant que ministre de l’intérieur et des outre-mer, je me souviens avoir été confronté au cas d’un homme ayant reconnu la paternité de plus de 90 enfants en une année ! Un certain nombre d’entre eux n’étaient probablement pas les siens…

D’autre part, le texte disposait que cette résidence régulière soit exigée des deux parents, et non plus d’un seul. Cette mesure est essentielle pour prévenir les reconnaissances frauduleuses de paternité, devenues trop nombreuses.

Il revient au Sénat de rétablir un équilibre : l’accès à la nationalité française ne saurait découler d’une simple présence de fait, il doit résulter d’une intégration réelle et durable dans notre communauté nationale.

L’Assemblée nationale a voté ce texte. Cependant, la confusion s’est emparée de plusieurs parlementaires à la faveur de la passion des débats, et peut-être de la politique du pire, certains espérant crier suffisamment fort pour que le texte soit censuré par le Conseil constitutionnel, pour mieux dénoncer ensuite l’inaction du Gouvernement et de la majorité. Quoi qu’il en soit, un amendement du Rassemblement national, visant à porter la durée de séjour à trois années, a été adopté. Or, du point de vue constitutionnel, une telle mesure est évidemment exclue et conduira inévitablement ce texte à la censure.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 6 septembre 2018, a reconnu la spécificité de Mayotte et la légitimité d’une adaptation du droit sur le sol mahorais. Il nous a donné un cadre : les mesures doivent être limitées, adaptées et proportionnées.

La durée d’un an, contrairement à celle de trois ans, paraît ainsi tout à fait proportionnée. Votre commission des lois ne s’y est pas trompée, puisqu’elle a réduit cette durée à un an, sur une proposition du rapporteur Stéphane Le Rudulier, qui, je l’espère, sera suivie par l’ensemble du Sénat.

La commission des lois s’est également prononcée en défaveur de l’extension de la condition de régularité du séjour aux deux parents.

Permettez-moi d’exprimer un avis légèrement différent. Je comprends la volonté du rapporteur de s’assurer que le texte ne soit pas censuré par le Conseil constitutionnel. Néanmoins, si les débats ne permettent pas aujourd’hui de s’accorder sur cette extension – nous aurons l’occasion d’en discuter lors de l’examen de l’amendement de Mme Ramia –, la rédaction du texte évoluera certainement à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire. Le Gouvernement souscrira en tous les cas à cette évolution, monsieur le rapporteur.

Le nombre de personnes qui abusent du droit pour procéder à des reconnaissances frauduleuses de paternité est difficile à établir, mais le phénomène est connu : des hommes en situation régulière reconnaissent des enfants, parfois par milliers, contre quelques centaines d’euros. Seule l’extension de la condition de régularité du séjour aux deux parents permettra de mettre fin à ce marché de la honte, qui vient fausser la filiation, permet d’obtenir la nationalité française de manière frauduleuse et pervertit l’état civil.

Nous devrons néanmoins veiller à ce que le rétablissement de cette disposition ne contribue pas à discriminer les familles monoparentales. Le débat à l’Assemblée nationale avait déjà intégré ces considérations sans amoindrir l’efficacité du dispositif. Je pense en particulier aux propositions émises par le groupe MoDem. Le Gouvernement a ainsi préparé un sous-amendement dans le cas où l’amendement de Mme Ramia serait discuté. En tout état de cause, monsieur le rapporteur, je sais pouvoir compter sur vous, notamment dans la perspective d’une commission mixte paritaire, pour prendre en compte ces familles monoparentales.

Je sais que beaucoup d’entre vous souhaiteraient aller au-delà de ce texte. C’est aussi mon cas. Mais il nous faut respecter le cadre de notre Constitution en attendant qu’une majorité politique nous permette de la réformer. Nul doute que ce sujet sera abordé à l’occasion de la prochaine élection présidentielle. Ne rien faire sous ce prétexte, en revanche, reviendrait à abandonner Mayotte au silence et à un désordre profond, et à laisser croire que notre droit peut rester sourd aux réalités.

Mesdames, messieurs les sénateurs, votre Haute Assemblée a toujours su porter un regard lucide et exigeant sur les équilibres constitutifs de notre République. Elle a toujours été attentive à l’adaptation du droit sur tous les territoires, aux spécificités des territoires ultramarins et à la situation de l’île de Mayotte.

Le Sénat a toujours veillé à ce que l’adaptation des règles ne signifie pas renoncement aux principes, sans pour autant que ceux-ci empêchent les pouvoirs publics de répondre aux réalités du terrain.

La proposition qui vous est soumise ne prétend pas tout régler, mais elle constitue une avancée très significative, attendue et juridiquement solide. Elle répond à une urgence, sans céder à l’émotion. Elle respecte l’État de droit et la Constitution tout en apportant une solution à la demande unanime des citoyens mahorais.

C’est pourquoi, au nom du Gouvernement, je remercie le député Philippe Gosselin et le sénateur Stéphane Le Rudulier, ainsi que les députés et sénateurs qui soutiendront l’adoption de ce texte. Merci pour Mayotte ! Merci pour la République ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la présidente de la commission des lois, mes chers collègues, Mayotte est confrontée, depuis plusieurs décennies, à une intense pression migratoire. Parmi les 320 000 habitants qui peuplent cette île, on compte ainsi 50 % de ressortissants étrangers, dont la moitié serait en situation irrégulière.

Plus précisément, nous sommes en présence de deux flux migratoires à destination de Mayotte à la fois distincts et de nature très différente.

Le premier flux, qui est le plus important, en provenance des Comores, donne lieu à l’arrivée d’environ 20 000 migrants en situation irrégulière chaque année. Cette immigration, qualifiée par le préfet de Mayotte de « circulaire, familiale, domestique et vivrière », revêt trois dimensions.

Premièrement, la dimension géographique de l’île ne doit pas être sous-estimée. Mayotte fait partie intégrante de l’archipel des Comores et est située à seulement 70 kilomètres d’Anjouan.

Deuxièmement, il faut prendre en compte la dimension historique de l’archipel, composé de quatre îles : Mayotte, Anjouan, Grande Comore et Mohéli. En 1974, lorsque Valéry Giscard d’Estaing décide de consulter les Comores sur leur indépendance, trois îles comoriennes affirment une volonté d’indépendance, à plus de 99 %, alors que le résultat sur l’île de Mayotte est inverse et beaucoup plus nuancé, 63 % de ses habitants souhaitant rester dans la République. Ce résultat est essentiel à la compréhension du problème actuel. En effet, la majorité des Mahorais ont conservé des liens familiaux et culturels avec les Comores, ce qui donne lieu à de nombreux échanges et flux migratoires.

Troisièmement, la dimension économique ne peut être négligée. L’immigration est encouragée par l’écart de niveau de vie dans ces différents territoires. Ainsi, à Mayotte, le produit intérieur brut par habitant est huit fois supérieur à celui des Comores.

Le second flux d’immigration, moins volumineux, provient essentiellement d’une demi-douzaine de pays clairement identifiés de l’Afrique des Grands Lacs, notamment la République démocratique du Congo, la Tanzanie, le Rwanda, la Somalie et le Burundi. Il explique l’arrivée de près de 5 000 migrants par an, qui cherchent, pour la plupart, à obtenir le statut de réfugié ou l’asile politique. Ceux-ci ne sont absolument pas dans une logique d’acquisition de la nationalité française.

La pression migratoire à laquelle est confronté le territoire mahorais pèse lourdement sur la population.

Tout d’abord, l’immigration crée des difficultés en matière d’accès aux services publics, ces derniers n’étant pas dimensionnés pour faire face à la croissance démographique de l’archipel.

L’école en est un exemple emblématique : les établissements mahorais ne sont en effet pas en mesure d’accueillir l’ensemble des élèves en âge d’être scolarisés. Un système de rotation a donc dû être mis en place, avec un groupe d’élèves scolarisés le matin, et un autre l’après-midi.

Les effets sont également visibles dans le domaine de la santé, l’offre de soins ne pouvant absorber continuellement une croissance démographique exponentielle.

Concernant l’accès à l’eau, on observe une augmentation de 2 000 mètres cubes par jour de la consommation annuelle d’eau, liée principalement à une progression de la consommation des ménages.

Notons enfin les conséquences de cette immigration dans le domaine de l’agriculture. Pour survivre, les personnes en situation irrégulière cultivent, dans des conditions illégales, des terrains qu’elles s’approprient, en utilisant, de manière systématique et en quantité importante, des pesticides interdits dans le cadre européen. Cela suscite une pollution relativement importante des terres, mais c’est aussi, et surtout, un grave danger pour les consommateurs.

Ensuite, la pression migratoire participe à l’augmentation de la délinquance et de l’insécurité sur l’île, comme l’a mis en lumière, en 2021, le rapport d’information de la commission des lois du Sénat intitulé Insécurité à Mayotte : conjurer le sentiment dabandon des Mahorais.

En outre, ces flux migratoires ont un impact économique. Une économie informelle, donc illégale, se développe. D’après une estimation des services des douanes et de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom), 100 millions d’euros circuleraient annuellement entre Mayotte et Anjouan, soit 100 millions d’euros qui manquent cruellement à la demande intérieure.

Enfin, l’immigration à Mayotte pose des difficultés sanitaires. On observe par exemple la résurgence de maladies qui avaient disparu, en raison d’une absence de vaccination chez les enfants en situation irrégulière.

Dans ce contexte, le législateur a souhaité, dès 2018, restreindre les conditions d’accès à la nationalité par le biais du droit du sol, en adoptant un cadre dérogatoire applicable exclusivement sur le territoire mahorais, qui résulte notamment de l’article 73 de notre loi fondamentale.

Si cette loi ne produira son plein effet qu’en 2032, on peut d’ores et déjà se féliciter que le nombre d’acquisitions de la nationalité française au titre du droit du sol ait diminué assez significativement depuis son entrée en vigueur, passant de près de 3 000 en 2018 à 800 en 2022.

Toutefois, il ne s’agit pas de se contenter de la relative stabilité du phénomène, mais bel et bien de travailler à réduire drastiquement les flux migratoires à destination de l’archipel. C’est tout l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, qui tend à restreindre une fois encore les possibilités d’acquisition de la nationalité française par le biais du droit du sol.

Si notre commission des lois s’est montrée favorable à l’objectif visé par l’auteur de cette proposition de loi, le député Philippe Gosselin, elle a cependant émis certaines réserves quant à la constitutionnalité du dispositif adopté par l’Assemblée nationale.

En premier lieu, pour écarter tout risque de censure du juge constitutionnel, la commission a proposé de réduire de trois ans à un an la durée de séjour régulier en France exigée des parents étrangers d’un enfant né à Mayotte pour que celui-ci puisse acquérir ultérieurement la nationalité française. Ce faisant, elle est revenue à l’esprit initial du texte.

La durée de trois ans, introduite lors de l’examen du texte en séance à l’Assemblée nationale, peut sembler totalement disproportionnée. Le Conseil constitutionnel nous a en effet invités à faire preuve d’une certaine mesure en la matière.

En deuxième lieu, la commission est revenue sur l’application aux deux parents de l’exigence d’une durée de séjour régulier en France à la naissance de l’enfant, car il y aurait eu, de fait, une rupture d’égalité au détriment des enfants issus d’une famille monoparentale, qui n’ont pas été pris en considération dans le texte. Sur ce sujet, j’espère que nous parviendrons à une solution de compromis d’ici à la commission mixte paritaire.

En troisième et dernier lieu, la commission a supprimé l’obligation pour le parent de présenter un passeport biométrique à l’officier d’état civil à la naissance de l’enfant, pour permettre l’apposition sur l’acte d’une mention relative à la durée de séjour régulier dudit parent en France. Cette mention est censée faciliter par la suite les démarches d’acquisition de la nationalité française par le biais du droit du sol.

Nous le savons, cette proposition de loi ne résoudra pas à elle seule la question de la pression migratoire à Mayotte. Seule une réponse globale pourrait réduire significativement les flux migratoires à destination de l’archipel. Cette réponse globale pourrait notamment passer par la mise en place effective du « rideau de fer » imaginé dès février 2024 par l’ancien ministre de l’intérieur ;…

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Excellent ! (Sourires.)

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. … un durcissement des conditions d’obtention des titres de séjour ; ou encore la conduite d’une politique de coopération avec les Comores pour les accompagner dans un développement intelligent et susceptible de fixer ses populations, notamment sur l’île d’Anjouan.

Toutefois, nous avons aujourd’hui l’occasion d’apporter une première pierre à l’édifice, qui dissuadera sans aucun doute certains candidats à l’immigration, pour qui l’accès éventuel à la nationalité constitue un réel facteur d’attractivité.

C’est pourquoi, mes chers collègues, au bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter la proposition de loi, ainsi modifiée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Marc applaudit également.)

M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Exception d’irrecevabilité

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte (n° 467, 2024-2025).

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour la motion.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, après le passage des cyclones Chido et Dikeledi, l’heure devrait être à la reconstruction et à un plan d’investissement massif pour Mayotte. La situation de l’île appelle un plan global et cohérent, encourageant le développement économique et favorisant la mise à niveau des services publics.

Mais, en réalité, ces enjeux sont occultés par votre obsession migratoire. Avec une loi visant à restreindre l’accès à la nationalité française, vous ne répondrez en rien aux besoins de la population mahoraise.

Dire aux Mahorais, qui doivent faire face à des difficultés d’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation et à tous les services publics qu’une réforme du droit du sol améliorera leur quotidien revient à entretenir une illusion. Retirer des droits aux uns n’augmente pas mécaniquement ceux des autres !

Nous dénonçons cette proposition de loi, que nous jugeons contraire à la Constitution ; c’est pourquoi nous avons déposé cette motion.

Permettez-moi de citer l’article 73 de la Constitution de 1958 : « Dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. »

Mayotte fait partie de la République française. À ce titre, les principes républicains et constitutionnels doivent s’y appliquer, comme dans tous les territoires français, dans l’Hexagone comme en outre-mer.

Ce texte institue une durée minimale de résidence ininterrompue d’un an pour le parent d’un enfant demandant l’acquisition de la nationalité à Mayotte. Si, conformément à l’article 73 de la Constitution, le droit à Mayotte peut en effet faire l’objet d’adaptations, celles-ci doivent être justifiées par les caractéristiques et contraintes particulières du territoire.

Le Conseil constitutionnel a lui-même posé des limites à ces règles particulières dans sa décision de 6 septembre 2018. Il juge que le législateur peut durcir les règles d’acquisition de la nationalité sur l’archipel, mais seulement « dans une certaine mesure ». Or, en l’espèce, cette proposition de loi est parfaitement disproportionnée.

En effet, aucun chiffre ne démontre l’efficacité d’une telle mesure sur les flux migratoires, alors que ses conséquences sur la vie des enfants concernés sont indéniables. Dès lors, comment la justifier tout en prétendant respecter la Constitution ? La disproportion est trop manifeste pour le permettre.

Du fait de cette entorse à l’article 73 de la Constitution, les dispositions de la présente proposition de loi deviennent discriminatoires, en ce qu’elles mettent en œuvre un traitement différencié et injustifié, fondé sur l’origine.

Aussi ce texte contrevient-il également au principe d’égalité entre tous, ancré dans notre droit depuis l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »

Cette égalité vaut non seulement pour tous les êtres humains, mais aussi pour tous les territoires de la République, comme le dispose le seizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : « La France forme avec les peuples d’outre-mer une Union fondée sur l’égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion. »

Édicter des dispositions discriminatoires et spécifiques au seul territoire mahorais, c’est, en substance, renouer avec une approche coloniale de la nationalité française. Nous refusons de revenir à un droit de la nationalité discriminatoire en outre-mer !

Je tiens à insister sur le caractère disproportionné et inefficace de ce texte.

Nous n’avons pas besoin de prévoir un nouveau durcissement de la loi Asile et Immigration de 2018. Celle-ci dispose qu’un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne peut acquérir la nationalité française que si, à la date de sa naissance, l’un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière depuis trois mois. Mais qui choisit le lieu de sa naissance ? Qui est responsable de la situation administrative de ses parents lorsqu’il naît ?

Par ailleurs, cette loi de 2018 n’a jamais eu le moindre effet sur les migrations. Le ministère de l’intérieur assure que le nombre d’acquisitions de la nationalité française a été divisé par trois, passant de 2 900 en 2018 à 860 en 2022. Or les flux migratoires, eux, se sont intensifiés depuis.

En réalité, l’accès à la nationalité est loin d’être la principale cause des migrations. Par le biais de cette proposition de loi, vous souhaitez dissuader les mères étrangères de venir donner vie à Mayotte. Mais la réalité, c’est qu’aucun étranger ne consultera les dispositions de ce texte avant d’immigrer à Mayotte !

Ce qui motive le départ pour cette île, c’est l’espoir d’une vie meilleure, le rêve de voir ses enfants aller à l’école, la peur, aussi, de mourir en accouchant si on le fait à l’endroit où l’on vit. L’acquisition de la nationalité n’est pas le principal levier d’attraction, et la limiter ne produira aucun effet dissuasif sur les personnes émigrant vers Mayotte.

En restreignant l’accès à la nationalité, vous ne ferez qu’augmenter le nombre de personnes en situation irrégulière à Mayotte ; vous ne ferez que créer de la clandestinité ! Et créer de la clandestinité, c’est augmenter la précarité.

Je rappelle que les résidents étrangers sont, pour la moitié d’entre eux, en situation régulière, et vivent à Mayotte depuis longtemps. Ils occupent des emplois formels. Ils assument des tâches difficiles et essentielles, dans les champs ou sur des chantiers. Ceux à qui l’on refuse des papiers doivent occuper des emplois informels, dans des conditions de travail indignes et illégales.

Je profite également de l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer pour dénoncer une irrégularité créée artificiellement par le manque d’accessibilité des services préfectoraux. Depuis deux ans, la préfecture de Mayotte ouvre rarement ses portes. Cette restriction s’ajoute à la dématérialisation des demandes de titres et à l’obligation de prendre les rendez-vous en ligne. Entraver une personne dans sa démarche de régularisation revient à aggraver sa précarité, à l’exclure de la société et à la plonger dans la clandestinité.

Nous dénonçons une proposition de loi contre-productive. Depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2018, le nombre d’acquisitions de la nationalité a baissé. Je vous le demande, en quoi cela a-t-il amélioré la situation de l’île ? Quels progrès cela a-t-il permis en matière d’accès à l’eau et aux services publics ou de droit à la santé et à l’éducation ?

Pendant que nous discutons de ce texte, nous passons à côté des enjeux majeurs. Nous ne résolvons en rien le problème central de Mayotte, à savoir le sous-investissement de l’État dans tous les domaines. Je rappelle qu’il s’agit du département le plus pauvre de France : 77 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté, soit une proportion cinq fois plus élevée qu’en métropole. Et jusqu’à présent, aucune solution politique n’a été apportée !

À Mayotte, les services de santé sont saturés. Les élèves n’ont cours que sur une demi-journée, à la faveur du système de rotation mis en place dans les écoles. Le droit de disposer de moyens convenables d’existence n’est ni réel ni prévu. Le même constat vaut pour le droit à l’instruction de tout enfant. Que fait l’État pour garantir ces droits à Mayotte ?

Je rappelle aussi que Mayotte est le département de l’injustice sociale et des promesses non tenues. Les droits sociaux y sont bafoués : les allocations familiales, les allocations aux personnes en situation de handicap et le revenu de solidarité active (RSA) n’y sont pas toujours versés.

Estimer, comme vous le faites, que l’immigration comorienne menace la culture mahoraise, c’est faire fi de l’histoire du peuple comorien. Comoriens et Mahorais partagent une même culture, une même langue, une même religion, une même organisation matrilinéaire. Tous les Mahorais ont de la famille aux Comores, et nombreux sont les couples mixtes.

Il n’y a nul besoin d’un nouveau durcissement du droit du sol à Mayotte. Il nous faut trouver des solutions concrètes pour relever les immenses défis auxquels les Mahorais sont confrontés.

Au moment où le Premier ministre évoque un sentiment de « submersion migratoire », nous pensons que ce texte menace le droit du sol partout sur le territoire français. Des associations déplorent que les territoires ultramarins soient devenus des laboratoires de la dégradation des droits, où l’on teste des mesures hostiles aux étrangers.

Nous défendons par conséquent une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité à cette proposition de loi qui porte de graves atteintes aux droits et libertés que notre Constitution garantit, ainsi qu’à nos principes d’égalité et d’indivisibilité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, contre la motion.

Mme Frédérique Puissat. Nos collègues du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky ont déposé une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Nous sommes évidemment, cela ne surprendra personne, en désaccord avec eux. Je rappelle que ce texte vise à adapter le droit de la nationalité pour les enfants nés de parents étrangers sur le territoire mahorais.

Située au milieu du canal du Mozambique, Mayotte est sujette à d’importants flux migratoires en provenance non seulement des Comores, mais aussi d’Afrique continentale. Comme cela a souvent été évoqué, la maternité de Mamoudzou est la première de France en termes de nombre de naissances. L’intensité de ce qui s’y passe est absolument unique dans le pays.

Nous considérons que, sans être l’unique facteur d’une situation éminemment complexe, les conditions d’accès à la nationalité française par le mécanisme du droit du sol ont contribué à renforcer l’attractivité de ce territoire comme destination de ces flux.

Une telle situation présente donc clairement des caractéristiques et contraintes particulières à un territoire ultramarin au sens de l’article 73 de la Constitution. Dans ces conditions, l’intervention du législateur, afin de procéder à un aménagement du droit en fonction des réalités locales, est pleinement justifiée.

En outre, en prolongeant de trois mois à un an la durée de séjour sur le sol mahorais exigée des parents, cette proposition de loi s’inscrit pleinement dans la continuité du droit actuel.

Comme l’a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 septembre 2018, portant précisément sur le dispositif en vigueur, ce dernier ne méconnaît ni le principe d’égalité devant la loi ni les exigences découlant de l’article 1er de la Constitution. De la même manière, il ne méconnaît nullement le seizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ou le droit de mener une vie familiale normale.

À notre sens, aucun risque d’inconstitutionnalité ne pèse donc sur ce texte. Aussi, notre groupe votera contre cette motion, et nous invitons tous nos collègues à en faire de même, afin que la discussion puisse se tenir. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. J’aurais pu comprendre qu’une telle motion soit déposée sur le texte, dans sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale, tant la durée de trois ans paraissait totalement disproportionnée. Cela a d’ailleurs été dit et redit en commission.

Mais nous nous sommes attachés à sécuriser juridiquement le dispositif proposé. Je rappelle que l’article 73 de la Constitution permet d’adapter les règles d’accès à la nationalité dans un territoire spécifique tel que celui de Mayotte.

En ce qui concerne la proportionnalité du dispositif, nous avons réduit de trois ans à un an – je le répète – la durée du séjour régulier en France du parent, et nous avons réfléchi à la meilleure manière de ne pas exclure les familles monoparentales, même si nous ne sommes pas parvenus à une solution satisfaisante en commission.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cette motion.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cette motion. Je serai bref, car mon propos liminaire constituait une forme de réponse à l’intervention de Mme Evelyne Corbière Naminzo. Je formulerai simplement trois remarques.

Tout d’abord, personne ne prétend que la question de la naturalisation serait le seul problème de Mayotte. L’archipel est confronté à bien d’autres difficultés. Si l’on n’y émigre pas pour la seule naturalisation, on le fait aussi pour cela. Ce serait ne pas voir la réalité que de ne pas le reconnaître.

Du reste, il est positif que la société française soit attractive. Cela montre que nous sommes une vraie démocratie, où l’égalité des droits est assurée et dont le système social est performant. Bien sûr, nous comprenons pourquoi des personnes émigrent à Mayotte. Nous savons qu’elles ne le font pas de gaîté de cœur.

Mais ne pas voir, madame la sénatrice, que l’ensemble des services que vous avez évoqués – l’école, l’eau, la santé, la sécurité – et l’égalité des chances sont compromis, parce que la population d’origine étrangère est trop nombreuse, c’est refuser de voir ce que nous disent les Mahorais eux-mêmes !

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Ce n’est pas vrai !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. C’est tellement vrai, madame la sénatrice, que cela fait longtemps que la République essaie de restreindre l’accès à la nationalité de droit dans plusieurs autres territoires. À cet égard, je vous invite à vous rappeler les positions de Manuel Valls sur la Guyane lorsqu’il appartenait à un gouvernement que vous avez soutenu.

Ensuite, je m’étonne de vous entendre dire que le principe d’égalité d’accès à la nationalité doit s’appliquer partout sur le territoire national pour tous les peuples d’outre-mer. En effet, vous ne semblez pas défendre cette position lorsque nous parlons de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française…

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Ce n’est pas la même situation !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Vous avez vous-même défendu des restrictions d’accès à la nationalité très fortes, par exemple, en Nouvelle-Calédonie. Pourtant, l’universalité pour laquelle vous plaidez devrait vous inciter à apporter les mêmes réponses partout sur le territoire national ! Je crains que vous ne changiez de position idéologique selon que l’on parle de Mayotte ou de la Nouvelle-Calédonie…

Soit dit en passant, je n’ai pas compris le parallèle que vous avez fait avec les Comores, comme si ceux-ci avaient raison de revendiquer le territoire mahorais, ce qui, j’imagine, n’est évidemment pas votre opinion en tant que sénatrice de la République. (Mme Evelyne Corbière Naminzo fait un signe de dénégation.)

En tout état de cause, l’intégralité des familles politiques qui sont représentées dans cet hémicycle ont soutenu la restriction de l’accès à la nationalité en Nouvelle-Calédonie.

Enfin, ne pas voir, madame la sénatrice – vous ne l’avez pas dit une seule fois, et je le regrette ! –, que des fraudes, nombreuses et organisées, sont commises en matière de reconnaissance d’enfants, c’est ne pas regarder la vérité en face à Mayotte ! Il est non plus seulement question d’immigration et d’accès à la nationalité, mais tout simplement de fraudes !

J’ai dénoncé à plusieurs reprises une forme d’hypocrisie qui a cours dans la société mahoraise vis-à-vis de ces comportements frauduleux, qui doivent être condamnés. D’ailleurs, lorsque j’étais ministre de l’intérieur, la police judiciaire a démantelé à trois reprises de tels réseaux frauduleux à Mayotte, y compris impliquant certains élus locaux.

Ne pas voir que des pères, qu’ils soient Français ou étrangers en situation régulière, reconnaissent des centaines d’enfants par de faux certificats de paternité, c’est évidemment ne pas voir l’exploitation que l’on fait de ces gamins et de ces femmes !

Pour toutes ces raisons, il est temps d’adopter la présente proposition de loi. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Allez-y ! Allez voir !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.

Mme Corinne Narassiguin. Le groupe socialiste votera cette motion d’irrecevabilité. Si je reconnais le travail qui a été réalisé en commission par M. le rapporteur pour éliminer une grande partie des dispositions manifestement inconstitutionnelles du texte, dans sa rédaction issue des débats à l’Assemblée nationale, nous doutons toujours de la constitutionnalité de cette proposition de loi en l’état.

Nous nous interrogeons tout particulièrement sur l’interprétation qui est faite de l’article 73 de la Constitution. En effet, il reste à établir qu’il existe un lien véritable et des effets réciproques manifestes entre l’immigration irrégulière et la modification des conditions d’accès au droit du sol. Nous aurons le temps d’en parler plus longuement au cours de la discussion.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez évoqué d’autres territoires d’outre-mer, notamment la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Or vous êtes trop fin connaisseur de vos dossiers pour faire une comparaison aussi irresponsable : la situation de la Nouvelle-Calédonie n’est en rien comparable à celle de Mayotte !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Ce ne sont pas des Français ?

Mme Corinne Narassiguin. Lorsqu’il a été question de toucher au droit du sol dans le cadre des accords de Nouméa, c’était non pas pour s’attaquer à l’identité française, mais pour protéger l’identité kanake. Il s’agissait d’un processus de décolonisation et de construction de la citoyenneté calédonienne.

Cela n’a rien à voir avec la situation du territoire de Mayotte, qui a choisi de rester français et d’entrer pleinement dans notre République indivisible en devenant un département. Dès lors, ses habitants doivent pouvoir jouir de la totalité des droits fondamentaux de la République, et en particulier de l’accès à la nationalité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

(La motion nest pas adoptée.)

M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par Mme M. Vogel, M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, d’une motion n° 2.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte (n° 467, 2024-2025).

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Annie Le Houerou applaudit également.)

Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous avons déposé une motion tendant à opposer la question préalable sur cette proposition de loi, parce que nous considérons que son examen ne devrait pas avoir lieu.

En effet, on ne peut pas légiférer sur des fantasmes ni encadrer des mythes. Or c’est bien ce qu’il nous est proposé de faire aujourd’hui : traiter d’un sujet dépourvu de réalité. Je parle non pas de la pression migratoire à Mayotte – qui existe –, mais de l’attractivité qu’y exercerait le droit du sol, qui supposerait qu’il existe un lien entre ce droit, pilier de la République, et la réalité migratoire sur ce territoire.

Il n’en est rien ! Et ce n’est pas moi qui le dis, c’est la réalité implacable des chiffres, que l’on peut parfaitement vérifier en étudiant les effets de la loi Asile et Immigration de 2018. Celle-ci, qui procédait du même raisonnement consistant à imaginer un lien entre le droit de la nationalité et l’immigration, a durci les règles d’accès à la nationalité française à Mayotte.

Elle prévoit ainsi, par dérogation au droit commun, qu’un enfant né à Mayotte ne peut obtenir la nationalité française au titre du droit du sol que si, à sa naissance, l’un de ses parents résidait en France régulièrement depuis au moins trois mois.

Que s’est-il passé depuis la promulgation de cette loi ? Indiscutablement, le nombre d’acquisitions de la nationalité française par le droit du sol a diminué à Mayotte. En effet, cette réforme a fait chuter de 72 % le nombre de personnes naturalisées. C’est une baisse considérable ! Ce chiffre est passé – et c’est là que cela devient intéressant – de 2 900 en 2018 à 860 en 2022.

Permettez-moi de m’arrêter un instant sur ces chiffres : 2 900 personnes naturalisées avant la loi, 860 actuellement ; autant dire presque personne avant, et quasiment personne après ! Le phénomène dont nous parlons et sur lequel vous considérez qu’il y a urgence à agir, c’est que, sur un territoire où se trouvent environ 50 % d’étrangers, soit 150 000 personnes, 860 individus ont acquis la nationalité française par le droit du sol en 2022, soit 0,57 % du nombre total d’étrangers…

La loi de 2018 a donc eu pour effet d’empêcher 2 000 personnes par an de devenir françaises. Et c’est bien le seul effet qu’elle ait jamais eu ! En effet, la part des étrangers présents sur le territoire mahorais est restée stable, autour de 50 % de la population.

Le nombre d’enfants nés à Mayotte de parents étrangers n’a pas diminué, bien au contraire. En 2022, le nombre de nouveau-nés ayant une mère étrangère était même supérieur de 14 % par rapport à 2018. En 2023, le nombre d’étrangers interpellés en mer a augmenté de 128 % par rapport à 2020. Cela prouve bien l’absence totale d’impact de la réforme sur l’attractivité du territoire mahorais.

En revanche, il est vrai que la loi de 2018 a alimenté la clandestinité forcée et le trafic des reconnaissances de paternité. Évidemment, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ne fera qu’aggraver cette situation.

Pour résumer, cette loi a bel et bien eu un effet sur le phénomène très résiduel de l’accès à la nationalité par le droit du sol à Mayotte, puisque l’exercice de ce droit y est désormais quasi nul – il ne concerne que quelques centaines de personnes par an –, mais elle n’en a eu aucun sur le phénomène migratoire à proprement parler. Aucun !

Ni le durcissement du droit du sol ni les autres dispositions tendant à durcir les politiques migratoires n’ont eu le moindre effet sur le phénomène migratoire. Mayotte est à la fois le département français dans lequel la politique migratoire est la plus sévère – absence d’aide médicale de l’État (AME), absence d’effet suspensif des obligations de quitter le territoire français (OQTF), enfermements et expulsions massives, titres de séjours territorialisés, etc. – et celui qui est le plus concerné par l’arrivée de personnes migrantes.

Cet arsenal juridique dérogatoire du droit commun n’a pas d’effet dissuasif : les flux ne varient pas selon ses évolutions. Car, que ce soit vers Mayotte ou ailleurs, les gens n’émigrent ni pour le droit du sol, ni pour l’AME, ni pour une quelconque prestation sociale !

C’est encore plus vrai à Mayotte : bien qu’il s’agisse du département français le plus pauvre, son PIB reste huit fois plus élevé que celui des Comores. Ceux qui y émigrent cherchent avant tout une terre de sécurité matérielle, même toute relative. En effet, l’archipel est situé dans la même zone que certains des États les plus pauvres de la planète, d’où proviennent l’écrasante majorité de ses résidents étrangers, en situation régulière ou non.

La peur viscérale de mourir en couches, l’impossibilité de scolariser ses enfants ou de les nourrir à leur faim, en somme, la certitude d’une vie bien pire, rendront toujours davantage acceptable de vivre dans la misère au sein d’un bidonville mahorais, fait de tôles et de pneus et risquant d’être arraché par les cyclones, que de rester dans son pays d’origine. Aucune réforme législative ou réglementaire relative à la nationalité ne pourra changer cela !

C’est d’ailleurs ce qu’indique, en creux, le rapport de la commission des lois du Sénat sur ce texte : « Si cette réforme – celle de 2018 – a permis de diminuer le nombre d’acquisitions de la nationalité française au titre du “droit du sol” à Mayotte, force est de constater que la pression migratoire n’a pas été pour autant endiguée. » Nous sommes donc d’accord, la réforme de 2018 n’a eu aucun effet !

Pourtant, le texte du rapport poursuit ainsi : « Dans ce contexte – le contexte étant, je le répète, que cela n’a aucun lien –, la [présente] proposition de loi tend à durcir à nouveau, à Mayotte, les règles d’acquisition de la nationalité française. »

Je traduis : cela n’a aucun effet, donc allons un peu plus loin… Ce raisonnement me fait penser à celui qu’ont adopté certaines personnes pendant la guerre froide et qui consistait à répondre aux critiques sur les régimes communistes par un : « si le communisme ne fonctionne pas, c’est que l’on n’est pas allé assez loin dans le communisme ! »

C’est un peu dans la même logique que les saignées qui étaient pratiquées autrefois : lorsqu’un patient était malade, on lui faisait une saignée ; si son état se dégradait, on lui faisait une plus grosse saignée encore. Sauf qu’à l’époque, on ne savait pas que cette pratique était idiote. Dans le cas qui nous occupe, on le sait !

Je suis convaincue que vous savez très bien que le droit du sol n’a pas de lien réel avec la pression migratoire. Aussi, une question se pose : pourquoi proposez-vous de restreindre le droit du sol à Mayotte ?

Je pense que vous le faites pour deux raisons.

La première, c’est que vous souhaitez vous attaquer au droit du sol tout court. Vous le faites non pas pour éviter 860 naturalisations par an, mais pour rendre acceptable, petit bout par petit bout, la remise en cause de l’un des fondements de la République qu’est le droit du sol.

Et pourtant, « un enfant né en France est Français. C’est notre histoire. C’est notre tradition. C’est comme ça que la France est devenue un grand pays. » Ces mots sont de… Nicolas Sarkozy.

La seconde raison, c’est que vous avez adopté une stratégie constante et persistante de fragilisation de l’État de droit en France. Cela fait des semaines que nous devons examiner, au Sénat, parfois plusieurs fois par semaine, des propositions de loi venant de la droite, du centre ou du camp présidentiel, qui comportent des mesures manifestement inconstitutionnelles : allonger le maintien en rétention de personnes condamnées ; créer une condition de durée de résidence pour obtenir des prestations sociales ; complexifier l’exercice du droit de vote pour les personnes emprisonnées ; interdire le mariage lorsque l’un des futurs époux est en situation irrégulière sur le territoire français ; interdire le port du voile dans le sport.

Aujourd’hui, vous proposez de réduire à néant, de fait, le droit du sol dans un territoire de la République. Ce faisant, vous vous inscrivez dans la droite ligne de l’un des premiers actes signés par Trump après son investiture.

Vous le faites non pas parce que vos connaissances en droit constitutionnel seraient défaillantes, mais parce qu’au fond la Constitution et ses principes vous dérangent. (M. Akli Mellouli applaudit.) Le cœur de votre projet est incompatible avec notre loi fondamentale, alors vous racontez aux Français que la Constitution de la République est un obstacle, et vous le matérialisez.

Or la Constitution est un rempart contre les discriminations, contre le racisme et contre l’arbitraire. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

Dans votre fuite en avant décomplexée vers la remise en cause de ce qui a fait ce dont la France peut être la plus fière, épargnez, s’il vous plaît, les Mahoraises et les Mahorais ! Mayotte ne mérite pas d’être ainsi instrumentalisée.

Mme Mélanie Vogel. Dans le plus pauvre des départements français, où les services publics ne sont pas financés, où l’hôpital est totalement saturé, où l’accès aux soins est pratiquement impossible, où il y a tellement d’élèves et si peu de moyens que certaines écoles doivent organiser une rotation dans les classes, et où l’eau potable n’est pas accessible à tous, personne n’a rien à gagner à voir s’effriter l’État de droit et les valeurs de la République.

Mayotte a besoin que la République lui soit utile, et non d’être utilisée pour détricoter la République ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. – Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, contre la motion.

M. Laurent Somon. Nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ont déposé une motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Nous venons de l’entendre : ils partent du principe que les questions d’accès à la nationalité française sont sans incidence sur la situation de Mayotte. Ils nous disent que seules comptent les lourdes problématiques sociales et économiques affectant ce territoire, ainsi que le différentiel de développement constaté entre l’île et son environnement régional. Ils oublient ainsi les conséquences démographiques de l’afflux de population immigrée – à Mayotte, un habitant sur deux est d’origine étrangère –, de même que son impact en matière de santé et d’insécurité, souligné tant par M. le garde des sceaux que par M. le rapporteur.

Personne, au sein de notre groupe, ne saurait être soupçonné de méconnaître la Constitution. De même, personne ne sous-estime la réalité économique de Mayotte et de sa région, en particulier dans le difficile contexte de l’après-Chido. L’archipel mahorais devra effectivement faire l’objet de mesures législatives spécifiques et ambitieuses. Le moment venu, nous participerons bien sûr pleinement à leur discussion. (M. le rapporteur le confirme.)

Dans l’objet de la motion, il est observé que les lois et règlements ne changeront pas l’équation économique régionale : certes. Mais il ne faut pas pour autant s’interdire d’agir là où c’est possible, là où les Mahorais attendent notre aide.

Nous pensons notamment à l’attractivité du territoire au regard des flux migratoires, auxquels contribue selon nous un régime d’acquisition de la nationalité trop favorable, en tout cas comparativement. Pour cette raison, les élus de notre groupe voteront contre la motion.

J’observe au passage, madame Vogel, que les saignées ont parfois du bon – elles sont encore pratiquées sur les patients atteints d’hémochromatose… Surtout, j’insiste sur le fait que la population de Nouvelle-Calédonie a déjà été appelée à décider de son avenir. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Et même par trois fois !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Mes chers collègues, je l’ai moi-même rappelé dans mon propos liminaire, l’acquisition de la nationalité française par le droit du sol n’est pas le seul facteur d’attractivité observé à Mayotte.

S’y ajoute notamment l’économie informelle. Au total, 100 millions d’euros transitent chaque année de Mayotte vers Anjouan, 100 millions d’euros qui manquent cruellement à l’économie mahoraise, alors même qu’en 2024 le taux de croissance de l’île s’élevait à 7 %.

Il faudra s’attaquer à l’ensemble de ces problématiques et, à cette fin, j’ose espérer que le Gouvernement est en train de préparer un projet de loi complétant le présent texte.

Quoi qu’il en soit, personne ne peut nier le facteur d’attractivité que constitue l’acquisition de la nationalité française.

Madame Vogel, vous relevez que le nombre de naturalisations, quoique divisé par trois, passant d’un peu moins de 3 000 à 860, était déjà très faible avant la baisse constatée.

Mais il y a quand même un chiffre encourageant relatif à la maternité de Mamoudzou. Le préfet de Mayotte nous a fait savoir que le nombre de naissances dans cette maternité était passé de 12 000 à 9 000 par an. Ce net infléchissement mérite d’être salué.

À présent, il faut aller beaucoup plus loin dans ce domaine, ce qui suppose d’envoyer un message fort aux Mahorais et, surtout, aux Comoriens : insistons sur le fait que les conditions d’obtention de la nationalité vont se durcir.

Je vous rappelle que la loi de 2018 ne donnera son plein effet qu’en 2032. Mais, d’ici là, les mesures dont nous débattons permettront également de réduire les flux migratoires.

La commission émet évidemment un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Le Gouvernement émet à son tour un avis défavorable, pour les raisons indiquées en réponse à Mme Corbière Naminzo.

Madame Vogel, nous avons déjà eu l’occasion de souligner que cette proposition de loi n’a pas pour but de supprimer le droit du sol à Mayotte. En outre, si le débat relatif au droit du sol est intéressant en soi, vos propos sont contraires à la réalité historique.

Vous pouvez bien sûr opposer ceux qui aiment la Constitution du général de Gaulle et ceux qui ne l’aiment pas, quitte à manier le paradoxe – pour ce qui est de cette Constitution, nos familles politiques respectives ont des positions claires et bien connues… Toujours est-il que le principe républicain, c’est le droit du sang.

Le droit du sol, c’est le droit d’Ancien Régime, le droit du seigneur à disposer de ses serfs. (M. Éric Kerrouche proteste.) Monsieur le sénateur, nous pouvons discuter longuement de ce sujet : je n’y vois aucun inconvénient.

Qui a instauré le droit de la volonté ? Les révolutionnaires de 1789. Selon la législation de 1792, confirmée par la Constitution robespierriste, est Français quiconque est fidèle aux idées de la Révolution. Le droit du sol, puis le droit du sang sont dès lors supprimés. (Murmures sur les travées du groupe CRCE-K.) J’entends diverses réactions à ma gauche, ce qui n’est pas pour me surprendre : je sais combien les communistes sont sensibles à l’évocation de la Constitution de 1793, qui, comme chacun sait, n’a jamais été appliquée… J’ignore s’il faut regretter que Robespierre n’ait pu mettre en œuvre sa Constitution, mais c’est ainsi…

Qui est revenu au droit du sol ? Napoléon Bonaparte. Ce droit a été instauré par le code civil napoléonien pour les seuls besoins de la guerre ; il a été choisi, non pas par la République française, mais par une dictature portant le nom de Consulat, puis d’Empire. On peut discuter longuement de l’héritage que Napoléon a laissé à la Nation, des qualités et des défauts du personnage, une chose est sûre, ce n’est pas un parangon de démocratie…

Après la chute de l’Empire, la monarchie constitutionnelle privilégie le droit du sol. Puis, en 1851, quelques mois avant son coup d’État, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, opte pour le double droit du sol, mêlant droit du sol et droit du sang.

En résumé, il a fallu attendre le début, voire le milieu du XIXe siècle pour que le droit du sol se combine avec le droit du sang, ce droit de la transmission d’inspiration républicaine et révolutionnaire.

Je rappelle que le droit du sol n’est guère appliqué dans les pays qui nous entourent. (M. le rapporteur acquiesce.) Il n’existe ni en Italie ni en Grèce, États de culture latine, et notre propre droit du sol n’est pas, en soi, automatique.

Contrairement à ce que vous avez pu affirmer à la tribune, madame la sénatrice, ce n’est pas parce que l’on naît en France que l’on est Français. À 13, 16 et 18 ans, après un certain nombre d’années passées sur le sol national, il faut manifester sa volonté de devenir Français et formuler une demande à cette fin – je confirme d’ailleurs que cette procédure me paraît, personnellement, trop automatique. Puis la naturalisation peut être accordée par décret.

On peut être attaché au droit du sol : je le comprends très bien. On peut également être attaché au droit du sang et au droit de la volonté. On peut même être attaché à ces trois droits ! J’observe toutefois qu’à travers le monde la majorité des pays démocratiques n’appliquent pas le droit du sol : leurs dirigeants ne sont pas pour autant des amis de M. Trump ou des fascistes en herbe. (Mme Mélanie Vogel le concède.)

Bref, ne caricaturons personne. Ne prétendons pas que le droit du sol est un droit fondamentalement républicain, tandis que le droit du sang serait, lui, d’inspiration fasciste : l’histoire de France nous prouve le contraire.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.

Mme Corinne Narassiguin. Les élus du groupe socialiste voteront également cette motion.

On devine déjà que notre débat va porter sur la nature du droit du sol et sur la nature même de notre République. On voit bien ainsi à quoi sert cette proposition de loi.

Mélanie Vogel l’a démontré : il ne s’agit pas de traiter des conditions de vie à Mayotte, des nombreux problèmes, à la fois réels et insupportables, que l’immigration irrégulière fait peser sur ce territoire. Il s’agit de s’attaquer au principe même du droit du sol. On commence par Mayotte,…

Mme Corinne Narassiguin. … avant de continuer ailleurs ; peut-être dans d’autres territoires d’outre-mer ou dans mon département de Seine-Saint-Denis, où il y a également beaucoup d’immigration. Et, pour finir, on étendra ces dispositions à la France entière.

Monsieur le garde des sceaux, le droit du sol est effectivement antérieur à la République. Sauf erreur, il remonte à 1515. Il a traversé les époques et les régimes. Mais, aujourd’hui, nul ne peut prétendre qu’un quelconque patrimoine génétique détermine le fait d’être Français.

Depuis la République, être Français, c’est faire sien un patrimoine immatériel…

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Oui !

Mme Corinne Narassiguin. C’est adhérer à un ensemble de valeurs et d’idées constituant le projet de la République française.

Nul ne saurait instrumentaliser le fait d’être Français à des fins d’affichage politique. (M. le garde des sceaux manifeste son incompréhension.) Procéder ainsi, c’est faire semblant de résoudre les problèmes.

Mes chers collègues, on ne changera rien aux difficultés de Mayotte en restreignant le droit du sol. Pourquoi ne commencerait-on pas par organiser les migrations régulières avec l’archipel des Comores ? Pourquoi ne parle-t-on pas des accords migratoires que la France et même l’Union européenne devraient nouer avec les pays de la Corne de l’Afrique ?

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

(La motion nest pas adoptée.)

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Saïd Omar Oili. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudit également.)

M. Saïd Omar Oili. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi qui nous vient de l’Assemblée nationale a fait couler beaucoup d’encre et de salive quant aux principes de la République, que je ne saurais bien sûr mettre en cause.

Mon propos sera très pragmatique. Depuis plus de vingt ans, je suis élu local de l’archipel de Mayotte, de ces îles comptant depuis 1841 au nombre des « confettis » de la France.

En matière législative, il faut avant tout tenir compte des politiques publiques que l’on veut encourager.

L’objet de cette proposition de loi est de lutter contre l’immigration clandestine. Au moins douze rapports traitant de l’immigration à Mayotte ont été publiés depuis l’an 2000, que ce soit par l’Assemblée nationale, le Sénat ou la Cour des comptes. En moyenne, un rapport a donc été consacré à ce sujet tous les deux ans. Pas moins de 492 pages ont été dédiées à cette problématique spécifique, contenant 77 recommandations et propositions.

Objectivement, les résultats de la lutte contre l’immigration démontrent l’échec patent de cette politique publique à Mayotte.

Pour illustrer mon propos, permettez-moi de comparer deux chiffres. Entre 2000 et 2024, soit en près d’un quart de siècle, 338 000 personnes ont été expulsées de Mayotte, si l’on en croit les rapports officiels. Or Anjouan dénombre en tout et pour tout 350 859 habitants. Alors que 99 % des personnes expulsées viennent de cette île, on peut s’interroger sur l’efficacité de cette politique…

Avec cette proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte, on nous propose une disposition d’une nouveauté toute relative. En 2018, soit il y a près de sept ans, la loi Asile et Immigration restreignait déjà, à Mayotte, l’accès à la nationalité française.

Mes chers collègues, soyons pragmatiques. Cette disposition législative visait à réduire l’attractivité de Mayotte pour la population venant d’Anjouan. Or, force est de le constater, le nombre de personnes reconduites à la frontière n’a jamais été si élevé que depuis 2019. Malgré mes nombreuses demandes, l’évaluation de ces mesures figurant dans la loi de 2018 est restée lettre morte.

En prétendant limiter l’accès à la nationalité française, on va une nouvelle fois donner de faux espoirs aux Mahorais. Je ne participerai pas à cette opération. Avec cette disposition, on leur vend plus précisément la fin du droit du sol. Or une telle mesure se heurterait à nos principes constitutionnels : on sait très bien qu’elle est impossible en l’état et que ce texte restera sans effet sur les flux migratoires.

Pour ma part, je propose une solution que la population mahoraise soutient très majoritairement : la suppression des cartes de séjour territorialisées pour les étrangers en situation régulière.

Selon les chiffres officiels, près de 90 000 étrangers en situation régulière sont assignés à résidence à Mayotte. Héritage de la législation coloniale, ces cartes de séjour sont une aberration dans un territoire devenu département il y a plus de dix ans, et où une grande majorité des textes législatifs et réglementaires français s’appliquent.

Mayotte ne veut plus être un territoire à statut particulier.

J’avais déposé un amendement tendant à supprimer les cartes de séjour territorialisées ; je ne serai pas en mesure de le défendre cet après-midi, pour des raisons de procédure, mais je ne renoncerai pas à cette bataille.

La semaine dernière, j’ai déposé une proposition de loi visant à la suppression des titres de séjour territorialisés à Mayotte, afin que, dans ce domaine également, notre archipel entre dans le droit commun. Vous aurez prochainement à vous prononcer sur cette mesure, qui aura des effets très concrets sur la vie quotidienne des Mahorais et sera bénéfique pour les finances publiques.

La persistance des cartes de séjour territorialisées est lourde de conséquences : ces titres ne cessent de se multiplier dans notre île, dont les côtes ne sont qu’à soixante kilomètres d’Anjouan. Nous sommes face à une véritable pompe aspirante pour l’immigration vers Mayotte.

M. le président. Il faut conclure.

M. Saïd Omar Oili. Pour mettre fin à l’immigration clandestine, il faut supprimer les cartes de séjour territorialisées.

M. Saïd Omar Oili. Nous aurons évidemment l’occasion d’y revenir lors de l’examen des articles. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Akli Mellouli applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, Mayotte souffre, et sa souffrance ne date pas du passage dévastateur du cyclone Chido. Elle dure depuis des années, nourrie par une immigration massive, incontrôlée et destructrice de la paix publique comme de la prospérité.

Malgré les visites officielles, malgré les opérations Wuambushu et malgré les promesses répétées, les gouvernements successifs ont failli. Par mépris pour un territoire jugé lointain ou par idéologie, ils ont échoué à protéger Mayotte et ses habitants.

Ce département, le plus pauvre de France, est submergé par une immigration anarchique, abandonné par ceux qui, à Paris, détiennent les moyens d’agir. L’insécurité y est insoutenable, les services publics y sont exsangues et les Mahorais eux-mêmes se sentent étrangers sur leur propre terre.

Qui peut tolérer que des Français vivent ainsi dans la peur des vagues d’immigration clandestine ? Chaque jour, de nouveaux migrants franchissent la frontière maritime depuis les Comores.

La réalité, mes chers collègues, c’est que Mayotte est un territoire au bord de l’explosion. Près de la moitié de sa population est étrangère. Chaque année, des milliers d’enfants y naissent de parents en situation irrégulière, profitant du droit du sol pour obtenir la nationalité française. Les conséquences sont connues : un hôpital saturé, un système social débordé et une criminalité endémique, menaçant le quotidien des habitants.

Ce constat, Marine Le Pen l’a fait depuis longtemps.

M. Christopher Szczurek. En 2018 déjà, elle lançait l’alerte en déposant une proposition de loi spécifiquement dédiée à ce sujet. Elle a écouté la détresse des Mahorais et leur a adressé un message clair : nous ne vous abandonnerons pas. Nous ne vous trahirons pas.

Le présent texte, qui vise à restreindre l’accès à la nationalité française à Mayotte, va dans la bonne direction, mais il reste selon nous insuffisant. Non seulement il arrive tard, mais il n’apporte qu’une réponse partielle à un problème que nous dénonçons depuis des années.

Formons le vœu que la majorité sénatoriale, à l’instar du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, qui, à l’insu de son plein gré, a soutenu un durcissement substantiel de cette proposition de loi, sache saisir cette occasion pour adopter un dispositif efficace.

Pour notre part, nous visons un objectif clair dont témoignent nos amendements : faire de cette disposition, locale en apparence, une réforme d’ampleur nationale. Il est inacceptable que la nationalité française soit bradée, réduite à un simple acquis administratif dépourvu de toute exigence d’intégration.

Être Français est un honneur, une responsabilité et un engagement. C’est pourquoi nous demandons que l’obtention de la nationalité française repose sur des critères stricts et cohérents. On ne doit devenir Français que par adhésion.

Mayotte est aujourd’hui le présage de ce qui menace la France si nous ne réagissons pas. La situation y est hors de contrôle, et elle préfigure ce qui nous attend si nous laissons l’immigration de masse détruire notre cohésion nationale.

Si ce texte, édulcoré pour des raisons que nous comprenons intellectuellement, devait être maintenu en l’état, nous serions contraints de nous abstenir ; et, s’il est jugé inconstitutionnel, cela signifie qu’il faudra modifier la Constitution. Ne soyons pas à la merci de l’« impossibilisme » tant décrié par Bruno Retailleau !

M. le président. La parole est à M. Alain Marc. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, depuis trop longtemps, nos compatriotes mahorais souffrent en silence.

Mayotte traverse une situation dramatique, inédite dans notre République. J’ai pu le constater de visu il y a deux ans, lors d’une visite accomplie aux côtés de Stéphane Le Rudulier et de François-Noël Buffet, alors président de notre commission des lois.

Cette crise dépasse les seuls enjeux migratoires : elle est à la fois sociale, sanitaire, sécuritaire et institutionnelle et met aujourd’hui en péril notre pacte républicain.

Les Mahorais n’en peuvent plus. Ils ont le droit de vivre dignement, en sécurité, et dans le respect des principes qui fondent notre République. Ils doivent bénéficier, au même titre que tout citoyen français, de la justice et de la sécurité.

Or l’immigration irrégulière massive sature les infrastructures de l’archipel. La violence, croissante, et l’économie informelle gangrènent la société mahoraise. Accès à l’eau, à l’électricité, à l’éducation ou encore aux soins : rien n’est garanti, tout est devenu l’objet de luttes quotidiennes.

Avec plus de 10 000 naissances chaque année, Mayotte occupe le deuxième rang des départements français en matière de natalité. Les trois quarts des mères y sont toutefois de nationalité étrangère. Quant au système hospitalier, il y est à bout de souffle. L’hôpital de Mamoudzou croule sous les urgences et les pompiers interviennent pour des centaines d’accouchements hors maternité. La situation n’est plus tenable.

Face à cette réalité, le droit du sol, tel qu’il s’applique aujourd’hui à Mayotte, ne fonctionne plus ; et pour cause, il a été détourné.

Alors que la population vit un enfer, les passeurs, eux, se frottent les mains. Les reconnaissances de paternité frauduleuses sont légion ; on dénombre même parfois plusieurs dizaines de reconnaissances par père.

Mayotte est arrivée à un point de rupture : il est plus que temps d’agir avec responsabilité. Il est de notre devoir de répondre à l’urgence, dans le respect de nos principes constitutionnels – M. le rapporteur l’a souligné.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui constitue une étape nécessaire. Elle vise à adapter les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte. Il s’agit plus précisément d’allonger le délai de résidence régulière des parents avant la naissance, en le portant de trois mois à un an.

Ces mesures ne remettent pas en cause le droit du sol dans son principe : elles visent à empêcher son instrumentalisation, ce qui paraît bel et bien indispensable.

En commission, M. le rapporteur a proposé de s’en tenir au délai d’un an, alors que nos collègues députés ont proposé une durée de trois ans. Il s’agit là d’une question délicate. La situation exige sans doute un délai de trois ans : les élus du territoire ont eu l’occasion de nous le rappeler. Néanmoins, comme l’a relevé M. le rapporteur, un tel délai, sans doute justifié en pratique, ne serait sans doute pas conforme à notre Constitution.

Ce constat doit nous conduire collectivement à mesurer l’urgence de la situation.

Bien entendu, ce texte ne suffira pas à résoudre tous les maux qui accablent Mayotte, mais il constitue un premier pas indispensable. Il nous faudra également renforcer les moyens de lutte contre l’immigration clandestine en exigeant une coopération accrue des Comores. Les infrastructures, notamment le réseau de transport, devront être modernisées, et un nouvel hôpital devra être aménagé.

Enfin – cet impératif vaut à Mayotte comme dans de nombreux autres territoires ultramarins –, il faudra réinterroger le modèle économique local afin de créer de l’emploi et de sortir de l’économie informelle.

Tout ne se fera pas en un jour, mais il faut avant tout restaurer le pacte républicain. Nous le devons à nos concitoyens.

Les Mahorais attendent des actes. La République doit être à la hauteur de ses engagements. Elle doit assurer la sécurité, la justice et l’égalité.

Mayotte est française, et cela nous oblige. Dès lors, les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Merci !

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Allizard. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, avant tout, je tiens à remercier M. le rapporteur et la commission des lois tout entière du travail accompli sur ce texte.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Très bien !

M. Pascal Allizard. Comme d’autres sujets importants mal gérés par la France, la situation de Mayotte nous revient sous la forme d’une crise grave. Dans l’archipel, nos compatriotes doivent vivre au quotidien dans des conditions de plus en plus dégradées.

Les causes de cette situation sont multiples, mais nous ne pouvons accepter cet état de fait. Ce département est déjà le plus pauvre de France et ses habitants ne sauraient être traités comme des citoyens de seconde zone. Or, lorsque l’État y agit, ses initiatives portent davantage sur la gestion des conséquences que sur les causes réelles et profondes.

Les faits et les chiffres sont pourtant connus et objectivés. Mayotte est devenue la première des maternités de France, mais la moitié des 320 000 habitants de l’île seraient de nationalité étrangère.

Drapeau français en main, les Mahorais ont régulièrement exprimé le mécontentement que leur inspire l’anarchie migratoire régnant sur leur territoire et les désordres qui en découlent – l’insécurité, l’insalubrité, la dégradation de l’environnement et des ressources, l’aggravation des problèmes sanitaires ou encore la saturation des services publics. Les femmes, inquiètes pour elles-mêmes comme pour leurs enfants, sont souvent en première ligne dans ce combat.

Il aura fallu les images terribles prises après le passage du cyclone Chido pour que les Français de métropole voient concrètement l’état de Mayotte, ses collines déforestées où des milliers de familles s’entassent dans des baraquements insalubres et illégaux.

L’accroissement incontrôlé de la population, couplé à l’accélération de bouleversements climatiques suscitant eux-mêmes des flux migratoires, représente un risque majeur pour l’avenir de Mayotte.

Au-delà de l’augmentation des flux, on constate la diversification de l’origine des migrants qui rejoignent ou tentent de rejoindre Mayotte. Si l’immigration provient majoritairement des Comores voisines, on relève l’augmentation des arrivées irrégulières depuis les pays de l’Afrique des Grands Lacs. Compte tenu de leur démographie et de leur niveau de vie moyen, ces États représentent un réservoir de migrants absolument considérable, d’autant que les filières criminelles et leurs trafics y sont bien organisés.

Dès lors, comment limiter l’attraction exercée par Mayotte ? Quand il est question de limiter les flux migratoires, certains – je le sais – préfèrent toujours ne rien faire, ou prétendent que les dispositions envisagées ne changeront rien. Je déplore à cet égard une position idéologique marquée à la fois par un refus du débat et par un déni des réalités.

Outre le différentiel de niveau de vie, les conditions d’accès à la nationalité française d’un enfant et les conséquences qui en découlent sur le droit au séjour de la famille contribuent à l’attractivité du territoire.

Combinés, ces différents facteurs d’attractivité expliquent la situation exceptionnelle que vit Mayotte et qui ne peut qu’empirer si aucune mesure drastique n’est prise.

Aujourd’hui, devant la loi du nombre et dans de telles conditions, il n’est plus question d’intégration ou d’assimilation. Veut-on voir se généraliser les violences entre les populations autochtones et étrangères ou entre les migrants eux-mêmes ? Veut-on tuer l’économie mahoraise ?

Cette proposition de loi n’épuise bien sûr pas le sujet. Elle ne résoudra pas toutes les difficultés structurelles de Mayotte : ce serait trop simple. L’État doit prendre d’autres mesures économiques et sociales en faveur de l’île. En parallèle, peut-être l’aide au développement doit-elle être renforcée dans la région. Mais il faut bien, d’une part, amorcer un mouvement en proposant des solutions opérationnelles et, de l’autre, répondre aux attentes et à l’exaspération des Mahorais.

Nous devons l’admettre, l’exercice est délicat. En vertu de l’article 73 de la Constitution, les lois et règlements peuvent faire l’objet, dans les départements et régions d’outre-mer, « d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».

En 2018, le législateur a ajouté une condition spécifique à Mayotte pour l’acquisition de la nationalité par un enfant né de parents étrangers. Il a exigé qu’au moment de la naissance l’un des parents réside en France de manière régulière et ininterrompue depuis plus de trois mois. Ces dispositions figurent à l’article 2 493 du code civil.

Le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition conforme à la Constitution, en reconnaissant qu’il existe à Mayotte « une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu’un nombre élevé et croissant d’enfants nés de parents étrangers ». Ces circonstances constituent bien des « caractéristiques et contraintes particulières » au sens de l’article 73 de la Constitution.

Afin de lutter contre l’immigration irrégulière à Mayotte, le législateur peut donc « y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, mais aussi celles régissant l’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France ».

Le texte de la proposition de loi, tel qu’il a été modifié par la commission des lois, prévoit une durée minimale d’un an de résidence régulière en France à la date de naissance de l’enfant, au lieu de trois mois dans le droit actuel et de trois ans dans la version issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Une autre modification apportée par la commission, pour limiter tout risque d’inconstitutionnalité, consiste en la suppression de l’application aux deux parents de cette exigence d’une durée minimale.

Enfin, la commission a supprimé l’obligation de présentation d’un passeport biométrique à l’officier d’état civil par le parent étranger, car tous les pays n’en disposent pas.

Il me semble que ces mesures équilibrées devraient contribuer à réduire la pression à Mayotte.

L’autre sujet que je souhaite évoquer est d’ordre géopolitique. Il est lié aux bouleversements de l’ordre mondial en cours.

Ainsi, depuis plusieurs années, certains de nos compétiteurs et leurs vassaux ont développé des stratégies hybrides pour contester notre présence dans certaines espaces géographiques. Ces espaces, d’un intérêt stratégique ou économique réel, sont de plus en plus convoités. C’est le cas de nos outre-mer et de leurs zones économiques exclusives (ZEE), que la France, avec ses moyens modestes, peine à surveiller et à protéger. La présence française dans le sud de l’océan Indien et le canal du Mozambique est ainsi une cible clairement identifiée.

En s’appuyant sur un narratif anticolonial, sur de la propagande et de la désinformation, ces discours façonnent un environnement cognitif hostile à la France. Cela fonctionne : regardons ce qui se passe actuellement dans certaines zones de l’Afrique francophone, voire en Nouvelle-Calédonie.

Chacun a aussi pu observer comment certaines puissances instrumentalisent les flux de migrants vers l’Europe, pour fragmenter les sociétés et créer une situation de chaos. Cette stratégie indirecte, je vous l’assure, n’est pas une vue de l’esprit ; elle figure clairement dans la doctrine d’action de plusieurs pays.

Dans le contexte dégradé de Mayotte, l’immixtion de rivaux stratégiques et leur rapprochement intéressé avec des États voisins ont de quoi inquiéter. Dans leur propre intérêt, ces compétiteurs soutiennent la « restitution » de Mayotte aux Comores, ainsi que celle des îles Éparses à Madagascar. Pour eux, tous les moyens de déstabilisation sont bons, qu’ils soient informationnels, de droit – contestation de la validité du référendum d’indépendance, référence au principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes –, ou qu’il s’agisse d’autres actions indirectes.

Dans le climat actuel de tension à Mayotte, tous ces éléments contribuent, d’une manière ou d’une autre, à cette stratégie. Par conséquent, tout ce qui peut être engagé pour réduire les tensions, pour contrôler l’immigration et pour faciliter un retour à la vie normale des Mahorais doit l’être.

Dans ce cadre, cette proposition de loi est, me semble-t-il, un élément important du dispositif à mettre en œuvre. Je vous invite à la voter ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Salama Ramia. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je m’exprime aujourd’hui en tant que représentante de Mayotte, un territoire confronté à une pression migratoire et à un traitement de la question migratoire sans équivalent dans notre République.

Plus de la moitié des habitants de Mayotte sont étrangers, et la population de l’île a augmenté de 43 % en dix ans. Ce taux est souvent considéré comme étant sous-estimé, tant l’ampleur de l’immigration illégale fausse les données démographiques et masque les besoins réels de la population mahoraise.

Cette situation compromet également l’accès légitime des Mahorais et des Mahoraises aux infrastructures publiques essentielles.

Mayotte, territoire français, suffoque sous la pression.

L’article unique de ce texte, qui vise à porter à un an la durée minimale de séjour régulier en France exigée de l’un des deux parents étrangers d’un enfant né à Mayotte pour l’acquisition de sa nationalité française, a crispé les débats.

D’abord, ce dispositif a été modifié, afin de revenir sur le délai de trois ans voté par l’Assemblée nationale. Du fait du risque d’inconstitutionnalité, nous avons mis un terme à l’espoir de tout un peuple d’obtenir un changement subséquent de l’actuelle politique migratoire.

À titre personnel, je reste sceptique quant à l’efficacité de cette réécriture de l’article unique pour revenir à l’objet initial du texte. Toutefois, il faut le reconnaître, le délai d’un an retenu par la commission reste un progrès par rapport à la période minimale de résidence actuelle de trois mois. Cette évolution témoigne d’un léger sursaut, consécutif à la mise à l’épreuve de nos services publics et de notre cohésion sociale.

Puisqu’il faut convaincre par l’exemple, je rappelle qu’en 2022 le centre hospitalier universitaire (CHU) de Mamoudzou, plus grande maternité de France et d’Europe, a enregistré plus de 10 000 naissances. Ce flux organisé contribue à l’aggravation de la précarité sociale, 77 % des habitants de Mayotte vivant sous le seuil national de pauvreté.

Par ailleurs, la suppression de l’exigence de résidence pour les deux parents, une décision qui vise à éviter toute discrimination à l’égard des familles monoparentales, soulève des inquiétudes.

En effet, l’une des raisons pour lesquelles le rapporteur a souhaité rétropédaler est pourtant déjà très prégnante sur le terrain. Ainsi, le recours à un père de nationalité française le temps d’un instant, celui de la reconnaissance administrative de l’enfant à la mairie, est un business lucratif qui prospère aujourd’hui à Mayotte et est bien connu des mères en situation irrégulière. Ne vous méprenez pas, les reconnaissances frauduleuses de paternité sont déjà largement répandues dans les circonstances actuelles.

Le retour à la rédaction initiale du code civil nous laisse penser que la réforme annoncée a été délaissée au profit d’un simple agencement des règles existantes. L’ambition s’est égarée en chemin…

Nous aurions espéré, si le véhicule législatif avait été prévu pour cela, et en écho à l’attente réelle des Mahorais, satisfaire à la nécessité la plus ultime, celle de la suppression du titre de séjour territorialisé.

Je le rappelle pour mémoire, Mayotte n’est ni un bagne ni un camp. La souveraineté de l’île est encore moins en discussion. Nous avons une fierté, celle d’ambitionner un avenir radieux au sein de la République.

Aussi, j’appelle le Gouvernement à se saisir de cette demande de réforme dans le cadre du futur projet de loi pour Mayotte, actuellement en cours de préparation. Car, sans une réponse de fond à cette problématique, tous les efforts des uns et des autres seront vains.

Pour faire face à la saturation à laquelle Mayotte est confrontée et dans l’attente d’un projet de loi téméraire, cette proposition de loi constitue, par défaut, une réponse partielle. Ce texte traduit la volonté de l’État de lutter contre l’immigration illégale sur un plan administratif.

Malgré les réticences que j’expose, la présente proposition de loi permet de poser un premier jalon. Celui-ci devra être complété par des moyens encore accrus sur le terrain pour endiguer les flux migratoires et, enfin, répondre à la demande initiale des Mahorais, qui luttent pour se réapproprier leurs terres et leurs droits.

Dans un esprit de responsabilité, en tant que cheffe de file du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, je vous invite à voter en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Sophie Briante Guillemont. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « la France est une République indivisible ». Une phrase, six mots d’une concision et d’une précision exemplaires, inscrits à l’article 1er de notre Constitution.

Ce n’est pas une simple formule. Ce n’est pas un concept juridique à géométrie variable, même si nous connaissons tous l’article 73 de notre loi fondamentale, qui instaure une faculté d’adaptation de notre corpus législatif.

Tout raisonnement juridique repose sur ce que l’on appelle le syllogisme. Cela fonctionne ainsi : majeure : « la France est une République indivisible » ; mineure : « Mayotte est un territoire de la République » ; conclusion : « Mayotte ne peut être séparée du reste de la France ».

Voilà un premier fait qu’il me semblait important d’établir d’emblée, sauf à remettre en cause le fait que Mayotte est un territoire français.

Deuxième fait : le droit du sol simple n’existe pas en France. Nous ne sommes pas aux États-Unis. On ne devient pas Français, simplement parce que l’on est né sur le territoire national. On est Français par le droit du sang. C’est d’ailleurs le cas de l’immense majorité des Français que je représente, qui vivent à l’étranger. On peut également l’être par le double droit du sol, c’est-à-dire en étant né en France, d’un parent lui-même né en France. Ce sont les seuls cas où l’on est automatiquement Français à la naissance.

En revanche, on ne peut acquérir la nationalité française du simple fait que l’on est né en France qu’à partir de ses 13 ans, et seulement après y avoir vécu au moins cinq ans depuis ses 8 ans.

Par conséquent, que Mamoudzou soit la plus grande maternité de France ne change rien. On ne devient pas Français parce qu’on est né dans le pays : il faut ensuite y rester, et y rester longtemps.

Or le droit de la nationalité à Mayotte présente déjà une particularité notable, qui en fait de facto un territoire en marge de la République. En effet, à la naissance de l’enfant, pour que celui-ci obtienne la nationalité française, il faut justifier du fait que l’un des deux parents y réside de manière régulière et ininterrompue depuis au moins trois mois. La proposition de loi remaniée que nous examinons aujourd’hui tend à porter ce délai à un an. Dans les deux cas, bien entendu, cette condition ne sera jamais remplie par les migrants clandestins.

Introduite par amendement en 2018, cette disposition constitue, selon les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, une entaille profonde dans notre droit républicain.

Donc, lorsque le Président de la République affirme que « Mayotte est la première maternité de France, avec des femmes qui viennent y accoucher pour faire de petits Français », il se trompe. Il faut mettre fin à ce fantasme auquel on veut faire croire, à tort, nos concitoyens : ce n’est pas parce que l’on naît à Mayotte que l’on devient Français. Il ne s’agit pas d’une vue de l’esprit, mais d’une réalité juridique.

Troisième fait à établir : Mayotte doit faire face à un incommensurable problème d’immigration.

Cette immigration, comme le rapporteur nous l’a expliqué, vient des pays voisins, et principalement des Comores, dont Mayotte faisait partie jusqu’au référendum de 1974.

La moitié des enfants nés à Mayotte sont issus de couples mixtes, comprenant un Mahorais et un migrant – la moitié ! C’est bien là la preuve d’une culture commune, et même le signe qu’il faudrait réfléchir à l’acquisition de la nationalité française par le mariage plutôt que par le droit du sol. Mais passons…

La question qui se pose, la seule question intéressante d’ailleurs si l’on cherche des solutions, est la suivante : pourquoi les migrants vont-ils à Mayotte ?

Ils n’y vont certainement pas pour obtenir un passeport : il a été rappelé que ce n’était pas si simple. Ils y vont, car les liens familiaux y sont déjà intenses, car la culture, y compris la religion, est commune et, surtout, car Mayotte est toute proche : elle n’est séparée des Comores que de 70 kilomètres, alors qu’elle en est à des années-lumière en termes de développement.

Du point de vue français, Mayotte est un département pauvre, qui détient tous les records : de chômage, de pauvreté, d’insécurité. Nous connaissons les immenses difficultés des Mahorais, amplifiées par le cyclone Chido. Mais, pour les Comoriens, la France est un pays riche, un territoire où l’on a moins de chances de mourir lorsqu’on est enceinte. Ainsi, le taux de mortalité maternelle est douze fois plus élevé aux Comores qu’à Mayotte.

C’est aussi un territoire où l’on gagne davantage d’argent : les transferts de fonds des migrants vers les Comores représentent 20 % du PIB comorien. Le pays en est totalement dépendant.

Nous avons donc créé, en plein milieu de l’océan Indien, une frontière entre le Nord et le Sud. Mayotte est huit fois plus riche que les Comores. Cet écart de développement est comparable à celui qui existe entre les États-Unis et le Mexique.

Voilà pourquoi les migrants viennent à Mayotte : parce qu’ils pensent y trouver une vie meilleure. C’est une aspiration profondément humaine.

Nous saluons l’honnêteté intellectuelle de M. le rapporteur, qui a modifié le texte pour le rendre plus acceptable d’un point de vue constitutionnel. En effet, la version du texte issue des travaux de l’Assemblée nationale était une aberration.

Pour autant, nous ne pensons pas que c’est en modifiant une seconde fois notre droit du sol spécifiquement pour Mayotte, sans même avoir pu évaluer l’impact du changement décidé en 2018, que nous arriverons à stopper l’immigration illégale. D’ailleurs, les chiffres indicatifs dont nous disposons ont plutôt tendance à montrer que cela n’a rien changé en termes de flux migratoires.

Bien évidemment, la situation actuelle est insupportable pour les Mahorais. Mais, pour y remédier, notre droit n’y pourra rien.

Alors, plutôt que de ronger encore un peu plus ce principe structurant de notre République qu’est l’indivisibilité, peut-être pourrions-nous engager une véritable politique publique visant à s’attaquer aux réelles causes de l’immigration illégale et massive : la pauvreté aux Comores. Cette politique existe. Elle a un même un nom, souvent décrié aujourd’hui, alors que nous avons là un exemple patent de son utilité : l’aide publique au développement.

Parce que la réponse à apporter à Mayotte n’est, malheureusement, pas juridique, et parce que mon groupe est radicalement républicain, nous refuserons de voter cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST, SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi une proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale le 6 février dernier. Elle y a provoqué bien des tumultes, imbroglios et erreurs de vote, dont j’espère que nous arriverons à corriger les effets aujourd’hui.

Ce texte fait écho au récent rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer, rédigé par notre collègue Victorin Lurel et notre ancien collègue Philippe Bas, et intitulé Laction de lÉtat outre-mer : pour un choc régalien. Les travaux préparatoires de ce rapport, publié en janvier 2025, ont duré une année : ils ont donc commencé bien avant le passage catastrophique du cyclone Chido à Mayotte, le 14 décembre 2024. Cet évènement a remis en lumière la situation particulière de ce territoire français en termes d’immigration.

Deux objectifs majeurs ont guidé la réflexion de nos deux collègues : s’interroger sur la capacité de l’État à assurer pleinement ses missions fondamentales et engager des politiques publiques permettant de répondre efficacement aux réalités des territoires et, avant tout, aux besoins et aux attentes des habitants.

Or lutter contre l’immigration clandestine est une demande constante exprimée par les Mahorais.

Pour y répondre, la recommandation n° 22 dudit rapport vise à réexaminer le mode d’acquisition de la nationalité française par les enfants nés à Mayotte de parents étrangers, en envisageant de revoir la durée exigée de résidence régulière et ininterrompue sur place des deux parents, avant la naissance.

Le texte que nous examinons tend à donner une suite législative à cette préconisation en renforçant les conditions d’accès à la nationalité française, spécifiquement sur le territoire français qu’est Mayotte, en régissant notamment le statut des futurs parents, duquel découlera l’obtention ou non de la nationalité française de leur enfant.

Si j’emploie le verbe « renforcer », c’est pour rappeler qu’une mesure du même ordre a été introduite dans le cadre de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, dite loi Asile et Immigration. Cette dernière a en effet créé, à Mayotte, une condition supplémentaire à l’acquisition de la nationalité via le droit du sol. Cette nouvelle modalité porte sur la régularité du séjour de l’un des parents au moment de la naissance de l’enfant sur le sol mahorais.

Une telle mesure, adoptée il y a sept ans, et qu’il nous est aujourd’hui demandé de modifier en allongeant le délai minimal de séjour de trois mois à un an, n’est pas une spécificité française. En effet, plusieurs pays européens disposent de règles limitant l’accès à la nationalité à une résidence régulière des parents sur leur territoire – je pense notamment à la Belgique et à l’Irlande.

En outre, la France se distingue du Canada, du Mexique, ou encore des États-Unis, pays dont les enfants obtiennent automatiquement la citoyenneté en y naissant. Sur notre territoire, ce principe d’acquisition de la nationalité par le sol ne s’applique pas.

Il ne suffit ainsi pas de naître en France pour être Français d’origine, autrement dit Français de plein droit à la naissance. La nationalité est attribuée en principe, parce qu’au moins l’un des parents est Français. Le droit du sol ne joue qu’un rôle plus modeste.

C’est cette spécificité française, et même européenne, qui rend possible l’application de mesures propres à Mayotte. Il y a donc là, non pas la violation d’un principe démocratique, mais l’adaptation de notre droit à des circonstances précises.

C’est d’ailleurs le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision du 6 septembre 2018, a réaffirmé que la différence de traitement prévue à l’article 2493 du code civil tenait compte des caractéristiques et contraintes particulières spécifiques à Mayotte. Vous l’avez rappelé dans votre propos liminaire, monsieur le garde des sceaux.

Comme l’ont écrit plusieurs auteurs, la mesure proposée pour Mayotte pourrait très bien s’appliquer à d’autres parties du territoire national si des circonstances particulières le justifiaient, et ce en vertu de l’article 73 de la Constitution. Ce dernier dispose en effet que « dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui tend à instituer une durée minimale de résidence régulière d’un an, et non de trois ans, comme la version du texte issue des travaux de l’Assemblée nationale le prévoyait.

Au-delà de cette modification, et pour ne pas porter atteinte aux exigences constitutionnelles, le texte écarte en outre deux dispositions adoptées par nos collègues députés, ce dont je vous remercie, monsieur le rapporteur, et ce dont nous nous réjouissons.

La première est l’extension de l’obligation de résidence aux deux parents, disposition qui ne tient pas compte de la situation des familles monoparentales, ce qui contrevient au principe d’égalité devant la loi.

La seconde est l’obligation, pour les parents de l’enfant, de présenter un passeport biométrique à l’officier d’état civil français. En effet, puisque ce type de document n’est délivré que par un nombre limité d’États, l’application de cette mesure aurait pu être source de discriminations selon le pays d’origine.

Au regard de cette approche réaliste, le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi, qui ne vise qu’à modifier les articles 2493 et 2495 du code civil, afin de fixer un nouveau délai minimal de séjour pour les parents étrangers d’enfants nés à Mayotte. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’île de Mayotte et ses habitants ont subi il y bientôt quatre mois les effets d’un cyclone dévastateur, ravageant un territoire déjà abandonné. Je souhaite d’ailleurs rendre ici hommage aux victimes de ce drame.

Dans le cent unième département français, 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, et le taux de chômage y atteint 37 %. Avant l’arrivée du cyclone, 30 % des foyers n’étaient pas raccordés à l’eau, et un logement sur quatre était en tôle.

En parallèle, en matière de prestations sociales, les habitants de l’île restent particulièrement discriminés. Par exemple, ils ne perçoivent que 50 % du montant de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de la prime d’activité et du revenu de solidarité active (RSA) versé dans l’Hexagone.

Malgré cette situation particulièrement alarmante, à en croire les auteurs de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, l’urgence ne serait pas là. Le véritable enjeu serait l’accession à la nationalité française des enfants nés sur l’île et y ayant passé dix-huit années.

Pourtant, aucun chiffre, aucune analyse ne permet de démontrer que les conditions d’accès à la nationalité à Mayotte sont un facteur d’attractivité au regard des flux migratoires. J’en veux pour preuve le fait que si, depuis le durcissement législatif de 2018, le nombre de personnes devenues françaises a diminué, tel n’est pas le cas de celui des personnes étrangères sur le territoire mahorais.

À l’inverse, cette mesure profondément discriminatoire aura pour effet certain de placer la population locale dans une précarité administrative, sociale et économique encore plus grande. En effet, nombreuses sont les dispositions propres à ce territoire qui enferment et condamnent encore davantage ses habitants. C’est le cas des titres de séjour délivrés à Mayotte, qui ne permettent pas de circuler librement sur l’ensemble du territoire français et dans l’espace Schengen.

La population de Mayotte est abandonnée par notre État et discriminée par nos lois.

Et pourtant, Mayotte s’inscrit dans une géographie et dans une histoire trop souvent ignorées pour servir des intérêts électoraux.

Ainsi, l’archipel des Comores est composé des îles d’Anjouan, de la Grande Comore, de Mohéli et de Mayotte. À l’amorce du processus d’indépendance des Comores en 1974, l’archipel est encore considéré dans son entièreté, et c’est le peuple comorien uni qui est appelé à se prononcer lors du référendum. Valéry Giscard d’Estaing, alors Président de la République, le rappelait en ces termes : « les Comores sont une unité, ont toujours été une unité. […] Nous n’avons pas, à l’occasion de l’indépendance d’un territoire, à proposer de briser l’unité de ce qui a toujours été l’unique archipel » des Comores.

Cependant, après le référendum, le gouvernement français adopta une attitude opposée, interprétant les résultats à son avantage et s’assurant de garder une position stratégique dans le canal du Mozambique, au détriment de l’unité du peuple.

En effet, dans l’ensemble de l’archipel, plus de 95 % du peuple comorien s’était prononcé en faveur de l’indépendance. Mais, en son sein, les habitants de l’île de Mayotte avaient voté à 65 % contre l’indépendance. L’État français a alors divisé l’archipel et le peuple comoriens.

Aujourd’hui cette histoire résonne.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Il y a eu deux votes !

M. Jérémy Bacchi. Dire cela ne résulte pas, comme vous le déclariez tout à l’heure à ma collègue Corbière Naminzo, monsieur le garde des sceaux, d’une volonté a posteriori, cinquante ans après, de voir Mayotte redevenir un territoire comorien. Au contraire, il s’agit d’essayer de comprendre les causes ayant conduit à une situation d’une telle complexité.

Cette proposition de loi, discriminatoire selon nous, ne produira aucun effet en matière de lutte contre les flux migratoires, car elle concerne un peuple divisé administrativement, mais qui, pas sa géographie, par sa culture et par son histoire, reste uni.

Le droit du sol est un fondement de notre République depuis 1789. Y attenter à Mayotte, c’est faire reculer la République française sur ce territoire. C’est pourquoi le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER. – M. Akli Mellouli applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Antoinette Guhl. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, aujourd’hui, nous débattons d’une proposition de loi indécente.

Elle est indécente d’abord, parce qu’elle détourne l’attention d’une catastrophe humanitaire, sociale et écologique sans précédent à Mayotte.

Elle est indécente ensuite, parce qu’elle instrumentalise la détresse des Mahoraises et des Mahorais au profit, j’ose le dire, d’une stratégie électorale dangereuse.

Elle est indécente enfin, parce que Mayotte souffre. Et face à cette souffrance, quelle est votre réponse ? Durcir encore l’accès à la nationalité ? Restreindre encore un peu plus le droit du sol ? Ajouter de nouvelles contraintes aux enfants nés à Mayotte ? Quelle indécence !

Mayotte est un département de la République que vous traitez comme une exception permanente, comme le territoire de toutes les régressions.

Depuis 2018, les conditions d’accès à la nationalité française y ont déjà été réduites par la loi Collomb. Cette dérogation territoriale impose déjà des critères plus stricts aux enfants nés à Mayotte.

Pour quel résultat, monsieur le garde des sceaux ? Mélanie Vogel a déjà répondu à cette question : aucun effet sur l’immigration. J’ajoute : aucun effet non plus sur la pauvreté ou sur les tensions sociales.

La réforme a eu pour seule conséquence de priver de nombreux jeunes d’une nationalité à laquelle ils avaient droit, de fabriquer des « invisibles », de créer une citoyenneté de seconde zone.

Avant le cyclone, la situation était déjà catastrophique. En effet, depuis des années, Mayotte subit une crise multiforme.

Il s’agit d’une crise sociale tout d’abord, avec un taux de pauvreté qui dépasse les 80 %, un chômage endémique et des inégalités croissantes.

Il s’agit d’une crise écologique ensuite, avec des ressources en eau épuisées, une gestion des déchets chaotique et un territoire asphyxié par l’absence d’infrastructures adaptées.

Il s’agit d’une crise humanitaire enfin, avec des milliers de familles qui vivent dans des conditions indignes, et pour lesquelles l’accès aux soins, à l’éducation, aux services publics relève du parcours du combattant.

Et puis, le cyclone Chido est venu balayer ce qui restait, détruisant des milliers de foyers, arrachant les toits, inondant les terres, laissant un paysage de désolation derrière lui.

Face à cette situation d’urgence absolue, l’action de l’État devrait être multiple : protéger, afin de garantir sécurité et dignité, en reconstruisant des logements, des écoles et des routes ; préserver la solidarité, afin d’assurer un accès immédiat à l’eau potable, à l’électricité et aux soins ; reconstruire, pour donner un avenir durable à Mayotte, en investissant massivement dans les infrastructures et en mettant fin aux politiques d’exception, qui condamnent l’île à l’abandon.

Ce texte ne répond en rien aux défis auxquels Mayotte est confrontée. Il détourne l’attention en désignant un bouc émissaire commode : l’immigration. Et désormais, sans étude d’impact des décisions précédemment prises, vous voudriez aller encore plus loin, comme si Mayotte était une terre étrangère à qui l’on refuserait l’application du droit commun…

Mayotte est française. Ses habitants sont Français. Ils doivent avoir les mêmes droits que tous les autres citoyens.

Mayotte ne peut devenir le territoire de la régression des droits. S’agirait-il de l’expérimentation de restrictions que vous souhaiteriez ensuite étendre à tout le territoire national ? Je pose la question.

Le droit du sol n’est pas une faille, ni une erreur, ni une faiblesse. C’est une conception de la nation, qui repose sur l’inclusion et l’intégration. Vous voulez faire croire que l’immigration est le problème, alors que le véritable problème de Mayotte est son abandon par l’État.

Depuis plusieurs mois, votre majorité multiplie les attaques contre les étrangers et contre les principes républicains. Hier, vous avez voulu interdire le port du voile dans le sport, et aujourd’hui, vous vous en prenez au droit du sol. À force de relayer les obsessions de l’extrême droite, vous lui préparez le terrain, vous alimentez l’opinion avec ses thèmes, vous normalisez son discours.

Alors, nous allons nous battre pour nos valeurs républicaines : nous allons nous battre dans cet hémicycle ; nous allons nous battre dans la rue ; nous allons nous battre partout, parce que nous refusons cette musique nauséabonde de l’exclusion et du rejet de l’autre !

La France a besoin de solidarité, pas de discrimination ! La France a besoin d’un État qui assume ses responsabilités, pas d’un État qui stigmatise ! La France a besoin de justice sociale, pas d’une surenchère sécuritaire et inefficace !

M. le président. Il faut conclure !

Mme Antoinette Guhl. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre cette proposition de loi indécente, dangereuse et indigne. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains, soutenu par le Gouvernement, nous propose aujourd’hui de revenir sur le droit du sol à Mayotte, poursuivant ainsi sa confusion progressive, voire sa fusion, avec l’extrême droite (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Après le passage du cyclone Chido, qui a dévasté Mayotte, et face aux terribles problèmes qui touchent le territoire – manque d’investissements chronique fragilisant les services publics, déficit criant de logements décents, absence d’accès à l’eau potable –, certains ici estiment avoir trouvé la solution. Des investissements publics massifs, notamment en faveur de l’hôpital et de l’éducation nationale ? Nullement ! En réalité, le véritable problème est encore et toujours l’immigration… (Sourires sur les travées du groupe SER.)

Depuis 1515, le droit du sol permet à l’enfant d’un étranger né et résidant en France de devenir Français. En 1889, ce principe est devenu un fondement de la République. Patrick Weil a dit : « Le droit du sol républicain, progressif et conditionnel, est tellement au fondement de notre identité nationale que même le régime de Vichy l’a maintenu dans le projet de réforme de la nationalité qu’il avait préparé ».

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Cela devrait vous interroger !

Mme Corinne Narassiguin. Contrairement à ce que certains prétendent dans notre hémicycle, le simple fait de naître sur le territoire français ne confère pas la nationalité française. Il n’y a aucune automaticité pour les enfants qui naissent sur le territoire mahorais. C’est la double condition cumulative de la naissance couplée à la résidence en France au moment de la demande et pendant au moins cinq années durant l’adolescence, qui permet d’acquérir la nationalité française.

Vous nous proposez donc de violer l’indivisibilité de notre République, après l’avoir fait une première fois en 2018 via la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, dite Asile et immigration. Depuis plus de six ans, pour qu’un enfant devienne français à Mayotte, il faut qu’au moins l’un de ses parents ait résidé sur le territoire mahorais de manière régulière et ininterrompue pendant plus de trois mois, sous couvert d’un titre de séjour.

En dépit de nombreuses demandes formulées par des parlementaires, il n’existe aucune évaluation du régime dérogatoire mis en place en 2018 qui permette de mesurer l’effet escompté sur l’immigration irrégulière.

Pire, si le nombre des acquisitions de la nationalité française à Mayotte à la majorité a été divisé par trois, celui des étrangers en situation régulière a été multiplié par dix. Quant au nombre de naissances sur l’île, il n’a cessé d’augmenter, avec une hausse de 47 % entre 2014 et 2022. Comment osez-vous sérieusement prétendre qu’il existe une corrélation entre le droit de la nationalité et la lutte contre l’immigration régulière ?

J’ai souvent l’impression, chers collègues de droite, que votre aveuglement vous empêche de vous mettre à la place de ces hommes et de ces femmes qui fuient les Comores et d’autres pays de la région et de vous poser cette question : qu’aurais-je fait dans l’espoir d’une vie meilleure, pour pouvoir accoucher sans risquer ma vie, pour pouvoir offrir à mes enfants une éducation, pour percevoir un revenu décent, pour nourrir ma famille ?

Vous préférez plutôt imaginer ces personnes en train de peser le pour et le contre d’une traversée où elles risquent leur vie en se demandant si leurs futurs enfants pourront bénéficier de la nationalité française… Quelle déconnexion et quel cynisme !

Je le dis à ce gouvernement et à certains qui se croient encore de gauche sur une partie des travées de notre hémicycle : c’est une véritable compromission !

Avec cette réforme, vous violez une fois de plus notre Constitution. L’atteinte manifeste et disproportionnée de cette proposition de loi au droit du sol n’est ni justifiée ni adaptée.

Il n’a jamais été démontré, depuis 2018, que la réforme du droit du sol avait endigué les flux migratoires. Au contraire, elle n’a fait qu’accroître la grande précarité de nombreuses familles et de jeunes privés d’accès à la nationalité française et contraints de survivre sur le territoire. Quant aux visas territorialisés, ils n’ont fait qu’aggraver cette situation, comme notre collègue Saïd Omar Oili l’a rappelé.

Non contents de vos errements passés, vous poursuivez dans cette voie avec entêtement et populisme. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’opposera de nouveau à toute tentative d’atteinte au droit du sol et de violation des droits fondamentaux d’hommes et de femmes, mais surtout d’enfants. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à mayotte

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte
Article unique

Avant l’article unique

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 4, présenté par M. Omar Oili, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Avant l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan de la mise en œuvre des dispositions relatives aux conditions d’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France des enfants nés à Mayotte de parents étrangers telles qu’elles résultent de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Ce rapport évalue notamment l’évolution des flux migratoires à Mayotte depuis l’entrée en vigueur de ces dispositions.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Absence d’avis du Conseil d’État, absence d’étude d’impact et absence d’évaluation des dispositions de la loi de 2018, qui a porté une première atteinte au droit du sol à Mayotte. Voilà les conditions dans lesquelles nous allons légiférer aujourd’hui, et nous comprenons bien pourquoi : ce texte est d’abord un tract politique ! Il n’a pas pour objet d’apporter une réponse juridique solide aux difficultés que rencontrent Mayotte et les Mahorais.

Avant d’envisager toute modification du droit de la nationalité à Mayotte, la priorité aurait été d’évaluer la loi de 2018 et la restriction du droit du sol qui s’applique depuis le 1er mars 2019 aux enfants qui naissent sur le territoire mahorais de parents étrangers.

Non seulement ces évaluations n’ont pas été faites, mais les demandes en ce sens sont restées lettre morte. Lors de l’examen du précédent projet de loi relatif à l’immigration, les demandes d’évaluation ont été rejetées.

Plus récemment, au mois de janvier dernier, Victorin Lurel et notre ancien collègue Philippe Bas, au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, ont rendu un rapport sur l’action de l’État en outre-mer dans lequel ils recommandaient la réalisation d’une étude d’impact sérieuse sur la réforme des modes d’acquisition de la nationalité française par les enfants nés à Mayotte de parents étrangers, adoptée en 2018.

Ce qui paraît évident pour tout le monde ne l’est donc ni pour la commission des lois, qui se retranche derrière le rejet habituel des demandes de rapport, ni pour le Gouvernement, qui, depuis cinq ans, fait obstruction à toute évaluation de la loi de 2018.

Je relève d’ailleurs que le groupe RDPI lui-même, qui défendait le principe d’une évaluation en 2024, a désormais renoncé à cette idée ; c’est absolument regrettable !

La position de notre groupe, elle, n’a pas varié : il est inadmissible qu’une réforme aussi majeure que celle qui vise à restreindre, sur un territoire de la République, les conditions d’accès à la nationalité française soit réalisée sans évaluation sérieuse préalable. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par Mme M. Vogel, M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Avant l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant la mise en œuvre de l’article 16 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 relative à une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Le rapport dresse le bilan des effets de la mesure sur l’arrivée de personnes migrantes, sur la nature et l’ampleur des fraudes ainsi que sur l’évolution des acquisitions de la nationalité française par le droit du sol à Mayotte.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Dans le même esprit que l’amendement précédent, celui-ci a pour objet que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les effets de la loi de 2018.

On se plaint souvent, au Sénat, d’une régulation excessive, d’une inflation des normes, de l’excès de législation, etc. Aussi, je ne vois pas pourquoi notre assemblée accepterait de durcir une loi qui ne sera pleinement mise en œuvre qu’en 2032 sans avoir une idée objective quant aux effets qu’elle a eus sur les flux migratoires, car tel était l’intention du législateur, ou sur toute autre question.

Les données objectives dont nous disposons aujourd’hui ont plutôt tendance à montrer que la loi de 2018 n’a eu strictement aucun impact.

J’y insiste, il me semble assez curieux que le Sénat ne cherche pas à savoir si l’intention supposée du législateur à cette époque est bien satisfaite aujourd’hui.

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, MM. Brossat, Bacchi et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Avant l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant la mise en œuvre de l’article 16 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 relative à une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Le rapport porte notamment sur les conséquences de la loi sur les droits des enfants, ses effets sur les flux migratoires et l’évolution du nombre de titres de séjour délivrés à Mayotte.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Par cet amendement, nous demandons que le Gouvernement produise un rapport d’évaluation de la loi de septembre 2018, qui introduisait l’exigence du caractère régulier et ininterrompu de la résidence en France de l’un des parents pendant les trois mois précédant la naissance de l’enfant.

Ce document devra analyser les conséquences de la loi sur les droits des enfants, les flux migratoires et l’évolution du nombre de titres de séjour délivrés à Mayotte.

Le texte que nous étudions aujourd’hui s’inscrit dans la continuité des mesures de 2018 et les renforce, sans que nous les ayons évaluées. Modifier un principe aussi fondamental que le droit du sol nécessite pourtant de juger les impacts d’une telle réforme.

Les premiers résultats dont nous disposons sont les chiffres du ministère de l’intérieur et des professionnels sur le terrain. Ils ne démontrent pas que les durcissements législatifs précédents ont répondu à l’objectif des pouvoirs publics d’endiguer les flux migratoires.

Nous l’avons dit, ce texte nous semble par ailleurs comporter des menaces sérieuses pour les droits des enfants. Voilà pourquoi nous demandons qu’un rapport décrive de manière explicite quel a été l’impact de la loi de 2018 en ce domaine.

J’ajoute que la précarité dans laquelle les enfants vivent à Mayotte est organisée par la République elle-même. Sur les bancs de l’école, ces enfants souffrent de la faim ; ils subissent chaque jour les discriminations de la part de l’État français.

Bref, il est opportun de dresser un bilan de la loi de 2018, afin de légiférer en connaissance de cause, à partir d’éléments concrets.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Chers collègues, vous connaissez la jurisprudence constante de la commission des lois sur les demandes de rapport. L’avis sera donc défavorable.

Néanmoins, il faudra un jour ou l’autre que nous réalisions une étude d’impact sur l’ensemble du dispositif qui sera mis en œuvre dans quelques années. Tel était d’ailleurs le sens du rapport coécrit par Philippe Bas et Victorin Lurel, remis en janvier 2025.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je veux revenir sur ce qui a été dit lors de la discussion générale, notamment sur les visas territorialisés. Si j’ai bien compris, les amendements déposés sur ce sujet par certains sénateurs n’ont pas été jugés recevables par la commission des lois, mais leurs dispositions pourront sans doute être discutées à l’occasion de l’examen d’un autre texte.

Je pense que vous connaissez mon opposition à la fin des visas territorialisés. Je connais bien le sénateur Omar Oili. Aussi, je comprends les raisons qui l’ont conduit à déposer l’amendement n° 4. Ce serait une bonne chose de supprimer les visas territorialisés. Toutefois, ils ne pourront l’être que lorsque la question fondamentale de l’immigration irrégulière à Mayotte aura été réglée.

Nos compatriotes mahorais connaissent des difficultés extrêmement fortes et attendent que la situation s’améliore. Celle-ci dure depuis un certain temps, madame Narassiguin, ces visas ayant été mis en place sous le gouvernement d’Édouard Balladur. Notez que la gauche, qui a été au pouvoir depuis lors au cours de deux périodes de cinq ans, ne les a jamais abolis !

Il serait bon que vous ne soyez pas contre lorsque vous êtes dans l’opposition et pour quand vous êtes aux responsabilités,…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est vrai que ce n’est pas du tout votre genre à vous !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. … sans quoi vous risquez de vous voir reprocher une posture politicienne. Il faut faire attention aux propos que l’on tient.

Je peux très bien comprendre que le sénateur Omar Oili formule cette demande, car Mayotte vit des difficultés extrêmement fortes, dues à une immigration irrégulière qui reste bloquée sur l’île. D’ailleurs, cette immigration est en train de toucher l’île de La Réunion, avec son lot de difficultés ; je pense notamment à la situation des mineurs isolés.

Du point de vue du territoire national, il semble que l’on ne peut résoudre le problème des visas territorialisés tant que l’on n’aura pas résolu celui de l’immigration irrégulière. Or cela passe par une modification en profondeur du droit du sol pour les étrangers présents à Mayotte.

À l’avenir, néanmoins, nous aurons de nouveau l’occasion d’évoquer la question des visas territorialisés avec le groupe socialiste, entre autres. Le ministre des outre-mer, Manuel Valls, pourra sans doute exprimer la position du Gouvernement sur ce sujet.

J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Avant l’article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte
Intitulé de la proposition de loi (début)

Article unique

Le titre Ier du livre V du code civil est ainsi modifié :

1° L’article 2493 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) À la fin, les mots : « plus de trois mois » sont remplacés par les mots : « au moins un an » ;

2° Le premier alinéa de l’article 2495 est ainsi modifié :

a et b) (Supprimés)

c) Les mots : « plus de trois mois » sont remplacés par les mots : « au moins un an ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 3 est présenté par Mme Narassiguin, M. Omar Oili, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 10 est présenté par Mme M. Vogel, M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

L’amendement n° 12 est présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, MM. Brossat, Bacchi et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 3.

Mme Corinne Narassiguin. Au cours de la discussion générale et de l’examen de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, nous avons largement développé les arguments qui, à nos yeux, justifient le rejet de ce texte.

Au travers de cet amendement, je souhaite vous alerter sur un risque de contournement de l’article 73 de la Constitution. Celui-ci permet d’adapter la législation dans les départements et régions d’outre-mer (Drom), pour tenir compte de leurs spécificités.

Les spécificités et contraintes que connaît Mayotte sur le plan migratoire ne sont contestées par personne ; chacun, ici, en reconnaît la réalité et l’ampleur. Cependant, ce constat n’autorise pas à faire tout et n’importe quoi. Ainsi, on ne peut pas procéder à des adaptations de la loi qui n’ont aucun lien avec les difficultés du territoire. Or c’est exactement ce qui est proposé dans ce texte.

Nous n’allons pas résoudre les difficultés migratoires à Mayotte en remettant en cause le droit de la nationalité. Nous avons d’ailleurs déjà énuméré les éléments qui démentent tout lien entre migration et droits de la nationalité. Certains d’entre vous finissent par admettre qu’il n’y a pas de corrélation. Mais cela n’a pas d’importance, car l’essentiel est de continuer à faire de la politique, plutôt que de résoudre les véritables problèmes à Mayotte, tels que le défaut d’infrastructures…

Vous ne tenez pas compte de la réalité de la migration historique familiale qui existe entre l’archipel des Comores et Mayotte et que nous ne pourrons endiguer ni en mettant fin aux visas territorialisés pour les Comoriens ni en refusant toute politique de développement en faveur des pays de la région, à commencer par les Comores.

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 10.

Mme Mélanie Vogel. J’ajouterai aux propos de notre collègue Narassiguin une considération liée à la constitutionnalité du dispositif.

En exigeant une durée minimale de trois mois de résidence régulière pour l’un des deux parents, contrairement au droit commun, on a réduit de trois quarts le nombre de naturalisations fondées sur le droit du sol. C’est considérable !

Les auditions que nous avons menées ont révélé ceci : édicter une obligation de trois ans de résidence et étendre la condition de régularité du séjour aux deux parents est absolument disproportionné et manifestement anticonstitutionnel.

Un délai de résidence d’un an apparaît tout aussi excessif, car, en édictant une durée minimale de résidence de trois mois, nous avons réduit de trois quarts l’exercice du droit du sol dans un territoire de la République où il y a fort à parier qu’il était déjà peu utilisé.

Aujourd’hui, seuls 25 % des immigrés peuvent faire valoir ce droit. En l’affaiblissant encore, on réduit presque à néant son exercice dans l’un des territoires de la République.

Or l’article 73 de la Constitution, qui autorise seulement à adapter certains droits aux situations particulières de certains territoires, n’offre pas la possibilité de supprimer le droit du sol. Ainsi, vous ne pouvez pas utiliser un article qui permet d’adapter l’exercice d’un droit pour vider celui-ci de sa substance.

J’en suis convaincue, imposer un délai de résidence d’un an ou de trois ans ne changera pas grand-chose pour le Conseil constitutionnel, qui déclarera votre dispositif contraire à la Constitution. (M. Jacques Fernique applaudit. – M. le garde des sceaux proteste.)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour présenter l’amendement n° 12.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement vise à supprimer l’article unique, car celui-ci est contraire à la Constitution, comme nous l’avons dit lors de l’examen de la motion. En effet, instaurer une durée minimale de résidence ininterrompue d’un an pour le parent d’un enfant qui demande l’accès à la nationalité à Mayotte revient à mettre en place un traitement différencié et injustifié, fondé sur l’origine.

Une telle disposition est proprement discriminatoire. Elle va à l’encontre du principe d’égalité entre tous, qui est proclamé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et qui vaut pour tous les êtres humains, dans tous les territoires de la République.

Le plus inquiétant, c’est que ce texte attaque précisément les enfants qui naissent à Mayotte et dont la République française ne veut pas, alors qu’ils ne connaissent qu’elle. En conséquence, ces enfants se retrouvent piégés à Mayotte et ont pour seul sort les bidonvilles, la peur, la faim et la haine.

Il y a moins d’une semaine, nous votions à l’unanimité une résolution visant à mettre fin au sans-abrisme des enfants. C’était un vote généreux et républicain, qui ne faisait aucune discrimination.

Avec cette proposition de loi, c’est aux droits fondamentaux des enfants que l’on s’attaque. En effet, il est proposé que l’ensemble de leurs droits fondamentaux dépendent de la régularité administrative du séjour de leurs parents. Restreindre l’accès à la nationalité à ces enfants, c’est leur rendre l’accès à l’éducation plus difficile, les affamer et compromettre leur avenir.

Monsieur le garde des sceaux, reconnaître que le problème est celui de la fraude à la reconnaissance de paternité, c’est dire que ce texte est hors sujet et que nous ne nous occupons pas du vrai problème.

Nous refusons que Mayotte et les territoires d’outre-mer deviennent le laboratoire des lois hostiles aux étrangers, dont les enfants sont les premières victimes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Ces amendements de suppression tendent à discuter de nouveau de l’irrecevabilité ou la question préalable.

Mes chers collègues, nous ne sommes pas juges constitutionnels ; nous devons jouer notre rôle de législateur. Laissons le texte prospérer et voyons ce que dit le Conseil constitutionnel, s’il est saisi. Dans sa décision du 6 septembre 2018, ce dernier précise que l’article 73 de la Constitution permet d’adapter, « dans une certaine mesure », les règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers.

En l’occurrence, je pense que cette proposition de loi est mesurée, au vu des vagues migratoires successives que subit le territoire mahorais.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Des arguments relatifs à l’anticonstitutionnalité du dispositif avaient déjà été opposés à l’obligation de justifier d’une résidence d’au moins trois mois, voulue par Gérard Collomb au travers de la loi Asile et Immigration. Il n’empêche que cette dernière a été validée par le Conseil constitutionnel.

Ainsi, ce n’est pas parce que l’on annonce que le Conseil constitutionnel va censurer qu’il le fait. La preuve en a été apportée à de multiples reprises.

J’entends votre opposition franche à cette disposition, madame Corbière Naminzo, et je la respecte profondément. Toutefois, je ne puis vous laisser dire que l’on affame les enfants et que ces derniers ne vont pas à l’école. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)

En effet, la loi de République exige de scolariser les enfants, même s’ils ne sont pas français et ne possèdent pas un titre de séjour régulier sur le territoire national. Et vous savez très bien que la présente proposition de loi ne revient pas sur ce principe.

À Mayotte, la République est extrêmement généreuse. Compte tenu des difficultés rencontrées sur ce territoire, elle veille à accompagner toutes les personnes, a fortiori les enfants, quelle que soit leur nationalité.

Le service public de la santé est pleinement mobilisé : 90 % des personnes reçues à l’hôpital de Mayotte sont soignées gratuitement par la République française. (Mme Silvana Silvani sexclame.) C’est tellement vrai que la prise en charge de ces individus est inscrite au budget non pas de l’aide médicalisée de l’État (AME), mais de la sécurité sociale.

Il suffit de discuter avec les élus mahorais pour se rendre compte de l’importance du soutien de l’État.

Vous pouvez évidemment être contre cette disposition, mais abstenez-vous de dire des choses qui sont à la fois horribles et complètement contraires à ce que fait la République.

J’aimerais, madame la sénatrice, que vous puissiez rectifier vos propos sur le fait que l’on affame les enfants étrangers à Mayotte et que l’on ne les scolarise pas. (Mme Evelyne Corbière Naminzo proteste.) Ce dont nous débattons, c’est de la naturalisation. Il n’est pas question que les étrangers n’aient aucun droit, quand bien même ils se trouveraient en situation irrégulière sur le territoire national.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.

M. Saïd Omar Oili. Il est vrai que vous connaissez bien Mayotte, monsieur le garde des sceaux. Vous y êtes venu plusieurs fois et je vous ai moi-même accueilli sur le territoire.

Le problème, c’est que l’on expulse les parents tout en laissant leurs enfants à Mayotte. Ainsi, nous produisons des enfants qui ne sont ni expulsables ni régularisables. (M. le garde des sceaux acquiesce.)

La délinquance est souvent le fait de ces enfants, qui n’ont pas plus de 10 ou 12 ans. Heureusement, nous les scolarisons à Mayotte, en vertu de l’obligation scolaire. Il arrive que ces enfants décrochent leur diplôme du baccalauréat, certains avec une mention très bien. Ainsi, ils pourraient avoir intérêt à poursuivre leurs études dans d’autres endroits du territoire national. Or on leur dit qu’ils ne sont pas Français. Dès lors, ils retombent dans la délinquance.

Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation très délicate. On pourrait, en soi, expulser les parents avec leurs enfants, mais la loi nous l’interdit. Dans ces conditions, plus de 6 000 enfants abandonnés vivent à Mayotte, souvent dans les poubelles, et causent des désordres.

Nous devons examiner la situation dans son ensemble, car, nous, les Mahorais, souhaitons tout simplement vivre en liberté.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je comprends les propos du sénateur Omar Oili. Nous devrions trouver un compromis pour remédier à la situation de ces enfants qui sont abandonnés par leurs parents sur le territoire mahorais. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

Mme Silvana Silvani. Ces enfants ne sont pas abandonnés. Leurs parents sont expulsés ! Ce n’est pas la même chose…

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. M. le sénateur Omar Oili connaît la situation et sait très bien de quoi je parle. Des enfants sont abandonnés par leurs parents sur le territoire mahorais, comme sur le territoire réunionnais d’ailleurs. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à vous rendre à Mayotte pour constater ce problème de vos propres yeux, car vous semblez vous contenter d’observer la situation depuis Paris.

La véritable question qui se pose est celle de l’expulsion de la fratrie, au sens large. Cette situation appelle deux solutions. Tout d’abord, on pourrait régulariser l’intégralité de ces enfants ; je précise que l’on ne parle pas ici de naturalisation. Or ce n’est pas ce que proposent les auteurs de ce texte, qui n’a pas non plus été amendé en cens.

Monsieur Omar Oili, lorsque vous étiez maire, vous aviez déclaré ne plus vouloir scolariser d’enfants dans votre commune pour alerter l’État sur les problèmes qui se posaient dans votre territoire. Qu’un maire socialiste agisse de la sorte montrait qu’une difficulté majeure se pose pour tous les élus municipaux mahorais, quelle que soit leur couleur politique… Je prends vos responsabilités au sérieux, monsieur Omar Oili. Si vous avez tenu ces propos très forts, d’ailleurs contraires aux règles de la République, c’est bien pour interpeller les pouvoirs publics.

L’autre solution, à l’inverse de la régularisation, consiste à expulser les enfants, indépendamment de leurs parents. Or la loi de la République ne le permet pas. Dès lors, que suggérez-vous de faire au travers de cette proposition de loi ? Il est très difficile de répondre à ce cas pratique.

Il arrive, en effet, que des enfants étrangers inscrits à l’école de la République obtiennent leur baccalauréat avec une mention très bien. On observe des réussites extraordinaires à Mayotte, soit par l’intermédiaire du système scolaire classique, soit dans le cadre du régiment du service militaire adapté (RSMA).

Toutefois, ce n’est pas parce que ces enfants ne sont pas français qu’ils ne peuvent pas faire d’études sur le territoire national. (Mme Evelyne Corbière Naminzo proteste.) Entre l’irrégularité et la nationalité, il y a le statut d’étranger régulier.

Cette proposition de loi ne prévoit pas de ne jamais donner de papiers à des gens qui sont nés à Mayotte. Elle entend simplement empêcher que les enfants étrangers accèdent par principe à la nationalité française. Mais ceux-ci peuvent toujours devenir français, à terme, par l’effet du double droit du sol, du mariage ou de la volonté.

Nombre d’individus deviennent français sans être nés en France ou avoir des parents français. Lorsque j’étais ministre de l’intérieur, je prenais chaque année entre 30 000 et 40 000 décrets de naturalisation. Il s’agit de l’un des plus importants accès à la nationalité dans notre pays. Et il est, me semble-t-il, conforme aux principes républicains depuis le début.

Je le répète, entre l’irrégularité et l’acquisition de la nationalité, il y a la régularisation. Celle-ci permet aux enfants étrangers d’avoir, à 18 ans, un titre de séjour sur le territoire de la République, ce qui est une très bonne chose lorsqu’ils ont un parcours scolaire exemplaire.

Ne faisons pas croire que cette proposition de loi n’accorde aucun droit, à défaut d’octroyer la nationalité française : de nombreux étrangers vivent des dizaines d’années sur le territoire national en situation régulière.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 10 et 12.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 7, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le titre Ier du livre V du code civil est ainsi modifié :

1° À l’article 2492, après le mot : « Mayotte », la fin de l’article est ainsi rédigée : « , à l’exception des articles 19-1, 19-3, 19-4, 20-5, 21-7 à 21-12, 21-13-1, 21-13-2. » ;

2° Les articles 2493, 2494 et 2495 sont abrogés.

La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Nous avons eu largement l’occasion d’en discuter, les Mahorais connaissent trop bien les conséquences de l’immigration irrégulière : insécurité endémique, difficulté d’accès aux ressources de base, dont l’eau, surpopulation dans les écoles, développement d’un habitat anarchique, et j’en passe.

Il nous faut, pour Mayotte et pour le reste de la France, tarir les sources légales de cette situation. Aussi, nous proposons une mesure simple et symbolique, à savoir la suppression du droit du sol sur le territoire de Mayotte. Libre à chacun de considérer qu’il s’agit d’un amendement d’appel…

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code civil est ainsi modifié :

1° L’article 2493 est ainsi modifié :

a) Les mots : « l’un de ses parents au moins résidait » sont remplacés par les mots : « ses deux parents résidaient » ;

b) Les mots : « plus de trois mois » sont remplacés par les mots : « au moins trois ans » ;

2° Le premier alinéa de l’article 2495 est ainsi modifié :

a) Les mots : « de justificatifs » sont remplacés par les mots : « d’un titre de séjour mentionné au titre III du livre II ou au titre II du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, accompagné d’un passeport biométrique en cours de validité et comportant une photographie permettant l’identification du titulaire » ;

b) Les mots : « il réside » sont remplacés par les mots : « ses deux parents résident » ;

c) Les mots : « plus de trois mois » sont remplacés par les mots : « au moins trois ans ».

La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 9 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 7 ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Supprimer le droit du sol à Mayotte nécessiterait de réviser la Constitution.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 14, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

a) Les mots : « l’un de ses parents au moins résidait » sont remplacés par les mots : « ses deux parents résidaient » ;

La parole est à Mme Salama Ramia.

Mme Salama Ramia. Cet amendement vise à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale à l’issue de ses débats.

Des mesures inédites et ambitieuses doivent être mises en œuvre pour lutter contre l’immigration à Mayotte, territoire pénalisé par le titre de séjour territorialisé qui oblige les étrangers à séjourner sur ce seul territoire.

Aucune répartition n’est assurée ni avec le Drom voisin de La Réunion, ni avec l’Hexagone. Dans ces conditions, nous sollicitons une vraie politique de durcissement, à défaut d’appliquer le principe de solidarité qui prévaut pourtant entre tous les territoires européens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Je comprends vos objectifs, ma chère collègue : il convient aussi de lutter contre la reconnaissance frauduleuse de paternité, qui est un phénomène en pleine expansion, même si je note que les chiffres du ministère de la justice, notamment ceux qui ont été publiés en 2023, ne sont pas en adéquation avec le ressenti des habitants mahorais quant à ce phénomène.

Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, la mesure que vous proposez, telle qu’elle est rédigée, est totalement inconstitutionnelle, car elle exclut de facto les familles monoparentales. Il faudrait veiller à ce que l’on n’use pas d’autres voies de contournement si jamais on appliquait cette notion aux deux parents, notamment lorsque le père est en situation irrégulière : on ne viendrait pas chercher un père en situation régulière ou un père français.

Je vous propose, avant la réunion de la commission mixte paritaire, de trouver une rédaction qui tienne compte des familles monoparentales, tout en essayant d’appliquer aux deux parents cette disposition.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Madame Ramia, l’amendement n° 14 est-il maintenu ?

Mme Salama Ramia. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 14 est retiré.

L’amendement n° 15, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

au moins

par les mots :

depuis plus d’

La parole est à Mme Salama Ramia.

Mme Salama Ramia. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Cette modification serait sans effet sur le fond du dispositif. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 16, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

au moins

par les mots :

depuis plus d’

La parole est à Mme Salama Ramia.

Mme Salama Ramia. Il s’agit également d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Là encore, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article unique, modifié.

(Larticle unique est adopté.)

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte
Intitulé de la proposition de loi (fin)

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. L’amendement n° 17, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Remplacer le mot :

renforcer

par le mot :

encadrer

La parole est à Mme Salama Ramia.

Mme Salama Ramia. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 17 est retiré.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Monsieur le ministre, permettez-moi de reprendre à mon compte une question qui vous a déjà été posée : qu’êtes-vous donc en train de faire ?

Ces dernières semaines, nous avons eu droit à la remise en cause du mariage des couples mixtes dont l’un des membres n’était pas en situation régulière ; nous avons allongé les durées de rétention pour les personnes faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ; nous avons touché droit aux allocations des familles étrangères en situation régulière ; aujourd’hui, il est question de durcir les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte, avec la possibilité, évoquée durant le débat, d’étendre cette mesure à d’autres territoires.

Tous ces textes ont été examinés sans données et sans étude d’impact illustrant notamment leurs conséquences en termes de flux migratoires, alors que c’est précisément l’enjeu invoqué pour les justifier, et parfois même en dépit des données dont nous disposons. Qu’êtes-vous donc en train de faire, si ce n’est saturer le débat public en désignant les étrangers comme les responsables de toutes nos difficultés ?

Il y a peu de temps, notre pays faisait face à d’autres défis autrement plus pressants, mais ceux-ci semblent désormais oubliés : ce sont les étrangers qui sont pointés du doigt.

Ce que vous faites est extrêmement grave. Nous étions déjà familiarisés avec l’instrumentalisation de la question de l’immigration par l’extrême droite ; nous sommes maintenant forcés de constater que la droite – ou les droites – et le Gouvernement se livrent exactement à la même instrumentalisation.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Intitulé de la proposition de loi (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte
 

8

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale
Article 1er

Restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants

Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement dans la procédure accélérée, visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents (proposition n° 343, texte de la commission n° 464, rapport n° 463).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre dÉtat, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat examine ce soir la proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents, déposée par le président Gabriel Attal.

Vous le savez, nous entamons nos travaux sur ce texte dans un contexte de mutations profondes qui secouent notre société et nous mettent au défi de répondre à l’attente forte de nos concitoyens en matière d’autorité, à une jeunesse à la fois auteur et victime d’actes de délinquance et de criminalité, ainsi que des faits divers récents, qui touchent tous les parents et tous les citoyens.

L’actualité de ces derniers mois, de ces dernières semaines et de ces derniers jours souligne l’importance de faits graves commis par des mineurs, parfois très jeunes, à l’encontre d’autres mineurs, parfois très jeunes également, et qui suscitent toujours l’indignation et l’incompréhension de tous. J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises : si la justice est l’affaire de tous, c’est encore plus vrai de la justice des mineurs. Celle-ci nous concerne tous ; elle intéresse toute la société.

L’État lui-même se révèle trop souvent apparemment défaillant, à la fois dans la protection d’une jeunesse en danger et dans la réponse à apporter lorsque cette jeunesse transgresse les règles qui fondent notre société.

Nous savons que nous pouvons compter sur l’engagement et le travail remarquables de l’ensemble des acteurs qui interviennent dans la chaîne pénale relative à la justice des mineurs : les magistrats, les éducateurs, les greffiers, les avocats, les surveillants pénitentiaires, les acteurs sociaux, ainsi que les policiers et les gendarmes, qui, par leur accompagnement et leur humanité, s’efforcent de recadrer ceux qui sont nos enfants.

Chacun mesure combien notre société est actuellement confrontée à une délinquance des mineurs toujours plus prégnante et à des situations de plus en plus violentes qui heurtent et qui ne sont en aucun cas tolérables.

Force est de le constater, la France n’est pas la seule concernée parmi les pays occidentaux : cette violence des mineurs les touche tous. Selon les statistiques de 2024 basées sur les données remontées par les forces de sécurité intérieure, parmi les personnes mises en cause pour crimes et délits élucidés en 2023, quelque 21 % ont moins de 18 ans. Dans le détail, les mineurs sont plus particulièrement impliqués dans des faits de violence tels que le vol, avec ou sans arme, et les trafics de stupéfiants.

Ces chiffres se doublent de l’impuissance de l’autorité judiciaire, ainsi perçue par nos concitoyens, qui nous oblige collectivement à réadapter nos méthodes d’intervention et de sanction, sans pour autant renier les objectifs premiers de la justice des mineurs : l’éducation et l’accompagnement.

Ne fermons pas les yeux sur les causes de cette délinquance : la précarité, l’isolement et la défaillance de certains parents, les questions migratoires, l’intégration mal réussie, les logements insalubres, les réseaux de prostitution ou de drogue, les structures éducatives qui fragilisent parfois le lien entre le jeune et l’autorité, les parents qui ne jouent pas toujours leur rôle, l’école, les structures culturelles, nous-mêmes, qui parfois ne renforçons pas suffisamment l’autorité, le respect des règles et la reconnaissance des responsabilités individuelles.

Autrement dit, chacun doit assumer sa part de la situation ; les parents en premier lieu, tant on ne met pas au monde un enfant impunément – cela implique des responsabilités pour chacun.

Des parents doivent être sanctionnés, parfois parce qu’ils accompagnent même les actes de délinquance de leurs propres enfants, tant certains d’entre eux ont démissionné face à la violence et aux difficultés de la vie. D’autres, en revanche, doivent être accompagnés. C’est notamment le cas des familles monoparentales, un mot savant pour qualifier les femmes seules, qui travaillent souvent très tard le soir ou très tôt le matin. Celles-ci se retrouvent face à des adolescents auxquels l’autorité du père manque et qui ont besoin de l’État et des acteurs publics.

Il ne s’agit pas de sanctionner les mineurs pour le principe, non plus que les parents, qui seraient ainsi encore plus touchés par le monde qui les entoure. Il s’agit d’éduquer. Des parents sont défaillants, il faut les sanctionner ; des parents crient à l’aide, nous devons les aider.

Il nous faut donc réfléchir collectivement à la réponse à apporter, à chaque mesure et à chaque accompagnement mis en place par notre justice à l’encontre des mineurs qui ont besoin de cadre et qui ont surtout besoin que nous les respections.

Il nous faut réfléchir collectivement à la façon de renforcer l’autorité, qui va de pair avec l’éducation, une éducation sans sanction ne pouvant que mener aux difficultés que nous connaissons.

La délinquance des mineurs est ressentie comme toujours plus forte dans notre débat social, au point d’apparaître comme une tendance inexorable. Gageons que le travail que feront nos deux assemblées permettra à la justice, à l’autorité, de se réaffirmer.

Mon prédécesseur, Éric Dupond-Moretti, vous a présenté le code de la justice pénale des mineurs (CJPM), qui est entré en vigueur le 30 septembre 2021, avec pour objectif premier de rendre plus lisible et plus cohérent l’ensemble des textes relatifs à l’enfance délinquante.

Cette réforme d’ampleur, que vous avez accompagnée, portait déjà en son sein l’ambition d’une meilleure efficacité dans la lutte contre la délinquance des mineurs, notamment le principe d’un jugement plus rapide de ces derniers. C’est chose faite : les mineurs qui attendaient deux à trois ans, voire plus longtemps encore, pour être jugés devant un tribunal pour enfants, alors qu’ils étaient parfois devenus majeurs, sont désormais en moyenne jugés en moins de neuf mois.

Il reste beaucoup à faire, mais je salue le travail considérable réalisé par le précédent garde des sceaux et par le Parlement, ainsi que par les magistrats et les éducateurs spécialisés, pour prendre en compte cette demande.

La justice pénale des mineurs est régie par trois principes fondamentaux consacrés par le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision du 29 août 2002, et rappelés par l’article préliminaire du code de la justice pénale des mineurs que vous avez adopté.

Le premier principe est celui de la spécialisation : ce texte ne revient pas, monsieur le rapporteur, sur le principe de la spécialisation des acteurs de la procédure. Les mineurs doivent être jugés par des juridictions spécialisées, selon une procédure appropriée, et c’est une excellente chose.

Le deuxième principe est celui de la primauté de l’éducatif sur le répressif, selon lequel un mineur déclaré coupable d’une infraction doit d’abord faire l’objet de mesures éducatives, puis, seulement si les circonstances et sa personnalité l’exigent, de peines.

Pour autant, l’éducatif seul ne permet pas l’exercice de l’autorité, tandis que le répressif sans l’éducatif pour des enfants n’aurait pas de sens. Il faut donc l’éducatif et le répressif, et non l’un ou l’autre. Monsieur le rapporteur, il me semble que le travail que nous allons mener ensemble privilégie bien ce « et » de coordination, plutôt que le « ou » de substitution.

Le troisième principe est celui de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, communément appelé excuse de minorité.

Il ne serait ni constitutionnel ni conventionnel de revenir sur la modulation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de leur âge ; il faudrait pour cela opérer des changements bien plus profonds dans notre droit. Cette proposition de loi approche toutefois cette question en renversant, d’une certaine manière, la charge, pour savoir si le juge peut ou non écarter l’excuse de minorité dans le cadre du procès.

Les grands principes de rang constitutionnel et conventionnel engagent la France. Quel que soit le gouvernement en place, la France a ratifié et a accompagné la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) qui a fêté ses 35 ans le 20 novembre dernier. Il s’agit du texte international le plus largement ratifié au monde, par 196 pays, signe de l’importance et de l’universalité des principes qu’il porte.

Cette convention, notamment son article 40, souligne l’impérieuse nécessité de respecter la spécificité de la situation des mineurs et d’adapter la réponse judiciaire en conséquence.

Pour autant, il importe également de rappeler clairement que ces principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs ne confèrent nullement à ces derniers une quelconque impunité ; ils doivent être conciliés, comme le rappelle le Conseil constitutionnel, avec l’indispensable nécessité de prévenir les atteintes à l’ordre public, notamment l’intégrité des personnes et des biens.

Il s’agit donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de garantir d’une main tremblante, certes, mais ferme, l’autorité de la justice sur les mineurs, tout en respectant les trois principes que j’évoquais précédemment.

Dans le cadre de ces travaux sur la réponse pénale à apporter aux mineurs délinquants, un juste équilibre entre ces principes doit donc être trouvé. Tel est l’exercice délicat auquel nous devons nous prêter dans le cadre de l’examen de cette réforme. Nous l’avons fait à l’Assemblée nationale au cours de débats longs et passionnés, mais toujours respectueux.

Si j’en crois les comptes rendus de votre commission des lois, vous avez vous-mêmes déjà goûté à cet exercice délicat auquel nous allons nous consacrer dans quelques instants. Quoi de plus normal que des débats enflammés, discutés, mais toujours, j’en forme le vœu, éclairés par l’intérêt général s’agissant de la justice pour nos enfants ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, un mineur délinquant doit être puni. Mais un mineur délinquant est aussi souvent un mineur en danger. Agir sur la délinquance des mineurs implique donc également d’agir en amont au titre de la protection de l’enfance, qui est une politique défaillante des pouvoirs publics. Il importe de le rappeler, car la proposition de loi qui vous est soumise aborde les volets pénal et civil.

Le juge des enfants intervient dans ce cadre en ordonnant des mesures d’assistance éducative, sur le fondement des articles 375 et suivants du code civil, si « la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ».

Cette procédure visant à protéger le mineur intervient indépendamment de la commission d’une infraction par le mineur. Elle peut donc concerner les mineurs qui ont commis une infraction comme ceux qui n’en ont commis aucune.

Les parents et les mineurs doués de discernement sont entendus par le juge des enfants avant que celui-ci prenne sa décision. Et ce magistrat, précise le code civil, doit « toujours s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure envisagée ».

Les mineurs délinquants – les émeutes urbaines de 2023 l’ont montré –, ont bien souvent un parcours marqué par des mesures d’assistance éducative, par des mesures de protection d’un mineur isolé, par une prise en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Nombreux sont ceux qui ont subi les conséquences de la déstructuration de leur famille.

Il est donc essentiel, mais je le sais que votre assemblée en est consciente, d’agir sur les deux volets de la justice des mineurs. Ces derniers sont en effet complémentaires, et c’est en agissant sur ces deux volets que nous éviterons, demain, de créer de nouveaux délinquants.

Ce texte permettra, je l’espère, de juger plus vite et de façon plus ferme, mais il dotera également la justice de moyens pour prévenir plus efficacement, en lien avec les départements.

Ces rappels généraux effectués, j’en viens aux propositions de Gabriel Attal, de l’Assemblée nationale et de votre rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs.

La procédure d’audience unique sur comparution immédiate me paraît tout d’abord nécessaire, en dépit des critiques qu’elle suscite.

Lors de l’examen du texte élaboré par votre commission et des amendements qui vous seront soumis, le Gouvernement accompagnera l’élaboration de ce dispositif. Il s’agit, sans tomber dans la démagogie et en tenant compte de la réalité de l’office des juges des enfants, de permettre la rapidité d’intervention qui est essentielle pour limiter les conséquences négatives d’une accumulation de procédures, tant sur les victimes que sur les jeunes en conflit avec la loi.

L’amélioration de la représentativité des tribunaux pour enfants par la modernisation de leur composition est ensuite, vous le savez, une demande du Gouvernement. Je me réjouis que nous puissions débattre des amendements nos 28 rectifié quater et 40 rectifié, qui, dans un premier temps, avaient été déclarés irrecevables. Ce débat sera l’occasion de saluer le travail colossal des assesseurs des tribunaux pour enfants, qui, aux côtés des juges des enfants, enrichissent les décisions de leur compréhension in situ du contexte socio-économique et familial des jeunes qu’ils jugent.

L’enrichissement des mesures éducatives judiciaires provisoires doit enfin permettre de conjuguer fermeté et accompagnement. Cette mesure fait écho au drame qui a touché le jeune Élias et sa famille, à Paris. Les deux jeunes mis en examen étaient bien connus des services de la justice des mineurs. Or la violation des mesures éducatives auxquelles ils étaient soumis n’aurait entraîné aucune sanction.

Telle est l’absurdité de notre système et les difficultés auxquelles il confronte les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et les magistrats.

Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, à une époque où la défiance envers les institutions se fait de plus en plus prégnante, nous devons redonner son autorité à la justice de manière générale, et à celle des mineurs en particulier, tout en garantissant son efficacité sur le terrain et son humanité. La fermeté que nous instaurons est non pas une fin en soi, mais bien la condition indispensable pour restaurer la confiance des citoyens dans notre système judiciaire.

Le sujet qui nous réunit aujourd’hui est donc particulièrement sensible. La justice des mineurs ne peut pas être celle des majeurs, mais les mineurs d’aujourd’hui ne sont pas ceux de 1945. Forts de ces deux certitudes, nous saurons trouver de quoi écrire une loi efficace, qui nous permettra un jugement rapide et protecteur.

Il est des moments où l’on regrette des dispositions absentes d’un texte. En l’occurrence, le Gouvernement aurait souhaité que la protection de l’enfance trouve sa place dans cette proposition de loi. Nous aurons sans doute prochainement l’occasion d’évoquer ce sujet ici même, au Sénat.

Les modifications prévues par votre rapporteur n’emportent certes pas toujours l’adhésion du Gouvernement, mais je ne doute pas que nous trouverons lors des débats une voie d’entente, qui permette de préserver à la fois la force du texte proposé par Gabriel Attal et les enrichissements et l’efficacité souhaités par le Gouvernement, tout en faisant droit à la voix du Sénat, qui a toujours respecté les grands principes constitutionnels et conventionnels…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Constitutionnels, pas toujours !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. … et qui a toujours, je le sais, souhaité que la justice de notre pays soit au rendez-vous de la fermeté. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Francis Szpiner, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes donc réunis pour examiner la proposition de loi dite Attal. La justice des mineurs est, je le sais, une préoccupation que nous partageons tous, mes chers collègues.

Les données chiffrées qui m’ont été transmises au cours des auditions auxquelles j’ai procédé montrent que, en la matière, des infractions de plus en plus violentes sont commises par des mineurs de plus en plus jeunes. S’il y a une tendance à la baisse de la délinquance des mineurs ces dernières années, on observe, en revanche, une aggravation préoccupante de la gravité des faits de violence et un rajeunissement de leurs auteurs.

Je ne vous donnerai pas de chiffres pour illustrer cette évolution qui voit les mineurs surreprésentés dans les délits ; M. le garde des sceaux vient de le faire. Je ne doute pas, du reste, que chacun d’entre nous a dans sa ville ou dans son département trop d’exemples de cette mutation de la délinquance des mineurs que nous devons nous employer à juguler.

Beaucoup d’actions ont été engagées en ce sens. Je pense notamment à l’entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs, qui, quoi qu’en disent ses détracteurs, a été à l’origine de nombreux progrès et a réduit de 40 % les délais de jugement.

Je me réjouis, monsieur le garde des sceaux, que vous ayez rappelé les principes de la justice des mineurs. Ces derniers, quand bien même ils dérangeraient certains, sont des principes intangibles : la justice des mineurs est d’abord éducative, car le mineur n’est pas un justiciable comme les autres, il n’est en particulier pas un majeur, et notre Constitution et les engagements internationaux de notre pays nous imposent un certain nombre d’obligations à son endroit.

La justice des mineurs manque cruellement de moyens. Si nous exigeons qu’elle applique des mesures nouvelles, il faut donc lui donner les moyens de les faire respecter. Nous savons que les juridictions rencontrent des difficultés matérielles pour respecter les délais impartis. Nous savons le manque de places en milieu ouvert et le manque de moyens de la protection judiciaire de la jeunesse pour mettre effectivement en œuvre les mesures qui seraient souhaitables.

Dans ce contexte, il n’est pas illégitime que nous examinions un nouveau texte relatif à la justice pénale des mineurs. Si l’entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs est encore récente, elle n’a pas résolu tous les problèmes. Il serait d’ailleurs naïf de notre part d’attendre de tels miracles de ce code.

La commission n’est donc pas hostile par principe au fait que la justice des mineurs soit remise sur l’ouvrage. Mais pour légiférer efficacement et de manière juridiquement adéquate sur un sujet politiquement sensible, il me semble que nous avons le devoir, en particulier au Sénat, de ne pas céder à deux tentations.

La première serait de légiférer sous le coup de l’émotion. Nul ne peut se satisfaire d’une loi édictée à la suite d’un fait divers, impliquant un mineur qui marque l’opinion publique, et de faire une loi de circonstance accompagnée de grands discours et qui serait dépourvue de toute substance.

La seconde tentation serait de mettre de côté les principes constitutionnels spécifiques applicables à la justice des mineurs, dégagés en 2002 par le Conseil constitutionnel et que vous avez rappelés, monsieur le garde des sceaux. Nous n’avons d’autre choix que de composer avec cette réalité.

La proposition de loi votée par l’Assemblée nationale a-t-elle échappé à ces deux écueils ? La commission des lois a répondu par la négative. Entre les dispositions difficilement applicables et les atteintes aux principes constitutionnels, le compte de la proposition n’y était malheureusement pas.

Nous en avons tiré les conséquences en commission, en remaniant certes profondément certains dispositifs et en en supprimant d’autres, mais, parallèlement, nous avons laissé ouvertes de nombreuses initiatives qui seront débattues en séance.

Je rappelle à cet égard que nous avons travaillé comme trop souvent dans des délais particulièrement contraints, ce qui n’est pas acceptable ; il est donc légitime que des idées nouvelles émergent lors de nos échanges constructifs.

J’en viens au contenu du texte.

Le premier volet de la proposition de loi est relatif à la responsabilisation des parents des mineurs délinquants. En la matière, la commission s’est efforcée d’adopter une démarche constructive.

Nous avons supprimé la redéfinition des éléments constitutifs du délit de soustraction des parents à leurs obligations légales. Cette redéfinition nous a en effet paru néfaste, dans la mesure où elle empiétait sur des mesures civiles d’accompagnement des parents. L’imprécision pénale des notions de « caractère répété » et de « gravité » de la soustraction des parents à leurs obligations, auxquelles manque la définition des éléments constitutifs de l’infraction, rendait de plus ces dispositions constitutionnellement fragiles.

Nous nous sommes donc efforcés de muscler de nouveau ce texte et de le rendre applicable. Je rappelle que, en l’état du droit, seules 220 condamnations ont été prononcées.

Dans le même temps, nous avons supprimé la sanction civile que le juge aurait pu prononcer à l’encontre des parents ne déférant pas aux convocations qui leur sont adressées en matière d’assistance éducative, notamment parce qu’une telle sanction irait à l’encontre de la logique d’adhésion à la mesure éducative, mais nous avons sécurisé le dispositif en vigueur, en matière pénale.

Surtout, c’est le Sénat et le Sénat seul qui a organisé la responsabilité réelle des parents. En faisant participer ces derniers au paiement et au remboursement d’une partie des dommages causés par les infractions, nous avons en effet constitué une véritable responsabilité, sans porter atteinte aux droits des victimes.

J’en viens maintenant au second volet de la réponse pénale. Oui, nous avons supprimé la procédure de comparution immédiate telle qu’elle a été adoptée par les députés, considérant que le dispositif ne permet pas d’atteindre l’objectif.

Les faits divers inspirant souvent notre action, je tiens à vous faire remarquer, mes chers collègues, que le jeune qui a agressé un rabbin à Orléans la semaine dernière dormira ce soir en prison et sera jugé dans trois semaines. C’est bien la preuve que l’audience immédiate permet de répondre efficacement à la délinquance de ces jeunes et que la comparution immédiate n’est pas un outil nécessaire.

Il convenait en revanche de faciliter le recours à l’audience unique. Je remercie donc Mme Josende d’avoir présenté un amendement en ce sens.

Je sais que l’article 5, relatif au principe d’atténuation des peines, fait débat. En prévoyant que le mineur serait désormais jugé comme un majeur, il était en effet proposé d’inverser la logique actuelle.

Je rappelle – ceux qui ont de la mémoire, ce qui n’est jamais inutile lorsqu’il s’agit de légiférer, s’en souviendront – qu’un tel dispositif était en vigueur de 2007 à 2014 et qu’il n’a conduit à aucune inflexion du nombre de dérogations à l’excuse de minorité décidées par les juridictions.

Lorsque les juridictions l’estiment utile et qu’elles le souhaitent, qu’elles soient composées de magistrats professionnels ou de magistrats et de jurés, elles peuvent d’ores et déjà prononcer pour un mineur les mêmes peines qu’elles peuvent infliger à un majeur.

Je rappelle par ailleurs que le Conseil constitutionnel a déjà eu à s’exprimer à maintes reprises sur ce sujet, ce qui réduit considérablement nos marges de manœuvre.

Le dernier volet du texte apportait enfin des modifications au code de la justice pénale des mineurs. Nous avons supprimé certaines de ces modifications qui étaient contre-productives ou inopérantes – je pense aux articles 6 et 9.

Comme vous le constatez, la commission a donc fait le choix d’expurger de ce texte les éléments les plus problématiques, afin de repartir sur une base solide – je dirai même juridiquement saine.

Oui, les Français attendent du législateur une réponse forte. Oui, nous devons être à la hauteur, mais nous ne pouvons adopter un texte qui serait source de déception.

La justice des mineurs mérite un vrai débat. Vous avez évoqué les mesures éducatives, monsieur le garde des sceaux. Il nous faudra en effet en reparler, comme il nous faudra reparler des courtes peines de prison, que certains voudraient introduire dans ce texte, ce qui est constitutionnellement impossible. Je rappelle du reste qu’une mission d’information sénatoriale se penche actuellement sur l’exécution des peines.

Voilà où nous en sommes, mes chers collègues. Je vous remercie encore, monsieur le garde des sceaux, d’avoir rappelé les principes de la justice des mineurs, qui ne peuvent pas être balayés d’un revers de la main.

Je le dis au Sénat : rien n’est pire que les lois inutiles. Rien n’est pire que les lois inapplicables. Et ceux qui voudraient délibérément ne pas respecter la Constitution, telle qu’elle est définie par les décisions du Conseil constitutionnel, mettent en cause l’État de droit.

M. Patrick Kanner. Très bien !

M. Francis Szpiner, rapporteur. La dénonciation facile du gouvernement des juges, qui serait finalement un obstacle à l’action publique, nous amènera demain à faire le lit de ceux qui voudront combattre l’État de droit, comme on le voit actuellement dans un certain nombre de régimes autoritaires et radicaux. (Applaudissements sur des travées des groupes SER, GEST et CRCE-K. – M. Joshua Hochart sexclame.)

Nous avons dans notre code les moyens de lutter. Je le rappelle, les infractions les plus graves relèvent de la cour d’assises et d’une procédure criminelle qui est la même que celle des adultes.

En ce qui concerne les affaires de délinquance les plus violentes, je ne puis qu’inviter M. le garde des sceaux, par voie de circulaire, à demander aux parquets d’appliquer une particulière sévérité aux affaires impliquant un port d’arme ou de couteau et d’avoir recours à l’instruction pour les atteintes violentes aux personnes qui ne relèvent pas de la justice criminelle.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur.

M. Francis Szpiner, rapporteur. Oui, mes chers collègues, nous avons le devoir de bâtir un texte qui, dans quelque mois, ne déçoive pas par son inefficacité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour discuter d’un texte qui prétend restaurer l’autorité de la justice face aux mineurs délinquants et à leurs parents. Il s’agit d’une ambition noble et d’un chantier colossal, mais surtout d’un aveu, car, enfin, vous avez compris et vous avez entendu les Français, monsieur le garde des sceaux.

L’autorité républicaine s’est évaporée, dissoute au fil des années sous une pluie de laxisme et d’idéologie angélique. Aujourd’hui, que nous proposez-vous ? Un texte qui, soyons justes, va un tout petit peu dans le bon sens ; il faudrait être de mauvaise foi pour affirmer le contraire. Responsabiliser les parents, durcir les sanctions, encadrer davantage les mineurs violents. Voilà enfin, peut-être, un réveil de la majorité, après des années de sommeil profond. Enfin, la majorité est à l’écoute des Français et de Marine Le Pen. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ce texte ne va toutefois pas assez loin. Il ne fait qu’effleurer la surface d’un problème abyssal : nous sommes face à un immeuble en feu et vous arrivez avec un pistolet à eau, mais surtout avec des années de retard.

On nous parle d’amendes, plafonnées à 7 500 euros, pour les parents défaillants. C’est beaucoup, mais, pour certains, cette somme est dérisoire au vu de la gravité des faits.

C’est pourquoi les sénateurs du Rassemblement national proposeront un amendement de bon sens visant à supprimer les allocations pour les parents défaillants. Cela constituerait un signal fort du sérieux avec lequel il convient d’envisager la responsabilité parentale.

L’assignation à résidence avec bracelet électronique dès 13 ans est peut-être la mesure la plus symbolique et la moins contraignante de cette proposition de loi. Un mineur condamné pour trafic de stupéfiants continuera d’organiser son trafic depuis sa chambre, devant sa console. Cela ne changera rien ni à la sécurité ni à l’éducation de l’enfant. Vous me direz que la situation des majeurs qui, eux, continuent leur trafic depuis nos prisons, n’est guère plus réjouissante, mes chers collègues…

Toutefois, ce n’est pas tout. Ce texte ne touche que du bout des doigts à l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, ce monument d’indulgence en vertu duquel, dans notre pays, un mineur multirécidiviste est encore considéré comme un enfant égaré qu’il faut guider plutôt que sanctionner. Cette ordonnance est désormais trop éloignée des problématiques actuelles.

Si le présent texte est un début, il reste mou, sans conviction ; il ne présente du reste aucune réelle solution : rien sur les mineurs étrangers, rien non plus sur la protection du corps professoral, affecté par les comportements toujours plus violents des élèves.

Vous pensez régler le problème de l’ensauvagement, mais cela n’apporte pas grand-chose. Monsieur le garde des sceaux, la France n’en peut plus d’attendre. Pendant que nous débattons, dehors, des citoyens se font agresser, des policiers caillasser et des enseignants insulter en classe.

Si ce texte est un premier pas, je veux le dire à ceux qui subissent quotidiennement et qui attendent des mesures fortes : tenez bon, on arrive !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mmes Dominique Vérien et Marie-Do Aeschlimann applaudissent également.)

Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous ne pouvons pas commencer l’examen de ce texte sans avoir une pensée pour toutes les victimes, leur famille et leurs proches.

Hier soir encore, une rixe en Essonne a emporté un jeune homme de 17 ans. Au nom des membres du groupe Les Indépendants, j’adresse nos condoléances à sa famille.

Les violences impliquant des adolescents s’accumulent, transformant des lieux quotidiens en scènes de drame insoutenables. Rixes, agressions, affrontements armés ou trafic : ces actes, autrefois exceptionnels, deviennent une réalité trop familière, rappelant l’urgence d’une réponse collective.

La justice des mineurs ne saurait être réduite à un débat idéologique. Elle s’impose à nous, portée par l’actualité et par le cri d’alarme des familles, des enseignants, des forces de l’ordre et de la justice. Nous devons mettre en œuvre des solutions.

Avant cela, nous devons dresser le constat qui s’impose. La délinquance juvénile est de plus en plus précoce et de plus en plus grave. La réforme, il y a quelques années, de notre code de la justice pénale des mineurs, a apporté des avancées notables. La durée des procédures a été réduite, ce qui a permis une réponse judiciaire plus rapide.

Des lacunes persistent toutefois. S’agissant des mineurs, si les mesures éducatives doivent évidemment être privilégiées, notre arsenal juridique doit évoluer, pour faire face aux échecs de telles mesures. Lorsque, malgré plusieurs avertissements, un mineur récidive, il faut une réponse ferme.

Cette réponse, nous la devons à nos concitoyens, car il est de notre responsabilité de les protéger. Mais elle est essentielle aussi pour le mineur concerné, pour le bien duquel il importe de tout mettre en œuvre, afin de tenter d’interrompre la spirale de la délinquance.

La situation actuelle n’est pas satisfaisante. La minorité limite considérablement la portée des sanctions. Appliquée dans l’immense majorité des cas, l’excuse de minorité emporte une réduction automatique des peines, y compris pour des crimes ineffables. L’enjeu est de trouver un moyen de réintroduire davantage de coercition, sans toutefois porter atteinte à nos règles constitutionnelles.

Le texte que nous examinons aujourd’hui ne nie pas la dimension éducative, qui doit rester centrale dans notre justice des mineurs. Il s’agit de rétablir un équilibre nécessaire entre éducation et sanction, sans basculer dans le tout répressif pour autant. Il est essentiel de nous assurer que la justice protège d’abord la société et qu’elle permet aux jeunes délinquants de prendre conscience de la gravité de leurs actes.

Ce texte comporte des avancées majeures, que nous soutenons avec détermination. En commission des lois, le travail du rapporteur a permis de préciser et de sécuriser sa rédaction.

Nous souhaitons tous ici préserver nos enfants de la délinquance. Pour cela, il faut tout d’abord replacer l’autorité parentale au cœur du dispositif. Lorsqu’un enfant tombe dans la délinquance, ses parents ne peuvent se dérober à leurs responsabilités.

Ce texte renforce donc les sanctions qui peuvent être prononcées à l’encontre des parents si ces derniers négligent volontairement leurs devoirs, notamment en cas de circonstances aggravantes comme la non-présentation de l’enfant ou le non-respect de l’obligation scolaire.

De même, notre groupe soutient pleinement les dispositions du texte visant à mieux indemniser les victimes, sans toutefois exonérer les parents de leurs responsabilités. La réparation des dommages commis par les mineurs n’ayant pas fait l’objet d’un placement incombe en effet aux parents. C’est donc à eux de réparer le préjudice aux victimes, ce dont, bien souvent, les assureurs se chargent.

Pour ne pas laisser prospérer un sentiment d’irresponsabilité, nous sommes favorables à ce que les assureurs puissent demander aux parents, eux-mêmes condamnés pour s’être soustraits à leurs obligations, un remboursement pouvant aller jusqu’à 7 500 euros.

Par ailleurs, M. le rapporteur a proposé d’inclure dans le texte plusieurs dispositions concernant les mineurs ayant commis des actes de terrorisme ou de criminalité organisée. Ces mesures nous paraissent nécessaires.

Conscients de la clémence de notre système judiciaire à l’égard des mineurs, les réseaux criminels n’hésitent pas à les utiliser de manière abusive. Quand un adolescent de 15 ans est recruté comme tueur à gages, où est notre responsabilité ? Nous devons arracher ces jeunes à l’emprise de ces organisations.

Il faut toutefois admettre que certains jeunes, notamment les plus influençables, présentent un profil dangereux. En ce qui les concerne, nous n’avons pas d’autre choix que d’étendre les possibilités de placement, d’assignation à résidence ou encore, le cas échéant, de détention provisoire. Il s’agit non pas de stigmatiser, mais de reconnaître une évidence : les mesures éducatives ne sont pas toujours efficaces et restent souvent insuffisantes.

Il nous appartient de donner à la justice tous les moyens de répondre de manière ferme et responsable. Ce texte n’est pas une remise en cause des principes fondamentaux de notre justice des mineurs. Il ne s’agit ni de traiter les adolescents comme des adultes ni de nier la nécessité d’une approche éducative.

Nous devons faire évoluer notre réponse en fonction de la réalité. Le groupe Les Indépendants votera en faveur de l’adoption de ce texte, pour renforcer les moyens de la justice et mieux protéger notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Lauriane Josende. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Lauriane Josende. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, un rapport d’information sénatorial du 21 septembre 2022 intitulé Prévenir la délinquance des mineurs – éviter la récidive rappelait que la délinquance des mineurs est un phénomène pluriel dont la connaissance est très imparfaite. Plutôt que de légiférer au coup par coup, il faudrait donc lancer le chantier du traitement profond, exhaustif, je dirais même chirurgical de ce dossier.

Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de Gabriel Attal visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents, laquelle a été largement remaniée en commission des lois sur l’initiative de notre collègue Francis Szpiner.

Ce texte est bien perfectible, personne ne le conteste. Il constitue cependant un amorçage nécessaire pour lutter contre le fléau de la délinquance juvénile, qui gangrène peu à peu notre pays. Il ne se passe en effet pas un jour sans que les médias s’en fassent le tragique écho.

Désormais, c’est très clair, notre indulgence devient notre faiblesse et notre bienveillance se retourne contre nous. Mes chers collègues, à l’évidence, le temps est venu de cesser d’opposer répression et éducation, comme le fait traditionnellement notre système judiciaire.

Une sanction immédiate, adaptée et proportionnée revêt nécessairement et intrinsèquement une vertu éducative. Ainsi, il faut sanctionner le mineur le plus tôt possible dans son parcours de délinquance, dès lors qu’il commet des faits répréhensibles, a fortiori d’une particulière gravité.

C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à faciliter le recours à l’audience unique. Le principe de césure du procès pénal pour les mineurs a pour effet– c’est aujourd’hui largement démontré – de retarder la survenue d’une sanction et de créer chez les plus jeunes un sentiment d’impunité.

Mme Laurence Rossignol. C’est tout l’inverse !

Mme Lauriane Josende. Mais au-delà de la sacro-sainte excuse de minorité, dont nous discuterons certainement dans quelques instants, il nous faudra très prochainement débattre de l’âge de la majorité pénale, mes chers collègues.

Ce débat appelle une réforme d’ampleur, car, au nom d’une idéologie qui ne protège pas les mineurs eux-mêmes, nous manquons trop d’occasions de prendre en compte l’évolution de la criminalité des mineurs. Car, en s’autorisant une telle réforme, il s’agit bien de protéger nos enfants et nos jeunes !

Mes chers collègues, n’oublions jamais que les premières victimes de la délinquance des mineurs sont d’autres mineurs. Ayons bien clair à l’esprit que, désormais, il y a en chacun de nous au moins potentiellement un parent, certes à responsabiliser, mais aussi à rassurer face à une évolution sociétale hélas ! bien plus rapide que celle de notre politique pénale.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe Les Républicains voteront en faveur de ce texte. Nécessairement amendé, celui-ci aura déjà le mérite d’exister et de permettre d’avancer. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Christine Herzog applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Salama Ramia. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

Mme Salama Ramia. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes ici présents pour discuter d’une proposition de loi sérieuse, qui trouve en partie son origine dans une cause grave : les émeutes urbaines survenues au début de l’été 2023, à la suite du décès de Nahel à Nanterre.

L’objectif affiché était double : mettre les parents défaillants devant leurs responsabilités et renforcer l’arsenal répressif dans les situations les plus graves.

Sans remettre en cause l’architecture du code de justice pénale des mineurs, réformé en 2021, ce texte redonne un sens aux notions de famille, d’autorité, d’éducation, d’encadrement, de justice et de responsabilité qui nous sont chères. Cette réforme a par ailleurs permis de réduire les délais, si bien que ces derniers ont été divisés par deux depuis 2019.

Pourtant, la proposition de loi a été totalement dénaturée par les travaux de la commission des lois.

M. Guy Benarroche. Non, améliorée !

Mme Salama Ramia. En ce qui concerne le volet relatif au renforcement de la responsabilité des parents défaillants, nous regrettons que, à ce stade, il n’en reste qu’un article 1er vidé de sa substance.

Quant au volet répressif, les articles 4, 5, 6, 9 et 10 ont été supprimés, en dépit des mesures complémentaires qui, dans un souci d’équilibre, avaient été associées aux dispositions qu’ils comportaient. Nous croyons en effet à l’obligation de présence des parents aux audiences s’inscrivant dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative.

Cette mesure constitue un moyen complémentaire de les sensibiliser à la nécessité urgente d’aider l’enfant mineur à se ressaisir. Comment ces mesures portées par la justice pourraient-elles être efficaces sans la pleine collaboration des parents ? Nous proposons donc de rétablir l’article 2, vidé de sa substance en commission, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Nous avons également l’ambition de rétablir la procédure, qui figurait dans le texte de l’Assemblée nationale, de comparution immédiate pour les mineurs âgés d’au moins 16 ans, car un jeune délinquant ne peut pas revendiquer être un caïd et ne pas risquer de se retrouver sans délai face à l’autorité judiciaire pour répondre de cette qualité.

Cette procédure serait applicable dans le cas des infractions graves commises en flagrance, par les mineurs âgés d’au moins 16 ans et en état de récidive légale : autant de cases à cocher afin de s’assurer que cette procédure ne concernera que les cas extrêmes.

Toujours dans la perspective de rétablir l’équilibre qui a été dévoyé en commission, nous appelons nos collègues, dans un esprit de responsabilité, à rétablir, outre l’article 4, l’article 5 qui modifie les conditions d’atténuation de la peine pour les mineurs de plus de 16 ans. En effet, dans sa rédaction initiale, il prévoyait que le principe d’atténuation de la peine n’est pas applicable lorsqu’un mineur âgé de plus de 16 ans commet certains crimes et délits graves en état de récidive légale.

Il s’agit d’une mesure équilibrée et responsable, conforme à la décision du Conseil constitutionnel du 9 août 2007, laquelle apporte une réponse nécessaire à l’escalade inquiétante de la violence juvénile.

Nous voulons également, de manière affirmée, que l’appel à renforcer la responsabilité des parents s’étende à toutes les structures au sein duquel le mineur peut évoluer.

Bon nombre de parents confient, en effet, leur enfant à des proches, sans que cette garde repose sur une délégation judiciaire de l’autorité parentale. Il s’agit d’oncles, de tantes, de cousins, de cousines ou d’amis, qui acceptent d’assurer la garde de l’enfant, sans parfois mesurer la charge que cela représente.

C’est un fait connu, notamment dans mon territoire, à Mayotte, où de jeunes mineurs sont confiés à des proches de confiance et se retrouvent pourtant livrés à eux-mêmes, en proie à la délinquance. Nous voulons donc que les dispositions visant à accroître la responsabilité des parents s’appliquent aussi à ces parents de substitution qui n’honorent pas leur promesse.

Oui, nous souhaitons que notre jeunesse, notamment lorsqu’elle est en difficulté, retrouve le chemin du cadre familial, lequel construit, répare et transmet des valeurs, mais aussi le sens des responsabilités.

Nous réaffirmons également aux parents qu’ils ne sont pas seuls. La justice n’est pas un ennemi : c’est un cadre qui garantit une réhabilitation sociale à qui veut bien faire cette lecture de son rôle et de ses décisions.

Aussi, nous tenons à saluer l’engagement exemplaire du personnel de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) aux côtés de ces jeunes en difficulté. Ses agents contribuent également à faire de la justice des mineurs un levier de réinsertion, tout en prévenant la récidive.

Dans ces conditions, mes chers collègues, nous vous invitons à voter pour cette proposition de loi, telle que nous souhaitons la rétablir. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Marc-Philippe Daubresse applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Sophie Briante Guillemont. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les auditions menées par le rapporteur l’ont établi : nous observons une baisse tendancielle de la délinquance des mineurs, puisque le nombre d’affaires dans lesquelles ceux-ci sont mis en cause a diminué de plus de 30 % entre 2017 et 2023.

C’est bon signe, mais un fait est indéniable : cette délinquance reste hautement préoccupante. Elle est surtout de plus en plus violente et implique des auteurs toujours plus jeunes. Actuellement, 10 % des mineurs susceptibles de faire l’objet de poursuites sont âgés de moins de 13 ans, c’est-à-dire qu’un mineur mis en cause sur dix est un enfant ou un préadolescent.

La violence et l’âge sont deux paramètres qui défient notre compréhension de la délinquance juvénile ; l’actualité nous alerte régulièrement sur cette réalité. Or, une fois n’est pas coutume, nous voudrions pouvoir répondre par une nouvelle loi.

Pour autant, les évolutions de ce type de délinquance ne sont pas un phénomène inconnu de cette assemblée. Voilà quelques années, un rapport d’information de la commission de la culture et de la commission des lois du Sénat, intitulé Prévenir la délinquance des mineurs – Éviter la récidive, révélait le lien de corrélation entre le décrochage scolaire et la délinquance.

Ses auteurs montraient également que l’appât du gain était la principale motivation de la participation à la narcocriminalité, ou encore que les réseaux sociaux avaient un rôle amplificateur des violences. Ils situaient la délinquance des mineurs à la croisée de plusieurs politiques publiques, telles que la lutte contre les violences intrafamiliales, l’éducation nationale, la lutte contre la pauvreté, ou encore la politique de la ville.

Telle n’est pas du tout l’approche du texte qui a été transmis au Sénat. Cette proposition de loi a un angle, et un seul : la répression.

Le député qui en est l’auteur l’affirme d’ailleurs clairement dans son exposé des motifs : « Il nous faut adapter la réponse de notre justice pour provoquer un sursaut d’autorité et une prise de conscience » chez cette partie de nos adolescents qui « glisse […] vers une forme de violence déchaînée, décomplexée, sans règle ». C’est donc sous l’unique prisme de l’efficacité répressive qu’il nous appartient d’étudier ce texte.

Notre rapporteur n’a pas manqué de le faire. Ne cédant pas aux sirènes de la communication politique, Francis Szpiner a réalisé un travail de juriste. Il en a tiré des conclusions implacables, que nous ne pouvons que rejoindre – elles vont d’ailleurs dans le sens des amendements que mon groupe avait déposés en commission –, et qui ont déjà été détaillées.

Il a ainsi, notamment, supprimé la comparution immédiate prévue à l’article 4, laquelle n’est pas adaptée à la justice des mineurs et ne correspond d’ailleurs pas à l’architecture du nouveau code de la justice pénale des mineurs.

Le Gouvernement souhaite réintroduire cette procédure, dans une forme remaniée qui ne nous semble pas plus convaincante que la formule initiale.

Lorsqu’elle a modifié le texte, notre commission des lois n’a pas envoyé un message hors sol, de laxisme ou d’absence de considération pour les préoccupations de nos concitoyens. Elle a adressé un message de sérieux.

Il ne nous paraît ni souhaitable ni opportun de faire croire aux Français que nous allons avancer grâce à des mesures inadaptées à la réalité de la justice pénale des mineurs. Cette dernière et les pratiques en ce domaine ont d’ailleurs déjà été profondément remaniées récemment, par l’adoption d’un code spécifique entré en vigueur voilà à peine quatre ans.

L’évaluation de cette réforme reste à parfaire, et nous regrettons vivement l’absence d’une étude d’impact qui aurait pu nous éclairer.

Le nouveau code conserve les principes qui ont guidé notre action en la matière depuis l’ordonnance de 1945 et auxquels mon groupe est profondément attaché.

Quels sont ces principes ? Ne pas considérer ni condamner un mineur comme un adulte, car il ne s’est pas encore développé comme tel et n’a pas encore le même sens des responsabilités ; toujours faire primer l’éducatif sur le répressif ; offrir au mineur une juridiction spéciale, avec des juges qui s’attacheront à tenter de l’assagir et à l’insérer correctement dans la société.

La commission des lois a supprimé les dispositions qui n’étaient pas tenables ou qui étaient mal rédigées, mais elle n’a pas modifié la philosophie du texte. En l’état, il contient une extension du périmètre de l’actuelle circonstance aggravante à différents délits commis par les parents et permet aux assureurs de faire participer ces derniers à la réparation financière des dommages causés par leurs enfants.

Nous ne sommes toutefois pas tout à fait convaincus de la pertinence de cette vision de l’autorité parentale. Chercher à responsabiliser davantage les parents des mineurs délinquants, c’est omettre le caractère complexe, multifactoriel, de cette délinquance.

C’est prendre le risque de creuser un peu plus le fossé d’incompréhension entre parents et enfants, voire d’accélérer une potentielle rupture, alors même que la force de la cellule familiale est précisément l’un des éléments susceptibles de permettre à un mineur de sortir de la délinquance ou de ne pas y entrer.

Nous croyons également qu’il est illusoire de penser que nous pourrons faire face à ce problème sans nous doter de moyens pour mettre en œuvre les dispositifs qui existent déjà. Tous les professionnels de l’enfance le disent : au pénal comme au civil, nombre de mesures éducatives ou de protection ne peuvent être mises en œuvre faute de moyens.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe du RDSE devraient majoritairement s’abstenir sur la version actuelle de ce texte, mais ils voteront contre en cas de rétablissement de la rédaction initiale. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SER, CRCE-K et GEST. – M. François Patriat applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Dominique Vérien. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants, telle est l’ambition affichée de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Trois ans après la large réforme liée à l’entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs et malgré un premier bilan plutôt positif de cette dernière, il est apparu nécessaire à l’auteur de ce texte, Gabriel Attal, que nous adoptions d’autres dispositions.

Tout le monde a bien entendu en tête les faits divers tragiques de ces derniers mois, avec des infractions plus graves et dont les auteurs étaient plus jeunes.

Au-delà même du cadre particulier du narcotrafic, dont nous avons eu l’occasion de débattre dans cette enceinte, et de petites mains qui sont parfois utilisées pour commettre des assassinats, certains jeunes n’hésitent plus à sortir un couteau pour régler un simple différend. Nous assistons à une véritable banalisation de l’ultraviolence.

Rappelons-le, 21 % des affaires concernant des mineurs ont pour fondement des faits de coups et blessures volontaires : cette proportion est plus élevée que pour les adultes ! Ce constat ne peut que nous inquiéter, comme bon nombre de Français, et ce changement de paradigme doit trouver un écho plus fort dans la prise en charge des mineurs par la justice.

C’est pourquoi ce texte visait à instaurer, entre autres, une comparution immédiate des mineurs pour les cas les plus graves et à donner plus de facilité aux magistrats pour lever l’excuse de minorité.

Toutefois, se pose également la question de la responsabilité des parents dans ce développement de la violence.

Bien entendu, nous pensons tous au cas de la mère isolée qui peine à joindre les deux bouts et qui, travaillant de nuit, ne peut pleinement surveiller ses enfants. Dans ce cas, il est impératif que nous n’aggravions pas son fardeau par des dispositions punitives.

Néanmoins, il faut le dire, certains parents sont démissionnaires et ne s’intéressent ni à l’éducation ni aux fréquentations de leurs enfants.

Or l’éducation des enfants relève de la sphère familiale, et il est important de se donner des outils pour le rappeler aux parents.

Sur ce volet, ce texte comportait une réécriture du délit de soustraction du parent à ses obligations légales, la création d’une nouvelle circonstance aggravante en la matière, l’instauration d’une amende civile pour les parents ne se présentant pas aux convocations du juge des enfants et l’extension de la responsabilité des parents pour les dommages causés par leurs enfants.

Face à ce vaste programme, c’est peu de dire que notre rapporteur n’a pas été convaincu par la version proposée : quatre articles ont été supprimés en commission, deux autres ont été vidés de leur substance ; il ne reste donc plus grand-chose du texte initial !

Si nous pouvons nous accorder sur le fait que certaines mesures étaient mal cadrées, il aurait été préférable de les réécrire plutôt que de les supprimer, car les objectifs sont louables.

Pourtant, notre rapporteur a su améliorer certains aspects du texte : je pense particulièrement à l’article 3, qui donne aux assureurs la possibilité de faire participer les deux parents à la réparation financière des dommages causés par leur enfant mineur.

Les membres du groupe Union Centriste sont convaincus qu’il aurait pu aller plus loin dans la réécriture du texte, sans jeter pour autant le bébé avec l’eau du bain. Nous avons donc déposé une série d’amendements, afin que nous puissions débattre sur un texte complet.

Nous souhaitons ainsi rétablir en partie la rédaction de l’article 1er, tout en gardant les ajouts du rapporteur, à savoir la suppression de la peine complémentaire de travaux d’intérêt général, ainsi que l’extension du périmètre de l’actuelle circonstance aggravante à différents délits, à l’exception toutefois de ceux qui sont prévus aux articles 227-5 à 227-7 du code pénal.

En effet, nous craignons qu’ils ne soient utilisés contre les mères de famille qui se refusent à présenter leurs enfants à des pères violents ou abusifs. Elles sont d’ailleurs déjà souvent confrontées à des manœuvres judiciaires de la part de ces derniers, protégeons-les donc également sur ce point.

En ce qui concerne l’article 2, nous proposerons de le rétablir. En effet, même s’il est préférable que les parents s’inscrivent dans une logique d’adhésion à l’égard des mesures éducatives ordonnées par le juge des enfants, il n’est pas non plus acceptable que certains parents ne se présentent pas aux convocations.

En ce qui concerne l’article 3, si nous souscrivons pleinement au dispositif proposé par M. le rapporteur, nous proposons toutefois une modification. En effet, même quand la mère n’est pas séparée du père, bien souvent le contrat d’assurance est à son nom, surtout s’il s’agit d’une assurance scolaire.

Dans la rédaction actuelle, elle serait la seule responsable devant cette assurance. Notre amendement a pour objet que l’indemnisation soit due par les deux parents, quel que soit le signataire du contrat. C’est une mesure d’équité et de responsabilisation de tous les parents.

Nous avons également fait le choix de proposer de rétablir les dispositions relatives à la comparution immédiate des mineurs et à l’excuse de minorité.

Ce sont les mesures les plus emblématiques de ce texte. Si elles constituent un indéniable durcissement pénal, elles ne sont réservées qu’aux cas les plus graves, car notre justice se doit d’être en phase avec la réalité de cette nouvelle violence.

Je donnerai un exemple très concret : l’assassin de Phillippine, dont nous avons déjà parlé la semaine dernière, lors de l’examen de la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive, avait ainsi bénéficié de l’excuse de minorité lors d’une précédente condamnation pour viol. Il n’avait alors été condamné qu’à sept années de prison et il n’en a purgé que cinq sous l’effet des remises de peine. Quant aux suites tragiques, nous les connaissons…

En ce qui concerne la procédure de comparution immédiate, que nous vous proposerons également de réintroduire, mes chers collègues, si la césure pénale doit rester la norme, afin de laisser une pleine place aux mesures éducatives, il est nécessaire de sanctionner rapidement les cas les plus graves et de ne pas laisser en liberté, ou du moins sans contraintes, des individus dangereux, quel que soit leur âge.

Ce texte n’est pas parfait, notamment parce qu’il ne répond pas à la question des moyens, en particulier, monsieur le garde des sceaux, pour la protection judiciaire de la jeunesse, dont les acteurs sont pourtant très engagés et savent faire des merveilles avec des bouts de ficelle.

Si ce texte n’est pas parfait, il n’en est pas moins nécessaire, malheureusement.

Face à une délinquance qui évolue plus vite que notre procédure parlementaire et que les procédures judiciaires, il est indispensable que notre justice ne prenne pas plus de retard. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. François Patriat applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. « La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains » : c’est ainsi, madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, que s’ouvrait l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante, signée par le général de Gaulle.

Alors que la société sortait d’une période ultraviolente et particulièrement meurtrière, celle de la Seconde Guerre mondiale, nos gouvernants savaient l’importance de protéger notre jeunesse pour mieux préparer l’avenir. L’ordonnance organisait ainsi la justice pénale des mineurs selon des principes indispensables : l’atténuation de la responsabilité des mineurs en fonction de l’âge, la primauté de l’éducatif sur le répressif et la spécialisation des juridictions.

Lorsque la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui nous a été transmise par l’Assemblée nationale, nous nous sommes préparés à la combattre, car elle va à l’encontre de ces principes, au risque d’aboutir à des résultats finalement néfastes. En effet, mettre en cause systématiquement la responsabilité des parents en supposant qu’ils sont forcément démissionnaires, ou même indifférents à l’égard de leurs enfants, ce qui est faux,…

M. Olivier Paccaud. Pas toujours !

M. Ian Brossat. … est contreproductif.

Notre groupe luttera toujours contre les parents maltraitants, qui se soustraient à leurs obligations parentales et compromettent la santé, la sécurité, la moralité et l’éducation de leurs enfants. La loi prévoit d’ailleurs déjà de sanctionner ces comportements.

Toutefois, les parents de mineurs délinquants ne sont pas systématiquement des parents maltraitants. Les spécialistes du secteur en témoignent : nombre d’entre eux sont contraints parfois de cumuler plusieurs emplois aux horaires décalés, ce qui les empêche, de fait, d’être présents auprès de leurs enfants.

Les familles monoparentales sont particulièrement exposées, ce qui ne veut évidemment pas dire que toutes les familles en difficulté ont des enfants délinquants. Ces familles ont avant tout besoin d’un accompagnement social, éducatif, psychologique et juridique.

Précisément, que fait l’État pour pallier ses carences ? Cette année encore, la protection judiciaire de la jeunesse, l’aide sociale à l’enfance et la justice des mineurs ont été abandonnées dans le budget.

Il est pourtant indispensable de revaloriser toutes les filières sociales, éducatives et judiciaires pour mieux protéger nos enfants. Il manque 26 000 postes d’enseignants dans nos écoles pour atteindre la moyenne européenne de 19 élèves par classe. Les crédits du programme budgétaire « Jeunesse et vie associative » ont été amputés de 52 millions d’euros cette année.

La Cour des comptes alerte pourtant dans son rapport annuel, qui a été publié la semaine dernière, sur les grandes inégalités qui existent dans les politiques publiques à destination de la jeunesse, exposant les enfants au cercle vicieux de la précarité.

Cette proposition de loi prévoyait, dans sa version initiale, la mise en place d’une comparution immédiate pour les mineurs de plus de 16 ans. Outre qu’elle porterait, si elle était adoptée, une atteinte disproportionnée au principe fondamental reconnu par les lois de la République de spécificité de la justice pénale des mineurs, cette mesure serait, là encore, contreproductive. Elle n’est en effet pas adaptée au temps de l’enfant. Elle ne laisse pas place à la réflexion et empêche toute possibilité pour l’enfant de changer grâce à un accompagnement.

Enfin, cette proposition de loi permettait également, dans sa rédaction initiale, de déroger plus souvent au principe d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs, pourtant fondamental en matière de justice des mineurs. On interdit aux personnes de moins de 16 ans de voter, mais on considère qu’elles peuvent être jugées comme des adultes… Comment le comprendre ? Cette surenchère nous paraît vaine.

Monsieur le rapporteur, nous souscrivons à vos constats et nous saluons votre lucidité sur ce texte. Les amendements que vous avez fait adopter en commission ont permis d’éviter le pire, et nous nous en réjouissons.

Nous restons toutefois opposés à l’article 4 bis, qui assimile les enfants de moins de 16 ans à des majeurs lorsque l’infraction est grave. Un enfant de 13 ans ne peut pas être considéré comme un adulte ; il ne peut pas être placé en détention provisoire, encore moins pour une durée d’un an. Ces mesures seraient, de nouveau, préjudiciables pour des enfants à la maturité si limitée.

Il est pour nous impératif de défendre la primauté absolue de l’éducatif sur le répressif. Nous avons donc déposé un amendement de suppression de cet article.

S’il nous semble par conséquent inévitable en l’état de voter contre ce texte, nous resterons très attentifs à l’évolution des débats, afin qu’aucune modification substantielle particulièrement problématique ne soit votée. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi est un texte d’affichage, comme tant d’autres. Elle est dépourvue d’avis du Conseil d’État. Elle a été écrite sans concertation avec les acteurs de terrain, alors même que les dispositions qu’elle entend modifier sont entrées en vigueur récemment, à la suite de l’adoption d’un texte dont l’encre est à peine sèche et dont l’objectif annoncé était de fonder une justice pénale des mineurs « plus lisible et efficace ».

Pourquoi ne pas attendre d’évaluer les effets réels de la loi Belloubet, avant de modifier de nouveau l’état du droit et de complexifier la tâche des acteurs de terrain ?

Je ne suis ni professeur de droit ni juriste, mais je ne crois pas qu’il soit bon, comme vous l’affirmiez, monsieur le garde des sceaux, lors de l’examen de la loi Immigration, de voter un texte quand certaines de ses mesures sont « manifestement contraires à la Constitution ». Vous ajoutiez : « Le Conseil constitutionnel fera son office, mais la politique, ce n’est pas être juriste avant les juristes ».

Je pense au contraire que le politique, quand il est législateur, doit faire attention au droit, à sa bonne rédaction et à ses conséquences.

Je partage l’analyse du rapporteur Szpiner sur cette proposition de loi : elle est mal écrite et au mieux inefficace ; l’ensemble des articles qui ont été supprimés en commission n’avaient d’autre but que d’afficher, en ces temps troublés, une autorité suraffirmée, prétextant une démonstration de force forcément salvatrice.

Je souscris aussi à la volonté de la présidente Muriel Jourda d’exercer une vigilance particulièrement sérieuse sur l’écriture du texte et de supprimer les formulations douteuses, problématiques et inefficaces.

Je salue la réécriture en commission de l’article 1er.

Je salue aussi la suppression de l’article 2, qui visait à responsabiliser davantage les parents. Alors que la crise du travail social se traduit par un manque tout à fait préoccupant de travailleurs sociaux dans les structures de la PPJ et de l’ASE, les auteurs de cette proposition de loi ferment les yeux sur les graves dysfonctionnements des institutions qui pourraient accompagner les parents, parfois dépassés, et préfèrent jeter le discrédit sur les familles des enfants délinquants.

Je n’invente rien : la commission d’enquête sénatoriale sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier soulignait déjà le rôle de l’ASE et de la PJJ dans sa recommandation n° 27. Mais ni dans la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, qui a suivi les travaux de cette commission, ni dans ce texte, cet aspect n’est présent. Je le déplore.

Cet acharnement sur la responsabilisation parentale, au sein de familles souvent monoparentales qui se trouvent déjà dans une grande précarité, ajoute des maux aux maux sans jamais rien résoudre dans le parcours éducatif et social des mineurs. Et je ne parle même pas de l’absence de services publics – école, santé, police de proximité, sports, culture –, ou de dispositifs de formation, d’information ou d’animation.

Notre groupe se réjouit de la volonté de la commission de supprimer l’article 4 relatif à la comparution immédiate des mineurs, qui n’apporte rien et ne répond pas « aux besoins réels des éducateurs et des magistrats », selon les propres termes du rapport de la commission. Voilà encore une pure mesure d’affichage, de posture de force, de réponse dans l’immédiateté ! Mais la justice des mineurs, ce n’est pas cela, ce ne peut pas être cela !

Enfin, nous saluons la suppression de l’article 5, qui visait à encourager les juridictions à déroger au principe d’atténuation de la peine. La disposition que l’article voulait modifier n’avait eu, selon notre rapporteur, que très peu d’effets depuis sa mise en place. Comme beaucoup d’autres, cet article aurait constitué davantage « une source de complexité supplémentaire pour les juges qu’un outil réellement opérationnel ».

Ce texte déposé par un ancien Premier ministre, fraîchement redevenu député après avoir passé l’été dans la douceur d’une trêve politique olympique imposée par la seule volonté du Président de la République, s’inscrit dans le cadre d’une idéologie simpliste et d’un discours démagogique en faveur du tout-sécuritaire.

L’auteur de cette proposition de loi et le Gouvernement qui la soutient alimentent le mythe d’une explosion de la violence juvénile, laquelle serait imputable à un prétendu laxisme judiciaire.

La justice pénale des mineurs n’est pourtant pas laxiste. En 2022, un tiers des peines prononcées à l’encontre des 31 000 mineurs condamnés ont été des peines de prison. Les peines à l’égard des mineurs sont non seulement plus fréquentes, mais aussi plus sévères : on dénombre environ 800 mineurs incarcérés chaque mois depuis 2024, contre 700 au cours des dernières années.

Il n’y a pas non plus d’explosion de la délinquance chez les jeunes : la part des mineurs impliqués dans les délits commis est passée de 22 % en 1998 à 12 % en 2023. La commission a bien souligné, dans son rapport, cette « baisse volumétrique tendancielle » de la délinquance des mineurs.

La question de la justice des mineurs est aussi et surtout celle du manque de moyens humains et matériels de la justice, sur laquelle la Défenseure des droits ne cesse d’alerter.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous resterons attentifs à l’évolution de ce texte au cours de son examen, d’autant qu’un grand nombre d’amendements visant à rétablir des mesures problématiques y seront discutés. S’ils sont adoptés, nous nous opposerons à ce texte.

Nous continuerons à défendre la spécificité de la justice des mineurs et à nous opposer à son rapprochement avec la justice des majeurs. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. – Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Harribey. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la violence des mineurs nous choque, et à juste titre. Elle brise des vies et nourrit le sentiment d’un échec collectif à l’égard de la jeunesse, chaque drame renforçant ce sentiment d’échec.

Toutefois, notre responsabilité est aussi d’appréhender cette question avec un minimum de rigueur et de distanciation par rapport à l’émotion que provoquent ces drames.

Pour cela, j’aimerais rappeler quelques éléments factuels. Selon les chiffres du ministère de la justice, en 2022, dans les affaires relatives à la délinquance des mineurs traitées par les parquets, 168 900 mineurs ont été mis en cause, contre 198 000 en 2021.

Il est vrai toutefois, car nous devons faire preuve d’honnêteté intellectuelle, que cette délinquance se rajeunit et qu’elle est plus violente. C’est ce phénomène qui doit nous interroger.

De même, le taux de réponse pénale à l’égard des mineurs est de plus de 90 %. Cette réponse intervient de manière plus systématique, mais aussi plus rapide que pour les majeurs : comme M. le garde des sceaux l’a souligné tout à l’heure, 816 mineurs étaient incarcérés le 1er octobre 2024, contre 214 en janvier 2023.

C’est sans doute la conséquence de l’entrée en vigueur récente, depuis 2021, du code de la justice pénale des mineurs (CJPM), qui a apporté des améliorations en refondant la procédure autour d’une double audience : l’audience de culpabilité, qui constitue une occasion de reconnaître la faute et qui permet d’acter la responsabilité, puis l’audience de sanction. Entre les deux, dans un temps contraint, a lieu une phase de mise en œuvre d’un travail éducatif, que l’on pourrait presque qualifier de séquence de probation.

Mes chers collègues, si nous supprimions ce processus, il n’y aurait plus de probation, ce qui irait à l’encontre des principes constitutifs de la justice des mineurs.

N’oublions pas que le CJPM va plus loin : il permet de sanctionner les parents qui ne se présenteraient pas aux audiences, de ne pas appliquer de façon systématique le principe d’atténuation de la peine pour les mineurs de plus de 16 ans et de juger plus vite les mineurs de plus de 16 ans multiréitérants, dans le cadre de la procédure d’audience unique, qui est une sorte de comparution immédiate, même si elle n’en porte pas le nom.

Pourquoi, dès lors, vouloir créer quelque chose qui existe déjà ? Laissons-nous le temps d’appliquer le CJPM et d’évaluer les résultats.

D’ailleurs, la procédure de jugement unique devait être l’exception. Or on constate qu’elle est employée dans le tiers environ des affaires. Ce dispositif fonctionne donc, et le CJPM ne constitue pas un havre de permissivité et d’impunité pour les mineurs délinquants. Le dépôt de cette proposition de loi est d’autant plus étonnant. Celle-ci vise, selon son titre, à « restaurer l’autorité de la justice », ce qui semble signifier que la justice n’a plus d’autorité…

Ce texte tend à durcir les sanctions pénales à l’égard des jeunes et à renforcer la responsabilité des parents, en ignorant, cela a été rappelé, les principes constitutionnels et internationaux de la justice des mineurs, à savoir l’atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge, la primauté de l’éducatif sur le répressif et la spécialisation de la justice des mineurs.

Le texte tel qu’il a été voté à l’Assemblée nationale aggravait au contraire les sanctions, sur trois points en particulier, qui constituent des lignes rouges en matière de justice des mineurs.

Il instaurait ainsi une procédure de comparution immédiate, laquelle a été proscrite par le Conseil constitutionnel en 2011. Il inversait le principe de l’atténuation des peines pour les mineurs de plus de 16 ans, laquelle deviendrait l’exception, une mesure soulevant aussi une question constitutionnelle au regard du principe de proportionnalité. Enfin, il aggravait les sanctions envers les parents.

Comme certains l’ont souligné, ce texte relevait plus de la réaction à l’actualité que de la volonté de corriger les faiblesses structurelles de la justice des mineurs, à savoir l’inapplication des peines prononcées par le juge, le manque d’éducateurs et la saturation des lieux d’accueil de la protection judiciaire de la jeunesse.

Comme je l’avais souligné en tant que rapporteure au Sénat du budget de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), je rappelle que notre justice des mineurs manque cruellement de ressources :1 juge pour enfant pour 400 enfants ; 650 places en milieu fermé ; 4 200 mesures en attente d’application…

Pensez-vous sincèrement qu’un mineur ne passera pas à l’acte parce qu’il encourra quatre ans au lieu de trois ans ? Que des parents démunis face à leurs enfants les tiendront mieux s’ils encourent trois ans de prison et 45 000 euros d’amende, au lieu de deux ans de prison et 35 000 euros d’amende ? Le problème n’est-il pas ailleurs ?

Plutôt que d’adopter des mesures contestables et potentiellement inconstitutionnelles, ne devrions-nous pas nous concentrer sur l’exécution des peines et le renforcement de notre institution judiciaire ?

On ne peut pas, à la fois, dire qu’il faut prioriser l’éducatif et ne faire que du répressif ! C’est pourquoi, sans être totalement en phase avec la philosophie générale du texte, nous avons souscrit aux modifications effectuées par la commission.

Pour autant, mes chers collègues, nous sommes inquiets au regard des amendements déposés en vue de la séance et du débat que nous avons eu en commission : ils nous interrogent sur une dérive, sur une petite musique inquiétante qui se répète au Sénat depuis quelques semaines.

Lors des discussions sur ce texte et sur d’autres récemment adoptés, qu’il s’agisse de celui qui était relatif aux allocations familiales conditionnelles ou, dans un tout autre domaine, du plan Ferme France, une stratégie inquiétante se met insidieusement en place : il s’agit de se revendiquer de l’opinion publique pour faire voter des mesures manifestement inconstitutionnelles, d’attendre que ces mesures soient légitimement retoquées, puis d’accuser le Conseil constitutionnel de bloquer la « volonté des Français ».

Comme si l’argument de la constitutionnalité n’était plus un argument (Applaudissements sur les travées du groupe SER.), comme si l’État de droit n’était plus incontournable !

Monsieur le garde des sceaux, vous avez pu constater durant l’examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, portée par le binôme Étienne Blanc et Jérôme Durain, que nous savions être responsables et constructifs. Nous serons au rendez-vous pour travailler de la même façon chaque fois que vous nous le demanderez. Mais nous refusons d’opposer responsabilité et fermeté, d’un côté, et accompagnement et prévention, de l’autre ! Vous l’avez dit vous-même, répression et éducation, les deux sont nécessaires.

Ce qui est irresponsable, en revanche, c’est d’entraîner le Parlement dans une forme de trumpisme législatif (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), où l’on fabrique des textes pour l’affichage et où l’on teste la solidité du Conseil constitutionnel, à charge pour lui de souffrir la vindicte de l’opinion. Le critiquer sera d’autant plus facile !

Nous nous efforcerons, pour notre part, d’agir avec responsabilité, avec tout l’égard dû à nos institutions et à notre État de droit, en nous efforçant d’appliquer une devise qui est pour moi fondamentale dans le cadre de mon mandat parlementaire : rigueur scientifique et honnêteté intellectuelle. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre rapporteur nous a présenté en commission une position fort critique de la proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents, un texte pourtant appuyé dans sa version initiale par tous les groupes de l’Assemblée nationale qui soutiennent le Gouvernement.

Le texte issu de la commission a donc été amélioré juridiquement sur la forme,…

M. Patrick Kanner. Tant mieux !

M. Marc-Philippe Daubresse. … c’est incontestable, mais aussi substantiellement modifié sur le fond.

En écoutant le rapporteur, je me suis dit : « La réponse est non, mais, au fait, quelle était la question ? » (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Non, il ne s’agit pas d’une loi de circonstance.

M. Marc-Philippe Daubresse. Au-delà des multiples faits divers récents, intolérables et inacceptables, nul ne peut nier que la violence des mineurs délinquants est de plus en plus grave, de plus en plus précoce – certes, en volume, elle diminue – et de plus en plus organisée. Pis, elle n’épargne plus aucun territoire, qu’il soit urbain ou rural.

Les mineurs âgés de 13 à 17 ans ne comptent que pour 6 % de la population, mais représentent 40 % des mis en cause dans les vols avec violence, et le nombre de mineurs mis en cause pour coups et blessures volontaires sur d’autres mineurs de moins de 15 ans a augmenté – écoutez bien, mes chers collègues ! – de 350 % depuis vingt ans.

Les mineurs sont toujours plus impliqués, on l’a dit ici, dans les narcotrafics, dans les rixes mortelles entre bandes rivales ou dans la délinquance de rue. Refuser de voir cette réalité alarmante, par posture idéologique, revient à nier ce que les Français subissent au quotidien (M. Pierre Jean Rochette opine.), alors qu’ils nous demandent, dans leur très large majorité, un durcissement de notre politique pénale, comme le souhaitent avec constance et cohérence le garde des sceaux et le ministre de l’intérieur.

Ce matin encore, Bruno Retailleau… (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Marc-Philippe Daubresse. … a plaidé pour réformer profondément la justice des mineurs. Favorable à de courtes peines de prison de quelques semaines, il a souhaité étendre la comparution immédiate aux mineurs délinquants et faire en sorte que l’excuse de minorité soit non plus la règle, mais l’exception. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il fallait le garder comme président de groupe !

M. Marc-Philippe Daubresse. Oui, la justice pénale des mineurs obéit à des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. La création en 2021 du code de la justice pénale des mineurs a été une réforme ambitieuse, certes nécessaire, mais aujourd’hui très insuffisante face à l’augmentation exponentielle de la violence.

Dans le prolongement de cette réforme, nous devons donc amplifier nos efforts dans les domaines de la responsabilisation des parents et du traitement des délinquants multirécidivistes. Il nous faut ensuite, sous contrôle du juge, adapter nos procédures aux mineurs récidivistes de plus de 16 ans.

C’est pourquoi je proposerai, avec Lauriane Josende, Agnès Canayer, Nadine Bellurot et Marie-Claire Carrère-Gée, des amendements visant à rétablir des articles supprimés et à renforcer les garanties procédurales.

La délinquance des mineurs est un sujet de préoccupation essentiel pour les Français. Ils attendent de nous une position forte. Il serait dommage d’apporter avec ce texte une réponse purement technique, plutôt que d’assumer nos responsabilités politiques. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Christine Herzog applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il fut un temps où la minorité était sacrée dans la société, où l’autorité des parents était respectée, où l’école imposait ses règles et où la justice n’excusait pas systématiquement. Mais ouvrons les yeux : les mineurs d’après-guerre n’ont rien à voir avec ceux de 2025 !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ils étaient pires !

M. Stéphane Le Rudulier. L’après-guerre forgeait des générations prêtes à relever la France, pas à la défier. Aujourd’hui, nous faisons face à une explosion de la délinquance juvénile ultraviolente : des bandes qui terrorisent nos quartiers, des violences gratuites, des professeurs agressés, des pompiers caillassés et, surtout, une criminalité qui atteint des sommets dans certaines villes.

Dimanche dernier encore, à Orléans, un rabbin a été agressé en pleine rue par un individu de 16 ans.

Plus au sud, Marseille est devenue l’illustration tragique de cet échec. La capitale du trafic de drogue est gangrenée non plus seulement par les réseaux de narcotrafiquants, mais aussi par une armée de tueurs à gages mineurs.

Oui, mes chers collègues, des adolescents de 14, 15 ou 16 ans exécutent pour quelques milliers d’euros. Ces gamins n’ont plus peur de rien, ni des balles adverses, ni de la police, ni des prisons, parce qu’ils savent que notre justice ne les sanctionnera jamais à la hauteur de leur crime. Il faut que cela cesse. À 16 ou 17 ans, on sait ce que l’on fait !

« Quand on ne sanctionne pas, on encourage », disait Nicolas Sarkozy. (Rires ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Laurence Rossignol. Avec ou sans bracelet électronique ?…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Au fait, des nouvelles des réquisitions du parquet ?

M. Stéphane Le Rudulier. Il avait raison. Nous devons rétablir l’autorité, celle de l’État, celle des parents, celle de l’école. Finis les rappels à la loi et les peines symboliques ! À tout acte grave, il faut répondre par une sanction immédiate.

Il est temps d’agir. Les mineurs de 2025 doivent comprendre que la République n’est pas une grande muette laxiste. Si certains adultes refusent d’éduquer leurs enfants, alors c’est au législateur de mettre la société à l’abri de ces bombes à retardement.

Un jeune délinquant impuni devient un modèle de récidive, non de réhabilitation. Cessons donc de sacrifier la justice sur l’autel de la naïveté !

La sanction a une fonction non pas seulement punitive, mais aussi éducative et sociale. Loin d’être un acte de répression aveugle, elle est un acte fondateur de la responsabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il y a tout juste deux mois, le jeune Élias a été assassiné dans mon arrondissement, à Paris, par des mineurs multirécidivistes qui auraient dû ne jamais être dans la rue, mais se trouver en centre éducatif fermé ou en prison. Nous sommes collectivement responsables de ce sauvage assassinat, qui aurait dû être évité.

Faute de moyens, mais aussi parce que nous n’avons pas fixé les bonnes règles, nous assistons, impuissants ou presque, aux ravages de l’hyperviolence juvénile. Il faut vraiment en finir avec cette culture de l’excuse, de l’impunité, du renoncement.

Je salue l’initiative de Gabriel Attal, dont la proposition de loi comportait, en germe, des avancées significatives sur des thèmes que la majorité sénatoriale a toujours soutenus. C’est parce que nous avons aujourd’hui l’occasion d’inscrire nos convictions dans la loi que j’ai souhaité proposer la réécriture de certains articles supprimés et compléter cette proposition de loi en instaurant la possibilité d’ultracourtes peines de prison.

Monsieur le garde des sceaux, il faut réévaluer en urgence la réforme qui a conduit à la césure du procès pénal des mineurs et en tirer les conséquences. La punition n’est pas l’antithèse de l’éducation, elle en est le corollaire. Je salue l’amendement de Lauriane Josende, dont les dispositions vont dans ce sens.

Attendre que le mineur s’enfonce dans la délinquance pour agir, c’est consacrer l’idée pernicieuse selon laquelle la justice, donc la société, recule face aux premières transgressions, les tolèrent, jusqu’à ce qu’il soit trop tard.

La première infraction doit être immédiatement sanctionnée, sans quoi nous organisons notre propre impuissance. Il est donc impératif de réintroduire la possibilité pour les juges de prononcer de très courtes peines d’emprisonnement.

De telles peines sont une composante à part entière de l’éducation. Elles sont indispensables pour rappeler l’autorité de la loi et éviter la spirale de la récidive.

Nous devons cesser d’invoquer la minorité comme un prétexte à l’inaction. Peut-on sérieusement soutenir que des jeunes capables d’une violence extrême, d’une brutalité inouïe, doivent être jugés avec une indulgence quasi systématique, au seul prétexte de leur âge ?

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Lorsque la gravité des faits l’exige, il est également décisif d’instituer la possibilité d’une comparution immédiate de mineurs déjà bien connus de la justice. Et pas de justice pénale à la carte : si le mineur ou ses parents refusent la comparution immédiate, le mineur doit pouvoir être placé en détention provisoire et être jugé dans les délais les plus brefs. (M. Guy Benarroche proteste.)

Mes chers collègues, il nous appartient de rétablir l’autorité de la justice. Une justice beaucoup plus ferme et plus efficace, une justice qui protège les victimes et les mineurs eux-mêmes. Il y va de l’avenir même de notre jeunesse. Car, ne l’oublions jamais, les premières victimes de cette hyperviolence juvénile, ce sont aussi et surtout des jeunes ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Nous pourrons, au cours de l’examen de la cinquantaine d’amendements qui ont été déposés, présenter nos arguments respectifs, mais je constate que le débat a déjà largement commencé…

Personne, à de très rares exceptions près, ne conteste la nécessité d’adapter notre droit, tout en respectant les principes fondamentaux.

Pour que notre débat soit tout à fait complet, madame la présidente, je souhaite lever le gage sur les amendements nos 40 rectifié de Mme Salama Ramia et 28 rectifié quater de M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Cette proposition de loi que le Gouvernement accompagne, mais dont il n’est pas à l’initiative, ne traite – je l’ai dit dans mon propos liminaire – ni de la protection de l’enfance, un sujet extrêmement important et qui est en lien avec celui de la délinquance des mineurs, ni des moyens de la justice.

J’ai entendu plusieurs orateurs évoquer le manque de moyens du ministère de la justice ; je ne puis qu’être d’accord avec eux. Vous vous êtes encouragés mutuellement, en ces temps où le poids du Parlement est particulièrement important, à renforcer les crédits du ministère de la justice lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.

Dans la loi d’orientation et de programmation pour le ministère de la justice, des effectifs et des investissements supplémentaires ont été prévus pour la PJJ et pour la justice des mineurs. J’ai moi-même souhaité qu’y soient inscrits une centaine de postes supplémentaires de juges des enfants, ce qui ferait passer l’effectif de ces magistrats, d’ici à 2027, de 400 à 500. Cela permettra de faire baisser le nombre de dossiers, qui s’élève, cela a été dit, à 400 dossiers en moyenne par juge.

Il nous faudra aussi traiter le sujet de l’attractivité des métiers de la PJJ, ainsi que celui du suivi des mineurs délinquants.

M. le rapporteur l’a dit, il n’y aurait pas beaucoup de sens à inscrire dans la loi des responsabilités supplémentaires, en modifiant de nouveau les dispositions du code, sans offrir à la justice les moyens matériels de fonctionner.

Cela dit, je tiens à souligner devant la chambre des territoires que les départements ont aussi une responsabilité en la matière, tout au moins dans le domaine de la protection de l’enfance, en lien avec l’État, comme c’est le cas pour d’autres services sociaux. Pour ce qui concerne la PJJ, en particulier, notre travail collectif doit donc consister à conférer davantage de moyens à la justice dans son ensemble.

Je suis certain que, lors des mois d’octobre, novembre et décembre prochain, vous saurez vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, des demandes fortes que vous avez adressées au ministre de la justice, afin qu’il mette des moyens en face des politiques que vous votez !

Mme Laurence Rossignol. C’est rarement nous qui refusons de voter les crédits !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale
Après l’article 1er

Article 1er

Le code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 227-17 est ainsi modifié :

a et b) (Supprimés)

b bis) (nouveau) Le second alinéa est ainsi modifié :

– après le mot : « mineur », sont insérés les mots : « ou au détriment de ce dernier » ;

– les mots : « du délit prévu à l’article » sont remplacés par les mots : « des délits prévus aux articles 227-3, 227-4, 227-4-3, 227-5 à 227-7, 227-17-1 et » ;

c) (Supprimé)

(Supprimé)

3° Après le mot : « loi », la fin de l’article 711-1 est ainsi rédigée : « n° … du … visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.

M. Olivier Paccaud. « Si j’aurais su, j’aurais pas venu » : mes chers collègues, vous connaissez tous cette réplique culte de Petit Gibus, issue de la version cinématographique de La Guerre des boutons. Pour notre part, nous avons bien fait de venir…

Nous ne sommes plus en 1912, date de parution du roman éponyme de Louis Pergaud, et Gérald Darmanin n’est pas le père Zéphirin, le garde champêtre de cet ouvrage. (M. le garde des sceaux sourit.) Les bandes qui s’affrontent aujourd’hui n’utilisent plus l’épée en bois ou la fronde, mais font régner la terreur à coups de machette, de couteau, de kalachnikov ou de chalumeau. On est passé de Walt Disney à Pulp Fiction, Orange mécanique ou La Haine !

Les temps ont changé, et il faut savoir s’adapter. Les violences sont plus nombreuses et leurs auteurs, malheureusement, toujours plus jeunes. Tandis que l’excuse de minorité permet de s’engouffrer dans les failles du système, des mineurs délinquants deviennent des acteurs majeurs et récurrents de la galaxie mafieuse. Cette proposition de loi est donc utile.

Oui, nous avons besoin d’une justice qui protège et dissuade. Oui, nous avons besoin de parents impliqués et responsables. Oui, nous avons besoin de sanctions conformes aux réalités de 2025.

J’ai entendu un de nos collègues citer le vers : « On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans », écrit par Arthur Rimbaud – du haut de ses 16 ans… Mais, hélas ! aujourd’hui, la violence n’attend pas le nombre des années. Il nous revient donc d’adapter notre législation pour protéger la société et notre jeunesse en danger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi qui vise à lutter contre la délinquance des plus jeunes est pensée comme une réponse aux révoltes urbaines de l’été 2023. Mais, bien loin du désir de justice, vous menez un tout autre combat : dans la continuité de la bulle populiste qui gangrène nos débats depuis des semaines, il nous est proposé d’examiner une loi établie sous le coup de l’émotion. C’est tout à fait contraire à ce que l’on attend du travail des parlementaires !

En écoutant les professionnels du secteur de la justice, ce que n’ont visiblement pas fait les auteurs de la proposition de loi, on se rend compte que nous sommes en présence d’un texte qui fédère contre lui. En partie désavoué en commission à l’Assemblée nationale, il a été complètement désavoué par la commission au Sénat.

Ce texte conduirait la France à rompre avec ses engagements internationaux, notamment la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), selon la Défenseure des droits, mais aussi, parfois, à ne pas respecter les principes constitutionnels.

Monsieur le garde des sceaux, vous appelez à raison au respect de l’autorité. Mais si, demain, l’autorité humilie, bien loin d’apaiser, elle ne fera qu’embraser la situation.

Non contents de fragiliser des familles déjà éprouvées par des parcours complexes, vous vous mettez en porte-à-faux avec la réalité. En vous concentrant uniquement sur la réponse judiciaire et répressive, vous balayez d’un revers de main les avancées obtenues dans les domaines de la psychologie de l’enfant et de la justice des mineurs. Vous tournez le dos à ces faits et offrez, une fois encore, des gages à l’idéologie punitive.

Les mesures d’accompagnement, d’assistance, de prise en main du mineur existent et donnent des résultats. Elles sont portées par des fonctionnaires, des éducateurs, des magistrats consacrant leur vie à ces jeunes qui, un jour, ont fait l’erreur de basculer. Il faudra dire à ces professionnels que le budget du ministère de la justice ne sera pas renforcé pour ce qui concerne la justice des mineurs ! À la place, vous proposez d’enfermer plus vite et plus longtemps…

J’espère que vous garderez sur la conscience le fait que les jeunes, qui ont déjà un pied dans la criminalité, auront, grâce à vous, un pied dans le chômage, l’isolement social et la récidive ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. L’amendement n° 53 n’est pas soutenu.

Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par Mme Vérien, MM. J.M. Arnaud et Bitz, Mme Florennes, MM. Marseille et Parigi, Mmes Patru, Tetuanui et Guidez, MM. Delahaye et Mizzon, Mmes de La Provôté, Billon, Herzog et Jacquemet, M. Lafon, Mmes Romagny, Housseau, Sollogoub et Devésa et M. Duffourg, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rétablir les a et b dans la rédaction suivante :

a) Au premier alinéa, les mots : « au point de » sont remplacés par les mots : « , lorsqu’il est, par son caractère répété ou sa gravité, de nature à » ;

b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque cette soustraction a directement conduit à la commission, par le mineur, d’au moins un crime ou de plusieurs délits ayant donné lieu à une condamnation définitive, elle est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. » ;

II. – Alinéa 6

Supprimer les mots :

227-5 à 227-7

III. – Alinéa 9

Après les mots :

visant à

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »

La parole est à Mme Dominique Vérien.

Mme Dominique Vérien. Le présent amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 1er, tout en conservant des avancées proposées par le rapporteur.

Il s’agit de cibler la responsabilité des parents, dont on sait qu’ils sont déjà punis lorsqu’ils se soustraient à leurs obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité ou la moralité de leurs enfants mineurs.

Cet amendement tend donc, si cette soustraction a conduit leur enfant à commettre un crime ou plusieurs délits ayant donné lieu à condamnation, à les punir de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Par ailleurs, je le répète, nous reprenons des avancées proposées par le rapporteur, comme l’extension du périmètre de l’actuelle circonstance aggravante aux délits de non-exécution d’une décision judiciaire imposant le versement d’une pension, de non-déclaration en vue de ne pas verser une pension et de non-respect de l’obligation de scolarisation. Et nous supprimons la peine complémentaire de travail d’intérêt général (TIG) qu’avait prévue l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. L’amendement n° 37 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Longeot, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme Bourcier, MM. Chevalier, Wattebled et Brault et Mmes Evren et Guidez, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rétablir le b) dans la rédaction suivante :

b) Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le fait, pour un parent, de s’abstenir d’empêcher un mineur de moins de 15 ans de circuler dans un espace public en dépit d’un arrêté de couvre-feu pris par le représentant de l’État dans le département ou par le maire constitue une soustraction à ses obligations légales.

« Lorsque cette soustraction est caractérisée concomitamment à la commission, par le mineur, d’au moins un crime ou de plusieurs délits ayant donné lieu à une condamnation définitive, elle est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. » ;

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. En commission, le rapporteur a fait adopter un amendement visant à supprimer la circonstance aggravante. Il a justifié cette suppression par la difficulté à prouver le lien direct entre la commission d’une infraction par le mineur et le comportement fautif du parent.

Le présent amendement vise à restaurer la circonstance aggravante, telle qu’elle avait été adoptée par l’Assemblée nationale, mais en remplaçant le lien direct par le caractère concomitant du comportement fautif du parent et de la commission d’un crime ou de délits par le mineur. Nous prenons donc en compte les observations formulées par le rapporteur lors des travaux de la commission.

Cet amendement tend également à faire entrer dans le champ de la soustraction à ses obligations légales le fait pour un parent de ne pas empêcher un mineur de circuler en dépit du couvre-feu.

Si vous le permettez, madame la présidente, je souhaite présenter nos deux amendements suivants au sein de cette discussion commune, qui sont des amendements de repli.

Mme la présidente. Je vous en prie, mon cher collègue.

M. Pierre Jean Rochette. L’amendement n° 39 rectifié ter vise à ne retenir que la seule circonstance aggravante, tandis que l’amendement n° 38 rectifié ter tend à ne retenir que le non-respect du couvre-feu.

Les peines prévues sont les mêmes que celles qui sont inscrites dans l’amendement présenté par Dominique Vérien : 45 000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement.

Mme la présidente. L’amendement n° 42, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rétablir le b dans la rédaction suivante :

b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque cette soustraction s’est accompagnée de la commission, par le mineur, d’un crime, d’un délit ou d’une contravention de 5e classe, ayant donné lieu à une ou plusieurs condamnations définitives, elle est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 50 000 euros d’amende. »

La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Cet amendement vise à réintégrer l’alinéa 7, supprimé par la commission, afin de garantir une prise en compte plus juste des infractions commises par les mineurs dans l’aggravation des peines applicables aux parents défaillants.

En limitant cette aggravation aux crimes et délits commis par le mineur, la commission a introduit, de fait, un joker juridique pour le parent défaillant, en excluant les contraventions du champ des infractions prises en compte. Or parmi celles-ci figurent notamment les violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) inférieure ou égale à huit jours, qualifiées de contraventions de 5e classe.

Pourtant, dans la réalité des infractions commises par les mineurs, de nombreuses atteintes aux personnes relèvent précisément de cette catégorie, tout comme les dégradations et les détériorations mineures. En ignorant ces faits, la commission crée une faille juridique qui affaiblit la portée du dispositif.

Cet amendement tend donc à rétablir l’alinéa supprimé et à maintenir l’aggravation de la peine principale encourue pour le délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales. Ainsi, la peine applicable serait portée à cinq ans d’emprisonnement et 50 000 euros d’amende.

Mme la présidente. L’amendement n° 39 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Longeot, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme Bourcier, MM. Chevalier, Wattebled et Brault et Mmes Evren et Guidez, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rétablir le b dans la rédaction suivante :

b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque cette soustraction est caractérisée concomitamment à la commission, par le mineur, d’au moins un crime ou de plusieurs délits ayant donné lieu à une condamnation définitive, elle est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. » ;

Cet amendement est déjà défendu.

L’amendement n° 38 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Longeot, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme Bourcier, MM. Chevalier, Wattebled et Brault et Mmes Evren et Guidez, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait, pour un parent, de s’abstenir d’empêcher un mineur de moins de 15 ans de circuler dans un espace public en dépit d’un arrêté de couvre-feu pris par le représentant de l’État dans le département ou par le maire constitue une soustraction à ses obligations légales. » ;

Cet amendement est déjà défendu.

L’amendement n° 56, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer la référence :

227-7

par la référence :

227-6

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Le présent amendement a pour objet d’exclure le délit de non-représentation d’enfant du périmètre des circonstances aggravantes retenu par le rapporteur.

La non-représentation d’enfant est certes un véritable problème, qu’il ne faut pas occulter. Il n’en reste pas moins qu’elle constitue parfois un dernier recours pour protéger un enfant de violences intrafamiliales.

La jurisprudence a admis, depuis peu, que la non-représentation d’enfant était justifiée « en cas de sentiment de peur chez l’enfant impossible à atténuer résultant de la violence du père ». Il s’agissait, par cet arrêt, d’aller au-delà de faits de violences dûment constatés et condamnés…

Pour autant, vous le savez, la jurisprudence n’est pas forcément constante. Aussi, afin de protéger les parents qui veulent éviter que leurs enfants ne subissent des violences, notre groupe souhaite que les sanctions pour non-représentation d’enfant ne soient pas aggravées, car celles-ci pourraient sanctionner inutilement un parent qui a fait un choix entre la protection de son enfant et le respect de la loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Permettez-moi, mes chers collègues, de développer quelque peu longuement mon avis sur ces amendements.

Pour ce qui concerne les amendements nos 1 rectifié ter, 37 rectifié ter, 39 rectifié ter et 38 rectifié ter, j’indique qu’il existe dans le code pénal un article 227-17, qui est très peu appliqué puisqu’il a donné lieu à 220 condamnations seulement…

La modification introduite dans la proposition de loi de M. Attal visait le fait pour un parent de se soustraire à ses obligations légales lorsque cette soustraction a conduit à la commission par le mineur de plusieurs crimes ou délits ayant donné lieu à une condamnation définitive.

J’attire votre attention sur un point : pour que cette disposition s’applique, le mineur devrait avoir été condamné définitivement, et il faudrait espérer qu’il ne fasse pas appel ou qu’il ne se pourvoie pas en cassation… Ce n’est donc qu’à l’issue des quatre ou cinq ans suivant sa condamnation que l’on pourrait mettre en cause la responsabilité des parents. Cela ne me semble pas raisonnable, puisque l’on ne retrouve pas ici l’effet de sanction immédiate que vous souhaitez.

Par ailleurs, la rédaction retenue par Assemblée nationale mentionne la commission, par le mineur, d’au moins un crime ou de plusieurs délits. Cela me conduit à formuler la même réflexion que précédemment : avant que ces condamnations ne soient définitives et que l’on puisse se retourner contre les parents, cela prendra du temps et ce sera compliqué…

Voilà pourquoi la réécriture proposée ne me paraît pas de nature à atteindre l’objectif des auteurs de ces amendements, c’est-à-dire la possibilité de poursuivre les parents qui se sont soustraits à leurs obligations légales.

Par ailleurs, M. Rochette, en inscrivant le terme « concomitamment » dans le libellé des amendements nos 37 rectifié ter et 39 rectifié ter, aborde la question du lien de causalité entre la soustraction des parents à leurs obligations légales et la commission par le mineur d’un crime ou de délits. Cette notion de concomitance restreint le champ de la responsabilité, puisqu’elle implique que cette soustraction soit liée à l’infraction.

Je considère que la rédaction retenue par la commission est plus utile et plus efficace : elle permet de mieux répondre à l’objectif – la possibilité de condamner les parents –, en donnant une définition très précise des infractions.

J’émets donc un avis défavorable sur les amendements nos 1 rectifié ter, 37 rectifié ter, 39 rectifié ter et 38 rectifié ter.

L’amendement n° 56 présenté par M. Benarroche vise la non-représentation d’enfant, laquelle peut être instrumentalisée dans le cadre d’une querelle liée à divorce ou à une situation post-divorce.

Je suis un peu ennuyé… Comme vous l’avez rappelé, mon cher collègue, la jurisprudence admet un motif légitime de non-représentation d’enfant. Or la proposition de loi fait mention d’une condamnation définitive. En réalité, le débat a déjà été tranché par le juge : si la non-représentation d’enfant n’est pas légitime, elle donne lieu à condamnation.

J’émets donc un avis de sagesse sur cet amendement. Il vous appartiendra, mes chers collègues, d’apprécier s’il faut supprimer ou non le délit de non-représentation d’enfant lorsque celle-ci a été définitivement justifiée par le juge.

Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° 42 présenté par M. Hochart, qui vise les contraventions de 5e classe, l’avis de la commission est défavorable : la réponse doit pouvoir être immédiate.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. En ce qui concerne l’amendement n° 1 rectifié présenté par Mme Vérien, mon avis sera légèrement différent de celui de M. le rapporteur, et j’espère que celui-ci ne m’en voudra pas de le soutenir, même si j’aurais préféré qu’il soit retiré au profit de l’amendement n° 53, non soutenu, de M. Reichardt, dont les dispositions me paraissaient mieux rédigées…

J’émets donc un avis favorable sur cet amendement, qui vise à rétablir la rédaction de l’article 1er.

Pour autant, je souscris à nombre des arguments de M. le rapporteur, notamment ceux qui sont fondés sur l’inefficacité du processus prévu. Prévoir non pas une réitération, mais une condamnation définitive ne correspond sans doute pas à l’intention initiale de l’auteur de la proposition de loi, qui était de sanctionner les parents concernés le plus rapidement possible. Ce débat pourrait avoir lieu lors de la commission mixte paritaire (CMP)…

Monsieur Benarroche, je comprends tout à fait vos arguments. Comme l’a dit M. le rapporteur – je souscris à ses propos –, le cas que vous avez évoqué est déjà pris en compte par la jurisprudence et dans la pratique des tribunaux. Votre amendement aurait pu, selon moi, être également retiré au profit de l’amendement n° 53, hélas non soutenu. M. Reichardt aurait pu, là encore, remporter la mise…

J’émets donc un avis de sagesse sur votre amendement n° 56.

En ce qui concerne les amendements nos 42, 37 rectifié ter, 39 rectifié ter et 38 rectifié ter, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Monsieur Benarroche, je n’ai pas souhaité m’attarder sur ce point lors de la présentation de mon amendement, mais je vous précise que nous avons retiré de son objet le délit de non-représentation d’enfant.

En effet, ainsi que je l’ai indiqué lors de la discussion générale, l’inclusion de ce délit parmi les circonstances aggravantes comportait le risque de condamner en priorité des mères. Le dispositif de votre amendement est donc en réalité intégré au nôtre.

Mme Laurence Rossignol. Si c’est le cas, la séance déclarera sans objet l’amendement de M. Benarroche !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous voici face au premier exemple des problèmes posés par l’examen de ce texte.

Le rapporteur a expliqué très précisément pourquoi les dispositifs proposés par ces amendements ne fonctionnent pas et montré en quoi ils sont inutiles et irréalisables. Le garde des sceaux ne m’a pas semblé en désaccord avec cette analyse.

Il est certes sympathique de ne pas vouloir contrarier les parlementaires, mais nous sommes tout de même là pour faire la loi. Au lieu d’adopter des dispositions inapplicables ou inutiles, nous devrions nous plier à davantage de sobriété et d’efficacité législative. Respectant ce principe, notre groupe votera contre ces amendements, à l’exception de l’amendement n° 56 de M. Benarroche.

La jurisprudence est certes une source de droit, comme nous l’apprenons en première année de licence,…

M. Marc-Philippe Daubresse. Nous ne sommes pas à la faculté de droit !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … mais il est plus sûr d’inscrire une telle précision dans le code pénal.

Madame Vérien, j’ai entendu votre argumentation, mais vous présumez que votre amendement sera adopté, ce qui ne correspond pas à la position de notre groupe.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 37 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 39 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. Pierre Jean Rochette. Je retire l’amendement n° 38 rectifié ter, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 38 rectifié ter est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 56.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, nadopte pas lamendement.)

Mme la présidente. L’amendement n° 58, présenté par Mme Ramia, M. Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Au premier alinéa, après les mots : « le père ou la mère », sont insérés les mots : « ou nonobstant l’absence de décision procédant à la délégation de l’autorité parentale sur le fondement de l’article 377 du code civil, la personne qui en a reçu la garde continue à des fins d’éducation et d’entretien » ;

La parole est à Mme Salama Ramia.

Mme Salama Ramia. S’il est louable de durcir les règles relatives à la responsabilité du père et de la mère, la rédaction actuelle de l’article 1er ne tient pas compte de certaines situations répandues dans l’Hexagone, à Mayotte et dans les outre-mer. En particulier, la situation des mineurs accueillis par des tiers ou par la proche famille, sans que l’autorité parentale soit transférée par voie judiciaire, n’est pas visée par le dispositif.

Dans cette situation, les adultes ne sont pas inquiétés sur le plan pénal. Or, à Mayotte, les mineurs délinquants issus de l’immigration régionale sont régulièrement envoyés sur le territoire pour être confiés à des proches, qu’il s’agisse de tantes, d’oncles, de cousines ou d’amis. Ces adultes qui acceptent la garde de ces enfants ne mesurent pas la responsabilité qui leur est confiée et ne s’en emparent pas.

Afin de décourager ce phénomène, qui conduit à livrer un nombre important d’enfants à eux-mêmes, il est proposé d’étendre la sanction prévue aux personnes qui ont accepté d’assurer une garde continue des mineurs à des fins d’éducation et d’entretien. Les personnes qui justifieraient n’assurer qu’une garde ponctuelle ne seraient pas concernées.

La précision proposée n’est pas nouvelle, car elle figure à l’article L. 331-5 du code de la justice pénale des mineurs. Par ailleurs, la notion « d’éducation et d’entretien » est empruntée au régime de la délégation de l’autorité parentale, toujours dans la perspective d’exclure ceux qui exercent une garde ponctuelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Madame la sénatrice, les obligations qui résultent de l’autorité parentale résultent tout simplement de l’autorité parentale. Si celle-ci n’est pas transférée, il ne peut y avoir de responsabilité de fait.

Par ailleurs, si les personnes qui ont la charge non juridique des enfants sont amenées à manquer à des obligations comme l’inscription dans un établissement scolaire ou commettent de mauvais traitements, ils tombent sous le coup du code pénal.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 58.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale
Article 2

Après l’article 1er

Mme la présidente. L’amendement n° 43, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre Ier du titre II du livre V du code de la sécurité sociale est complété par un article L. 521-… ainsi rédigé :

« Art. L. 521-… – En cas de décision définitive prononçant une peine ou une mesure éducative à l’égard d’un enfant à charge déclaré coupable, comme auteur ou complice d’un crime, il est mis fin au versement des allocations familiales pour la part que l’enfant représente.

« En cas de décision définitive prononçant une peine ou une mesure éducative à l’égard d’un enfant à charge déclaré coupable, comme auteur ou complice d’un délit puni d’au moins deux ans d’emprisonnement, le versement des allocations familiales, pour la part que l’enfant représente, est suspendu pour une durée de vingt-quatre mois.

« Dans le cas prévu au deuxième alinéa, lorsque l’enfant à charge fait l’objet d’une condamnation définitive à une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à deux ans, le versement des allocations familiales, pour la part que l’enfant représente, est suspendu pour toute la durée de la peine prononcée.

« Lorsque la décision définitive comprend un placement éducatif, la suppression ou la suspension de la part des allocations familiales dues au titre de l’enfant condamné prend effet à la fin du placement dans les conditions prévues à l’article L. 113-2 du code de la justice pénale des mineurs.

« Le représentant de l’État dans le département reçoit communication par le ministère public des décisions prévues aux quatre premiers alinéas du présent article. Il notifie la suppression ou la suspension de la part des allocations familiales dues au titre de l’enfant condamné à la personne à laquelle les allocations familiales sont versées en application de l’article L. 521-2 du présent code et l’informe qu’elle dispose de quinze jours pour présenter ses observations dans les conditions prévues à l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration. Sauf si ces observations ont permis d’établir que la personne a tenté d’empêcher l’enfant de commettre l’infraction à l’origine de sa condamnation, il prend par arrêté la décision de suppression ou de suspension du versement des allocations familiales, pour la part que l’enfant représente.

« Cet arrêté peut faire l’objet d’un recours de plein contentieux devant le tribunal administratif qui statue en premier et dernier ressort.

« L’arrêté prévu au cinquième alinéa est notifié à la Caisse nationale d’allocations familiales et aux caisses d’allocations familiales s’exécutent sans délai. »

II. – L’article L. 113-2 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° La dernière phrase du deuxième alinéa est supprimée ;

2° Après le deuxième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« En application de l’article L. 521-4 du code de la sécurité sociale, lorsque le placement prend fin :

« – si le mineur a fait l’objet de cette mesure en vertu d’une décision l’ayant déclaré coupable, comme auteur ou complice d’un crime, il est mis fin au versement des allocations familiales pour la part qu’il représente ;

« – si le mineur a fait l’objet de cette mesure en vertu d’une décision l’ayant déclaré coupable, comme auteur ou complice d’un délit puni d’au moins deux ans d’emprisonnement, le versement des allocations familiales est suspendu pour une durée de vingt-quatre mois. »

La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Depuis trop longtemps, nous assistons impuissants à la montée de la délinquance juvénile, qui gangrène notre société. Des mineurs ou des bandes de mineurs saccagent des quartiers entiers, terrorisent des commerçants, s’attaquent aux forces de l’ordre, à nos pompiers, et sèment le chaos en toute impunité.

Il y a quelques années, nous pouvions encore parler de cas isolés ; aujourd’hui, nous faisons face à un problème de masse, à la banalisation de la violence, à une véritable perte de repères.

Où sont les parents dans tout cela ? Quelle responsabilité portent-ils dans les actes commis par leurs enfants ? La République ne peut plus fermer les yeux sur la réalité : une partie de ces mineurs évolue dans un cadre familial où l’autorité parentale est inexistante, que les parents soient totalement absents, démissionnaires ou complices.

Notre amendement vise donc à frapper là où cela produit un véritable impact, en suspendant ou en supprimant les allocations familiales pour les parents d’enfants délinquants ou criminels.

Mes chers collègues, nous vous demandons de voter en faveur de cet amendement, pour mettre fin au laxisme parental et rétablir une autorité plus que nécessaire aujourd’hui.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. J’invite l’auteur de cet amendement à lire le code de la justice pénale des mineurs, notamment son article L. 113-2, qui dispose que « les allocations familiales, majorations et allocations d’assistance auxquelles le mineur ouvre droit seront versées directement par l’organisme débiteur à la personne ou à l’établissement qui accueille le mineur le temps du placement. » Cela signifie que, pendant ce temps, ce ne sont pas les parents ayant la charge de l’enfant qui reçoivent cet argent.

En outre, mon cher collègue, l’article additionnel que vous proposez s’expose à un triple risque constitutionnel.

Premièrement, vous proposez de sanctionner l’ensemble du foyer, y compris les personnes qui n’ont pas commis d’infraction pénale, ce qui entre en contradiction avec le principe de l’imputabilité.

Deuxièmement, la sanction automatique prévue ne suppose pas l’intervention du juge. Or ce contentieux administratif est de nature à violer le principe de l’individualisation des peines.

Troisièmement, la mesure proposée est potentiellement constitutive d’un déséquilibre entre la nécessaire répression des infractions et d’autres principes à valeur constitutionnelle dégagés par la jurisprudence, tels que le droit de mener une vie familiale normale ou le droit au logement.

Plutôt que de proposer une nouvelle disposition législative, il s’agirait d’améliorer le partage des informations entre la justice des mineurs, la caisse d’allocations familiales (CAF) et les services déconcentrés de l’État.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 43.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale
Article 3

Article 2

I et II. – (Supprimés)

III (nouveau). – Au dernier alinéa de l’article L. 311-5 du code de la justice pénale des mineurs, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « deuxième ».

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 2 rectifié est présenté par Mme Vérien, MM. J.M. Arnaud et Bitz, Mme Florennes, MM. Marseille et Parigi, Mmes Patru, O. Richard, Tetuanui et Guidez, MM. Delahaye, Mizzon et Duffourg, Mme Devésa, M. Delcros, Mmes Sollogoub, Housseau et Romagny, M. Lafon et Mmes Jacquemet, Herzog, Billon et de La Provôté.

L’amendement n° 9 rectifié est présenté par Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud et Théophile.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article 375-1 du code civil est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les parents sont tenus de déférer aux convocations aux audiences et aux auditions du juge des enfants.

« Le juge des enfants peut condamner à l’amende civile prévue par le code de procédure civile ceux qui, sans motif légitime, n’y ont pas déféré.

« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »

II. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par le décret prévu à l’article 375-1 du code civil, et au plus tard le premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la présente loi.

La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.

Mme Dominique Vérien. Le présent amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 2 adoptée par l’Assemblée nationale lors de la première lecture de ce texte, afin de prévoir que les parents sont tenus de déférer aux convocations, aux audiences et aux auditions du juge des enfants.

En outre, il s’agit de permettre à ce dernier de condamner à une amende civile prévue par le code de procédure civile les parents qui, sans motifs légitimes, n’y auraient pas déféré.

Les mesures éducatives sont certes toujours préférables, mais elles supposent l’adhésion des parents. Or lorsque ces derniers ne se rendent pas aux convocations de leur enfant, on peut considérer que cette adhésion n’existe pas, ce qui ne permet pas d’avancer.

Peut-être qu’une amende pourrait davantage motiver les parents et leur faire comprendre que discuter de l’avenir de leur enfant avec le juge des enfants est entièrement dans leur intérêt.

Mme la présidente. La parole est à Mme Salama Ramia, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié.

Mme Salama Ramia. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Malgré les délais contraints de la préparation de l’examen de cette proposition de loi, nous avons procédé à des dizaines d’auditions. Qu’il s’agisse de magistrats ou d’éducateurs, personne ne nous a fait part d’une telle demande.

L’article L. 311-5 du code de la justice pénale des mineurs, qui a inspiré la rédaction de l’article 2, n’a donné lieu au prononcé que de 32 amendes civiles au cours d’une période de huit ans. C’est dire si les juges ne sont pas demandeurs d’une telle mesure !

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, que personne ne réclame et dont les dispositions n’ont pas d’intérêt.

En revanche, elle émettra un avis favorable sur l’amendement n° 44 rectifié quater déposé par Marie-Do Aeschlimann, que nous étudierons dans quelques instants, qui vise à revoir le cadre d’application de l’amende pénale.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je suis en désaccord avec M. le rapporteur sur ce point.

L’article 2 sert à responsabiliser les parents, non pas en systématisant une sanction pécuniaire, comme M. Hochart le proposait – j’ai d’ailleurs suivi l’avis du rapporteur sur l’amendement n° 43, précédemment examiné –, mais en responsabilisant les parents, en leur demandant d’assister à l’audience de comparution de leur enfant.

Certes, un certain nombre de choses fonctionnent mal dans la justice des mineurs actuellement, et je le déplore. De très nombreux acteurs indiquent que les procureurs de la République, qui assistent rarement aux audiences des mineurs, rappellent trop peu souvent la règle et l’autorité de l’action publique au sein du tribunal. Certes, le magistrat se charge de ce rappel, mais il me semble que ce rôle revient au procureur de la République.

Monsieur le rapporteur, le procureur de la République doit rappeler les règles : lorsqu’un enfant entre dans un parcours délinquant, la moindre des choses que l’on peut demander à ses parents, c’est de travailler avec les autorités de l’État, les acteurs sociaux et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Il faut acter le fait que leur autorité n’est pas respectée et, pour les aider à la restaurer, il faut prendre une mesure éducative.

Avec l’article 2, il s’agit non pas d’obliger les parents à venir, mais de considérer, s’ils ne viennent pas, que ce n’est pas au juge de prendre leur place.

L’amendement de Mme Vérien, qui vise à réintroduire la version de l’article 2 adoptée par l’Assemblée nationale, me semble frappé au coin du bon sens. Je ne vois pas bien comment on pourrait s’y opposer.

Monsieur le rapporteur, je n’ai certes pas conduit les mêmes auditions que vous, et cela fait moins de temps que vous que je pratique la justice, mais j’ai rencontré de nombreux professionnels depuis mon arrivée place Vendôme. Il est vrai que les magistrats en charge des enfants et les agents de la PJJ ne font pas cette demande, mais il me semble que le bon sens consiste à demander aux parents des enfants qui entrent dans un processus de délinquance d’être présents aux audiences.

J’ai rencontré des juges des enfants dans plusieurs tribunaux ; il me semble que la majorité des parents n’assiste pas à ces audiences. Imaginons qu’un enfant de 16 ou de 17 ans ne voie pas ses parents à son audience : cela témoigne, me semble-t-il, d’un certain désintérêt à son égard. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille sanctionner les parents si leur enfant est puni.

Certes, du fait d’un éloignement géographique, d’un divorce difficile ou de leurs horaires de travail, il est possible que les parents ne puissent assister à l’audience. Peut-être ce point pourra-t-il être clarifié lors de la commission mixte paritaire (CMP), afin qu’un mécanisme de justification de l’absence soit prévu. Néanmoins, une démarche consistant à demander aux parents de ne pas ignorer ce que la justice et la société font pour réparer les situations créées par leur enfant me semble positive.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement, qui vise à rétablir une disposition prévue par la version initiale de la proposition de loi de M. Attal.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cette mesure n’est pas légitime !

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Madame la présidente, il me semble que l’adoption de mon amendement ferait tomber celui de Marie-Do Aeschlimann, qui a pour objet de modifier l’échelle des peines et qui est tout à fait intéressant.

Dès lors, serait-il possible de rectifier l’amendement n° 2 rectifié, pour y inclure, si son auteur en est d’accord, le dispositif de l’amendement n° 44 rectifié quater ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Pour répondre à Mme Vérien, je suis favorable à l’intégration du dispositif de mon amendement n° 44 rectifié quater au sein de l’amendement n° 2 rectifié.

L’amendement que j’ai déposé visait à aligner le montant des sanctions civiles et pénales en cas de non-présentation des parents à l’audience du juge statuant en matière pénale.

Je le rappelle, en matière civile, le montant de la sanction s’élève à 10 000 euros lorsque le juge des tutelles intervient en matière d’administration des biens du mineur. Or en matière pénale, la sanction prévue est affichée à 3 750 euros. Eu égard à l’importance des obligations légales quant à l’exercice de l’autorité parentale, il serait normal de relever cette sanction.

Nous proposons ainsi de porter l’amende à 7 500 euros.

Mme la présidente. Madame Ramia, acceptez-vous également de rectifier en ce sens l’amendement identique n° 9 rectifié ?

Mme Salama Ramia. Tout à fait, madame la présidente.

Mme la présidente. En conséquence, je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par Mme Vérien, MM. J.M. Arnaud et Bitz, Mme Florennes, MM. Marseille et Parigi, Mmes Patru, O. Richard, Tetuanui et Guidez, MM. Delahaye, Mizzon et Duffourg, Mme Devésa, M. Delcros, Mmes Sollogoub, Housseau et Romagny, M. Lafon et Mmes Jacquemet, Herzog, Billon et de La Provôté.

L’amendement n° 9 rectifié bis est présenté par Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud et Théophile.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article 375-1 du code civil est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les parents sont tenus de déférer aux convocations aux audiences et aux auditions du juge des enfants.

« Le juge des enfants peut condamner à l’amende civile prévue par le code de procédure civile ceux qui, sans motif légitime, n’y ont pas déféré.

« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »

II. – Au deuxième alinéa de l’article L. 311-5 du code de la justice pénale des mineurs, le nombre : « 3 750 » est remplacé par le nombre : « 7 500 ».

III. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par le décret prévu à l’article 375-1 du code civil, et au plus tard le premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la présente loi.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Mes chers collègues, j’appelle tout de même votre attention sur la rédaction de ces amendements identiques ainsi rectifiés.

La commission prévoyait d’émettre un avis favorable sur l’amendement n° 44 rectifié quater. En effet, aligner les deux régimes de peines, civil et pénal, semble relever du bon sens.

Toutefois, si je ne vois pas de problème particulier avec la rédaction des deux premiers alinéas des amendements identiques de nos collègues Mmes Vérien et Ramia, je suis gêné par la rédaction de leur troisième alinéa : « Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. » Par principe, je suis toujours gêné que le Parlement laisse un décret en Conseil d’État préciser l’appréciation de ce qui constitue une peine.

J’émets donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 2 rectifié bis et 9 rectifié bis.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. D’autant plus qu’il n’y a pas besoin de cette mesure !

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. C’est certain, la commission mixte paritaire devra se pencher sur la rédaction de cet article.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Décidément ! (Sourires.)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Il n’y a là rien de nouveau : c’est le travail des parlementaires que de trouver un accord lors de ces réunions.

Je pense en particulier au cas de parents qui, de bon gré, ne pourraient assister aux audiences et qui justifieraient leur absence.

Madame Marie-Do Aeschlimann, j’aurais émis un avis favorable à l’amendement n° 44 rectifié ter si celui-ci avait été examiné séparément.

Toutefois, vous prévoyez une amende de 7 500 euros, alors que, dans sa version initiale, l’article prévoyait une amende de 3 500 euros. Sans chercher à faire de la légistique à cette heure tardive, madame la présidente de la commission des lois, j’appelle votre attention sur ce point : la commission mixte paritaire pourrait trouver un accord sur une amende de 3 500 euros.

Je crains que l’écart ne soit trop grand entre la position du rapporteur, qui ne veut pas d’une telle amende, et celle de ceux d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui sont partisans d’une amende de 7 500 euros. La modération dont fait preuve le Gouvernement devant la Haute Assemblée pourrait conduire à adopter une amende d’un moindre montant, ce qui, en outre, poserait moins de problèmes constitutionnels.

J’émets donc un avis favorable sur les amendements identiques nos 2 rectifié bis et 9 rectifié bis, qui tendent à intégrer le dispositif de l’amendement n° 44 rectifié quater de Mme Aeschlimann. Mais j’appelle votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur deux points importants : il faut prévoir un mécanisme en cas d’absence justifiée et il convient de revoir le montant de l’amende.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est déjà prévu…

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour explication de vote.

M. Christophe Chaillou. Monsieur le garde des sceaux, vous affirmez qu’il faut aborder le problème avec bon sens, mais permettez-moi de faire remarquer que vous ne cessez de renvoyer les mesures que nous adoptons à leur révision lors de la commission mixte paritaire. Très honnêtement, cela m’interpelle : à quoi bon examiner cette loi dans l’hémicycle, dans ce cas ?

Cette loi était présentée comme extrêmement importante. De nombreuses auditions ont eu lieu. La commission des lois a effectué un travail très sérieux. Et malgré tout cela, vous ne cessez d’avancer qu’il faudra préciser les mesures examinées lors de la commission mixte paritaire, en anticipant certaines de ses éventuelles conclusions.

Très honnêtement, rétablir la rédaction de l’article 2 adoptée par l’Assemblée nationale revient à prévoir beaucoup de choses pour peu de résultats.

Il faut en être conscient : lorsque l’on fait la loi, il faut veiller à son efficacité. C’est en tout cas ce que nos concitoyens attendent. Monsieur le garde des sceaux, croyez-vous vraiment qu’une sanction financière déterminera les parents à se présenter lors de ces audiences ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Oui !

M. Christophe Chaillou. Nous sommes tous d’accord : les parents devraient être présents à ces audiences. Mais les difficultés d’application sur le terrain du dispositif existant expliquent que, fondamentalement, personne ne demande de telles mesures, comme le rapporteur l’a indiqué.

Peut-être que certains se font plaisir en votant de telles dispositions, mais nous ne participons pas à faire des lois efficaces, pourtant nécessaires dans ce domaine.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, la commission mixte paritaire est l’endroit parlementaire par excellence, puisque le Gouvernement n’y participe pas.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et c’est très bien !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Dans votre groupe, monsieur le sénateur, vous dites à la fois que c’est très bien et que cela ne l’est pas. J’imagine que vous êtes aussi traversés par des courants différents, à l’instar de la majorité et du parti Les Républicains…

Mme Laurence Harribey. Pas tout à fait !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. En outre, monsieur le sénateur, si vous ne souhaitez pas que la commission mixte paritaire se réunisse, il suffit de voter le texte à l’identique. (Sourires.)

Monsieur le sénateur, je veux bien que vous pointiez des problèmes de forme, mais en général, lorsque l’on rencontre des problèmes de forme, il y a aussi des problèmes de fond.

Je suis en l’occurrence totalement en désaccord avec vous, monsieur le sénateur : bien sûr, une amende peut contribuer à responsabiliser les personnes.

Chacun le sait, j’ai été maire d’une commune, comme beaucoup d’entre vous. Pour prendre un exemple qui n’a rien à voir avec un tribunal, mais qui a trait aux enfants, j’ai dû régler lors de mon entrée en fonction, entre 2014 et 2016, le problème tout à fait agaçant de l’ouverture généralisée des bornes à incendie dans de nombreux quartiers. Nous avions beau raccompagner les mineurs à leur domicile, analyser les images des caméras de surveillance pour entreprendre des poursuites pénales, demander aux éducateurs d’agir et ouvrir les centres sociaux, rien n’y faisait.

La seule chose qui a fonctionné, monsieur le sénateur, c’est émettre des titres de recettes et facturer aux parents les litres d’eau indûment déversés, comme j’ai décidé de le faire. L’été suivant, plus aucune bouche d’incendie n’a été ouverte ! En effet, nous avions directement envoyé quelques centaines voire quelques milliers d’euros de titres de recettes, qui s’apparentent à des amendes, aux parents dont on interpellait les enfants.

M. Christophe Chaillou. Ont-ils été réglés ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Bien sûr, monsieur le sénateur, puisqu’il s’agissait de titres de recettes. N’hésitez pas à venir à Tourcoing si vous voulez que l’on vous montre comment responsabiliser les parents !

Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas au niveau, monsieur le garde des sceaux !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je ne voterai pas ces amendements, pour les raisons exprimées par mon collègue.

Monsieur le garde des sceaux, vous dites que le Gouvernement ne participe pas aux commissions mixtes paritaires. Même si mon groupe ne participe presque jamais à de telles réunions, je n’ai pas eu l’impression, lors de la commission mixte paritaire sur l’examen de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, que le Gouvernement en était absent ! Je dirais même l’inverse, si je puis me permettre… (Sourires.)

M. Guy Benarroche. En revanche, pour la plupart des groupes, notamment ceux qui n’ont pas de représentants dans la commission mixte paritaire et ne peuvent participer aux négociations, les documents qui permettent de juger le texte issu des travaux de cette réunion sont souvent transmis deux minutes avant le vote de ses conclusions, alors qu’il s’agit de plusieurs dizaines de pages…

Je ne conçois pas comment des décisions peuvent être prises lors de telles réunions. Deux assemblées se réunissent successivement, après le travail sérieux des rapporteurs des commissions ; ainsi, il est possible de prendre des décisions !

Monsieur le garde des sceaux, tout à l’heure, malgré deux avis de sagesse sur l’amendement n° 56, vous avez déclaré qu’il ne fallait pas voter cette disposition, car il fallait attendre la CMP. Maintenant, vous dites l’inverse : il faudrait voter les deux amendements identiques nos 2 rectifié bis et 9 rectifié bis, puis attendre de voir comment la CMP améliorera les dispositifs Ce n’est pas très sérieux !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Ne votez pas le texte, alors !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié bis et 9 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 2 est ainsi rédigé, et l’amendement n° 44 rectifié quater n’a plus d’objet.

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale
Article 4

Article 3

I. – L’article 1242 du code civil est ainsi modifié :

A. – Le quatrième alinéa est ainsi modifié :

1° Au début, les mots : « Le père et la mère » sont remplacés par les mots : « Les parents » ;

2° Après le mot : « sont », sont insérés les mots : « , de plein droit, » ;

3° À la fin, les mots : « habitant avec eux » sont remplacés par les mots : « , sauf lorsque ceux-ci ont été confiés à un tiers par une décision administrative ou judiciaire » ;

B (nouveau). – À l’avant-dernier alinéa, les mots : « père et mère » sont remplacés par le mot : « parents ».

II (nouveau). – Le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code des assurances est ainsi modifié :

1° L’article L. 121-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, lorsque l’assureur a indemnisé un dommage sur le fondement du quatrième alinéa du même article 1242 et que le parent du mineur ayant causé ce dommage a été définitivement condamné sur le fondement de l’article 227-17 du code pénal pour des faits en lien avec la commission du dommage, l’assureur peut exiger de ce parent le versement d’une participation à l’indemnisation du dommage ne pouvant excéder 7 500 euros. » ;

2° Au début du premier alinéa de l’article L. 121-12, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice du second alinéa de l’article L. 121-2, ».

Mme la présidente. L’amendement n° 57, présenté par Mme Ramia, M. Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

ou nonobstant l’absence de décision procédant à la délégation de l’autorité parentale sur le fondement de l’article 377 du code civil, la personne qui en a reçu la garde continue à des fins d’éducation et d’entretien

La parole est à Mme Salama Ramia.

Mme Salama Ramia. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Il est défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 57.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 46 rectifié, présenté par Mmes Vérien, O. Richard et Guidez, MM. Delahaye et Mizzon, Mmes Florennes, de La Provôté, Billon, Herzog et Jacquemet, M. Lafon, Mmes Romagny, Housseau et Sollogoub, M. Delcros, Mme Devésa et M. Duffourg, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer les mots :

de ce parent

par les mots :

des parents

La parole est à Mme Dominique Vérien.

Mme Dominique Vérien. La commission des lois a ouvert à l’assureur la possibilité de demander aux parents d’un mineur ayant causé des dommages de participer à l’indemnisation financière de ce dommage.

Le présent amendement vise à préciser que les deux parents du mineur devront participer à l’indemnisation du dommage.

Notre proposition est peut-être complexe au regard du droit des contrats, mais, objectivement, dans une famille monoparentale, c’est bien sûr la mère, ayant pris l’assurance responsabilité civile, qui sera appelée. Le problème, c’est que le père et la mère doivent tous deux participer pour rembourser la franchise.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. La jurisprudence établit clairement que, même lorsque les parents sont séparés, ils sont solidaires. J’avoue donc ne pas comprendre la raison de cet amendement, qui tendrait à alourdir les démarches sans rien changer à la réalité.

La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. Madame Vérien, l’amendement n° 46 rectifié est-il maintenu ?

Mme Dominique Vérien. Une telle modification est facilement réalisable, et je ne vois pas en quoi elle alourdirait les démarches.

Je maintiens donc mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 46 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 45 rectifié quinquies, présenté par Mme Aeschlimann, M. Panunzi, Mmes Muller-Bronn et Lavarde, M. Naturel, Mme Belrhiti, MM. H. Leroy, Burgoa, Laugier et Bacci, Mmes Gosselin, Lassarade, Canayer, Evren et Dumont, MM. Paccaud, Perrin et Rietmann, Mme Jacques, M. Sido, Mme Micouleau, M. Lefèvre, Mmes Guidez et Garnier, MM. Bruyen et C. Vial, Mmes Josende, Puissat, Romagny, P. Martin et Gruny, M. Saury, Mme Bellurot, MM. P. Vidal, Rojouan, Somon et Delia, Mme Perrot, M. Meignen, Mmes Pluchet et Estrosi Sassone et M. Dumoulin, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Toute clause des contrats d’assurance excluant systématiquement l’application du deuxième alinéa du présent article est réputée non écrite. » ;

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Afin d’impliquer davantage les parents dans la réparation d’un dommage causé par leur enfant mineur, et sans pour autant sanctionner indirectement les victimes de ce dommage, la commission des lois a amendé l’article 3 du présent texte, à juste titre, afin de permettre à l’assureur de demander aux parents de participer, dans certains cas, à l’indemnisation financière du dommage, à hauteur d’un montant maximal de 7 500 euros.

Le dispositif, tel qu’il a été amendé par la commission, n’offre qu’une faculté aux assureurs, qui pourraient ainsi juger de la pertinence de faire valoir ou non l’existence de ce reste à charge, notamment pour tenir compte de la solvabilité des parents.

Sans tendre à revenir sur ce principe, le présent amendement vise à éviter que la participation des parents à l’indemnisation d’un dommage causé à l’occasion de la commission d’une infraction pénale par leur enfant mineur ne soit utilisée comme argument commercial, dans un contexte concurrentiel.

Ainsi, de façon très concrète, toute clause contractuelle par laquelle un assureur s’engagerait, par principe et sans évaluation au cas par cas, à ne pas réclamer auprès des parents le reste à charge que la loi lui permet de solliciter serait réputée non écrite.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 45 rectifié quinquies.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale
Après l’article 4 (début)

Article 4

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 48 rectifié sexies, présenté par Mmes Carrère-Gée et Belrhiti, MM. Bruyen, Burgoa et Daubresse, Mmes Dumont, Evren et Garnier, M. Karoutchi, Mmes Lassarade et Lavarde, MM. Lefèvre et H. Leroy, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Naturel, Reynaud et Anglars, Mmes Gruny, Imbert et P. Martin, M. Panunzi, Mme Puissat, MM. Sol et Saury, Mme Lopez, MM. Rojouan, P. Vidal, Somon et Delia, Mmes Bellurot et Ciuntu, MM. Husson et Paccaud, Mmes Valente Le Hir et Josende, MM. Meignen et Rapin, Mme Berthet, MM. Brisson et Sido et Mme Aeschlimann, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 423-5, il est inséré un article L. 423-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 423-5-1. – En cas de saisine du tribunal pour enfants par procès-verbal lors d’un défèrement, le mineur peut faire l’objet d’une procédure de comparution immédiate dans les conditions prévues par le présent article, dès lors qu’il :

« 1° A déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an. Ce rapport est versé au dossier de la procédure par le procureur de la République ; s’il n’a pas déjà été déposé, ce magistrat peut le requérir à l’occasion du défèrement ;

« 2° Encourt une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement, pour le mineur de moins de seize ans, ou supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement, pour le mineur d’au moins seize ans.

« Lorsque les conditions prévues aux 1° et 2° sont réunies, le procureur de la République peut demander au mineur, en présence de son avocat, s’il consent à renoncer au délai de dix jours avant la comparution, sauf si ses représentants légaux, dûment convoqués, font connaître leur opposition. S’il y consent et en l’absence d’opposition des représentants légaux, le mineur est convoqué, aux fins de jugement en audience unique selon la procédure prévue par les articles L. 521-26 et L. 521-27, le jour même ou, à défaut, à la première audience utile du tribunal pour enfants qui doit intervenir dans un délai de cinq jours ouvrables.

« À peine de nullité, les formalités mentionnées au quatrième alinéa du présent article font l’objet d’un procès-verbal dont copie est remise au mineur et qui saisit le tribunal pour enfants.

« Si l’audience unique ne peut pas se tenir le jour même, et aussitôt après avoir procédé aux formalités précitées, le procureur de la République fait comparaître le mineur devant le juge des enfants ou le juge des libertés et de la détention, dans les conditions prévues à l’article L. 423-9, afin qu’il soit statué sur ses réquisitions tendant soit au placement sous contrôle judiciaire, soit au placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique, soit au placement en détention provisoire du mineur jusqu’à l’audience.

« Les représentants légaux du mineur sont avisés de la décision du juge des enfants ou du juge des libertés et de la détention par tout moyen. »

2° La section 3 du chapitre Ier du titre II du livre V est complétée par un article L. 521-… ainsi rédigé :

« Art. L. 521-… – Lorsque le tribunal pour enfants est saisi aux fins de jugement selon la procédure de comparution rapide mentionnée à l’article L. 423-5-1 et que soit le mineur ne consent pas à être jugé sur le champ, soit ses représentants légaux s’y opposent, ou lorsque le tribunal constate que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le tribunal pour enfants, après avoir recueilli les observations du mineur et de son avocat ainsi que de ses représentants légaux, renvoie à une audience qui doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours, ni supérieur à un mois.

« Dans ce cas, le tribunal peut soumettre, jusqu’à la tenue de l’audience, le mineur à l’une des mesures de sûreté prévues par le titre III du livre III du présent code. »

La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. En première lecture, l’Assemblée nationale a adopté un texte sans doute imparfait, dont le rapporteur a souligné les limites, mais il nous faut tout de même instituer une procédure de comparution immédiate pour les mineurs.

L’amendement s’appuie sur un constat simple : les délais entre l’infraction et le jugement sont trop longs, ils affaiblissent la portée pédagogique et dissuasive de la sanction. Cela compromet l’autorité de la justice et empêche de répondre à l’attente légitime des victimes.

La possibilité de prévoir la comparution immédiate du mineur renforcera l’efficacité de la justice pénale ; la réponse judiciaire sera plus lisible et rapide, et adaptée à la gravité des faits comme à la personnalité du mineur.

La comparution immédiate, que nous proposons au travers de cet amendement, sera possible pour tous les mineurs qui sont déjà connus de la justice et qui encourent une peine d’emprisonnement, de plus de trois ans pour les plus de 16 ans et de plus de cinq ans pour les moins de 16 ans.

Le mineur sera jugé le jour même ou, au plus tard, dans les cinq jours ouvrables. Il n’y aura pas de justice pénale à la carte : si le mineur ou ses parents s’opposent à la comparution immédiate, ce qui est leur droit, l’intéressé pourra être envoyé en détention provisoire ou soumis à une mesure de sûreté, et il sera jugé dans des délais les plus brefs.

Cette procédure représentera un progrès considérable par rapport au délai de jugement de l’audience unique. Au travers de cet amendement, nous préservons évidemment les seuils distincts de peine, et nous ne remettons pas en cause la spécificité du droit pénal des mineurs.

Mme la présidente. L’amendement n° 52, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l’article L. 521-27 du code de la justice pénale des mineurs, il est inséré un article L. 521-28 ainsi rédigé :

« Art. L. 521-28. – Lors de la présentation prévue au 2° de l’article L. 423-7, lorsque le procureur de la République saisit le tribunal pour enfant aux fins de jugement en audience unique dans les conditions prévues au 1° et au a du 2° de l’article L. 423-4, il peut, s’il estime que les éléments de l’espèce justifient une audience unique en comparution immédiate, demander au mineur, en présence de son avocat, s’il consent expressément à renoncer au délai de dix jours avant sa comparution devant le tribunal pour enfants.

« Si le mineur renonce au délai de dix jours, il est traduit sur-le-champ devant le tribunal pour enfants afin d’y être jugé. Le tribunal pour enfants entend, le cas échéant, les représentants légaux dûment convoqués.

« Si le mineur renonce au délai mais que la réunion du tribunal pour enfants est impossible le jour même, le procureur de la République peut, si les éléments de l’espèce lui paraissent exiger une mesure de détention provisoire, faire comparaître le mineur devant le juge des libertés et de la détention en application du 2° de l’article L. 423-9 pour qu’il soit statué sur son placement en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant le tribunal pour enfants qui doit intervenir au plus tard le cinquième jour ouvrable suivant.

« Si le mineur ne consent pas à renoncer au délai de dix jours, le procureur de la République peut, dans les mêmes conditions qu’à l’alinéa précédent, faire comparaître le mineur devant le juge des libertés et de la détention pour qu’il soit statué sur son placement en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant le tribunal pour enfants pour y être jugé à une audience fixée dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à un mois. »

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Au travers de cet amendement, nous souhaitons rétablir une disposition forte, à dimension potentiellement polémique, proposée par le président du groupe Ensemble pour la République de l’Assemblée nationale, mais dans une rédaction légèrement différente de la sienne. Il s’agit d’introduire une procédure d’audience unique en comparution immédiate, avec une possibilité pour le mineur de renoncer au délai de dix jours évoqué précédemment par le rapporteur.

À la différence de Mme Carrère-Gée, nous prévoyons que seuls les mineurs de plus de 16 ans soient concernés par cette mesure, conformément d’ailleurs à l’article initialement proposé par Gabriel Attal.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 3 rectifié est présenté par Mme Vérien, MM. J.M. Arnaud et Bitz, Mme Florennes, MM. Marseille et Parigi, Mmes Patru, Tetuanui et Guidez, MM. Delahaye et Mizzon, Mmes de La Provôté, Billon, Herzog et Jacquemet, M. Lafon, Mmes Romagny, Housseau et Sollogoub, MM. Delcros et Duffourg et Mme Devésa.

L’amendement n° 10 rectifié est présenté par Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud et Théophile.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

(Supprimé)

1° bis (nouveau) L’article L. 423-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lors de la présentation prévue au 2° du présent article, lorsque le procureur de la République saisit le tribunal pour enfants aux fins de jugement en audience unique dans les conditions prévues au 1° et au a du 2° de l’article L. 423-4 et qu’il fait comparaître le mineur devant le juge des libertés et de la détention en application du 2° de l’article L. 423-9 pour qu’il soit statué sur son placement en détention provisoire, il peut demander au mineur, en présence de son avocat, s’il consent expressément à renoncer au délai de dix jours avant la comparution devant le tribunal pour enfants. Le tribunal pour enfants entend, le cas échéant, les représentants légaux dûment convoqués. Si ces conditions sont réunies, le mineur peut être convoqué, selon la procédure d’audience unique en comparution immédiate, le jour même ou, à défaut, à la première audience utile du tribunal pour enfants. » ;

1° ter (nouveau) Le 1° de l’article L. 423-8 est complété par les mots : « , sauf dans le cas de l’audience unique en comparution immédiate prévue au dernier alinéa de l’article L. 423-7 » ;

(Supprimé)

La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.

Mme Dominique Vérien. Je retire cet amendement de rétablissement de l’article 4 au profit de l’amendement de Mme Carrère-Gée, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Salama Ramia, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié.

Mme Salama Ramia. Cet amendement vise à rétablir l’article 4 dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Il s’agit d’instaurer une nouvelle procédure de comparution immédiate à audience unique, afin de garantir une réponse pénale plus rapide et mieux adaptée.

Ce dispositif, strictement encadré, ne concernera que les mineurs de plus de 16 ans déjà condamnés pour des infractions graves passibles de plus de sept ans de prison et en état de récidive légale. Il s’agirait donc d’une procédure exceptionnelle, réservée aux situations où le trouble à l’ordre public exige une réaction immédiate.

Les mineurs pourront alors être déférés le jour même, ce qui garantira une justice plus efficace et plus lisible pour nos concitoyens. Parce qu’une sanction juste est une sanction qui intervient sans délai, nous faisons le choix d’une justice à la fois rapide et rigoureuse.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Ma chère collègue, votre amendement n° 10 rectifié visant à rétablir le texte initial de l’article, dont vous venez de décrire le dispositif, est inapplicable : il faudrait que le mineur soit en situation de récidive.

Or cette notion implique d’avoir épuisé toutes les voies de recours pour un délit ayant entraîné une condamnation à plus de sept ans d’emprisonnement. En pratique, il aura donc atteint la majorité quand il s’agira de le juger : cela me paraît totalement impossible !

M. Francis Szpiner, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 48 rectifié sexies de Mme Carrère-Gée, j’appelle l’attention du Sénat sur le fait qu’une disposition instaurant une procédure de comparution immédiate pour des gamins de 13 ans ne passera jamais le cap du Conseil constitutionnel ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe SER.)

Vous rendez-vous compte, mes chers collègues, de ce que vous apprêtez à voter ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Vous allez permettre le jugement en comparution immédiate de gamins de 13 ans, dans des délais rapides, comme on juge un majeur, sans proposer de mesures éducatives !

Actuellement, si des mineurs commettent des faits extrêmement graves de nature criminelle, ils relèvent déjà du juge d’instruction.

M. Francis Szpiner, rapporteur. S’il ne s’agit pas d’actes de nature criminelle, les faits visés dans l’amendement englobent tout le code pénal, puisque ce sont ceux qui sont passibles d’une peine, selon les cas, de trois ou cinq ans. Cela signifie donc que vous voulez purement et simplement supprimer la justice des mineurs !

C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement. J’y insiste, mes chers collègues, vous devrez endosser la responsabilité de votre vote ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Et quand le Conseil constitutionnel vous renverra à vos chères études, nous verrons bien ce qu’il en est…

J’en viens à l’amendement n° 52 du Gouvernement. Pour commencer, je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, d’être défavorable à l’amendement de Mme Carrère-Gée, qui vise à envoyer des gamins de 13 ans en comparution immédiate. (M. le garde des sceaux sourit.)

Néanmoins, sauf erreur de ma part, il me semble que vous n’avez pas introduit de limite d’âge dans votre dispositif, puisque vous parlez de « mineurs » sans autre précision ; mais il se peut que j’aie lu trop vite, c’est pourquoi je me tourne vers vous m’en assurer.

En tout état de cause, je le répète, si l’on veut juger un mineur rapidement, il est déjà possible de le faire. J’ai précédemment cité l’exemple de ce qui vient de se passer à Orléans : l’auteur de l’agression du rabbin dort déjà en prison, il sera jugé dans trois semaines, sans qu’il y ait eu besoin d’une procédure de comparution immédiate.

Par ailleurs, je le répète, s’il s’agit de faits criminels, on peut déjà, aujourd’hui, renvoyer le mineur devant un juge d’instruction, lequel a à sa disposition tous les moyens pour prononcer la détention et le contrôle judiciaire.

Bref, une telle mesure n’améliorera rien et ne permettra pas une justice plus rapide. Vous confondez, mes chers collègues, justice et justice expéditive. Ce n’est pas ma conception ! (Marques dassentiment sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, le Gouvernement entend ne viser, au travers de son amendement, que les mineurs de plus de 16 ans ; des articles spécifiques du code de la justice pénale des mineurs sont bien visés.

Il est vrai que nous ne l’avons pas expressément indiqué après chaque occurrence du mot « mineur », mais ce point peut être précisé en commission mixte paritaire. Je peux aussi rectifier mon amendement en séance dans ce sens. En tout état de cause, je vous le confirme, nous ne souhaitons viser que les mineurs de plus de 16 ans.

J’entends aussi votre interrogation sur l’amendement n° 10 rectifié de Mme Ramia, et donc sur la rédaction initiale de l’article dans la proposition de loi de M. Attal. Étaient en effet visées des situations assez exceptionnelles, dans lesquelles il y avait non pas réitération, mais récidive, c’est-à-dire des délits ayant donné lieu à une condamnation définitive.

Toutefois, monsieur le rapporteur, vous êtes trop fin juriste pour ignorer que tout le monde n’interjette pas appel ni ne se pourvoit en cassation.

M. Francis Szpiner, rapporteur. Avec une loi pareille, les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation s’en donneront à cœur joie ! (Sourires.)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Sans doute, cher maître… (Nouveaux sourires.)

Toutefois, il est des cas dans lesquels un jeune est condamné pour un fait délictuel à l’âge de 16 ans et est déjà libéré définitivement à 17 ans ou 17 ans et demi, surtout si le code de la justice pénale des mineurs est bien appliqué – avec un jugement intervenant dans les neuf mois, comme c’est le cas actuellement, et demain dans les six mois.

Ces cas sont peu nombreux – je vous le concède volontiers –, ce qui renforce l’argumentation en faveur de notre amendement. La mesure ne concernera finalement que peu de personnes, et ne conduit donc pas à une généralisation de la comparution immédiate des mineurs. J’aurais aimé profiter de tels moyens lors des émeutes urbaines de 2023, lorsque j’étais ministre de l’intérieur et Éric Dupond-Moretti garde des sceaux.

À l’époque, dans un contexte d’hyperviolences, j’avais donné des instructions pour procéder à des interpellations systématiques. Nous avions constaté que l’âge moyen des individus interpellés s’élevait à 16 ans ou 17 ans, qu’ils étaient souvent réitérants et parfois récidivistes. Nous aurions alors aimé pouvoir apporter une réponse plus rapide. Cela nous aurait permis : soit de ne pas avoir à relâcher des gamins en proie à cette hyperviolence, représentant un danger pour eux-mêmes et pour la société, et d’éviter l’effet mimétique ; soit de les faire dormir en prison. Car comparution immédiate ne signifie pas forcément incarcération. Ce genre de mesures peut donc être protecteur.

Le dispositif tel qu’il est actuellement rédigé est-il parfait ? La réponse est non. Pour les raisons que vous avez évoquées, monsieur le rapporteur, il ne révolutionnera pas la justice des mineurs, mais il constituera un point d’appui intéressant. C’est pourquoi je propose de rétablir l’article 4 de la proposition de loi, dans une meilleure rédaction.

En ce qui concerne l’amendement de Mme Carrère-Gée, je partage une grande partie des propos de M. le rapporteur : il ne me paraît ni constitutionnel – c’est même certain ou presque – ni même raisonnable de prévoir qu’un individu de 13 ans passe en comparution immédiate pour les délits visés, lesquels sont très nombreux.

J’appelle votre attention sur un point, mesdames, messieurs les sénateurs : vous proposez de passer de rien – avant 13 ans, il n’y a pas de responsabilité pénale – à la comparution immédiate dès cet âge.

M. Marc-Philippe Daubresse. À 13 ans, on est responsable !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Certes, mais la question n’est pas là, monsieur le sénateur : il s’agit non pas de dire qu’à 13 ans on n’est pas du tout responsable, mais de savoir si l’on permet une comparution immédiate dès cet âge. Le Sénat tranchera dans le sens qu’il entend…

En tout état de cause, je ne peux pas émettre un avis favorable sur l’amendement n° 48 rectifié sexies, en tout cas dans sa rédaction actuelle.

Aussi, madame Carrère-Gée, et madame Vérien, puisque vous avez retiré votre amendement au profit de celui de votre collègue, discutons soit de la borne d’âge, ne serait-ce que pour rendre cette disposition constitutionnelle – sans cela, l’ensemble de la comparution immédiate pour les mineurs, c’est-à-dire l’ensemble de l’article 4, tombera –,…

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. J’entends dire « tant mieux » derrière moi… (Sourires.)

Mme Laurence Harribey. Nous allons voter l’amendement de Marie-Claire Carrère-Gée ! (Nouveaux sourires.)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Discutons donc soit de la borne d’âge, disais-je, soit de la question de la récidive, pour retenir plutôt la notion de réitération ; cela posera aussi des questions de constitutionnalité, mais différentes.

Je propose donc, pour éviter de renvoyer cette question à la commission mixte paritaire, que Mme Carrère-Gée rectifie son amendement en ce sens. Si elle refuse la borne de 16 ans, peut-être pourrait-elle envisager 15 ans, mais, honnêtement, proposer une comparution immédiate pour des jeunes de 13 ou 14 ans me paraît déraisonnable.

Je le répète, aujourd’hui, il n’existe rien d’autre que le dispositif décrit par M. le rapporteur en matière criminelle, lequel est d’ailleurs important ; donc ne passons pas de zéro au maximum…

M. Olivier Paccaud. Mais ne restons pas à zéro !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. C’est bien ce que je propose, monsieur le sénateur Paccaud.

Je récapitule : soit vous adoptez l’amendement du Gouvernement ; soit Mme Carrère-Gée accepte de rectifier son amendement afin de modifier la borne d’âge, le quantum de peine encourue ou la condition de récidive, afin que ce ne soit pas applicable à des gamins de 13 ans, auquel cas j’accepterai de retirer mon amendement et d’émettre un avis de sagesse. Si ce n’est pas le cas, je maintiendrai mon amendement et le Sénat délibérera souverainement.

Quant à l’amendement n° 10 rectifié de Mme Ramia, il est pris entre celui du Gouvernement, dont la rédaction emporte ma préférence, et celui de Mme Carrère-Gée, si celle-ci accepte de le rectifier. Donc retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. D’abord, monsieur Darmanin, la disposition que vous proposez s’appliquera à tous les mineurs.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Non.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Si, je peux vous l’affirmer, monsieur Darmanin, elle permet la comparution immédiate de mineurs de plus de 13 ans.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Mais non !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. En outre, vous parlez des mineurs âgés de 13 ans, comme si nous proposions de les faire tous passer en comparution immédiate, mais nous ne visons que les mineurs de plus de 13 ans déjà connus de la justice et qui ont commis des faits passibles de cinq ans d’emprisonnement, comme le vol avec violence. Ce sont donc des mineurs qui ont déjà vu un juge et qui ont commis des faits graves.

Cela étant, je suis favorable – je vous l’ai dit cet après-midi –, à l’élaboration d’une rédaction commune, mais ayons simplement conscience que votre amendement est identique au nôtre, même s’il est rédigé différemment. Si cela est possible, progressons ensemble.

Mme la présidente. Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il est minuit. Je propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit et demi.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je souhaite simplement indiquer à Mme la ministre Carrère-Gée que la référence, au sein de mon amendement, aux articles L. 423-7 et L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs renvoie à l’audience unique, laquelle ne s’applique qu’aux plus de 16 ans.

Ne faites donc pas dire à mon amendement ce qu’il ne dit pas, madame la sénatrice. Je le répète, mon amendement ne s’applique pas aux moins de 16 ans : aussi n’est-il pas identique au vôtre.

Mme Frédérique Puissat. Je demande une suspension de séance, madame la présidente !

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à minuit, est reprise le mercredi 26 mars 2025, à zéro heure dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la présidente, je souhaite rectifier mon amendement n° 48 rectifié sexies dans le sens proposé, afin de favoriser l’adoption la plus large possible de la disposition.

Je remplace donc la borne de 13 ans par celle de 15 ans.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 48 rectifié septies, présenté par Mmes Carrère-Gée et Belrhiti, MM. Bruyen, Burgoa et Daubresse, Mmes Dumont, Evren et Garnier, M. Karoutchi, Mmes Lassarade et Lavarde, MM. Lefèvre et H. Leroy, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Naturel, Reynaud et Anglars, Mmes Gruny, Imbert et P. Martin, M. Panunzi, Mme Puissat, MM. Sol et Saury, Mme Lopez, MM. Rojouan, P. Vidal, Somon et Delia, Mmes Bellurot et Ciuntu, MM. Husson et Paccaud, Mmes Valente Le Hir et Josende, MM. Meignen et Rapin, Mme Berthet, MM. Brisson et Sido et Mme Aeschlimann, et ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 423-5, il est inséré un article L. 423-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 423-5-1. – En cas de saisine du tribunal pour enfants par procès-verbal lors d’un défèrement, le mineur âgé d’au moins quinze ans peut faire l’objet d’une procédure d’audience unique en comparution immédiate dans les conditions prévues par le présent article, dès lors qu’il :

« 1° A déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an. Ce rapport est versé au dossier de la procédure par le procureur de la République ; s’il n’a pas déjà été déposé, ce magistrat peut le requérir à l’occasion du défèrement ;

« 2° Encourt une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement, pour le mineur âgé de quinze à seize ans, ou supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement, pour le mineur d’au moins seize ans.

« Lorsque les conditions prévues aux 1° et 2° sont réunies, le procureur de la République peut demander au mineur, en présence de son avocat, s’il consent à renoncer au délai de dix jours avant la comparution, sauf si ses représentants légaux, dûment convoqués, font connaître leur opposition. S’il y consent et en l’absence d’opposition des représentants légaux, le mineur est convoqué, aux fins de jugement en audience unique selon la procédure prévue par les articles L. 521-26 et L. 521-27, le jour même ou, à défaut, à la première audience utile du tribunal pour enfants qui doit intervenir dans un délai de cinq jours ouvrables.

« À peine de nullité, les formalités mentionnées au quatrième alinéa du présent article font l’objet d’un procès-verbal dont copie est remise au mineur et qui saisit le tribunal pour enfants.

« Si l’audience unique ne peut pas se tenir le jour même, et aussitôt après avoir procédé aux formalités précitées, le procureur de la République fait comparaître le mineur devant le juge des enfants ou le juge des libertés et de la détention, dans les conditions prévues à l’article L. 423-9, afin qu’il soit statué sur ses réquisitions tendant soit au placement sous contrôle judiciaire, soit au placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique, soit au placement en détention provisoire du mineur jusqu’à l’audience.

« Les représentants légaux du mineur sont avisés de la décision du juge des enfants ou du juge des libertés et de la détention par tout moyen. »

2° La section 3 du chapitre Ier du titre II du livre V est complétée par un article L. 521-… ainsi rédigé :

« Art. L. 521-… – Lorsque le tribunal pour enfants est saisi aux fins de jugement selon la procédure de comparution rapide mentionnée à l’article L. 423-5-1 et que soit le mineur ne consent pas à être jugé sur le champ, soit ses représentants légaux s’y opposent, ou lorsque le tribunal constate que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le tribunal pour enfants, après avoir recueilli les observations du mineur et de son avocat ainsi que de ses représentants légaux, renvoie à une audience qui doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours, ni supérieur à un mois.

« Dans ce cas, le tribunal peut soumettre, jusqu’à la tenue de l’audience, le mineur à l’une des mesures de sûreté prévues par le titre III du livre III du présent code. »

Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. C’est votre dernier mot, ma chère collègue ? (Sourires.)

Pour ma part, je reste défavorable à une telle mesure, mais je me réjouis que vous ayez choisi la borne de 15 ans plutôt que 16 ans, car, dans ces conditions, je suis certain que le Conseil constitutionnel rejettera cette disposition ; à 16 ans, cela pouvait se discuter…

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je retire mon amendement n° 52 et j’émets un avis de sagesse sur l’amendement n° 48 rectifié septies.

Mme la présidente. L’amendement n° 52 est retiré.

La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Ce débat porte sur l’accélération de la réponse pénale pour les mineurs, que vous appelez de vos vœux, madame Carrère-Gée, et qui est l’objet de votre amendement.

Là où certains de nos collègues voient de la fermeté, nous ne voyons qu’un renoncement aux principes à valeur constitutionnelle qui structurent la justice pénale des mineurs : des sanctions adaptées, des magistrats spécialisés, des procédures particulières. Bref, on veut aller plus loin, « plus vite, plus haut, plus fort »…

Le code de la justice pénale des mineurs a été adopté voilà quelques années à peine, principalement pour accélérer le jugement des mineurs, et il prévoyait déjà une procédure de jugement en audience unique. Quelle est donc la plus-value d’une telle disposition aujourd’hui ? Sur quels constats se fonde-t-on pour la proposer ? Quelle a été l’évaluation des dispositions de ce code ?

Surtout, que fait-on du principe de la primauté de l’éducatif, qui implique la connaissance de la personnalité et de la situation familiale du mineur ?

Tout cela nous semble incompatible et cette mesure n’apporte aucune plus-value. Nous voterons donc évidemment contre l’amendement n° 48 rectifié septies.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Je me suis demandé, en lisant l’exposé des motifs de l’amendement n° 48 rectifié septies, dans quelles hypothèses cette procédure de comparution immédiate pourrait être utilisée. On nous parle des vols avec violence ou encore des émeutes urbaines, mais, vous me le concéderez, mes chers collègues, nous n’en avons tout de même pas tous les trois mois – et heureusement !

En revanche, il y a une forme d’infraction pénale très courante chez les mineurs et qui nous préoccupe beaucoup : les infractions à caractère sexuel. Or, en la matière, même si je n’ai aucun conseil à donner à quiconque, peut-être serait-il opportun de faire preuve de cohérence entre nos différents travaux, par exemple entre les rapports de nos missions d’information et le texte que nous examinons aujourd’hui.

Lorsqu’un mineur commet une infraction sexuelle, il encourt une peine d’au moins trois ans. Par conséquent, il peut entrer dans le cadre de la comparution immédiate, surtout s’il réitère, auquel cas il suffit qu’il ait fait l’objet d’une déclaration de culpabilité. Comme en liberté, il peut commettre, en centre éducatif fermé, une telle infraction sur un autre mineur.

Or un mineur auteur de violences sexuelles est très probablement un mineur précédemment victime de violences sexuelles. Il est donc utile que se tiennent une audience de culpabilité, d’abord, et une audience de sanction, ensuite : l’intervalle permet de travailler à faire sortir ce que cet enfant a subi en tant que victime de façon à ce qu’il prenne conscience de ce qu’il a fait en tant qu’auteur.

Nous savons que, pour éviter la récidive, il faut d’abord que l’auteur d’une infraction ait conscience de ses actes : quand il a été victime, il faut donc qu’il le réalise. Avec la comparution immédiate de ces mineurs, mes chers collègues, vous êtes en train de créer une machine à récidiver en matière de violences sexuelles.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, la délinquance des mineurs ne se réduit pas à mettre le feu à une bibliothèque !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour explication de vote.

M. Marc-Philippe Daubresse. Je soutiens la position de Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Nous sommes plusieurs à avoir cosigné son amendement après avoir été interpellés par le raisonnement de la commission : la première rédaction de la proposition de loi Attal était inapplicable car elle posait d’importants problèmes constitutionnels, comme l’a souligné, à raison, M. le rapporteur.

Nous le disions encore ce matin, Mme Josende apportera partiellement des réponses au travers de son amendement n° 36 rectifié quater sur l’audience unique, car l’enjeu est double.

En premier lieu, il faut être plus efficace, et plus rapidement.

En second lieu, l’expression « comparution immédiate » constitue une alerte : c’est un symbole important, qui peut faire changer un certain nombre de comportements. Telle est l’intention qui sous-tend notre amendement. Nous avons entendu beaucoup de choses sur les émeutes qui ont eu lieu il y a quelques mois : avec des comparutions immédiates, nous aurions pu changer la donne.

Nous souhaitons l’adoption de l’amendement n° 48 rectifié septies, et nous réjouissons de la position du garde des sceaux. Comme il l’a dit, nous discuterons de l’âge permettant une comparution immédiate lors de la commission mixte paritaire : 15 ans, 16 ans ? En tout cas, il est important que nous votions ce soir des dispositions aussi fondamentales que celles qui sont contenues dans cet amendement ou que le renversement du principe d’atténuation des peines.

Mme Laurence Rossignol. Les atténuations de peine, cela n’existe pas !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Les explications techniques sur l’utilité ou l’inutilité de cette mesure par rapport au droit existant ont été très bien développées par le rapporteur. Une comparution immédiate pourrait-elle dissuader un certain nombre de personnes de commettre de tels actes ? Ni étude d’impact, ni avis du Conseil d’État, ni le moindre chiffre ne permettent de l’affirmer. Aucun élément tangible n’autorise à le penser, en réalité !

Nous parvenons donc à une unique conclusion. Comme MM. le garde des sceaux et le rapporteur l’indiquaient, un seuil de 15 ans pour la comparution immédiate représente, par rapport à 16 ans, un risque supplémentaire d’inconstitutionnalité. Mes chers collègues sénateurs des Républicains, est-ce l’objectif que vous visez ? Autrement dit, vous voudriez adopter sciemment, comme vous l’avez déjà fait pour d’autres textes, une loi inconstitutionnelle, qui plus est inutile, n’apportant aucune plus-value, non évaluée et d’application complexe. Le juge constitutionnel censurera tout ou partie de cet article et de la proposition de loi. Elle vous permettra de hurler au prétendu gouvernement des juges !

Adopter au Parlement, alors que le législateur est censé ne pas agir ainsi, un certain nombre de mesures dont vous doutez très fortement de l’inconstitutionnalité, contre l’avis d’un rapporteur provenant de votre propre parti et avec les réserves émises par un ministre – je sais M. le garde des sceaux suffisamment fin pour « émettre des réserves », au lieu de s’exprimer de manière plus directe, et renvoyer à la commission mixte paritaire, car nous avons voté des textes de cette manière – est une façon de mettre directement en cause le Conseil constitutionnel,…

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Guy Benarroche. … et donc de mettre, une fois encore, le pied à l’étrier à Marine Le Pen et à l’extrême droite pour leur permettre d’accéder au pouvoir. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. « Depuis quelques années, les crimes de sang ont augmenté dans d’invraisemblables proportions. […] – presque tous [sont le fait de] jeunes gens de quinze à vingt ans – qui terrorisent la capitale. Et, en face de cette armée encouragée au mal par la faiblesse des lois répressives et l’indulgence inouïe des tribunaux, que voyons-nous ? […]

« Maintes causes ont aidé au pullulement de cette redoutable [délinquance] : […] la suppression quasi radicale de l’apprentissage qui jette à la rue les gamins de 13 à 20 ans alors qu’ils devraient [travailler], […] l’insuffisance des moyens de répression qui semblent s’affaiblir au fur et à mesure que grandit l’audace des [délinquants] et surtout ce fâcheux esprit de sensiblerie humanitaire.

« J’ai montré […] avec quelle indulgence les parquets en usent vis-à-vis des rôdeurs. On les relâche aussitôt arrêtés ou bien on les condamne à des peines minimes alors que, le plus souvent, ils auraient mérité pour le moins les travaux forcés. On abuse et on mésuse des lois de pardon et de sursis, de la libération conditionnelle, de la réduction des peines. Et, quand on ne peut faire autrement que [de condamner] et d’envoyer les délinquants en prison, c’est dans des prisons confortables qu’on les loge, dans des prisons où ils trouvent bon gîte et bon repas, de l’air pur, des livres pour se distraire et si peu de travail à faire que ce n’est pas la peine d’en parler. »

Ce texte provient du Petit journal illustré du 20 octobre 1907. Nous entendons ce soir les mêmes fantasmes à l’égard de la jeunesse. Nous ne faisons pas la loi : nous votons un tract politique ! En effet, il a été démontré à plusieurs reprises que cette loi ne traduisait qu’une incompréhension totale du sujet et que l’arsenal législatif actuel était suffisant. J’y insiste, vous ajoutez un tract politique à de la propagande ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Laurence Rossignol. Très bien !

M. Antoine Lefèvre. Tout en nuances…

Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote.

M. Ian Brossat. J’alerte à mon tour sur notre manière de légiférer quelque peu désinvolte. Ce n’est pas la première fois que nous votons n’importe quoi en nous remettant à la commission mixte paritaire et en estimant que si cette dernière ne fait pas son travail le Conseil constitutionnel fera le sien. Cette étrange façon de faire ne fait pas honneur à notre assemblée.

Par ailleurs, permettez-moi de relever une contradiction. Étant sénateur depuis un peu plus d’un an, je me souviens que nous avons débattu, il y a quelques mois, d’une proposition de loi émanant du groupe Les Républicains sur les enfants qui veulent avoir recours aux bloqueurs de puberté – vous vous en souvenez certainement, mes chers collègues. Vous expliquiez alors que les mineurs ne savaient pas ce qu’ils faisaient et qu’il fallait faire confiance à leurs parents. Par conséquent, il s’agissait bien de considérer les mineurs comme des mineurs !

Mme Laurence Harribey. C’est vrai !

M. Ian Brossat. À présent que nous parlons de mineurs qui commettent des actes de délinquance, il faut brusquement les traiter comme des adultes. Cela me paraît contradictoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 48 rectifié septies.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 239 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 221
Contre 119

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 4 est rétabli dans cette rédaction et l’amendement n° 10 rectifié n’a plus d’objet.

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale
Après l’article 4 (interruption de la discussion)

Après l’article 4

Mme la présidente. L’amendement n° 36 rectifié quater, présenté par Mme Josende, MM. Naturel, Panunzi et Milon, Mme Lavarde, MM. Burgoa, Frassa et Belin, Mmes V. Boyer, Lopez, Gosselin, Estrosi Sassone, Aeschlimann, Muller-Bronn, Lassarade, Garnier, Dumont et Belrhiti, M. Sido, Mmes Gruny et Micouleau, MM. Lefèvre, C. Vial et Saury, Mmes P. Martin et Bellurot, MM. Rojouan, P. Vidal, Somon, Paccaud et Sol, Mmes Schalck, M. Mercier, Imbert et Valente Le Hir, MM. Delia, Sautarel, Le Rudulier et Daubresse, Mme Ciuntu, MM. Reynaud, Anglars, Husson, Rapin et Klinger et Mme Berthet, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au quatrième alinéa de l’article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois », et le mot : « trois » est remplacé par le mot : « un ».

La parole est à Mme Lauriane Josende.

Mme Lauriane Josende. Le principe de césure du procès pénal pour les mineurs a pour effet de retarder la survenue d’une sanction et peut, en tant que tel, créer chez les plus jeunes un sentiment d’impunité, comme nous l’avons évoqué lors de la discussion générale.

Actuellement, l’article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs permet de déroger à cette césure et de recourir à une audience unique. Le bilan statistique du code de la justice pénale des mineurs en 2023 indique que 89 % d’audiences uniques menées sur l’initiative du parquet ont donné lieu au prononcé d’une peine, contre 39 % pour les audiences de prononcé de la sanction en cas de césure. Toutefois, force est de constater que cette faculté est étroitement encadrée et peu utilisée par les parquets.

L’amendement vise à faciliter le recours à la procédure d’audience unique en abaissant le quantum de peine d’emprisonnement encourue à compter duquel un mineur peut être jugé sans césure sur l’initiative du parquet : trois ans pour les 13-16 ans et un an pour les mineurs de plus de 16 ans.

Mes chers collègues, en votant cet amendement, vous contribuerez grandement au renforcement de notre arsenal juridique en améliorant la qualité de notre réponse pénale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Sagesse.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.

Mme Laurence Harribey. Je ne comprends pas bien le raisonnement. Raccourcir la césure revient à bafouer le sens même du code de la justice pénale des mineurs, c’est-à-dire la distinction entre audience de culpabilité et audience de sanction.

Il me semble que Gabriel Attal a utilisé la formule : « Tu casses, tu répares. » Réparer équivaut non pas à être sanctionné immédiatement, mais à s’inscrire dans un processus éducatif pendant une période de probation. C’est en ce sens que la période de césure est utilisée : elle vise à prendre conscience de sa propre culpabilité et à faire en sorte que celle-ci se traduise par une réparation.

Si vous raccourcissez la période de césure, autant aller directement vers l’audience unique ! Très sincèrement, je le redis, je ne comprends pas le raisonnement qui sous-tend l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Francis Szpiner, rapporteur. Ma chère collègue, je tiens à vous expliquer le sens de mon avis favorable.

Deux hypothèses peuvent être envisagées.

Premier cas, le cours normal de la procédure : le jeune est présenté devant le juge, il est déclaré coupable, la césure a lieu.

Second cas de figure : la procédure de l’audience unique. Je l’ai expliqué précédemment, je suis opposé à la comparution immédiate justement parce qu’il existe une possibilité de procéder différemment. Si j’ai bien compris, l’amendement de Mme Josende s’applique à ce cas.

J’y insiste, l’amendement tend à s’appliquer non pas au processus culpabilité-césure-évaluation du mineur, mais à celui de l’audience unique, dont la logique est de raccourcir les délais.

J’estime que la comparution immédiate est inutile ; je soutiens donc l’amendement de Mme Josende visant à renforcer l’audience unique, qui constitue, à mon sens, une meilleure réponse et assure la garantie des droits.

Mon avis favorable n’a donc rien à voir avec le reste du système qui a été institué.

M. Francis Szpiner, rapporteur. Je pense avoir traduit, madame Josende, votre pensée.

Mme Lauriane Josende. Tout à fait !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 36 rectifié quater.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.

Mes chers collègues, nous avons examiné 20 amendements ; il en reste 31.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Après l’article 4 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale
Discussion générale

9

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 26 mars 2025 :

À quinze heures :

Question d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente et le soir :

Désignation des dix-neuf membres de la mission d’information sur le thème « Faciliter l’accès aux services publics : restaurer le lien de confiance entre les administrations et les administrés » ;

Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur le thème « 10 ans après la loi NOTRe et la loi Maptam, quel bilan pour l’intercommunalité ? » ;

Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents (texte de la commission n° 464, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 26 mars 2025, à zéro heure trente.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER