Sommaire
Présidence de M. Dominique Théophile
Secrétaires :
M. François Bonhomme, Mme Catherine Conconne.
2. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
3. Questions d’actualité au Gouvernement
accueil de scientifiques états-uniens
M. Pierre Ouzoulias; M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Pierre-Antoine Levi ; Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
protection des écosystèmes marins
Mme Mathilde Ollivier ; Mme Sophie Primas, ministre déléguée porte-parole du Gouvernement ; Mme Mathilde Ollivier.
M. Jean-Raymond Hugonet ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; M. Jean-Raymond Hugonet.
Mme Nicole Duranton ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.
impact de la guerre commerciale américaine sur la filière viticole
M. Jean-Pierre Grand ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.
quatrième année d’internat en médecine générale
M. Henri Cabanel ; M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins ; M. Henri Cabanel.
Mme Viviane Artigalas ; M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; Mme Viviane Artigalas.
M. Pascal Allizard ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe ; M. Pascal Allizard.
M. Yan Chantrel ; M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche..
M. Jean-Baptiste Blanc ; M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; M. Jean-Baptiste Blanc.
compensation des charges départementales
Mme Anne-Sophie Romagny ; M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation ; Mme Anne-Sophie Romagny.
vaccination contre les méningocoques
Mme Corinne Imbert ; M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins ; Mme Corinne Imbert.
politique de prévention et lutte contre les addictions
Mme Catherine Conconne ; M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins ; Mme Catherine Conconne.
Mme Béatrice Gosselin ; M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; Mme Béatrice Gosselin.
M. Daniel Fargeot ; M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; M. Daniel Fargeot.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
4. Mise au point au sujet d’un vote
6. Candidatures à deux commissions mixtes paritaires
7. Communication d’avis sur des projets de nomination
8. Candidatures à deux missions d’information
9. Restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Adoption de l’article.
Amendement n° 17 rectifié de Mme Nadine Bellurot. – Retrait.
Amendement n° 61 de la commission. – Retrait.
Amendement n° 20 rectifié bis de M. Marc-Philippe Daubresse. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 13 rectifié de Mme Salama Ramia. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 51 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 40 rectifié de Mme Salama Ramia. – Devenu sans objet.
Amendement n° 21 rectifié ter de M. Marc-Philippe Daubresse. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 41 rectifié de M. Bernard Fialaire. – Rejet.
Intitulé de la proposition de loi
Adoption, par scrutin public n° 243, de la proposition de loi dans le texte de la commission , modifié.
10. Mise au point au sujet d’un vote
11. Candidatures à une commission mixte paritaire
12. Ordre du jour
Nomination de membres de deux commissions mixtes paritaires
Nomination de membres de deux missions d’information
compte rendu intégral
Présidence de M. Dominique Théophile
vice-président
Secrétaires :
M. François Bonhomme,
Mme Catherine Conconne.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence, dans la tribune d’honneur, du président de la Chambre des Lords du Royaume-Uni, Lord McFall. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)
Il est accompagné par la toute nouvelle présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Royaume-Uni, notre collègue Cécile Cukierman. (Applaudissements.)
Le président du Sénat a pu échanger ce matin avec Lord McFall, en présence de Loïc Hervé, vice-président du Sénat, Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, Philippe Paul, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et, bien entendu, Cécile Cukierman.
Dans un contexte international où les tensions et la gravité nous obligent à repenser ou conforter nos alliances, nous sommes heureux de réaffirmer ensemble, aujourd’hui, l’amitié franco-britannique, qui a marqué l’histoire. Nous l’avons célébrée l’année dernière, à l’occasion des 120 ans de l’Entente cordiale et du 80e anniversaire du débarquement à Ver-sur-Mer.
Nous le savons, le Royaume-Uni est un allié ainsi qu’un partenaire majeur, notamment en matière de politique étrangère, de défense et de sécurité. Nous devons relever ensemble les nouveaux défis qui se présentent à nous dans ces domaines.
Ce lien qui nous unit se nourrit des échanges entre nos deux chambres. Le groupe d’amitié accueille régulièrement des délégations de parlementaires britanniques. Et comment ne pas se remémorer en cet instant la venue au Sénat, le 21 septembre 2023, lors de sa visite d’État, de Sa Majesté le Roi Charles III, et son discours historique dans cet hémicycle ?
Par leur capacité à réinventer leur rôle, nos deux chambres ont montré, et continuent de prouver, l’apport indispensable que représente le bicamérisme dans nos démocraties respectives.
Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à Lord McFall la plus cordiale bienvenue au Sénat de la République française. (Vifs applaudissements.)
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
accueil de scientifiques états-uniens
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, mes chers collègues, une nouvelle inquisition sévit aux États-Unis. Ses victimes en sont les scientifiques, la connaissance et la rationalité. Des chercheurs sont licenciés, des mots interdits et des disciplines proscrites. Non seulement les idées sont bannies, mais la méthode scientifique est aussi répudiée. Ces nouveaux Torquemada condamnent les conditions de production du savoir, le statut de la vérité et, finalement, la raison critique héritée des Lumières.
Cette croisade obscurantiste ne touche pas uniquement les États-Unis et ne prendra pas fin avec le mandat de Donald Trump. Elle participe d’une révolution antihumaniste qui a ses thuriféraires en Europe et en France. En s’attaquant à la science, elle souhaite aussi abolir les principes éthiques et rationnels qui fondent notre démocratie.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, plusieurs milliers de scientifiques ont déjà été licenciés par l’administration américaine et près de 300 000 autres sont menacés. La France doit tout mettre en œuvre pour accueillir ceux qui nous demandent aujourd’hui l’hospitalité. Plusieurs universités ont déjà offert à ces scientifiques les moyens de poursuivre leurs recherches. Les efforts doivent être intensifiés et coordonnés en France et en Europe.
Il nous faut venir en aide aux chercheurs, mais aussi sauver leurs données scientifiques. Elles sont le patrimoine commun de l’humanité et risquent de disparaître, avec les bases qui les hébergent, dans un gigantesque autodafé numérique.
Monsieur le ministre, la République française, qui considère avec Monge et Condorcet qu’un savoir rationnel et scientifique, autonome du pouvoir politique, est une des conditions de la démocratie, doit tout mettre en œuvre pour soutenir ces scientifiques victimes de la persécution. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST, RDSE, RDPI, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Ouzoulias, la situation est effectivement très préoccupante aux États-Unis. Il y a lieu d’être inquiet quand on regarde la situation des National Institutes of Health (NIH), de la National Science Foundation (NSF), de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) et de la Nasa : des pans entiers de la recherche, notamment médicale, aux États-Unis sont directement menacés ou voient leurs budgets sabrés, notamment pour ce qui concerne le suivi des épidémies et des zoonoses ou l’observation de la terre et du climat.
La situation est doublement dramatique : d’une part, on constate que le nombre de chercheurs, qui sont parmi les plus performants au monde, reflue et que des programmes internationaux sont menacés ou supprimés ; par ailleurs, des bases de données utilisées par la communauté scientifique internationale ne sont plus accessibles ou interdisent certains mots clés de recherche, ce qui pose des difficultés majeures.
Vous l’avez dit, en France, et partout en Europe, des universités ouvrent dès aujourd’hui des postes pour accueillir des chercheurs américains et nous soutiendrons évidemment cet effort avec un certain nombre de mesures spécifiques.
Au-delà, il faut aussi mobiliser la Commission européenne et toutes les institutions de l’Union pour développer l’autonomie stratégique de l’Europe en matière de recherche, en reconsidérant l’ensemble des partenariats et la manière dont nous travaillons aujourd’hui avec nos grands partenaires, partout dans le monde.
Nous devrons également nous efforcer de disposer de bases de données autonomes, afin de permettre à l’ensemble des chercheurs de mener leurs travaux de manière libre et autonome, dans le respect de la liberté académique, laquelle est absolument fondamentale pour l’avancée des connaissances. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
agression du rabbin d’orléans
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pierre-Antoine Levi. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, qui est chargé des cultes.
Le 22 mars dernier, le grand rabbin d’Orléans, Arié Engelberg, a été agressé en pleine rue devant son fils de 9 ans. Son seul tort : être de confession juive.
Cette agression survient à l’approche des fêtes de Pessah, plongeant la communauté juive dans une inquiétude légitime quant à sa sécurité. Ces actes s’inscrivent dans le cadre d’une montée alarmante de l’antisémitisme en France, avec 1 570 actes recensés en 2024, représentant 62 % des crimes de haine religieuse dans notre pays.
Plus préoccupant encore, comme nous l’avions déjà noté avec Bernard Fialaire dans notre rapport d’information sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, on constate la banalisation d’un antisémitisme d’atmosphère, nourri par certains discours politiques irresponsables.
Je pense notamment aux déclarations de membres de La France insoumise depuis les attentats du 7 octobre 2023. Malgré leurs nombreux dérapages, ils poursuivent leur travail de sape et de distillation de cet antisémitisme d’atmosphère purement insupportable. En témoigne l’organisation de cette prétendue marche contre le racisme de samedi dernier, transformée en marche pour l’antisémitisme. Quelle honte !
Attaquer quelqu’un en raison de sa religion, réelle ou supposée, est déjà odieux, mais s’en prendre à un homme de foi, c’est attaquer un symbole. Ce sont les valeurs mêmes de la République qui sont atteintes. Ce qui est en jeu, c’est la liberté fondamentale de pratiquer sa religion en toute sécurité sur le sol français.
Face à cette situation profondément alarmante, nous ne pouvons rester silencieux. La sécurité de nos concitoyens de confession juive doit être une priorité absolue, particulièrement à l’approche des fêtes religieuses.
Madame la ministre, je connais votre engagement dans la lutte contre ce fléau qu’est l’antisémitisme. Pourriez-vous nous indiquer les mesures spécifiques que vous entendez mettre en œuvre pour garantir la sécurité des lieux de culte à l’approche des fêtes religieuses ? Quels moyens supplémentaires prévoyez-vous pour combattre cet antisémitisme qui gangrène notre société ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains et SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur Pierre-Antoine Levi, l’événement qui a eu lieu à Orléans a choqué tous les Français, et heureusement, dirai-je. C’est un homme de foi qui a été attaqué ; c’est aussi un père qui a été agressé lâchement devant son propre fils de 9 ans.
L’auteur des faits est très jeune, et c’est peut-être ce qui devrait nous frapper le plus : aujourd’hui, les victimes sont de plus en plus jeunes, mais les auteurs d’actes antisémites le sont aussi.
Nous devons apporter une réponse collective pour lutter contre ce que vous appelez l’antisémitisme d’atmosphère. Comme s’il y avait un antisémitisme qui pouvait être acceptable, convenable pour la société ; comme si l’on pouvait reprendre l’iconographie des années 1930 pour en faire des affiches appelant à la mobilisation ; comme si l’on pouvait manifester pour des causes qui devraient nous rassembler, à savoir la lutte contre le racisme, mais en véhiculant d’autres formes de haine, en marchant main dans la main avec une personne fichée S pour des faits extrêmement graves ou avec quelqu’un qui a été condamné pour avoir attenté à la vie d’un rabbin, par exemple. C’est cela l’antisémitisme d’atmosphère qui prolifère dans notre pays.
Face à ce risque, nous ne devons pas tomber dans le piège de l’indifférence. Le Sénat a agi avec cette mission d’information que vous avez menée avec Bernard Fialaire, que je salue, laquelle a abouti au vote d’une proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, qui sera également examinée par l’Assemblée nationale.
À cette occasion, le Gouvernement souhaite d’ailleurs y intégrer les recommandations des Assises de lutte contre l’antisémitisme, que j’ai relancées, de manière à agir sur deux plans : l’éducation, avec la formation des enseignants sur la transmission de la mémoire en luttant dès le plus jeune âge contre la désinformation et la complotisme, terreau de l’antisémitisme ; la sanction, avec la bonne caractérisation de l’antisémitisme.
Je sais qu’ici, au Sénat, vous êtes toutes et tous rassemblés dans ce combat universel, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
protection des écosystèmes marins
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’heure est à l’urgence pour l’océan. Notre meilleur allié contre le dérèglement climatique subit une pression extrême : surpêche, pollution, acidification, plastique, effondrement de la biodiversité.
Ce week-end, le Président de la République organise le sommet SOS Océan, en amont de la conférence des Nations unies sur l’océan à Nice, au mois de juin. Alors que nous avons le deuxième domaine maritime le plus important du monde, la responsabilité de la France est grande.
Nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux et clairs : 30 % d’aires marines protégées, 10 % en protection stricte. Pourtant, la réalité est tout autre : seulement 1,6 % des aires marines sont aujourd’hui réellement protégées. Pour le reste, tout est permis.
Madame la ministre, au-delà des grands discours, il est temps d’agir.
Notre priorité doit être de proposer un objectif clair de 10 % de protection stricte et d’en finir avec l’écran de fumée de la protection forte « à la française », qui ne répond à aucun des standards internationaux. L’interdiction de toute activité extractive dans ces zones permettra des bénéfices écologiques, mais également économiques et sociaux pour les pêcheurs artisans et pour nos littoraux.
Votre responsabilité est également d’engager une transition claire et durable de la pêche au chalut de fond, avec, pour horizon, une fin de ces pratiques destructrices dans les 30 % d’aires marines protégées.
Nous ne pouvons pas donner des leçons au monde entier alors que nous ne sommes pas à la hauteur chez nous, dans nos propres eaux territoriales.
Que comptez-vous faire pour sortir de ce positionnement flou ? Quelle est votre vision pour la protection des écosystèmes marins ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Mathilde Ollivier, bien sûr, la protection des écosystèmes marins est une des priorités de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, qui est actuellement à Berlin pour le Dialogue de Petersberg préparatoire à la COP30 de Belém.
Un poumon bleu : voilà ce que représentent nos écosystèmes marins. Il s’agit bel et bien, comme vous l’avez rappelé, d’un trésor de biodiversité pour les scientifiques et pour notre équilibre, mais aussi d’un élément essentiel de notre souveraineté alimentaire. À ce titre, nous devons les préserver. C’est l’objectif des aires marines protégées, dont les règles contraignantes permettent de limiter l’impact de l’activité humaine.
Vous pointez en particulier dans votre question l’impact du chalutage de fond. Je veux vous rappeler, madame la sénatrice, que cette pratique est interdite depuis 2016 dans l’ensemble des zones à plus de 800 mètres de profondeur. Des concertations sont en cours pour étudier avec l’ensemble des acteurs si cette interdiction doit être élargie ou non. C’est le sens des analyses « risque pêche » qui sont conduites sur toutes les façades maritimes de l’Hexagone, notre objectif étant de nous appuyer sur des données scientifiques et la réalité du terrain.
C’est aussi le travail que Mme la ministre mènera, d’ici à la conférence des Nations unies sur l’océan de Nice, pour mieux protéger l’ensemble de nos écosystèmes.
Notre boussole, c’est la science. Nous travaillons également sur une approche zone par zone pour déterminer comment diminuer la pression globale et les pressions zone par zone et pour faire en sorte que certaines zones bénéficient d’une forte protection, afin d’aller au-delà du taux de 1,6 % que vous avez mentionné.
Néanmoins, je vous rappelle que le chalutage assure aujourd’hui 40 % des volumes de nos criées et que la suppression pure et simple de cette technique de pêche conduirait à la disparition de nos criées en aval de la filière, voire de notre pêche artisanale.
M. Jean-François Rapin. Bravo !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. Or notre souveraineté alimentaire est une absolue nécessité. Madame la sénatrice, 80 % de notre consommation de produits de la mer est importée depuis des pays où les normes environnementales et la protection de la biodiversité sont bien moins vertueuses que celles que nous avons dans notre pays.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. Pour protéger notre environnement, nous devons bien sûr agir en France, mais notre combat, c’est aussi de combattre la pêche illégale en dehors des frontières de notre pays. Tel sera l’objectif de la conférence des Nations unies sur l’océan. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. François Patriat applaudit également.)
M. Max Brisson. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour la réplique.
Mme Mathilde Ollivier. Madame la ministre, mes chers collègues, installer des affiches sur les océans partout dans le Sénat ne suffira pas ! Défendre une vision au cas par cas, c’est non pas porter une vision, mais avouer les incohérences de votre position. Dire d’une zone dont on détruit les fonds marins que c’est une aire marine protégée est une absurdité.
Nous devons légiférer, et je déposerai moi-même une proposition de loi en ce sens. Le Sénat ne pourra esquiver la réalité scientifique : l’océan ne peut plus attendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
rixe mortelle à yerres
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s’adresse à Monsieur le Premier ministre.
Voilà quarante-huit heures, à Yerres, en Essonne, département que j’ai l’honneur de représenter dans cet hémicycle avec quatre autres de mes collègues, une fois encore, une fois de trop, un adolescent de 17 ans a perdu la vie après avoir été poignardé dans un contexte de rixe entre quartiers.
Ce gigantesque gâchis nous plonge tous dans l’effroi et nos pensées vont bien évidemment aux familles et aux proches dévastés par ce drame. Aujourd’hui, 90 % des rixes ont lieu en région parisienne et, comme le précisait Mme la préfète de l’Essonne, Frédérique Camilleri, un quart des rixes recensées en France ont lieu dans ce département.
Pourtant, sur le terrain, l’ensemble des acteurs travaillent d’arrache-pied pour tenter d’éradiquer ce qui est devenu un véritable fléau. Élus, services de l’État, polices nationale et municipale, gendarmerie, éducateurs, chercheurs, associations : tout le monde travaille dans la même direction.
Cependant, l’ultraviolence juvénile n’est pas le fruit du hasard. Partout, l’autorité est régulièrement bafouée. L’anomie s’est installée et le profil des jeunes impliqués dans les rixes est principalement marqué par l’échec scolaire dès l’école primaire.
En raison de l’instabilité politique, nous voyons se succéder sur ces bancs un nombre impressionnant de ministres, dont je ne remets bien évidemment pas en cause la volonté. Pour autant, rien ne change vraiment.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous livrer votre analyse de cet échec collectif ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Hugonet, je tiens d’abord à faire part à la Haute Assemblée de ma profonde tristesse à la suite des événements qui se sont déroulés à Yerres voilà quelques jours, plus exactement il y a 48 heures.
Effectivement, les violences en bande ont augmenté dans notre pays et le département de l’Essonne compte à lui seul 25 % des événements de cette nature.
Je ne reviendrai pas sur les circonstances du drame en détail, mais je veux vous indiquer que les policiers ont interpellé six individus issus des deux quartiers impliqués, dont bien évidemment l’auteur présumé. Tous étaient défavorablement connus de nos services.
En 2024, 338 rixes ont été recensées. À ce phénomène s’ajoute celui des armes blanches, dont on parle malheureusement trop aujourd’hui, et qui sont présentes dans trois quarts des situations. Celles-ci circulent aux abords des établissements scolaires, et même à l’intérieur, ce qui présente des risques très graves que chacun imagine bien. Cinq personnes sont décédées en 2024, contre deux l’année précédente.
Je veux vous indiquer que, dès hier, la préfète de votre département a réuni les élus locaux et les maires, en présence du procureur de la République, afin de renforcer la prévention. La CRS 8 a également été déployée à Yerres dès hier soir.
Au-delà de ce constat sur les faits, l’enjeu est de mieux prévenir. Aussi, des actions vont être conduites, conjointement avec l’éducation nationale, dans et aux abords des établissements scolaires. J’étais la semaine dernière à Cernay, près de Mulhouse, où le maire a engagé une démarche de cette nature qui est tout à fait remarquable.
Nous devons ensuite plus fortement sanctionner. Votre Haute Assemblée débat actuellement de la proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents de M. Gabriel Attal, qui vise à apporter des réponses plus fortes face à la délinquance des mineurs.
Enfin, nous avons engagé voilà quelques jours, à peine une semaine, la révision de la stratégie nationale de prévention de la délinquance, qui sera l’occasion de reprendre un certain nombre d’orientations, en particulier sur la responsabilité parentale. Telle est, monsieur le sénateur, la réponse que le Gouvernement peut vous apporter.
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vous être fait le porte-voix de M. le Premier ministre. (Sourires.)
Bien sûr, nous allons légiférer, encore faut-il que le Conseil constitutionnel ne détricote pas ce que nous allons voter collectivement ici… (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Joshua Hochart applaudit également. – Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Plusieurs sénateurs du groupe SER. C’est une honte !
M. Jean-Raymond Hugonet. Parallèlement, et de façon très claire et pragmatique, puisque le mot est à la mode, n’est-il pas possible de prendre des circulaires et d’adresser des instructions aux parquets sur le port de couteaux ? Cela nous semble absolument nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation en turquie
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, « celui qui gagne Istanbul gagne la Turquie » : ces mots prononcés par le président Erdogan voilà quelques années résonnent particulièrement aujourd’hui devant la dernière dérive autoritaire de celui qui a été maire d’Istanbul, avant que son parti, l’AKP (Parti de la justice et du développement), ne perde la ville en 2019. Quand on perd Istanbul, perd-on la Turquie ?
L’arrestation mercredi dernier puis l’incarcération arbitraire de son principal rival, le très populaire maire d’Istanbul depuis 2019, investi par son parti, le CHP (Parti républicain du peuple), comme candidat à la prochaine élection présidentielle, est un point de bascule dans l’affaiblissement de la démocratie en Turquie, un pays qui – je le rappelle – est membre de l’Otan, du Conseil de l’Europe et candidat officiel à l’adhésion à l’Union européenne.
Fort du rôle croissant acquis par son pays dans l’équilibre sécuritaire régional, le président Erdogan est pourtant confronté à une double pression interne : une usure du pouvoir et une montée en puissance de son opposition, qui détient les principales villes de Turquie.
Les dérives totalitaires du pouvoir en place conduisent à la révolte des Turcs, qui descendent par dizaines de milliers dans les rues, témoignant d’une mobilisation citoyenne en faveur de la démocratie et de l’État de droit.
Ce soulèvement fait écho à la situation d’autres pays d’Europe centrale et orientale, comme la Hongrie, la Serbie, la Géorgie et la Slovaquie. La résistance des peuples témoigne du réveil profond des démocrates, qui crient haut et fort que l’autoritarisme et le nationalisme conduisent non pas à la prospérité, mais à la remise en cause des droits et des libertés de tous.
Monsieur le ministre, quelles actions concrètes envisagent de prendre la France et l’Union européenne pour soutenir le peuple turc dans la défense de ses droits ? Envisagez-vous d’engager un dialogue constructif tant sur les questions internes que sur les relations bilatérales, souvent complexes entre nos deux pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Grégory Blanc, Jean-Marc Vayssouze-Faure et Ian Brossat applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Madame la sénatrice Nicole Duranton, dès le 19 mars, vous le savez, la France a exprimé sa vive préoccupation après l’arrestation, puis l’incarcération du maire de la métropole d’Istanbul, M. Imamoglu, et d’une centaine d’autres personnalités, dont deux maires de district de cette ville.
Les manifestations qui ont suivi dans toute la Turquie démontrent bien la gravité de la situation. Disons-le clairement, le respect des droits de l’opposition, de la liberté de manifester et de la liberté d’expression est une des pierres angulaires de l’État de droit. Comme nous l’avons rappelé, en tant que membre du Conseil de l’Europe, la Turquie a souscrit de façon libre à ces engagements en matière de protection de l’État de droit et le respect de ces engagements aura naturellement une incidence sur la suite de notre relation bilatérale, mais également sur ses relations avec l’Union européenne.
J’ajoute que nous avons fait passer des consignes de prudence à nos ressortissants sur place et que nous continuons à suivre la situation avec attention.
Bien évidemment, dans le contexte du sommet de la coalition des volontaires, qui aura lieu demain à Paris, nous travaillons avec tous les soutiens de l’Ukraine, y compris la Turquie, à trouver les conditions d’une paix durable et juste et des garanties de sécurité pérennes pour l’Ukraine. (M. François Patriat applaudit.)
impact de la guerre commerciale américaine sur la filière viticole
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Jean-Pierre Grand. Ma question porte sur l’augmentation, envisagée par les États-Unis, des droits de douane sur le vin français.
Comme vous le savez, la région Occitanie, en particulier sa composante languedocienne, possède le plus grand vignoble de France. Sa production annuelle est de 16 millions d’hectolitres, ce qui représente près de 30 % de la production nationale. La viticulture est le deuxième secteur économique de la région, derrière le tourisme.
En 2022, les États-Unis représentaient 19 % des exportations en valeur ; ils représentent, plus que les autres pays importateurs de vin languedocien, un marché de valeur.
L’augmentation des droits de douane annoncée par le président des États-Unis comporterait notamment une taxation à 200 % des importations de vins et spiritueux français. Cela aurait des conséquences dramatiques pour notre région.
Cette nouvelle difficulté viendrait s’agréger à la pression déjà subie par ce marché en raison de la déconsommation de vin en France, mais aussi dans le monde. La Chine était venue compenser les pertes consécutives à la baisse de la consommation des pays du Nord, mais sa consommation de vin a à son tour baissé de 50 %.
Des droits de douane de 200 % causeraient l’arrêt immédiat des expéditions de vin vers le premier marché mondial, pour lequel il n’existe aucun marché de substitution. Cela causerait une perte de 4 milliards d’euros. L’impact de ce choc sur notre filière serait brutal, immédiat et irréversible.
Nous savons combien nos produits viticoles sont, dans le monde entier, un emblème fort de notre Nation. Aussi, il est compréhensible que vienne à l’esprit de certains dirigeants l’idée de faire peser des mesures de rétorsion précisément sur les vins français. Dans ce contexte, cibler le whisky, le bourbon ou les vins américains non seulement ne contribuerait pas à atteindre l’objectif fixé, mais placerait au contraire notre filière dans une plus grande fragilité encore.
Seule la diplomatie française, qui s’efforce d’apaiser les tensions internationales, peut contribuer à une révision de la politique douanière américaine, en particulier pour le vin.
Je remercie donc le Gouvernement de nous faire connaître l’état actuel des négociations avec l’administration américaine. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Monsieur le sénateur Grand, je connais votre engagement de longue date en faveur de la filière viticole et, en particulier, le soutien que vous apportez aux vignerons de l’Hérault.
L’action du Gouvernement en la matière obéit à trois principes clairs et simples.
En premier lieu, nous devons répondre fermement et de façon proportionnée aux droits de douane supplémentaires qui ont été mis en œuvre de manière injustifiée par les États-Unis contre l’Europe sur l’acier et l’aluminium.
En deuxième lieu, il est indispensable que nous restions unis, au sein de l’Union européenne, pour soutenir la Commission dans sa réponse ferme et déterminée.
En troisième lieu, enfin, notre objectif est bien sûr la désescalade : nous devons faire comprendre de façon très claire aux États-Unis que recourir à une guerre commerciale et au protectionnisme ne serait dans l’intérêt de personne.
Je le rappelle, la proposition de la Commission européenne consiste en fait à reprendre les contre-mesures mises en œuvre en 2018 ; celles-ci incluaient plusieurs secteurs, de l’acier aux vêtements, aux motos, ou encore au bourbon. Nous avons demandé à la Commission d’adapter ces mesures de manière à tenir compte de la situation des vins et des spiritueux, dont vous avez souligné la spécificité.
Je relève que, pour l’instant, l’administration américaine n’a mis en place aucun droit de douane sur les vins et spiritueux ; la Commission européenne continue son dialogue avec les États-Unis.
Je voudrais enfin vous informer que le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, est en ce moment même en Asie. Ce déplacement vise notamment à défendre les intérêts de la filière viticole française face aux mesures antidumping chinoises, parfaitement injustifiées, qu’elle subit. De ce côté-là aussi, nous cherchons des voies de désescalade. Vous pouvez compter sur la mobilisation du Gouvernement en la matière. (MM. François Patriat, Jean-Baptiste Lemoyne et Claude Malhuret applaudissent.)
quatrième année d’internat en médecine générale
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre, la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 a instauré une quatrième année d’études spécialisées pour les médecins généralistes. Néanmoins, deux ans après, le flou persiste quant à l’opérationnalité de cette mesure. Comment l’expliquer ?
La nouvelle maquette de formation du diplôme d’études spécialisées de médecine générale a été publiée au Journal officiel du 9 août 2023. Elle s’applique aux étudiants commençant leur cursus à compter de la rentrée 2023 ; les premiers concernés entreront donc en quatrième année à la rentrée 2026.
Depuis lors, il y a eu peu d’avancées concrètes, et des questions demeurent : quel statut pour ces docteurs juniors ? Quelle rémunération ? Quel accompagnement ?
Ces interrogations ont été fortement relayées par plusieurs parlementaires, monsieur le ministre, mais il est important d’acter votre réponse devant la Haute Assemblée.
Rappelons que l’objectif initial était de mieux former les médecins, mais aussi de les inciter à s’installer là où ils sont le plus nécessaires. Cette mesure doit constituer un levier essentiel de notre lutte contre les déserts médicaux, grâce à laquelle nous pourrons garantir l’accès aux soins de nos concitoyens, même dans les territoires sous-dotés. C’est donc un enjeu prioritaire.
Monsieur le ministre, quand le Gouvernement publiera-t-il les arrêtés permettant l’application de cette réforme essentielle pour l’accès aux soins de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Nicole Duranton et MM. Bernard Buis et Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le sénateur Cabanel, la quatrième année d’études spécialisées en médecine générale représente effectivement un sujet très important. Nous sommes pleinement engagés pour assurer la réussite de cette réforme.
Vous le savez, ce ne sont ainsi pas moins de 3 700 médecins généralistes supplémentaires qui pourront venir exercer dans nos territoires à partir du 2 novembre 2026. Nous avons eu ce matin encore une réunion sur ce sujet avec le Premier ministre. Il faudra naturellement évaluer l’opportunité de cette présence médicale dans les territoires quant aux soins supplémentaires qui pourront y être prodigués.
Naturellement, l’organisation territoriale est définie en lien avec les médecins auprès desquels ces étudiants effectueront leur quatrième année de spécialité de médecine générale. Cette année supplémentaire permettra à ces jeunes médecins de se familiariser avec l’exercice libéral, afin qu’ils puissent ensuite plus aisément s’installer dans ces territoires, en tant que médecins libéraux ou que médecins-assistants territoriaux.
Nous y travaillons avec l’ensemble des élus locaux, au travers notamment de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et de l’association Départements de France. Ainsi, pourront être offerts à ces stagiaires des logements et de bonnes conditions de vie dans ces territoires qu’il est important de leur faire connaître, car on ne s’installe pas là où l’on n’a jamais exercé.
Je précise que la rémunération des stagiaires sera modulée en fonction de leur participation à l’offre de soins et du niveau de sous-dotation des territoires. Certes, 87 % du territoire national peut être considéré comme un désert médical, mais certains territoires particulièrement sous-dotés requièrent une attention spécifique.
Enfin, nous espérons que cette année supplémentaire de formation contribuera, au sein de cette nouvelle génération de médecins, à une prise de conscience qui les conduira à s’organiser, comme cela se fait dans d’autres pays européens, pour assurer une meilleure prise en charge des patients dans tous les territoires.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre, je vous remercie, mais vous n’avez pas répondu à ma question précise : quand prendrez-vous les arrêtés organisant cette année supplémentaire de formation ?
Il est urgent de clarifier la situation, car l’inquiétude grandit dans les territoires, malgré une dynamique universitaire très forte. Tous nos élus ont des attentes légitimes en la matière.
L’énergie déployée par les collèges locaux de généralistes enseignants a ainsi permis de recruter massivement et rapidement les praticiens agréés maîtres de stage des universités (Pamsu). En 2024, ils ont été 13 800, soit un quart des médecins généralistes en exercice ; cela représente une progression de plus de 1 000 nouveaux praticiens agréés par an depuis 2021, selon le Collège national des généralistes enseignants (CNGE).
Les perspectives de recrutement des futurs Pamsu sont intimement liées aux arbitrages attendus pour le futur diplôme d’études spécialisées, ainsi qu’au futur statut des médecins maîtres de stage de ces docteurs juniors.
gouvernance d’edf (i)
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Viviane Artigalas. Monsieur le ministre de l’économie, nous savions déjà que le gouvernement actuel, dans le prolongement de ses prédécesseurs et malgré nos demandes, ne voulait pas d’un débat parlementaire sur une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui traduirait la politique énergétique de la France.
Nous savons désormais que le Gouvernement ne veut pas non plus, ou ne peut pas, travailler avec le PDG d’EDF, Luc Rémont.
Pourtant, dans un contexte énergétique rendu très problématique par l’agression russe contre l’Ukraine et les difficultés du nucléaire historique, le PDG d’EDF a su mobiliser les personnels de l’entreprise pour la redresser et lancer les projets d’avenir attendus, qu’il s’agisse de la filière émergente du nouveau nucléaire ou du développement des énergies renouvelables non pilotables.
M. Rémont a souligné de façon abrupte – c’est inhabituel à ce niveau – l’impossibilité du dialogue sur le fond avec l’État. Visiblement, le différend est profond ! Il porte sur des questions aussi stratégiques que les niveaux d’objectifs ou la planification de trajectoires. Plus inquiétant, on relève des divergences sur les moyens financiers nécessaires à l’action.
Le PDG d’EDF a aussi évoqué les niveaux de prix trop bas demandés à EDF par certaines entreprises dans le cadre des contrats d’approvisionnement en électricité d’origine nucléaire.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des explications sur ce profond différend stratégique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. Mickaël Vallet. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la sénatrice Viviane Artigalas, je veux vous répondre sur plusieurs points.
Tout d’abord, la PPE a fait l’objet, depuis plusieurs années, d’un très grand nombre de consultations,… (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
MM. Fabien Gay et Yannick Jadot. Et le Parlement ?
M. Éric Lombard, ministre. … conformément à la loi qui a été votée par le Parlement, loi que nous appliquons et que nous continuerons d’appliquer.
Cette programmation, vous le savez déjà, prévoit que, pour atteindre notre objectif central, à savoir une économie décarbonée en 2050, nous développions à la fois le nucléaire et les énergies renouvelables.
M. Fabien Gay. On veut en débattre ici !
M. Éric Lombard, ministre. Ce cadre étant fixé, pour ce qui concerne EDF, la prochaine séquence s’appuiera, d’une part, sur la construction de six EPR (réacteurs pressurisés européens), suivant la décision du Président de la République et du Gouvernement, et, d’autre part, sur la mise en place d’une nouvelle politique commerciale en faveur des Françaises et des Français, mais aussi de notre secteur industriel.
À notre sens, Bernard Fontana, qui a été au cœur de ce projet industriel en tant que patron de Framatome – l’entreprise qui a construit les chaudières grâce auxquelles ces centrales vont fonctionner –, est idéalement placé pour poursuivre ce chantier à la tête d’EDF.
J’ai par ailleurs rendu hommage à Luc Rémont, qui a su remettre en fonctionnement l’ensemble des réacteurs, déployer une stratégie et organiser le financement des centrales, point sur lequel nous sommes en réalité tout proches d’un accord.
Il n’y a pas de divergence stratégique, et il ne peut pas y en avoir, entre EDF et l’État, qui détient 100 % de son capital. Nous avons simplement considéré, dans notre responsabilité, qu’après Luc Rémont, dont je salue une nouvelle fois le très bon bilan (Rires sur les travées du groupe SER.), Bernard Fontana pourra mener à bien la suite des travaux engagés ; naturellement, sa candidature devra être validée, aux termes de l’article 13 de la Constitution, par les commissions spécialisées de l’Assemblée nationale et du Sénat. (M. François Patriat applaudit.)
M. Fabien Gay. Il faut un débat !
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.
Mme Viviane Artigalas. Merci, monsieur le ministre, mais votre réponse nous laisse sur notre faim.
Cette situation inédite renforce l’intérêt, et même la nécessité, pour le Gouvernement de soumettre au débat parlementaire un projet de loi de programmation énergétique et climatique, comme vous le prévoyiez initialement.
Dans ce cadre, nous pourrions revenir sur les points de différend rendus publics par Luc Rémont et débattre de ces deux visions divergentes. Le Parlement ne peut pas être exclu de la définition de notre stratégie énergétique, cruciale pour notre pays dans un contexte de tensions géopolitiques extrêmes. La troisième version de la PPE que nous pourrions ainsi adopter n’en serait que plus robuste ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – M. Philippe Grosvalet, Mme Anne-Catherine Loisier et M. Jean-Michel Arnaud applaudissent également.)
conflit israélo-palestinien
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. Monsieur le ministre, je rentre d’une visite en Israël et en Cisjordanie, accomplie en ma qualité de président de la délégation française à l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de représentant spécial de cette assemblée pour les affaires méditerranéennes.
Notre délégation a pu y rencontrer nombre de décideurs israéliens et palestiniens, ainsi que le patriarche orthodoxe grec de Jérusalem et des représentants de la société civile.
Sur le terrain, la situation demeure particulièrement tendue et bloquée. Israéliens et Palestiniens continuent de vivre dans un climat de grande insécurité et de défiance, alors que tous les otages n’ont pas été libérés.
L’Égypte a préparé une contre-proposition, soutenue par les dirigeants arabes, en réponse au projet du président Trump.
Monsieur le ministre, dans ce contexte, la France est-elle encore une voix audible au Proche-Orient ? Soutiendra-t-elle ce plan arabe et, si tel est le cas, de quelle manière ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Olivier Cigolotti et Daniel Chasseing, Mme Nicole Duranton et M. Akli Mellouli applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Monsieur le sénateur Allizard, je vous remercie de votre question. Vous connaissez l’engagement historique de la France dans la région.
Depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023, la position de la France est très claire : nous défendons le respect du droit international humanitaire, la protection des civils, la libération inconditionnelle de tous les otages et un cessez-le-feu permanent pour retrouver les conditions d’un dialogue menant à deux États et assurant la souveraineté des Palestiniens aux côtés d’un État d’Israël vivant en sécurité.
C’est pourquoi nous soutenons les initiatives des médiateurs américains, qataris ou encore égyptiens visant à remettre les parties autour de la table après la rupture récente du cessez-le-feu, mais aussi le plan arabe dont l’objectif est de préparer le jour d’après et la gouvernance à plus long terme de la bande de Gaza. Nous nous employons, avec nos partenaires européens, à contribuer à cette perspective.
Cette gouvernance devra se faire sans le Hamas, mouvement terroriste ennemi d’Israël, mais aussi, bien sûr, ennemi du peuple palestinien.
Vous connaissez l’engagement de notre diplomatie à Gaza, au Liban et dans toute la région. C’est la voix indépendante de la France, une voix singulière de respect et de défense du droit international et de la paix. Vous pouvez compter sur notre engagement pour continuer à la faire entendre.
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.
M. Pascal Allizard. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
On voit ce qu’il reste de Gaza, que l’administration Trump rêve de transformer en Palm Beach sur les bords de la Méditerranée ou en Riviera, quitter à vider le territoire de sa population palestinienne. C’est bien entendu inacceptable !
Les habitants de la région aspirent à la paix, à la stabilité et à une vie normale.
Il me semble que la politique arabe de la France, sa parole singulière, héritée du général de Gaulle, doit redevenir notre boussole diplomatique. Il nous faut contribuer à créer les conditions d’une paix juste et durable pour les deux parties.
C’est, je le crois, cette voix équilibrée que le Président de la République doit faire entendre lors de son prochain déplacement en Égypte.
Nous ne pouvons plus assister en spectateurs aux événements mondiaux, comme c’est, hélas ! le cas pour les négociations en cours sur l’Ukraine. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, GEST et CRCE-K.)
enseignement supérieur
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Yan Chantrel. Monsieur le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, à la Sorbonne, les chercheurs vous interpellent par ce témoignage : « nous n’avons plus les moyens d’assurer nos missions d’université publique. »
L’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne s’est vu imposer une réduction drastique de 13 millions d’euros de ses budgets de fonctionnement et d’investissement, soit une chute de près de 50 %.
La non-compensation de charges par l’État, croissante ces dernières années, prend les universités à la gorge, alors que le nombre d’étudiants qu’elles doivent accueillir a explosé.
Cet abandon de l’université publique a pour conséquence de favoriser l’essor du secteur privé.
Surfant sur l’anxiété générée par Parcoursup et profitant de la manne financière offerte par la réforme de l’apprentissage de 2018, de nombreux acteurs tirent parti de la faible régulation du secteur pour maximiser leurs profits.
C’est le cas de Galileo, dont le système de maximisation des rendements, digne de celui d’Orpea, vient d’être révélé par la journaliste Claire Marchal : des étudiants traités comme de la marchandise, entassés dans des classes surchargées, quelquefois au mépris des normes de sécurité ; des frais de scolarité exorbitants pour des diplômes en carton et des enseignements parfois délivrés entièrement en ligne, ou par des intervenants sous-payés ; un accompagnement inexistant ; des taux d’insertion mensongers ; enfin des modifications unilatérales des prix.
Ces boîtes à fric exploitent l’angoisse ressentie par les jeunes et leurs familles face à des choix d’orientation cruciaux pour leur avenir.
Monsieur le ministre, vous avez missionné une inspection sur la transparence du fonctionnement de ces établissements. Ce n’est qu’un évident préalable, mais nous attendons des actions fortes : des contrôles a priori, une meilleure labellisation de ces formations, et des sanctions pour mettre fin aux pratiques commerciales abusives de ces boîtes à fric. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Chantrel, il est vrai que l’enseignement supérieur privé s’est développé de manière spectaculaire ces dernières années, en lien avec la réforme de l’apprentissage.
Les entreprises d’enseignement supérieur privé permettent de répondre aux besoins et aux désirs des familles, en offrant des formations très professionnalisantes.
La qualité est souvent au rendez-vous, mais elle ne l’est pas tout le temps. C’est pourquoi, dès notre entrée en fonctions au Gouvernement, la ministre d’État Élisabeth Borne et moi-même avons été extraordinairement attentifs à ce sujet.
Nous avons ainsi pris un arrêté de déréférencement permettant de retirer de Parcoursup un certain nombre de formations qui n’en respectaient pas la charte.
Par ailleurs, comme vous l’avez relevé, une inspection a été lancée pour s’assurer de la transparence des différentes entreprises du secteur de l’enseignement supérieur privé.
Enfin, et c’est peut-être le plus important, nous travaillons, avec la ministre chargée du travail et de l’emploi, à une amélioration du label Qualiopi, marque de qualité essentielle pour les prestataires de formations. On intégrera à ce label des critères de qualité de la formation offerte, de manière à réguler efficacement le système qui s’est développé ces dernières années. Une telle régulation est absolument essentielle ; nous la devons aux jeunes qui s’engagent dans ces formations.
Je voudrais aussi rappeler que le coût, parfois très élevé, d’une formation n’est en aucun cas un gage de sa qualité.
Enfin, il faut bien entendu expliquer aux familles que les établissements du secteur public proposent aussi très souvent des formations répondant à leurs besoins.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, vendredi dernier, l’Élysée a décidé de mettre fin – assez brutalement, il faut le dire – aux fonctions de Luc Rémont, président-directeur général d’EDF.
Sous sa direction, la situation financière d’EDF avait pourtant été assainie, et sa production rétablie. M. Rémont évoque des désaccords stratégiques sur le financement du nouveau nucléaire et la politique des prix.
Pouvez-vous préciser les raisons de ce choix, qui suscite de nombreuses interrogations ?
Pourquoi une décision aussi déterminante pour l’avenir énergétique de la France a-t-elle été prise sans concertation, sans explication de Matignon et sans débat devant la représentation nationale ? Cette méthode ne contredit-elle pas les articles 20 et 21 de la Constitution ?
Le rapport du député Antoine Armand avait pourtant identifié les erreurs passées et formulé des recommandations claires. Le Gouvernement envisage-t-il de s’en écarter, au risque de fragiliser le financement du nouveau nucléaire ?
Plus largement, la non-reconduction de M. Rémont semble mettre au jour des désaccords plus profonds que ceux qui portent sur le seul pilotage des futurs chantiers nucléaires.
Comment l’État entend-il donner à EDF un cadre stable et soutenable ? L’entreprise subit depuis deux décennies des injonctions contradictoires : d’abord, on exerce une pression à la baisse sur certains tarifs industriels, au risque d’être en deçà des coûts ; ensuite, on lui impose des prélèvements spécifiques, alors que l’entreprise reste soumise à la concurrence et à la nécessité d’investir ; enfin, elle devrait relancer le nucléaire malgré une dette dépassant 50 milliards d’euros.
Par ailleurs, pouvez-vous nous assurer que le projet Hercule, dont l’objet était un éventuel démantèlement d’EDF, mais qui a été abandonné il y a deux ans, ne sera pas remis sur la table ?
En conclusion, monsieur le ministre, quelle feuille de route entendez-vous confier à Bernard Fontana et en quoi diffère-t-elle de celle que Luc Rémont aurait refusée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Blanc, votre question me donne l’occasion de compléter les éléments que j’ai exposés en réponse à Mme Artigalas.
Oui, nous avons effectivement un certain nombre de désaccords avec Luc Rémont. Je n’en réitère pas moins l’hommage sincère que je lui ai rendu pour avoir remis en ordre la capacité de production d’EDF et avoir entamé la réorganisation de l’entreprise.
Cependant, nous aurions souhaité, conformément au cahier des charges qui lui avait été remis et à l’accord de novembre 2023, qu’EDF fasse montre de plus de réactivité dans la signature de contrats de long terme avec nos grandes entreprises industrielles consommatrices d’énergie. C’est un élément tout à fait substantiel du mandat qui avait été donné à M. Rémont.
Un autre désaccord portait sur le financement du nouveau programme nucléaire. Avec mon collègue Marc Ferracci, chargé de ce dossier, j’ai considéré que nous étions arrivés au terme de la négociation ; ce n’était pas l’avis du président-directeur général d’EDF.
Voilà, monsieur le sénateur, deux raisons de ne pas renouveler le mandat d’administrateur de M. Rémont. Cela, me semble-t-il, relève bien des pouvoirs du Gouvernement, étant naturellement entendu que la décision a été prise en accord total avec le Président de la République et le Premier ministre.
Pour la suite, le Parlement sera saisi, puisque la nomination à ce poste s’effectue selon la procédure définie à l’article 13 de la Constitution. Le mandat du nouveau PDG restera inchangé.
Nous souhaitons que celui-ci, si sa nomination est confirmée par les commissions spécialisées des deux assemblées, poursuive les discussions avec les industriels et nous espérons qu’elles soient alors plus propices à un accord que les précédentes.
Nous souhaitons aussi qu’il parachève l’organisation que Luc Rémont a commencé de mettre en place.
Enfin, nous souhaitons finaliser l’accord financier qui permettra de lancer la fabrication des six EPR, dont la réalisation est importante pour notre équilibre énergétique.
Il me semble donc que les règles ont été fixées. L’explication que je vous ai donnée justifie à mes yeux la décision que nous avons prise, dans l’intérêt d’EDF, de nos entreprises et du pays. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Blanc. Je vous remercie de ces explications, monsieur le ministre. Néanmoins, il faudra bien trancher un jour la question suivante : EDF doit-elle être une régie ou une société ? Elle ne peut pas être les deux. Cela aussi montre les limites du « en même temps ». (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
compensation des charges départementales
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne-Sophie Romagny. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
Monsieur le ministre, pour les départements, la coupe est pleine ! À cette allure, en 2026, 80 % d’entre eux seront dans le rouge.
Le 1er avril prochain, le montant du revenu de solidarité active (RSA) augmentera de 1,7 %. Cette revalorisation, prise par décret pour prendre en compte l’inflation, coûtera plus de 158 millions d’euros aux départements.
Or, comme d’habitude, il n’est pas prévu que cette dépense soit compensée par l’État ! Ce dernier a d’ailleurs refusé la demande de compensation formulée par l’association Départements de France, au motif que la revalorisation est prévue par la loi est sans lien avec une décision de sa part.
Le Gouvernement aurait pourtant pu geler cette hausse en 2025 ou, tout simplement, compenser la dépense imposée en loi de finances. Mais ce n’est pas le choix que vous avez fait !
Mme Silvana Silvani. Mais qui a voté ce budget ? Un peu de cohérence !
Mme Anne-Sophie Romagny. L’État ne peut pas supprimer les leviers fiscaux des collectivités, leur imposer des dépenses supplémentaires sans les compenser et, ensuite, les accuser opportunément d’être responsables des déficits publics.
De plus, la revalorisation du RSA n’est pas la seule dépense supplémentaire non compensée pour 2025 : il y a aussi l’augmentation des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), l’extension du Ségur et le coût de la convention collective nationale unique. En incluant la revalorisation du RSA, l’ensemble atteint presque 1 milliard d’euros ! C’est absolument intenable pour les collectivités, dont les dotations sont, elles, gelées par rapport à l’inflation.
Alors, monsieur le ministre, comment comptez-vous rééquilibrer les relations financières entre l’État et les départements ? Comment allez-vous compenser cette nouvelle dépense qui leur incombe ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, INDEP et SER. – Mme Nicole Duranton applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice, vous n’ignorez pas que la dégradation de la situation financière des départements résulte de deux facteurs : la baisse des recettes tirées des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et la montée en charge des dépenses sociales. Personne ne le nie.
On ne peut pas pour autant oublier que l’État a entrepris de remédier à cette situation au moyen de plusieurs mesures.
Ainsi, d’abord, de la fusion progressive de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH).
Ensuite, le Gouvernement a garanti que le taux de couverture des dépenses des départements serait en 2025 équivalent à celui de 2024.
Enfin, le concours supplémentaire de 200 millions d’euros offert par le fonds de sauvegarde des départements a été reconduit en 2025 ; pour votre département de la Marne, cela représente un soutien, certes léger, de 4,1 millions d’euros.
Pour ce qui est de la revalorisation de 1,7 % du RSA à partir du 1er avril prochain, je voudrais relever que cette revalorisation – prévue par la loi, j’y insiste – représente un coût d’environ 70 millions d’euros. Je tiens en outre à signaler que la loi de finances pour 2025 permet désormais aux départements de faire face à cette dépense en augmentant le montant des DMTO, pour des recettes potentielles de 650 millions d’euros. Ainsi, le département de la Marne, où le produit des DMTO n’a baissé que très faiblement, de 6 %, pourra faire face à cette dépense.
Enfin, grâce au sénateur Sautarel, la loi de finances pour 2025 épargne à cinquante départements toute ponction sur leurs recettes de fonctionnement.
Tous ces éléments montrent que nous sommes très sensibles à la situation financière des départements. Nous y travaillons aussi dans le cadre de la préparation d’une conférence financière des territoires. (MM. François Patriat et Stéphane Sautarel applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour la réplique.
Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le ministre, l’augmentation des DMTO est nécessaire, mais elle permettra seulement d’absorber les dépenses antérieures non équilibrées. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP, Les Républicains et SER.)
Ainsi, l’État doit 70 millions d’euros au département de l’Yonne et près de 100 millions à la Marne.
Les départements constituent un échelon de proximité, qui assume des compétences de solidarité. Le débat ne porte pas sur l’opportunité de cette hausse du RSA ; l’enjeu est bien plutôt de compenser les dépenses des départements, qui sont à l’os ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, Les Républicains et SER.)
vaccination contre les méningocoques
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins et concerne les infections invasives à méningocoques.
Face à la recrudescence de ces infections, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié de nouvelles recommandations sur le rattrapage vaccinal. Il s’agit en effet d’infections transmissibles graves, comme les méningites ou les septicémies, dont l’issue peut être rapidement fatale.
À l’échelle nationale, le nombre d’infections recensées a été particulièrement élevé au mois de janvier 2025 : treize décès ont été relevés. Ce pic s’inscrit dans une continuité par rapport à 2024, où 615 cas d’infections invasives à méningocoques ont été déclarés, ce qui constitue le chiffre le plus important sur une année depuis 2010.
Si le traitement des infections invasives à méningocoques est une urgence, il existe des moyens de prévention et des vaccins efficaces.
Pour mémoire – je m’adresse au spécialiste que vous êtes, monsieur le ministre –, la vaccination contre le méningocoque C, obligatoire depuis 2018, est remplacée par celle contre les méningocoques ACWY, obligatoire pour les nourrissons jusqu’à douze mois depuis janvier 2025.
La vaccination contre le méningocoque B, déjà recommandée depuis 2022, est obligatoire pour les nourrissons jusqu’à l’âge de deux ans depuis janvier 2025.
La vaccination contre les méningocoques ACWY est également recommandée pour tous les adolescents âgés de 11 à 14 ans.
Cependant, la Haute Autorité de santé estime qu’il faut aller plus loin. Elle propose plusieurs schémas de rattrapage vaccinal.
Monsieur le ministre, vous êtes aussi médecin : que pensez-vous des recommandations de la Haute Autorité de santé ? Quelles leçons pensez-vous en tirer et, si oui, dans quels délais ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice Imbert, nous avons en effet assisté à une recrudescence des cas de méningite – près de 600 par an –, en particulier à un nombre important de décès – près de 60 depuis juillet dernier et 13 au mois de janvier.
Les remontées de terrain pointent des territoires où la situation est particulièrement inquiétante, comme Rennes et sa métropole : six cas de méningite de la même souche y ont été recensés, sans que des liens entre les personnes touchées puissent être établis.
Cela a conduit le Premier ministre et moi-même à prendre des mesures. Ainsi, depuis un mois, une campagne de vaccination a été lancée à Rennes et dans sa métropole ; d’ici quelques jours, 50 000 étudiants sur une cible de 100 000 auront déjà été vaccinés.
Parallèlement, dès le début du mois de février dernier, notamment à la suite du décès d’un enfant de trois ans dans la Drôme, j’ai réinterrogé la Haute Autorité de santé sur le calendrier vaccinal, une demande flash qui a abouti aux recommandations suivantes.
Alors que, depuis le 1er janvier, il est obligatoire de vacciner les nourrissons de toutes les souches de méningocoques, cette obligation est étendue aux enfants jusqu’à deux ans, avec un rattrapage jusqu’à trois ans.
À cela s’ajoute une recommandation de vaccination des adolescents. Une première phase de vaccination de rattrapage pour les jeunes de 11 à 14 ans sera lancée avec les services du ministère de l’éducation nationale. Il s’agira plus précisément d’une double vaccination contre les méningocoques et le papillomavirus, ce qui permettra l’éradication du cancer provoqué par cette dernière infection chez les jeunes garçons et les jeunes filles.
Enfin, la vaccination contre les méningocoques des jeunes de 15 à 24 ans est fortement recommandée.
En revanche, dans la mesure où les recommandations de la Haute Autorité de santé sont quelque peu complexes, dans un souci de bonne appropriation par les familles, nous proposerons, d’ici quelques semaines, une simplification du calendrier vaccinal.
Au pays de Pasteur, nous devons en effet réaffirmer l’importance de se vacciner. Ainsi, le 18 avril prochain, une grande conférence se tiendra,…
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. … associant l’ensemble de la communauté scientifique, pour lutter contre l’obscurantisme propagé sur les réseaux sociaux par les antivax. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.
Mme Corinne Imbert. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Je salue votre réactivité face à ce qui s’est passé à Rennes, puisque vous n’avez pas attendu les recommandations de la Haute Autorité de santé pour agir.
Par ailleurs, je partage votre avis sur la simplification du calendrier vaccinal : il est vrai que l’on s’y perd tous un peu. Si l’on veut que les familles y adhèrent, dans l’intérêt des enfants qu’il faut protéger des méningocoques, il faut simplifier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
politique de prévention et lutte contre les addictions
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Catherine Conconne. Nous faisons face à une submersion massive : voilà l’une des conclusions de l’excellent rapport de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, conduite par nos collègues Jérôme Durain et Étienne Blanc.
Certes, des mesures massives sont annoncées pour traquer plus efficacement ceux qui profitent outrageusement de ce commerce lucratif.
Mardi 18 mars dernier, dans le cadre de son voyage en Martinique, le ministre des outre-mer Manuel Valls a rappelé la position extrêmement préoccupante de nos territoires face au narcotrafic, parlant de « risque existentiel et d’effondrement de la Martinique face à la […] violence que porte le narcotrafic ». Il a assuré que « l’État ne laissera pas tomber la Martinique ».
Aujourd’hui, monsieur le ministre, la consommation de drogues cause des dégâts croissants dans notre société, avec son lot de souffrances pour des familles en détresse.
J’habite un territoire concerné par des saisies records de produits, qui voit aussi monter les effets d’une consommation préoccupante.
Les professionnels de la santé mentale, qui écopent à la main les effets dramatiques de cette submersion, sont dépassés. Même la Cour des comptes s’est récemment saisie du sujet et a formellement regretté que « la réponse sanitaire et médico-sociale se révèle insuffisante par manque de volontarisme et par défaut de ciblage des jeunes ». Près de la moitié des jeunes de 18 à 24 ans reconnaissent pourtant avoir consommé du cannabis.
Dès lors, que va faire le Gouvernement dans les délais les plus brefs pour être, enfin, réellement à la hauteur de la situation ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice Conconne, je vous remercie de poser cette question sur la situation dramatique de la drogue en France, en outre-mer.
En effet, les chiffres sont effroyables : 100 000 décès par an dus à la drogue, 60 000 étant liés à des cancers, notamment chez les jeunes. Et il ne faut pas oublier les conséquences de la consommation de drogue sur les fonctions supérieures.
On peut aussi ajouter, en métropole, mais aussi dans vos territoires, l’impact important de l’alcool et du tabac, car tout est lié. Je recevais d’ailleurs ce matin la Société française d’alcoologie.
Dans le cadre du plan Santé mentale, grande cause nationale 2025 pour le Premier ministre et son gouvernement, des mesures de tous types ont été prises.
Le ministre de l’intérieur a ainsi annoncé des mesures visant une tolérance zéro à l’égard du narcotrafic – vous l’avez soutenu et avez largement débattu ici même du sujet, mesdames, messieurs les sénateurs.
S’ajoutent à cela des mesures relatives à la prise en charge non seulement médicale, mais également psychologique. Surtout, des campagnes importantes seront menées, notamment en lien avec la Fédération française d’addictologie, dont le président est Amine Benyamina, que vous connaissez certainement, un éminent spécialiste de la question. Nous travaillons à lancer dans les meilleurs délais des campagnes de prévention à destination en particulier des jeunes, mais aussi des femmes enceintes.
Si la répression envers les narcotrafiquants est importante et nécessaire et passe par des dispositifs pénaux, car il faut une tolérance zéro, n’oublions pas que de nombreux consommateurs sont des patients qui ont besoin d’une prise en charge tant médicale que psychologique. Les deux axes doivent être combinés pour que l’action du Gouvernement soit complète. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour la réplique.
Mme Catherine Conconne. Monsieur le ministre, j’entends votre propos sur les mesures nécessaires, mais quand seront-elles prises ?
En effet, on en parle depuis très longtemps, mais, aujourd’hui, la prévention face aux addictions se limite à une petite journée par-ci, une affiche 4x3 par-là, un spot radio… Or nous sommes face à une humanité qui est en train de s’effondrer à cause de la drogue !
Il faut aujourd’hui des mesures extrêmement déterminées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
difficulté à obtenir le renouvellement des autorisations de production d’électricité pour les propriétaires de moulins et barrages
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)
Mme Béatrice Gosselin. Ma question s’adressait à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Il faut parfois plusieurs années pour renouveler d’usage d’une exploitation hydroélectrique qui fonctionne depuis longtemps !
Dans la Manche comme ailleurs, des propriétaires de moulins ou de petits barrages produisent une électricité locale, propre et renouvelable.
Leur engagement s’inscrit pleinement dans l’objectif que le Gouvernement a fixé, à savoir développer un mix énergétique diversifié, fondé sur les énergies renouvelables. Malgré cela, ces producteurs rencontrent de grandes difficultés pour obtenir le renouvellement de leur autorisation. Pour les demandes d’extension d’ouvrages, c’est la même chose.
Pourtant, nombre de ces équipements sont sous le régime juridique du droit fondé en titre, droit féodal qui n’est pas aboli. De longues démarches, des exigences surdimensionnées de l’administration du ministère de la transition écologique, notamment de l’Office français de la biodiversité, ont souvent pour conséquence l’arrêt de la production par manque de rentabilité. Les services déconcentrés du ministère font de la surenchère environnementale au détriment de la production ! (Assentiment sur des travées du groupe Les Républicains.)
La loi sur l’eau impose une gestion équilibrée entre les usages et la ressource. Pourtant, ce principe est trop souvent détourné par les administrations du ministère sans contrepoids institutionnel !
Cette instruction déséquilibrée est mal vécue sur le terrain : d’un côté, on incite à produire de l’énergie verte ; de l’autre, on décourage ceux qui le font déjà, et ce parfois depuis des décennies.
Dans ces conditions, comment faire en sorte que les services de l’État jouent enfin un rôle facilitateur dans la transition énergétique, au lieu d’en freiner les acteurs de proximité ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la sénatrice Béatrice Gosselin, l’hydroélectricité est la première source d’énergie renouvelable dans notre pays. C’est une source ancienne à laquelle nous sommes attachés et dont nous devons faciliter le développement. À ce titre, je rejoins beaucoup de vos observations.
Pour cela, nous allons travailler notamment avec les parlementaires. Ainsi, une mission d’information a été confiée à vos collègues de l’Assemblée nationale Philippe Bolo et Marie-Noëlle Battistel, afin de réfléchir à l’importante question des grands barrages. Vous savez que ceux-ci sont exposés à un certain nombre de risques juridiques que nous cherchons à analyser afin de maintenir cette production dans notre mix énergétique.
J’en viens aux autorisations nécessaires pour les petites installations, auxquelles nous sommes également attachés et qui jouent un rôle majeur. Il est vrai que les réglementations environnementales peuvent parfois ralentir les projets, en raison du fort impact écologique de ces barrages. Il faut tenir compte des nombreux usages de l’eau, comme l’irrigation bien sûr, mais aussi des milieux aquatiques et de la biodiversité… Tout cela doit être intégré.
Afin de faciliter l’octroi de ces autorisations, la loi Climat et Résilience (loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets) a institué un médiateur de l’hydroélectricité à titre expérimental, en Occitanie. La loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a étendu son rôle à toutes les régions du pays, de façon à faciliter les autorisations et l’installation de ces ouvrages.
Enfin, il est vrai que la rénovation des petites centrales pose encore des difficultés. C’est pourquoi le Gouvernement est en train de travailler à un soutien public spécifique permettant de répondre aux autres questions que vous avez soulevées.
Je vous remercie de votre attention sur ces questions essentielles. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour la réplique.
Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le ministre, j’entends votre propos, mais la production nationale d’hydroélectricité est de 12 térawattheures, ce qui n’est pas négligeable. Alors, de grâce, installez un médiateur si vous le voulez, mais permettez à ces gens de travailler : ils ne demandent qu’à produire. Quoi de mieux qu’une énergie locale et décarbonée ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
gouvernance d’edf (iii)
M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Daniel Fargeot. Monsieur le ministre, nous avons appris vendredi, par voie de presse, le remerciement de M. Luc Rémont, PDG d’EDF, un peu plus de deux ans après sa nomination.
Ce départ, survenu sans aucune communication officielle du Gouvernement, interroge à plus d’un titre, car il concerne une entreprise publique stratégique, au cœur de notre politique énergétique.
Il survient de surcroît à un moment charnière, marqué par deux dossiers structurants : les négociations sur les tarifs de l’électricité pour les industries électro-intensives et, surtout, le pilotage du programme nucléaire ambitieux engagé par la France.
Pendant ce temps, le chantier de Flamanville continue d’illustrer nos difficultés structurelles : un budget multiplié par quatre, dépassant les 13 milliards d’euros, et un nouveau report de sa mise en service à fin 2025.
Le départ précipité de Luc Rémont ne peut qu’interroger, non sur sa personne, mais sur ce qu’il révèle d’un possible malaise plus profond dans la conduite de notre stratégie nucléaire. Il donne le sentiment d’un cap encore incertain, d’une gouvernance de projet insuffisamment structurée et d’une stratégie étatique qui peine à s’affirmer.
Sans inflexion forte, la France risque de rester enfermée dans un pilotage fragmenté et inapte à répondre aux ambitions qu’elle s’est elle-même fixées.
Ce n’est peut-être pas qu’un simple changement de président. C’est une alerte stratégique.
Monsieur le ministre, quelles garanties pouvez-vous apporter quant à la stabilité de la gouvernance de l’entreprise et à la capacité de l’État à assumer, aux côtés de l’électricien, le pilotage du programme nucléaire, notamment les futurs réacteurs EPR2, sans reproduire les échecs du passé ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Daniel Fargeot, le mandat que nous donnerons à Bernard Fontana, si le Parlement l’autorise, comprendra deux axes essentiels.
Le premier axe est relatif à la politique de prix.
Nous avons déjà veillé, au début de l’année, à ce que les prix de l’électricité baissent de 15 % pour les Français. Nous allons continuer, en attendant la fin du dispositif d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), via un mécanisme favorisant la stabilité des prix. En effet, si les prix dépassent un certain seuil, une partie sera reversée aux consommateurs par EDF, grâce à un système de compensation.
Nous avons également souhaité qu’EDF propose des contrats permettant de faire bénéficier les grandes entreprises électro-intensives de la qualité, du prix, de la stabilité permis par les nouvelles centrales qui seront construites. Nous souhaitons que cette action commerciale soit accélérée dans les mois qui viennent. C’est au cœur du mandat qui est donné au futur président-directeur général d’EDF.
Le second axe concerne la construction des six EPR2 dont vous avez parlé.
Nous souhaitons que le devis soit stabilisé. Ce n’est pas encore le cas, mais nous y sommes presque. Si l’on va dans les détails, l’organisation est mise en place : la maîtrise d’œuvre, la maîtrise d’ouvrage et l’équipe d’ingénierie sont maintenant constituées. Il faut que cette gouvernance soit mieux structurée afin de livrer dans les délais prévus les six centrales voulues par le Gouvernement.
Nous allons suivre tout cela de très près. La nouvelle architecture du Gouvernement établie par le Premier ministre met sous l’autorité du ministère de l’économie et des finances l’ensemble des dimensions de ce dossier – actionnaire, énergie, grande entreprise –, afin d’assurer la cohérence de l’action de l’État dans la mise en place de ce programme.
Je puis vous assurer qu’à la suite des travaux réalisés dans les années précédentes – je ne reviens pas sur les réponses que j’ai déjà apportées – nous maintenons la direction qui a été fixée en novembre 2023 avec cette merveilleuse entreprise qu’est EDF. Je veux terminer en rendant hommage à l’ensemble des salariés de cette belle maison, qui sont si essentiels à notre pays. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour la réplique.
M. Daniel Fargeot. Monsieur le ministre, la trajectoire que vous mettez en lumière est encourageante, mais elle appelle une vigilance de chaque instant – et sans coupure. (Sourires.)
Nous resterons attentifs à ce que la relance nucléaire se traduise par des engagements stables, une gouvernance claire et des résultats tangibles, en particulier pour ce qui concerne les EPR. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 2 avril, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes.
Mme Isabelle Florennes. Lors du scrutin public n° 239 de la séance du 25 mars 2025, sur l’amendement n° 48 rectifié septies, Mme Jocelyne Antoine souhaitait voter contre.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.
5
Décès d’un ancien sénateur
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue François Trucy, qui fut sénateur du Var de 1986 à 2004.
6
Candidatures à deux commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes et de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
7
Communication d’avis sur des projets de nomination
Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des finances a émis un avis favorable, par quatorze voix pour et aucune voix contre, à la nomination de Mme Florence Peybernès aux fonctions de présidente de la Haute Autorité de l’audit et la commission des lois a émis un avis favorable, par quinze voix pour et une voix contre, à la nomination de M. Vincent Mazauric aux fonctions de président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
8
Candidatures à deux missions d’information
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf membres de la mission d’information sur le thème : « Faciliter l’accès aux services publics : restaurer le lien de confiance entre les administrations et les administrés » ; et des vingt-trois membres de la mission d’information sur le thème : « 10 ans après la loi NOTRe et la loi Maptam, quel bilan pour l’intercommunalité ? ».
En application de l’article 21, alinéa 3 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
9
Restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents (projet n° 343, texte de la commission n° 464, rapport n° 463).
Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus à l’article 4 bis.
Article 4 bis (nouveau)
Le code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 112-15 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, le placement peut se poursuivre après la majorité de l’intéressé, sur décision spécialement motivée du juge, lorsqu’il a été prononcé à l’égard d’un mineur pour la poursuite ou l’instruction des infractions à caractère terroriste mentionnées au 1° de l’article 421-1 et aux articles 421-2-1, 421-5 et 421-6 du code pénal ou des infractions commises en bande organisée. » ;
2° Après le 3° de l’article L. 331-1, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Si la peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans pour une infraction à caractère terroriste ou pour une infraction commise en bande organisée. » ;
3° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 331-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette durée est portée à deux ans pour la poursuite ou l’instruction des infractions à caractère terroriste et des infractions commises en bande organisée. » ;
4° Après l’article L. 333-1, il est inséré un article L. 333-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 333-1-1. – Le mineur âgé d’au moins treize ans peut être assigné à résidence avec surveillance électronique par le juge des enfants, le tribunal pour enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 137 et 142-5 à 142-13 du code de procédure pénale, lorsqu’il encourt une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans pour des infractions à caractère terroriste ou pour une infraction commise en bande organisée. Ces juridictions statuent après avis du service de la protection judiciaire de la jeunesse ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation si l’intéressé est majeur au moment de la décision.
« Il peut en outre être astreint aux obligations prévues aux 1° à 14° de l’article L. 331-2 du présent code.
« Les dispositions relatives au placement sous surveillance électronique mobile ne sont pas applicables. » ;
5° Après le 1° de l’article L. 334-4, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis S’il encourt une peine correctionnelle d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans pour une infraction à caractère terroriste ou pour une infraction commise en bande organisée ; »
6° Après l’article L. 433-5, il est inséré un article L. 433-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 433-5-1. – La durée totale de détention provisoire mentionnée au 1° de l’article L. 433-2 est portée à trois mois pour l’instruction des délits mentionnés à l’article 421-2-1 du code pénal ou des délits commis en bande organisée.
« La durée totale de détention provisoire mentionnée au 2° de l’article L. 433-2 du présent code est portée à un an pour l’instruction des crimes prévus au 1° de l’article 421-1 et aux articles 421-5 et 421-6 du code pénal, ainsi que pour les crimes commis en bande organisée. » ;
7° L’article L. 433-6 est ainsi modifié :
a) Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La durée totale de détention provisoire mentionnée au 1° de l’article L. 433-2 est portée à un an pour l’instruction des délits à caractère terroriste, à l’exception du délit mentionné à l’article 421-2-1 du code pénal, ainsi que des délits commis en bande organisée. » ;
b) Après le mot : « instruction », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « des délits mentionnés aux articles 421-2-1 et 421-2-6 du code pénal et des délits commis en bande organisée. » ;
c) Le second alinéa est complété par les mots : « et pour l’instruction des crimes commis en bande organisée ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 47 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 54 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 47.
M. Ian Brossat. Cet amendement vise à supprimer cet article, qui assimile les enfants de moins de 16 ans à des majeurs lorsque l’infraction est grave.
Pour nous, un enfant de 13 ans, par exemple, ne peut pas être considéré comme un adulte. Nous nous opposons à ce qu’un enfant soit placé en détention provisoire. Nous nous opposons à ce qu’un enfant soit placé sous surveillance électronique avec assignation à résidence. Nous nous opposons, enfin, à ce qu’un enfant soit placé en centre éducatif fermé (CEF) pour une durée de deux ans.
Comment ne pas imaginer les conséquences de telles mesures pour des enfants ? Et comment ne pas saisir que celles-ci seraient contre-productives pour eux, dont la maturité et le discernement ne peuvent être assimilés à ceux des adultes ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 54.
M. Guy Benarroche. Hier, tout au long de la soirée, je me suis félicité du travail du rapporteur, et je me désolais de voir que les arguments, pourtant bien étayés, qu’il avançait, n’aient pas été entendus par la majorité sénatoriale et par le Gouvernement.
Ian Brossat l’a rappelé, cet article 4 bis a pour objet d’aggraver la procédure et le régime de détention provisoire applicables aux mineurs de 13 à 16 ans ayant commis des infractions en bande organisée ou des infractions en lien avec le terrorisme.
Pour avoir été un membre actif de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, je peux vous dire que les mineurs qui sont enrôlés dans les réseaux entre 13 et 16 ans sont des délinquants, bien entendu, mais aussi les victimes des trafiquants – vous le savez bien. Ils peuvent très facilement tomber dans la radicalisation, en ce qui concerne le terrorisme, ou dans le narcotrafic, en ce qui concerne les stupéfiants.
Il ne faut pas nier le caractère systémique des causes de la délinquance juvénile. Les jeunes qui font partie de réseaux de narcotrafic sont confrontés au quotidien à des problèmes de déscolarisation, de précarité, de dette, de rejet parental, de mal-logement, de défaillance éducative, et à l’absence de perspectives sociales et professionnelles.
Au lieu de renforcer les mesures répressives à l’égard de ces mineurs et d’allonger pour eux la détention provisoire, il serait plus adapté de prévoir une politique d’accompagnement. À l’heure où le plan social pour une réconciliation nationale n’est plus mis en œuvre, il convient de s’interroger sur les perspectives d’avenir pour ces personnes vulnérables. Nous savons bien que les réseaux vont chercher les personnes les plus précaires, et notamment, aussi, les jeunes majeurs sortis de l’aide sociale à l’enfance (ASE), qui sont également des cibles de choix.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il est clair que cet article concerne des cas exceptionnels, une minorité de jeunes très dangereux. Ces dispositions ont été votées par le Sénat, je le rappelle, lors de l’examen de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, déposée par François-Noël Buffet. Nous sommes face à des personnes qui, quoique très jeunes, ont entrepris une démarche de radicalisation, et qui doivent donc faire l’objet d’une surveillance renforcée.
J’ai eu à plaider pour la famille du père Hamel. L’un des assassins était un mineur qui avait été placé sous contrôle judiciaire et portait un bracelet électronique, sur lequel la surveillance s’était relâchée.
Ces mesures ne concerneront, je le reconnais et le redis, qu’un nombre très restreint de mineurs, mais elles sont nécessaires compte tenu de la spécificité du crime de terrorisme et du crime en bande organisée. La procédure pénale est toujours une affaire de proportion, mais, en l’espèce, nous en sommes à un stade où, malheureusement, nous avons dépassé le cadre de la prévention et de la réinsertion du mineur : nous en sommes à l’obligation de surveillance, pour la sûreté et la sécurité.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je comprends bien votre explication, monsieur le rapporteur. Mais en ce qui concerne le narcotrafic, l’ensemble du travail, transpartisan, de la commission d’enquête, ainsi que les auditions menées en préparation de l’examen de la présente proposition de loi, ont montré que, si ces jeunes sont effectivement des délinquants, ils sont aussi les premières victimes, des victimes choisies, ciblées parce qu’en situation précaire.
Et quand je parle de situation précaire, il s’agit d’une précarité croissante : cela touche des enfants de plus en plus jeunes, qui peuvent être des mineurs non accompagnés (MNA), des personnes sans papiers ou vivant dans la rue. Et, sincèrement, d’après ce que nous avons pu observer dans le cadre de la commission d’enquête, je ne crois pas que l’aggravation de leur surveillance ou le fait de les placer sous un contrôle accru puisse résoudre le problème auquel nous faisons face.
Ces jeunes sont remplaçables à souhait, en effet. Ceux qui deviennent trop dangereux ou trop surveillés sont exfiltrés du réseau, qu’ils ont parfois rejoint contre leur gré. Au départ, il y a peut-être l’attrait de l’argent facile. Mais très vite, cela bascule vers la menace, voire des violences physiques, et dans certains cas, cela peut aller jusqu’à l’homicide. Le même jeune, une fois entré dans ce cycle, devient une cible potentielle du réseau. La solution, au-delà de toutes les actions préventives que nous devons renforcer en amont, réside davantage dans l’exfiltration de ces jeunes des réseaux qui les exploitent que dans leur mise sous surveillance permanente dans l’attente d’un éventuel jugement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Szpiner, rapporteur. Je pense exactement le contraire. Cet article répond d’ailleurs à une recommandation de la commission d’enquête. Certaines mesures coercitives et de surveillance constituent une protection pour le mineur vis-à-vis des bandes.
Si vous le laissez dans la nature, dans le meilleur des cas, il continue, et il continue à être exploité par les organisations criminelles. Une sanction ou une mesure de surveillance, c’est aussi, j’y insiste, une protection pour le mineur.
Je m’en tiens donc à l’avis défavorable exprimé sur ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 et 54.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4 bis.
(L’article 4 bis est adopté.)
Après l’article 4 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 50 rectifié septies, présenté par Mmes Carrère-Gée et Belrhiti, MM. Bruyen, Burgoa et Daubresse, Mmes Dumont, Evren et Garnier, M. Karoutchi, Mmes Lassarade et Lavarde, MM. Lefèvre et H. Leroy, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Naturel, Reynaud et Anglars, Mmes Gruny, Imbert et P. Martin, M. Panunzi, Mme Puissat, MM. Sol, Saury, Rojouan, P. Vidal, Somon et Delia, Mmes Bellurot et Ciuntu, MM. Husson et Paccaud, Mmes Valente Le Hir et Josende, MM. Meignen et Rapin, Mme Berthet, MM. Brisson et Sido et Mme Aeschlimann, est ainsi libellé :
Après l’article 4 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L.121-2 du code de la justice pénale des mineurs, il est inséré un article L.121-2-… ainsi rédigé :
« Art. L.121-2-…. – Par dérogation à la seconde phrase du premier alinéa de l’article 132-19 du code pénal, le tribunal pour enfants peut prononcer une peine d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois afin de réaliser dans le même temps une évaluation socio-psychologique du mineur, de mettre en place de premières mesures éducatives et de le protéger sans délai contre un risque d’entrée dans la délinquance. Le tribunal se prononce par une décision spécialement motivée qui mentionne notamment les facteurs constitutifs du risque précité.
« Le tribunal peut, à défaut de prononcer une peine d’emprisonnement, prononcer un placement du mineur pour la même durée et les mêmes motifs dans un centre mentionné à l’article L.113-7.
« Au regard de sa très courte durée, la peine mentionnée au premier alinéa ne peut être aménagée. »
La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Cet amendement vise à autoriser le juge, lorsque la gravité des faits et la personnalité du mineur peuvent le rendre utile, à prononcer d’ultracourtes peines d’emprisonnement ou le placement dans un CEF.
La refonte du droit des peines opérée par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dite loi Belloubet, a interdit le prononcé de peines inférieures ou égales à un mois. Cette contrainte, appliquée systématiquement aux mineurs, assujettit malheureusement leur régime pénal à celui des majeurs et le prive de sa spécificité.
En empêchant le juge de proportionner la peine à de toutes premières fautes commises par le mineur, cette réforme prive la justice, en pratique, de toute possibilité de sanction dans de très nombreux cas de délinquance ordinaire. Une justice qui ne peut pas du tout punir, c’est la porte ouverte à l’escalade délinquante, cela peut être la voie toute tracée vers de futures longues ou très longues peines, les faits commis étant de plus en plus graves.
Pouvoir prononcer d’ultracourtes peines renforcerait le principe d’individualisation de la peine. Pour certains mineurs, une ultracourte peine, c’est une mesure protectrice qui permet de les soustraire à un environnement criminogène, mais aussi – et c’est essentiel pour les mineurs – de réaliser une évaluation approfondie de leur situation personnelle et de mettre en place, sans attendre, des mesures éducatives.
En effet, un bref passage en prison ou dans un CEF pourra donner la possibilité d’évaluer l’ensemble des problématiques sous-jacentes auxquelles le mineur est confronté. Est-il en danger ? Présente-t-il des troubles médicaux ou psychologiques nécessitant une prise en charge ? Est-il victime de chantage, de violence parentale ou d’une influence délétère dans son environnement ?
Il est donc souhaitable de confier au juge la possibilité, s’il l’estime utile, de prononcer de courtes et ultracourtes peines, par une décision spéciale et motivée, afin de garantir une justice adaptée aux besoins des mineurs comme à la gravité des faits commis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. Voyons concrètement comment cela pourrait se dérouler, si vous le permettez, ma chère collègue.
Prenons le cas d’une situation qualifiée de « très grave », bien que cette notion reste floue. Supposons qu’un mineur soit présenté devant le juge. Deux options se dessinent : soit il s’agit d’une comparution immédiate, et le juge prononce une peine d’un mois de prison ; soit il n’y a pas d’audience immédiate, et il y a une césure. Dans ce dernier cas, quelques mois s’écoulent, des enquêtes sont menées pour approfondir la situation, et ensuite seulement le juge pourrait prononcer une courte peine.
Mais cela pose un problème majeur : les courtes peines de prison sont interdites par le code pénal, et cette interdiction s’applique indistinctement aux majeurs et aux mineurs. Il ne serait pas constitutionnellement possible – les cavaliers législatifs sont interdits –, au travers de cet amendement à une proposition de loi sur la justice des mineurs, d’introduire une différenciation des peines entre majeurs et mineurs. Ce serait d’ailleurs au détriment des mineurs, qui se retrouveraient dans une situation aggravée par rapport aux adultes, puisqu’un majeur ne peut pas faire l’objet d’une courte peine.
Par ailleurs, une fois la peine prononcée, le juge perdrait toute latitude pour mettre en œuvre des mesures éducatives ou procéder à une évaluation. Il ne pourrait intervenir que dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve, un dispositif qui existe déjà.
Pour toutes ces raisons, à la fois pratiques et constitutionnelles, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Le Sénat a constitué une mission d’information sur l’exécution des peines, confiée à Elsa Schalck, Dominique Vérien et Laurence Harribey, dont les conclusions n’ont pas encore été rendues. Comme je l’ai déjà souligné, si l’on souhaite aborder les problèmes liés à la justice des mineurs, il faut le faire de manière globale, en prenant en compte aussi bien les procédures que l’exécution des peines.
En tentant de greffer cette mesure sur une proposition de loi qui reste limitée dans sa portée, on encourt un risque d’inconstitutionnalité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice. Je partage en grande partie l’analyse de M. le rapporteur. La question des courtes peines se pose en effet, qu’il s’agisse des mineurs ou des majeurs, madame la sénatrice. Ce que vous évoquez ici, ce sont d’ultracourtes peines, ce qui relève d’un débat encore différent. Actuellement, ce type de peines n’existe pas dans notre système, mais cela résulte d’une volonté collective. En effet, depuis des décennies, quels que soient les gouvernements ou les majorités, avec Rachida Dati, Christiane Taubira ou Nicole Belloubet, des dispositions ont été adoptées pour empêcher les courtes peines.
Faut-il réintroduire des peines très courtes, d’une semaine, quinze jours, trois semaines, un mois ? Cela mérite réflexion. Notre système actuel fonctionne-t-il bien ? Non, il ne fonctionne pas de manière optimale. Les récidives sont nombreuses, et nous devons repenser nos approches en matière d’incarcération.
Mais un système comportant d’ultracourtes peines fonctionne-t-il mieux ? On ne le sait pas. L’exemple le plus souvent cité est celui des Pays-Bas. Je m’y suis donc intéressé de près. Le pays ne compte que 9 000 détenus, ce qui est différent de la situation en France. De plus, un tiers des sanctions y consiste en des travaux d’intérêt général (TIG) ab initio, alors que, en France, la proportion est inférieure à 3 %, si ma mémoire est bonne. Depuis trois mois, j’ai également lu toute la littérature sur ce modèle néerlandais. Or ce que l’on y observe est loin d’être concluant : les résultats sont partagés, voire plutôt négatifs.
Je ne fais pas partie de ceux qui balaient d’un revers de main la question des courtes peines, mais il faut reconnaître qu’il n’est pas évident qu’elles soient réellement efficaces. Ce point doit donc être étudié sérieusement. D’ailleurs, une proposition de loi visant à faire exécuter les peines d’emprisonnement ferme a été déposée à l’Assemblée nationale par Loïc Kervran. Portée par le groupe Horizons & Indépendants, elle doit y être examinée la semaine prochaine. Peut-être arrivera-t-elle ensuite au Sénat, ce qui nous permettra de rouvrir ce débat.
Mais, à ce stade, il ne me semble pas opportun de trancher la question des courtes peines lors de l’examen d’un texte qui ne concerne que les mineurs. Si l’on doit ouvrir cette réflexion, il faudrait le faire de manière plus large, en envisageant une réforme touchant aussi les majeurs.
Un autre problème, si votre amendement était adopté, madame la sénatrice, serait celui des capacités d’accueil de ces mineurs condamnés à quelques jours, quelques semaines, un mois d’emprisonnement. À mon arrivée au ministère, le nombre de places en CEF était de 650, et ceux-ci ont un taux d’occupation de 70 % ou 80 %. Nous allons inaugurer quatre nouveaux centres cette année, et une quinzaine d’autres d’ici à 2027, mais ces centres accueillent chacun seulement douze jeunes. Ce n’est pas la maille qui nous permettra d’absorber un afflux supplémentaire – votre amendement prévoyant soit l’incarcération en prison soit le placement en CEF.
Quant aux prisons pour mineurs, elles sont elles aussi quasiment saturées. J’espère que cette proposition de loi sera adoptée, mais il serait malhonnête de ma part de prétendre que nous pourrions appliquer votre proposition immédiatement. Si cet amendement était adopté, nous n’aurions pas les moyens matériels de le mettre en œuvre.
Je voudrais dire à l’ensemble des parlementaires ici présents que très peu d’élus, courageux, acceptent ou réclament la création de lieux de détention sur leur territoire, y compris des CEF pour mineurs. En réalité, la plupart des élus, quelle que soit leur appartenance politique – qu’ils soient de la majorité, de l’extrême droite, de la gauche ou de l’extrême gauche – signent des pétitions pour éviter l’implantation de tels centres sur leur territoire.
Donc, avec ce type d’amendement, j’aimerais que l’on me propose aussi des lieux où l’on pourrait installer des structures pour accueillir ces mineurs. À l’heure actuelle, je n’en ai pas. Je le dis franchement, et je le regrette personnellement. Mais en l’état, si nous voulons faire correctement la loi, je ne vois pas où nous pourrions incarcérer des mineurs condamnés à des peines d’un mois.
Par ailleurs, les mineurs qui se retrouvent en prison y sont souvent pour des faits criminels.
M. Francis Szpiner, rapporteur. C’est de la préventive…
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Imaginons toutefois qu’ils y soient placés pour des délits : dans la majorité des cas, cela relève de la détention provisoire, en effet, pour une durée moyenne de quatre mois.
Cela signifie qu’il y a beaucoup de mineurs qui purgent des peines inférieures à quatre mois. Et d’ailleurs, il suffit de visiter, comme vous le faites en tant que parlementaires, des établissements de détention pour mineurs. Vous y verrez de jeunes détenus pour des périodes de trois semaines, un mois, un mois et demi, deux mois, avant d’être éventuellement transférés en CEF.
Selon un chiffre qui date de 2011, 75 % des mineurs incarcérés récidivent après leur libération. Cela révèle, d’ailleurs, un autre problème majeur du ministère de la justice : l’absence d’évaluations suffisantes sur l’efficacité des incarcérations, la récidive et l’impact des peines. C’est une difficulté que je vais tenter de résoudre.
C’est un fait : pour les mineurs, la prison n’est pas quelque chose qui leur apprend la vie. Au contraire, elle semble plutôt les pousser vers la délinquance. J’ai d’ailleurs commandé un rapport sur les CEF, que je suis prêt à communiquer à votre commission des lois, comme je l’ai indiqué à la présidente Jourda. Ceux-ci peuvent avoir des effets positifs, à condition que les jeunes y soient bien encadrés, que les centres soient bien dirigés, et qu’ils disposent d’agents de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) bien formés. Mais ce n’est pas non plus une réussite absolue.
Même dans ces centres, l’organisation n’est pas optimale. Ainsi, un mineur placé en CEF n’a accès qu’à huit heures de cours par semaine, soit quatre fois moins que ce qu’il recevrait dans le cadre de l’éducation nationale. De plus, il n’existe pas de statut spécifique pour les enseignants intervenant dans ces centres. Si un mineur est placé en CEF en mai, il ne bénéficiera souvent d’aucun cours avant septembre, et ce alors qu’un séjour en CEF est en général limité à six mois, renouvelables, mais rarement prolongés. En résumé, que ce soit en prison ou en CEF, notre organisation collective est loin d’être optimale.
Pour toutes ces raisons, même si le débat sur les courtes ou ultracourtes peines est intéressant, je ne peux pas émettre un avis favorable sur cet amendement.
D’abord, parce que, concrètement, je le redis, je ne saurais pas où placer ces mineurs.
Ensuite, comme l’a rappelé très justement M. le rapporteur, parce qu’une telle mesure poserait sans doute un problème de constitutionnalité. Et surtout, il me semble absurde d’introduire de courtes peines uniquement pour les mineurs, sans les étendre aux adultes, alors que le sujet mérite un débat plus large.
Enfin, parce que nous voyons bien que le véritable défi réside dans la prévention de la récidive. Ce texte prévoit d’ailleurs des sanctions immédiates si l’assistance éducative n’est pas respectée, ce qui est un point essentiel. Car aujourd’hui, l’un des problèmes est que, en cas de non-respect de l’assistance éducative, aucune sanction n’existe. Ce qui doit être instauré, c’est un mécanisme dans lequel assistance éducative et sanction seraient liées. Si l’assistance éducative est refusée, alors des mesures comme le placement en CEF, la privation de liberté ou encore un couvre-feu doivent s’appliquer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.
Mme Laurence Harribey. Je souscris entièrement aux propos du rapporteur sur le plan juridique, ainsi qu’à ceux de M. le garde des sceaux concernant l’expérience que nous tirons des CEF et la problématique des très courtes peines.
Nous menons effectivement un travail sur ce sujet, avec mes collègues Elsa Schalck et Dominique Vérien, mais nous n’en sommes encore qu’au début de nos auditions.
Ce qui en ressort déjà, c’est que personne n’est véritablement d’accord sur la question des ultracourtes peines, et que leur efficacité est douteuse, notamment pour les mineurs. D’une part, il faudrait envisager un alignement avec les adultes. D’autre part, chez les mineurs, ces peines très courtes semblent empêcher un véritable travail de prise en charge. Tous les professionnels que nous avons entendus s’accordent à dire que pour qu’un suivi puisse réellement commencer dans un CEF il faut au moins six mois.
La seule justification possible pour des peines ultracourtes serait l’idée d’un choc carcéral. Mais, sur ce point également, de nombreuses réserves ont été exprimées. Nous allons d’ailleurs nous rendre aux Pays-Bas pour étudier ces questions.
En tout état de cause, comme l’a souligné M. le rapporteur, cette question des courtes peines doit être envisagée de manière beaucoup plus globale. Si nous décidions de mettre en place ce type de mesures, il faudra impérativement qu’elles s’inscrivent dans un véritable processus d’accompagnement. Et ces peines ultracourtes ne résoudront pas, à elles seules, les difficultés que rencontrent les CEF.
Le rapport de la Cour des comptes est très critique sur ces établissements, dont le coût est, par ailleurs, élevé, monsieur le garde des sceaux.
Mme Laurence Harribey. Ces structures sont loin d’être une solution évidente et, si leur efficacité reste à prouver, il serait peut-être préférable d’envisager des dispositifs alternatifs.
Nous ne voterons donc pas cet amendement ; je demande à ma collègue Marie-Claire Carrère-Gée de nous laisser le temps de travailler sur ces questions, afin d’élaborer une vision plus globale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Je tiens à exprimer mon soutien à cet amendement présenté par notre collègue Marie-Claire Carrère-Gée. Je pense que c’est un amendement pertinent.
Certes, le dispositif des ultracourtes peines n’est pas la panacée, mais il a au moins le mérite de soulever une problématique importante : il faut mettre une butée, à un moment donné, à des actes déviants ou délinquants répétés. Il arrive qu’un mineur en situation de perdition accumule un certain nombre de comportements problématiques, sans que ces derniers soient réprimés de manière adéquate. Lorsqu’il finit par être enfermé, c’est souvent dans des conditions qui n’offrent pas forcément des perspectives positives.
Je souhaiterais par ailleurs dire à M. le ministre d’État que je suis quelque peu embarrassée par la façon dont il prend les choses, et par son argument selon lequel on ne sait pas où placer ces jeunes. J’entends bien qu’il y a une difficulté matérielle et logistique à les accueillir dans de bonnes conditions. Mais cela ne devrait pas nous empêcher d’étudier sérieusement cette option.
J’aimerais également rappeler que l’enjeu principal ne réside pas uniquement dans la question de l’enfermement. Ce qui importe, c’est la qualité de l’accompagnement éducatif qui est proposé à ces jeunes. À mon sens, plus nous intervenons tôt, plus nous leur offrons rapidement un dispositif éducatif en parallèle, même dans le cadre d’une peine ultracourte, et plus nous augmentons nos chances de les amener à prendre conscience de la gravité et de l’illégalité de leur comportement. L’objectif, bien sûr, est de les accompagner vers le droit chemin.
Cette solution n’est pas parfaite, sans doute. Mais force est de constater que les solutions actuellement en place ne donnent pas de meilleurs résultats. Comme l’a justement rappelé M. le ministre d’État, les CEF présentent également leurs limites, notamment en raison d’un nombre insuffisant d’heures de formation. Autrement dit, les dispositifs actuels ne sont pas non plus pleinement satisfaisants. Dans ces conditions, pourquoi ne pas essayer une autre voie ? C’est dans cet esprit que je remercie notre collègue pour cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.
M. Akli Mellouli. Ma collègue Laurence Harribey a déjà avancé un certain nombre d’arguments contre cet amendement. Pour ma part, je tiens à revenir sur une contradiction.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez évoqué le modèle hollandais, ce qui est effectivement une bonne idée, car ce pays mise beaucoup sur les peines alternatives. Si cela pouvait nous inspirer, notamment en ce qui concerne le développement du TIG, aussi bien pour les jeunes que pour les adultes, ce serait une piste intéressante pour l’avenir.
Cependant, vous nous dites ici qu’on ne peut pas faire une exception pour les mineurs parce qu’il faudrait aligner les dispositifs sur ceux des adultes. Le rapporteur a raison sur ce point. Comme il n’existe pas de solution parfaite, vous parlez, madame Aeschlimann, de tenter l’expérience avec eux, comme si cela n’avait pas d’importance. Sauf que nous parlons ici de vies humaines. Si la prison formait les citoyens de demain, cela se saurait ! Si les CEF fonctionnaient correctement, cela se saurait aussi.
Plutôt que d’améliorer ces dispositifs pour qu’ils fonctionnent réellement, ou de miser davantage sur des alternatives éducatives et préventives, on se réfugie dans le tout-répressif. Ce débat montre que nous sommes enfermés dans un dogme, et non dans une réflexion de fond qui pourrait faire avancer les choses.
Nous savons tous que cette solution n’apportera rien de concret. Tous les éducateurs le disent, les professionnels de l’administration pénitentiaire aussi. Lorsque l’on visite les prisons pour mineurs, ce qui frappe, c’est surtout l’absence de suivi. La vraie question, ce n’est pas de savoir comment les enfermer, mais dans quelles conditions ils vont sortir. Voilà ce sur quoi nous devrions nous concentrer ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Si une solution n’est pas prête, si elle n’est pas pensée en profondeur, alors ne l’appliquons pas. Nous ne sommes pas ici pour jouer aux apprentis sorciers. Nous sommes là pour élaborer des dispositifs qui transforment réellement notre société. Les difficultés existent, mais elles sont aussi d’ordre social. Et si nous ne prenons pas ces aspects en compte, si nous restons dans une logique dogmatique, alors ce texte ne sera qu’une énième loi, qui ne réglera pas les vrais problèmes. Et cela fera monter les fachos, qui auront beau jeu de dire que nous n’allons pas assez loin ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Mes chers collègues, je ne sais pas trop comment il faudrait qu’un certain nombre de choses vous soient dites. Le ministre de la justice a été ministre de l’intérieur, et il parvient bien, dans sa réflexion, à associer ses fonctions intérieures à sa fonction actuelle. Or il nous dit qu’il ne saurait pas comment faire. On ne peut pas soupçonner le ministre de la justice actuel d’être un opposant politique à votre camp. On ne peut pas le soupçonner de vous lâcher toujours en pleine campagne quand vous proposez des mesures qui correspondent à votre philosophie de la politique pénale, carcérale et sécuritaire…
Mme Laurence Rossignol. Lorsque le rapporteur vous dit que votre mesure n’est pas applicable, vous ne l’entendez pas non plus. L’une de nos collègues a dit : « Peut-être, mais cela permet de poser le problème. » Soyons sérieux !
Nous sommes ici non pas pour voter des propositions de loi « proclamatoires » ou pour engager un débat de société, mais pour réformer le code pénal. De plus, le problème du traitement des mineurs délinquants est clairement posé et nous cherchons des solutions.
Madame Aeschlimann, vous qui réclamez des dispositions supplémentaires, savez-vous combien de mesures éducatives sont en attente ? Savez-vous que certains des mineurs auteurs impliqués dans les drames que vous évoquez attendaient de voir un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse depuis six mois ? Ils n’en ont pas vu, car plus de 4 000 mesures éducatives sont en attente aujourd’hui !
La solution exclusivement carcérale que vous proposez reviendrait à prendre acte de l’état, que nous déplorons tous, de la protection judiciaire de la jeunesse. Elle ne ferait que dégrader plus encore la prise en charge des mineurs auteurs.
Croyez-nous, nous sommes tout autant que vous préoccupés par le sort de ces jeunes et par les problèmes qu’ils posent à la société. Il n’y a pas vous d’un côté, qui vous préoccupez de la sécurité publique, et nous de l’autre, qui ne nous intéresserions qu’aux enfants.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Nous n’avons pas de leçons à recevoir !
Mme Laurence Rossignol. Nous en recevons tous les jours !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour explication de vote.
M. Marc-Philippe Daubresse. Mes chers collègues, nous allons évidemment maintenir et voter cet amendement.
J’ai évoqué hier un cas concret. En tant que maire – je l’ai été pendant vingt-neuf ans – j’ai mis en place – chacun pourra le vérifier –, avec des collègues de différents mouvements politiques d’ailleurs, des politiques de prévention très importantes.
J’ai constaté à maintes reprises, et sous plusieurs gouvernements, qu’il y avait un gros problème. Bien sûr que, pour les mineurs, il faut privilégier les mesures éducatives plutôt que la répression. Le problème, c’est que les politiques prévoyant des mesures éducatives destinées à prévenir les risques de récidive ou de multirécidive ne fonctionnent pas.
Certes, on pourrait discuter de la question des moyens, mais c’est un autre sujet.
M. Francis Szpiner, rapporteur. C’est tout de même un sujet.
M. Marc-Philippe Daubresse. Revenons sur le cas du jeune que j’ai évoqué hier. Il a commencé à faire du trafic de drogue à l’âge de 14 ou 15 ans – aujourd’hui, il débuterait sans doute dès 12 ou 13 ans – ; il gangrène un quartier, est pris dans un engrenage et commet des cambriolages, des car-jackings et des home-jackings en série. Trente-cinq fois de suite, il est pris en flagrant délit et rappelé à l’ordre. Trente-cinq fois, on lui a dit : « Tu ne dois plus le faire, mon petit ! » (Mais non ! sur des travées du groupe SER.).
M. Guy Benarroche. C’est une fable !
M. Marc-Philippe Daubresse. Quelles mesures éducatives et préventives sont prises pour accompagner ce rappel à l’ordre ?
La trente-sixième fois, ce jeune est condamné à un séjour en centre éducatif fermé. Il sort du tribunal tranquillement, en disant : « De toute manière, j’en ai rien à faire ! » Après cela, on ne l’a plus revu pendant quinze jours.
Lorsqu’il a atteint ses dix-huit ans, il est de nouveau passé au tribunal, qui l’a condamné à juste titre à une peine d’emprisonnement. Il a passé un an et demi en prison, ce qui n’est pas une courte peine, mais le fait est qu’on ne l’a plus revu faire du trafic dans le quartier.
Je ne dis pas que les courtes peines marchent ou qu’elles ne marchent pas, je dis qu’il faut tester cette forme de répression, qui doit être, je suis d’accord, assortie d’une mesure éducative. (Mme Laurence Rossignol s’exclame.)
Je le répète : nous maintiendrons cet amendement et nous le voterons.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Nous sommes tous d’accord, me semble-t-il, pour que l’on applique des sanctions aux mineurs.
Mme Laurence Rossignol. Mais bien sûr !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Il ne m’a pas semblé qu’il y avait un désaccord sur ce point, que ce soit lors de nos débats sur la proposition de loi initiale ou de ceux sur la proposition de loi telle qu’elle a été modifiée par M. le rapporteur.
À la question de savoir si la politique pénale visant à prévenir la violence des mineurs fonctionne, la réponse est non. Vous avez parfaitement raison sur ce point, et je suis le premier à le dire. (Exclamations.) Je ne vais tout de même pas me faire traiter de gauchiste au Sénat !
Mme Marie-Do Aeschlimann. Mais non !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Ce serait très particulier. (Sourires.)
J’ai moi-même été maire, monsieur Daubresse – même si j’ai moins d’expérience que vous –, d’une commune dont vous connaissez les difficultés. J’ai réfléchi également à ce qui conduit des mineurs, quel que soit leur âge, vers une forme de délinquance extrêmement violente. Aussi, je me demande si une incarcération ou un séjour d’un mois dans un centre éducatif fermé sont vraiment des solutions, compte tenu du fonctionnement actuel de ces établissements.
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous n’avez donc pas la réponse !
Mme Laurence Rossignol. C’est une bonne question !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Madame Aeschlimann, en tant que chef d’une administration, mon travail sera de veiller, si cette loi est votée, à ce qu’elle soit appliquée. Constitutionnellement, je suis en effet chargé de l’application des lois de la République.
Or l’amendement que vous vous apprêtez à voter est inapplicable ; la faute à qui ?
Depuis Albin Chalandon – excellent député du Nord, monsieur le sénateur du Nord ! –, on s’y prend très mal en France pour construire des prisons.
M. Marc-Philippe Daubresse. C’était en 1986, monsieur le ministre.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. En effet. Ce siècle avait quatre ans puisque je suis né en 1982 ! Cela ne vous aura pas échappé… (Sourires.)
Depuis lors, on n’a pas construit, quel que soit le Gouvernement, de places de prison en grand nombre. C’est bien qu’il y a une raison. Au ministère de la justice – et je le déplore –, on met sept ans pour construire une prison.
Je suis prêt à discuter des courtes peines, même si je ne dispose d’aucune documentation scientifique sur ce sujet. Je constate d’ailleurs que vous n’en citez pas non plus. Toutefois, avant d’envisager d’incarcérer des mineurs dans des lieux privatifs de liberté extrêmement difficiles – encore une fois, je n’écarte pas cette option, j’indique simplement que j’ignore si elle fonctionne –, il faut savoir que les prisons sont déjà pleines de gens placés en détention provisoire, notamment en matière criminelle.
Que voulez-vous que je fasse ? Que je sorte ces personnes de prison pour y mettre à leur place de jeunes délinquants condamnés à de courtes peines ? Voulez-vous que nous sortions des mineurs du système éducatif pour les placer en centre de détention ou dans des centres éducatifs fermés ?
Je l’ai dit tout à l’heure, mais vous ne m’écoutiez pas, que ces jeunes ont huit heures de cours par semaine, soit cinq fois moins qu’à l’école. Un gamin qui serait incarcéré au mois de mai pour les motifs que vous évoquez n’aurait pas cours, car il n’y a pas de professeurs dans les prisons entre le mois de mai et le mois d’octobre.
M. Marc-Philippe Daubresse. Il faut changer tout cela !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Bien sûr qu’il faut changer tout cela, mais je ne suis en poste que depuis trois mois !
Le fait est qu’il n’existe pas de statut du professeur en centre de détention. Alors le temps qu’on en crée un… Si on voulait construire des choses ensemble, on pourrait prévoir dans le texte une date d’entrée en vigueur d’un tel statut, essayer de comprendre les problèmes auxquels je fais face, qui sont les nôtres à tous.
Avec cette proposition de loi, vous cherchez à remédier aux défaillances de l’existant, mais le texte voté par l’Assemblée nationale apporte de nombreuses réponses aux problèmes que vous soulevez, monsieur le sénateur Daubresse.
Prenons le cas d’un gamin impliqué dans un trafic de drogue dans la commune de Tourcoing ou de Lambersart, qui serait interpellé et présenté à la justice. Imaginons que, dans un premier temps, une mesure éducative soit prononcée. Aujourd’hui, si cette mesure éducative n’est pas respectée, il ne se passe rien. Ce texte comble cette lacune : il prévoit que si la mesure éducative n’est pas respectée, une sanction est prise, par exemple un séjour en centre éducatif fermé.
La sanction peut également être l’instauration d’un couvre-feu – j’espère que vous voterez l’amendement du Gouvernement qui tend à le prévoir – à la sortie des cours ou de l’apprentissage et les week-ends, sur le modèle de ce qui se fait en Espagne. Une telle sanction n’existe pas aujourd’hui en France.
En Espagne, on applique une mesure de privation de liberté à domicile – on peut aussi imaginer un placement extérieur – et si ce couvre-feu est violé, alors la sanction est plus sévère.
Chacun élève ses enfants comme il le peut. Quand on en a, on adapte les grandes idées que l’on avait avant d’en avoir.
Mme Laurence Rossignol. Cela rend modeste. (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Cela rend modeste, en effet.
Quand on élève des enfants et qu’on leur inflige des sanctions, on essaie de les proportionner à la faute qu’ils ont commise. Évidemment, une sanction doit être appliquée très vite. Ce n’est pas en posant le même interdit dix-huit fois sans qu’il soit suivi d’effet que l’on inculque des règles à ses enfants.
Cela étant, il y a une différence entre un « ne fais pas cela ! » suivi d’une sanction proportionnée et un « ne fais pas cela ! », suivi d’un « tu vas passer trois semaines, tout seul, enfermé dans ta chambre ! ». Quand on envoie un petit enfant au coin, c’est pour quelques minutes, le temps qu’il comprenne.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Nous proposons justement des sanctions proportionnées.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Un mois de prison pour un mineur, ce n’est pas une sanction proportionnée !
En ce qui me concerne, je propose des mesures mieux proportionnées : d’une part, l’application d’une sanction si la mesure éducative n’est pas respectée, comme un placement en centre éducatif fermé ; d’autre part, un couvre-feu et un placement en centre éducatif si cette sanction n’est pas respectée.
En revanche, il ne me paraît pas souhaitable d’instaurer pour les mineurs de courtes peines de prison qui n’existent pas pour les majeurs.
On sait que 75 % des mineurs passés par la prison récidivent. Et encore, ce taux est-il celui de 2011 – la droite était alors aux responsabilités, ce qui montre bien qu’il existe une difficulté de manière générale avec les mineurs –, cela doit être pire aujourd’hui, pour les raisons que vous avez évoquées, monsieur le sénateur Daubresse. On peut penser que quasiment 100 % de ces mineurs sont des réitérants.
Nous pouvons, bien sûr, réfléchir à la création de lieux d’incarcération spécifiques pour les mineurs, proposant notamment un suivi éducatif, sur le modèle des régiments du service militaire adapté (RSMA) qui existent outre-mer. Pourquoi ne pas prévoir également un encadrement militaire, par les établissements pour l’insertion dans l’emploi (Epide) par exemple ?
M. Marc-Philippe Daubresse. Cela marche !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. J’y suis en tout cas favorable., car ça marche ! On sera peut-être en désaccord avec la gauche sur ce point, mais ça marche.
En revanche, je m’oppose à la mise en place de courtes peines de prison d’un mois pour les mineurs. Où les mettrait-on ? À Fleury-Mérogis ? Dans le Nord-Pas-de-Calais ? Très franchement, pensez-vous réellement que ce soit des lieux pour des mineurs ? Réservons-les aux personnes placées en détention provisoire, dans l’attente de leur jugement pour des actes criminels. Ce ne serait pas bien légiférer que de voter cet amendement.
Encore une fois, je veux bien débattre de ce sujet, mais se pose la question des moyens, du lieu, du type de détention et de l’accompagnement éducatif qu’il conviendrait de mettre en œuvre. Sur ce dernier point, qui relève non pas du ministère de la justice, mais du ministère de l’éducation nationale, nous sommes défaillants.
Les dispositions du texte que nous proposons répondent à votre demande de sanctions. Aussi je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’adopter cet amendement d’appel – nous avons répondu à votre appel –, cet amendement étant du reste inconstitutionnel. (Mme Laurence Rossignol sourit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Szpiner, rapporteur. Toute personne de bonne foi comprend que vous allez voter une mesure que vous savez inapplicable, indépendamment de son caractère anticonstitutionnel.
M. Marc-Philippe Daubresse. On n’en sait rien !
M. Francis Szpiner, rapporteur. J’ai bien compris qu’un certain nombre d’entre vous étaient particulièrement sensibles à l’opinion. Vous allez donc expliquer à l’opinion que vous avez voté une loi tout en sachant qu’elle ne sera pas applicable ? Et vous prétendriez malgré tout avoir bien légiféré ? Tout cela me paraît aberrant.
Encore une fois, la courte peine n’est un tabou ni pour moi ni pour quiconque s’intéresse à la justice des mineurs. (Mme Laurence Harribey acquiesce.)
Je le répète : une mission d’information est en cours. Comme vient de le rappeler le garde des sceaux, certaines initiatives pourraient éventuellement conduire à envisager la mise en œuvre de courtes peines de prison, d’une durée d’un mois comme tend à le prévoir cet amendement.
L’instaurer ainsi, de but en blanc, au détour d’un amendement sur une telle proposition de loi ne m’apparaît pas raisonnable. Une loi qui n’est pas appliquée n’est pas une bonne loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Je vais essayer de faire preuve de bonne foi, monsieur le rapporteur, comme chacun d’entre nous, me semble-t-il.
M. Francis Szpiner, rapporteur. C’est une présomption.
M. Olivier Paccaud. Ce n’est pas une présomption. Vos propos, je vous l’avoue, m’ont quelque peu choqué.
Ce débat est par trop caricatural. S’il est normal de s’exprimer avec passion, notre ami Mellouli, avec celle qui le caractérise, est allé un peu loin en parlant de « fachos ».
M. Akli Mellouli. Je n’ai traité personne de facho !
M. Olivier Paccaud. Je pense que vous regrettez de l’avoir dit.
M. Akli Mellouli. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !
M. Olivier Paccaud. Excusez-moi, je ne vous ai pas interrompu, mon cher collègue. Le mot est sorti de votre bouche, dont acte. (Mme Mathilde Ollivier et M. Akli Mellouli s’exclament.)
Ce débat suscite trop de passion. Il m’arrive, certes, à moi aussi de m’exprimer avec passion…
J’ai cosigné l’amendement de Marie-Claire Carrère-Gée et je le voterai.
Ce qui me gêne dans le raisonnement de M. le ministre, que nous apprécions beaucoup par ailleurs, c’est qu’il dise que cette loi est inapplicable parce que nous n’avons pas les moyens de la faire appliquer. Or de nombreuses lois ont été votées alors que les moyens manquaient initialement. Je pourrai en citer beaucoup, mais je n’évoquerai qu’un seul dispositif, qui va vous surprendre : le dédoublement des classes de CP.
En 2017, quand il a été décidé d’accueillir douze élèves par classe, on nous a dit dans beaucoup endroits que cela ne serait pas possible, faute de salles de classe en nombre suffisant. Finalement, cela s’est fait ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) Certes, cela a pris du temps.
C’est vrai que la prise en charge des mineurs en milieu carcéral et dans des centres éducatifs fermés aurait un coût – je fais la différence avec le dédoublement des classes –, mais…
M. Francis Szpiner, rapporteur. En effet.
M. Olivier Paccaud. … si l’on se mettait à ne plus adopter des dispositions législatives au motif qu’on ne peut pas matériellement les mettre en œuvre aujourd’hui, on ne ferait plus rien !
Monsieur le rapporteur, vous nous avez expliqué – c’est la base de votre raisonnement – qu’il y avait une différence entre les mineurs et les majeurs, en invoquant l’ordonnance de 1945.
Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Je conclus, madame la présidente.
L’amendement de Mme Carrère-Gée tend justement à différencier les mineurs des majeurs. Il va donc dans votre sens. Votre position me semble donc incohérente.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Monsieur Paccaud, je ne reprendrai pas les termes de M. le rapporteur qui vous ont choqué. Personnellement, ils ne m’ont pas choqué. Disons que vous avez l’écoute sélective…
M. le rapporteur et M. le garde des sceaux ont développé des arguments multiples et variés, parmi lesquels l’anticonstitutionnalité de la mesure et les difficultés qu’il y aurait à l’appliquer dans les conditions actuelles. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne fais que reprendre les arguments qui ont été avancés, mes chers collègues !
Il a été dit aussi que ce type de mesure n’avait pas fait la preuve de son efficacité là où elle est appliquée ; l’expérience démontrerait même plutôt le contraire.
M. le garde des sceaux a par ailleurs avancé un argument essentiel : dans certains milieux, enfermer un gosse de treize ans pendant un mois ne garantit aucun suivi, aucune possibilité de réinsertion. Au contraire, cela augmenterait les risques de le voir récidiver et de s’enfoncer dans la délinquance.
D’autres arguments ont été avancés, notamment par Mme Harribey. Enfin, une mission d’information du Sénat travaille sur cette question.
Je ne comprends donc pas votre position, chers collègues. Votre seul argument est que ce n’est pas parce qu’une mesure n’est pas applicable qu’il ne faut pas légiférer. Sur ce point, on peut considérer que vous n’avez pas totalement tort.
Peut-être pensez-vous, comme notre collègue Daubresse, que le rapporteur a juridiquement raison, mais que nous faisons de la politique et qu’une loi doit être avant tout politique.
Peut-être considérez-vous que nous participons ici à un meeting politique et que nous devons faire passer un certain nombre de messages à l’opinion publique, ou encore que nous ne sommes pas ici pour élaborer une loi réfléchie et applicable. Or c’est tout de même l’objectif premier de la commission des lois et du Sénat !
Sauf à penser que nous sommes ici uniquement pour élaborer une stratégie politique, vous devriez comprendre que les multiples arguments qui ont été développés ne permettent pas aujourd’hui de voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.
Mme Marie Mercier. Il est extrêmement gênant de voir des jeunes en prison. Nous en voyons et nous continuerons d’en voir. Cela étant, parce qu’on se rend compte que quelque chose ne fonctionne pas dans notre justice, nous essayons d’inventer autre chose.
Bien sûr, il ne faut pas que ces jeunes restent en prison ou qu’ils y retournent, mais il faudrait surtout qu’ils n’y entrent pas ! (Mme Michelle Gréaume s’exclame.) Le problème, à la base, c’est l’éducation.
Je conçois que les ultra-courtes peines, d’une durée inférieure à un mois, que nous proposons par cet amendement puissent susciter de la gêne. Il ne s’agit toutefois évidemment pas d’envoyer des mineurs à Bois-d’Arcy, à Fleury-Mérogis ou aux Baumettes !
M. Francis Szpiner, rapporteur. Où cela, alors ?
Mme Marie Mercier. Il faudrait créer des endroits spéciaux, où l’on pourrait évaluer si ces jeunes sont en danger, s’ils présentent des troubles médicaux et psychologiques, voire s’ils sont victimes de chantage ou de violence. Un jeune auteur est en effet pratiquement toujours une victime. (Mme Michelle Gréaume s’exclame de nouveau.)
Notre rôle est de réfléchir hors du cadre et d’inventer quelque chose de nouveau. Les peines ultra-courtes sont proposées par le psychiatre Maurice Berger, une référence en matière de lutte contre les violences.
Peut-être cette mesure n’est-elle pas la solution que nous cherchons, mais ne faisons pas preuve de dogmatisme en refusant d’y réfléchir.
M. Francis Szpiner, rapporteur. Nous sommes disposés à y réfléchir !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 50 rectifié septies.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 240 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 136 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4 bis.
Article 5
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L’amendement n° 16 rectifié est présenté par Mmes Evren, Josende et Lopez, MM. Pernot, Bruyen et Burgoa, Mmes Gruny, Gosselin et Dumont, M. Fargeot, Mme Belrhiti, MM. Laugier et Bonneau, Mme Aeschlimann, M. Bouchet, Mme Billon, M. Courtial et Mmes Dumas, Micouleau et Goy-Chavent.
L’amendement n° 19 rectifié ter est présenté par MM. Daubresse et Frassa, Mme Canayer, MM. Reichardt, Panunzi, Sol, Savin et H. Leroy, Mmes Eustache-Brinio, Lassarade et Duranton, M. Brisson, Mme Valente Le Hir et M. Meignen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :
a) Le mot : « seize » est remplacé par le mot : « treize » ;
b) Les mots : « à titre exceptionnel et » sont supprimés ;
c) Les mots : « n’y a pas » sont remplacés par les mots : « y a » ;
2° Le second alinéa est supprimé.
La parole est à Mme Lauriane Josende, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié.
Mme Lauriane Josende. Nous retirons cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 16 rectifié est retiré.
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié ter.
M. Marc-Philippe Daubresse. Nous pensons que l’amendement n° 49 rectifié sexies de Marie-Claire Carrère-Gée, sous-amendé par le sous-amendement n° 60 de Marie-Carole Ciuntu, a de bonnes chances d’être adopté.
Tout en étant attentifs aux remarques du rapporteur sur les questions d’âge, nous retirons l’amendement n° 19 rectifié ter au profit de l’amendement de Mme Carrère-Gée.
Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme Bellurot, M. Pointereau, Mmes Canayer et Josende, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Reynaud, Reichardt et Frassa, Mme M. Mercier, M. Le Rudulier, Mme Aeschlimann, MM. Lefèvre, Bacci et Meignen, Mmes Belrhiti, Goy-Chavent et Gosselin, M. Burgoa, Mme Lopez, MM. Bouchet, Naturel et Panunzi, Mme Micouleau, M. Rojouan, Mme Gruny, M. Milon, Mme Lassarade et MM. Somon et Margueritte, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le premier alinéa de l’article L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le mot : « seize » est remplacé par le mot : « quinze » ;
2° La seconde phrase est complétée par les mots : « , en mentionnant explicitement les éléments de fait et de droit qui la fondent et ceux qui rendent inenvisageable au cas d’espèce la mise en œuvre du principe de diminution de la peine prévu à l’article L. 121-5 ».
La parole est à Mme Nadine Bellurot.
Mme Nadine Bellurot. Dans la perspective de l’examen de l’amendement de notre collègue Mme Carrère-Gée, nous retirons également notre amendement.
Ce dernier visait à étendre l’exception permettant d’écarter le principe d’atténuation des peines aux mineurs âgés de plus de 15 ans, et non plus aux mineurs âgés de plus de 16 ans.
Nous espérons débattre prochainement de nouveau de cette mesure, qui est conforme aux principes constitutionnels de proportionnalité et de nécessité.
Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié est retiré.
L’amendement n° 49 rectifié sexies, présenté par Mmes Carrère-Gée et Belrhiti, MM. Bruyen, Burgoa et Daubresse, Mmes Dumont, Evren et Garnier, M. Karoutchi, Mmes Lassarade et Lavarde, MM. Lefèvre et H. Leroy, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Naturel, Reynaud et Anglars, Mmes Gruny, Imbert et P. Martin, M. Panunzi, Mme Puissat, M. Sol, Mme Lopez, MM. Rojouan, P. Vidal, Somon et Delia, Mmes Bellurot et Ciuntu, MM. Husson et Paccaud, Mmes Valente Le Hir et Josende, MM. Meignen et Rapin, Mme Berthet, MM. Brisson et Sido et Mme Aeschlimann, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « à titre exceptionnel et » sont supprimés ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les règles d’atténuation des peines mentionnées aux mêmes articles L. 121-5 et L. 121-6 ne s’appliquent pas aux mineurs âgés de plus de seize ans lorsqu’un crime ou un délit puni d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement a été commis en état de récidive légale. Toutefois, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs peuvent en décider autrement, par une décision spécialement motivée. »
La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Le texte adopté par l’Assemblée nationale présentait des insuffisances. Pourtant, il est impensable de rester sans agir sur une question aussi essentielle que l’excuse de minorité.
Face à la gravité des faits impliquant certains mineurs, une réponse claire et équilibrée s’impose, dans le respect des principes fondamentaux. Faire le droit, c’est assumer, en tant que législateur, la responsabilité de l’écrire.
Cet amendement tend à inverser la logique de l’article L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs pour les mineurs de plus de 16 ans ayant commis des infractions particulièrement graves passibles d’au moins sept ans d’emprisonnement : ils ne bénéficieront pas de l’excuse de minorité, sauf si le juge en décide autrement et motive sa décision.
En effet, le droit actuel conduit à faire preuve d’une indulgence quasi systématique, qui n’est ni compréhensible ni justifiable, lorsque le mineur a plus de 16 ans et que les faits poursuivis sont d’une très particulière gravité.
Nous avons tous été frappés par des drames ou des assassinats commis par des mineurs ayant fait preuve d’une violence extrême et d’une maturité criminelle inquiétante. Leur peine ne saurait être toujours fixée sous le seul prisme de leur âge.
En visant à imposer aux magistrats de motiver leur décision lorsqu’ils choisissent d’appliquer l’atténuation de peine, cet amendement met en avant un principe de responsabilité.
Cette exigence répond à un double impératif : un impératif judiciaire d’abord, puisque le juge devra démontrer en quoi la personnalité et la situation du mineur justifient un traitement différencié ; un impératif de transparence ensuite, les victimes comme nos concitoyens devant pouvoir comprendre les décisions de justice, en particulier pour les faits les plus graves.
Nos concitoyens attendent une justice pénale des mineurs qui conjugue protection et fermeté.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 60, présenté par Mme Ciuntu, est ainsi libellé :
Amendement n° 49 rectifié sexies
Compléter cet amendement par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’article 359 du code de procédure pénale, la décision de la cour d’assises des mineurs de ne pas faire application des règles d’atténuation des peines mentionnées aux articles L. 121-5 et L. 121-6 se forme à la majorité absolue des votants. »
La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu.
Mme Marie-Carole Ciuntu. Sans remettre en cause les principes constitutionnels applicables à la justice pénale des mineurs, il importe d’assouplir la procédure permettant aux juridictions de déroger au principe d’atténuation des peines.
Dans cette perspective, le présent sous-amendement tend à modifier la majorité requise au sein de la cour d’assises des mineurs pour écarter l’application des atténuations des peines prévues aux articles L. 121-5 et L. 121-6 du code de la justice pénale des mineurs. Il substitue une condition de majorité absolue des votants à la majorité qualifiée actuellement en vigueur.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 4 rectifié est présenté par Mme Vérien, MM. J.M. Arnaud et Bitz, Mme Florennes, MM. Marseille et Parigi, Mmes Patru, Tetuanui et Guidez, MM. Delahaye et Mizzon, Mmes de La Provôté, Billon, Herzog et Jacquemet, M. Lafon, Mmes Romagny, Housseau et Sollogoub, M. Delcros, Mme Devésa et M. Duffourg.
L’amendement n° 11 rectifié est présenté par Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud et Théophile.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « à titre exceptionnel et » sont supprimés ;
b) La seconde phrase est complétée par les mots : « , sauf lorsqu’un crime d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne, un délit de violences volontaires, un délit d’agression sexuelle ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences a été commis en état de récidive légale » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les règles d’atténuation des peines mentionnées aux mêmes articles L. 121-5 et L. 121-6 ne s’appliquent pas aux mineurs âgés de plus de seize ans lorsqu’un crime d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne, un délit de violences volontaires, un délit d’agression sexuelle ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences a été commis une nouvelle fois en état de récidive légale. Toutefois, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs peuvent en décider autrement, par une décision spécialement motivée. »
La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié.
Mme Dominique Vérien. Je le retire, madame la présidente, au profit de l’amendement de Mme Carrère-Gée.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Salama Ramia, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié.
Mme Salama Ramia. Je le retire également, car l’amendement de Mme Carrère-Gée répond à notre objectif.
Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié est retiré.
L’amendement n° 61, présenté par M. Szpiner, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 121-7 du code la justice pénale des mineurs est complété par un alinéa ainsi modifié :
« Par dérogation à l’article 359 du code de procédure pénale, la décision de la cour d’assises des mineurs de ne pas faire application des règles d’atténuation des peines mentionnées aux articles L. 121-5 et L. 121-6 se forme à la majorité absolue des votants. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Szpiner, rapporteur. Cet amendement vise le même objectif que le sous-amendement de Mme Ciuntu. Je le retire donc au profit de ce dernier.
Mme la présidente. L’amendement n° 61 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 49 rectifié sexies et sur le sous-amendement n° 60 ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. J’ai un problème : en présentant son amendement, Mme Carrère-Gée a parlé de délits punis d’au moins sept ans d’emprisonnement. Or dans le dispositif de son amendement, il est question des crimes et délits punis « d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement », soit la quasi-intégralité des délits du code pénal.
J’aimerais donc savoir si nous parlons de trois ou de sept ans.
Mme Laurence Rossignol. La rédaction de l’amendement est claire : c’est trois ans !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Nous nous en remettrons à M. le rapporteur, à qui nous faisons confiance : s’il estime préférable de viser les délits punis d’au moins sept ans de prison, nous pouvons rectifier notre amendement dans ce sens.
M. Francis Szpiner, rapporteur. Il eût été plus convenable de viser les délits punis de cinq ans d’emprisonnement. Je le répète, quasiment tous les délits du code pénal sont passibles d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement.
Vous proposez de supprimer l’atténuation de peine pour les mineurs de plus de 16 ans en état de récidive légale d’un crime ou d’un délit. Or de tels cas seront très rares.
Ayant néanmoins compris votre volonté d’affichage (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.), j’émettrai un avis de sagesse sur cet amendement, plutôt que de passer pour un affreux hostile à toute répression, et un avis favorable sur le sous-amendement n° 60.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 60, ainsi que sur l’amendement n° 49 rectifié sexies, sous réserve qu’il soit rectifié comme le demande le rapporteur.
Madame Carrère-Gée, votre amendement tend à écarter d’office le principe d’atténuation des peines. Si vous voulez que votre amendement soit constitutionnel, je vous conseille de supprimer l’automaticité de cette mesure.
Dans les faits, les magistrats décident très peu de ne pas faire application de la règle d’atténuation des peines. Aussi, la proposition de loi initiale de Gabriel Attal prévoyait un renversement : cette règle ne serait pas applicable, sauf décision motivée du juge.
Je vous invite donc à modifier votre amendement, madame la sénatrice – je n’ose évoquer la commission mixte paritaire devant vous (Sourires.) – pour éviter des difficultés.
Mme la présidente. Madame Carrère-Gée, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens proposé par le rapporteur ?
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 49 rectifié septies, présenté par Mmes Carrère-Gée et Belrhiti, MM. Bruyen, Burgoa et Daubresse, Mmes Dumont, Evren et Garnier, M. Karoutchi, Mmes Lassarade et Lavarde, MM. Lefèvre et H. Leroy, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Naturel, Reynaud et Anglars, Mmes Gruny, Imbert et P. Martin, M. Panunzi, Mme Puissat, M. Sol, Mme Lopez, MM. Rojouan, P. Vidal, Somon et Delia, Mmes Bellurot et Ciuntu, MM. Husson et Paccaud, Mmes Valente Le Hir et Josende, MM. Meignen et Rapin, Mme Berthet, MM. Brisson et Sido et Mme Aeschlimann, qui est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « à titre exceptionnel et » sont supprimés ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les règles d’atténuation des peines mentionnées aux mêmes articles L. 121-5 et L. 121-6 ne s’appliquent pas aux mineurs âgés de plus de seize ans lorsqu’un crime ou un délit puni d’une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement a été commis en état de récidive légale. Toutefois, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs peuvent en décider autrement, par une décision spécialement motivée. »
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour explication de vote.
M. Christophe Chaillou. L’échange que nous venons d’avoir est symptomatique de l’ensemble de nos débats depuis hier.
À vous entendre, il importe peu que les mesures que nous votons soient constitutionnelles – M. le ministre conseille même à Mme Carrère-Gée de rectifier son amendement pour qu’il le soit un peu plus –, ou qu’elles soient efficaces. Même si elles ne concernent que très peu de cas, il faut les voter, il faut faire de l’affichage !
Cela ne peut que nous interpeller, d’autant plus qu’il est question de l’un des principes fondamentaux de la justice des mineurs, et non d’une disposition mineure, si je peux m’exprimer ainsi. Le principe d’atténuation des peines est ancien et a vocation à tenir compte du moindre discernement des mineurs et de leur capacité à se réinsérer. Il fait en outre primer l’éducation sur la répression.
Nous touchons là à la spécificité de la justice des mineurs, un principe essentiel tant d’un point de vue constitutionnel qu’au regard des engagements internationaux de la France. Aussi sommes-nous fondamentalement contre cette disposition, que ne manquera pas d’écarter le juge constitutionnel.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur Chaillou, entre 2007 et 2014, l’excuse de minorité était écartée par défaut dans certaines situations, sauf décision contraire du juge. Cela avait été validé par le Conseil constitutionnel.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. La teneur de mon intervention sera la même que celle de mon collègue Christophe Chaillou à l’instant.
Nous assistons à la création d’une justice expérimentale. Faut-il ou non écarter d’office l’atténuation des peines ? Existe-t-il une meilleure rédaction, plus conforme à la Constitution et plus applicable ? Vous donnez l’impression d’écrire le texte sans vous préoccuper du caractère applicable de ce que nous allons voter.
L’efficacité des mesures dont nous discutons n’a jamais été mesurée, puisqu’il s’agit d’une proposition de loi, mais après tout, cela n’a pas vraiment d’importance, nous pouvons légiférer au doigt mouillé – a vista de nas, comme on dit en occitan –, en nous disant que ce n’est pas tout à fait cela, que nous pourrions faire ceci et que, peut-être, la commission mixte paritaire pourrait faire cela…
La loi qui résultera de nos travaux sera catastrophique ! Elle sera dramatique ! Elle ne sera pas applicable et sera en partie retoquée par le Conseil constitutionnel. L’opinion publique considérera alors que nous l’avons flouée en prétendant prendre le problème à bras-le-corps et faire mieux que les autres, c’est-à-dire, selon vous, en étant plus répressifs et plus contraignants !
Malgré tout, vous continuez de laisser penser – sauf Mme Mercier, et je l’en remercie – que la meilleure solution est de mettre un mineur de treize ans en prison pendant un mois ; puis de lui infliger une ultracourte peine ; puis de l’emprisonner de nouveau pendant six mois ; puis encore quatre mois ensuite…
Pourtant, vous savez très bien qu’un tel traitement entraîne de la récidive et n’empêche le développement ni de la délinquance ni du narcotrafic ! Mais vous aurez donné l’impression à la justice, au peuple, ou en tout cas à l’opinion publique, que vous avez pris le problème à bras-le-corps en adoptant les décisions les plus radicales possible.
Je ne reprendrai pas les termes de mon collègue Akli Mellouli, mais le fait est que vous donnez du grain à moudre à l’extrême droite et au Rassemblement national. Et cela, nous le paierons tous, malheureusement, vous comme nous !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Certains d’entre vous ont-ils déjà assisté au délibéré d’un procès aux assises d’un mineur ?
Pour ma part, j’ai assisté au délibéré à l’issue d’un procès au cours duquel le tribunal n’avait pas levé l’excuse de minorité, alors que l’avocate des parties civiles l’avait demandé. Ce mineur avait commis un féminicide particulièrement cruel. Savez-vous à quelle peine il a été condamné ? À dix-huit ans d’emprisonnement !
Ce qui m’a frappée alors est non pas que ce garçon aurait pu être condamné à une peine un peu plus longue si l’excuse de minorité avait été levée, mais le fait qu’il n’avait toujours pas pris conscience de son acte et qu’il n’exprimait aucun regret. Il était toujours dans le déni. Si l’excuse de minorité avait été levée, il aurait peut-être été condamné à trois ans de plus, mais il serait resté dans le même déni.
Je crains que vous ne vous trompiez en fétichisant l’excuse de minorité, qui semble vous obséder. Hier, Dominique Vérien a évoqué l’assassin de Philippine, qui avait été condamné à sept ans de prison pour un viol qu’il avait commis lorsqu’il était mineur. Selon elle, il aurait été condamné à une plus lourde peine si l’excuse de minorité avait été levée.
Il est en effet probable qu’il aurait été condamné à neuf ans de prison, car c’est la durée moyenne des condamnations pour viol. Mais qu’est-ce que cela aurait changé ? Peut-être serait-il sorti de prison deux ans plus tard et n’aurait pas croisé Philippine. Évidemment, pour Philippine et sa famille, cela aurait tout changé. Mais pour une autre, cela n’aurait rien changé !
Le problème est non pas la durée de l’incarcération de l’assassin de Philippine, mais sa sortie de prison et les dysfonctionnements en chaîne de la justice et de la justice administrative. L’excuse de minorité n’a rien à voir avec cette affaire ! Une peine de neuf ans au lieu de sept n’aurait rien changé au fait que ce garçon, à l’issue de son incarcération, n’avait toujours pas pris conscience de la gravité de son premier acte et qu’il était susceptible de récidiver.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 60.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 241 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 224 |
Contre | 114 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 49 rectifié septies, modifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 242 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 223 |
Contre | 114 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 5 est rétabli dans cette rédaction.
Après l’article 5
Mme la présidente. L’amendement n° 20 rectifié bis, présenté par M. Daubresse, Mme Eustache-Brinio, M. H. Leroy, Mme Micouleau, MM. Savin, Sol et Panunzi, Mme Gruny, M. Reichardt, Mme Canayer, MM. Bruyen et Frassa, Mmes Lassarade, Belrhiti et Duranton, MM. Pointereau et Brisson, Mme Valente Le Hir, M. Meignen et Mme Josende, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 121-5 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « à la moitié » sont remplacés par les mots : « aux quatre cinquièmes » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « de moitié » sont remplacés par les mots : « d’un cinquième ».
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
M. Marc-Philippe Daubresse. Cet amendement fait partie d’un tout sur l’article 5 : notre groupe souhaite que l’on avance sur l’excuse de minorité, sur laquelle le débat a eu lieu.
Monsieur le ministre, je vous en ai déjà parlé, mais je continue de penser qu’il nous faudra prendre une mesure exceptionnelle et construire des places de prisons spécifiques. Comme nous avons su le faire pour les jeux Olympiques et la reconstruction de Notre-Dame-de-Paris, nous pourrions mettre en œuvre des procédures dérogatoires pour aller plus vite sur cette question.
Cet amendement de repli portait sur la proportion des réductions de peine. Dans la mesure où l’amendement n° 49 rectifié septies de Mme Carrère-Gée a été adopté, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 20 rectifié bis est retiré.
Article 6
Le code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Le premier alinéa de l’article L. 322-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il contient, le cas échéant, les coordonnées de l’assureur garantissant la responsabilité civile des représentants légaux du mineur. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par Mme Vérien, MM. J.M. Arnaud et Bitz, Mme Florennes, MM. Marseille et Parigi, Mmes Patru, O. Richard et Tetuanui, MM. Mizzon et Delahaye, Mme Guidez, M. Duffourg, Mme Devésa, M. Delcros, Mmes Sollogoub, Housseau et Romagny, M. Lafon et Mmes Jacquemet, Herzog, Billon et de La Provôté.
L’amendement n° 22 rectifié quater est présenté par MM. Daubresse et Frassa, Mme Canayer, M. Reichardt, Mme Gruny, MM. Panunzi, Sol et Savin, Mme Micouleau, M. H. Leroy, Mmes Eustache-Brinio, Lassarade, Belrhiti et Duranton, MM. Pointereau et Brisson, Mme Valente Le Hir, M. Meignen, Mme Josende, M. Patriat, Mmes Ramia et Schillinger, MM. Buis, Buval, Rohfritsch et Fouassin, Mme Cazebonne et MM. Lemoyne et Lévrier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 2
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° L’article L. 322-3 du code de la justice pénale des mineurs est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le recueil de renseignements socio-éducatifs peut être remplacé par une note de situation actualisée lorsqu’un suivi par les services de la protection judiciaire de la jeunesse est en cours à l’égard du mineur dans le cadre d’une mesure éducative judiciaire, d’une mesure éducative judiciaire provisoire, d’une mesure de sûreté ou d’une peine. »
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret. Il entre en vigueur à une date fixée par ce décret et au plus tard le premier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi.
La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié bis.
Mme Dominique Vérien. Cet amendement vise à rétablir le 1° de l’article 6, afin que le recueil de renseignements socio-éducatifs soit remplacé par une note de situation actualisée lorsqu’un mineur est suivi par les services de la protection judiciaire de la jeunesse dans le cadre d’une mesure éducative judiciaire, d’une mesure éducative judiciaire provisoire ou d’une mesure de sûreté ou d’une peine.
L’idée est de simplifier les choses plutôt que de les compliquer en répliquant des recueils de renseignements.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié quater.
M. Marc-Philippe Daubresse. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 12 rectifié est présenté par Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud et Théophile.
L’amendement n° 55 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° L’article L. 322-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le recueil de renseignements socio-éducatifs ordonné en application du présent article ou requis en application de l’article L. 322-5 peut être remplacé par une note de situation actualisée lorsque le mineur fait déjà l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative ou d’une mesure d’assistance éducative. » ;
La parole est à Mme Salama Ramia, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié.
Mme Salama Ramia. Cet amendement vise à rétablir l’article 6 dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
Nos juridictions font face à des difficultés croissantes pour mener les investigations nécessaires à l’évaluation de la personnalité et de la situation des mineurs délinquants. Le recueil de renseignements socio-éducatifs, en particulier, est une procédure lourde et redondante lorsque le mineur est déjà suivi par la protection judiciaire de la jeunesse.
Aussi, nous proposons de remplacer ce recueil par une note actualisée lorsque le mineur est déjà suivi par les services de la PJJ. Cette simplification facilitera le travail de ces derniers et rendra plus efficace la prise en charge des mineurs en garantissant une justice plus rapide et mieux adaptée aux réalités du terrain.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 55.
M. Guy Benarroche. Cet amendement identique a pour objet de rétablir l’article 6, qui a été introduit par le député Sacha Houlié lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.
Les travaux d’évaluation du code de la justice pénale des mineurs ont bien mis en lumière les difficultés – et c’est un euphémisme – des juridictions pour procéder aux mesures d’investigation sur la personnalité et la situation du mineur, notamment la lourdeur du recueil de renseignements socio-éducatifs.
Nous le savons, les juridictions manquent de personnel et de moyens. Nous n’avons donc aucun intérêt à surcharger les magistrats et le personnel administratif des tribunaux en les laissant s’acquitter de tâches qui pourraient être remplacées par d’autres, moins lourdes et tout aussi efficaces.
Il est ainsi préconisé dans le rapport d’évaluation de remplacer ce recueil par une note de situation actualisée lorsque le mineur est déjà suivi par les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Cela éviterait aux services de recueillir encore et encore les mêmes éléments difficiles à obtenir. Le cas échéant, ce recueil pourrait comprendre les coordonnées de l’assureur en responsabilité civile des représentants légaux du mineur.
Nous considérons qu’il s’agit d’une mesure utile et de bon sens et nous souhaitons donc la réintroduire dans le texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. Au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, nous avons constaté que les éducateurs étaient unanimement défavorables à cette mesure, ne sachant pas en quoi consisterait la note actualisée.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces quatre amendements, ou plutôt devrais-je dire un avis mollement défavorable. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Avis favorable tout court, madame la présidente. (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.
Mme Laurence Harribey. Ce genre d’amendements n’apportent pas des progrès énormes, mais envoient des signaux. Nous y sommes donc favorables.
Je tiens à souligner que pour que de telles mesures fonctionnent, il nous faut faire en sorte que la PJJ dispose de davantage de moyens et de capacités dans le domaine du numérique – ce n’est pas Dominique Vérien qui dira le contraire –, car elle fait face à un réel problème de communication et à des lourdeurs administratives.
Si le ministère de la justice était un peu mieux outillé en matière numérique, il pourrait non seulement résoudre ce type de problèmes, mais aussi nous fournir des statistiques qui seraient bien utiles pour évaluer ce que nous sommes en train de voter.
M. Marc-Philippe Daubresse. Il faut aussi que la PJJ soit plus motivée !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié bis et 22 rectifié quater.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 12 rectifié et 55 n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Article 7
(Non modifié)
À l’article L. 322-5 du code de la justice pénale des mineurs, les mots : « est obligatoire » sont remplacés par les mots : « et le rapport mentionné au a du 2° de l’article L. 423-4 sont obligatoires ».
Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié quinquies, présenté par MM. Daubresse, Frassa et Bruyen, Mme Canayer, M. Reichardt, Mme Gruny, MM. Panunzi, Sol et Savin, Mme Micouleau, M. H. Leroy, Mmes Eustache-Brinio, Vérien, Lassarade, Belrhiti et Duranton, M. Brisson, Mme Valente Le Hir, M. Meignen, Mme Josende, M. Patriat, Mmes Ramia et Schillinger, MM. Buis, Buval, Rohfritsch et Fouassin, Mme Cazebonne et MM. Lemoyne et Lévrier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au 2° de l’article L. 423-9 du code de la justice pénale des mineurs, après les mots : « Dans ce cas, », sont insérés les mots : « le rapport mentionné au a du 2° de l’article L. 423-4 est obligatoire avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire et ».
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
M. Marc-Philippe Daubresse. Cet amendement vise à modifier l’article 7 afin de ne pas limiter la possibilité de placer un mineur en détention provisoire dans le cadre d’une information judiciaire.
En effet, cet article instaure une nouvelle exigence de transmission d’un rapport éducatif de moins d’un an. Nous proposons de la limiter explicitement, avant toute décision relative à la détention provisoire, aux seuls mineurs poursuivis selon la procédure de jugement en audience unique.
Je rouvre ainsi le débat sur l’audience unique que nous avons amorcé hier soir, mais je trouve cela cohérent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud et Théophile, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 521-9 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « , chaque fois que cela est possible, » sont supprimés ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le mineur a été reconnu coupable d’une contravention ou d’un délit qui n’est pas puni par une peine d’emprisonnement, la juridiction peut décider de ne pas statuer sur les mesures mentionnées à l’article L. 521-14. »
La parole est à Mme Salama Ramia.
Mme Salama Ramia. Cet amendement vise à rétablir l’article 9 dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
Le code de la justice pénale des mineurs repose sur un principe simple : privilégier la sanction éducative à la sanction strictement répressive. Ainsi, une peine éducative est prononcée dans près de 50 % des cas.
Nous souhaitons rétablir l’obligation pour la juridiction ayant reconnu la culpabilité d’un mineur de proposer systématiquement aux parties une mesure de réparation. Cette démarche s’inscrit pleinement dans l’esprit de la justice restaurative, qui permet une réparation directe auprès de la victime ou de la collectivité territoriale lésée.
Le fait de prononcer des peines alternatives, notamment pour les contraventions et les délits mineurs, constitue une avancée. C’est une réponse plus constructive et plus efficace, qui favorise l’insertion et la responsabilisation des jeunes plutôt que la seule répression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. La systématisation de la proposition de mesures de réparation est une idée louable, mais inadaptée dans la pratique. Comment, par exemple, l’appliquer aux mineurs multirécidivistes qui se sont déjà montrés imperméables à cette approche ? Cela reviendrait à gaspiller les moyens de la PJJ.
Par ailleurs, le fait de pas assortir une déclaration de culpabilité de mesures éducatives reviendrait en réalité à vider complètement de son sens la notion de césure du procès pénal.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Même avis pour les mêmes raisons.
Je précise que le principal problème est l’automaticité de cette mesure : on ne peut pas contraindre un juge. Par ailleurs, l’article L. 521-9 du code de la justice pénale des mineurs, issu de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 prévoit déjà que la juridiction « propose aux parties, chaque fois que cela est possible, l’une des mesures de réparation prévues à l’article L. 112-8 ». Ainsi, le juge propose déjà de telles mesures, sauf dans les cas évoqués par M. le rapporteur.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 7 rectifié est présenté par Mme Vérien, MM. J.M. Arnaud et Bitz, Mme Florennes, MM. Marseille et Parigi, Mmes Patru, Tetuanui et Guidez, MM. Delahaye et Mizzon, Mmes de La Provôté, Billon, Herzog et Jacquemet, M. Lafon, Mmes Romagny, Housseau et Sollogoub, M. Delcros, Mme Devésa et M. Duffourg.
L’amendement n° 14 rectifié est présenté par Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud et Théophile.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° L’article L. 521-24 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’appel interjeté à l’encontre de la décision de culpabilité, la juridiction peut prononcer un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la cour d’appel. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 531-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La cour d’appel statue dans un délai de quatre mois à compter de la date de l’appel. »
La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié.
Mme Dominique Vérien. Le code de la justice pénale des mineurs prévoit une césure : le mineur est déclaré tout de suite coupable ou non coupable, puis la peine est prononcée six mois plus tard en fonction de la bonne volonté dont il a fait preuve ou non dans le cadre de son suivi judiciaire.
L’article 10 laissait à la juridiction, en cas d’appel interjeté à l’encontre de la décision de culpabilité, la possibilité de prononcer un sursis à statuer, c’est-à-dire de ne pas décider de la peine à ce stade. Dans la mesure où nous souhaitons que le temps de la justice des mineurs soit court, nous proposons de laisser seulement quatre mois à la cour d’appel pour statuer.
Le rapporteur nous a dit que ce délai serait difficilement applicable, mais il nous semble légitime, puisqu’il s’agit de la justice pénale des mineurs, de demander à la cour d’appel de se prononcer rapidement.
En outre, il paraît plus cohérent que la culpabilité du mineur soit avérée et confirmée par la cour d’appel lorsque la peine est prononcée, à l’issue des six mois de césure.
Nous proposons donc de rétablir l’article 10.
Mme la présidente. La parole est à Mme Salama Ramia, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié.
Mme Salama Ramia. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. Je suis viscéralement contre le rétablissement de cet article, pour une raison très simple : il existe dans le droit français comme dans le droit international le principe du double degré de juridiction.
Il y a ce qu’on appelle l’effet dévolutif de l’appel : si une première juridiction déclare le mineur coupable, qu’il y a une césure, et que celui-ci interjette appel sur la culpabilité, la cour d’appel saisie dispose d’une faculté d’évocation et peut décider et de la culpabilité et de la peine. De ce fait, le mineur est privé du double degré de juridiction.
C’est la première raison pour laquelle je suis défavorable à cette disposition, la seconde étant qu’en réalité, il n’est pas possible d’imposer un délai à une cour d’appel. En effet, si ce délai n’est pas respecté, qu’aucune sanction n’est décidée, la cour d’appel est libre de renvoyer la décision à quatre, six ou huit mois.
Si l’on imposait à la cour d’appel de statuer dans les quatre mois à peine de nullité, ce serait la fête pour tous les délinquants : ils feraient tous appel en se disant qu’ils n’auront pas de sanction si la cour ne statue pas dans les délais.
Autrement dit, j’estime que cet article est inapplicable d’un point de vue technique et qu’il n’est pas souhaitable d’un point de vue philosophique, puisque l’effet dévolutif de l’appel priverait certains mineurs du double degré de juridiction.
Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements identiques ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Même avis : le délai de quatre mois me semble très compliqué à respecter, à moins que les parlementaires ne confèrent au ministère de la justice des moyens énormes dans les prochaines semaines, puisque j’ai cru comprendre qu’ils en avaient la volonté… (Sourires.)
Mme la présidente. Madame Vérien, l’amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?
Mme Dominique Vérien. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.
Madame Ramia, l’amendement n° 14 rectifié est-il maintenu ?
Mme Salama Ramia. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié est retiré.
En conséquence, l’article 10 demeure supprimé.
Après l’article 10
Mme la présidente. L’amendement n° 25 rectifié quater, présenté par MM. Daubresse, Frassa et Bruyen, Mme Canayer, M. Reichardt, Mme Gruny, MM. Panunzi, Sol et Savin, Mme Micouleau, M. H. Leroy, Mmes Eustache-Brinio, Vérien, Lassarade, Belrhiti et Duranton, MM. Pointereau et Brisson, Mme Valente Le Hir, M. Meignen, Mmes Josende et Carrère-Gée, M. Patriat, Mmes Ramia et Schillinger, MM. Buis, Buval, Rohfritsch et Fouassin, Mme Cazebonne et MM. Lemoyne et Lévrier, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 323-1 du code de la justice pénale des mineurs, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle peut également comporter l’obligation de se présenter périodiquement pour une durée de six mois maximum aux services, associations habilitées ou autorités désignés par le juge des enfants, le tribunal pour enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention qui sont tenus d’observer la plus stricte discrétion sur les faits reprochés au mineur. »
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur le garde des sceaux, vous vous souvenez évidemment des émeutes que nous avons tous vécues il n’y a pas si longtemps dans nos communes. Vous étiez alors ministre de l’intérieur. Elles concernaient essentiellement des jeunes, qui se regroupaient la nuit. Pour y faire face, les regroupements avaient été interdits la nuit et des couvre-feux avaient été instaurés.
Je pense notamment à ce qu’il s’est passé dans les communes d’Halluin et de Roubaix, qui sont voisines de la vôtre, monsieur le ministre.
Comme l’a dit Marie Mercier tout à l’heure, nous cherchons tous des solutions. L’une d’entre elles serait d’obliger le jeune à rester chez lui pendant des plages horaires déterminées et de lui imposer ainsi une sorte de couvre-feu. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Avis favorable également.
Monsieur Daubresse, je connais en effet très bien la très jolie commune d’Halluin, qui se trouve dans la magnifique dixième circonscription du Nord,…
M. Marc-Philippe Daubresse. Juste à côté de la mienne !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. … juste à côté de la quatrième circonscription du Nord.
Je précise que les quatre amendements de M. Daubresse portant article additionnel après l’article 10 doivent être considérés comme un ensemble : l’amendement n° 25 rectifié quater vise à instaurer une sanction en cas d’absence de pointage ; les suivants tendent à décliner cette sanction.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10.
L’amendement n° 27 rectifié septies, présenté par MM. Daubresse et Frassa, Mme Canayer, M. Reichardt, Mme Gruny, MM. Panunzi, Sol et Savin, Mme Micouleau, M. H. Leroy, Mmes Carrère-Gée et Josende, M. Meignen, Mme Valente Le Hir, M. Brisson, Mmes Duranton, Belrhiti, Lassarade, Eustache-Brinio et Vérien, MM. Bruyen et Patriat, Mmes Ramia et Schillinger, MM. Buis, Buval, Rohfritsch et Fouassin, Mme Cazebonne et MM. Lemoyne et Lévrier, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 323-2 du code de la justice pénale des mineurs est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« En cas de constatation d’une violation des interdictions prévues aux 5° à 7° de l’article L. 112-2, le service d’enquête doit en aviser le juge des enfants mandant, ou à défaut le parquet territorialement compétent. Les représentants légaux du mineur sont informés de la violation constatée. Les enquêteurs dressent ensuite un procès-verbal transmis sans délai au juge des enfants.
« Le juge des enfants peut convoquer le mineur et ses représentants légaux pour procéder à un rappel des modalités et du contenu de la mesure éducative judiciaire provisoire à laquelle il est soumis. L’accomplissement de ces formalités est constaté par procès-verbal dont copie est remise au mineur et à ses représentants légaux, après émargement.
« Les dispositions de l’avant-dernier alinéa du présent article sont également applicables lorsque le juge est informé par le service de la protection judiciaire de la jeunesse auquel l’exécution et la coordination de cette mesure sont confiées de tout évènement de nature à justifier la modification de la mesure. »
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
M. Marc-Philippe Daubresse. Dans le même esprit que précédemment, nous proposons de préciser la procédure applicable lorsqu’un mineur ne respecte pas les modalités de son suivi éducatif.
Ainsi, dans le cadre d’une mesure éducative judiciaire provisoire, les avis des représentants légaux et de l’autorité judiciaire devront systématiquement être recueillis afin d’apporter une réponse à ce manquement. En parallèle, un procès-verbal devra être transmis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10.
L’amendement n° 26 rectifié quater, présenté par MM. Daubresse et Frassa, Mme Canayer, M. Reichardt, Mme Gruny, MM. Panunzi, Sol et Savin, Mme Micouleau, M. H. Leroy, Mmes Eustache-Brinio, Vérien, Lassarade, Belrhiti et Duranton, MM. Pointereau et Brisson, Mme Valente Le Hir, M. Meignen, Mmes Josende et Carrère-Gée, M. Patriat, Mmes Ramia et Schillinger, MM. Buis, Buval, Rohfritsch et Fouassin, Mme Cazebonne et MM. Lemoyne et Lévrier, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 323-3 du code de la justice pénale des mineurs, il est inséré un article L. 323-… ainsi rédigé :
« Art. L. 323-….- Lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que le mineur faisant l’objet d’une mesure éducative provisoire a violé une des interdictions auxquelles il est soumis au titre des 5° à 7° bis de l’article L. 112-2 du présent code ou qu’il ne respecte pas les conditions d’un placement prononcé au titre de l’article L. 112-14, et que les conditions prévues à l’article L. 331-1 sont remplies, il peut être placé en rétention dans les conditions de l’article 141-4 du code de procédure pénale.
« Le mineur retenu bénéficie des droits prévus à l’article L. 332-1 du présent code.
« Le mineur ne peut être retenu plus de douze heures.
« À l’issue de la mesure, le juge des enfants peut ordonner que le mineur soit conduit devant lui, soit pour lui rappeler le contenu et les modalités de la mesure, soit afin de statuer sur le prononcé d’une mesure de sûreté conformément aux articles L. 331-1 et suivants et L. 333-1 du présent code.
« Le juge des enfants peut également demander à un officier ou un agent de police judiciaire d’aviser le mineur qu’il est convoqué devant lui à une date ultérieure. »
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
M. Marc-Philippe Daubresse. Défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. Monsieur Daubresse, je reconnais volontiers la cohérence des deux amendements que nous venons de voter. De même, je comprends la logique des dispositions que vous proposez à présent. Elles n’en posent pas moins, à mon sens, un certain nombre de difficultés.
Tout d’abord, on ne peut pas placer un mineur en rétention sans le contrôle d’un magistrat du siège, contrôle qui, en l’occurrence, n’est pas prévu.
Ensuite, l’intervention des représentants légaux du mineur n’est pas prévue non plus.
J’y insiste, je comprends la logique de vos amendements, qui tendent à traiter un vrai problème. Lorsque le non-respect des mesures éducatives ne peut être sanctionné, ces mesures perdent une partie de leur sens. Mais, si louables soient vos intentions, les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte ne permettent pas d’aller plus loin.
En conséquence, je vous prie de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Ces dispositions font écho à celles que Mme Carrère-Gée a défendues précédemment.
Aujourd’hui, si le mineur ne respecte pas les mesures éducatives dont il fait l’objet, il ne se passe rien. Grâce à cette proposition de loi, encore renforcée par les deux amendements de M. Daubresse que le Sénat vient d’adopter, une sanction sera prononcée, par exemple lorsque le jeune brave l’interdiction de voir telle ou telle connaissance, typiquement une personne avec laquelle il a l’habitude de faire de mauvais coups…
En quoi consiste la sanction ? Pour commencer, on prévient les forces de l’ordre, l’autorité parentale et le magistrat. Puis – c’est l’objet de l’amendement n° 26 rectifié quater –, le mineur est placé, non pas en détention, mais en rétention, dans un centre éducatif fermé. Je précise que le magistrat est avisé de cette mesure : il peut donc s’y opposer s’il la juge disproportionnée.
Ces dispositions traduisent sans doute l’idée que la droite de l’hémicycle se fait de la sanction et de la privation de liberté. Dans cet esprit, Mme Carrère-Gée proposait une courte peine en milieu carcéral, dont la durée était fixée à un mois. Pour sa part, M. Daubresse suggère une retenue en centre éducatif fermé : il ne s’agit pas d’une détention prononcée sans contrôle du juge.
Aussi, contrairement à M. le rapporteur, je suis favorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Szpiner, rapporteur. Je rends hommage à l’inventivité juridique de M. le garde des sceaux. La notion qu’il vient de présenter nous était jusqu’alors inconnue : tout en privant de la liberté d’aller et venir la personne à qui elle s’applique, la « rétention » dont il s’agit ne serait pas considérée comme une peine privative de liberté !
En pratique, soit on est placé en garde à vue, sous le contrôle d’un magistrat du parquet, soit on est mis en détention, sous le contrôle d’un magistrat du siège. Je vois mal comment, sous cette forme, la rétention proposée pourrait prospérer constitutionnellement.
Monsieur le garde des sceaux, vous souhaitez instaurer des sanctions en cas de non-respect des mesures éducatives : je ne suis bien sûr pas hostile à cette idée. Mais – je le répète –, telles que vous les concevez, et telles que l’amendement de M. Daubresse tend à les mettre en œuvre, ces sanctions me paraissent difficilement compatibles avec les exigences constitutionnelles. On ne prive pas quelqu’un de liberté, en France, sans qu’un magistrat donne son accord.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, sauf erreur de ma part, l’adoption du précédent amendement garantit que le mineur sera présenté devant le juge des enfants.
M. Marc-Philippe Daubresse. Exactement !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Les amendements de M. Daubresse tendent à assurer une gradation par rapport aux dispositions proposées par Mme Carrère-Gée.
Tout d’abord, la mesure éducative est prononcée. Si cette dernière n’est pas respectée, une sanction doit être prise – vous approuvez d’ailleurs ce principe. Non seulement l’autorité judiciaire doit en être informée, mais le mineur doit être présenté devant le juge des enfants. Puis, le cas échéant, l’intéressé est retenu en centre éducatif fermé sur décision du juge des enfants, afin de respecter la mesure éducative. On passe donc bien par un magistrat.
Monsieur Daubresse, j’espère ne pas avoir trahi votre cinétique,…
M. Marc-Philippe Daubresse. Pas du tout, monsieur le garde des sceaux !
M. Marc-Philippe Daubresse. Nous nous connaissons bien, monsieur le ministre, nous parlons la même langue… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Monsieur Daubresse, je suppose que l’amendement n° 26 rectifié quater est maintenu ?
M. Marc-Philippe Daubresse. Bien sûr, madame la présidente. Cette série d’amendements forme un tout cohérent.
M. Francis Szpiner, rapporteur. C’est peut-être cohérent, mais ce n’est pas constitutionnel…
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10.
L’amendement n° 24 rectifié quinquies, présenté par M. Daubresse, Mme Eustache-Brinio, M. H. Leroy, Mme Micouleau, MM. Savin, Sol et Panunzi, Mme Gruny, MM. Reichardt et Frassa, Mmes Vérien, Lassarade, Belrhiti et Duranton, M. Brisson, Mme Valente Le Hir, M. Meignen, Mmes Josende et Carrère-Gée, M. Patriat, Mmes Ramia et Schillinger, MM. Buis, Buval et Rohfritsch, Mme Cazebonne et MM. Lemoyne et Lévrier, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- L’article L. 422-1 du code de la justice pénale des mineurs est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Demander au mineur de ne pas aller et venir sur la voie publique aux conditions et pour les motifs déterminés par le procureur de la République, pour une durée qui ne saurait excéder six mois » ;
II.- Au 11° de l’article 230-19 du code de procédure pénale après le mot « code » sont insérés les mots : « ainsi que l’interdiction prononcée en application du 3° de l’article L. 422-1 du code de la justice pénale des mineurs ».
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
M. Marc-Philippe Daubresse. M. le garde des sceaux a déjà apporté les explications nécessaires. Je considère donc cet amendement comme défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. Favorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié quinquies.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10.
L’amendement n° 51, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 7° de l’article L. 112-2 du code de la justice pénale des mineurs, les mots : « entre 22 heures et 6 heures sans être accompagné de l’un de ses représentants légaux » sont remplacés par les mots : « , aux conditions et pour les motifs déterminés par la juridiction ».
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne faudrait pas que le Conseil constitutionnel, en lisant le compte rendu de nos débats, en vienne à faire sienne l’analyse développée à l’instant par M. le rapporteur.
Je tiens donc à rappeler les termes de l’amendement n° 26 rectifié quater, formant désormais article additionnel : « Le mineur ne peut être retenu plus de douze heures. »
M. Francis Szpiner, rapporteur. « Retenu » !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Oui, monsieur le rapporteur : retenu ! Mais les retenues sont monnaie courante. En outre – je poursuis –, « À l’issue de la mesure, le juge des enfants peut ordonner que le mineur soit conduit devant lui ». La décision est prise sous l’autorité de la justice, et les magistrats sont préalablement informés.
Si la mesure éducative n’est pas respectée, les différentes autorités, dont le magistrat, en sont informées et une retenue est prononcée à l’encontre du mineur. Il s’agit effectivement d’une forme de parallélisme avec la garde à vue applicable aux majeurs, mais cette retenue a lieu en centre éducatif fermé : avouez que c’est un peu mieux qu’au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie… Au bout de douze heures – le présent texte le précise expressis verbis –, le magistrat statue.
Ces dispositions me semblent donc parfaitement constitutionnelles. Cela dit, on verra bien ce qu’il adviendra en commission mixte paritaire, puis ce que jugera le Conseil constitutionnel…
Ces précisions étant apportées, j’en viens à l’amendement n° 51, dont j’ai déjà évoqué la teneur en répondant à Mme Carrère-Gée au sujet des courtes peines.
Le couvre-feu peut déjà être prononcé entre vingt-deux heures et six heures du matin ; mais il se trouve que les rixes ont assez rarement lieu à vingt-deux heures, vingt-trois heures ou minuit. Cela peut arriver, mais ce n’est pas la majorité des cas.
Nous proposons donc, sur le modèle espagnol, un couvre-feu applicable individuellement. En dehors des heures dédiées à ses apprentissages, à son travail ou à d’autres obligations prises en considération par le magistrat – on peut penser, par exemple, à des rendez-vous médicaux –, le mineur concerné doit être chez lui, y compris le week-end. La violation de cette mesure l’exposerait aux diverses sanctions évoquées par M. Daubresse.
Il s’agit là d’une disposition très importante, à même, selon moi, de se substituer aux courtes peines de détention proposées il y a quelques instants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 28 rectifié quater, présenté par MM. Daubresse et Frassa, Mme Canayer, MM. Reichardt, Panunzi, Sol et Savin, Mme Micouleau, M. H. Leroy, Mmes Eustache-Brinio, Lassarade, Belrhiti et Duranton, M. Brisson, Mme Valente Le Hir, M. Meignen, Mmes Josende et Carrère-Gée, M. Patriat, Mmes Ramia et Schillinger, MM. Buis, Buval, Rohfritsch et Fouassin, Mme Cazebonne et MM. Lemoyne et Lévrier, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Par dérogation à l’article L. 231-4 du code de la justice pénale des mineurs, à titre expérimental et pour une durée de 18 mois à compter de la publication du décret mentionné au II du présent article, dans deux tribunaux judiciaires désignés par arrêté du garde des sceaux, le nombre des assesseurs composant le tribunal pour enfants en application de l’article L. 231-4 du code de la justice pénale des mineurs, choisis conformément aux dispositions de l’article L. 251-4 du code de l’organisation judiciaire, est porté à quatre lorsque le tribunal pour enfants connaît des crimes commis par les mineurs de moins de seize ans en application du 2° de l’article L. 231-3 du code de la justice pénale des mineurs.
Les articles L. 251-5 et L. 251-6 du code de l’organisation judiciaire sont applicables.
Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation.
II. – Un décret précise les modalités d’application du présent article, notamment les modalités de conduite et d’évaluation de l’expérimentation.
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
Mme Laurence Rossignol. C’est gentil ! (Sourires.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Ma chère collègue, je vous écoute toujours avec beaucoup d’intérêt. (Nouveaux sourires.)
Vous nous demandiez si certains d’entre nous avaient, comme vous, déjà assisté au délibéré du procès d’assises d’un mineur. Parallèlement, nous avons débattu des moyens de mieux associer les citoyens à la marche de la justice, en vue de leur responsabilisation.
Dans cet esprit, nous proposons une expérimentation relative à la composition du tribunal pour enfants. Il s’agirait, plus précisément, d’en doubler le nombre d’assesseurs.
On m’a mis en garde au début de l’examen de ce texte : les assesseurs devant être indemnisés, ces dispositions doivent être gagées, en vertu de l’article 40.
M. Marc-Philippe Daubresse. Néanmoins, M. le garde des sceaux a levé le gage, et je l’en remercie : il nous permet ainsi de débattre. Je précise au passage que le montant de cette indemnité n’est pas très élevé.
L’objectif est de renforcer le rôle de la société dans la prise de décision à l’égard des mineurs. Une telle expérimentation aurait un réel intérêt.
Mme la présidente. L’amendement n° 40 rectifié, présenté par Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Lemoyne et Lévrier, Mmes Nadille et Phinera-Horth et M. Théophile, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À titre expérimental et pour une durée de dix-huit mois à compter de la publication du décret visé au II, dans deux tribunaux désignés par arrêté du garde des sceaux, le nombre des assesseurs composant le tribunal pour enfants en application de l’article L. 231-4 du code de la justice pénale des mineurs, choisis conformément aux dispositions de l’article L. 251-4 du code de l’organisation judiciaire, est porté à quatre.
Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation.
II. – Un décret précise les modalités d’application du présent article, notamment les modalités de conduite et d’évaluation de l’expérimentation.
La parole est à Mme Salama Ramia.
Mme Salama Ramia. Actuellement, le tribunal pour enfants est présidé par un juge des enfants, auprès duquel siègent deux assesseurs titulaires. À titre expérimental, nous proposons de porter le nombre de ces assesseurs à quatre.
Les critères de sélection resteraient les mêmes : on privilégierait l’engagement en faveur des jeunes en difficulté et de la justice des mineurs.
Cette évolution permettrait de renforcer l’implication de la société dans les décisions de justice concernant les mineurs, en associant davantage les citoyens au processus judiciaire. Elle renforcerait, en outre, le caractère solennel des audiences.
J’espère que le département de Mayotte, dont je suis l’élue, sera choisi comme territoire d’expérimentation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. À l’évidence, les citoyens doivent être mieux associés aux juridictions chargées des mineurs.
Dans cette logique, il pourrait être judicieux de supprimer les cours criminelles départementales (CCD), qui excluent délibérément les citoyens du jugement d’un certain nombre d’affaires…
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10, et l’amendement n° 40 rectifié n’a plus d’objet.
Article 11
Après le mot : « loi », la fin des articles L. 721-1, L. 722-1 et L. 723-1 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi rédigée : « n° … du … visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale, sous réserve des adaptations prévues au présent chapitre. »
Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié ter, présenté par MM. Daubresse, Frassa et Reichardt, Mmes Canayer et Gruny, MM. Panunzi, Sol et Savin, Mme Micouleau, M. H. Leroy, Mmes Eustache-Brinio, Lassarade, Belrhiti et Duranton, M. Brisson et Mmes Valente Le Hir et Josende, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
II. – L’article 2 est applicable en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna.
III. – L’article 3 est applicable dans les îles Wallis et Futuna.
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
M. Marc-Philippe Daubresse. Compte tenu des modifications adoptées à l’article 2, cet amendement de coordination n’a plus lieu d’être : je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l’article 11.
(L’article 11 est adopté.)
Après l’article 11
Mme la présidente. L’amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Fialaire et Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Grosvalet, Mmes Guillotin, Jouve et Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet annuellement au Parlement un rapport comprenant un suivi statistique de la délinquance des mineurs.
Ce rapport détaille les situations des victimes et mineurs mis en cause sur l’ensemble de la chaîne pénale, et comprend une étude sociologique des auteurs des faits de délinquance et des suivis de cohortes.
Il chiffre les faits de récidive et de réitération.
Il évalue l’efficacité des mesures éducatives et des mesures alternatives aux poursuites mises en œuvre.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Dans un rapport sénatorial de 2022 intitulé Prévenir la délinquance des mineurs – Éviter la récidive, notre collègue Bernard Fialaire dressait le constat suivant : sur les mineurs mis en cause par les forces de l’ordre, les pouvoirs publics ne disposent de statistiques fiables et détaillées que depuis 2016.
Grâce aux chiffres produits, il est désormais possible de distinguer les crimes des délits. En outre, ces données permettent de connaître les caractéristiques des auteurs. Quant aux infractions secondaires et aux contraventions, elles sont elles aussi prises en compte, mais seulement pour la police.
Les statistiques disponibles ne couvrent pas toutes les infractions et ne distinguent pas toujours les crimes des délits. Dès lors, elles ne permettent pas de tirer des conclusions définitives quant à l’évolution de la délinquance des mineurs. Pour combler ce manque, nous sollicitons la remise d’un rapport au Parlement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. Ma chère collègue, vous le savez, nous refusons en général les demandes de rapport : il ne tient qu’au Sénat de faire usage de ses pouvoirs de contrôle pour obtenir telle ou telle information. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 41 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Intitulé de la proposition de loi
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 8 rectifié est présenté par Mme Vérien, MM. J.M. Arnaud et Bitz, Mme Florennes, MM. Marseille et Parigi, Mmes Patru, Tetuanui et Guidez, MM. Delahaye et Mizzon, Mmes de La Provôté, Billon, Herzog et Jacquemet, M. Lafon, Mmes Romagny et Housseau, M. Delcros, Mme Devésa, M. Duffourg et Mme Sollogoub.
L’amendement n° 15 rectifié est présenté par Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud et Théophile.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents
La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
Mme Dominique Vérien. À l’issue de son examen en commission, le présent texte avait perdu une bonne part de son ambition initiale : c’est pourquoi M. le rapporteur a souhaité modifier son titre. Mais, en séance, nous avons pris soin d’en renforcer les dispositions. En conséquence, je propose de revenir à l’intitulé initial : proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents.
Mme la présidente. La parole est à Mme Salama Ramia, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié.
Mme Salama Ramia. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. Mes chères collègues, si j’ai souhaité ce changement, c’est parce que l’intitulé initial du présent texte me semblait péjoratif, voire blessant, pour l’institution judiciaire.
Que signifiait un tel titre ? Que la justice des mineurs était en déliquescence avant que M. Attal ne se penche sur son sort ? Qu’elle n’avait plus aucune autorité, que ce soit à l’égard des mineurs ou des parents, mais que, surgissant tel Zorro, notre collègue député venait restaurer l’autorité de la justice par cette proposition de loi magique ? Si j’étais magistrat pour enfant, éducateur ou membre de la protection judiciaire de la jeunesse, je le prendrais plutôt mal…
Le législateur doit savoir faire preuve de modestie et, je vous le confirme, le titre choisi en commission me paraît plus adéquat. « Proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale » : cet intitulé est, à mon sens, plus adapté à la réalité du travail que nous venons d’accomplir.
En conséquence, je suis défavorable à ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Mollement sagesse, madame la présidente… (Sourires. – M. le rapporteur rit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Les arguments de M. le rapporteur nous ont convaincus.
Pour notre part, nous avions mille autres idées d’intitulé pour ce texte : « Proposition de loi visant à en finir avec l’ordonnance de 1945 et la justice des mineurs » ; « Proposition de loi visant à engager la suppression de l’ordonnance de 1945 » ; « Proposition de loi visant à juger les enfants comme des adultes » ; « Proposition de loi visant à privilégier l’incarcération des mineurs par rapport aux mesures éducatives ».
On pourrait en proposer quantité d’autres, beaucoup plus conformes à l’esprit qui a animé notre assemblée tout au long de ce débat. Mais il me paraît bien suffisant de l’intituler « Proposition de loi portant diverses dispositions relatives à l’organisation de la justice des mineurs ».
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous l’avez vous-mêmes admis tout au long de nos discussions : on ne sait pas vraiment si ces dispositions sont applicables, d’autant qu’après l’examen du Conseil constitutionnel il n’en restera sûrement pas grand-chose.
M. Marc-Philippe Daubresse. Attendez la CMP !
Mme Laurence Rossignol. Le titre retenu doit donc être modeste, à l’instar de l’ambition réelle de ce texte. Mais, à l’évidence, vous êtes très fiers de votre travail : dès lors, peut-être préférerez-vous le titre initial…
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié et 15 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Christophe Chaillou, pour explication de vote.
M. Christophe Chaillou. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un débat qui nous a interpellés à plus d’un titre.
La justice des mineurs est un sujet à la fois très important et, bien entendu, extrêmement sensible. Chacun d’entre nous, sans exception, est conscient des enjeux que représentent les réponses à apporter aux violences, désormais quotidiennes, commises par des personnes de plus en plus jeunes. Ces faits divers choquent profondément nos concitoyens, et ce à juste titre.
En commission, le présent texte a fait l’objet d’un travail approfondi. De très nombreuses auditions ont été menées et des débats extrêmement intéressants ont eu lieu. Je salue notamment la qualité de l’éclairage juridique apporté par M. le rapporteur.
La rédaction issue des travaux de la commission a suscité une large adhésion dans notre assemblée, même si, sur certains sujets, on peut être surpris des positions assez changeantes de plusieurs membres de la commission des lois…
En outre, ce débat est symptomatique d’une certaine dérive de notre assemblée, comme le démontrent divers amendements adoptés depuis hier.
Je déplore un grave manque de recul quant aux règles en vigueur, qu’il s’agisse de leur mise en œuvre, de leur efficacité ou des moyens qu’elles supposent. Ce constat vaut également pour des modifications extrêmement récentes du code de la justice pénale des mineurs.
Il n’y a pas de réflexion quant à l’efficacité des dispositifs, ou si peu ! On fait fi des positions du monde judiciaire et de la prévention, dont les acteurs sont unanimement opposés à ce texte. On se rit, à bien des égards, de la constitutionnalité des dispositions votées. Et, à plusieurs reprises – en tout cas lors de nos débats d’hier –, M. le garde des sceaux a eu la tentation de renvoyer l’arbitrage à la CMP.
Tel qu’il résulte de nos débats, le présent texte va, selon nous, véritablement à l’encontre des principes fondamentaux de la justice des mineurs : atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge, primauté de l’éducatif et spécialisation des juridictions.
Nous avions indiqué un certain nombre de lignes rouges. Sur deux sujets notamment, ces dernières ont été franchies : la comparution immédiate dès 15 ans et l’atténuation des peines pour les mineurs.
Mes chers collègues, vous ne serez donc pas surpris d’apprendre que nous voterons contre ce texte. S’il devait être confirmé par la CMP, le juge constitutionnel ne manquerait pas de s’y intéresser de très près.
Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue.
M. Christophe Chaillou. Nous ne saurions en aucun cas légiférer sous le coup de l’émotion.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Un Clermontois connu, Blaise Pascal, observait en son temps que le propre de la puissance est de protéger ; malheureusement, le présent texte va à rebours de cet adage.
Certains – nous l’avons observé hier soir – cèdent à la tentation de la justice expéditive : en témoigne la volonté de soumettre les mineurs à une procédure de comparution immédiate. Quant aux débats d’aujourd’hui, ils ont mis au jour le goût de la majorité sénatoriale et du Gouvernement pour la justice expérimentale. Ces derniers ont ainsi bricolé un texte qui a, par exemple, pour effet de supprimer l’excuse de minorité.
Au total, rien n’est fait pour protéger les mineurs ou répondre aux difficultés structurelles que connaissent actuellement le secteur et ses professionnels.
Ces débats n’ont été qu’une succession de suspensions de séance,…
M. Laurent Somon. Il n’y a eu qu’une suspension !
Mme Marion Canalès. … d’allers-retours et de tergiversations. Les risques d’inconstitutionnalité ont été rappelés à de très nombreuses reprises.
M. Marc-Philippe Daubresse. Ce n’est pas à vous de dire ce qui est constitutionnel !
Mme Marion Canalès. D’autres dispositions législatives émanant du Sénat ont été récemment censurées : nous nous devons de mettre en avant les risques d’inconstitutionnalité.
Mes chers collègues, la puissance publique est là pour protéger. Or – le présent texte nous le prouve une nouvelle fois – le Gouvernement est plus prompt à punir qu’à protéger. D’ailleurs, si ce texte est promulgué en l’état, les décrets d’application seront sans doute pris beaucoup plus vite qu’il n’est de coutume en matière de protection de l’enfance…
Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote.
M. Ian Brossat. Monsieur le garde des sceaux, nous avons dit d’emblée que ce texte nous inspirait un certain nombre de craintes. Nous redoutions en particulier qu’il ne remette en cause les principes de l’ordonnance de 1945, à laquelle nous sommes particulièrement attachés. Or nos débats l’ont confirmé, amendement après amendement : c’est exactement ce qui s’est produit.
À mon tour, j’attire l’attention sur le fait que, depuis plusieurs semaines, notre assemblée verse dans une forme de populisme législatif.
Cette attitude consiste en particulier à balayer d’un revers de main les risques d’inconstitutionnalité. Ce n’est d’ailleurs pas nous qui les avons soulevés au cours de cette discussion, mais M. le rapporteur lui-même, bien qu’il soit membre de la majorité sénatoriale.
Certains semblent partir du principe que le Conseil constitutionnel fera office de voiture-balai et qu’il supprimera de ce texte les éléments posant problème. Une telle attitude est pour le moins inquiétante.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Les élus du groupe Les Indépendants voteront en grande majorité cette proposition de loi, fruit d’un important travail. À ce titre, je me dois de saluer M. le rapporteur, les autres membres de la commission des lois et l’ensemble des orateurs ayant pris part à ce débat, portant sur des sujets de société particulièrement sensibles.
Toutefois, à titre personnel, je voterai contre ce texte visant à modifier le code de la justice pénale des mineurs.
M. le rapporteur le soulignait il y a quelques minutes : le législateur doit savoir faire preuve de modestie. Il est important de garder cette injonction en mémoire.
Nous avons le devoir de défendre les enfants et, plus largement, les mineurs. En ce sens, il convient de rencontrer les professionnels compétents et de les écouter.
Tout d’abord, la procédure de comparution immédiate est selon moi inadaptée aux mineurs. Elle soulève à l’évidence des problèmes d’organisation. Surtout, elle menace les droits de la défense des mineurs.
Ensuite, on déplore en la matière un cruel manque de moyens – je pense notamment à la suppression de 500 postes d’éducateurs de la PJJ.
Enfin, en suivant une logique par trop répressive, on ne fera qu’aggraver les difficultés de juridictions déjà saturées. On enverra toujours davantage de mineurs en détention, au risque de les confronter à un milieu carcéral violent et donc dangereux. Mieux vaut, à mon sens, mettre l’accent sur leur scolarité, leur formation et leur insertion professionnelle.
Pour l’ensemble de ces raisons, je voterai contre le présent texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Avant tout, je tiens à remercier M. Laménie : voilà deux fois en huit jours qu’il me conforte dans l’idée qu’il est utile de débattre et d’argumenter sérieusement.
Quand je regarde vers la droite de l’hémicycle, j’ai parfois l’impression de n’avoir aucune prise sur mes interlocuteurs. Mais, heureusement, il y a M. Laménie, qui assiste si souvent à nos débats et qui à la fin nous dit : j’ai entendu les propos des uns et des autres, j’ai réfléchi et je voterai en mon âme et conscience.
Mme Laure Darcos. Dans notre groupe, nous sommes libres !
Mme Laurence Rossignol. Tout à fait, chère collègue : le nom de votre groupe le rappelle, vous êtes foncièrement indépendants.
M. Chaillou a détaillé les diverses raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas voter ce texte. Indépendamment de ses nombreuses malfaçons, nous avons assisté à plusieurs ruptures d’ordre philosophique.
Je ne vous ai pas entendus rappeler une seule fois qu’en matière de justice des mineurs l’éducatif doit continuer de primer le répressif. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je ne vous ai pas entendus dire une seule fois qu’un mineur délinquant est un enfant en danger… (M. le ministre s’exclame.)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Mais si !
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le garde des sceaux, je ne parle pas de vous, mais de mes collègues de la droite sénatoriale.
Chers collègues, sur vos travées, personne n’a semblé réfléchir aux limites des solutions carcérales. Personne n’a osé admettre que, pour les mineurs, la prison ne marche pas.
Que faire pour que la délinquance des mineurs recule dans les faits ? Voilà la vraie question. Mais pas une seule fois, je ne vous ai entendus parler de prévention. Pas une seule fois je ne vous ai entendus reconnaître cet échec collectif que représentent les infractions pénales des mineurs. À cet égard, nous sommes bel et bien face à un échec socio-éducatif.
Vous avez trouvé deux coupables : les juges des enfants et les parents. Permettez-moi de vous dire qu’avec une telle logique nous n’avons pas fini de voir, ensemble, les chiffres monter…
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Outre les deux coupables qu’a évoqué Laurence Rossignol, un troisième a été trouvé : les enfants eux-mêmes, les délinquants mineurs.
Après nous avoir écoutés, un journal aujourd’hui a évoqué les débats lunaires de notre assemblée sur la délinquance des mineurs. Vus de l’extérieur, nos débats sont en effet lunaires.
Ainsi, cet après-midi, M. le garde des sceaux et M. le rapporteur ont respectivement passé trois fois cinq minutes et deux fois cinq minutes à expliquer que les amendements proposés étaient dangereux et inconstitutionnels. Tous deux sont des gens très raisonnables, issus du parti Les Républicains, que l’on ne peut suspecter d’être des gauchistes ou même de gauche.
Cependant, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous vous êtes montrés totalement hermétiques à tous les arguments, y compris à ceux qu’ont avancé des personnes défendant les mêmes opinions que vous…
Vous défendez ce texte d’abord pour des raisons d’affichage, pour montrer que vous allez résoudre les problèmes en étant répressifs. Or c’est une promesse que vous ne tiendrez pas, ce qui profitera, vous le savez très bien, à l’extrême droite, et non pas à nous ou à vous.
Vous défendez ensuite cette proposition de loi dans l’espoir de contraindre le Conseil constitutionnel à retoquer les articles ou les amendements que vous avez déposés, dans le but de faire de lui une cible à l’avenir. Cela ne nous servira pas non plus.
Le troisième coupable, ce sont les mineurs. Vous faites comme s’il s’agissait d’une génération spontanée, comme si ces enfants n’avaient aucun lien avec le reste de notre société, comme si la violence extrême, même si elle tend, de manière générale, à diminuer, n’était pas celle de la société, comme si notre société consumériste à outrance n’imposait pas de consommer de tout de façon immédiate, que ce soit des vêtements, de la bouffe ou du sexe, comme s’il ne fallait pas tenir compte de tous ces éléments essentiels. (Mmes Marie-Do Aeschlimann et Marie-Claire Carrère-Gée protestent.)
Tout ce qui vous intéresse, ce sont la comparution immédiate et les peines ultracourtes de prison. Quels problèmes allons-nous résoudre en mettant un mineur en prison quinze jours, madame Carrère-Gée, madame Aeschlimann ?
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. Si le monde était idéal, il est vrai que nous n’aurions pas eu besoin de discuter de ce sujet. Or tout le monde constate que la délinquance des mineurs augmente et s’accorde sur le fait qu’il faut réfléchir à ce problème et travailler à des solutions. C’est que nous essayons de faire ici.
Nous ne faisons pas de procès ici. Il n’y aurait pas d’un côté ceux qui sont favorables à des mesures éducatives, de l’autre ceux qui prônent des dispositions sécuritaires. Les premières ne vont pas sans les secondes : elles sont complémentaires les unes des autres. Les dispositions sécuritaires doivent, naturellement, être accompagnées de mesures éducatives.
Nous faisons tous les mêmes constats. Le rôle du législateur est de proposer des améliorations.
On nous reproche de ne pas avoir réalisé d’étude d’impact. Certes, mais je pourrais vous adresser le même reproche concernant de nombreuses lois soutenues par la gauche, comme la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Le texte n’avait alors été accompagné d’aucune étude d’impact, on quelles ont été les conséquences.
M. Thomas Dossus. Justement !
M. Laurent Somon. Il faut savoir raison garder. La société change et nous essayons d’adapter la loi en conséquence, de réfléchir et de réaliser le meilleur travail possible.
Nous ne faisons pas ici le travail du Conseil constitutionnel.
Mme Laurence Rossignol. Mais non…
M. Laurent Somon. Nous venons ici pour légiférer, pour proposer des textes susceptibles d’améliorer la situation. Nous ne faisons pas non plus, comme cela a pu nous l’être reproché, le travail de la commission mixte paritaire. Nous formulons des propositions en vue d’un retour du texte à l’Assemblée nationale, et nous verrons ultérieurement si la réunion de la commission mixte paritaire est nécessaire.
Nous sommes au Sénat. Essayons de préserver l’indépendance de notre assemblée, au travers les textes que nous examinons.
Pour conclure, il convient d’attendre le bilan de l’application des lois, élément extrêmement important. En effet, comme l’a indiqué M. le rapporteur, il faut combler des lacunes. Cela a été rappelé, lorsque les mesures éducatives ne sont pas respectées, il ne se passe rien.
L’objectif est de trouver des solutions, de changer la loi pour assurer la sécurité et éviter de nouvelles victimes. Allez parler aux parents d’enfants victimes d’attaques commises par des mineurs ou de rixes… Il n’est pas certain que l’on puisse résoudre tous les problèmes en prenant uniquement des mesures éducatives.
Mme Laurence Rossignol. Personne ne dit cela !
M. Laurent Somon. La société change, nous devons évoluer avec elle.
Je le répète, nous ne vous faisons pas de procès, chers collègues. Nous ne disons pas que vous ne prônez que des mesures éducatives et que vous ne prêtez pas attention aux victimes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
Mme Laurence Harribey. J’espère, en effet, que vous ne nous faites pas le procès de n’être les partisans que de mesures éducatives. Si tel était le cas, la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic n’aurait pas été adoptée à l’unanimité ici. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. Guy Benarroche. Bravo !
Mme Laurence Harribey. Comme je l’ai indiqué en discussion générale, en tant que parlementaire, je m’efforce de rassembler le maximum d’éléments afin de travailler de manière rigoureuse et honnête sur le plan intellectuel.
Et quand, sur un sujet tel que celui dont nous débattons, l’ensemble des personnels du monde de la justice nous disent que nous n’allons pas dans la bonne direction, que nous ne ciblons pas le bon problème, que nos propositions ne sont pas applicables, je tends l’oreille et je fais preuve d’humilité, car je sais que je n’ai pas la science infuse.
Nous sommes sur le point de voter un texte peu applicable. Or quand on vote des textes peu applicables, que fabriquons-nous ? De l’antiparlementarisme. En effet, un jour ou l’autre, les gens, l’opinion, à qui nous devrons répondre, nous reprocheront de ne faire que des lois qui ne servent à rien et ne sont pas appliquées ! C’est comme cela qu’on fabrique de l’antiparlementarisme et de l’extrémisme. Pour ma part, je suis soucieuse ne pas participer à cela.
Je suis donc quelque peu étonnée de constater que, lorsque l’on demande à quelqu’un qui propose de durcir la loi s’il a déjà assisté, par exemple, à une comparution immédiate, la réponse est non. Moi, j’ai été en immersion au tribunal pour enfants, au tribunal judiciaire, dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip), parce que j’estime que c’est le b.a-ba lorsqu’on est parlementaire. Je suis surprise de voir le manque de connaissance du terrain de personnes qui prétendent s’adresser à l’opinion.
Enfin, si nous avions, au Sénat, une délégation aux droits de l’enfant, peut-être aurions-nous une expertise plus développée. J’invite donc le Sénat à réfléchir à cette question. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi tendant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 243 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 227 |
Contre | 113 |
Le Sénat a adopté.
10
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour une mise au point au sujet d’un vote.
Mme Maryse Carrère. Lors du scrutin public n° 239, ma collègue Véronique Guillotin souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.
11
Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la liste des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte a été mise à jour et publiée.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
12
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 27 mars 2025 :
À onze heures :
Débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quarante.)
nomination de membres de deux commissions mixtes paritaires
La liste des candidats désignés par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Jean-François Longeot, Damien Michallet, Christophe-André Frassa, Khalifé Khalifé, Mmes Florence Blatrix Contat, Audrey Linkenheld et Solanges Nadille ;
Suppléants : MM. Didier Mandelli, Louis-Jean de Nicolaÿ, Hervé Maurey, Simon Uzenat, Alexandre Basquin, Pierre Jean Rochette et Mme Sophie Briante Guillemont.
La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mme Muriel Jourda, M. Stéphane Le Rudulier, Mmes Marie Mercier, Isabelle Florennes, Corinne Narassiguin, M. Christophe Chaillou et Mme Salama Ramia ;
Suppléants : Mmes Lauriane Josende, Nadine Bellurot, MM. Hervé Marseille, Saïd Omar Oili, Mme Evelyne Corbière Naminzo, M. Alain Marc et M. Michel Masset.
nomination de membres de deux missions d’information
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
Mission d’information sur le thème « Faciliter l’accès aux services publics : restaurer le lien de confiance entre les administrations et les administrés » (dix-neuf membres)
M. Jean-Luc Brault, Mme Catherine Conconne, M. Ronan Dantec, Mme Patricia Demas, M. Gilbert-Luc Devinaz, Mme Catherine Di Folco, MM. Éric Dumoulin, Philippe Folliot, Éric Gold, Mme Béatrice Gosselin, Nadège Havet, Marie-Lise Housseau, Corinne Imbert, Gisèle Jourda, Marianne Margaté, Olivia Richard, Marie-Pierre Richer, MM. Hugues Saury et Adel Ziane.
Mission d’information sur le thème « 10 ans après la loi NOTRe et la loi Maptam, quel bilan pour l’intercommunalité ? » (vingt-trois membres)
M. Jean-Claude Anglars, Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Martine Berthet, MM. Étienne Blanc, Yves Bleunven, Hussein Bourgi, Mmes Isabelle Briquet, Maryse Carrère, Cécile Cukierman, MM. Jean-Marc Delia, Franck Dhersin, Mme Frédérique Espagnac, MM. Jean-Pierre Grand, Daniel Gueret, Stéphane Le Rudulier, David Margueritte, Jean-Marie Mizzon, Clément Pernot, Mme Évelyne Perrot, MM. Didier Rambaud, David Ros, Mme Ghislaine Senée et M. Lucien Stanzione.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER