M. Max Brisson. Cinéma !
Mme la présidente. Veuillez laisser l’oratrice s’exprimer, mes chers collègues !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Merci, madame la présidente.
Nous avons tous ici présidé des assemblées.
M. Cédric Perrin. Elle va nous donner des leçons !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cher collègue, je ne suis pas certaine, au vu du succès de vos amendements dans cet hémicycle, que vous puissiez vous-même vous sentir autorisé à donner des leçons. Vous savez très bien de quoi je parle.
Nous avons tous ici présidé des assemblées – je le dis à Pierre Ouzoulias, que je remercie de son soutien. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Intimidation !
Mme Agnès Evren. Il est pragmatique !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Lorsque nous avons une difficulté, nous pouvons demander que les mains soient levées de manière plus visible. D’ailleurs, je remercie Mme la présidente de l’avoir fait à deux reprises ce soir, plutôt que d’avoir demandé un vote par assis et levé.
Si vous refusez notre amendement, on saura, dans les jours qui viennent, que la droite sénatoriale ne veut pas supprimer une mesure discriminante de son règlement (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), quand l’Assemblée nationale a su le faire à l’unanimité, ce qui, vous en conviendrez, est assez rare.
M. Antoine Lefèvre. Oui !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je suis contente que vous soyez nombreux dans l’hémicycle ce soir : cela vous donne le courage de grommeler… Assumez ce que vous êtes en train de faire !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour explication de vote.
Mme Sylvie Vermeillet. J’écoute avec beaucoup d’attention et d’intérêt les débats de ce soir et je suis ravie des différentes contributions que j’ai pu entendre.
Cela étant dit, cette question n’a jamais été abordée au cours des auditions auxquelles j’ai procédé durant six mois : aucun groupe ne l’a soulevée.
M. Mathieu Darnaud. Ce sont des amendements de dernière minute !
Mme Sylvie Vermeillet. L’Assemblée nationale a voulu débattre du sujet. Soit, cela nous donne l’occasion d’en discuter.
Pour ce qui me concerne, je remercie Mme la rapporteure de son amendement.
Chers collègues, vous parlez beaucoup de stigmatisation ; mais ne stigmatisons pas le seul handicap qui consiste à ne pas pouvoir se lever. L’ouverture d’esprit dont nous devons faire preuve ici oblige à essayer de s’adapter à tout type de handicap, qu’il soit permanent ou temporaire, comme Mme la rapporteure l’a parfaitement souligné.
Une collègue de notre groupe ne pouvait temporairement plus utiliser ses bras à la suite d’un accident de ski. Dans sa situation, la fin du vote par assis et levé n’aurait eu aucun sens.
En réalité, aucun handicap n’empêche d’être parlementaire : nous pourrions, demain, avoir un collègue sourd ou muet. Il faudra bien que l’on s’adapte ; c’est tout le sens de l’amendement de Mme la rapporteure.
Ne pouvant fournir une réponse technique à tous les handicaps, trouvons une solution réactive et adaptable. C’est l’esprit de l’amendement et je crois que c’est la bonne mesure. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 255 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Pour l’adoption | 114 |
Contre | 206 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 72 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de résolution, après l’article 17.
L’amendement n° 33 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme Conte Jaubert, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Ruel, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’alinéa 5 de l’article 46 bis du règlement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 5 bis. – Par dérogation à l’alinéa 5, sous réserve des explications de vote, lorsque plusieurs membres d’un même groupe présentent des amendements identiques, le Président donne la parole à l’un des signataires du premier amendement appelé dans l’ordre de discussion. »
La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Lorsque plusieurs membres d’un même groupe présentent des amendements identiques, nous proposons que la parole soit donnée à un seul signataire.
Cet amendement vise à préserver la qualité de nos débats, tout en rationalisant nos discussions. En concentrant les interventions, nous gagnons en efficacité sans sacrifier la richesse des échanges.
Nous le savons tous, la qualité d’un débat se mesure non pas au nombre d’interventions, mais à leur pertinence. L’objectif n’est bien évidemment pas de restreindre le droit d’amendement, qui est constitutionnel, mais d’éviter les répétitions inutiles qui ralentissent le travail législatif et nuisent parfois à la clarté du débat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je sais que les amendements sur la rationalisation du temps de parole ont un succès divers suivant les groupes.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Permettez que je m’étonne : il me semble que le droit d’amendement individuel est constitutionnel. Je m’excuse auprès de nos collègues du RDSE de la souligner, mais si nous adoptions cet amendement, nous remettrions en cause ce principe.
Je suis quelque peu surprise que la commission, d’habitude si prudente sur les questions constitutionnelles, n’émette pas un avis défavorable sur cet amendement.
Si j’étais impertinente, je dirais que l’objectif de rationaliser drastiquement le temps de parole paraît enfin au grand jour ! J’y insiste, il existe 50 000 autres façons de réduire le nombre d’amendements et de redonner du temps de parole. In fine, le nombre d’amendements est la seule chose qui restera…
Nombre de collectivités locales ont, par la voie de leur règlement intérieur, cherché à s’engager dans cette voie. Comme le montre la jurisprudence, abondante sur ce sujet, elles s’y sont cassé les dents.
Chaque membre d’un même groupe peut déposer le même amendement. C’est d’ailleurs une pratique assez peu courante, ce dont nous pouvons nous féliciter.
Quoi qu’il en soit, je pense que la commission aurait dû émettre un avis défavorable sur cet amendement au regard de son caractère inconstitutionnel.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je ne partage pas votre interprétation : cet amendement vise la prise de parole, non la possibilité de déposer des amendements, qui demeure intacte.
Mme Cécile Cukierman. Je ne suis pas d’accord !
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. C’est un fait, la commission a émis peu d’avis favorables depuis le début de la soirée, sinon quelques avis de sagesse sur des amendements qui visaient tous à restreindre le temps de parole.
Cela pose tout de même un problème. Il me semblait que, dans le travail, que je trouve assez remarquable, réalisé par Sylvie Vermeillet, toutes les tentatives pour réduire le droit d’amendement et le temps de parole avaient soigneusement été mises de côté, ce qui avait permis d’aboutir à un texte dont la base était assez consensuelle.
Les seuls avis de sagesse qui ont été émis portent sur des amendements qui visent précisément à revenir sur ces orientations. Je trouve cela regrettable, comme je déplore qu’aucun des amendements – ou quasiment aucun – présentés n’ait été adopté, alors que certains d’entre eux comportaient des dispositions intéressantes et de bon sens.
Je regrette que l’on ne soit pas capable de faire confiance au travail parlementaire. Le règlement est justement fait pour cela ! Sur la base qui avait été définie par le travail de Sylvie Vermeillet, nous aurions pu avoir un débat un peu plus constructif et Mme la rapporteure et la commission auraient pu se montrer un peu plus favorables à un certain nombre de dispositifs qui me paraissaient intéressants.
Mme la présidente. L’amendement n° 37 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme Conte Jaubert, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Ruel, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le règlement est ainsi modifié :
1° À l’alinéa 13 de l’article 47 ter, après les mots : « alinéa 5 » sont insérés les mots : « et la durée globale du temps dont disposent les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ne peut excéder trente minutes » ;
2° L’alinéa 2 de l’article 47 decies du règlement est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas de retour à la procédure normale, la durée globale du temps dont disposent les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ne peut excéder trente minutes, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Les projets de loi autorisant la ratification ou l’approbation d’une convention internationale sont par nature essentiellement techniques, raison pour laquelle ils sont très souvent examinés selon une procédure simplifiée.
Il arrive régulièrement qu’un groupe demande le retour à la procédure normale pour qu’il y ait un débat plus approfondi, ce qui est parfaitement légitime. Toutefois, nous proposons de fixer la durée de la discussion générale à trente minutes.
Il s’agit non pas de remettre en cause le droit des parlementaires à débattre des conventions internationales, mais de rationaliser le débat, dans le souci d’une meilleure organisation de nos travaux.
Je reviens un instant sur notre amendement précédent, qui concernait les amendements identiques déposés par les sénateurs d’un même groupe : ce sont aussi des amendements qu’ils pourraient cosigner.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’amendement n° 37 a pour objet de limiter à trente minutes la durée de la discussion générale sur les projets de loi de ratification et d’approbation des conventions internationales.
C’est une initiative que je trouve intéressante : sagesse.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de résolution, après l’article 17.
L’amendement n° 40 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme Conte Jaubert, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Ruel, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la troisième phrase de l’alinéa 1 de l’article 47 quinquies du Règlement, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « cinq » et le mot : « cinq » par le mot : « quatre »
La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. La procédure de législation en commission (LEC) a été instaurée pour alléger nos débats en séance publique tout en garantissant un examen approfondi des textes en amont.
Cet amendement s’inscrit dans cette logique d’efficacité : il tend à ajuster le temps de parole en séance publique en le réduisant légèrement, de sept à cinq minutes pour le rapporteur et de cinq à quatre minutes pour les groupes.
L’essentiel du travail ayant déjà été mené en commission, ces adaptations permettraient de rationaliser nos échanges.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit, là encore, de rationaliser le temps de parole : avis de sagesse.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de résolution, après l’article 17.
L’amendement n° 18 rectifié ter, présenté par Mmes N. Goulet et Billon, MM. Longeot et Parigi, Mmes Saint-Pé et Sollogoub et M. Cambier, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’alinéa 3 de l’article 47 decies du Règlement, les mots : « met directement » sont remplacés par les mots : « , après les explications de vote, met ».
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. L’examen en forme simplifiée des conventions fiscales internationales ne donne lieu ni à explication de vote ni à débat.
Je propose que, pour les conventions complexes, sur lesquelles le Sénat ne peut intervenir qu’en votant pour ou contre ou en s’abstenant, nous permettions qu’il y ait au moins des explications de vote.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Vous semblez indiquer, ma chère collègue, que l’examen simplifié des conventions fiscales est une procédure antidémocratique, mais il s’avère que, depuis la session 2017-2018, les conventions fiscales sont systématiquement adoptées via la procédure normale. Il y a bien une discussion générale et un débat sur ces conventions : avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 54 est présenté par Mme de La Gontrie, M. Kerrouche, Mmes Narassiguin et Linkenheld, MM. Chantrel, Marie, M. Weber, Kanner, Bourgi, Chaillou et Durain, Mme Harribey, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 84 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Gontard et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le règlement est ainsi modifié :
1° La première phrase de l’alinéa 1 de l’article 56 est complétée par les mots : « dans les conditions prévues à l’article 63 A » ;
2° Avant l’article 63, il est inséré un article 63 A ainsi rédigé :
« Art. 63 A. – 1. – Le vote des sénateurs est personnel.
« 2. – Toutefois, leur droit de vote peut être délégué. Chaque délégataire ne peut être porteur que d’une seule délégation. Cette délégation de vote est rédigée conformément aux dispositions prévues à l’article 64. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 54.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Lorsque je suis devenue sénatrice, quelle ne fut pas ma surprise, lors du premier scrutin public ordinaire qui s’est tenu après mon élection, de constater qu’une seule personne votait pour l’ensemble de son groupe. Je n’avais jamais eu affaire à une telle modalité de vote, quelles qu’aient été les assemblées dont j’ai pu être membre.
Étant novice, je me suis plongée dans le règlement du Sénat. J’ai noté que celui-ci prévoyait notamment qu’une seule délégation par parlementaire était possible en commission ou pour les scrutins à la tribune. En revanche, je n’y ai rien trouvé sur le scrutin public ordinaire.
Je me suis donc référée à notre texte fondateur : la Constitution. Je rappelle les termes de son article 27 : « Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas nul, ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. »
Notre amendement vise donc simplement à mettre en conformité le règlement du Sénat avec la Constitution.
Le règlement doit prévoir un scrutin public ordinaire qui garantisse le vote individuel et une délégation auprès d’un collègue au maximum.
J’indique que la pratique assez étrange à laquelle notre amendement vise à mettre un terme, et que tout nouvel élu découvre avec surprise, a également existé à l’Assemblée nationale. En 1993, Philippe Séguin, qui la présidait alors, a décidé qu’il n’était plus possible de ne pas respecter la Constitution ; je propose au Sénat d’opérer la même modification, tant d’années plus tard, sachant que ce point recueillera toute l’attention du Conseil constitutionnel.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 84.
M. Thomas Dossus. J’ai ressenti le même étonnement que ma collègue lorsque je suis arrivé au Sénat : cette pratique m’a semblé, à moi aussi, particulièrement étrange, voire saugrenue.
Je souhaite rappeler le contenu de nos premiers échanges sur ce texte. Ceux-ci portaient notamment sur la pratique consistant à empêcher nos collègues d’outre-mer d’assister aux réunions de commission en visioconférence ou nos collaborateurs d’être présents lors de réunions de commission auxquelles nous ne pouvons pas nous-mêmes nous rendre…
Qui a assisté, un jeudi matin, à une séance prévue dans une niche parlementaire sait bien que le scrutin public autorise la désertion des travées de l’hémicycle, notamment celles de la majorité sénatoriale, qui se mobilise très peu, mais qui sait qu’elle pèsera toujours ! (MM. Loïc Hervé et Stéphane Piednoir protestent.) Elle sait en effet qu’elle peut compter sur cette procédure contraire à la Constitution pour garantir sa majorité…(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est un fait, mes chers collègues. Venez en séance un jeudi matin et vous vous en rendrez compte ! Cette pratique est très problématique, car elle affaiblit nos débats.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le scrutin public ordinaire est-il conforme à la Constitution ?
Nous aimons tous ici – moi comme les autres – évoquer la conformité à la Constitution et nous avons tous un avis sur cette question. Or il ne s’agit pas ici d’avoir un avis : je le rappelle, le règlement du Sénat, qui prévoit le scrutin public ordinaire, est toujours passé sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel, qui l’a validé. Point d’inconstitutionnalité de notre règlement sur ce point.
M. Loïc Hervé. Fin du débat !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est faux !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Par ailleurs, mes chers collègues, si je comprends votre étonnement sur cet usage – nous en avons tous fait l’expérience –, j’observe que l’on s’y fait assez vite… Ainsi, depuis le début du présent débat, vous avez vous-même, à deux reprises, demandé que l’on recoure au scrutin public. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.) Peut-être était-ce de votre part la manifestation d’une forme de nostalgie avant que celui-ci ne soit supprimé ? Je constate, quoi qu’il en soit, que l’utilisation de cette modalité anticonstitutionnelle ne vous a pas dérangés.
Je tiens à dire, plus sérieusement, que le scrutin public est utile à tout le monde, à la majorité comme à l’opposition – c’est bien pour cette raison que vous avez précédemment demandé que l’on vote de cette façon un peu plus tôt dans notre débat. Il permet sans doute – on ne va pas dire le contraire – de pallier une présence parfois fluctuante, mais aussi de trancher clairement des enjeux politiques. C’est ce que nous faisons tous, régulièrement. Ne serait-ce que pour cette dernière raison, il convient de conserver le scrutin public ordinaire.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques. (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset, pour explication de vote.
M. Michel Masset. Peut-être pourrions-nous, par commodité, réfléchir à un système de report de scrutin pour certains votes devant recueillir, du fait de leur importance, toute l’attention de notre assemblée, et qui auraient lieu à des horaires incitatifs.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Si nous demandons le scrutin public, madame la rapporteure, c’est parce que nous n’avons pas d’autre choix pour obtenir la publicité des votes. (Ah ! sur des travées des groupes UC et Les Républicains.) Il n’existe aucune autre modalité permettant de faire voter les seuls sénateurs présents dans l’hémicycle, en prenant connaissance de leur nom et de leur vote.
Nous demandons des scrutins publics pour savoir qui vote quoi dans cet hémicycle. Or, au cours de la présente séance, des absents ont « voté » sur tel ou tel article de cette proposition de résolution. Ils seront inscrits comme tels, alors qu’ils n’ont pas nécessairement donné de délégation de vote.
Telle est la raison pour laquelle nous contestons la constitutionnalité de cette procédure.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Il est vrai – cela a été dit – que chacun d’entre nous, en arrivant pour la première fois dans l’hémicycle du Sénat, a été surpris par cette procédure. Pour autant, il y a plusieurs manières de considérer le recours au scrutin public. (M. Jean-Michel Arnaud opine.)
Notre objectif n’est pas ici de remettre en cause l’argument fondé sur le fait majoritaire. Je ne suis pas naïve et je sais bien évidemment que le scrutin public est un moyen pour certains de s’assurer que le vote ira bien dans le sens politique voulu par une majorité, même si celle-ci n’est pas présente en nombre. Cela peut en effet poser une difficulté en termes de publicité des votes, mais je rappelle que tout citoyen peut savoir, en regardant nos travées, qui est présent en séance et qui est absent.
Le scrutin public présente, en revanche, un avantage, non pas pour modifier le rapport de forces – pour ma part, ce n’est jamais à cette fin que j’ai souhaité y recourir –, mais parce que des sujets, éminemment politiques, nécessitent notre engagement. Or, lors de certains débats, il n’y a pas suffisamment de sénateurs en séance pour voter, parce qu’untel passe un coup de fil en salle des conférences ou parce que tel autre est allé aux toilettes… On peut en rire, mais si les groupes d’opposition utilisent le scrutin public, c’est bien pour que les votes soient enregistrés et donc assumés par toutes et tous.
Même si nous entendons et partageons les réserves qui viennent d’être exprimées par les auteurs de ces amendements identiques, nous ne voulons pas en arriver à la situation en vigueur à l’Assemblée nationale, où un certain nombre de députés ne participent au cours de leur mandat qu’à quelques scrutins publics.
Nous voterons contre ces amendements identiques. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)
M. Laurent Burgoa. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Je tiens à préciser de nouveau quel est notre objectif.
Nous remettons en cause, au travers de cet amendement, non pas le principe même du scrutin public, mais ses modalités d’application. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous y avons eu recours un peu plus tôt dans ce débat, selon les modalités qui sont aujourd’hui en vigueur.
Pour autant, nous souhaiterions qu’à l’avenir, dans notre assemblée, les modalités de cette procédure de scrutin soient les mêmes que celles qui sont appliquées depuis le siècle dernier, c’est-à-dire depuis 1993, à l’Assemblée nationale. Lorsqu’un scrutin public y est demandé, c’est non pas une personne qui vote pour l’ensemble de son groupe, mais chacun de ceux qui sont présents qui votent pour eux-mêmes. Et cela fonctionne !
Je précise que, dans ce type de cas, nos collègues députés sont prévenus de l’imminence du scrutin public. Ceux qui sont dans les couloirs, aux toilettes ou à la buvette ont donc le temps de revenir rapidement pour participer à ce scrutin (M. Loïc Hervé en doute.), ce qui permet de faire savoir clairement à nos concitoyens qui a voté quoi sur tel sujet, et ce dans le plein respect de la Constitution. Chacun vote pour soi-même, en disposant éventuellement d’une délégation de vote.
Je pense pouvoir dire que cette pratique, qui existe depuis des années à l’Assemblée nationale, n’a pas eu pour conséquence de vider les bancs de son hémicycle. Et ce n’est pas parce que nous l’adopterons au Sénat que nos travées seront bondées… Je ne pense pas qu’il y aura de changement à cet égard, mais au moins respecterons-nous la Constitution.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je souhaite tout d’abord répondre à Mme la rapporteure, qui a invoqué un argument inexact : le Conseil constitutionnel n’a jamais validé cette modalité de vote, tout simplement parce qu’il n’a pas été saisi de la conformité à la Constitution des modalités inscrites dans les modifications de notre règlement intérieur.
Vous me rétorquerez qu’il nous suffit de ne pas voter ce soir sur ce point et que l’affaire sera faite… Eh bien, pas forcément ! Je vous livrerai la suite des épisodes plus tard…
M. Loïc Hervé. C’est du teasing !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Quoi qu’il en soit, le Conseil constitutionnel aura à se prononcer sur ce point.
Permettez-moi, ensuite, de citer les propos, figurant au Journal officiel, tenus le 28 septembre 1993 par Philippe Séguin, alors président de l’Assemblée nationale, lequel s’était fondé sur l’article 27 de la Constitution pour décider d’instaurer ce scrutin à l’Assemblée nationale : « La décision d’appliquer désormais les dispositions constitutionnelles en ce domaine procède du souci de renforcer la crédibilité de notre assemblée, de lui donner toute la place qu’elle occupe dans nos institutions. Le vote personnel marque une nouvelle étape. Il n’a d’équivalent réel dans aucun autre parlement. »
Je vous laisserai méditer, enfin, sur la teneur d’une proposition de résolution qui avait été déposée sur ce sujet par l’un de vos anciens collègues, Jean Louis Masson, ainsi que sur les propos d’une sénatrice, Jacqueline Gourault, devenue, par la grâce d’heureuses circonstances, membre du Conseil constitutionnel. Celle-ci disait, le 15 décembre 2009 dans notre hémicycle, à la suite d’un scrutin : « Cette affaire m’incite à reprendre une idée à laquelle je crois profondément (Marques d’impatience sur des travées du groupe Les Républicains.)…