Sommaire
Présidence de Mme Sylvie Robert
Professionnels de santé des services d'incendie et de secours
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Article 7 bis A (nouveau) (réservé)
Accueil et information des personnes retenues
Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission
(À suivre)
Présidence de Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Secrétaires :
M. Fabien Genet,
Mme Véronique Guillotin.
1
Professionnels de santé des services d'incendie et de secours
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'organisation et aux missions des professionnels de santé, vétérinaires, psychothérapeutes et psychologues professionnels et volontaires des services d'incendie et de secours (proposition n° 413, texte de la commission n° 579, rapport n° 578).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des lois, chère Muriel Jourda, madame la rapporteure, chère Françoise Dumont, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de commencer l'examen de ce texte, mes premières pensées, vous l'imaginez bien, vont au sapeur-pompier volontaire qui a été grièvement blessé samedi dernier à Évian-les-Bains, ainsi qu'à ses collègues qui ont été agressés dimanche soir à Saint-Cergues en Haute-Savoie.
Je condamne avec la plus grande fermeté ces actes de violence inacceptables et je veux vous assurer de mon engagement, aux côtés de l'ensemble du Gouvernement, pour ne laisser aucun répit à ceux qui s'en prennent à ceux qui nous protègent, viennent à notre secours et prennent soin de nous.
Mesdames, messieurs les sénateurs, un objectif commun nous rassemble autour de ce texte : reconnaître l'action essentielle menée partout en France par les services d'incendie et de secours, notamment – tel est du reste l'objet de ce texte – par les professionnels de santé qui s'y engagent.
Permettez-moi de saluer le travail parlementaire transpartisan qui a été mené sur ce texte, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
Je pense tout d'abord aux échanges extrêmement constructifs que nous avons eus avec son auteur et rapporteur à l'Assemblée nationale, le député Jean-Carles Grelier, pour préciser et affiner les dispositions initiales de la proposition de loi, travail que nous avons parachevé au Sénat en commission des lois la semaine dernière. Je tiens à souligner la qualité de nos échanges et à remercier la rapporteure Françoise Dumont de son engagement.
Au terme de ce travail, le présent texte constitue un progrès pour les professionnels de santé sapeurs-pompiers. Il reconnaît en effet leur exercice polyvalent, ainsi que, surtout, le cadre spécifique de la médecine d'urgence, qui doit être préservé.
Un important travail d'écoute a également été mené, pour prendre en compte le point de vue et les aspirations des pompiers, des urgentistes, des médecins et des infirmiers. Le Sénat a non seulement une expertise très fine des sujets, mais, dans un esprit de coopération, il se montre toujours très attentif à la recherche d'équilibres.
Je salue également votre choix de la procédure de législation en commission, qui nous permet d'aboutir rapidement, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je m'en réjouis, car, comme vous l'aurez compris, je souscris pleinement aux dispositions de ce texte. Celui-ci est d'autant plus important que le développement des missions de secours d'urgence aux personnes exercées par les sapeurs-pompiers a renforcé leurs liens avec le système de santé, tout particulièrement avec les services des urgences. Ces missions de secours aux personnes sont aujourd'hui devenues prédominantes, si bien qu'elles constituent plus de 80 % de l'activité quotidienne des sapeurs-pompiers.
Dans le respect des missions, des compétences et des périmètres de chacun, je suis donc résolument attaché à construire, avec les « blancs » comme avec les « rouges », les déterminants d'une collaboration toujours plus efficace et fluide au service de la santé et de la sécurité de nos concitoyens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'aborde ce texte en tant que ministre de la santé, mais aussi et surtout en tant que ministre des professionnels de santé, y compris de ceux qui exercent au sein des Sdis, les services départementaux d'incendie et de secours.
Cette proposition de loi permet de reconnaître et de valoriser les soignants et les médecins, mais aussi tous les autres professionnels de santé qui s'engagent dans le corps des sapeurs-pompiers. L'inscription dans la loi d'une telle reconnaissance me paraît salutaire.
En tant qu'élu local, j'ai eu l'occasion de participer à de nombreuses cérémonies de la Sainte-Barbe et de rendre hommage au courage et au dévouement des pompiers. Je suis heureux de le faire aujourd'hui en tant que ministre de la santé.
En effet, l'on entend parfois qu'il existerait de fortes tensions entre les « blancs » et les « rouges ». Ce que je constate, ce dont vous êtes les premiers témoins dans vos départements et ce que le travail sur cette proposition de loi a montré, c'est toutefois que, dans la grande majorité de territoires, cette articulation s'opère bien, les sapeurs-pompiers et les urgentistes travaillant en bonne intelligence et en pleine coopération.
La réalité, je tiens à le souligner, est d'abord celle-ci : le métier de pompier, comme les métiers des soignants, est fait d'engagement et d'altruisme. Il est guidé par un objectif que, sur l'ensemble des travées de cet hémicycle, vous partagez avec moi, mesdames, messieurs les sénateurs, à savoir venir en aide et porter secours, au quotidien, à toutes celles et à tous ceux qui en ont besoin.
Je souhaite donc que ce texte soit avant tout le vecteur d'une meilleure articulation entre les professionnels des services d'aide médicale urgente (Samu) et ceux du secours et de l'aide aux personnes que sont les Sdis. Il doit nous permettre d'avancer en précisant et en clarifiant les déterminants de la coopération entre les Sdis et les Samu.
Comme je l'ai indiqué d'emblée, ce travail doit être mené dans le respect des missions, des compétences et des périmètres de chacun. C'est du reste à cette seule condition que la coordination entre Sdis et Samu, entre pompiers et urgentistes, sera véritablement efficace au service de nos concitoyens.
En commission, vous m'avez interrogé sur l'instauration du numéro unique d'urgence, le 112, pour remplacer le 15, le 18 et le 17.
Dans ma région Auvergne-Rhône-Alpes, comme dans d'autres, l'expérimentation prévue par la loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, se met en place, non sans difficulté. Le ministère de la santé s'est pleinement mobilisé pour tester et évaluer différents scénarios dont nous devons désormais tirer tous les enseignements, notamment en termes de limites opérationnelles constatées sur le terrain.
Si je suis évidemment favorable à une plus grande collaboration entre les Samu et les Sdis, notamment au travers de plateformes communes, j'estime que ces rapprochements ne doivent jamais s'opérer au prix de l'efficacité de la réponse apportée aux patients et aux victimes.
Le numéro unique est une idée séduisante sur le papier, mais elle impose une rupture organisationnelle majeure. Sur ce sujet, comme sur tous les autres, je n'ai pas de position idéologique. Le cœur de notre responsabilité, c'est de garantir une réponse rapide, adaptée et sécurisée à chaque appel urgent.
Or, force est de le constater, les conditions ne sont pas réunies aujourd'hui pour aller beaucoup plus loin sur ce sujet. Il faut poursuivre les expérimentations. Je souhaite que l'on avance là où c'est utile et faisable, c'est-à-dire sur les plateformes communes, notamment colocalisées, qui réunissent pompiers et urgentistes, ou encore sur l'interconnexion sans fusion des systèmes d'appels.
Sans attendre la fin de l'expérimentation prévue par la loi Matras, il nous faut lancer une mission d'évaluation relative aux plateformes communes existantes, afin de lever tous les freins au développement de ces dernières.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de m'arrêter un instant pour rendre hommage aux urgentistes et aux professionnels des urgences, comme j'ai rendu hommage aux sapeurs-pompiers soignants. Je tiens à saluer leur rôle, au quotidien, dans les services d'urgence, ainsi que leur mobilisation dans la gestion des tensions hospitalières, notamment hivernales ; cette année encore, les services d'urgence ont été en première ligne au cours de cette période.
Nous aurons encore besoin de leur engagement durant la période sensible de l'été, qui se profile avec le retour des beaux jours. Les services commencent déjà à l'anticiper.
Ces tensions affectent aussi les sapeurs-pompiers, qui font face parfois à des temps d'attente anormalement longs aux urgences lorsqu'ils y amènent un patient.
Je me réjouis donc que le travail effectué en bonne intelligence sur ce texte ait notamment permis de clarifier et d'expliciter les possibilités d'exercice pluriel des médecins des Sdis en matière de soins, de médecine d'aptitude et de médecine du travail, dans la limite des compétences acquises par la formation ou dans le cadre de coopérations entre professionnels de santé.
En tant que ministre d'un écosystème de métiers aussi riche que divers, je veille à prendre en compte de telles limites, car il ne faut jamais opposer les professions entre elles. Nous devons au contraire nous attacher à faire progresser chacune dans son champ d'expertise comme dans ses missions communes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez comme moi combien nous avons besoin, dans nos territoires, de la mobilisation de l'ensemble de nos acteurs. C'est à cette seule condition que nous pourrons garantir à chacun de nos concitoyens qui en a besoin une réponse efficace et coordonnée, le jour comme la nuit.
Je le répète sans cesse, il faut travailler ensemble : la ville avec l'hôpital, tous les soignants les uns avec les autres et les services d'urgence avec les services d'incendie et de secours. En tant que ministre, en tant que praticien hospitalier et en tant qu'élu local, je souhaite que nous puissions adopter ce texte, que j'envisage comme un véritable catalyseur de l'engagement des professionnels du secours sur le terrain.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Françoise Dumont, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder la discussion du texte qui nous réunit ce jour, je souhaite exprimer toute ma solidarité et adresser tous mes vœux de bon rétablissement au sapeur-pompier volontaire grièvement blessé à la suite d'une attaque innommable samedi dernier en Haute-Savoie.
Je ne doute pas que l'ensemble de cet hémicycle se joint à moi pour l'assurer, ainsi que sa famille et ses collègues de la caserne d'Évian-les-Bains, de notre plus sincère soutien.
Triste hasard du calendrier, nous sommes réunis cette après-midi pour examiner la proposition de loi de notre collègue député Jean-Carles Grelier relative aux conditions d'exercice des professionnels de santé dans les services d'incendie et de secours. Adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 6 mars dernier, ce texte a été modifié, puis adopté par la commission des lois de notre assemblée la semaine dernière, selon la procédure de législation en commission.
Il n'est nul besoin de rappeler que l'amélioration des conditions de travail des sapeurs-pompiers constitue un point d'attention particulier de notre assemblée, comme en atteste l'adoption, il y a tout juste deux mois, de la proposition de nos collègues Émilienne Poumirol et Anne-Marie Nédélec visant à garantir le suivi de l'exposition des sapeurs-pompiers à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.
Quelque 13 000 sapeurs-pompiers exercent aujourd'hui les fonctions de médecin, de pharmacien, d'infirmiers ou encore de psychologues dans nos Sdis. Parmi eux, les médecins des sapeurs-pompiers sont amenés à exercer des missions plurielles, parmi lesquelles les soins aux victimes et aux sapeurs-pompiers, la médecine d'aptitude aux sapeurs-pompiers, ainsi que la médecine de prévention pour l'ensemble des agents des Sdis.
Les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, ainsi que les obligations déontologiques imposées par l'ordre des médecins s'opposent pourtant à l'exercice cumulatif, par un même médecin et à l'égard d'un même patient, de ces différentes missions.
En toute rigueur, les Sdis devraient ainsi recruter autant de médecins que le fonctionnement du service requiert de spécialités.
Or cette exigence est tout simplement irréaliste au regard des contraintes financières qui pèsent sur les services d'incendie et de secours. Elle est en décalage avec la rareté des professionnels de santé sur l'ensemble du territoire et elle ne tient pas compte du fait que la pluralité des missions exercées par les médecins des sapeurs-pompiers constitue précisément l'un des motifs d'attractivité incitant les professionnels à s'engager.
La présente proposition de loi découle ainsi d'un constat simple, celui d'un décalage entre l'exercice des missions des médecins des sapeurs-pompiers, d'une part, et le cadre normatif régissant cet exercice, d'autre part.
Ce texte a donc pour objectif premier de lever la contrainte normative qui empêche aujourd'hui l'exercice, par un même médecin, de la médecine de soins, d'aptitude et de prévention dans son Sdis. L'article 1ᵉʳ dote à cette fin d'une base législative l'exercice pluriel de missions par les médecins des sapeurs-pompiers.
La commission des lois a salué cette mesure comme une disposition de bon sens, attendue de longue date. Elle a précisé les missions des médecins s'agissant de la participation au secours d'urgence et au concours médical urgent, afin de conforter l'articulation opérationnelle entre les sapeurs-pompiers et les urgentistes.
Il va de soi que ces médecins doivent, au préalable, valider une formation spécifique. Il reviendra donc au pouvoir réglementaire de préciser le contenu des formations en question, ainsi que leurs modalités d'évaluation – ce que prévoit le texte adopté par la commission.
Au-delà des médecins, le texte vise à consacrer dans la loi les missions dévolues aux pharmaciens, aux cadres de santé, aux infirmiers, aux psychothérapeutes, aux psychologues et aux vétérinaires des services d'incendie et de secours. La commission a admis cette consécration législative, en considérant qu'elle permettait de clarifier le périmètre d'intervention de chacune de ces professions de santé.
Par ailleurs, dans un souci de clarté et de lisibilité du droit, la commission a regroupé l'ensemble des dispositions relatives aux professionnels de santé des Sdis au sein d'un même nouveau chapitre du code de la sécurité intérieure. C'est pourquoi les dispositions de l'article 2 ont été intégrées dans l'article 1ᵉʳ.
La commission n'a pas jugé pertinent de créer un nouveau cadre d'emploi des personnels de santé des services d'incendie et de secours, tels que le prévoyait l'article 3 du texte adopté par l'Assemblée nationale.
Cette disposition aurait entraîné la fusion de l'ensemble des cadres d'emplois actuels des différentes professions de santé des sapeurs-pompiers professionnels au sein d'un cadre d'emploi unique, ce qui aurait soulevé des questions statutaires complexes. La commission a donc maintenu la suppression, votée par l'Assemblée nationale, de cet article.
La précision de la composition des sous-directions santé des Sdis au sein du code général des collectivités territoriales a été admise par la commission. Il lui a toutefois semblé préférable de revenir à la dénomination, consacrée par la loi Matras, de sous-direction santé, dénomination que les acteurs du secteur se sont appropriée entre-temps.
La commission a par ailleurs veillé à renforcer le caractère opérationnel du texte proposé. Elle a ainsi supprimé les deux articles prévoyant la remise de rapports au Parlement, ainsi que l'article 7 bis, l'organisation de campagnes d'information sur les professions de santé dans les services d'incendie et de secours n'ayant nullement besoin d'une assise législative.
La commission a en outre supprimé l'article 6 de la proposition de loi. Celui-ci prévoyait en effet des dérogations non justifiées, puisque le droit en vigueur permet d'ores et déjà aux militaires du service de santé des armées d'effectuer un détachement qui pourra être suivi d'une intégration au sein de l'ensemble de la fonction publique, notamment au sein des sous-directions santé des services d'incendie et de secours.
La commission n'en souscrit pas moins à l'objectif de favoriser la mobilité des personnels de santé du service de santé des armées.
Plus largement, il convient de répondre aux difficultés de recrutement auxquelles font face les Sdis, en particulier au déficit d'attractivité dont souffrent les métiers de la santé en leur sein. Ce point devra faire l'objet d'une attention toute particulière du Gouvernement dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile.
Mes chers collègues, si elle ne résout pas tout, cette proposition de loi apporte une clarification juridique bienvenue à l'exercice des missions des professionnels de santé de nos sapeurs-pompiers. La commission des lois vous propose donc de l'adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et RDPI. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative aux missions des professionnels de santé, vétérinaires, psychothérapeutes et psychologues des services d'incendie et de secours
Article 1er
Après le chapitre II du titre II du livre VII du code de la sécurité intérieure, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE II BIS
« Professionnels de santé, vétérinaires, psychothérapeutes et psychologues des services d'incendie et de secours
« Art. L. 722-2. – Les médecins de sapeurs-pompiers exercent les missions suivantes :
« 1° Les secours et les soins d'urgence aux personnes dans le cadre des missions des services d'incendie et de secours définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales ainsi que le concours à l'aide médicale urgente ;
« 2° Les actes médicaux de diagnostic et de soins à l'égard des sapeurs-pompiers, des réservistes et des agents du service d'incendie et de secours ;
« 2° bis La médecine d'aptitude et la médecine de prévention à l'égard des sapeurs-pompiers, des réservistes et des agents du service d'incendie et de secours ;
« 2° ter (Supprimé)
« 2° quater L'expertise, l'enseignement et la recherche dans les domaines de la santé, du secours et des soins d'urgence aux personnes relatifs aux services d'incendie et de secours ;
« 2° quinquies La participation aux missions de direction, d'encadrement, de mise en œuvre, d'évaluation ou de conseil qu'impliquent leurs fonctions ;
« 3° (Supprimé)
« Ces médecins restent soumis aux règles professionnelles et déontologiques qui leur sont applicables, à l'exception de celle relative à l'exercice exclusif de leur qualification.
« Leurs compétences peuvent faire l'objet d'une délégation de tâches aux infirmiers de sapeurs-pompiers dans des conditions définies par décret.
« Les modalités de l'exercice des missions des médecins de sapeurs-pompiers sont définies par décret. Le contenu et les modalités d'évaluation des formations relatives à ces missions sont définis par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité civile, de la fonction publique et de la santé.
« Art. L. 722-3 (nouveau). – Les pharmaciens de sapeurs-pompiers peuvent participer aux opérations de secours dans le cadre des missions des services d'incendie et de secours définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Ils assurent la conception, l'encadrement, la mise en œuvre, l'évaluation et l'inspection des activités relatives aux pharmacies à usage intérieur des services d'incendie et de secours. Ils peuvent intervenir en matière d'hygiène et de risques nucléaires, radiologiques, biologiques, bactériologiques, chimiques et explosifs.
« Ils exercent leurs compétences dans le respect de leurs règles professionnelles et déontologiques.
« Art. L. 722-4 (nouveau). – Les infirmiers et les cadres de santé de sapeurs-pompiers contribuent aux secours et soins d'urgence aux personnes dans le cadre des missions des services d'incendie et de secours définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales.
« Les infirmiers de sapeurs-pompiers exercent des tâches liées à l'hygiène ainsi qu'à la médecine d'aptitude et de prévention des sapeurs-pompiers, des réservistes et des agents des services d'incendie et de secours.
« Les cadres de santé de sapeurs-pompiers dirigent et coordonnent les activités des infirmiers de sapeurs-pompiers engagés dans toutes les missions dévolues aux services d'incendie et de secours et celles des personnels participant à l'activité de leurs services.
« Les infirmiers et les cadres de santé de sapeurs-pompiers exercent leurs compétences dans le respect de leurs règles professionnelles et déontologiques.
« Art. L. 722-5 (nouveau). – Les psychothérapeutes et les psychologues de sapeurs-pompiers participent aux soins et à la prévention. Ils contribuent au soutien psychologique des sapeurs-pompiers. Ils réalisent des bilans et des examens psychologiques.
« Art. L. 722-6 (nouveau). – Les vétérinaires de sapeurs-pompiers peuvent intervenir en matière d'hygiène, d'épizootie, de risques sanitaires d'origine animale ou biologique et de suivi médical des équipes cynotechniques.
« Les vétérinaires de sapeurs-pompiers exercent la médecine vétérinaire dans le respect de leurs règles professionnelles et déontologiques.
« Art. L. 722-7 (nouveau). – Les autres professionnels de santé peuvent être engagés en qualité d'experts de sapeurs-pompiers afin de participer aux missions de la sous-direction santé des services d'incendie et de secours, dans la limite et le respect de leurs règles professionnelles.
« Art. L. 722-8 (nouveau). – Les missions définies aux articles L. 722-3 à L. 722-7 sont précisées par décret. »
Articles 2 et 2 bis
(Supprimés)
Article 3
Le chapitre IV du titre II du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° A (Supprimé)
1° La sous-section 3 de la section 2 est complétée par un paragraphe 4 ainsi rédigé :
« Paragraphe 4
« La sous-direction santé
« Art. L. 1424-34. – La sous-direction santé comprend notamment des médecins, des pharmaciens, des cadres de santé, des infirmiers, des psychothérapeutes, des psychologues, des vétérinaires et des professionnels de santé experts de sapeurs-pompiers qui exercent leurs fonctions dans les services d'incendie et de secours au sein d'équipes pluridisciplinaires. » ;
2° et 3° (Supprimés)
Articles 4 et 5
(Suppressions conformes)
Article 6
(Supprimé)
Article 7
La présente loi est applicable aux personnels de santé civils de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris et du bataillon de marins-pompiers de Marseille.
Article 7 bis A (nouveau) (réservé)
Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l'article L. 765-1, les mots : « n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions » sont remplacés par les mots : « n° … du … relative aux missions des professionnels de santé, vétérinaires, psychothérapeutes et psychologues des services d'incendie et de secours » ;
2° Après le 7° de l'article L. 765-2, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :
« 7° bis Aux articles L. 722-2 à L. 722-4, la référence : “L. 1424-2” est remplacée par la référence : “L. 1852-2” ; »
3° L'article L. 766-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions » sont remplacés par les mots : « n° … du … relative aux missions des professionnels de santé, vétérinaires, psychothérapeutes et psychologues des services d'incendie et de secours » ;
b) Au troisième alinéa, la référence : « L. 722-1 » est remplacée par la référence : « L. 722-8 » ;
4° Après le 7° de l'article L. 766-2, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :
« 7° bis Aux articles L. 722-2 à L. 722-4, les mots : “L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales” sont remplacés par les mots : “26 de l'ordonnance n° 2006-172 du 15 février 2006 portant actualisation et adaptation du droit applicable en matière de sécurité civile en Nouvelle-Calédonie” ; ».
Articles 7 bis et 7 ter
(Supprimés)
Article 8
(Conforme) (Réservé)
La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l'État, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application de l'article 47 quater, alinéa 1, de notre règlement, seuls sont recevables en séance les amendements visant à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec une autre disposition du texte en discussion, avec d'autres textes en cours d'examen ou avec les textes en vigueur ou à procéder à la correction d'une erreur matérielle.
Nous allons à présent examiner les amendements du Gouvernement et de la commission.
Article 7 bis A
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par Mme Dumont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Françoise Dumont, rapporteure. Cet amendement de coordination vise à prendre en compte le transfert de la compétence sécurité civile à la Nouvelle-Calédonie par la loi du 20 janvier 2012.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. J'avais émis un avis défavorable sur un amendement similaire présenté en commission, car son objet incluait également la Polynésie française. Lors des travaux de la commission, la sénatrice Lana Tetuanui ayant rappelé avec tact qu'il n'y avait pas de Sdis en Polynésie française, la mention de ce territoire a toutefois été retirée du dispositif.
Le transfert de compétence en Nouvelle-Calédonie rend bien inopérante l'inclusion de la compétence sécurité civile dans les dispositions visées par ce texte.
J'émets donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Françoise Dumont, rapporteure. Avis favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole à un représentant par groupe, pour explication de vote.
La parole est à Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que les situations d'urgence exigent chaque jour une mobilisation rapide et coordonnée, le terrible accident de la route survenu le 8 mai dernier à Baie-Mahault, en Guadeloupe, rappelle avec force l'importance de nos services de secours. Cinq de nos jeunes y ont perdu la vie, tandis qu'un blessé grave lutte encore contre la mort.
Le samedi 10 mai, c'est un pompier qui a été grièvement blessé lors d'un rodéo urbain à Évian-les-Bains, en Haute-Savoie. Il est toujours entre la vie et la mort.
Je tiens à exprimer tout mon soutien aux familles et aux proches de ces victimes.
Je salue l'intervention exemplaire des équipes des Sdis de Guadeloupe et de Haute-Savoie, mobilisées avec professionnalisme et courage. Ces drames mettent une nouvelle fois en lumière le rôle essentiel que jouent ces femmes et ces hommes au service de nos concitoyens.
C'est dans ce contexte où les acteurs de terrain méritent toute notre confiance que nous examinons aujourd'hui cette proposition de loi attendue par la profession. Ce texte vise à améliorer l'organisation des missions des professionnels de santé, des vétérinaires, des psychothérapeutes et des psychologues, qu'ils soient volontaires ou professionnels, exerçant au sein des services d'incendie et de secours (SIS).
Ces personnels appartiennent aux services de santé et de secours médical qui interviennent dans les trois domaines clés que sont les soins d'urgence apportés aux victimes et aux sapeurs-pompiers, la médecine d'aptitude et la médecine de prévention pour tous les agents des Sdis.
Aujourd'hui, aucun cadre juridique clair ne reconnaît officiellement cette polyvalence. De manière paradoxale, voire limitante, les textes actuels empêchent en principe qu'un seul médecin ne cumule ces fonctions, ce qui reviendrait à obliger les Sdis à recruter un médecin par spécialité.
La proposition de loi du député Jean-Carles Grelier, adoptée le 6 mars dernier par l'Assemblée nationale, permet enfin de sécuriser l'exercice de ces missions multiples par un même professionnel. Il s'agit de mettre le droit en phase avec la réalité du terrain.
La commission des lois du Sénat a soutenu cette approche. Elle a simplifié ce texte pour le recentrer sur l'essentiel et l'a adopté selon la procédure de législation en commission, en présence du ministre de la santé.
Ce texte apporte par ailleurs une réponse à la baisse inquiétante du nombre des médecins des sapeurs-pompiers. En dix ans, le nombre de médecins volontaires a chuté de 20 % et celui des professionnels de 4 %, alors que les effectifs globaux continuaient d'augmenter, si bien que l'on compte aujourd'hui près de 240 000 sapeurs-pompiers, dont plus de 40 000 professionnels.
Tandis que les moyens médicaux internes diminuent, les besoins grandissent. Il faut inverser cette tendance !
Cette proposition de loi offre une reconnaissance statutaire adaptée, plus claire, plus cohérente et surtout plus attractive aux médecins des Sdis. En répondant à un besoin partagé sur le terrain et relayé par le Sénat, elle s'inscrit dans un objectif auquel nous souscrivons tous : protéger ceux qui nous protègent.
Je tiens à remercier l'auteur du texte, ainsi que notre rapporteure, de leur travail rigoureux et utile.
Convaincu qu'elle apporte une réponse claire et nécessaire aux professionnels de santé engagés dans les centres d'incendie et de secours, le groupe RDPI votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Michel Masset. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors même que les services de santé et de secours médical jouent un rôle fondamental dans la prise en charge des victimes et le soutien des sapeurs-pompiers, les activités dont nous débattons sont relativement méconnues du grand public.
S'il est souvent discret, l'engagement de ces professionnels en tant que médecins, infirmiers, pharmaciens, psychologues ou vétérinaires est pourtant essentiel pour la santé des sapeurs-pompiers et la qualité de notre réponse collective aux situations d'urgence.
Afin d'illustrer la charge qui leur revient, permettez-moi de citer quelques-unes de leurs missions : surveillance de la condition physique des sapeurs-pompiers ; exercice de la médecine professionnelle et d'aptitude des sapeurs-pompiers professionnels et de la médecine d'aptitude des sapeurs-pompiers volontaires ; conseil en matière de médecine préventive, d'hygiène et de sécurité ; soutien sanitaire des interventions des services d'incendie et de secours et soins d'urgence aux sapeurs-pompiers ; participation à la formation des sapeurs-pompiers au secours et aux soins d'urgence aux personnes ; enfin, surveillance de l'état de l'équipement médico-secouriste du service.
En entendant cette liste de missions, on s'étonne que ce corps de métier ne soit pas mieux connu de la population. Cette méconnaissance explique d'ailleurs peut-être que, à ce jour, les bases juridiques de l'activité de ces soignants soient aussi fragiles. Comme cela a été rappelé, les dispositions en vigueur s'opposent en effet à l'exercice cumulatif, par un même médecin et à l'égard des mêmes patients, de ces différentes missions.
C'est à cette anomalie que la proposition de loi de notre collègue député Grelier entend remédier.
Cette contradiction juridique ne reflète ni l'urgence des interventions ni les contraintes humaines et budgétaires qui pèsent sur les Sdis. Ce flou doit donc être levé en consacrant et en consolidant juridiquement l'exercice de la médecine d'aptitude, de prévention et de soins d'urgence par un même médecin.
Cette disposition de bon sens, déjà appliquée dans les faits, entérine la polyvalence de ces professionnels et rapproche leur statut de celui des médecins des armées, dont les missions croisées ne soulèvent pas de problème juridique.
Le législateur a le devoir d'accompagner cette réalité, non pas en empilant les normes, mais en clarifiant le cadre d'action. En la matière, le Sénat a pleinement joué son rôle. La commission des lois a resserré le texte sur ses objectifs essentiels. Elle a veillé à sa lisibilité et rejeté des dispositions inopportunes. Je tiens du reste à saluer le travail de notre commission, en particulier de notre rapporteure Françoise Dumont, ainsi que celui des services du Sénat.
Ce texte comprend des dispositions techniques qui appellent une grande rigueur. S'il ne résout pas tous les problèmes, il constitue une première étape. Pour parvenir à de véritables avancées, il nous faudra aller plus loin, que ce soit sur l'attractivité de ces métiers, sur les conditions de travail, sur la rémunération ou sur la formation initiale et continue.
Nous le savons, le nombre de médecins sapeurs-pompiers, en particulier volontaires, ne cesse de diminuer. Le phénomène est d'autant plus préoccupant que les services d'incendie et de secours font face à des défis croissants : dérèglement climatique, vieillissement de la population, désertification médicale, exposition accrue aux risques toxiques et psychologiques…
Ce texte répond donc à des difficultés réelles, qui sont particulièrement aiguës dans les zones rurales et les territoires périphériques, où les professionnels de santé manquent cruellement. Dans bien des départements, les services d'incendie et de secours constituent l'un des derniers maillons d'une médecine de proximité encore accessible.
Mes chers collègues, dans une société où l'engagement volontaire est de plus en plus rare, où les métiers de la santé sont en tension, où l'exigence d'efficacité se heurte aux réalités humaines, ce texte apporte une pierre utile à l'édifice.
Notre groupe le votera à l'unanimité.
Enfin, j'exprime ma solidarité et mon soutien au pompier qui a été agressé dans l'exercice de ses fonctions le week-end dernier. Un tel acte est inacceptable. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et GEST. – Mmes Émilienne Poumirol et Isabelle Florennes applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Paul Toussaint Parigi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de mon groupe, je veux à mon tour apporter un soutien sans faille aux pompiers qui ont été agressés et blessés ce week-end. Je leur souhaite un prompt rétablissement.
Nous sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer sur une proposition de loi répondant, au-delà de sa technicité, à une attente forte et légitime des acteurs de la sécurité civile et de la santé.
En effet, notre modèle de sécurité civile est confronté à de multiples défis. Je pense à l'augmentation du nombre d'interventions et à la diversification des risques, en particulier l'exposition accrue aux risques sanitaires et psychosociaux, sans oublier les attentes légitimes de reconnaissance de la part des professionnels et des volontaires qui s'engagent avec dévouement.
Si l'on peut saluer la progression du nombre des sapeurs-pompiers, la majorité de leur effectif reste composée de volontaires, dont les missions ne cessent de se diversifier et de s'intensifier. Les difficultés de recrutement des professionnels de santé au sein des Sdis, auxquelles se conjugue l'émergence de nouveaux risques, rendent indispensable et urgent l'adaptation de notre cadre législatif et réglementaire.
Trop longtemps, les médecins des services d'incendie et de secours ont exercé dans une insécurité juridique manifeste, corsetés par des dispositions fragmentées et bien souvent inadaptées. Empêcher un médecin de cumuler des missions de soins, d'aptitude et de prévention revient non seulement à méconnaître la spécificité de son engagement, mais aussi à ignorer les contraintes humaines et budgétaires actuelles. Nos territoires ruraux étant victimes de la désertification médicale et du vieillissement de la population, ces contraintes y sont, hélas ! encore plus prégnantes.
Face à cette urgence, ce texte clarifie, modernise et valorise les missions des professionnels de santé, des vétérinaires, des psychothérapeutes et des psychologues qui exercent au sein des services d'incendie et de secours, que ce soit de manière professionnelle ou bénévolement. En reconnaissant et en sécurisant juridiquement l'exercice cumulatif des missions dévolues aux médecins sapeurs-pompiers, il fait évoluer un cadre réglementaire qui interdisait théoriquement ce que la réalité de terrain imposait chaque jour.
En autorisant ces médecins à exercer de manière polyvalente, nous leur permettons de déployer toute l'étendue de leur expertise au service de notre sécurité collective. Plus largement, il était crucial de reconnaître la contribution inestimable de ces hommes et de ces femmes qui, dans l'ombre, assurent des missions aussi diverses que primordiales, de la médecine de soins aux interventions d'urgence, en passant par la prévention et la formation.
En gravant dans le marbre législatif leurs attributions, cette proposition de loi leur accorde enfin la reconnaissance qu'ils méritent. Elle érige en symbole notre gratitude commune envers ceux qui s'engagent sans relâche au service de tous les citoyens.
La flexibilité organisationnelle qu'autorise ce texte était une réponse nécessaire et attendue, dans un contexte où chaque geste pour sauver des vies compte.
Par ailleurs, je tiens à souligner un aspect non moins significatif de cette proposition de loi : l'intégration des militaires du service de santé des armées au sein des services d'incendie et de secours. Cette mesure, que nous avons tous saluée, enrichit la diversité et la compétence des équipes pluridisciplinaires. Ce faisant, elle consolide la robustesse des dispositifs de secours.
Enfin, nous ne saurions ignorer la dimension humaine de cette réforme, qui améliore la prévention des risques psychosociaux. Nos discussions ont su mettre en exergue la nécessité de protéger ceux qui nous protègent, en leur garantissant un environnement de travail sain.
Vous l'aurez compris, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi, dont nous sommes convaincus qu'elle constitue une avancée majeure pour la sécurité civile et la santé publique.
Nous serons toutefois attentifs à la mise en œuvre des dispositions prévues, notamment en ce qui concerne la formation, la prévention des risques psychosociaux et la valorisation du volontariat.
De plus, dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, nous souhaitons que le Gouvernement trouve, avec les organisations professionnelles et les acteurs de terrain avec lesquels il sera amené à dialoguer, des réponses adaptées à l'indispensable montée en compétences des personnels, au renforcement de l'attractivité des métiers et à la valorisation des carrières.
En votant pour cette proposition de loi répondant à l'impérieuse nécessité d'adapter notre droit aux défis opérationnels de notre temps, notre groupe choisit de faire confiance à l'intelligence du terrain et à la loyauté des professionnels. Nous votons pour la cohérence, pour l'efficience et pour la reconnaissance du rôle irremplaçable de nos services de santé et de secours médical. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI et GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Céline Brulin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques semaines, nous examinions la proposition de loi de nos collègues Émilienne Poumirol et Anne-Marie Nédélec visant à garantir le suivi de l'exposition des sapeurs-pompiers à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.
Nos sapeurs-pompiers, professionnels comme volontaires, font face à de nombreux enjeux. Nous nous félicitons que la représentation nationale en traite un certain nombre. Il est en effet indispensable d'améliorer le sort de ceux qui nous protègent au quotidien.
En cet instant, je veux moi aussi avoir une pensée pour le sapeur-pompier volontaire de Haute-Savoie qui a été percuté par un automobiliste, alors qu'il tentait, avec ses collègues, de faire cesser un rodéo.
Au-delà de cette actualité dramatique, nous devons être conscients de l'ampleur de la diversification des missions des sapeurs-pompiers, professionnels comme volontaires. Ceux-ci doivent en effet souvent pallier l'affaiblissement de certains de nos services publics.
La proposition de loi de notre collègue député Jean-Carles Grelier, qui a pour objet de reconnaître la polyvalence des médecins des sapeurs-pompiers, s'inscrit pleinement dans ce contexte. Il s'agit à la fois de sécuriser juridiquement les personnels de santé volontaires et professionnels exerçant dans nos Sdis et, surtout, d'améliorer l'attractivité de ces métiers. Nous y souscrivons et nous la voterons.
De même, nous nous associons aux remarques de Mme la rapporteure : si cette proposition de loi apporte une clarification juridique bienvenue à l'exercice des missions des professionnels de santé des sapeurs-pompiers, il convient de revaloriser les rémunérations de ces derniers, faute de quoi nous ne résoudrons pas les problèmes d'attractivité.
Le nombre de médecins sapeurs-pompiers professionnels et volontaires est passé de 4 484 à 3 492 en moins en dix ans. Au-delà du manque d'attractivité que je viens d'évoquer, cette tendance est sans doute aussi un effet collatéral de la démographie médicale actuelle de la France.
L'aggravation de la désertification médicale laisse en effet peu de latitude aux professionnels de santé exerçant dans des territoires sous-dotés pour s'engager au sein des Sdis. Mais j'anticipe peut-être d'autres débats que nous aurons, monsieur le ministre, au cours des prochaines heures…
La proposition de loi prévoyait initialement de créer un cadre d'emploi unique pour les médecins, infirmiers, pharmaciens, psychologues, vétérinaires et cadres de santé des services départementaux d'incendie et de secours.
Cette option a finalement été écartée, car 95 % d'entre eux sont des volontaires, soit une proportion plus importante encore que pour l'ensemble des effectifs de sapeurs-pompiers. Désormais, le texte rapproche les cadres d'emplois pour faciliter la mobilité, tout en préservant la spécificité des volontaires exerçant au sein des Sdis.
Il est intéressant de constater que les services d'incendie et de secours reposent moins que les autres services de soins de notre pays sur une organisation en silo, fondée sur la spécialisation, pour ne pas dire la surspécialisation. En effet, les professionnels et les volontaires des Sdis pratiquent une médecine plurielle et polyvalente, à contre-courant des discours de ceux qui défendent leur pré carré en laissant entendre qu'il n'y aurait aucune solution de rechange à ce modèle. Je livre cet élément à notre réflexion collective, mais, encore une fois, je devance sans doute de futurs débats.
Je l'ai dit, notre groupe votera ce texte, mais je veux profiter de cette discussion générale pour relayer les interpellations des sapeurs-pompiers professionnels au sujet de la baisse de l'indemnisation des fonctionnaires en arrêt maladie, qui est passée de 100 % à 90 %. Cette mesure, décidée par le Gouvernement lors de l'examen du dernier projet de loi de finances et soutenue par la majorité sénatoriale, affecte tant le traitement de base que le régime indemnitaire de l'ensemble des agents de la fonction publique.
Les conséquences sont particulièrement lourdes pour les agents des Sdis, dont la rémunération est composée majoritairement de primes. Il est pour le moins contradictoire de promouvoir des mesures censées améliorer l'attractivité de certains emplois tout en en adoptant d'autres qui la font reculer…
Dans le même esprit, je ne peux pas ne pas revenir sur l'augmentation du taux de cotisation à la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Cette décision affecte les Sdis dès cette année et aura des répercussions en 2026, en 2027 et en 2028. Là encore, une telle mesure me semble contradictoire avec notre volonté commune de déployer des moyens en faveur de nos services d'incendie et de secours. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, comme les orateurs précédents, de commencer cette intervention en ayant une pensée pour le pompier volontaire qui a été grièvement blessé ce week-end.
Le texte que nous examinons aujourd'hui constitue un pas important vers la reconnaissance de l'engagement des professionnels de santé au sein des services d'incendie et de secours et de la complexité de leur mission. Il prend acte de la nécessité de mieux structurer et sécuriser l'exercice de leurs fonctions. En effet, il existe un véritable décalage, pour reprendre le terme de Mme la rapporteure, entre l'urgence de la réalité et le cadre normatif actuel, qui est totalement inadapté.
Aussi saluons-nous la création d'un cadre juridique spécifique pour les professionnels de santé des services d'incendies et de secours, inspiré du modèle des praticiens militaires. Cette clarification statutaire est essentielle, car elle reconnaît enfin la polyvalence des missions exercées par ces femmes et ces hommes, à la croisée du soin, de la prévention, de l'urgence et de l'expertise. Ce faisant, elle les sécurise d'un point de vue juridique.
Nous saluons l'effort de précision porté par les articles 1er et 2, qui encadrent les rôles des médecins, infirmiers, pharmaciens, vétérinaires, psychologues et cadres de santé. Cette reconnaissance explicite constitue également un premier levier pour susciter l'engagement dans les services d'incendie et de secours, dans une période où celui-ci est en net recul. Comme l'a relevé ma collègue du groupe RDPI, le nombre des médecins volontaires a diminué de 20 % en dix ans.
Toutefois, je dois me faire l'écho de l'intervention précédente : si le texte pose un cadre, il n'apporte pas les moyens nécessaires. Or c'est là que réside le cœur du problème.
Aussi bienvenus que soient les rapports supplémentaires prévus à l'article 2 bis sur les risques psychosociaux auxquels sont exposés les agents des services d'incendie et de secours, nous n'en avons pas besoin pour savoir que l'accroissement des interventions, la baisse des effectifs, la stagnation des budgets et la dégradation des conditions de travail ont des conséquences directes en la matière.
Nous avons surtout besoin de nouveaux moyens de recrutement, de formation et de reconnaissance financière. À quoi bon lancer des campagnes d'information pour inciter les professionnels de santé à s'engager au sein des services d'incendie et de secours si les conditions d'exercice sont de plus en plus dissuasives ? Si le nombre des missions continue d'augmenter et que les moyens ne suivent pas, le risque est grand que ces campagnes ne restent lettre morte. La volonté politique qui est aujourd'hui affichée devra donc se vérifier dans le prochain projet de loi de finances.
Les services d'incendie et de secours font face à des défis immenses : vieillissement des effectifs ; recrudescence des agressions, comme nous l'avons vu ce week-end ; exposition accrue aux produits toxiques ; nouveaux risques liés aux catastrophes climatiques ou technologiques. L'adaptation aux changements climatiques va également devenir un enjeu majeur pour les services d'incendie et de secours.
Mon groupe et moi-même plaidons donc pour accorder davantage de moyens structurels aux services d'incendie et de secours, dont le socle de financement par les collectivités doit être revu. En effet, ils sont largement financés par les départements, qui sont à bout de souffle du point de vue financier.
De même, nous appelons à la reconnaissance de la pénibilité de ces métiers, notamment par leur intégration dans les tableaux de maladies professionnelles, ainsi qu'à un véritable plan de recrutement et de formation du personnel de santé présent dans les services d'incendie et de secours, afin de maintenir un haut niveau de qualité et de disponibilité.
Par ailleurs, nous tenons à souligner la place croissante des femmes dans les services de santé et de secours médicaux – elles représentent 57 % des effectifs – et à rappeler que valoriser ces métiers, c'est aussi lutter pour l'égalité professionnelle.
Cela dit, je répète que ce texte va dans le bon sens, même s'il ne constitue qu'une étape et non une réponse globale. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en sa faveur, mais il restera mobilisé pour obtenir les moyens que mérite ce service public d'intérêt vital.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et RDPI.)
Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux à mon tour m'associer au soutien que vous avez apporté au sapeur-pompier volontaire grièvement blessé samedi dernier lors d'un rodéo urbain. Nous pensons bien sûr à sa famille et à ses collègues.
Après avoir légiféré mercredi dernier en commission, nous devons désormais entériner les dispositions contenues dans cette proposition de loi, qui a le mérite de mettre en lumière les enjeux du cadre d'emploi des professionnels de santé des Sdis.
Le modèle de sécurité civile français est construit autour d'une organisation partagée entre l'État et les collectivités territoriales. Les sapeurs-pompiers des Sdis, établissements publics administratifs autonomes, assurent au quotidien des missions de secours toujours plus nombreuses, malgré la clarification de leur champ d'intervention effectuée par la loi Matras en novembre 2021.
Si l'on peut se réjouir de l'augmentation constante du nombre de sapeurs-pompiers volontaires et professionnels – ils sont actuellement 252 700 –, leurs missions reposent en grande partie sur les 197 000 sapeurs-pompiers volontaires. Ces derniers sont accompagnés de nombreux personnels soignants, qui ne représentent toutefois que 4 % des emplois au sein des Sdis : 3 724 médecins, 7 843 infirmiers, 564 pharmaciens, 306 vétérinaires, 347 psychologues et 86 cadres de santé.
Ces personnels de santé interviennent aussi bien auprès des victimes prises en charge par les sapeurs-pompiers qu'auprès des sapeurs-pompiers eux-mêmes. Aussi, l'ambition de cette proposition de loi de sécuriser le cadre d'emploi en le formalisant dans le code de la sécurité intérieure représente une reconnaissance concrète de leur mission.
Il convient de saluer cette amélioration, et je vous remercie, madame la rapporteure, d'avoir clarifié certaines dispositions de cette proposition de loi par vos amendements de réécriture, ce qui garantit une plus grande cohérence et davantage de sûreté juridique.
Si la polyvalence de ces professionnels doit être reconnue, c'est bien sûr sous réserve d'une formation adéquate à l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers. Une telle condition me semble de nature à rassurer à la fois l'ordre des médecins, qui s'oppose à cette polyvalence, mais aussi les collèges d'enseignement de médecine du travail. Cela répondrait à leur crainte que les médecins pompiers ainsi formés ne viennent empiéter sur la médecine du travail, dans l'industrie ou ailleurs.
En effet, l'attractivité du métier ou de la fonction de sapeur-pompier médecin, professionnel ou volontaire, vient notamment de ce que ceux qui les occupent sont amenés à exercer des missions diverses ; vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, s'ils prodiguent des soins d'urgence ou de pré-urgence, ils remplissent également des missions d'aptitude et de prévention. Mais elle est également liée à la rémunération, dont il faut bien reconnaître qu'elle n'est pas à la hauteur des missions assumées par les Sdis, d'où la difficulté extrême à recruter de nouveaux médecins.
Monsieur le ministre, je sais que la réponse ne saurait résider dans cette proposition de loi. Mais j'espère que le Beauvau de la sécurité civile sera l'occasion de traiter cette difficulté majeure, car il est temps de reconnaître et de valoriser l'ensemble des professionnels de santé des Sdis.
En commission comme lors de la discussion générale, vous avez appelé à une meilleure coopération entre le Samu et les Sdis, monsieur le ministre. Il est nécessaire de mettre fin à cette fameuse guerre entre les « rouges » et les « blancs » et de clarifier le rôle et les missions de chacun.
Dans mon département, j'ai eu la chance de signer dès 2016 une convention entre le Samu et le Sdis, grâce à laquelle nous avons clarifié le degré des urgences – urgence absolue, urgence relative, absence d'urgence –, ce qui a contenu le nombre d'interventions. Ainsi, depuis dix ans, le nombre d'interventions en Haute-Garonne reste autour de 56 000 par an, alors que la population augmente de 15 000 à 20 000 habitants chaque année.
Je tiens vraiment à souligner l'excellente entente qui règne entre les deux services dans mon département, car j'en suis très fière. Ensemble, nous apportons une réponse mieux coordonnée et plus cohérente, donc plus efficace.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué le sujet du 112. Pour avoir visité une plateforme à Reus, en Espagne, et le centre du 911 à Boston, aux États-Unis, je vous garantis que nous gagnerions en efficacité et diminuerions les dépenses en adoptant un tel système. Le délai de décroché dans ces deux pays est extrêmement court et le tri rapide, ce qui limite les prises en charge tardives de patients. Les plateformes associent même la police.
Enfin, je ne saurais conclure sans vous rappeler, monsieur le ministre, le problème de la reconnaissance des cancers imputables à la toxicité des fumées.
Mme la rapporteure a évoqué tout à l'heure la proposition de loi que nous avons votée il y a deux mois. Nous attendons toujours le rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) qu'avait alors promis la ministre de la santé. Nous souhaitons que ce sujet avance rapidement.
En tout état de cause, et parce qu'elle comporte des avancées juridiques réelles, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
M. Joshua Hochart. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos sapeurs-pompiers incarnent une certaine idée de la France : celle du courage, du dévouement, de la proximité avec nos compatriotes. Ils sont au cœur de la Nation, et leurs missions n'ont cessé de se diversifier au fil des années. Face à cette réalité, il est plus que temps que les professionnels de santé qui les accompagnent soient reconnus à leur juste valeur.
Je souhaite ici avoir une pensée particulière pour Niccolo Scardi, sapeur-pompier volontaire à Évian-les-Bains, qui a été gravement blessé après avoir été renversé par un délinquant lors d'un rodéo urbain.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui crée un cadre d'emploi spécifique pour les personnels de santé, qui, au sein des Sdis, assurent des fonctions vitales. Ces médecins, infirmiers, pharmaciens et psychologues sont indispensables au bon fonctionnement de nos services d'incendie et de secours. Pourtant, leur statut reste flou, leur engagement est sous-évalué et leur avenir demeure incertain.
Comment accepter qu'un infirmier ou un pharmacien de sapeurs-pompiers, qui s'engage sur des dizaines d'interventions chaque mois, dans des conditions souvent difficiles, le fasse sans reconnaissance statutaire, sans cadre juridique clair et sans perspectives d'évolution ? Ces professionnels ne demandent ni privilèges ni faveurs. Ils veulent un cadre clair, une reconnaissance à la hauteur de leur mission et des conditions de travail adaptées à leurs responsabilités.
Contrairement à certaines idées reçues, les professionnels de santé des Sdis ne font pas concurrence aux services hospitaliers, et encore moins au Samu. Ils leur sont complémentaires, et leur rôle est précieux, notamment dans les zones rurales, où leur réactivité fait souvent la différence face à une urgence vitale. Leur présence assure un maillage territorial efficace, dans un contexte de recul des structures de soins.
Le département du Nord, en particulier le Sdis 59, connaît bien cette réalité. Permettez-moi, monsieur le ministre, une petite parenthèse pour vous alerter de nouveau sur la situation préoccupante des infirmiers de sapeurs-pompiers volontaires du Nord, avec lesquels j'étais encore ce matin à l'occasion de la journée départementale de leur association.
Alors même que l'utilité des secours infirmiers n'est plus à prouver, le Sdis du Nord, qui a pourtant été un pionnier en matière de secours paramédicalisé il y a dix ans, a récemment supprimé deux véhicules légers infirmiers et un véhicule de soutien sanitaire.
Dans un département déjà confronté à une mortalité plus élevée que la moyenne nationale, cette décision fragilise l'accès aux soins d'urgence, notamment pour les habitants de Denain et Douai, mais aussi pour les sapeurs-pompiers, qui sont désormais privés de soutien médical lorsqu'ils interviennent dans le bassin minier. À ce jour, le conseil d'administration du Sdis reste muet et refuse le dialogue.
Cette proposition de loi marque un premier pas en posant les bases d'un cadre d'emploi spécifique attendu de longue date. Elle clarifie les missions des soignants des Sdis et renforce leur attractivité.
Pour autant, ce texte ne saurait être une fin en soi. Il devra s'inscrire dans une réforme plus large de notre sécurité civile, qui a besoin de davantage de moyens, d'une meilleure coopération et d'un financement adapté aux besoins du terrain.
Ainsi, mes chers collègues, par cohérence avec mon engagement constant pour la reconnaissance des acteurs de terrain, je voterai en faveur de cette proposition de loi, tout en restant attentif à sa mise en œuvre concrète, en particulier dans nos départements les plus exposés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, risquer sa vie pour celle des autres, voilà ce que font chaque jour les hommes et les femmes qui s'engagent dans les services départementaux d'incendie et de secours. Nous saluons leur courage et leur engagement dans la protection des personnes et des biens.
Aux côtés des 43 000 sapeurs-pompiers professionnels et des 199 000 sapeurs-pompiers volontaires, on trouve les personnels de santé des Sdis, médecins, infirmiers, pharmaciens, psychologues ou encore vétérinaires.
En pratique, les médecins des Sdis exercent une double mission : ils viennent en aide aux victimes et assurent un rôle de médecine du travail, de prévention et de médecine d'urgence auprès des pompiers eux-mêmes. Pourtant, le cadre juridique en vigueur ne les autorise pas à exercer ces différentes missions simultanément.
Pour respecter la loi, les Sdis devraient donc en principe recruter des médecins pour la prévention, d'autres pour l'aptitude et d'autres encore pour la médecine d'urgence. C'est bien sûr totalement impossible.
En effet, le manque de médecins est une réalité – nous en parlerons d'ailleurs longuement cette semaine, au cours des débats sur la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires –, que nous connaissons tous et qui s'observe partout, y compris au sein des Sdis, dont l'effectif des médecins a lourdement chuté : en dix ans, le nombre des médecins volontaires, qui représentent 95 % de l'effectif des personnels de santé, a diminué de 20 %.
Par ailleurs, il est très peu probable que les Sdis aient les capacités financières nécessaires pour assurer le recrutement d'autant de médecins.
Ainsi, cette proposition de loi a pour objet de rectifier le cadre juridique, pour qu'il autorise le cumul de ces missions par un même médecin. Elle a également vocation à consacrer dans la loi le rôle et les missions de tous les professionnels de santé des services d'incendie et de secours, qui sont actuellement presque uniquement définis par voie réglementaire.
À l'instar de la proposition de loi sur la profession d'infirmier qui a été adoptée la semaine dernière au Sénat, ce texte offrira à tous les personnels de santé, professionnels et bénévoles, la reconnaissance qu'ils méritent.
Je me réjouis que les psychothérapeutes des Sdis aient été intégrés au texte à l'Assemblée nationale. Leur rôle au côté des psychologues est absolument fondamental. Dans mon département, le Nord, quatorze pompiers se sont suicidés au cours des quatre dernières années.
En France, 1 500 agressions ont été recensées en 2024, soit 3 % de plus qu'en 2023. Hier encore, en Haute-Savoie, des sapeurs-pompiers ont été agressés. L'un d'entre eux est toujours entre la vie et la mort ; nous lui souhaitons le meilleur rétablissement possible. Qu'ils soient tous assurés, ainsi que leurs proches, de notre soutien.
Les pompiers sont confrontés à des risques psychosociaux particuliers et doivent bénéficier d'un réel accompagnement psychologique. Je rappelle ce chiffre effrayant : les agressions contre les sapeurs-pompiers ont augmenté de 380 % en quinze ans !
En commission, nous avons été particulièrement attentifs au débat sur l'amendement visant à supprimer le conditionnement de l'exercice d'un médecin à la validation d'une formation adaptée. La difficulté à trouver un médecin en Sdis est telle qu'ajouter des exigences particulières à son recrutement peut sembler un luxe. Toutefois, s'agissant de questions médicales parfois vitales, il est essentiel que les professionnels de santé qui interviennent soient les mieux formés possible.
Vous l'avez dit, monsieur le ministre, il est préférable de compter sur le terrain un infirmier anesthésiste ayant l'habitude d'intuber des patients qu'un médecin biologiste qui ne pratique jamais cet acte. Aussi, le but d'une telle mesure était non pas de rigidifier les pratiques, mais de les sécuriser, afin de donner le maximum de chances aux personnes secourues. Ce débat a mis en évidence le difficile équilibre que nous nous efforçons toujours de trouver entre sécurité et souplesse des normes.
Cela dit, la suppression de cette mesure ne nous empêchera évidemment pas de voter ce texte, qui contient des modifications nécessaires au bon exercice des missions essentielles assurées par les Sdis. Il est indispensable de sécuriser l'action des personnels de santé et de reconnaître l'importance de leur rôle en le consacrant sur le plan législatif. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je tiens à saluer les efforts déployés par Mme la présidente de notre commission des lois, Muriel Jourda, ainsi que par Mme la rapporteure, Françoise Dumont, en faveur de l'amélioration des conditions de travail des personnes qui assurent les services de santé et de secours médical pour les services d'incendie et de secours (SIS).
Pour soutenir ces missions essentielles à la sécurité des Français, Mmes Dumont et Jourda ont travaillé sur la base de la proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par notre collègue député Jean-Carles Grelier.
Les services de secours et d'incendie ont vocation à secourir et à protéger les personnes, les biens et l'environnement. Ils doivent en outre lutter contre les périls et les conséquences d'événements et de phénomènes de toute nature – inondations, pollutions, incendies, accidents de la route, etc.
Les équipes concernées accomplissent un travail considérable, qui suppose un engagement quotidien et mérite toute notre reconnaissance. Ces femmes et ces hommes risquent parfois leur vie. Nous exprimons notre soutien et notre compassion à tous ceux qui, parmi eux, paient le lourd tribut de leur esprit de sacrifice. Je pense bien sûr, en particulier, au sapeur-pompier grièvement blessé en Haute-Savoie hier au soir.
Le présent texte ne permet pas de répondre au déficit d'attractivité dont souffrent aujourd'hui les métiers de santé au sein des SIS. Mais il dote d'une base légale l'exercice cumulatif, par les médecins de sapeurs-pompiers, de la médecine de soins, de la médecine d'aptitude et de la médecine de prévention.
Les divers ajustements législatifs dont il s'agit et leur justification ont été rappelés par les orateurs précédents. Je n'y reviendrai donc pas.
Le Sénat a veillé à la lisibilité et au caractère opérationnel du présent texte, pour sécuriser au mieux l'exercice cumulatif des missions des médecins de sapeurs-pompiers.
Quel que soit leur territoire, les Français et leurs élus locaux attendent une meilleure réponse aux besoins de sécurité et de santé. Or les nombreuses missions des sous-directions santé des services d'incendie et de secours sont aujourd'hui régies par des dispositions réglementaires, ce qui en soi pose problème.
En outre, les médecins pompiers ne peuvent, en l'état, exercer leurs différentes attributions de manière cumulative, ce qui soulève des difficultés pratiques évidentes : un SIS devrait recruter autant de médecins que de spécialités correspondantes…
L'article 1er met un terme à cette incohérence, en s'alignant sur le dispositif applicable aux médecins du service de santé des armées. Ces dispositions permettent, de surcroît, de redonner la main au législateur.
Leur champ d'application est étendu aux missions dévolues aux pharmaciens, aux infirmiers, aux psychologues et aux vétérinaires sapeurs-pompiers, dont les compétences sont de plus en plus nécessaires : les demandes de nos concitoyens en témoignent. Chacun peut souligner le professionnalisme de ces acteurs, dont la variété des compétences est si précieuse.
Je remercie également mes collègues de la commission des lois d'avoir veillé à la qualité rédactionnelle du dispositif : ils ont su réécrire le présent texte de manière pragmatique, en le simplifiant et en le clarifiant.
Je sais combien le président de notre assemblée est attentif à la qualité de la norme, dont le Sénat doit être le garant, qu'il s'agisse de la distinction entre les domaines réglementaire et législatif ou encore de la limitation des régimes dérogatoires au droit, dont nous devons toujours évaluer la pertinence.
La préservation de notre modèle de sécurité civile et la protection des personnels sont des nécessités. Il en est de même de l'évolution organisationnelle des services : ces derniers doivent sans cesse acquérir de nouvelles compétences, qu'elles soient sanitaires, territoriales ou sociales, et faire face à de nouvelles situations particulières.
Les recrutements sont eux aussi appelés à évoluer. Je pense notamment aux évaluations d'aptitude indispensables au sein des services départementaux d'incendie et de secours, qu'il convient de différencier selon les fonctions exercées. Le présent texte répond partiellement aux difficultés déplorées dans ce domaine. Comme l'a précisé Mme la rapporteure, les réflexions dédiées à cette thématique devront être poursuivies dans le cadre du Beauvau de la sécurité.
Bien sûr, ce texte ne saurait répondre à toutes les difficultés de recrutement auxquels font face les SIS. Mais, à nos yeux, il constitue une amélioration pour les personnels de santé des Sdis et permettra une meilleure présence médicale auprès des sapeurs-pompiers.
Mes chers collègues, les membres du groupe Les Républicains vous invitent donc à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
Mme la présidente. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi relative à l'organisation et aux missions des professionnels de santé, vétérinaires, psychothérapeutes et psychologues professionnels et volontaires des services d'incendie et de secours.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Françoise Dumont, rapporteure. Mes chers collègues, je tiens à saluer la belle unanimité dont a bénéficié cette proposition de loi. Cruellement éprouvée ces jours derniers, la communauté des sapeurs-pompiers vous en saura gré, j'en suis sûre.
Grâce au présent texte, nous allons mettre fin à une incohérence qui était devenue tout à fait injustifiable sur le terrain.
Mes chers collègues, je vous remercie sincèrement du travail que nous venons d'accomplir. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'associe naturellement aux propos de Françoise Dumont.
Je salue le travail accompli par Jean-Carles Grelier, puis par ses collègues députés, ainsi que par Mme la rapporteure et Mme la présidente de votre commission des lois. Il me semble que nous avons œuvré efficacement dans l'intérêt de la prise en charge des patients dans nos territoires.
Chacun peut le constater : les rôles et les missions des sapeurs-pompiers connaissent aujourd'hui de fortes évolutions. Le présent texte permettra de s'adapter à ces réalités. Je pense en particulier aux professionnels de santé, qui, au-delà de leur métier, choisissent de devenir sapeurs-pompiers, parfois en tant que bénévoles.
Je salue également l'excellente coordination assurée, toujours dans l'intérêt des malades, entre les services d'aide médicale urgente (Samu), d'une part, et, de l'autre, les services départementaux d'incendie et de secours – ou, comme on peut le dire familièrement, entre les « blancs » et les « rouges ».
Cette excellente collaboration, que nous observons tous dans nos territoires, est véritablement gage d'efficience. Elle permet de gérer nombre de situations difficiles. Elle fait gagner un temps précieux, dont dépend le pronostic lui-même dans les situations d'urgence, qu'il s'agisse d'infarctus, d'arrêts cardiaques, d'accidents vasculaires ou encore de traumas particulièrement graves.
La présente proposition de loi constitue, à ce titre, une avancée significative pour la collaboration des forces vives de nos territoires, en faveur de l'accès aux soins de nos concitoyens.
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Accueil et information des personnes retenues
Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues, présentée par Mme Marie-Carole Ciuntu (proposition n° 472, texte de la commission n° 594 rectifié, rapport n° 593).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Mme Marie-Carole Ciuntu, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai l'honneur de soumettre aux suffrages de la Haute Assemblée et que quatre-vingt-seize d'entre nous ont cosignée, traduit la volonté de redonner à notre pays la maîtrise de sa politique migratoire. Il s'agit, à cet égard, d'une contribution parmi d'autres.
Le présent texte porte sur un point précis : la mission d'information et d'assistance juridique assurée dans les centres de rétention administrative (CRA).
L'État a délégué cette mission à certaines associations. À mon sens, il doit désormais l'exercer lui-même, en s'appuyant sur les moyens réels et sur les compétences reconnues dont dispose l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii).
Ce sont aujourd'hui cinq associations qui, dans le cadre d'un marché public divisé en lots et lancé par l'État, sont présentes dans les centres de rétention pour exercer la mission d'assistance juridique auprès des personnes retenues ou en attente.
Lors de la création des CRA en 1984, la Cimade se trouvait en situation de monopole. Depuis 2008, ce monopole a pris fin et cinq associations sont actuellement réparties dans les vingt-cinq CRA, à raison d'une association par centre. La Cimade a toutefois bénéficié de la rémunération la plus importante en vertu des marchés couvrant la période de 2021 à 2024 – M. le ministre nous en dira peut-être davantage au sujet du dernier marché en date.
L'État a donc choisi de déléguer au secteur associatif cette mission, qui lui incombe pleinement. Mais il pouvait tout aussi bien la confier à d'autres opérateurs qu'à des associations, ou encore l'exercer directement. Désormais, la question est la suivante : les associations peuvent-elles conserver ce rôle sans entraver la politique de l'État lui-même ?
Les CRA ont vocation à maintenir dans des lieux fermés les étrangers en situation irrégulière faisant l'objet d'une décision d'éloignement, dans l'attente d'un retour dans leur pays d'origine, afin d'éviter une installation sur le territoire français. Suivant les orientations du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), la grande majorité des étrangers retenus représentent une menace pour l'ordre public, en plus d'être en situation irrégulière en France.
Chacun a le droit d'assurer sa défense : ce point n'est pas contestable pour les personnes retenues. À cette fin, l'État finance des associations qui ne sont généralement pas neutres. Certaines d'entre elles s'opposent même systématiquement au départ de tout étranger du sol français, quelle que soit sa situation.
Il faut savoir que seules 40 % des personnes retenues dans les CRA quittent notre territoire. Certes l'obtention plus ou moins rapide des laissez-passer consulaires, voire, dans certains cas, leur non-obtention, constitue une problématique. Mais ce n'est pas l'unique explication : les recours incessants préparés par les associations concourent également à la situation actuelle.
J'en viens à présent aux aspects financiers de cette question.
Le budget lié à l'assistance juridique assurée par les associations n'est pas le poste de dépenses le plus considérable, sur le milliard d'euros d'argent public versé chaque année aux associations pour remplir différentes missions dans le domaine de l'immigration et de l'intégration. Il convient toutefois de dresser ce constat, formulé très clairement par la Cour des comptes : alors que le nombre de personnes retenues a baissé de 20 %, le coût de l'assistance juridique assurée par l'intermédiaire des associations, lui, a augmenté de 30 %.
J'ajoute que l'aide juridictionnelle a vocation à couvrir les frais liés aux recours, parmi lesquels figure l'analyse de la situation juridique du demandeur ou encore la rédaction de mémoires, des missions pour lesquelles les associations intervenant dans les CRA sont également rémunérées.
Globalement, d'importants moyens sont affectés chaque année au fonctionnement des centres de rétention administrative. Il nous revient de nous assurer que cet argent public est utilisé à bon escient. Or les résultats obtenus ne sont pas encore suffisants.
Mes chers collègues, je vous pose la question : est-il raisonnable de continuer ainsi ? Pour ma part, je ne le crois pas.
Pour en revenir plus précisément au sujet qui nous occupe, force est de le constater : le choix de confier ce rôle à des associations militantes, qui, souvent, luttent de manière frontale contre la politique migratoire du Gouvernement, ce qui est d'ailleurs leur droit le plus strict, portait en germe un certain nombre de contradictions.
Or ces contradictions ne peuvent plus être surmontées dès lors que nous nous trouvons dans un contexte de fort accroissement des flux migratoires et que la population placée dans les CRA a changé de nature.
Je le répète, moins de 40 % des personnes retenues en CRA repartent dans leur pays. En outre, près de 45 % des contentieux formés devant les tribunaux administratifs ont pour objet les contestations liées au droit des étrangers : dans le système actuel, nous sommes pour ainsi dire à l'origine de notre propre impuissance.
La Cour des comptes insiste sur cette multiplication des recours contentieux, lesquels sont formés systématiquement contre les décisions prises à l'encontre d'une personne retenue, parfois sans que cette dernière en ait réellement l'initiative. Ces procédures exploitent toutes les failles de notre droit, si bien que l'embolisation des tribunaux devient une fin en soi.
Il est grand temps de s'en souvenir : ce sont non pas les associations qui définissent la politique de l'État, mais bien l'État qui, comme le souhaitent nos concitoyens, met en œuvre sa politique d'immigration, sans pour autant dénier aux étrangers retenus le droit à une défense.
L'Ofii est déjà présent au sein des centres de rétention administrative. Il assure l'accueil ; il protège les plus faibles des personnes retenues ; il accompagne ceux qui, de leur propre chef, décident de rentrer dans leur pays d'origine. Son directeur général, M. Didier Leschi, se dit prêt à reprendre ces missions.
Il est temps de passer des paroles aux actes. Souvenons-nous du meurtre de la jeune Philippine : ce drame nous enseigne que les décisions prises à l'encontre des étrangers en situation irrégulière présentant un danger particulier ne sont pas prises au hasard ou de manière arbitraire. Dans la plupart des cas, elles ont leur raison d'être. Elles ont donc vocation à s'appliquer.
Ma proposition de loi vient en complément du texte présenté par ma collègue Jacqueline Eustache-Brinio, lequel permet d'allonger la durée de rétention dans les centres. Elle est débattue alors même que le nombre de places dans les centres de rétention administrative doit passer de 2 000 à 3 000 à l'horizon de 2027.
Il est permis de s'interroger sur les conséquences de l'augmentation de ce nombre de places pour les permanences juridiques des associations dans les CRA, alors que les coûts sont déjà en hausse pour un nombre de personnes retenues en baisse.
La question du coût est évidemment d'autant plus prégnante à l'heure où de nombreux secteurs font face à de grandes difficultés budgétaires.
De l'argent public est aujourd'hui alloué aux CRA, dans des proportions non négligeables, notamment pour financer des associations qui n'ont de cesse de condamner l'existence même de ces centres – à croire certaines d'entre elles, pas un seul étranger de notre pays ne mériterait d'y être placé ! Le statu quo n'est plus possible.
Mes chers collègues, en attendant une grande loi sur l'immigration, qui passera certainement par une consultation directe des Français (M. Thomas Dossus s'exclame.), démontrons que la politique des petits pas peut être utile à la France.
Sur ce sujet, je crois pouvoir compter sur le soutien de notre assemblée et je sais que la volonté du Gouvernement rejoint la mienne. Nous ne pouvons pas perpétuellement déplorer que les obligations de quitter le territoire français (OQTF) soient de moins en moins souvent exécutées et ne pas chercher des solutions pour résoudre ce problème.
Sans remettre en cause la sincérité et l'engagement des acteurs associatifs, je tiens à répondre par avance au procès en inhumanité que certains ne manqueront pas d'intenter. Je me suis déplacée dans différents CRA…
M. Thomas Dossus. Nous aussi !
Mme Marie-Carole Ciuntu. … et je vais continuer de le faire dans le cadre de la mission de contrôle que m'a confiée la commission des finances. J'ai pu constater l'efficacité des personnels de l'Ofii et leur bonne connaissance du terrain.
Selon moi, l'inhumanité consiste plutôt à maintenir coûte que coûte sur le territoire national des étrangers placés en rétention, qui ont subi des parcours difficiles et qui demeurent sans réelle perspective. Je doute que notre politique actuelle, frappée de schizophrénie, leur offre les meilleures chances de s'en sortir…
Je m'adresse aussi à nos policiers, qui, confrontés à des situations d'une extrême dangerosité, font tout pour maintenir le calme. Avant de se protéger eux-mêmes, ils pensent à protéger les étrangers retenus, contre eux-mêmes ou contre les autres. Leur dévouement rend supportable une situation de tension perpétuelle, fruit d'un système lui-même en perpétuelle tension.
Si nous ne rétablissons pas la cohérence de notre politique migratoire, nos agents s'épuiseront à chercher le sens de leur mission, tout en restant aux prises avec une gestion quotidienne difficile.
Mes chers collègues, prenons les mesures qui s'imposent. Faisons-le pour retrouver la cohérence de nos décisions. Faisons-le pour reprendre le contrôle de notre politique migratoire. C'est ce qu'attendent de nous les Français. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. David Margueritte, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, la proposition de loi de Marie-Carole Ciuntu, dont nous débattons cet après-midi, a été adoptée la semaine dernière par la commission des lois, au nom de laquelle je tiens à vous rappeler le cadre juridique sur lequel repose la politique d'information et d'assistance juridique à destination des personnes retenues ou placées en zone d'attente.
Je précise dès à présent que ce cadre est, à nos yeux, défaillant, et que la proposition de loi de notre collègue est dès lors pleinement justifiée.
Le cadre juridique existant repose sur une externalisation consentie à un certain nombre de personnes morales. Mme Ciuntu l'a rappelé : la Cimade a longtemps bénéficié d'une situation de monopole, avant l'ouverture à la concurrence, décidée en 2008. D'autres associations, parmi lesquelles l'Association service social familial migrants (Assfam), le Forum réfugiés ou encore France Terre d'Asile ont, à compter de cette date, pu intervenir dans les différents CRA en vertu de marchés renouvelés une nouvelle fois en 2025.
Ce cadre juridique, fixé par le Ceseda et plus précisément par son article L. 744-9, détaille bien les missions d'accueil, d'information et de soutien. Le Ceseda renvoie au pouvoir réglementaire le soin d'organiser la politique d'assistance juridique par le biais d'un décret en Conseil d'État.
À cette fin, des conventions doivent être conclues avec des personnes morales. Les associations ne sont pas seules compétentes à exercer ces missions, qui comprennent l'information relative aux droits, l'analyse de la situation de la personne retenue, en théorie individualisée, le conseil et l'orientation vers des démarches adaptées, ainsi que l'aide à la rédaction de documents, la formation des recours et la transmission, in fine, des diverses pièces à l'avocat.
Ces missions s'accomplissent au moyen de permanences, assurées six jours sur sept, et de locaux mis à disposition dans les centres de rétention administrative.
Or le système actuel ne nous semble pas fonctionner correctement, ce qui entrave l'exercice du droit au recours lui-même.
Premièrement – Mme Ciuntu l'a rappelé à la suite de la Cour des comptes –, le coût de cette mission a très fortement augmenté au cours des dernières années. En 2024, il a dépassé 7 millions d'euros, et la hausse se poursuit encore en 2025 : cette année, plus de 9 millions d'euros seront consacrés aux associations, sans aucune corrélation avec le nombre de personnes retenues dans les centres de rétention administrative. Au contraire, ce dernier diminue. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Dans son rapport de la fin de l'année 2024, la Cour des comptes le souligne d'ailleurs de manière assez malicieuse : il n'est pas douteux que les associations remplissent leurs missions d'assistance juridique, si l'on en juge d'après les volumes des recours déposés devant les tribunaux…
Face à la masse des procédures désormais engagées, notre collègue auteure de la proposition de loi met bien en lumière cette systématisation des recours.
Deuxièmement, la posture adoptée par les associations elles-mêmes paraît, dans son ensemble, pleinement justifier la révision de ce système.
M. Guy Benarroche. Ce n'est pas une posture. C'est le respect du droit !
M. David Margueritte, rapporteur. L'article 1er de la loi du 24 août 2021 le souligne de manière très claire : les associations chargées d'une délégation de service public sont soumises, dans le cadre de leur mission, à un strict devoir de neutralité. Cette obligation ne remet nullement en cause la liberté d'expression de ces associations ou l'action de plaider qu'elles déploient par ailleurs.
Toujours est-il que, selon certaines d'entre elles, la politique d'éloignement pratiquée par les gouvernements successifs constitue un problème en soi : une telle posture militante pose nécessairement question. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) On s'interroge notamment sur la nature des recours formés, sur les conditions d'exercice des missions confiées à ces associations et sur le véritable objet de leur mission d'assistance juridique, dans l'intérêt même des personnes retenues.
Or la systématisation des recours se poursuit et s'accélère. La Chancellerie estime à 48 000 le nombre de recours formés devant le juge judiciaire l'année dernière. Le volume de ces derniers a bondi de plus de 30 % en deux ans et, devant le juge administratif, le contentieux de l'éloignement suit une trajectoire comparable : l'augmentation constatée à ce titre est de 18 % entre 2019 et 2023.
Je précise d'ailleurs que le taux de succès de ces recours est très aléatoire, ce qui tend à prouver la fragilité d'un certain nombre d'entre eux.
Très concrètement, quelle est la procédure prévue pour une personne qui, aujourd'hui, arrive dans un centre de rétention administrative ?
Tout d'abord, cette personne se voit notifier ses droits par les responsables du CRA. Puis, les représentants de l'Ofii se chargent de l'informer sur les conditions matérielles de son retour et ses conditions d'existence le temps de la rétention. C'est alors que l'association compétente intervient, souvent à l'aide de formulaires préremplis, en cochant tous les motifs de légalité externe ou interne. Or – les juridictions le signalent de manière régulière – les moyens soulevés sont souvent lacunaires, en fait comme en droit.
Les avocats interviennent en fin de chaîne, découvrant la plupart du temps le dossier lors de l'audience et ne produisant presque jamais de mémoire complémentaire. La requête, sauf exception, a été rédigée par d'autres…
C'est à ce titre que l'on peut s'interroger sur l'efficacité de la dépense et sur l'effectivité du droit au recours. En effet, dans les centres de rétention administrative, les permanences d'avocats se raréfient, à rebours d'une préconisation formulée par notre commission des lois voilà maintenant dix ans.
Or l'aide juridictionnelle a vocation à couvrir toutes les diligences effectuées au titre des recours. Dans ces conditions, on peut légitimement se demander si l'État ne paie pas deux fois sa politique d'assistance : une première fois aux associations, qui rédigent le projet de recours, voire le recours lui-même intégralement ; et une seconde fois à l'avocat, qui assure la mission de représentation.
Le budget de l'aide juridictionnelle elle-même connaît d'ailleurs une forte progression. En 2024, il atteignait 6,5 millions d'euros, si l'on s'en tient au juge judiciaire ; si l'on y ajoute les procédures formées devant le juge administratif, il avoisinait même les 10 millions d'euros.
Troisièmement – nous avons pu nous en convaincre au fil des nombreuses auditions menées par la commission des lois, ainsi que lors de nos visites de centres de rétention administrative –, divers incidents émaillent, ici ou là, le travail de ces associations.
Ils mettent au jour la perméabilité entre leur action militante et leur mission d'assistance juridique stricto sensu. On peut penser aux affichages militants constatés dans certains centres de rétention administrative, aux recours rédigés à la hâte ou même signés à blanc. Dans certains cas, l'effectivité de la mission semble sujette à caution.
En conséquence, notre collègue propose de simplifier la procédure en vigueur dans les centres de rétention administrative.
Le travail d'information serait assuré par l'Ofii, qui, j'y insiste, y est déjà présent. On se contenterait d'étendre les missions de l'office. Quant à l'assistance juridique, elle serait confiée aux avocats, dont nul ne saurait remettre en cause l'impartialité et l'indépendance. D'ailleurs, avant même la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2024, rendue sur la base d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), il était acquis que les étrangers, même en situation irrégulière, avaient droit à cette assistance, y compris à l'aide juridictionnelle.
L'intervention de l'Ofii ne poserait réellement aucun problème d'indépendance ou d'impartialité : on se contenterait de déléguer à cet office la mission d'information. Quant aux avocats, je le répète, ils seraient chargés d'assurer l'assistance juridique.
Ce système serait à la fois plus simple et plus efficace. Il ne se heurterait à aucun obstacle légal, qu'il soit conventionnel, constitutionnel ou même jurisprudentiel.
Dans un arrêt du 3 juin 2009, le Conseil d'État relève que les personnes retenues doivent avoir accès à des personnes morales présentant des garanties d'indépendance et de compétence suffisantes. Quant à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), elle mentionne, dans son article 5, une information large et adaptée, que garantit le présent texte.
De même, cette proposition de loi ne remet absolument pas en cause l'article 13 de la directive Retour, qui, dans les mêmes termes, traite de la représentation juridique et de l'assistance garanties aux étrangers.
Ce système, en vertu duquel la mission d'information est assurée par un service public et où les avocats exercent quant à eux l'assistance juridique, est déjà en vigueur dans d'autres pays. Je pense notamment à l'Allemagne, à l'Espagne et aux Pays-Bas.
Enfin, la commission a amendé le présent texte pour assurer la pleine cohérence des différentes missions : désormais, on précise clairement que les représentants de l'Ofii interviennent au cours de la procédure au côté des avocats, en s'alignant sur les dispositions relatives aux zones d'attente.
En l'état, cette proposition de loi nous semble donc apporter toutes les garanties nécessaires. L'Ofii est un acteur connu et reconnu, à même de fournir une information éclairée ; et, devant notre commission des lois, son directeur général a assuré qu'il était tout à fait prêt à accepter cette mission, à condition d'obtenir les équivalents temps plein (ETP) nécessaires.
Nous avons, enfin, amendé le présent texte, afin de permettre son entrée en vigueur à partir de 2026. Nous serons donc au rendez-vous pour assurer une assistance juridique digne de ce nom et une information éclairée des personnes retenues. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à remercier Marie-Carole Ciuntu, auteure du présent texte, lequel fait suite à un excellent rapport, dont je me souviens très bien qu'elle l'avait rédigé au nom de la commission des finances.
Évidemment, je soutiens ce texte.
M. Guy Benarroche. Bien sûr. Vous auriez pu l'écrire !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Je le soutiens avec force, parce que nous en avons besoin pour mettre fin à une situation qui révolte une grande partie de nos compatriotes. Je pense évidemment aux immenses difficultés auxquelles nous nous heurtons pour éloigner les étrangers retenus en CRA.
Je le répète, cette situation est révoltante pour bon nombre de Français, qui plus est après tous les drames que nous avons vécus – Mme Ciuntu a cité, à ce titre, le cas de la jeune Philippine. Je rappelle que plus de 90 % des personnes retenues dans les CRA présentent des profils dangereux et qu'elles constituent, en ce sens, une menace pour l'ordre public.
Nos compatriotes ne comprennent pas que ces individus dangereux, qui n'ont rien à faire en France, puissent se retrouver dans la nature et constituer, dès lors, une menace pour eux.
Pour que cesse cette situation, nous menons actuellement plusieurs chantiers. On a déjà cité le vaste travail dédié à la délivrance des laissez-passer consulaires dans un certain nombre de pays. Pour ma part, je m'arrêterai sur la triple faille constatée au sujet des centres de rétention administrative. Pour le dire en peu de mots, non seulement le nombre de places en CRA est insuffisant, mais le temps de rétention est trop court et, surtout, la cohérence de notre politique laisse, en la matière, cruellement à désirer.
Tout d'abord, il y a trop peu de places dans les CRA. C'est la raison pour laquelle leur nombre total sera porté à 3 000 dans quelques années. L'an prochain, trois nouveaux CRA verront le jour, à Bordeaux, à Dunkerque et à Dijon. Nous allons accélérer ces constructions.
(À suivre)