Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Sécurité des professionnels de santé
PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli
Amélioration de l'accès aux soins dans les territoires
PRÉSIDENCE DE M. Xavier Iacovelli
(À suivre)
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. François Bonhomme,
M. Mickaël Vallet.
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Sécurité des professionnels de santé
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé (proposition n° 430 [2023-2024], texte de la commission n° 563, rapport n° 562).
Mes chers collègues, je vous rappelle que ce scrutin s'effectuera depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l'insérant dans votre terminal de vote. En cas de difficulté, les huissiers sont à votre disposition.
Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d'un orateur par groupe, l'orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe disposant de trois minutes.
Vote sur l'ensemble
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Annie Le Houerou applaudit également.)
Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mardi dernier, nous avons examiné la proposition de loi de nos collègues centristes visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé.
Les débats ont montré, si besoin était, que nous condamnions de manière unanime la violence exercée contre les personnels de santé. Nous avons aussi apporté notre soutien total aux victimes.
Redisons-le ici, les violences à l'encontre des agents du service public de santé, dont la mission consiste à soigner les malades, sont inacceptables et intolérables. Chaque jour, soixante-cinq professionnels de santé sont victimes d'agressions physiques ou verbales en France, selon le ministère de la santé et de la prévention.
Le centre hospitalier régional universitaire de Nancy, dans mon département de la Meurthe-et-Moselle, n'échappe pas à la règle. En 2023, près de cinq cents signalements d'agression y ont été effectués.
L'hôpital de Nancy a choisi de mettre en place une cellule de veille permettant de partager l'ensemble des situations de violence qui sont remontées par les agents afin, ainsi, de ne pas les banaliser.
Comme dans les autres hôpitaux, les lieux où se concentrent les violences sont le service des urgences et le secteur de gériatrie accueillant des patients présentant des troubles cognitifs.
Je regrette que les discussions de la semaine dernière aient essentiellement tourné autour de la surenchère répressive contre les auteurs des actes de violence, quand nous aurions souhaité débattre davantage des raisons de ces violences, et surtout des moyens de les endiguer.
Les éléments déclencheurs de la violence contre les professionnels de santé sont la prise en charge du patient, le refus des soins d'hygiène et de toilette, et les temps d'attente excessifs. Sur ces trois points, ce texte n'apporte aucune réponse et le Gouvernement ne s'est engagé dans aucun chantier susceptible de les traiter.
L'amélioration de la prise en charge du patient exige davantage de moyens humains et financiers pour l'hôpital. Il faut cesser les politiques d'austérité et les coupes dans les dépenses !
Il est vrai que, chaque année, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) progresse, mais à un niveau inférieur à l'évolution des besoins. Quand un hôpital voit sa dotation progresser de 3,8 % – et c'est tant mieux ! –, les besoins progressent dans le même temps de 4,5 % et l'inflation de 1 %. Les hôpitaux reçoivent donc moins que ce qu'ils dépensent ou ont besoin de dépenser.
Ajoutez à cela l'augmentation de trois points chaque année pendant quatre ans des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) et vous constaterez comme moi que l'écart se creuse, sans jamais être compensé.
Selon le rapport de Jean-Christophe Masseron, président de SOS Médecins France, et de Nathalie Nion, cadre supérieure de santé, présenté en juin 2023, la sécurité des professionnels de santé est avant tout un sujet systémique.
Pour s'en convaincre, il suffit d'en lire la conclusion : « Les difficultés du système de santé, qui ne sont malheureusement pas nouvelles, potentialisent et acutisent aujourd'hui la problématique des violences en santé : insultes, outrages, ″petites menaces″, dégradations, destructions, vols ou, plus grave, agressions physiques avec ou sans arme, menaces de mort, crimes… Les auditions et l'analyse des différents rapports sur les violences ont bien mis en évidence que ces violences pouvaient venir des patients, de leur entourage, mais aussi des professionnels de santé eux-mêmes, parfois entre pairs, et malheureusement aussi parfois, lorsque la pression se fait trop forte, envers les patients en devenant eux-mêmes maltraitants. »
La moindre des choses, à la lecture de ces phrases, serait d'admettre que les ressorts de la violence à l'égard de nos professionnels de santé sont systémiques, et que cette proposition de loi n'y apporte qu'une réponse parcellaire.
Les auteurs du rapport préconisent d'agir sur les déterminants de la violence par l'amélioration des conditions d'accueil des patients et de leurs proches.
La priorité devrait être d'agir là où la violence s'exerce : dans le secteur de la psychiatrie, les Ehpad et les services d'urgences. Dans ces trois lieux, le manque de moyens se double d'un manque de personnel. Or la pénurie de personnel marque le début de la déshumanisation du lien entre les patients et les soignants.
Attendre des heures sur un brancard avant d'être soigné est une souffrance pour les patients. Mais attendre sans pouvoir discuter avec le personnel soignant pour connaître les raisons du retard ou le temps d'attente transforme cette souffrance en impatience et, surtout, en sentiment de ne pas être pris en charge, voire pris en compte.
Il faut, je le répète, des moyens financiers et des moyens humains. Mais en attendant, quel message envoyons-nous aux professionnels épuisés qui démissionnent ?
Nous devons a minima nous assurer que les directions des établissements garantissent protection et soutien aux victimes. En la matière, ce texte contient de légères avancées.
En conclusion, malgré ses très nombreuses réserves, le groupe CRCE-K s'abstiendra sur ce texte afin d'adresser un message de soutien aux professionnels de santé victimes de violences. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Gisèle Jourda et M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Anne Souyris. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires tient tout d'abord à rappeler avec force que la violence contre les soignants est inacceptable.
Elle est un symptôme alarmant de la dégradation de notre pacte social. Elle est aussi le symptôme de la dégradation des conditions d'exercice des métiers du soin, exercés avec dévouement dans des contextes de plus en plus difficiles.
Médecins, infirmières, aide-soignants, pharmaciens, psychologues, sages-femmes, kinésithérapeutes : tous les professionnels de santé méritent la sécurité, le respect et la reconnaissance. Ce point nécessite clarté et fermeté. Aussi, je réitère au nom du groupe écologiste notre plein soutien à l'ensemble des professions de santé.
Malheureusement, telle qu'elle nous est présentée, la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé n'est pas à la hauteur. Et c'est peu dire ! Rien dans ce texte ne ressemble à une mesure de prévention des violences faites aux professionnels de santé.
Nous disposions pourtant de pistes intéressantes, d'une part dans le rapport de Jean-Christophe Masseron, président de SOS Médecins, et de Nathalie Nion, cadre de santé à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), d'autre part dans le plan interministériel pour la sécurité des professionnels de santé, présenté en septembre 2023 par Aurélien Rousseau et Agnès Firmin Le Bodo.
Une mesure parmi d'autres consistait à sécuriser les établissements de santé en aménageant des espaces d'accueil et de soin et en améliorant les flux des patients.
Monsieur le ministre, vous avez rappelé, lors de la discussion générale, qu'une enveloppe de 25 millions d'euros par an avait été allouée à la sécurisation des bâtiments et qu'elle était reconduite en 2025. J'espère donc que vous viendrez présenter en détail devant la commission l'utilisation de cette enveloppe.
Sans entrer plus avant dans les autres mesures préventives du plan interministériel – vous m'avez fait remarquer, à juste titre, que quatre ministres se sont succédé depuis sa présentation –, citons le développement de dispositifs de signalement d'urgence des professionnels isolés en ville et à l'hôpital, le renforcement des relations entre, d'une part, les établissements et les professionnels de santé et, d'autre part, les services de police ou de gendarmerie compétents, ou encore la généralisation de « référents sécurité » dans les territoires.
Ces mesures auraient été utiles pour améliorer la sécurité des professionnels de santé. Je regrette que ce texte n'en fasse aucune mention.
Pour revenir à la présente proposition de loi, la rapporteure a souligné lors de la discussion générale que les mesures de ce texte avaient « une portée avant tout symbolique ». Je la rejoins sur ce point.
Le plus grave arrive. Cette loi se cantonne à accroître les peines contre les actes de violence et les outrages à l'encontre des professionnels de santé. Or cette aggravation des peines permettra-t-elle de réduire les violences ? Dissuadera-t-elle les auteurs de ces actes, qui sont pour la plupart des patients en psychiatrie ou aux urgences ?
Nous ne pouvons que rester perplexes face à l'efficacité des dispositifs prévus dans le texte pour prévenir concrètement ces violences.
Quid de la mise en place effective des ratios professionnels-patients, qui permettraient pourtant un apaisement dans les services ? La loi est votée : à quand son application ?
Avant de conclure, je souhaite apporter notre soutien entier aux professionnels de soins qui travaillent dans des dispositifs de réduction des risques liés à l'usage de drogue. En plus des violences visées par la proposition de loi, ces professionnels subissent en effet depuis quelque temps les attaques de groupements d'extrême droite.
Je pense en particulier à la halte « soins addictions » du Xe arrondissement de Paris, attaquée en décembre 2022 par le groupuscule Argos, proche du groupe Génération identitaire, dissous en mars 2021.
Je salue ici Alexandra Cordebard, maire du Xe arrondissement, et l'ensemble des professionnels et personnes qui font fonctionner cette halte « soins addictions ». Je remercie également la préfecture de police de Paris pour sa vigilance.
Nous attendons toutefois une action renforcée de la part du Gouvernement pour défendre ces structures essentielles d'accès aux soins et d'accompagnement social des usagers de drogue. Je l'invite à étudier la dissolution du groupe d'extrême droite Argos qui, sous prétexte d'une nouvelle structure juridique, poursuit en fait les actes du groupe dissous Génération identitaire.
Vous l'aurez compris, si le groupe écologiste partage l'objectif affiché de cette proposition de loi, il ne peut que regretter son cruel manque d'ambition et l'absence assourdissante de mesures préventives.
Pour ces raisons, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en préambule, d'avoir une pensée, qui peut être largement partagée sur ces travées, à l'endroit du sapeur-pompier qui a été agressé le week-end dernier de manière scandaleuse et qui lutte aujourd'hui pour sa survie.
Je voudrais lui dire, ainsi qu'à ses compagnons et frères et sœurs d'armes, avec l'accord du président du Sénat, que nous leur adressons toute notre sollicitude, que nous pensons à eux et que nous condamnons de la manière la plus ferme possible les auteurs de cette agression scandaleuse. Il appartiendra à la justice de faire son travail, et tout son travail. (Applaudissements.)
Nous parlons aujourd'hui plus particulièrement des professionnels de santé, mais nous le savons toutes et tous hélas trop bien : le fléau de la violence concerne l'ensemble des professions et des secteurs d'activité, qu'il s'agisse des sapeurs-pompiers, des forces de l'ordre, des enseignants ou même des élus. Aucun quartier d'une grande ville, aucun territoire rural n'est épargné.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Hussein Bourgi. C'est pour lutter contre ce fléau qui gangrène notre société que nous délibérons aujourd'hui de cette proposition de loi relative aux violences verbales et physiques et aux outrages subis par les professionnels de santé, ainsi qu'aux dégradations leur portant préjudice.
Pour près de 20 000 plaintes déposées chaque année, combien d'actes ne donnent pas lieu à un dépôt de plainte ? Dans une enquête réalisée auprès des professionnels de santé, un tiers d'entre eux déclaraient avoir été victimes de violences au moins une fois dans leur vie professionnelle.
Cette réalité s'impose à nous, et c'est la raison pour laquelle il nous appartient, au travers de ce texte, d'envoyer un message de solidarité et de soutien aux professionnels de santé qui travaillent au quotidien dans des conditions difficiles, à l'hôpital public, dans les cabinets libéraux ou au domicile des patients.
Au travers de ce texte, nous adressons aussi un message de fermeté à celles et ceux qui mettent en cause, physiquement, verbalement ou sur les réseaux sociaux, les professionnels de santé et qui s'en prennent parfois à leur matériel, dans les cabinets, à l'hôpital public ou dans leurs véhicules.
Nous leur adressons un message de fermeté en aggravant le quantum des peines encourues lorsque la justice est saisie pour sanctionner de tels faits.
Monsieur le ministre, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera cette proposition de loi en formulant deux vœux.
Le premier est facilement réalisable. Il consiste à vous demander d'intercéder le plus rapidement possible auprès du ministre de l'intérieur et du ministre de la justice pour que les nouvelles dispositions que nous allons voter puissent être mises en œuvre le plus rapidement possible.
Je pense en particulier à la disposition, introduite ici même par amendement, qui prévoit qu'un ordre professionnel ou une organisation professionnelle puisse accompagner le professionnel de santé ou se substituer à lui lorsque ce dernier ne veut pas ou ne peut pas aller porter plainte lui-même.
Il conviendra, dès la promulgation de la loi, d'appliquer rapidement cette disposition sur le terrain, afin de ne pas donner le sentiment d'un effet d'annonce. À cet égard, il appartiendra aux ministres de l'intérieur et de la justice de donner les instructions idoines à leurs services et à leurs agents.
Le deuxième vœu que je formule – chacun et chacune d'entre nous s'y reconnaîtra sans doute – est le renforcement des moyens.
Que 90 % des agressions soient commises par des patients, par leur famille ou par leurs proches doit nous interroger. Lorsque l'on nous dit que les secteurs les plus concernés par les agressions sont les urgences, les unités psychiatriques, les Ehpad et la gériatrie, il est aisé de constater que c'est le manque de moyens, ici ou là, qui fait que les délais d'attente s'allongent aux urgences.
C'est aussi le manque de moyens qui fait que des parents venus visiter un grand-père, une grand-mère, un père ou une mère dans une unité de gériatrie puissent considérer que le personnel n'a pas suffisamment pris soin de leur parent et, parfois, s'en prennent à lui de manière illégitime.
Lorsque nous discutons avec les organisations syndicales et les chefs de service, toutes et tous nous disent que des moyens humains supplémentaires permettraient certainement de réduire cette tension, d'apaiser ce climat anxiogène et de permettre à chaque professionnel de santé de travailler dans les conditions les plus sereines possible, au bénéfice des patients.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, si nous votons cette proposition de loi, c'est en espérant que vous nous proposerez, demain, ces moyens tant attendus sur le terrain, lesquels viendront consolider l'hôpital public en France, vaisseau amiral de l'offre de soins.
Ces moyens devront également permettre d'apporter le soutien et la reconnaissance nécessaires aux infirmiers et infirmières qui, vous le savez, demandent davantage de reconnaissance et souhaitent pouvoir exercer en pratique avancée. Il faut, en outre, lutter contre la désertification médicale.
En un mot, c'est un acte de foi laïque que nous faisons aujourd'hui en direction du monde de la santé et de celles et ceux qui l'incarnent au quotidien. Au travers de leur blouse blanche, ils incarnent une certaine idée du service public. Ils incarnent un ensemble de valeurs que nous pouvons tous et toutes reprendre à notre compte, et que nous défendons en votant cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K. – MM. François Patriat et Cyril Pellevat applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les policiers, les pompiers et les professeurs, nous voilà saisis d'un texte visant à réprimer plus durement les agressions et les violences commises envers les professionnels de santé, médecins et infirmières.
Ce texte démontre, s'il le fallait encore, l'ensauvagement qui touche notre société, où plus aucune charge, plus aucune profession, aussi respectée et utile soit-elle, n'échappe à ce déferlement de violences gratuites et parfois mortelles.
Selon les statistiques comme selon les témoignages et le vécu de nos soignants, la violence à leur encontre est désormais endémique. Ainsi, alors que ces derniers travaillent dans des conditions toujours plus ardues, s'ajoute désormais au manque de bras, de lits, de temps et de sommeil la peur de l'agression, voire du meurtre.
Le courage de nos soignants n'a jamais été aussi admirable que depuis ces dernières années. Mais leur engagement ne peut pas, ne doit pas, se faire dans la peur.
Nous saluons donc la volonté affichée dans ce texte de renforcer les peines encourues en cas d'agression verbale, physique ou sexuelle à l'encontre des professionnels de santé.
Nous saluons également l'extension de cette protection aux soignants exerçant en libéral, eux aussi trop souvent confrontés à des violences inacceptables dans leurs cabinets ou lors de leurs déplacements.
Nous savons dans quel état ont été laissés nos hôpitaux en raison de la suppression de dizaines de milliers de lits et connaissons la dégradation des conditions de travail des soignants et celle de l'accueil des patients.
Néanmoins, si ces difficultés existent, elles ne peuvent jamais être tolérées comme des explications, voire des justifications, à la violence. Aucune difficulté sociale, aucune frustration ne saurait justifier la violence. Aucun retard aux urgences, aucune lenteur de diagnostic, aucun manque de moyens ne peut expliquer qu'un médecin ou une infirmière soit menacé, frappé ou humilié.
Comme pour le reste de la société, le traitement de l'ensauvagement ne peut passer que par un renforcement drastique de l'échelle des peines, l'application réelle de la sanction pénale et la célérité de la justice.
Cette proposition de loi permet de renforcer les peines, mais elle ne sera effective que par une protection d'ensemble des médecins et soignants, comme du reste de nos concitoyens.
Ainsi, ce texte n'est fatalement qu'une étape, si nécessaire soit-elle, dans le choc d'autorité que nous réclamons pour le pays afin de faire cesser cette épidémie de violence et d'impunité qui touche nos rues, nos écoles et, nous le voyons aujourd'hui, nos établissements de santé.
En attendant, pour nos soignants, pour nos hôpitaux, nous voterons ce texte.
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque jour, près de soixante-cinq professionnels de santé sont victimes d'agressions physiques ou verbales.
Sur la plateforme de l'Observatoire national des violences en milieu de santé, 20 961 signalements ont été effectués en 2024, un chiffre en progression de 6,6 % par rapport à 2023.
Ces chiffres alarmants rappellent le terrible assassinat de Carène Mézino, infirmière mortellement poignardée à l'hôpital de Reims il y a deux ans. Ils rappellent aussi l'agression de plusieurs soignants, le 8 janvier dernier, aux urgences de l'hôpital privé d'Annemasse, dans mon département. À ce propos, je vous remercie encore, monsieur le ministre, d'être venu très rapidement à nos côtés.
Ces violences intolérables n'ont pas leur place dans notre société. En ce sens, je tiens à réaffirmer tout le soutien du groupe Les Indépendants aux professionnels de santé victimes de ces violences, ainsi qu'à leurs proches.
Dans un contexte marqué par la montée des violences contre nos soignants, notre groupe soutient sans réserve la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé.
Ce texte est le résultat d'un long travail. Je tiens à saluer l'ensemble des parlementaires mobilisés pour son adoption, en particulier son auteur, Philippe Pradal, la rapporteure Anne-Sophie Patru, ainsi qu'Agnès Firmin Le Bodo qui, alors ministre, avait soutenu ce texte.
Cette proposition de loi comporte des mesures indispensables pour mieux protéger nos soignants. Je pense notamment à l'aggravation des peines encourues pour des faits de vol et de violences commis dans les locaux des établissements de santé ou à l'encontre des personnels de ces établissements.
Je me réjouis, d'ailleurs, de l'adoption de deux amendements de sénateurs du groupe Les Indépendants visant à renforcer ce dispositif.
L'amendement de Vincent Louault, tout d'abord, tend à aggraver les peines prévues pour les délits d'agression sexuelle commis dans le cadre de la relation entre le soignant et le soigné. Celui de Corinne Bourcier vise, quant à lui, à étendre l'aggravation des peines prévues à l'article 1er de la proposition de loi au vol de tout produit de santé.
Ces délits, parce qu'ils entravent le bon fonctionnement de notre système de santé, doivent être sévèrement réprimés.
Le texte étend également le champ du délit d'outrage aux professionnels de santé, tout en mettant en place des circonstances aggravantes lorsque le délit est commis dans un établissement de santé.
Nos soignants, au même titre que les forces de l'ordre, les professeurs et les élus, sont en première ligne pour servir la collectivité : les outrages à leur endroit doivent être réprimés de la même façon.
Enfin, cette proposition de loi permet aux employeurs de porter plainte en lieu et place d'un professionnel de santé ou d'un membre du personnel d'un établissement de santé. Une telle mesure permettra de faciliter les dépôts de plainte et les poursuites des auteurs de violences à l'encontre de nos soignants.
Ce dispositif a d'ailleurs été enrichi par un amendement de Daniel Chasseing visant à l'appliquer également aux prestataires de santé à domicile. Ces derniers – ils sont plus de 20 000 en France – interviennent chaque année auprès de deux millions de patients. Ils constituent un pilier de notre système de santé.
Selon le dernier rapport de l'Observatoire national des violences en milieu de santé, de nombreux signalements de violences subies par des professionnels de santé intervenant au domicile des patients ont été recensés.
L'amendement de notre collègue Daniel Chasseing constitue donc une avancée majeure pour mieux les protéger. Son adoption par notre assemblée était nécessaire.
Mes chers collègues, notre rôle en tant que législateurs est de nous assurer que ceux qui s'engagent au service des autres, à l'image de nos soignants, soient pleinement protégés dans l'exercice de leurs fonctions. Il y va de l'avenir de l'ensemble de la collectivité.
L'enjeu de ce texte est également l'attractivité des métiers de la santé. Alors que notre pays fait face à une pénurie de soignants, notre devoir est de veiller à ce que les conditions de travail des professionnels concernés s'améliorent.
L'agression d'un professeur, d'un policier, d'un élu ou d'un pompier – à cet égard, je tiens à remercier notre collègue Hussein Bourgi pour l'hommage qu'il a adressé aux pompiers de Haute-Savoie, notamment à ceux qui ont été agressés à Évian et à Saint-Cergues – porte atteinte à notre pacte social. Il en va de même pour toute agression de soignants, qui sont des piliers de notre société.
Il y a de cela cinq ans, nous étions nombreux à applaudir quotidiennement nos médecins, mobilisés en première ligne face à l'épidémie de covid-19. Aujourd'hui, nous sommes nombreux à déplorer les conditions de travail, souvent difficiles, qui sont les leurs dans les hôpitaux.
Face aux agressions dont ils peuvent être victimes, notre mobilisation collective est essentielle. Car oui, s'en prendre aux personnels de santé, c'est s'en prendre à la collectivité tout entière.
La réponse de l'État doit être d'une fermeté implacable. Trop souvent, ces dernières années, notre pacte social a souffert d'atteintes inacceptables.
Les violences contre les professionnels de santé, les assassinats de policiers dans l'exercice de leurs fonctions, ceux des professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard, ou encore les récentes mises en danger de personnels pénitentiaires, sont des atteintes lourdes aux fondements de notre République.
Car si ces derniers sont pris pour cible, c'est souvent précisément parce qu'ils sont des émanations de notre République, parce qu'ils représentent les services publics, parce qu'ils incarnent notre pacte social.
Face à cela, la passivité n'est pas une option ; la résignation non plus. Nous ne laisserons rien passer et serons mobilisés pour protéger ceux qui sont pris pour cible parce qu'ils ont fait le choix de dédier leur vie professionnelle au service des autres.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants soutient sans réserve ce texte et se réjouit de son adoption.
Notre groupe restera vigilant à ce que les mesures votées soient pleinement appliquées et à ce que les personnels de santé, qui, je le répète, constituent un pilier de notre société, soient pleinement protégés.
Pour conclure, je tiens à rendre hommage à l'ensemble de nos professionnels de santé victimes d'agressions et de violence : nous ne laisserons rien passer et serons toujours à leurs côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.)
Mme Marie Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, et surtout, pour certains d'entre vous, mes chers confrères, lorsque j'ai entrepris mes études de médecine, puis effectué des remplacements avant de m'installer, lorsque j'ai choisi d'exercer cette profession un peu spéciale, je n'aurais jamais pensé qu'un jour je m'exprimerais sur la sécurité des professionnels de santé au travail.
Partout sur le territoire, on constate une hausse inédite des violences envers les soignants, mais aussi, comme deux de mes collègues l'ont dit avant moi, envers nos amis pompiers, avec lesquels nous travaillons souvent. Voilà qui est profondément et résolument inquiétant pour l'équilibre de notre société.
Insultes, menaces, agressions physiques, vols, actes de vandalisme : selon le recensement annuel de l'ordre des médecins, le nombre des signalements de violences physiques ou verbales a augmenté de 27 % entre 2022 et 2023. En 2023, 1 581 incidents ont ainsi été signalés auprès du conseil national de l'ordre des médecins.
Certes, ce nombre peut sembler relatif si on le rapporte aux 120 000 médecins libéraux et 60 000 praticiens hospitaliers que compte notre pays, mais c'est la première fois, en vingt ans, depuis que l'ordre réalise cette enquête, que la hausse est si forte.
De plus, les chiffres sont minimisés. Une grande majorité des praticiens ne déclarent pas les violences subies : un tiers seulement des signalements donnent lieu à un dépôt de plainte.
D'où vient cette violence, que l'on retrouve aussi dans les familles, les institutions, les écoles, les cours de récréation, les manifestations et après les matchs, même en cas de victoire ? Peut-être est-elle due à un manque de respect, de civilité, à un problème de rapport à la règle, mais elle relève surtout d'un manque d'éducation.
Les médecins généralistes sont les plus visés, puisqu'ils sont victimes de 64 % des agressions, alors qu'ils ne constituent que 43 % des effectifs.
Cette tension s'expliquerait, notamment, par la difficulté croissante d'accès aux professionnels de santé. Mais ce n'est pas ainsi que l'on attirera les jeunes confrères !
Le taux de réponse pénale est toutefois élevé, grâce à l'application de la circulaire de politique pénale générale du 27 janvier 2025, dans laquelle il est demandé aux parquets de faire preuve de vigilance à l'égard des violences envers les professionnels de santé.
Néanmoins, comme l'a souligné notre collègue rapporteure, les condamnations en première instance sont loin des quantums fixés par la loi. La durée moyenne des peines de prison ferme prononcées n'atteint pas sept mois.
Cette proposition de loi a d'abord été adoptée par l'Assemblée nationale. La commission des lois du Sénat l'a ensuite modifiée, lorsqu'elle l'a examinée le mercredi 30 avril dernier, afin de sécuriser le dispositif sur le plan juridique. Elle a ainsi adopté six amendements. Ensuite, en séance publique, le 6 mai, nous avons de nouveau modifié le texte, en adoptant dix-huit amendements.
Nous avons notamment eu un débat autour du délit d'outrage. La commission des lois préférait compléter le délit d'injure pour répondre aux professionnels tout en préservant la qualité du droit, car le délit d'outrage était jusqu'alors réservé aux personnes chargées d'une mission de service public. Finalement, en séance, nous avons préféré revenir au délit d'outrage.
Nous avons aussi débattu de la disposition permettant aux professionnels de santé de ne pas communiquer leur adresse personnelle lors d'un dépôt de plainte : elle a été supprimée.
Le Sénat a adopté d'autres mesures. Nous avons ainsi pris en compte les violences commises entre membres du personnel, entre professionnels de santé ou entre des membres du personnel et des professionnels de santé.
Les prestataires de santé à domicile ont été inclus dans la liste des personnels protégés à l'article 1er.
Nous avons aggravé le délit d'agression sexuelle commise dans le cadre de la relation entre le soignant et le soigné. De tels faits ne sont pas rares, mes chers collègues, et ne sont ni tolérables ni acceptables. Un examen gynécologique, cela fait mal ; un professionnel de santé doit savoir respecter son patient !
Nous avons également étendu la protection prévue à l'article 1er à tous les vols commis au préjudice d'un professionnel dans l'exercice de ses fonctions, tels que les vols de blocs d'ordonnance ou de tampons professionnels, afin de ne pas limiter le champ d'application du texte aux vols commis dans les établissements de santé.
Nous avons octroyé au conseil national de l'ordre des pharmaciens la capacité de se constituer partie civile en cas d'outrage commis à l'encontre d'un pharmacien.
Nous avons intégré les prestataires de santé à domicile à la liste des professions pour lesquelles l'employeur peut porter plainte.
Nous avons donné compétence aux unions régionales des professionnels de santé (URPS) pour accompagner et soutenir, aux côtés des ordres concernés, les professionnels de santé libéraux agressés qui en font la demande.
Nous avons aussi étendu la protection fonctionnelle à tous les cas où un agent public peut solliciter l'assistance d'un avocat en application du code de procédure pénale, y compris avant l'éventuelle mise en mouvement de l'action publique.
Ce texte témoigne ainsi du soutien des pouvoirs publics aux victimes et du refus de toute banalisation de la violence. Le groupe Les Républicains le votera.
En tant que médecins, nous prêtons un serment, celui d'Hippocrate, qui s'ordonne autour d'une obsession : primum non nocere – je ne nuirai pas.
Les professionnels de santé, qui sont au service de l'autre, méritent une reconnaissance et une attention particulières.
Non, la médecine n'est pas un métier comme un autre. Il nous faut dix ans pour apprendre la vie et la mort – dix années consacrées à la douleur, à la souffrance, à la compréhension de l'intime.
Non, ces études ne constituent pas une charge, pas plus que le sont les études d'anglais, d'histoire ou de mathématiques. Dès la troisième année, les étudiants en médecine se voient confier des tâches, notamment administratives, dans les services.
Si nous voulons une médecine performante, de proximité et de qualité, il est essentiel que nous fassions de la devise de ce serment – primum non nocere – la nôtre. Ne nuisons pas à ceux qui prennent soin des autres. Protégeons-les et accompagnons-les. Je compte sur vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l'examen, au Sénat, de la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé.
Avant que nous ne nous prononcions de manière solennelle sur son sort, je souhaite rappeler le caractère attendu et nécessaire de ce texte.
En effet, de nos jours, la violence dans les lieux de soins n'est plus un fait marginal. En 2024, plus de 20 000 signalements ont été recensés par l'Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS). Les actes de violence visant des médecins ont augmenté de 27 % en un an.
Toutefois, au-delà des chiffres et des statistiques, ce sont surtout des personnels qui souffrent, des gestes qui sont interrompus, des soins qui sont perturbés, parfois annulés, par peur, exaspération ou épuisement. In fine, c'est la qualité de notre système de soins qui en pâtit.
Alors que la Nation tout entière rendait hommage à ses soignants pendant la crise du covid, en les applaudissant chaque soir depuis les balcons, ces mêmes professionnels sont aujourd'hui exposés à des agressions verbales, physiques ou numériques, qui sont trop souvent banalisées. Ce phénomène doit nous interpeller et exige une réponse ferme du législateur.
Parmi les victimes de ces violences, les femmes, majoritaires dans les professions de santé, se trouvent très souvent en première ligne.
Celles et ceux qui nous soignent, qui nous accompagnent, parfois dans l'urgence, souvent dans la douleur, doivent être protégés, respectés, soutenus.
Cette proposition de loi apporte une réponse essentielle, de nature pénale, et affirme un principe clair : la tolérance zéro face aux violences dans les lieux de soin. Le Sénat a su, en commission comme en séance, enrichir et renforcer utilement ce texte.
En commission, l'extension de la protection à l'ensemble des personnels travaillant au sein de structures de soin, qu'ils soient employés directement par ces dernières ou non, constitue une avancée majeure. En intégrant les personnels administratifs et techniques, qui travaillent parfois en sous-traitance, mais qui sont pourtant en contact quotidien avec les patients, le Sénat procède à une véritable sanctuarisation des lieux de soin.
En séance publique, nous avons adopté plusieurs mesures, qui représentent des apports significatifs, afin d'élargir la portée du texte et de mieux saisir la réalité du terrain.
Je pense par exemple à l'intégration des prestataires de santé à domicile à la liste des professionnels protégés. Cette disposition permet de reconnaître enfin leur vulnérabilité spécifique, liée à leur isolement et à leurs conditions d'intervention.
À l'article 2, la commission avait proposé, dans un souci de cohérence juridique, de substituer à l'infraction d'outrage celle d'injure. Ce choix aurait toutefois eu pour effet de réduire le champ des faits condamnables et d'imposer aux professionnels un régime plus restrictif. C'est pourquoi le Sénat a choisi, en séance publique, de revenir à la rédaction initiale de l'Assemblée nationale, en maintenant l'outrage, plus protecteur dans les faits.
À l'article 3, l'inclusion des prestataires de santé à domicile dans la liste des professionnels à la place desquels l'employeur peut porter plainte est cohérente avec la reconnaissance, à l'article 1er, de ces derniers. L'octroi de cette compétence aux URPS, en complément des ordres professionnels, renforce l'accompagnement des soignants libéraux, au plus près du terrain.
Ces évolutions témoignent d'un travail parlementaire utile, précis, équilibré. Le texte, dans sa rédaction finale, est plus solide, plus clair et mieux adapté aux réalités du terrain.
Les membres du groupe RDPI voteront en faveur de la proposition de loi, par conviction et dans un esprit de solidarité avec l'ensemble des soignants : en protégeant celles et ceux qui nous soignent, nous leur accordons simplement le respect et la reconnaissance qu'ils méritent. Défendre leur engagement au service des autres, lui rendre hommage, c'est aussi cela faire justice. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP. – Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la discussion générale, nous avons dressé un état des lieux particulièrement alarmant. Les violences contre les soignants se multiplient. Je ne rappellerai pas les chiffres, qui sont d'ailleurs probablement sous-estimés puisque la grande majorité des médecins ne déclarent pas les incidents.
Il n'en reste pas moins que, partout sur le territoire, dans nos hôpitaux comme dans les cabinets de médecine de ville, celles et ceux qui soignent sont menacés, insultés, parfois même agressés ; les généralistes, notamment les femmes, sont en première ligne.
Derrière chaque fait, il y a une vie bouleversée, une vocation fragilisée, un engagement mis à l'épreuve. L'assassinat de Carène Mézino, au mois de mai 2023, en est un tragique symbole.
Ce phénomène n'épargne aucun territoire. Il s'inscrit dans une inquiétante banalisation de la violence.
Ce fut le cas, le mois dernier, en Moselle, où un patient en désaccord avec la prise en charge qui lui était proposée a menacé de mort son généraliste et dégradé son cabinet médical.
C'est également le cas dans d'autres pays puisque, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), plus d'un tiers des soignants dans le monde seraient confrontés à des violences physiques au cours de leur carrière. Nos voisins européens font face au même phénomène que nous.
Dans un tel contexte, l'initiative parlementaire du député Philippe Pradal apporte une réponse utile. Je tiens à saluer de nouveau Anne-Sophie Patru, notre rapporteure, pour le travail qu'elle a mené sur ce texte, et à me féliciter des échanges très riches que nous avons eus la semaine dernière avec vous, monsieur le ministre.
J'en viens maintenant au fond. Nous étions déjà favorables au texte issu de la commission ; nous le serons encore davantage à la rédaction qui résulte de l'examen en séance publique.
Certains dispositifs ont été enrichis. Je pense notamment à l'article 1er qui inclut désormais les personnels employés par des prestataires de santé à domicile. De même, les peines prévues en cas d'agression sexuelle commise par ou sur un professionnel de santé seront aggravées, tandis que des circonstances aggravantes seront retenues pour tout vol de produits de santé.
Plus encore, je me réjouis de la réécriture de l'article 2. Nous avons eu à trancher le débat suivant : fallait-il retenir le délit d'injure ou celui d'outrage ? Avec Michel Masset, nous étions convaincus que l'outrage était plus favorable aux personnels de santé. Le délit d'injure, tiré de la loi sur la liberté de la presse, s'accompagne d'un régime juridique moins protecteur, puisqu'il implique un dépôt de plainte obligatoire, un délai de prescription court, tandis que la qualification matérielle par le juge est plus complexe. Le Sénat a fait le choix de suivre notre position en adoptant notre amendement : tant mieux !
Enfin, je me réjouis de l'adoption de l'amendement qui a été déposé en séance par notre collègue Hussein Bourgi à l'article 3 ; nous avions défendu un amendement similaire en commission. Il étend aux URPS le dispositif du dépôt de plainte. Il convient en effet d'élargir le plus possible le droit pour l'employeur de porter plainte pour violences à la place d'un professionnel de santé ou d'un membre du personnel d'un établissement de santé.
Le réflexe de signalement reste encore trop rare dans la profession. Trop souvent, les soignants renoncent à réagir face aux faits dont ils sont victimes, par crainte de représailles, lassitude ou manque de soutien. Ce silence, bien compréhensible, empêche une réponse pénale adaptée et entretient un sentiment d'impunité. L'extension de ce mécanisme va donc dans la bonne direction.
En conclusion, l'examen de cette proposition de loi doit aussi nous pousser à nous interroger sur nos méthodes et le sens à donner au travail législatif.
Dans De l'Esprit des lois, Montesquieu écrivait : « Quoique, dans la démocratie, l'égalité réelle soit l'âme de l'État, cependant elle est si difficile à établir qu'une exactitude extrême à cet égard ne conviendrait pas toujours. » Voilà qui justifie, me semble-t-il, que nous nous attachions à définir des régimes spécifiques pour certaines professions.
Il est indéniable qu'il faille protéger nos soignants – sans exception – comme nos enseignants, nos forces de l'ordre, nos élus locaux, les pompiers, les magistrats, les gardiens d'immeuble, les agents de sécurité privée, les agents pénitentiaires, les chauffeurs de bus ou de train.
Les violences à l'égard des personnes que je viens de citer, mais la liste n'est pas exhaustive, donnent lieu à l'application de circonstances aggravantes, selon les termes de l'article 222-8 du code pénal, que nous proposons de modifier. Le quantum des peines encourues est aggravé, même si cela n'a souvent qu'une portée symbolique puisque les peines prononcées atteignent rarement le maximum possible. Il faudrait, là encore, que cela change !
Naturellement, nous oublions encore des situations et des professions. Nous devrons probablement compléter cette liste dans les mois à venir et, à mesure que le temps passera, notre loi pénale semblera se perdre en d'interminables particularismes…
Néanmoins, cette remarque n'enlève absolument rien à l'importance du travail que nous avons effectué ici. Il est nécessaire de protéger les personnels de santé, car la loi doit constamment s'adapter aux évolutions sociétales et à la banalisation de la violence. Ainsi, samedi dernier, un automobiliste de 19 ans a percuté un pompier au cours d'un rodéo urbain. Celui-ci lutte encore aujourd'hui contre la mort ; nous tenons à lui témoigner ici tout notre soutien et toute notre solidarité.
Notre groupe du RDSE votera unanimement en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe RDPI. – M. Stéphane Demilly applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Patru, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Sophie Patru. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse que ce texte atteigne la phase finale de son examen au Sénat.
En tant que rapporteure, j'ai souligné la semaine dernière que, depuis le IVe siècle avant Jésus-Christ, le serment d'Hippocrate proclame que les soignants méritent le respect de leurs pairs et de la société s'ils honorent leurs engagements.
Ce respect commence par la sécurité que nous devons garantir à tous nos soignants – celle-ci est le fondement essentiel de notre coexistence.
Malheureusement, les événements intervenus durant ce week-end nous ont encore confirmé que personne n'est à l'abri de la violence, et notamment pas les agents des services publics. En l'occurrence, un sapeur-pompier volontaire, Niccolo Scardi, âgé de 38 ans, a été percuté par un automobiliste devant sa caserne lors d'un rodéo urbain à Évian-les-Bains, en Haute-Savoie. Je souhaite que nous ayons une pensée pour lui, alors qu'il est encore hospitalisé, ainsi que pour sa famille.
M. Loïc Hervé. Merci.
Mme Anne-Sophie Patru. Comme les autres membres de la société, les soignants sont victimes de violences, ce qui est particulièrement inacceptable alors que l'épisode du covid est encore dans toutes les mémoires : souvenons-nous des applaudissements quotidiens dont ils étaient l'objet, en raison de leur engagement pour nous tous.
Les données recueillies à l'occasion des signalements volontaires révèlent que les professionnels de santé sont confrontés à des actes de violence qui atteignent des niveaux inquiétants.
Entre 2019 et 2023, l'Observatoire national des violences en milieu de santé et l'Observatoire national de la sécurité des médecins (ONSM) ont enregistré 20 000 signalements de violences.
En 2024, une augmentation du nombre de ces actes de 6,6 % par rapport à 2023 a été observée, ce qui peut révéler soit une hausse du nombre d'incidents soit une amélioration de leur déclaration.
En ce qui concerne les médecins, l'année 2023 a été marquée par une augmentation du nombre de signalements de 27 % : 1 581 actes de violence ont ainsi été rapportés.
Même si des améliorations sont toujours possibles, nous pouvons être satisfaits que le taux de réponse pénale – environ 90 % – soit élevé.
Les condamnations prononcées en première instance pour des faits de menaces ou de violences contre des professionnels de santé comportent, dans trois quarts des cas, des peines d'emprisonnement. Cependant, la durée moyenne des peines de prison ferme prononcées est inférieure à sept mois, soit très en deçà des quanta prévus par la loi pour les différentes infractions de menaces ou de violences.
Ces résultats, relatifs au taux de réponse pénale et au taux de condamnation, découlent d'une volonté clairement exprimée dans la circulaire de politique pénale générale du 27 janvier 2025, dans laquelle il est demandé aux parquets une mobilisation particulière pour lutter contre les violences dans le secteur de la santé.
Je salue l'initiative de M. Pradal, qui a déposé cette proposition de loi cruciale alors qu'il était député. Attendue par la communauté soignante, elle a été adoptée par l'Assemblée nationale en mars dernier.
Je tiens aussi à exprimer ma gratitude à MM. les ministres Gérald Darmanin et Yannick Neuder pour leur engagement sur cette question.
Les mesures contenues dans ce texte visent à appliquer le plan pour la sécurité des professionnels de santé, qui a été présenté en septembre 2023. Elles visent plusieurs objectifs.
Il s'agit notamment de renforcer les sanctions à l'égard des violences contre les professionnels de santé, en étendant la protection à l'ensemble des personnels des structures de santé, et en aggravant les peines encourues.
Un autre objectif est de faciliter les dépôts de plainte après chaque incident, en permettant à l'employeur de porter plainte à la place d'un professionnel de santé ou d'un membre du personnel.
En tant que rapporteure, je me réjouis de la qualité de nos discussions. La commission des lois a cherché à trouver un équilibre entre qualité du droit et efficacité de l'écriture de la loi. Je salue également le travail du Sénat dans son ensemble et l'implication de l'ensemble de nos collègues sur ce texte. Nous sommes ainsi parvenus à un texte consensuel.
Le groupe Union Centriste soutiendra l'adoption de la proposition de loi. Un vote massif du Sénat enverrait, mes chers collègues, un signal fort de soutien à la communauté soignante, et serait le témoignage d'un appui indéfectible aux professionnels de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du règlement au scrutin public solennel sur l'ensemble de la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé dans le texte de la commission, modifié.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
Je vous invite à insérer votre carte de vote dans le terminal et à l'y laisser jusqu'au vote.
Si vous disposez d'une délégation de vote, le nom du sénateur pour lequel vous devez voter s'affiche automatiquement sur le terminal en dessous de votre nom. Vous pouvez alors voter pour vous et pour le délégant en sélectionnant le nom correspondant puis en choisissant une position de vote.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 271 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 308 |
Pour l'adoption | 308 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles des groupes CRCE-K et GEST.)
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois, chère Muriel Jourda, madame la rapporteure, chère Anne-Sophie Patru, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier pour le travail que nous avons accompli collectivement durant les séances que nous avons consacrées à l'examen de ce texte.
L'adoption de cette proposition de loi est l'expression d'un refus net et ferme de s'habituer à la violence, quelle qu'elle soit. Elle est l'affirmation que celle-ci est inacceptable, qu'il n'y a pas de petite violence, que tous les actes commis constituent une attaque à l'égard de notre système de santé.
En adoptant ce texte, vous envoyez un message fort à tous les professionnels de santé : l'État est à leurs côtés et nous serons intransigeants.
Nous envoyons également un message fort à tous les coupables, à tous les agresseurs : nous ne laisserons rien passer.
En effet, grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à l'adoption de ce texte, nous franchissons une étape supplémentaire dans la mise en œuvre de notre ambition commune de ne laisser aucun répit à ceux qui s'en prennent aux soignants et de protéger, comme il se doit, ceux qui protègent et prennent soin de notre santé.
Notre ambition est fondée sur la nécessité d'agir, de manière urgente, comme l'actualité nous le rappelle trop souvent et avec force. Je ne citerai que quelques chiffres révélateurs : 23 498 agressions ont été déclarées en 2022 ; le nombre de plaintes déposées a augmenté de 44 %. Cela signifie que soixante-cinq professionnels de santé sont agressés chaque jour dans notre pays.
Je suis mobilisé sur ce sujet en tant que médecin, en tant qu'élu local, en tant que député et naturellement maintenant en tant que ministre de la santé. Quelques jours après ma prise de fonction, j'ai ainsi eu, malheureusement, à me rendre à Annemasse pour soutenir les quatorze soignants qui avaient été agressés.
M. Yannick Neuder, ministre. Je tiens d'ailleurs à remercier les sénateurs Sylviane Noël, Cyril Pellevat et Loïc Hervé, qui m'ont accompagné.
À cette occasion, j'avais pris l'engagement solennel que de nouvelles mesures seraient mises en œuvre d'ici à septembre 2025.
Mon objectif, vous l'aurez compris, est d'imprimer un tournant décisif à la politique de lutte contre ces violences. Je n'ai qu'un seul mot d'ordre : la tolérance zéro ! Cela passe, bien sûr, par le renforcement des mesures qui nous permettent d'agir en amont des actes de violence.
J'ai ainsi sanctuarisé l'enveloppe de 25 millions d'euros destinée à protéger nos différents services hospitaliers. Oui, madame la sénatrice Souyris, je suis prêt à vous communiquer la liste des actions menées dans ce cadre.
L'ONVS sera renforcé : dans sa version 2.0, il ne sera pas qu'une chambre d'enregistrement, mais constituera une véritable instance de suivi des cas, d'écoute et d'orientation des professionnels et, surtout, des victimes. Une attention particulière sera accordée aux violences sexistes et sexuelles, qui ont trop souvent été couvertes par une omerta au sein de notre système de santé.
Naturellement, je n'oublie pas l'exercice en ville, avec nos soignants libéraux.
Je compte aussi sur la mobilisation des collectivités locales, des élus locaux, notamment par l'action des polices municipales, l'utilisation de caméras de vidéoprotection ou la mise en place de boutons d'alerte – j'en ai d'ailleurs déployé dans ma commune quand j'étais maire.
J'ai indiqué que mon mot d'ordre était la tolérance zéro. J'ajoute que mon objectif à l'égard des auteurs de violences est le zéro impunité. Cet objectif se concrétise avec le vote de ce texte, dont nous ferons en sorte, avec Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, qu'il soit rapidement traduit en droit et dans les faits.
Je voudrais enfin remercier les parlementaires de tous bords qui se sont investis sur le sujet et qui ont adopté, à une large majorité, cette proposition de loi du député Philippe Pradal, qui vise à ne laisser aucun répit aux auteurs de violences.
Grâce à vous, les peines seront aggravées en cas de violences ou en cas de vol en milieu de santé. Les violences contre tous les personnels et dans tous les secteurs de la santé seront réprimées.
Nous pourrons également sanctionner plus fermement les violences verbales et les insultes. Je me réjouis à cet égard de la création d'un délit d'outrage élargi à l'ensemble des professionnels qui concourent aux soins.
Enfin, nous facilitons le dépôt de plainte. Il s'agit en effet souvent d'une épreuve difficile pour les professionnels de santé. Nombre d'entre eux craignent des représailles et renoncent. Le texte ouvre la possibilité à l'employeur d'un professionnel de santé ou à certains autres organismes de déposer plainte à sa place. Monsieur Bourgi, vous avez été entendu !
L'ensemble des établissements médico-sociaux, des cliniques et des centres de santé seront concernés. La question des médecins libéraux, qui sont leurs propres employeurs, sera naturellement posée. La liste des organismes représentatifs autorisés à porter plainte sera précisée dans un décret.
Je peux vous assurer que je serai attentif à ce que ce décret fasse l'objet d'une concertation et soit publié rapidement après l'adoption définitive du texte. L'idée est que la victime se sente soutenue et qu'en cas d'agression le dépôt de plainte devienne un réflexe.
C'est pourquoi, afin de faciliter et de sécuriser encore plus le dépôt de plainte, je travaille en ce moment même avec le ministre de l'intérieur et le garde des sceaux à la mise en place d'un dispositif spécifique de visioplainte pour les soignants victimes de violences.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'aurez compris, face aux violences physiques, verbales ou numériques contre nos soignants et tous ceux qui concourent aux soins, il n'y a, et je n'ai, qu'une seule ligne, celle de la fermeté, et je n'ai qu'un seul mot d'ordre, la tolérance zéro.
Par le vote de ce texte, nous apportons aujourd'hui une réponse à la hauteur de l'enjeu, une réponse à la hauteur des engagements des soignants et de ce que nous devons à ces derniers. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
2
Amélioration de l'accès aux soins dans les territoires
Suite de la discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, présentée par M. Philippe Mouiller (proposition n° 494, texte de la commission n° 577, rapport n° 576, rapport pour avis n° 574).
Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus à l'amendement n° 69 à l'article 3.
Chapitre II (suite)
Renforcer l'offre de soins dans les territoires sous-dotés
Article 3 (suite)
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la première phrase du 1° du I de l'article L. 1434-3, après le mot : « installation », sont insérés les mots : « exercée, pour les médecins, dans les conditions prévues aux articles L. 4131-8 et L. 4131-9 » ;
2° L'article L. 1434-4 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après le mot : « médicales », sont insérés les mots : « dont l'installation peut être conditionnée à un engagement d'exercice à temps partiel en application des articles L. 4131-8 et L. 4131-9 ou » ;
b) À la première phrase du 2°, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « et des spécialités médicales dont l'installation est préalablement autorisée en application des articles L. 4131-8 et L. 4131-9 du présent code ou » ;
c) L'avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
– la quatrième occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;
– après la référence : « L. 1435-5-4 », sont insérés les mots : « , L. 4131-8 et L. 4131-9 » ;
3° Après le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la quatrième partie, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER BIS
« Conditions d'installation dans les zones les mieux dotées
« Art. L. 4131-8. – L'installation d'un médecin généraliste dans une zone dans laquelle le niveau de l'offre de soins est particulièrement élevé au sens du 2° de l'article L. 1434-4 est préalablement autorisée par le directeur général de l'agence régionale de santé, après avis du conseil départemental de l'ordre des médecins.
« L'autorisation est conditionnée à un engagement du médecin généraliste à exercer à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° du même article L. 1434-4. Le directeur général ne peut refuser ou retirer l'autorisation, après que le médecin a été mis en mesure de présenter ses observations, que pour des motifs tenant à l'inexistence, à l'insuffisance ou à la méconnaissance de cet engagement.
« Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil national de l'ordre des médecins, fixe les conditions d'application du présent article, notamment :
« 1° La durée mensuelle minimale et les modalités d'exercice à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° de l'article L. 1434-4 ;
« 2° Les modalités de formalisation de l'engagement d'exercice à temps partiel du médecin généraliste et de contrôle de son respect ;
« 3° Les conditions de retrait de l'autorisation d'installation par le directeur général de l'agence régionale de santé en cas de méconnaissance de l'engagement d'exercice à temps partiel.
« Art. L. 4131-9. – I. – L'installation d'un médecin spécialiste dans une zone dans laquelle le niveau de l'offre de soins est particulièrement élevé au sens du 2° de l'article L. 1434-4 est préalablement autorisée par le directeur général de l'agence régionale de santé, après avis du conseil départemental de l'ordre des médecins.
« Cette autorisation est conditionnée à la cessation concomitante d'activité d'un médecin de la même spécialité exerçant dans la même zone.
« L'installation d'un médecin spécialiste peut toutefois être autorisée en l'absence de cessation concomitante d'activité d'un médecin de la même spécialité :
« 1° Lorsque le médecin spécialiste s'engage à exercer à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° du même article L. 1434-4 ;
« 2° À titre exceptionnel et sur décision motivée du directeur général de l'agence régionale de santé, lorsque l'installation est nécessaire pour maintenir l'accès aux soins dans le territoire.
« Les autorisations accordées en application du 1° du présent I peuvent être retirées par le directeur général de l'agence régionale de santé, après que le médecin a été mis en mesure de présenter ses observations, en cas de méconnaissance de l'engagement d'exercice à temps partiel.
« II. – Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil national de l'ordre des médecins, fixe les conditions d'application du I, notamment :
« 1° Les modalités d'identification du médecin spécialiste autorisé à s'installer, lors de la cessation d'activité d'un médecin de la même spécialité dans la même zone ;
« 2° La durée mensuelle minimale et les modalités d'exercice à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° de l'article L. 1434-4 ;
« 3° Les modalités de formalisation de l'engagement d'exercice à temps partiel du médecin spécialiste et de contrôle de son respect ;
« 4° Les conditions de retrait de l'autorisation d'installation par le directeur général de l'agence régionale de santé en cas de méconnaissance de l'engagement d'exercice à temps partiel. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À l'article L. 162-2, après la dernière occurrence du mot : « médecin », sont insérés les mots : « exercée dans les conditions prévues aux articles L. 4131-8 et L. 4131-9 du code de la santé publique » ;
2° L'article L. 162-5 est complété par un 29° ainsi rédigé :
« 29° Les conditions et modalités de participation financière aux frais et investissements engagés par les médecins afin de respecter l'engagement d'exercice à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins mentionné à l'article L. 4131-8 et au 1° du I de l'article L. 4131-9 du code de la santé publique. »
III. – Les I et II entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État et, au plus tard, un an après la promulgation de la présente loi.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 69, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L'article L. 4111-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les médecins sont autorisés à exercer leur activité à titre libéral ou salarié dans les conditions prévues à l'article L. 4111-1-3. » ;
2° Après l'article L. 4111-1-2, il est inséré un article L. 4111-1-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 4111-1-3. – L'installation d'un médecin exerçant à titre libéral ou salarié est soumise à l'autorisation préalable du directeur général de l'agence régionale de santé compétente après avis rendu dans les trente jours suivant sa saisine, du conseil départemental de l'ordre dont il relève.
« L'autorisation est délivrée de droit :
« 1° Si le lieu d'installation du médecin est situé dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° de l'article L. 1434-4 ;
« 2° Si un médecin de la même spécialité et exerçant dans la même zone cesse concomitamment son activité.
« L'autorisation ne peut être délivrée dans les autres cas.
« Les conditions d'application du présent article sont définies par un décret en Conseil d'État pris, après avis du conseil national de l'ordre des médecins, et consultation des représentants des étudiants en médecine, des usagers du système de santé et des élus locaux. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à réécrire l'article 3, afin que les territoires sous-dotés bénéficient de l'apport de médecins exerçant à temps plein, et non pas à temps partiel, comme le prévoit le dispositif initial.
En effet, dans la République française, il ne peut y avoir de citoyens de seconde zone : chacun a droit à un médecin. Le dispositif que nous proposons est celui qui a déjà cours pour les infirmiers depuis 2008, pour les masseurs-kinésithérapeutes et les sages-femmes depuis 2018, ainsi que pour les chirurgiens-dentistes depuis le début de cette année. Puisqu'il a fait la preuve de son efficacité, pourquoi ne pas l'étendre aux médecins ?
Hier, à l'occasion des débats nourris auxquels a donné lieu l'examen de ce texte, d'aucuns ont soutenu que l'on ne pouvait pas réguler la pénurie. Parfois, je me demande si certains ne tirent pas argument de cette pénurie organisée par le numerus clausus – cela a été souligné à plusieurs reprises – pour s'opposer à toute forme de régulation.
En outre, je suis inquiète lorsque j'entends l'ordre des médecins alerter sur le fait que nous aurions potentiellement trop de médecins dans les années à venir : c'est très loin de la réalité que nous vivons dans nos territoires, même en nous projetant dans un avenir assez lointain.
Il va de soi que cette pénurie nécessite au contraire de former davantage de médecins. Nous l'avons indiqué lors de la discussion générale et avons même organisé dans cet hémicycle un débat sur la nécessité de former davantage de médecins et soignants, à l'occasion duquel nous avons formulé un certain nombre de propositions.
Au-delà de la pénurie, le rapport de Corinne Imbert pointe un accroissement des inégalités. Ainsi, des départements bien dotés en médecins voient le nombre de médecins augmenter quand les départements sinistrés voient ce nombre reculer. Il faut répondre à cette situation.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Céline Brulin. À ceux qui s'inquiètent de la fin de la liberté d'installation, je rappelle que ce dispositif permet la liberté d'installation dans 87 % du territoire national et l'encadre dans les 13 % restants.
M. le président. L'amendement n° 21 rectifié bis, présenté par MM. Menonville et Maurey, Mme Belrhiti, M. J.M. Arnaud et Mmes Jacquemet, Antoine et Saint-Pé, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À l'article L. 162-2, les mots : « la liberté d'installation du médecin, » sont supprimés ;
2° Après l'article L. 162-2-1, il est inséré un article L. 162-2-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 162-2-1…. – L'installation d'un médecin libéral en-dehors d'une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante, au sens du 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique, est subordonnée à une autorisation de l'agence régionale de santé. Seuls les médecins disposant de cette autorisation peuvent être conventionnés par l'assurance maladie.
« L'autorisation ne peut être accordée que si le demandeur assure la succession d'un professionnel libéral, relevant de la même spécialité médicale, qui cesse définitivement son activité dans la zone. Un décret en Conseil d'État précise selon quelles modalités le médecin libéral mettant fin à son activité désigne son successeur.
« En l'absence de successeur désigné, l'agence régionale de santé peut autoriser l'installation d'un médecin libéral qui en a fait la demande, selon des critères et une procédure définis par décret en Conseil d'État.
« À titre exceptionnel, en l'absence de cessation d'activité d'un confrère, le conventionnement peut être accordé, dans des conditions précisées par décret, à un médecin libéral qui fait état de raisons personnelles dûment justifiées, afin notamment de lui permettre de se rapprocher de son conjoint à la suite d'une mutation professionnelle ou d'une personne en situation de perte d'autonomie dont il est le proche aidant. »
La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Je tiens tout d'abord à féliciter et à remercier Philippe Mouiller de son initiative qui arrive à point nommé, puisque la fracture territoriale en matière d'offre de soins est de plus en plus prégnante sur nos territoires.
Par cet amendement, il s'agit de mettre en place un dispositif de régulation de l'installation des médecins libéraux dans les zones où l'offre de soins est suffisante. Certes, elles sont minoritaires, mais elles existent.
Il est ainsi proposé que l'installation des médecins dans les zones dites surdotées soit soumise à une autorisation de l'agence régionale de santé (ARS), laquelle ne pourrait être accordée qu'en cas de cessation définitive d'activité d'un praticien dans la même spécialité. Cette régulation est encadrée et des dérogations pour tenir compte des situations personnelles sont prévues.
Il n'y a là rien de révolutionnaire : les infirmiers libéraux sont déjà soumis à ce régime. En effet, nos collectivités investissent dans des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) pour contribuer à structurer l'offre de soins et répondre aux besoins des habitants.
Notre système de sécurité sociale assure le remboursement de nombreux frais d'actes et son système de prise en charge doit tous nous responsabiliser, y compris les professionnels de santé. Nous ne sommes donc pas dans un marché du tout-libéral classique. Un peu de régulation est possible et nécessaire. De nombreuses autres professions en font déjà l'objet.
M. le président. L'amendement n° 99 rectifié, présenté par M. Fichet, Mmes Le Houerou et Poumirol, MM. Uzenat, Gillé et Kanner, Mmes Conconne, Canalès, Féret, Lubin et Rossignol, MM. Mérillou, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après le 20° de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …°Dans les zones définies au 2° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique par les agences régionales de santé en concertation avec les organisations syndicales représentatives des médecins au plan national dans lesquelles est constaté un excédent en matière d'offre de soins, les conditions du conventionnement à l'assurance maladie de tout nouveau médecin libéral sous réserve de la cessation d'activité libérale concomitante d'un médecin exerçant dans la même zone. Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent alinéa ; ».
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement vise à instaurer un conventionnement sélectif à l'installation, afin que l'installation d'un médecin dans une zone à forte densité médicale ne puisse intervenir que concomitamment à la cessation d'activité d'un autre médecin exerçant dans la même zone.
Le conventionnement sélectif existe déjà pour plusieurs autres professionnels de santé – pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, sages-femmes, chirurgiens-dentistes, orthophonistes – et prévoit que, dans des zones définies par les ARS, en concertation avec les syndicats médicaux, où existe un excédent en matière d'offre de soins, un nouveau médecin libéral ne peut s'installer en étant conventionné à l'assurance maladie que lorsqu'un médecin libéral de la même zone cesse son activité.
Le principe de la liberté d'installation demeure donc, mais le conventionnement n'est possible que de manière sélective pour les nouvelles installations dans les zones surdotées.
L'adoption d'un tel principe de conventionnement sélectif des médecins libéraux permettrait de compléter utilement les dispositifs d'incitation à l'installation dans les zones sous-dotées.
Pour lutter plus efficacement contre la désertification médicale, ce dispositif nous paraît bien plus opérant que ce qui est proposé à l'article 3. Il est impératif de mobiliser l'ensemble des solutions possibles, en particulier lorsqu'elles ont fait leurs preuves pour d'autres professions de santé.
M. le président. L'amendement n° 89 rectifié, présenté par Mme Poumirol, M. Fichet, Mme Le Houerou, MM. Uzenat, Gillé et Kanner, Mmes Canalès, Conconne, Féret, Lubin et Rossignol, MM. Mérillou, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l'article L. 1110-4-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les médecins sont responsables collectivement de la continuité des soins dans les centres de consultations avancées mentionnés à l'article L. 1431-2, qu'ils organisent en lien avec l'ordre des médecins dans des conditions définies par décret. » ;
2° L'article L. 1431-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …) Elles coordonnent la création de centres de consultations avancées dans les zones mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 1434-4, en lien avec les collectivités territoriales. » ;
3° Après le troisième alinéa de l'article L. 1434-4 sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans les zones mentionnées au 1°, le directeur général de l'agence régionale de santé détermine les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins, pour chaque spécialité médicale, après avis du conseil départemental de l'ordre des médecins.
« Les médecins généralistes et les médecins spécialistes s'engagent à exercer à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° du présent article.
« Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil national de l'ordre des médecins, fixe les conditions d'application du présent article. »
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à celui que vient de présenter Jean-Luc Fichet. Il vise à améliorer la mesure contenue à l'article 3 en instaurant un dispositif de solidarité territoriale qui intègre l'ensemble des médecins, sur le modèle de la permanence des soins ambulatoires, ainsi que nous l'avons évoqué hier.
La rédaction actuelle de l'article 3 prévoit que l'obligation de solidarité ne concerne que les nouvelles installations en zones surdotées. Nous proposons de rendre ce dispositif véritablement effectif en y intégrant l'ensemble des médecins présents sur un territoire.
Comme l'a souligné Élisabeth Doineau hier, il serait particulièrement injuste de faire porter les conséquences catastrophiques du numerus clausus – erreur ou plutôt faute politique des gouvernements, mais aussi de l'ordre des médecins pendant des années – sur les seuls jeunes médecins, qui, parce qu'ils sont jeunes, se verraient pénalisés et sollicités pour exercer cette solidarité.
Par conséquent, nous proposons de créer pour les médecins une obligation collective d'organiser la continuité des soins dans les zones insuffisamment dotées qui seront déterminées par les ARS.
M. le président. L'amendement n° 77 rectifié bis, présenté par Mme Guillotin et MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guiol, Masset et Daubet, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L'article L. 1110-4-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les médecins sont responsables collectivement de la continuité des soins dans les centres de consultations avancées mentionnés à l'article L. 1431-2, qu'ils organisent en lien avec l'ordre des médecins et les unions régionales des professionnels de santé concernées dans des conditions définies par décret. » ;
2° L'article L. 1431-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Elles coordonnent la création de centres de consultations avancées dans les zones mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 1434-4, en lien avec les collectivités territoriales. » ;
3° Après le troisième alinéa de l'article L. 1434-4 est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les zones mentionnées au 1°, le directeur général détermine les zones caractérisées par une offre de soins particulièrement critique pour chaque spécialité médicale, en lien avec l'ordre des médecins et les unions régionales des professionnels de santé concernées. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. L'article 3 introduit une disposition qui suscite beaucoup d'inquiétudes sur le terrain, à savoir conditionner l'installation de médecins en zones surdotées à un engagement individuel d'exercice partiel en zone sous-dense.
Si nous voulons mobiliser durablement la profession médicale, il faut arrêter d'envoyer de mauvais signaux et favoriser l'adhésion à une responsabilité collective encadrée par les ARS en lien avec les collectivités et les professionnels de santé eux-mêmes.
C'est le sens de cet amendement déposé par Véronique Guillotin, dont l'objet s'inscrit dans l'esprit du pacte de lutte contre les déserts médicaux présenté par le Premier ministre. Il vise à créer une mission de solidarité territoriale, définie collectivement, proportionnée aux besoins locaux et intégrée à une organisation pilotée par les ARS.
Il nous semble nécessaire de privilégier une approche fondée sur la responsabilité et la confiance collectives en y associant pleinement les jeunes médecins, les internes, les étudiants et les remplaçants. Leur implication active est essentielle à la réussite de toute politique de rééquilibrage territorial.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales. Ces amendements visent tous à réécrire l'article 3 pour lui substituer un dispositif différent de celui qui est prévu.
Les amendements nos 69, 21 rectifié bis et 99 rectifié tendent à mettre en place un système plus contraignant pour les médecins.
L'amendement n° 69 vise à instaurer un système d'autorisation d'installation conditionnée à la cessation d'activité d'un médecin de la même spécialité hors zone sous-dense, sur le modèle de la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux, d'initiative transpartisane, votée à l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 21 rectifié bis tend à mettre en place un système proche, mais en y associant un certain nombre d'exceptions, notamment pour permettre aux médecins de se rapprocher de leurs conjoints.
L'amendement n° 99 rectifié a pour objet de mettre en place un système de régulation du conventionnement conditionné à la cessation d'activité d'un médecin de la même spécialité en zone surdense.
L'amendement n° 89 rectifié vise à contraindre l'ensemble des médecins généralistes et spécialistes à exercer à temps partiel en zone sous-dense.
Quant à l'amendement n° 77 rectifié bis, il tend au contraire à mettre en place une simple obligation collective des médecins à assurer la continuité des soins dans les centres de consultations avancées situés en zone critique.
Les solutions coercitives interdisant aux médecins de s'installer dans certains territoires ou les obligeant à s'installer dans d'autres ne nous semblent pas les plus efficaces : c'est la raison pour laquelle nous avons rédigé cette proposition de loi, qui nous paraît plus équilibrée. Elles risquent de se révéler contre-productives en faisant fuir les jeunes médecins et en réduisant durablement l'activité de l'exercice libéral.
L'ensemble des associations étudiantes et des organisations syndicales, l'ordre national des médecins, Départements de France ou encore l'Association des maires ruraux de France se sont unanimement prononcés contre une telle solution.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 69, 21 rectifié bis, 99 rectifié et 89 rectifié.
Le dispositif que nous proposons nous semble, je l'ai dit, équilibré. Il est bon de rappeler qu'il préserve la liberté d'installation en n'empêchant aucun médecin de s'installer où il le souhaite ou d'y être conventionné. En revanche, ceux qui voudront s'installer dans les zones déjà bien dotées devront donner de leur temps pour contribuer à maîtriser les inégalités d'accès aux soins. Cette contrepartie sera connue à l'avance par les médecins concernés ; ceux-ci s'installeront donc en connaissance de cause. Nous souhaitons que cette responsabilité soit réelle et qu'elle s'impose à chaque médecin visé.
Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 77 rectifié bis, qui tend à remplacer la mesure prévue par une simple obligation collective.
Les syndicats de médecins, d'internes ou d'étudiants ont été beaucoup moins critiques à l'égard de la proposition de Philippe Mouiller qu'à l'égard d'une régulation stricte.
Enfin, il est difficile de comparer la régulation imposée aux autres professions de santé – chirurgiens-dentistes, pharmaciens, infirmiers, etc. – avec celle que les auteurs des amendements souhaitent mettre en place pour les médecins, généralistes ou spécialistes. En effet, ceux-ci ont la possibilité de ne pas être conventionnés, ce qui n'est pas envisageable pour les autres professions.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 69, 21 rectifié bis et 99 rectifié et demande le retrait des amendements nos 89 rectifié et 77 rectifié bis au profit de l'amendement n° 111 du Gouvernement portant article additionnel après l'article 3.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je soutiens les propositions contenues dans les amendements de Mme Poumirol et de Mme Guillotin, même si elles sont un peu différentes. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'examen de l'amendement du Gouvernement.
Quel que soit le dispositif qui sera retenu, il est important de ne pas cibler les jeunes médecins ; or c'est le défaut de la proposition de la commission. Les jeunes médecins ne sont en rien responsables de la situation. (MM. Laurent Somon et Alain Milon approuvent.)
J'ai entendu d'ailleurs hier, lors de la discussion générale, des propos inexacts sur ce que coûteraient ou rapporteraient les jeunes. Leurs études coûtaient cher à la Nation ? C'est une fake news totale ! Au contraire, les étudiants en médecine sont les seuls étudiants qui rapportent au pays du fait de leur exercice durant le troisième cycle. (Mmes Élisabeth Doineau, Anne-Sophie Romagny et Sonia de La Provôté renchérissent.) Il n'est pas question de leur faire supporter les errances de notre génération.
J'en viens aux amendements nos 69, 21 rectifié bis et 99 rectifié.
C'est la profession d'infirmière qui est régulée depuis le plus longtemps, une quinzaine d'années ; or l'écart de densité des infirmières entre les 10 % de territoires les moins dotés et les 10 % les plus dotés est supérieur à trois, alors qu'il est de 1,7 pour les généralistes. Certes, la régulation a fonctionné, en ce sens qu'il y a eu beaucoup moins d'installations dans les territoires surdenses ; pour autant, il n'y a pas eu plus d'installations dans les territoires sous-denses. Cette mesure n'a donc pas réduit les inégalités territoriales.
Pour ma part, je n'ai rien contre l'outil par principe. Reste qu'il ne fonctionne pas, parce que les soignants ne sont pas des poissons rouges que l'on transfère d'un aquarium à un autre ! Ce sont des gens qui ont une vie. À ce titre, toute contrainte ou coercition exercée dans un système qui est ouvert ne fonctionne pas. Vouloir étendre cette régulation aux médecins est une erreur de méthode.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. « Pas mieux ! », suis-je tentée de dire. Je pense en effet exactement la même chose que M. Jomier.
Comme je l'ai souligné hier, ces annonces et ces textes suscitent beaucoup de confusion : personne n'y comprend plus rien et on ne sait pas ce qu'il faut garder dans telle ou telle proposition de loi ou dans tel plan gouvernemental.
Et que dire de la pression que cela fait peser sur la jeune génération ? Ces futurs médecins ne sont pas responsables des décisions politiques du passé. D'autant que les études de médecine sont extrêmement difficiles. Certains n'y résistent parfois pas, comme ils ne résistent pas aux contraintes des astreintes durant leur internat. Je tiens à le rappeler.
J'en viens à la régulation. Encore une fois, je vous le dis, on ne partage pas ce qu'on n'a pas ! En fait, la régulation n'est possible que lorsque l'on est trop nombreux et que l'on peut répartir le travail. De fait, la mesure de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, comme celle du texte de Guillaume Garot, est un mirage !
On est en train d'affirmer que l'on a trouvé la solution la plus simple à un problème très complexe. Je l'ai dit hier, il s'agit d'un problème mondial : l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a indiqué qu'il manquait 15 millions de professionnels de santé dans le monde. On le voit, certains jeunes de chez nous vont faire leurs études à l'étranger pendant que l'on embauche des médecins de pays étrangers. Cette situation se retrouve dans tous les pays du monde – et je n'évoque pas le cas de l'hémisphère sud où elle est encore plus difficile.
On nous oppose que la régulation existe pour d'autres professionnels de santé, mais vous savez bien que, à l'échelon infraterritorial, il est toujours difficile d'embaucher un masseur-kinésithérapeute, une sage-femme, un dentiste, etc.
Je le répète, la régulation est un mirage, elle n'aidera en rien. Comment expliquer que l'on envoie un médecin dans un autre territoire alors que sa propre patientèle a besoin de lui et qu'il aura moins de temps à lui consacrer ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Je ne saurais mieux dire que M. Jomier et Mme Doineau.
Je suis très sensible à la logique qui sous-tend les amendements nos 89 rectifié et 77 rectifié bis ; c'est d'ailleurs celle qui est à l'origine de l'amendement du Gouvernement portant article additionnel après l'article 3. Il s'agit de privilégier une responsabilité collective des médecins, qui consisterait pour la profession à faire preuve de solidarité à l'égard des territoires moins bien dotés. Charge aux ARS de définir des zones critiques et d'organiser ensuite au mieux la façon dont l'ensemble des médecins ou une partie d'entre eux, selon la configuration, assurent des consultations là où un manque criant de médecins se fait sentir.
Il est tentant de croire que l'on a trouvé la bonne idée et de vouloir instituer un principe fort. Reste que soumettre, même si – je vous l'accorde – les cas sont limités, l'installation à autorisation pour les jeunes médecins serait, en plus d'être injuste, inefficace.
Mme Cathy Apourceau-Poly. On n'a pas essayé !
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Si c'était injuste mais efficace, on pourrait s'interroger. Faire peser une contrainte sur les seuls jeunes médecins n'améliorera en rien la situation.
Dire que ceux-ci ne pourront s'installer dans des zones surdenses uniquement si un médecin part à la retraite conduira ce dernier à revendre son cabinet. Il sera donc d'autant plus intéressant de s'installer dans une telle zone.
Je le répète, cette mesure n'est pas efficace. La responsabilité collective assortie d'une mise en œuvre opérationnelle est une bien meilleure solution ; qui plus est, ce serait la plus juste.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je n'ai rien contre les amendements de Mme Poumirol et de Mme Guillotin. Si j'ai bien compris, les jeunes médecins ne seront pas les seuls concernés.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Bien sûr !
M. Daniel Chasseing. Cette mesure visera les médecins qui souhaitent s'installer dans des zones surdotées, notamment ceux qui sont installés depuis un certain nombre d'années et qui veulent s'établir, par exemple, près de la mer.
Élisabeth Doineau s'est beaucoup mobilisée dans son territoire et a réussi à faire venir des médecins, ce qui est formidable.
Mme Cathy Apourceau-Poly. C'est bien !
M. Daniel Chasseing. Pourquoi ne pourrait-on pas demander à un médecin qui s'installe en zone hyperdense, d'exercer, au nom de la solidarité, dans un cabinet secondaire, là où il y a moins de médecins ? L'installation de médecins juniors viendra en quelque sorte en complément.
Peut-être que ce que prévoit cette proposition de loi ne pourra pas s'appliquer dans certains lieux du territoire ; dans ce cas, un médecin junior ou un médecin qui viendra exercer deux jours par mois en zone sous-dense, conformément à l'idée avancée par le Premier ministre, pourrait compléter l'offre de soins.
Mme Poumirol parle de responsabilité collective. Oui, les agences régionales de santé sont responsables, mais, maintenant que nous avons voté l'article 1er, le département est l'échelon le plus important. C'est d'autant plus vrai que, dans les délégations départementales des ARS, le personnel n'augmente pas ; pis, il est plutôt en train de diminuer.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Monsieur le ministre, vous avez fait hier une déclaration qui m'a beaucoup plu : vous avez dit qu'il s'agissait de demander un peu à beaucoup de médecins au lieu de beaucoup à peu de médecins.
Ce constat très juste est l'expression d'une politique sensée et équilibrée. Malheureusement, on se heurte tout de même à deux difficultés : la pénurie de médecins et la désertification rurale.
La pénurie de médecins, qui est le résultat du numerus clausus – le numerus apertus n'a rien changé, même s'il constitue un progrès –, montre bien que la formation des médecins reste la problématique principale.
La désertification rurale ne concerne pas que le secteur médical. Certes, le problème est beaucoup plus aigu quand il s'agit de la santé, car se pose la question de l'accès aux soins, de la qualité des soins et de l'espérance de vie. Qui plus est, cette situation vient heurter notre aspiration à l'égalité des droits.
Il faut parvenir à démontrer que cette proposition de loi permettra en effet de demander un peu à beaucoup de médecins.
J'ai été interpellé par deux jeunes médecins dans la rue : voilà qui est tout de même assez rare ! Ils se sentent quelque peu perdus, confondant ce texte avec la proposition de loi Garot. En tout cas, cette anecdote montre bien qu'il faut faire de la pédagogie.
Pour ma part, j'ai le sentiment que l'on demande trop aux jeunes et pas assez aux médecins déjà installés. Je le répète, il faut encore faire la démonstration que nous avons trouvé la mesure équilibrée pour demander un peu à beaucoup de médecins plutôt que beaucoup aux jeunes médecins. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de La Provôté. Je fais miens les propos d' Olivier Henno sur la pénurie de médecins.
On nous propose le raisonnement suivant : on n'a pas assez de médecins, mais ce n'est pas grave, on va faire moins que peu avec eux. Mais ce n'est pas ainsi que l'on réglera la question de l'accès aux soins dans les territoires ! D'autant que les zones surdotées sont loin d'être majoritaires ; ce n'est d'ailleurs pas dans ces zones que se font l'essentiel des installations récentes.
L'organisation que l'on a mise en place dans les territoires et qui commence à porter ses fruits dans certains départements, notamment grâce aux pôles de santé, est en train de devenir attractive. Quand un médecin exerce avec sept ou huit confrères dans un pôle de santé au lieu d'être seul, comme c'est le cas dans mon département, cela change complètement la donne. Si cela ne règle pas tous les problèmes liés à l'exercice médical, cela permet d'en régler certains.
Il s'agit là d'une régulation à l'installation, mais par le haut : c'est positif et non coercitif ; on remplace la colère par l'envie. Être médecin généraliste, c'est en somme rendre un grand service public à la Nation. Quel beau métier que d'assurer les soins de premier recours !
Si l'on veut que la situation change, il faut motiver les médecins. Il ne faut surtout pas exiger des quelques valeureux – il faut bien le dire ! – qui ont envie de rendre ce service public, ont le sens de l'engagement et sont prêts à se rendre disponibles pour soigner des patients dans des endroits éloignés qu'ils doivent s'installer dans telle ou telle zone et accepter des mesures qui rendront plus difficile leur exercice professionnel. C'est pourtant bien l'objet de la proposition de loi Garot.
Il faut contraire envoyer un message positif : les jeunes ont besoin non seulement d'être encouragés à exercer ce beau métier, mais aussi d'avoir envie de s'installer dans des territoires où n'exercent plus leurs aînés ni ceux de la génération précédente.
La coercition est un mauvais message et la régulation un message plus défavorable encore. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. On parle d'accès aux soins. Bien sûr, les professionnels de santé sont directement concernés, mais, en réalité, on parle de nos administrés qui ont besoin de professionnels de santé de proximité, particulièrement de médecins, qui puissent les soigner. Il faut faire disparaître ces zones où, faute de médecins, les habitants perdent deux années de vie en bonne santé !
Une fois que nous sommes d'accord sur le constat, à savoir que l'accès aux soins sur certaines parties du territoire – les périphéries des grandes agglomérations ou les zones rurales – devient très difficile pour un certain nombre de personnes, il faut trouver des solutions.
Cela fait quinze ans que l'on superpose les incitations et autres mesures de même nature. J'ai écrit à plusieurs reprises à la ministre afin de savoir combien, en consolidé, l'État consacrait d'argent chaque année pour inciter les médecins à participer à la résorption des déserts médicaux. Je n'ai jamais eu de réponse.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous n'en aurez jamais !
M. Jean-Luc Fichet. En cumulé, les sommes octroyées par les mairies, les intercommunalités, les départements, les régions atteignent un montant considérable. Pour quel constat ? Certes, des pôles de santé sont créés, mais les déserts médicaux s'étendent.
C'est pourquoi il nous faut aujourd'hui trouver des solutions efficaces qui prennent en compte la situation des médecins. Quelle que soit la profession, quand la loi change, les jeunes en subissent les conséquences.
Il n'est qu'à prendre l'exemple des chômeurs, même si c'est un cas extrême. Quand on révise la loi et qu'on décide qu'ils ne toucheront plus le RSA (revenu de solidarité active) ou toute autre allocation, s'interroge-t-on sur les conséquences pour les jeunes ? Non !
Le système de déconventionnement que je propose me semble un bon principe, qui a l'avantage de la clarté.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je voterai les amendements nos 69, 21 rectifié bis, 99 rectifié et 89 rectifié.
D'abord parce qu'ils visent à reprendre des propositions que je formule depuis plus de quinze ans.
Ensuite parce que cela fait également plus de quinze ans que l'on nous explique au fil des projets de loi Bachelot, Touraine, Buzyn ou Véran qu'il ne faut prendre que des mesures incitatives, et que l'on nous promet que les choses vont évoluer. J'entends encore Mme Bachelot me dire : « Dans dix ans, tout sera réglé. » C'était en 2009 ! Or, on le voit, la situation n'a fait qu'empirer depuis.
Je ne vois pas comment certains peuvent dire que la régulation n'est pas efficace, on ne l'a jamais essayée ! En revanche, il est clair que la seule incitation ne marche pas. Je pense qu'il est temps de passer à la vitesse supérieure.
Certains mettent en avant le fait que la pénurie ne permettrait pas de mieux répartir les médecins sur le territoire, mais nous savons tous que la pénurie n'est pas, si j'ose dire, la même partout en France.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Hervé Maurey. Quand on a la chance de vivre dans le VIe arrondissement à Paris, on n'attend pas dix-huit mois pour consulter un spécialiste. Il faut savoir que, dans certains territoires, le délai pour obtenir un rendez-vous, notamment chez un spécialiste, dépasse un an.
Comme Jean-Luc Fichet et moi l'écrivions dans un rapport il y a plus de dix ans, il est temps d'agir vraiment et de prendre des mesures fortes pour lutter réellement contre les déserts médicaux, comme l'ont fait les députés. Je dois dire d'ailleurs que je suis très malheureux de voir que ces derniers sont plus allants dans la défense des territoires que nous ne le sommes ici. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour explication de vote.
M. Stéphane Demilly. À la suite de ce que vient de dire Hervé Maurey, je rappelle que cela fait des années que l'on parle des déserts médicaux, des années que les rapports sur le sujet s'empilent et que l'on nous fait les mêmes promesses. Pourtant, aujourd'hui encore, dans notre pays, des millions de Français doivent parcourir des dizaines de kilomètres pour se rendre chez un médecin, ne serait-ce qu'un généraliste, quand ils en trouvent un...
Près de 8 millions de nos concitoyens vivent aujourd'hui dans une zone dite sous-dotée. Derrière ce terme simpliste se cache une réalité brutale.
Dans certaines communes rurales, un enfant sur deux n'a pas de pédiatre à moins de 50 kilomètres. Bientôt, un généraliste sur deux partira à la retraite sans être remplacé. Dans les Hauts-de-France, la région dont je suis l'élu, des patients attendent parfois plus de six mois pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmo. Dans le Pas-de-Calais, une maison de santé flambant neuve peine à recruter un seul médecin. Les aides à l'installation et les incitations ne suffisent pas. Nos territoires les plus fragiles s'enfoncent dans l'isolement et l'abandon sanitaire.
Albert Einstein disait : « La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent. » Il est grand temps de reconnaître que les solutions d'hier n'ont pas fonctionné. Il faut agir autrement, avec courage et détermination, quitte à se mettre des lobbies à dos.
Nous demandons non pas l'impossible, mais une régulation juste, intelligente et humaine, une nouvelle génération de politiques de santé. Pour ma part, j'approuve la proposition qui a été faite à l'Assemblée nationale. Il est temps que l'installation des médecins ne réponde plus à des logiques de marché et à des souhaits personnels. Je regrette donc que nous n'allions pas plus loin dans l'encadrement de l'installation. Je crains que nous ne créions une fois de plus des usines à gaz lors de la mise en œuvre pratique des mesures. Les grands perdants seront une fois de plus nos concitoyens.
Néanmoins, vous l'aurez compris, je voterai ces dispositions de l'article 3, qui constitue un premier pas, même si je reste sceptique quant à sa véritable portée.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Un certain nombre d'amendements visent à mettre en œuvre des mesures de régulation auxquelles certains collègues ont opposé leurs arguments.
Pour ma part, je trouve que ce qu'il nous manque, ce sont les réponses aux questions que nous sommes un certain nombre à avoir posées hier soir et que nous n'avons pas obtenues compte tenu de l'heure tardive de la séance, ce que je comprends. Le moment est désormais venu d'y répondre.
On nous dit que nos amendements tendent à mettre en œuvre une coercition affreuse. Or ce n'est absolument pas le cas. Lorsqu'il est possible de s'installer dans 87 % du territoire, il me semble que la liberté d'installation reste tout de même assez large.
Hier, le président Mouiller nous a expliqué, de la manière la plus claire qui soit à ce stade du débat, que des mesures d'urgence étaient proposées par le Gouvernement et d'autres, de plus long terme, par les auteurs de la proposition de loi. Nous avons besoin d'en savoir un peu plus, ces mesures nécessitant des décrets.
Demander à des médecins installés dans une zone dotée d'aller exercer dans une zone sous-dotée, qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Devront-ils y exercer quelques jours par semaine ou par mois ? Quel sera le rayon d'action de ces médecins ? Une telle obligation sera peut-être plus coercitive qu'une régulation de l'installation, sachant, je le répète, qu'un médecin sera libre de s'installer dans 87 % du territoire.
Il me semble que nous avons une vision un peu faussée de la situation. Il n'existe pas de département dans lequel une zone surdotée pourrait irriguer des territoires périphériques moins dotés. Des départements entiers sont sous-dotés !
Que va-t-il se passer ? Comment ces médecins vont-ils suivre des patients alors qu'ils n'exerceront dans les zones sous-dotées qu'une demi-journée par-ci, une demi-journée par-là ? Il faut sûrement mettre en œuvre une telle mesure, mais comment ces médecins pourront-ils suivre les patients dans la durée ?
Nous devons obtenir des réponses à ces questions.
M. Hervé Maurey. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. Je suis assez perturbé par ces amendements et par la volonté de l'auteur du texte de « gérer » – il faut appeler un chat un chat – la pénurie de médecins tout en préservant la liberté d'installation. Aujourd'hui, lorsqu'un jeune s'installe, il succède souvent à un médecin ayant pris sa retraite. Il n'a pas à se constituer une nouvelle patientèle en se délocalisant dans d'autres secteurs.
M. Jomier a évoqué il y quelques années la notion de de « responsabilité populationnelle ». Je pense que les médecins doivent prendre en compte la notion de responsabilité populationnelle territoriale.
Pour illustrer mon propos, j'évoquerai la maison de santé pluridisciplinaire que j'ai créée et qui fut la première à être agréée par l'agence régionale de santé dans le département de la Somme.
À l'origine, la MSP comptait deux médecins. Elle a perdu le premier depuis, puis le second, qui avait un âge canonique. Cette maison se retrouve sans médecin. Or un cabinet voisin compte quatre ou cinq médecins ; les plus âgés s'en vont, mais des jeunes les remplacent. Ce cabinet, qui est privé, sollicite des subventions auprès des collectivités locales pour agrandir ses locaux.
On peut considérer que si les élus locaux ont une responsabilité populationnelle en termes d'offre de soins, il en est de même pour les médecins à l'égard des habitants du territoire. Cela doit être donnant-donnant.
J'ai donc proposé à ce cabinet médical de partager les locaux de notre maison de santé pour y créer un centre de consultations avancées. Ces locaux communaux, situés à quinze kilomètres des leurs, ont été financés par la commune, le département, la région et l'Europe.
On peut, me semble-t-il, trouver des solutions en faisant appel à la responsabilité collective du corps médical, sans instaurer d'obligation ou de mesure coercitive.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous essayer de répondre à l'ensemble de vos questions.
Monsieur Fichet, vous me dites avoir écrit à une ministre, vous me direz laquelle, au sujet du coût de l'ensemble des aides à l'installation. On voit bien que le problème est non pas le niveau des aides – toutes les collectivités en accordent –, mais le nombre insuffisant de médecins formés en France. Le problème est numérique. Il ne sert donc à rien de créer encore de nouvelles aides, il faut former plus de médecins !
Messieurs Henno et Maurey, vous avez évoqué les lois – Bachelot, Buzyn, Véran – votées ces dix ou vingt dernières années et déploré que l'on en soit aujourd'hui toujours au même point. Mais pourquoi en sommes-nous là ? Parce que le cœur du problème, c'est que nous ne sommes pas allés assez loin lors de la suppression du numerus clausus, lequel a été seulement amoindri par l'instauration du numerus apertus, ce dernier n'ayant pas permis d'atteindre complètement l'objectif fixé.
On forme aujourd'hui, à l'épaisseur du trait près, le même nombre de médecins qu'en 1970 – il faut le relever avec force ! – alors que notre pays compte 15 millions d'habitants supplémentaires, que les pathologies chroniques explosent et que le rapport au travail a changé. Personne ne veut entendre cela, c'est tout de même incroyable !
Vous avez tous le souvenir de ces médecins généralistes qui, dans votre enfance, travaillaient six jours sur sept dans nos communes. Leur épouse les assistait, accueillait les malades. Ce modèle n'existe plus ! Aujourd'hui, lorsqu'un généraliste part à la retraite, il en faut 2,3 pour le remplacer.
J'ai comparé le nombre de départs à la retraite et le nombre de nouveaux médecins formés : ils sont assez proches. Le problème est que le temps passé auprès des patients n'est plus du tout le même, le volume de la patientèle des médecins généralistes non plus.
J'ai connu des médecins, des copains de promo et d'autres, plus âgés, dont la patientèle flirtait avec les 3 500 patients. Je ne jette pas la pierre aux médecins – le rapport au travail a changé dans tous les milieux professionnels –, mais la patientèle de certains d'entre eux ne dépasse pas 800 ou 1 500 patients. Pour un volume identique de patients, il faut donc plus de médecins. Voilà pourquoi les différentes propositions ne sont pas antinomiques.
M. Somon a évoqué la maison médicale qu'il a créée. Il s'agit d'une solution de bon sens, d'une solution solidaire. Les élus ayant anticipé les besoins et créé une maison médicale, l'infrastructure existante va permettre la mise en place d'un dispositif fondé sur le volontariat et, à terme, sur une obligation collective. En effet, si personne n'est volontaire, il faudra bien siffler la fin de la partie, car il n'est pas possible de gagner sur tous les tableaux.
L'obligation collective consiste à faire en sorte que des médecins soient présents dans cette maison médicale deux, trois ou quatre jours par semaine. Cette maison pourrait ainsi être un lieu de stage agréé pour des internes, des médecins juniors, des remplaçants. On va ainsi réensemencer petit à petit la pratique médicale dans ce territoire.
J'y insiste, les différentes propositions que Philippe Mouiller et nous-mêmes portons ne sont pas du tout contradictoires. Il y a sur le sujet des déserts médicaux une prise de conscience collective de la communauté médicale. Nous examinerons plus tard un amendement tendant à instaurer une obligation collective dans les territoires sous-dotés, avec l'appui des élus locaux.
Je pense par ailleurs qu'il est possible de financer des secrétaires ou des assistants médicaux dans ces maisons médicales, dans lesquelles les maires ont investi.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je suis très heureuse d'entendre votre proposition ! Il y a dix maisons médicales dans mon territoire.
M. Yannick Neuder, ministre. L'objectif est que des assistants médicaux assurent la pérennité et la stabilité de la structure, même si les médecins changent. Le projet est de porter à 15 000 le nombre de ces assistants.
Madame la sénatrice, si un assistant médical est affecté dans chacune de vos dix maisons médicales et si des médecins y viennent à tour de rôle, je pense que l'offre de soins sera renforcée dans votre territoire.
Bien sûr, ces mesures seront mises en œuvre en attendant que la question de la formation soit prise à bras-le-corps. Et c'est vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui allez le faire ! Je vous soumettrai dans quelques semaines ma proposition de loi adoptée en décembre 2023 à l'Assemblée nationale, dont je rappelle les trois axes.
Les deux premiers axes sont la suppression du numerus apertus et la définition des besoins en fonction du territoire.
Le pacte de lutte contre les déserts médicaux prévoit un certain nombre de postes de médecins universitaires pour augmenter le nombre de médecins formés. Certes, ce n'est pas pour tout de suite, mais cela fait vingt ans, depuis 1993, que l'on dit cela. Je rappelle que le numerus clausus a longtemps été fixé à 3 500. Disons que 2025 est l'année où l'on va réellement supprimer le numerus clausus ou numerus apertus – appelez-le comme vous voulez –, définir les besoins en fonction des territoires, octroyer des moyens aux universités et permettre la formation dans l'ensemble des départements.
Je me suis rendu vendredi dernier en Ardèche, à Aubenas, commune de 12 000 habitants où se trouve un hôpital dans une zone désertique, à quasiment deux heures de tout centre hospitalier universitaire (CHU). Un institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) est situé à proximité de l'hôpital. Une première année de médecine de quarante places ouvre en septembre. On le voit, le système est en train de se structurer autour d'une formation médicale à distance, de stages à l'hôpital et d'une formation en Ifsi. Nous sommes en train de « repeupler » médicalement nos territoires.
Il faut donc supprimer ce numerus et commencer à former davantage de médecins. Cela prendra un certain nombre d'années, certes, mais on a prévu des coupe-files, si vous me permettez cette expression.
Car il faut se rendre compte de ce que notre système a engendré du fait d'un numerus clausus trop faible, de l'impossibilité pour les étudiants de redoubler et de la création des mineures santé.
Si l'on m'avait dit il y a vingt-cinq ans « tu veux faire médecine, va faire du droit avec une mineure santé », je ne sais pas si j'aurais choisi cette option. Je suis dubitatif. C'est comme si l'on disait demain à un étudiant qui veut faire du droit : « Tu veux devenir avocat ? On a un super truc à te proposer : fais médecine avec une mineure droit ! » On perd complètement tout bon sens ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
Nous devons reprendre la main sur notre système de formation. Rendez-vous compte : aujourd'hui, plus de 50 % des dentistes sont formés à l'étranger, alors que nous sommes la septième puissance mondiale. Je présiderai le G7 Santé dans quelques mois : j'espère que nous n'aborderons pas ce sujet, mais le fait est que nous avons un problème de souveraineté en matière de formation.
Il faut donc, je le répète, que nous reprenions la main dans ce domaine. Cela suppose notamment d'organiser, pour les étudiants partis étudier en Roumanie, en Belgique ou en Espagne, un parcours leur permettant d'intégrer le deuxième cycle en France, en quatrième, cinquième ou sixième année, après une évaluation de leur niveau de connaissances. Il ne leur restera plus alors que quatre ans d'études. Il existe des solutions.
Le troisième axe de ma proposition de loi, ce sont les passerelles. De nombreux paramédicaux, après dix ou quinze ans de pratique professionnelle, veulent évoluer. J'ai connu des infirmiers anesthésistes au bloc qui, après quinze ans d'exercice, avaient fait le tour de la question et avaient envie de reprendre des études. Or si on contraint ces professionnels à retourner en première année, nous n'attirerons personne. En revanche, si on prévoit des mesures financières d'accompagnement et si on les admet en troisième année, moyennant des équivalences qui restent à définir, nous y parviendrons.
Entendons-nous bien : si le Gouvernement ou le Parlement ne s'occupe pas des étudiants français en Roumanie ou ailleurs, qu'il s'agisse des étudiants en médecine ou des étudiants dentistes ou kinésithérapeutes, nous pouvons être sûrs que d'autres iront les chercher ! Le Maroc, l'Allemagne, la Suisse leur feront des propositions d'installation.
La pénurie médicale concerne toute l'Europe. Ne soyons pas naïfs : ce n'est pas parce qu'un étudiant a décidé de faire médecine en Roumanie qu'il reviendra ensuite en France. Tout quitter à 18 ans pour aller étudier en Roumanie n'est pas une décision que l'on prend facilement. Je ne suis pas convaincu que la France soit le premier choix de ces étudiants une fois leur diplôme obtenu.
Lorsque j'étais parlementaire, j'ai fait venir ces étudiants à l'Assemblée nationale. Ils m'ont clairement dit : « La France n'a pas voulu nous accueillir, que nous propose-t-elle pour nous faire revenir ? » D'autres pays leur proposent des ponts d'or.
Je le répète, les mesures que nous proposons ne sont pas incompatibles. Nous pouvons mettre en œuvre la solidarité collective que tend à prévoir l'amendement du Gouvernement pour pouvoir ensuite réensemencer la pratique médicale.
Quant à l'article 3 du texte de Philippe Mouiller, il ne prévoit aucune coercition. Nous n'interdisons nulle part l'installation, que ce soit de jeunes médecins ou de médecins installés décidant, pour des raisons personnelles, de changer de région.
En revanche, nous demandons aux médecins installés dans des zones identifiées comme bien dotées de faire preuve de solidarité avec les zones sous-dotées en exerçant dans un cabinet secondaire et en participant à des consultations avancées. Cela n'a rien de bien extraordinaire. Ce n'est absolument pas une mesure coercitive, le médecin pouvant s'installer où il veut.
Personnellement, j'ai mis en place de telles modalités d'exercice dans mes propres services. Les postes en CHU attirant davantage que les postes dans les centres hospitaliers dits périphériques, les médecins en CHU sont systématiquement projetés une journée dans un hôpital périphérique. Depuis dix ans, tous les postes sont ainsi mixtes et partagés. En outre, cela permet un exercice différent de la profession, une forme d'aération.
En résumé, tout ce que vous avez dit, mesdames, messieurs les sénateurs, est compatible avec l'esprit de la proposition de loi de Philippe Mouiller, laquelle complète le pacte que nous avons proposé. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. J'ai écouté attentivement votre très longue intervention, monsieur le ministre, au cours de laquelle vous avez presque annoncé un plan. Je dis « presque », car j'ai noté que vous avez dit un nombre incalculable de fois « il faut que ». C'est bien là qu'est le problème !
On est tous d'accord, nous sommes en train de bricoler pour gérer la pénurie de médecins. Or cette pénurie déstabilise la totalité de la société française, car elle remet en cause l'égalité en matière d'accès aux soins en France aujourd'hui. En outre, elle a un coût très élevé : les malades étant pris en charge plus tardivement, leurs pathologies se sont aggravées et leurs traitements sont plus coûteux.
Le calcul est rapide : si l'on forme les milliers de médecins supplémentaires dont nous avons besoin, sachant qu'une année de formation coûte 30 000 euros, dites plutôt, au lieu des « il faut que... », que vous mettez tout de suite 150 millions d'euros sur la table. Certes, il faudra quelques années pour ajuster l'ensemble du système, mais prenez un engagement financier !
Les élus des collectivités territoriales disent que la pénurie de médecins dans les zones sous-denses leur coûte aujourd'hui très cher, car ils doivent prendre en charge les locaux, voire les salaires, pour attirer des médecins. Peut-être qu'une partie de cet investissement des collectivités territoriales, notamment des régions, pourrait-elle être réorientée vers la formation ? Il faudrait proposer un pacte aux régions à cet effet.
Monsieur le ministre, dites plus clairement quels sont les moyens financiers que vous prévoyez et l'objectif quantitatif que vous voulez atteindre.
La difficulté dans notre débat, c'est que, entre le constat, que nous partageons tous, et les « il faut que », il manque un engagement beaucoup plus clair sur les moyens.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Voilà plusieurs dizaines de minutes que notre débat, entamé hier soir, porte sur un sujet majeur. C'est heureux. Des arguments ont été échangés de part et d'autre sur la régulation, entre les tenants de la liberté d'installation et ceux de la contrainte. Tous les arguments sont entendables et recevables. Peut-être pourrait-on envisager, pour concilier liberté d'installation et contrainte, que celle-ci soit limitée dans le temps ?
Les études de médecine sont financées par la Nation. C'est un effort que cette dernière fait pour ses enfants. Les études de nombreux autres professionnels sont également financées par la Nation. Ces derniers lui doivent ensuite un certain nombre d'années d'exercice.
Mme Sonia de La Provôté. Et l'internat alors ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. On pourrait donc prévoir une contrainte non pas ad vitam aeternam, mais les cinq premières années seulement. À l'issue de ses études, un médecin irait exercer dans une zone identifiée comme étant carencée. Cet horizon temporel me paraît acceptable.
M. le ministre a évoqué les enjeux de formation. Je pense qu'il faut développer le parcours d'accès spécifique santé (Pass) dans tous les départements. Nous l'avons fait dans l'Yonne, à Auxerre, en 2024, mais le bilan est très mitigé. Je pense que les meilleurs profils n'ont pas été orientés vers ce type de première année, qui venait d'être mise en place, et que le casting gagnerait à être revu. Pour donner sa chance au produit, il est important de sélectionner des profils adaptés.
Cette filière contribuerait ensuite à ancrer les étudiants dans nos territoires et permettrait de les garder, non pas contre leur volonté, mais pour leur donner le bonheur de réussir.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.
M. Bernard Fialaire. J'entends que nous avons besoin de moyens. Pour ma part, je souhaite vous éviter de gaspiller de l'argent, en évoquant un exemple pour illustrer mon propos.
Dans la très belle région du Beaujolais, à Cercié, village du côte-de-brouilly, et à Villié-Morgon, où l'on produit du morgon, on comptait trois médecins et une pharmacie de part et d'autre. Au milieu, la commune de Régnié-Durette – on y fait du régnié, le dernier cru de beaujolais –, classée désert médical par l'ARS, n'avait pas de médecin.
Deux médecins de chacun des cabinets se sont donc installés à Régnié-Durette, grâce à la subvention de 150 000 euros qui leur a été octroyée par l'ARS. Les habitants étaient très contents de leur arrivée, mais ils n'ont pas pu obtenir de rendez-vous, car ces médecins, qui ne se sont déplacés que de quelques kilomètres, ont conservé leur patientèle. Aucun créneau n'était disponible !
Si je soutiens l'amendement de Véronique Guillotin, c'est parce que je pense qu'il faut mettre les élus et les professionnels autour de la table pour trouver des solutions pragmatiques et de mettre fin à ce gaspillage d'argent. Il faut cesser d'avoir une vision bureaucratique de ces sujets.
M. le président. La parole est à M. Jean Bacci, pour explication de vote.
M. Jean Bacci. J'ai bien écouté les différents points de vue qui ont été exprimés, mais j'ai l'impression que l'on ne pousse pas le raisonnement jusqu'au bout.
De nos jours, les jeunes qui arrivent sur le marché du travail privilégient leur qualité de vie à leur vie professionnelle. Il y a soixante ans, lorsqu'un médecin s'installait, il devait aménager un cabinet personnel et travailler entre cinquante et soixante heures par semaine pour avoir un salaire décent et couvrir ses charges fixes, lesquelles étaient importantes.
Aujourd'hui, lorsqu'un jeune médecin est reçu pour travailler dans une maison médicale, il commence par dire : « vous me faites un pont d'or pour venir, je ne paie pratiquement pas de loyer » – quand il en paie ! – « je n'ai pas de frais fixes, mais je ne veux travailler que trois jours et demi ou quatre jours par semaine ». Il a fait le calcul et, de cette manière, il gagne aussi bien sa vie qu'un médecin qui s'installait il y a quarante ans.
Cela signifie qu'il faut désormais, vous l'avez dit, monsieur le ministre, au minimum deux médecins pour remplacer un médecin partant à la retraite.
M. Yannick Neuder, ministre. Plus encore !
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il en faut 2,3 !
M. Jean Bacci. Dès lors, que faisons-nous ? Au lieu d'inciter les jeunes médecins à travailler plus, nous répartissons la pénurie ! Tout au plus, ils exerceront 35 heures par semaine en zone sous-dense, et c'est tout.
Incitons donc les jeunes médecins à réaliser beaucoup plus d'actes. Pour cela, il faut parler de petits sous. Ces médecins pourraient être fiscalisés comme s'ils travaillaient 35 heures et être exonérés d'impôt sur le revenu au-delà de ce volume horaire.
Mme Émilienne Poumirol. Il y a assez d'aides comme ça !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 272 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l'adoption | 107 |
Contre | 215 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié bis.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 273 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Pour l'adoption | 121 |
Contre | 191 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 99 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 274 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l'adoption | 114 |
Contre | 208 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 89 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 275 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l'adoption | 113 |
Contre | 210 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 77 rectifié bis.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 276 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Pour l'adoption | 118 |
Contre | 203 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 20 rectifié bis est présenté par Mmes Lassarade et Belrhiti, MM. Panunzi et Somon, Mmes Bonfanti-Dossat, Joseph et Dumont et MM. Bouchet, Gremillet et de Nicolaÿ.
L'amendement n° 51 rectifié est présenté par MM. V. Louault et Laménie, Mme Lermytte et M. A. Marc.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
un engagement
par les mots :
une incitation
La parole est à Mme Florence Lassarade, pour présenter l'amendement n° 20 rectifié bis.
Mme Florence Lassarade. L'article 3 prévoit que l'installation des médecins libéraux soit soumise à une autorisation préalable. Pour les médecins souhaitant exercer dans des zones surdenses – ou plutôt, selon moi, normalement denses – cette autorisation dépendrait d'un engagement à exercer également, à temps partiel, dans une zone sous-dotée.
Bien que les consultations avancées puissent améliorer l'accès aux soins, ce dispositif doit rester incitatif. Il suppose notamment que les collectivités territoriales mettent à disposition des cabinets médicaux équipés et que les médecins puissent y pratiquer des dépassements d'honoraires pris en charge selon les conditions définies à l'article 5 de la proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour présenter l'amendement n° 51 rectifié.
Mme Marie-Claude Lermytte. Défendu !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements. Ceux-ci visent à substituer à la notion d'engagement la notion d'incitation. Pour les raisons précédemment évoquées, il me semble que notre dispositif est équilibré. Il s'appliquera aux installations postérieures à la promulgation de la loi. C'est donc en connaissance de cause que les médecins s'installant dans les zones les mieux dotées devront contribuer à améliorer l'accès aux soins dans les zones fragiles.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 rectifié bis et 51 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 74 rectifié quater est présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Grosvalet, Mme Jouve et MM. Masset, Roux et Daubet.
L'amendement n° 123 est présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 8
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Pour la profession de médecin, le directeur général de l'agence régionale de santé détermine les zones prévues aux 1° et 2° du présent article en tenant compte des spécificités de chaque spécialité médicale ou groupe de spécialités médicales. » ;
La parole est à Mme Mireille Jouve, pour présenter l'amendement n° 74 rectifié quater.
Mme Mireille Jouve. Le zonage de l'offre de soins tend à être uniformisé entre généralistes et spécialistes. Or, nous le savons bien, l'exercice de la chirurgie n'obéit pas aux mêmes logiques que celui de la médecine générale. Les besoins en gynécologues ou en pédiatres ne dessinent pas la même géographie que ceux de la médecine de famille.
Nous proposons donc un zonage différencié, par spécialité ou par regroupement de spécialités, plus souple, plus juste et plus adapté aux réalités de terrain. Cela permettrait de mieux prendre en compte les conditions concrètes d'exercice, et notamment le besoin d'un plateau technique ou d'un environnement hospitalier, ainsi que les besoins spécifiques de la population selon l'âge, la morbidité ou les dynamiques démographiques.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l'amendement n° 123.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement a été excellement défendu par Mme Jouve, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il a émis un avis défavorable à leur adoption.
Effectivement, il n'existe pas de zonage pour les spécialités médicales autres que la médecine générale. Ces amendements tendent à ce que les ARS créent un zonage pour quarante-trois spécialités médicales, qui serait révisé tous les deux ans, après consultation de chacun des conseils territoriaux de santé (CTS) : une telle mesure paraît difficile à mettre en œuvre.
Vous avez raison, il nous faut poursuivre le travail sur les indicateurs pour les médecins spécialistes. Mes services s'y attellent pour chaque spécialité. Cela pose de nombreuses questions, complexes, sur la prise en compte de l'offre hospitalière de spécialités ou encore l'existence de surspécialités. Il n'est donc pas opportun de précipiter les choses ; voyons comment nous pouvons organiser au mieux l'apport de spécialités vers les territoires sous-denses, mais avec un autre dispositif que celui prévu dans ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour explication de vote.
Mme Florence Lassarade. J'insiste, comme à mon habitude, sur la nécessité d'augmenter le nombre de places à l'internat pour former davantage de spécialistes. Vous défendez ardemment, monsieur le ministre, la formation des médecins : les former, c'est bien, mais un médecin généraliste ne viendra s'installer que s'il y a des spécialistes autour de lui.
Il faut donc relever non pas le numerus apertus mais le nombre de postes de spécialistes à l'internat, selon les carences. Je rappelle qu'en pédiatrie, ma spécialité, la France se place au vingt-deuxième ou vingt-troisième rang européen à la fois en nombre de praticiens et en taux de mortalité infantile.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 74 rectifié quater et 123.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 70, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 12 et 18
1° Au début
Insérer les mots :
Sur proposition d'un conseil départemental,
2° Avant les mots :
dans une zone
insérer les mots :
sur le territoire de la région du département concerné
3° Remplacer les mots :
est préalablement autorisée par le directeur général de l'agence régionale de santé
par les mots :
, peut être soumise à autorisation du directeur général de l'agence régionale de santé
4° Compléter ces alinéas par les mots :
du ressort territorial de la zone concernée, du collège des représentants des collectivités territoriales et du collège des représentants des usagers de services de santé ou médico-sociaux de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Soyons clairs : le groupe écologiste est favorable à la régulation de l'installation des médecins, qui est prévue à l'article 3, mais nous entendons aussi leurs inquiétudes. Cet amendement tend donc à proposer une « corégulation » de l'installation.
L'idée serait de laisser la main aux régions, en partenariat avec les conseils départementaux, après concertation avec le conseil départemental de l'ordre et les associations d'usagers. Il faut éviter l'automaticité, et la régulation doit être portée par la collectivité locale. D'ailleurs, l'article 1er donne également davantage de pouvoir au conseil départemental.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à transformer l'encadrement des installations dans les zones surdenses, prévue par cet article, en une faculté d'encadrement, laissée à l'appréciation de chaque ARS saisie par un conseil départemental d'une demande en ce sens.
Il est préférable que ce type de règles s'applique nationalement. C'est le cas de l'encadrement des conventionnements appliqué aux autres professions de santé. Confier à chaque ARS le soin de mettre en place, ou non, un encadrement des installations créerait inévitablement une concurrence territoriale pour l'accueil des jeunes médecins, ce que nous ne souhaitons pas.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
M. le président. L'amendement n° 47 rectifié ter, présenté par Mme Bourcier, M. Capus, Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme L. Darcos et MM. A. Marc, Brault, V. Louault et Khalifé, est ainsi libellé :
Alinéas 12, 13 et 16
Remplacer les mots :
médecin généraliste
par les mots :
médecin spécialiste en médecine générale
La parole est à Mme Corinne Bourcier.
Mme Corinne Bourcier. Depuis la création de la spécialité de médecine générale, tous les médecins sont des spécialistes, en médecine générale ou dans une autre spécialité. Il conviendrait donc d'écrire « médecin spécialiste en médecine générale » et non « médecin généraliste ». Cet amendement répond à un souhait de l'ordre national des médecins.
M. le président. Le sous-amendement n° 122, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Amendement n° 47
Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
.... – Alinéas 18 et 20
Après le mot :
spécialiste
insérer les mots :
d'une spécialité hors médecine générale
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ce sous-amendement rédactionnel vise à compléter l'amendement de Mme Bourcier en remplaçant la notion de médecin spécialiste par celle de médecin spécialiste d'une spécialité hors médecine générale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de l'amendement n° 47 rectifié ter ; à défaut, l'avis sera défavorable. Certes, la spécialité de médecine générale a été créée en 2004, mais tous les médecins généralistes formés antérieurement ne pourraient pas prendre la qualification prévue par l'amendement.
Je préfère la formulation proposée par Mme la rapporteure dans son sous-amendement.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 122.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47 rectifié ter, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 44 rectifié est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L'amendement n° 124 est présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 12
1° Après le mot :
généraliste
insérer les mots :
libéral ou le recrutement, par un centre de santé mentionné à l'article L. 6323-1, d'un médecin généraliste salarié
2° Remplacer le mot :
autorisée
par le mot :
autorisé
II. – Alinéa 13, seconde phrase
Après le mot :
médecin
insérer les mots :
ou le centre de santé
III. – Alinéa 17
Supprimer les mots :
d'installation
IV. – Alinéa 18
1° Après le mot :
spécialiste
insérer les mots :
libéral ou le recrutement, par un centre de santé mentionné à l'article L. 6323-1, d'un médecin spécialiste salarié
2° Remplacer le mot :
autorisée
par le mot :
autorisé
V. – Alinéa 20
1° Après le mot :
installation
insérer les mots :
ou le recrutement par un centre de santé
2° Remplacer le mot :
autorisée
par le mot :
autorisé
VI. – Alinéa 22
Après le mot :
installation
insérer les mots :
ou le recrutement
VII. – Alinéa 23
Après le mot :
médecin
insérer les mots :
ou le centre de santé
VIII. – Alinéa 28
Supprimer les mots :
d'installation
La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l'amendement n° 44 rectifié.
Mme Anne Souyris. Cet amendement est quelque peu technique, mais il est essentiel pour organiser une régulation juste de l'installation des médecins. En effet, avec le dispositif actuel, certains médecins pourraient être tentés d'avoir recours au salariat par des pseudo-centres de santé pour contourner la régulation créée par l'article 3.
L'amendement vise à préciser la définition des médecins visés par la régulation, afin d'éviter de tels contournements. Il est inspiré de la rédaction de l'article 1er de la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux, d'initiative transpartisane, déposée par Guillaume Garot. Nous avons rectifié notre amendement pour le rendre identique à l'amendement n° 124 de la commission, que je remercie pour son avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l'amendement n° 124.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement tend à étendre le champ d'application du dispositif d'encadrement des installations figurant dans cet article aux médecins généralistes et spécialistes salariés dans un centre de santé.
Ainsi, le recrutement d'un médecin généraliste ou spécialiste par un centre de santé situé dans une zone au sein de laquelle l'offre de soins est particulièrement élevée devrait être préalablement autorisé par le directeur général de l'ARS.
Pour les médecins généralistes, il sera conditionné à un engagement d'exercice à temps partiel en zone sous-dense. Pour les médecins spécialistes, un tel recrutement pourra être autorisé lorsqu'un médecin de la même spécialité cesse concomitamment son activité dans la même zone, en cas d'engagement d'exercice à temps partiel du médecin ou, à titre exceptionnel, lorsque ce recrutement est nécessaire pour maintenir l'accès aux soins dans les territoires. Les dispositions de l'article 3 sont évidemment reprises.
Une telle extension du champ d'application vise à traiter de manière équitable des situations similaires et, surtout, à éviter que le salariat en centre de santé puisse constituer une voie de contournement des mesures d'encadrement prévues.
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéas 20 à 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet article vise à conditionner l'installation de médecins spécialistes en zones surdenses à la cessation concomitante d'activité d'un médecin de la même spécialité exerçant dans la même zone. L'adopter constituerait un revirement politique important de la part de la majorité sénatoriale. Nous vous proposons donc d'aller beaucoup plus loin, d'aller au bout de votre révolution en supprimant les dérogations à l'installation des spécialistes.
Ces dérogations présentent en effet un décalage complet avec les inégalités territoriales constatées pour l'accès aux spécialistes, car ceux-ci sont principalement installés dans les grandes agglomérations. En 2022, il y avait moins de 100 spécialistes pour 100 000 habitants dans la Meuse. Et ces inégalités ne font que s'aggraver.
Je viens de consulter Doctolib pour en avoir le cœur net, car j'ai l'impression que nous allons voter des mesures qui ne répondront pas aux problématiques soulevées. Dans le Pas-de-Calais, le premier rendez-vous disponible avec un pneumologue est le 23 septembre 2025. Dans le sixième arrondissement de Paris, c'est le 20 mai. Je n'ai rien contre les gens du sixième arrondissement, ils doivent être soignés, mais quel décalage !
En dermatologie, dans le Pas-de-Calais, il n'y a pratiquement plus aucun rendez-vous, car les praticiens réservent leurs créneaux aux patients qu'ils suivent déjà. À Paris, le prochain rendez-vous disponible est le mercredi 14 mai. Cette situation m'interpelle. Les territoires sous-denses, cela existe, et nous devons formuler des propositions crédibles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Permettre aux spécialistes de s'installer s'ils s'engagent à exercer à temps partiel en zone sous-dense tendra à les responsabiliser dans la maîtrise des inégalités d'accès aux soins.
Permettre au directeur général de l'ARS d'autoriser, à titre exceptionnel et par décision motivée, une installation sans cessation concomitante d'activité en zone surdense est également indispensable, car cela permet de répondre à certaines situations spécifiques, comme la fermeture non anticipée d'une offre hospitalière.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 57.
Les amendements nos 44 rectifié et 124 sont, à mon sens, satisfaits. Le Gouvernement y est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 44 rectifié et 124.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 57 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 30 rectifié, présenté par M. Chasseing, Mme Lermytte, M. Laménie, Mme L. Darcos, MM. A. Marc, Chevalier, Brault, Grand et Rochette et Mmes Bourcier, Romagny et Perrot, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après les mots :
conditionnée à
insérer les mots :
la cessation concomitante d'activité d'un autre médecin généraliste exerçant dans la même zone ou à
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à soumettre les médecins généralistes et les médecins spécialistes aux mêmes conditions s'ils veulent s'installer dans une zone où le niveau de l'offre de soins est particulièrement élevé, à savoir la cessation concomitante d'activité d'un autre médecin exerçant dans la même zone ou l'engagement à exercer dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante.
L'objectif est d'assurer les mêmes conditions d'installation pour tous les médecins.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. C'est à dessein que l'article 3 distingue le régime applicable aux médecins généralistes de celui qui concerne les autres spécialistes. Notre volonté première est d'amener les médecins s'installant dans les zones les mieux dotées à donner un peu de leur temps pour maîtriser les inégalités d'accès aux soins.
Le dispositif prévoit d'autres motifs d'autorisation pour les spécialistes. En effet, dans certaines spécialités, il est difficile d'aller exercer dans un cabinet secondaire, ne serait-ce qu'à cause du matériel et des équipements nécessaires pour la consultation.
Il n'est donc pas souhaitable de soumettre les généralistes et les spécialistes aux mêmes dispositions : la commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
M. Daniel Chasseing. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 30 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Mizzon, Chasseing et Laugier, Mme Saint-Pé, MM. Bitz, Duffourg, J.B. Blanc et Daubresse, Mmes Canayer et L. Darcos, M. S. Demilly, Mme Lermytte et M. Menonville, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer les mots :
La durée mensuelle minimale
par les mots :
Le nombre minimum d'actes
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. L'adoption de cet amendement très modeste ne remettrait pas en cause l'équilibre général de l'article.
L'amendement vise en effet à substituer à la notion de durée mensuelle minimale la notion de nombre minimum d'actes. Il nous semble plus pertinent en matière d'accès aux soins de prendre en compte les actes plutôt que le temps de travail.
M. le président. L'amendement n° 35 rectifié, présenté par M. Chasseing, Mme Lermytte, M. Laménie, Mme L. Darcos, MM. A. Marc, Chevalier, Brault, Grand et Rochette, Mme Bourcier, M. Pointereau et Mme Perrot, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer les mots :
mensuelle minimale
par les mots :
qui ne peut être inférieure à deux jours par semaine
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cela a été évoqué par plusieurs collègues, il faudra préciser le temps que les médecins devront consacrer au cabinet secondaire. Un minimum de présence est nécessaire pour s'occuper des patients et travailler en coordination avec les autres professionnels de santé.
Cet amendement d'appel vise à assurer que l'objectif de durée d'exercice à temps partiel du médecin dans une zone caractérisée par des difficultés dans l'accès aux soins ne puisse être inférieur à deux jours par semaine. Afin d'assurer un suivi régulier des patients concernés, il faut que la durée d'exercice du temps partiel dans le territoire soit significative. Il est donc indispensable que la proposition de loi fixe un seuil minimum quant à la durée d'exercice.
Le mieux serait de pouvoir cumuler quatre jours par semaine, avec plusieurs médecins et pas seulement des jeunes qui souhaitent s'installer en zone hyperdense, en combinant cela avec le temps de solidarité de deux jours par mois souhaité par le Premier ministre et les docteurs juniors.
Pour une bonne coordination avec les infirmiers et, encore mieux, les infirmiers en pratique avancée (IPA), et pour le bien de la patientèle, il faut une présence significative.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 4 rectifié bis. Cet amendement peut paraître intéressant, mais il ne faudrait pas que son adoption pousse à faire des actes pour faire des actes.
Ce qui m'intéresse d'abord, c'est la qualité de la prise en charge des patients – c'est peut-être cet objectif qu'il nous faut garder à l'esprit –, d'où l'avis défavorable de la commission.
Cela étant, j'ai bien conscience qu'après l'adoption définitive de la proposition de loi nous devrons encore mettre en place des indicateurs de suivi, afin de savoir comment le travail à temps partiel dans un cabinet secondaire en zone sous-dense sera réellement effectué. Cela devra figurer dans les décrets d'application, qui ne tarderont pas à être publiés sitôt la loi votée ; n'est-ce pas, monsieur le ministre ? (Sourires. – M. le ministre le confirme.)
Aussi, nonobstant l'avis défavorable de la commission, je m'en remets, à titre personnel, à la sagesse du Sénat.
Simplement, il ne doit pas s'agir d'avoir des actes pour des actes, avec une forme – pardonnez-moi l'expression – d'« abattage » des patients, où des praticiens pourraient se dire : « Il est treize heures, j'ai rempli mon quota d'actes ; je peux donc partir. »
Les dispositions que nous votons dans ce texte doivent être inspirées par la volonté de ne pas perdre en qualité de prise en charge et de soins des patients ni en sécurité pour ces derniers comme pour les médecins. Aujourd'hui, un professionnel qui débute est susceptible de connaître un ou deux procès au cours de sa carrière.
Faisons donc attention aux dérives possibles, même si l'idée proposée est intéressante.
Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 35 rectifié. Deux jours par semaine, cela fait beaucoup ; c'est presque un mi-temps.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Pour l'amendement n° 4 rectifié bis, je m'en remets également à la sagesse du Sénat pour les raisons qui viennent d'être exposées par la rapporteure : le temps passé est un élément à prendre en compte, mais ce n'est pas le seul. Veillons cependant à ne pas créer une « usine à actes ». Pour autant, je trouve le concept intéressant. Nous verrons comment les choses évolueront.
J'ai bien noté que l'amendement n° 35 rectifié était un amendement d'appel ; je le prends comme tel. Mais deux jours par semaine, c'est 40 % du temps ! Là, nous ne sommes plus dans l'esprit d'une solidarité territoriale ; c'est plutôt déshabiller Paul pour habiller Pierre.
Nous n'avons jamais dit que le médecin devrait quitter son cabinet deux jours par semaine pour aller travailler sur un autre territoire. Essayons de trouver un juste milieu. Comme je l'ai indiqué, mieux vaut demander peu à beaucoup que beaucoup à peu ! Un ou deux jours par mois, cela me paraît plus raisonnable. Voyons déjà comment nous pouvons mettre cela en œuvre.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait ou, à défaut, le rejet de l'amendement n° 35 rectifié.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je soutiens cette légère inflexion dans l'avis de la commission. Le dispositif proposé permet d'avoir des éléments de quantification et d'évaluation. D'aucuns pourraient s'interroger sur la finalité d'une telle mesure, sachant que l'article 3 renvoie à un décret. Mais il est utile de prévoir des indicateurs et des objectifs pour le travail effectué pendant le temps passé dans les structures secondaires.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 35 rectifié n'a plus d'objet.
(M. Xavier Iacovelli remplace M. Didier Mandelli au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Xavier Iacovelli
vice-président
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Mizzon, Chasseing et Laugier, Mme Saint-Pé, MM. Bitz, Duffourg, J.B. Blanc et Daubresse, Mmes Canayer et L. Darcos, MM. S. Demilly, Lemoyne et Menonville et Mme Lermytte, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Après le mot :
minimale
insérer les mots :
, qui doit correspondre à au moins 20 % du nombre annuel d'actes du médecin généraliste,
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Ainsi que cela a été rappelé, l'article 3 renvoie à un décret la fixation de la durée et des modalités d'exercice à temps partiel, des règles relatives à la formalisation de l'engagement d'exercice et au contrôle de son respect, ainsi que des conditions de retrait de l'autorisation.
Nos débats ne sont pas terminés. Cela étant, nous aimerions que M. le ministre nous en dise un peu plus sur sa vision des choses en la matière. Certes, il vient de nous indiquer au détour d'une phrase que le fait pour un praticien de consacrer 40 % de son temps à des consultations hors du cabinet principal lui semblait excessif et de se déclarer plutôt favorable à une durée d'un ou deux jours par mois.
Cet amendement vise à encadrer le décret, afin de ne pas nous retrouver in fine avec une durée purement symbolique qui n'aurait aucun intérêt. Je propose donc de fixer à 20 % le taux minimal d'actes devant être réalisés en zone sous-dense.
Je serais éventuellement prêt à réduire ce taux. Mais il me paraît important, ne fût-ce que pour aider M. le ministre dans la préparation du décret, de prévoir un encadrement, afin que celui-ci ne puisse pas contrevenir à la volonté du législateur en vidant l'article 3 de sa substance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Nous avons déjà introduit la notion d'« actes » dans le texte. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. J'ai bien compris que le sénateur Maurey souhaitait m'aider. (Sourires.) Mais, en l'occurrence, cela ne m'aide pas. L'adoption de cet amendement aurait pour effet d'introduire des contraintes supplémentaires, ce qui n'est pas souhaitable. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 31 rectifié, présenté par M. Chasseing, Mme Lermytte, M. Laménie, Mme L. Darcos, MM. A. Marc, Chevalier, Brault, Grand et Rochette et Mmes Perrot et Jacquemet, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Après le mot :
minimale
insérer les mots :
, la distance maximale possible entre la zone géographique d'exercice à temps partiel et le lieu d'exercice professionnel habituel
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à garantir que l'exercice à temps partiel du médecin concerné ne pourra s'effectuer qu'à une distance maximale du lieu de son exercice professionnel habituel définie par décret. Une telle précision permettra de rassurer les médecins et de faciliter leur adhésion au dispositif mis en place par l'article 3.
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par M. Chasseing, Mme Lermytte, M. Laménie, Mme L. Darcos, MM. A. Marc, Chevalier, Brault, Grand et Rochette et Mmes Romagny et Perrot, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par les mots :
. Sauf accord du médecin, la zone géographique d'exercice à temps partiel ne peut être éloignée de plus de 60 kilomètres du lieu d'exercice professionnel habituel ;
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Même si j'ai bien conscience qu'une telle mesure relève plutôt du décret, je propose, par cet amendement d'appel, de fixer la distance maximale à 60 kilomètres.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il ne semble pas utile de fixer un tel paramètre par décret ni d'interdire dans la loi l'exercice à temps partiel dans une zone éloignée de plus de 60 kilomètres du lieu d'exercice habituel. Ce degré de précision paraît excessif.
La commission sollicite donc le retrait ou, à défaut, le rejet de ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
M. Daniel Chasseing. Je retire mes deux amendements.
M. le président. Les amendements nos 31 rectifié et 32 rectifié sont retirés.
L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Mizzon, Chasseing et Laugier, Mme Saint-Pé, MM. Bitz, Duffourg, J.B. Blanc et Daubresse, Mmes Canayer et L. Darcos, M. S. Demilly, Mme Lermytte et M. Menonville, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Remplacer les mots :
La durée mensuelle minimale
par les mots :
Le nombre minimum d'actes
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Il s'agit d'un amendement de cohérence. Le Sénat vient d'adopter mon amendement tendant à la prise en compte non pas du temps de travail, mais du nombre d'actes pour les médecins généralistes. Je propose le même dispositif pour les spécialistes.
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Mizzon, Chasseing, Menonville et Laugier, Mme Saint-Pé, MM. Bitz, Duffourg, J.B. Blanc et Daubresse, Mmes Canayer et L. Darcos, MM. S. Demilly et Lemoyne et Mme Lermytte, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Après les mots :
la durée mensuelle minimale
insérer les mots :
, qui doit correspondre à au moins 20 % du nombre annuel d'actes du médecin spécialiste,
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Il s'agit, là encore, d'un amendement de cohérence, cette fois avec mon amendement n° 2 rectifié bis, qui a malheureusement été rejeté.
Je propose d'encadrer le décret, en prévoyant un taux minimal d'actes devant être réalisés en zone sous-dense. Monsieur le ministre, j'ai bien noté qu'une telle mesure pourrait vous gêner. Comme vous l'avez compris, mon objectif est au contraire de vous aider.
Toutefois, je n'ai pas entendu votre réponse à ma question et à celle de mes collègues. Que comptez-vous mettre dans le décret s'agissant de la durée mensuelle minimale d'exercice en zone sous-dense, des modalités de formalisation de l'engagement d'exercice et de contrôle de son respect ou encore des conditions éventuelles de retrait de l'autorisation ? Si tous ces éléments sont bien mentionnés à l'article 3, nous sommes dans l'incertitude la plus totale quant à ce qui figurera effectivement dans le décret.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Par parallélisme, j'émets, à titre personnel, un avis de sagesse sur l'amendement n° 5 rectifié bis – l'avis de la commission était défavorable – et j'indique que la commission sollicite le retrait ou, à défaut, le rejet de l'amendement n° 3 rectifié bis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis que la commission.
Monsieur le sénateur Maurey, je vous répondrai sur les modalités dans quelques instants, en présentant l'amendement n° 111.
M. Hervé Maurey. Quel teasing ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Je remercie les sénateurs Chasseing et Maurey de leurs amendements, même si je n'en partage pas nécessairement tous les termes, n'étant pas fanatique du critère envisagé, en l'occurrence celui du nombre d'actes. En effet, certains patients ont besoin que l'on passe plus de temps auprès d'eux, en particulier s'ils vivent dans un désert médical et n'ont pas vu de médecin depuis longtemps.
Cela étant, ces amendements ont tout de même un mérite : leurs auteurs essaient d'obtenir des précisions sur la mise en œuvre concrète du dispositif.
Monsieur le ministre, vous avez promis de leur répondre lors de la présentation de votre amendement n° 111. Si j'ai bien compris, celui-ci concerne les mesures d'urgence dans les zones rouges ; je serais même tentée de parler de zones « cramoisies », si un territoire comme l'Eure n'en fait pas partie…
J'aimerais aussi avoir le sentiment des auteurs de la proposition de loi. Je peux entendre qu'il ne faut pas faire figurer de mesures trop restrictives dans la loi. Mais est-on bien certain que le dispositif envisagé améliorera véritablement la situation dans les zones sous-denses ? Si le temps médical qui leur est consacré n'est pas significatif, cela ne changera pas grand-chose. Réciproquement, les médecins sont en droit de savoir si on leur demandera peu ou beaucoup…
Pour l'instant, il faut bien reconnaître que tout est assez flou. Et, pour ma part, j'ai du mal à déterminer si vos mesures seront juste inutiles ou alors plus coercitives que celles que nous avons nous-mêmes proposées !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Je souhaite répondre au sénateur Maurey et à la sénatrice Brulin.
D'abord, il faudrait tout de même se mettre d'accord. Le Parlement a récemment voté la proposition de loi de M. Jomier sur les ratios de soignants par lit d'hôpital. Je m'étais prononcé en faveur de ce texte, tout en souhaitant que les députés et les sénateurs déposent des amendements pour orienter le travail. Mais tout le monde voulait un vote conforme... (M. Bernard Jomier sourit.)
Il ne peut pas y avoir de règles à géométrie variable. On n'a jamais vu un décret d'application être rédigé en même temps que la loi à laquelle il se rattache.
Ne pensez pas que je me dérobe, madame la sénatrice. Je souhaite simplement que le travail se fasse.
Les préfectures mènent des réunions au titre de l'aménagement du territoire et les ARS font de même au titre de l'offre de soins. Le nuancier des premiers retours que nous avons ne manquera pas de faire réagir les élus, locaux comme nationaux, et les professionnels de santé. Cela servira de base à la concertation, dans une perspective de différenciation territoriale. Les arrêtés seront pris au vu des remontées de ce travail de terrain.
J'indiquerai les grandes orientations en présentant l'amendement n° 111, mais je tiens à ce travail de proximité. Ne me demandez pas de vous décrire par avance le contenu des décrets qui seront élaborés en fonction des résultats de la concertation. Ou alors, faites-le pour tous les textes !
Mme Céline Brulin. Ce sont surtout les auteurs de la proposition de loi que j'aurais souhaité entendre !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, j'avais proposé de rédiger moi-même le décret, afin de pouvoir le présenter aujourd'hui, ce qui – je n'en doute pas – aurait permis de répondre à toutes vos interrogations. Mais, assez curieusement, M. le ministre ne l'a pas souhaité. (Sourires.)
Plus sérieusement, nous mettons ici en place un principe général, dans un esprit de dialogue, avec l'introduction des notions de cabinet secondaire et de consultation avancée. Je ne suis pas capable de vous indiquer à ce stade le nombre de jours et d'heures. Mais l'idée est d'avoir une véritable offre supplémentaire, même si la discussion sur les modalités doit continuer.
Dans cet hémicycle, certains nous disent qu'il ne faut rien faire ; d'autres, au contraire, disent qu'il faut tout organiser. Pour ma part, je n'ai jamais vu un décret être rédigé en même temps que la loi dont il définit les modalités d'application.
D'aucuns jugeront peut-être notre texte insuffisant. Ce n'est peut-être pas une révolution – si c'en était une, cela se saurait ! –, mais il y a au moins une évolution. Nous souhaitons conserver la notion de liberté, tout en avançant sur la question des zones sous-denses. Il faudra encore – j'en conviens – des discussions et des négociations.
Bien entendu, si M. le ministre propose que nous préparions le futur décret, nous sommes preneurs ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 28
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 4131-.... – I. – Les dispositions des articles L. 4131-8 et L. 4131-9 ne sont pas applicables à l'exercice de la profession de médecin en qualité de salarié :
« 1° D'un établissement public de santé ou de toute autre personne publique ;
« 2° D'un établissement de santé participant au service public hospitalier en application du 3° ou du 4° de l'article L. 6112-3 ;
« 3° D'un centre de santé géré par une personne morale de droit public, par un organisme national ou local gestionnaire d'un régime obligatoire de sécurité sociale, par une personne morale régie par le code de la mutualité ou par une association reconnue d'utilité publique.
« Elles ne sont pas non plus applicables à l'exercice en qualité de collaborateur libéral d'un établissement public de santé.
« II. – Ces dispositions ne sont pas applicables à l'exercice des fonctions de médecin du travail en application des articles L. 4623-1 et suivants du code du travail. »
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Cet amendement, qui est le pendant de l'amendement n° 44 rectifié, a pour objet d'exclure de la régulation les médecins qui participent à des missions de service public.
Nous proposons de dispenser d'autorisation ceux qui exercent dans un certain nombre d'établissements publics, notamment les hôpitaux publics, les hôpitaux participant au service public hospitalier, ainsi que les centres de santé gérés par des communes ou des opérateurs historiques. En effet, ces praticiens participent déjà clairement à l'effort de solidarité et, de facto, de service public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. L'amendement de la commission visant à étendre l'application de l'article 3 aux médecins salariés des centres de santé rend superflues de telles précisions. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 30
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le 3° de l'article L. 162-5 est ainsi rétabli :
« 3° Les conditions à remplir par les médecins pour adhérer individuellement pour la première fois à la convention ou pour renouveler leur adhésion, notamment celles relatives aux modalités de leur exercice professionnel et à leur formation, ainsi que celles relatives aux zones d'exercice définies par l'agence régionale de santé en application de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique et la durée des adhésions ; »
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Nous nous sommes inspirés des mesures ayant in fine conduit à créer une régulation de l'installation pour les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes.
Cet amendement a pour objet de créer la faculté d'établir un conventionnement sélectif pour les médecins, dans un esprit de responsabilité et de corégulation. Les médecins devraient remplir certaines conditions concernant, en l'espèce, les modalités de l'exercice professionnel pour adhérer à la convention médicale.
En d'autres termes, il s'agit de doter la profession médicale d'un outil juridique supplémentaire, afin de permettre aux professions médicales de prendre leurs responsabilités.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il n'est pas souhaitable d'ajouter une telle régulation du conventionnement à l'encadrement qui est d'ores et déjà prévu par la proposition de loi. Le droit actuel ne fait d'ailleurs pas obstacle à la négociation d'un tel dispositif si les partenaires conventionnels le jugent souhaitable. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 72 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I – Le chapitre 3 du titre Ier du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 4113-... ainsi rédigé :
« Art. L. 4113-.... – Tout contrat entre personnes physiques ou morales, conclu à titre onéreux, qui a pour objet la cession ou l'usage d'un droit à installation ou d'un droit à exercer une activité professionnelle médicale résultant de l'application des dispositions du chapitre Ier bis du titre III du livre Ier de la quatrième partie du présent code, est réputé non écrit. Est réputée non écrite la promesse unilatérale de conclure un tel contrat. ».
II. – Les dispositions issues du I du présent article entrent en vigueur le premier jour du second mois qui suit la publication de la présente loi.
Elles ne sont pas applicables aux contrats conclus avant cette date.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à lutter contre la financiarisation de la santé. Nous souhaitons combattre la pratique de la cession à titre onéreux d'un droit de présentation du successeur.
Imaginons qu'un professionnel de santé cessant son activité désigne, après moult réflexions, un collègue comme successeur, donnant ainsi à ce dernier une priorité dans l'autorisation à l'installation, ainsi que le prévoit l'article 3 de la présente proposition de loi. Ce professionnel ne sera-t-il jamais tenté de marchandiser la désignation de son successeur ?
Je ne dis évidemment pas qu'ils le feront tous ni même que ce sera majoritaire. Mais il faut clairement indiquer, à destination de ceux qui s'y risqueraient, qu'un tel procédé est inacceptable et même illégal. Continuons de nous opposer à la financiarisation de la santé.
Cet amendement vise donc à prévoir que tout contrat relatif à la cession est réputé nul si et seulement s'il est conclu à titre onéreux. Il ne s'agit ni d'interdire la désignation d'un successeur, lorsqu'elle est gratuite, ni la cession de la patientèle, d'un droit au bail ou d'éléments corporels rattachés au cabinet médical, même conclue à titre onéreux.
Au regard des discussions avec le Gouvernement, nous avons rectifié l'amendement et restreint son champ d'application au seul droit à l'installation prévu par l'article 3.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les dispositifs de régulation démographique des professions de santé n'ont pas à créer un marché permettant aux plus offrants de s'installer ou d'adhérer rapidement à la convention dans le lieu de leur choix.
Nous avons volontairement prévu à l'article 3 que le décret en Conseil d'État devrait fixer les modalités d'identification du médecin ayant vocation à remplacer un confrère cessant son activité. Nous souhaitons que ce décret fixe des modalités justes de priorisation des demandes.
Mais, dans la mesure où l'enjeu nous paraît important, nous souhaitons demander l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Je précise que je partage les préoccupations des auteurs de l'amendement. Avec Bernard Jomier et Olivier Henno, nous avons remis un rapport sur la financiarisation de l'offre de soins. Nous sommes très vigilants à cet égard.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Je suis sensible à l'intention des auteurs de cet amendement : prévenir toute dérive marchande ou spéculative liée au conventionnement ou à l'installation de professionnels de santé, notamment dans les zones à forte tension.
Il semble cependant que la rédaction de l'amendement – je pense notamment à la non-cessibilité de l'adhésion à la convention – ne permette pas d'atteindre l'objectif.
Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi l'avis serait défavorable.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 111, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre III du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« Chapitre VI
« Mission de solidarité territoriale
« Art. L. 4136-1. – Afin de garantir l'accès aux soins dans des zones considérées comme prioritaires, les médecins libéraux et les médecins salariés d'une structure de soins participent à une mission de service public de solidarité territoriale en dispensant des soins en dehors de leur lieu d'exercice habituel.
« Les zones considérées comme prioritaires sont fixées par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé territorialement compétent dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé.
« Cette participation s'exerce sur la base du volontariat ou, à défaut, sur désignation du directeur général de l'agence régionale de santé.
« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, les conditions d'indemnisation de cette participation sont fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et exclusives de toute rémunération forfaitaire spécifique prévue par la convention mentionnée audit article L. 162-5.
« En cas de refus de participation à la mission de solidarité territoriale, le directeur général de l'agence régionale de santé peut prononcer à l'encontre du médecin une pénalité financière.
« Le montant de la pénalité est fixé en fonction du nombre de jours ayant fait l'objet d'un refus de participer à la mission et de la réitération éventuelle du refus.
« La pénalité est recouvrée par l'organisme d'assurance maladie compétent. Les dispositions du dernier alinéa du III de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale sont applicables à son recouvrement. Son produit est affecté à la Caisse nationale de l'assurance maladie.
« En cas de carence de médecins pour assurer la mission dans une zone donnée, le directeur général de l'agence régionale de santé communique au représentant de l'État dans le département les informations permettant à celui-ci de procéder aux réquisitions éventuellement nécessaires.
« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article, notamment le nombre de jours maximal pour lesquels un médecin peut être désigné pour participer à la mission et le montant de la pénalité financière dans la limite de mille euros par jour. »
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. L'accès aux soins sur l'ensemble du territoire national est une responsabilité collective au cœur de notre pacte républicain. Or, vous le savez, les inégalités d'accès aux soins du quotidien pèsent encore lourdement sur la vie de nos concitoyens dans trop de territoires.
La lutte contre les déserts médicaux doit donc mobiliser toute notre énergie et notre détermination, afin de proposer des solutions concrètes et efficaces pour tous nos concitoyens.
C'est pourquoi le Gouvernement a présenté, le 25 avril dernier, le pacte de lutte contre les déserts médicaux et pour l'accès aux soins, qui introduit pour la première fois dans notre système de santé le principe d'une solidarité territoriale obligatoire de l'ensemble de la communauté médicale.
Cet amendement vise à rendre opérationnel ce principe, qui sera mis en place en deux temps.
Dans un premier temps, les agences régionales de santé identifieront des zones considérées comme prioritaires, en lien avec les préfets, les conseils départementaux et l'ordre des médecins, où la mesure de solidarité territoriale sera appliquée en priorité.
Dans un second temps, la mesure sera étendue à l'ensemble des zones sous-denses au-delà des territoires les plus prioritaires et du premier recours.
La solidarité territoriale sera organisée par les agences régionales de santé, en lien avec les conseils départementaux de l'ordre des médecins. Les médecins installés, libéraux ou salariés d'une structure d'exercice coordonnée, et les remplaçants des territoires mieux dotés devront se relayer pour assurer une continuité d'exercice en médecine de premier recours dans les zones sous-denses, avec des plannings définis à l'avance sur le modèle de la permanence de soins ambulatoires.
Ils devront consacrer jusqu' à deux jours par mois à ces zones prioritaires et pourront se faire remplacer dans leur cabinet principal.
Cette mission fera l'objet d'une indemnisation qui sera définie par un arrêté et qui s'ajoutera à la rémunération des actes et consultations réalisés pendant ces journées de solidarité territoriale. En cas de refus de participation, le médecin sera passible d'une pénalité financière.
Une telle mesure sera, j'en suis convaincu, une réponse forte et pragmatique aux attentes de nos concitoyens. Elle augmentera très significativement le temps médical passé dans les zones sous-denses.
Cet amendement est finalement assez complémentaire avec l'article 3 de la proposition de loi et cohérent avec la philosophie qui consiste à demander peu à beaucoup de professionnels, afin d'alléger la charge individuelle.
M. le président. Le sous-amendement n° 126, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Amendement n° 111, après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il ne peut être exigé des médecins soumis à un engagement d'exercice à temps partiel en application des articles L. 4131-8 et L. 4131-9 qu'ils participent à la mission de service public de solidarité territoriale.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ce sous-amendement vise à articuler le dispositif de solidarité territoriale du Gouvernement avec les mesures d'encadrement des installations prévues à l'article 3 de la proposition de loi.
Nous souhaitons préciser que les médecins soumis, dans le cadre de cet encadrement, à un engagement d'exercice à temps partiel ne pourront pas être contraints, en sus, de participer à la mission de service public de solidarité territoriale. Bien entendu, s'ils souhaitent toutefois contribuer également à la mission de solidarité territoriale, rien ne les en empêchera. Dans ce cas, leur participation sera évidemment indemnisée dans des conditions de droit commun.
M. le président. Le sous-amendement n° 125, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Amendement n° 111
Compléter cet amendement par deux paragraphes ainsi rédigés :
II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À l'article L. 1423-4, les mots : « mentionnées au 1° » sont remplacés par les mots : « et dans les zones considérées comme prioritaires mentionnées aux 1° et 3° » ;
2° L'article L. 1434-4, dans sa rédaction issue de la présente loi, est ainsi modifié :
a) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Les zones considérées comme prioritaires mentionnées à l'article L. 4136-1 du code de la santé publique, pour la profession de médecin. » ;
b) À l'avant-dernier et au dernier alinéas, les mots : « et 2° » sont remplacés par les mots : « à 3° » ;
3° L'article L. 4136-1, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- la première occurrence du mot : « des » est remplacée par le mot : « les » ;
- après le mot : « prioritaires », sont insérés les mots : « mentionnées à l'article L. 1434-4 » ;
b) Le deuxième alinéa de l'article L. 4136-1, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est abrogé.
III. – Le II du présent article entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État et, au plus tard, le 1er janvier 2027.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ce sous-amendement vise à articuler les mesures gouvernementales relatives à la solidarité territoriale avec les procédures de zonage de droit commun.
Nous proposons pour cela que les modalités d'identification des zones prioritaires prévues par le Gouvernement et devant être précisées par arrêté s'appliquent seulement pendant une durée transitoire ne pouvant pas s'étendre au-delà du 1er janvier 2027.
À l'issue de cette période, les zones prioritaires concernées par le dispositif de solidarité territoriale seront identifiées dans des conditions de droit commun par le directeur de l'agence régionale de santé, après avis conforme de l'office départemental, dans l'esprit de l'article 1er tel que nous l'avons adopté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements nos 126 et 125 ?
M. Yannick Neuder, ministre. Sagesse, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Je me réjouis vivement de l'approche retenue par le Gouvernement, qui choisit non pas de faire payer aux jeunes médecins les frais de la pénurie, mais d'instituer une mission de service public de solidarité territoriale.
Il me semble que le dispositif proposé est en ligne avec l'essence même de la profession, puisque le code de déontologie dispose que les médecins exercent au service de l'individu et de la santé publique et qu'ils doivent, en toutes circonstances, respecter le principe de dévouement indispensable à l'exercice de la médecine.
Accessoirement, l'amendement du Gouvernement ne remet pas en cause la liberté d'installation.
Permettez-moi cependant de formuler deux observations, qui auront peut-être des prolongements dans la suite des discussions.
Premièrement, l'amendement reste malheureusement muet sur les obligations des ARS. Il conviendra, dans les zones critiques dont elle va déterminer le périmètre, que l'ARS mette en place, en lien avec les élus, des centres de consultations avancées. En effet, il ne suffit pas de demander à des médecins de se rendre en dehors de leur lieu d'exercice ; il faut prévoir des lieux où ils pourront effectuer leurs consultations.
Deuxièmement, il nous faudra améliorer le dispositif de pénalité pécuniaire susceptible d'être infligé aux médecins par les ARS. Sur ce point, le texte semble trop imprécis : il ne donne aucun critère pour cette sanction, même s'il indique qu'elle sera inférieure à 1 000 euros, et ne prévoit rien concernant les droits de la défense. Pour tout vous dire, le texte ne me paraît pas en ligne avec la jurisprudence du Conseil d'État sur les sanctions administratives.
Il m'aurait paru beaucoup plus simple d'aller jusqu'au bout de la logique. Nous définissons ici une mission de service public de solidarité territoriale à laquelle doivent participer tous les médecins. Ainsi, le directeur de l'ARS, lorsqu'il constate que cette mission n'est pas remplie, devrait pouvoir saisir le conseil de l'ordre. La sanction serait ainsi prononcée par une juridiction au vu d'un manquement aux obligations professionnelles du médecin.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Si je comprends bien, on demande aux médecins des zones surdenses de faire des consultations dans les zones sous-denses à raison de plusieurs heures ou plusieurs jours par semaine.
Sur le principe, c'est une bonne chose, mais le médecin qui se déplace va devoir recruter un remplaçant pour effectuer les consultations qu'il ne peut plus assurer en zone surdense.
On pensait que la solidarité s'exercerait et que la zone possédant un nombre de médecins suffisant pourrait offrir du temps médical, sans avoir à recruter de nouveaux médecins pour compenser les départs. Or il n'en sera rien.
M. Yannick Neuder, ministre. Mais si !
M. Jean-Luc Fichet. Il me semble que le remplaçant, au lieu de combler le départ d'un médecin en zone surdense, devrait venir en renfort en zone sous-dense.
M. Yannick Neuder, ministre. Les choses ne fonctionnent pas comme cela !
M. Jean-Luc Fichet. On bénéficierait ainsi d'une offre de soins beaucoup plus significative. Je suis peut-être un peu taquin, mais il faudrait qu'on nous donne des clés de compréhension sur la manière dont pourrait fonctionner ce mécanisme !
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Je suis curieuse de savoir ce que le ministre répondra aux observations de notre collègue Fichet. Personne, ici, n'envisage de créer une nouvelle usine à gaz – nous en avons déjà en nombre suffisant…
Pour ma part, je souhaite évoquer un autre aspect. Le dispositif que vous nous proposez, monsieur le ministre, est celui qui a été mis en place par les associations Médecins solidaires et Bouge ton coq. Il est formidable que, dans un grand nombre de nos territoires, des associations prennent de telles initiatives – cela fait du bien.
Dans mon département, des CPTS et des élus locaux ont mis en place un dispositif de médicobus, qui se déplacent dans différents villages. Les mairies mettent alors des locaux à disposition des médecins afin qu'ils puissent réaliser leurs consultations. Malheureusement, à ce jour, celles-ci ne peuvent souvent s'adresser qu'à des patients souffrant d'une affection de longue durée (ALD) qui n'ont plus de médecin.
Mais il me semble quand même que, dans la septième puissance du monde, l'État devrait être capable de proposer autre chose que ce que des associations arrivent déjà à faire avec des bouts de ficelle. Et je le dis sans mépris à leur égard ; je tiens d'ailleurs à saluer leur travail.
Je suis consciente de l'urgence de la situation. Je serais presque prête à tout pour que chacun dispose d'un médecin sur son territoire, mais la solution que vous nous proposez, monsieur le ministre, peut-elle être véritablement la stratégie nationale de santé dont a besoin notre pays ? Je sais que vous avez annoncé d'autres dispositifs, dont nous pourrons discuter ultérieurement. Nous devons par exemple augmenter les capacités de formation.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Céline Brulin. J'insiste, le Gouvernement et la représentation nationale peuvent faire beaucoup mieux.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je souhaite revenir sur la définition des zones rouges, dont nous avons parlé hier soir. Comment a-t-on pu choisir des critères conduisant à ce que, dans le département de l'Eure, l'un des derniers en matière de démographie médicale, aucun territoire ne soit considéré comme prioritaire ?
Quatre critères ont été choisis par le Gouvernement : le revenu par habitant, la distance par rapport à l'hôpital, le nombre de patients souffrant d'une ALD et l'âge des médecins. C'est sûrement très bien, mais au vu des résultats, ces critères ne peuvent pas être pertinents !
Hier, vous vous êtes vous-même étonné, monsieur le ministre, que l'Eure ne soit pas identifiée comme un territoire prioritaire. Sous l'effet de la surprise, vous n'avez pas vraiment su quoi me répondre, mais je ne vous en tiens pas rigueur. Vous m'avez toutefois assuré que le Gouvernement trouverait des solutions, par exemple avec des médecins stagiaires.
Je ne prends pas l'exemple de l'Eure simplement pour parler de ma chapelle. Je tenais à montrer que les critères retenus ne sont pas pertinents et qu'ils doivent être revus. C'est seulement par hasard que j'ai constaté que l'Eure n'était pas, à ce stade, une zone prioritaire. Peut-être que, demain, certains de mes collègues observeront des aberrations de ce genre dans leur territoire.
Je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir vous engager à regarder les choses de près, afin qu'on n'aboutisse plus à ce type de résultat.
Du reste, je ne vois pas bien comment l'arrêté du directeur de l'ARS pour la délimitation des zones prioritaires pourra s'articuler avec la cartographie surréaliste qui a été définie par le ministère.
Je vous en prie, monsieur le ministre, soyez gentil, comme je l'ai été avec vous, et promettez-moi de revoir ces critères qui sont parfaitement aberrants !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. N'ayez crainte, monsieur le sénateur, je serai très gentil. (Sourires.) Je vais réexpliquer les choses, puisqu'il semble que je n'ai pas été assez clair hier soir.
En réalité, nous en étions restés à la seule vision des ARS. Ces dernières vont enfin produire une cartographie digne de ce nom, en lien avec les préfectures, grâce aux éléments qui leur seront remontés. Les élus locaux et les parlementaires pourront s'en saisir.
Je ne vais pas citer de nouveau les critères que vous avez évoqués à l'instant, monsieur Maurey, mais l'âge des médecins et le taux de patients souffrant d'une ALD sont bien pris en compte.
Cette première photographie révélera les zones en difficulté et je vous demande de nous laisser du temps, afin qu'une vision globale des zones tendues sur l'ensemble du territoire, y compris outre-mer, puisse voir le jour. Une fois cette étape franchie, nous regarderons s'il y a lieu de modifier ou non les critères retenus.
Mme Céline Brulin. A-t-on vraiment besoin de réaliser une nouvelle étude pour montrer que l'Eure est un désert médical ?
M. Hervé Maurey. Et c'est une élue de la Seine-Maritime qui le dit ! (Sourires.)
M. Yannick Neuder, ministre. J'allais justement vous répondre, madame Brulin. Personne ne souhaite créer une usine à gaz et conduire de nouveau une étude. En outre, personne n'a dit que l'Eure n'était pas un désert médical.
Mais entendez qu'il existe peut-être des zones encore plus tendues. (Mme Céline Brulin s'exclame.) Ne vendons pas du sable dans le désert ! Nous sommes en train d'optimiser la ressource médicale existante, mais cette démarche dépend des nouvelles promotions de médecins qui seront diplômés chaque année. Nous disposerons de 3 700 docteurs juniors en novembre 2026, ce qui nous conduira sans doute à modifier la couleur de certaines zones tendues.
Ainsi, les zones cramoisies deviendront peut-être rouges. En revanche, je n'ai jamais dit qu'elles pourraient devenir vertes dès le mois de septembre prochain, même si nous disposons de nouveaux médecins qui pourront offrir du temps médical.
Nous reverrons la cartographie chaque année, en tenant compte du nombre de départs et d'installations de nouveaux médecins. Je vous rappelle que nous aurons tout de même 3 700 docteurs juniors, 4 000 praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) et environ 13 000 médecins en formation initiale.
Je me suis entretenu avec l'ensemble des préfets et des directeurs d'ARS, qui sont en train de travailler sur ce sujet. Je regarderai avec beaucoup d'attention les conclusions auxquelles ils seront parvenus.
Je veux aussi revenir sur les propos de M. Fichet, qui me semblent trop simplistes. Le médecin qui effectue des missions de remplacement a ses propres raisons. Son conjoint est peut-être amené à se déplacer très souvent, si bien qu'il ne souhaite pas se sédentariser dans un territoire en particulier. Ce n'est d'ailleurs pas parce qu'il y a un vide médical à combler que le remplaçant va se sédentariser.
Un médecin qui souhaite être remplaçant travaille aujourd'hui entre 40 % et 60 % de son temps. Si nous lui permettons de remplacer davantage de médecins, nous aurons gagné du temps médical. Ne nous focalisons pas sur la personne physique du médecin qui se déplace dans tel ou tel territoire. C'est sur le temps médical que nous devons fonder notre raisonnement.
Admettons qu'un remplaçant offre 60 % de son temps, conformément au mode d'exercice professionnel qu'il a choisi. Si nous lui permettons de travailler à 100 % en réalisant plusieurs remplacements, nous aurons gagné 40 % de temps médical.
Notez bien que les remplaçants ne vont pas exercer dans les déserts médicaux, les docteurs juniors non plus. Par définition, ces derniers doivent être encadrés par un maître de stage.
Nous reconnaissons que le médecin généraliste joue un rôle pivot dans les zones de proximité. Il va pouvoir accueillir des remplaçants, des docteurs juniors, des assistants et des secrétaires médicaux. L'équipe de cinq ou six professionnels qu'il sera en mesure de constituer pour accomplir ses activités en zone sous-dense lui donnera plus de force que s'il exerçait tout seul.
Voilà la philosophie qui anime le Gouvernement ; j'espère que j'ai été suffisamment clair. Le système que nous promouvons est très inspiré du modèle allemand, où le médecin généraliste dispose de plusieurs assistants médicaux qui lui permettent d'avoir une patientèle plus importante.
Le médecin qui part exercer dans un désert médical ne doit pas avoir à fermer son cabinet en zone surdense. L'idée est qu'un docteur junior ou un remplaçant assure ses activités à ce moment-là afin que sa patientèle ne soit pas abandonnée.
Vous parliez de bouts de ficelle, madame Brulin. Encore une fois, ne vendons pas du sable dans le désert ! Tout le monde sait qu'il faut dix ans pour former un médecin. Je compte d'ailleurs beaucoup sur le Sénat pour que, en 2025, nous puissions enfin faire tomber le numerus clausus, transformé en numerus apertus, qui nous plombe depuis plus de trente ans.
J'ignore si vous serez encore sénatrice dans dix ans, madame Brulin, mais vous pourrez de toute façon vous satisfaire que davantage de médecins sortent de formation.
En réalité, c'est un tas de bouts de ficelle, pour reprendre votre expression, qui nous permettra d'avancer. Si nous avions une solution miracle, cela se saurait ! Je veux bien tout entendre et assumer toutes les critiques, mais on ne peut pas nous reprocher notre manque d'ambition.
Sur ce sujet, il ne servirait à rien de lancer un projet de loi en fanfare, car nous nous retrouverions devant les mêmes problématiques. Il faut mobiliser nos forces médicales, augmenter nos capacités de formation ou encore récupérer nos étudiants partis se former à l'étranger. Ce sont tous ces éléments qui nous permettront de gagner du temps médical.
Je ne suis pas sûr de vous avoir convaincue. En tout cas, je ne vois pas ce que nous pourrions faire, à part mettre en place des solutions bottom-up. Encore une fois, il s'agit de partir du terrain, tout en augmentant nos capacités de formation.
On m'a demandé d'évaluer de manière chiffrée l'évolution que nous souhaitons engager. Si nous définissons les besoins en fonction du territoire, il faudra créer environ 450 postes au sein des facultés afin d'encadrer les étudiants, ce qui représente un montant total de 50 millions d'euros. Cela fera l'objet d'arbitrages. Tous ces postes ne seront pas ouverts au mois de septembre prochain, c'est certain, mais c'est bien le chemin que nous empruntons.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. En écoutant cette discussion, j'ai le sentiment de me retrouver quelques années auparavant, lorsque j'étais maire. Je me souviens que les élus n'étaient jamais d'accord avec l'ARS sur les cartographies et les besoins de santé. Nous avions peut-être tous tort, ou tous raison... Quoi qu'il en soit, nous n'étions pas au clair sur la définition des besoins.
C'est d'ailleurs ce qui a motivé l'article 1er de la présente proposition de loi. Nous souhaitons avoir des critères bien définis et partagés par tous et que les départements aient un rôle de coordination. Nous devons éviter toute forme de décalage.
Le sous-amendement n° 125 de la rapporteure tend à fixer une date butoir pour l'entrée en vigueur du dispositif prévu à l'article 1er. Bien entendu, les élus locaux seront associés à sa mise en œuvre et devront valider la définition des priorités.
Cela ne règle pas le problème à court terme, mais, au moins, nous mettons en place un outil qui permet de mettre tout le monde d'accord sur la définition des zones ultraprioritaires dans le cadre d'un bilan partagé.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Je souhaite rebondir sur les propos qu'a tenus à l'instant le président Mouiller. Je suis très inquiète de voir apparaître soudainement des zones rouges. Les ARS avaient déjà réalisé une cartographie incluant les zones d'intervention prioritaire (ZIP), les zones d'action complémentaire (ZAC) et les zones sous-denses ou surdenses.
À moins de dire que les ARS ne font jamais correctement leur travail, il me semble que cette cartographie ne peut être mise de côté, d'autant qu'elle s'appuie sur les recommandations et les avis des CPTS, qui, a priori, connaissent fort bien leur territoire.
On peut partir du principe que la cartographie dont nous disposions jusqu'à présent est nulle et non avenue, au point que nous serions contraints d'en faire une autre. Or ce n'est pas le cas : les zones sous-denses et surdenses sont déjà définies, si bien que nous connaissons les territoires dans lesquels les besoins sont les plus criants.
Il est dommage d'attendre six mois de plus pour définir des zones rouges. Il peut d'ailleurs sembler étonnant que l'Eure ne soit pas classée comme un territoire prioritaire. C'est comme s'il n'existait pas de zones rouges en Seine-Saint-Denis ou en Île-de-France.
J'insiste, pourquoi réaliser une cartographie nouvelle, avec des indicateurs dont il n'est pas possible de vérifier précisément la qualité ? Il me semble que les indicateurs fournis par les CPTS tiennent déjà compte, sur un territoire donné, à la fois du temps réel d'exercice des médecins, de leur âge, de la population et des pathologies chroniques.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.
M. Patrice Joly. Je suis accablé par ce que j'entends aujourd'hui. Il y a cinq ans, on évoquait les mêmes problèmes d'accès à la santé dans un certain nombre de territoires sous-dotés. Aujourd'hui, on raisonne encore comme on le fait depuis quelques années, en partant du principe qu'il existe en France 83 % de zones sous-dotées.
Ma collègue Poumirol vient de le rappeler, des zonages ont déjà été réalisés. Ils sont toutefois très contestables dans la mesure où ils sont fondés sinon sur des théories, du moins sur des données qui justifient d'apporter uniquement la meilleure réponse possible aux besoins de nos concitoyens.
Or, selon moi, une zone est surdotée lorsque le nombre de médecins est supérieur à la moyenne de présence sanitaire sur un territoire, et sous-dotée lorsqu'il est inférieur à cette moyenne. Il faudrait que nous arrivions à raisonner de cette manière.
Nous sommes dans une situation de pénurie, dit-on. Or, en temps de pénurie, on doit réguler et organiser les choses de manière à répondre, avec les moyens nécessaires, aux besoins sanitaires de chacun.
Je ne comprends pas que l'on continue à voter des demi-mesures et je suis très étonné par les propos qui ont été tenus tout à l'heure : l'addition de bouts de ficelle ne fait pas une politique publique, monsieur le ministre ! Notre action doit être plus ambitieuse et en rapport avec l'urgence de la situation, qui risque clairement de s'aggraver.
Il faut organiser la présence des médecins généralistes et spécialistes sur les territoires et développer les plateformes de consultation pour les prises de rendez-vous. Un tas de possibilités existent, pourvu que la solidarité, tant attendue aujourd'hui, s'exerce pleinement et soit encadrée de manière sérieuse par le Gouvernement.
Aujourd'hui, il y a des Français qu'on laisse mourir, simplement parce qu'ils ne peuvent pas accéder aux professionnels de santé dont ils ont besoin. Je le répète, il y a urgence : voilà pourquoi j'en appelle à la responsabilité des uns et des autres.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. J'ai bien entendu ce que vient de dire Patrice Joly. Pour ma part, j'étais favorable à une régulation. On peut toujours dire qu'on avance avec des bouts de ficelle. Toutefois, les propositions du ministre concernant l'augmentation du nombre d'assistants et les docteurs juniors permettront aux médecins d'avoir une plus grande clientèle.
Le texte que nous allons voter aujourd'hui offrira du temps médical à nos concitoyens dans les maisons de santé. Bien sûr, il est essentiel que les remplaçants qui y exercent disposent d'un assistant. La solidarité proposée par le Premier ministre peut aussi garantir l'accompagnement des médecins, à condition d'assurer leur accueil au sein des maisons de santé qui en sont dépourvues.
Ces mesures peuvent être saluées, même si elles ne sont pas nécessairement mirobolantes. Une chose est sûre, il faut davantage de médecins. Hélas, il en manque ! Le dispositif ici proposé sera bénéfique, surtout à partir de 2026, lorsque les premiers docteurs juniors commenceront à exercer.
C'est une bonne chose que le département, qui accomplit beaucoup de choses en matière sanitaire, ait un rôle de coordination. À mon avis, il le fera mieux que les ARS. Ces dernières, via les conseils territoriaux de santé (CTS), avaient déjà réalisé des zonages.
Il n'empêche que le présent texte va dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Les questions que vous soulevez sont pertinentes, madame Poumirol. Nous disposons déjà d'une cartographie. Alors, pourquoi en faire une autre ?
Pour commencer, nous ne créons pas de nouvelle cartographie, nous nous inspirons de celle qui existe déjà et qui tient compte de l'offre et des besoins en matière de soins sur un territoire donné.
Nous y ajoutons trois critères qui nous paraissent plus pertinents – nous avons déjà évoqué ces sujets lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale –, à commencer par l'âge des médecins généralistes.
Si nous avons ajouté ce critère, c'est parce que la cartographie d'un territoire peut totalement changer en fonction des départs à la retraite. J'en ai moi-même fait l'expérience dans mon territoire : la cartographie que j'avais réalisée n'était plus du tout pertinente un an après, car cinq médecins avaient pris leur retraite.
Nous avons aussi à cœur de pouvoir prendre en charge les patients qui en ont le plus besoin. Voilà pourquoi nous avons ajouté le critère des personnes souffrant d'une ALD.
Enfin, nous avons retenu le critère du temps d'accès par la route.
Nous avons souhaité croiser le regard des préfets, qui connaissent bien leur département, et celui des élus locaux. Les cartes réalisées par les ARS n'ont pas été mises de côté. Le travail que nous menons actuellement ne retardera pas l'action. Nous souhaitons simplement préciser les choses afin de mieux répondre à la volumétrie globale.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 126.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 125.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3.
L'amendement n° 84 rectifié ter, présenté par M. Jomier, Mme Bélim, M. Bourgi, Mmes Canalès, Le Houerou et Lubin, M. Montaugé, Mme Poumirol et MM. Redon-Sarrazy, Ros et M. Weber, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 6323-1-11 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- au début, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les centres de santé ou leurs antennes sont soumis à l'agrément du directeur général de l'agence régionale de santé, qui vaut autorisation de dispenser des soins aux assurés sociaux dans le centre ou l'antenne concerné. » ;
- après la deuxième occurrence du mot : « santé », la fin est ainsi rédigée : « un dossier en vue de l'obtention de cet agrément. » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
2° Le II est abrogé ;
3° Le III est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- la première phrase est supprimée ;
- la seconde phrase est ainsi modifiée :
i) Le mot : « Ce » est remplacé par le mot : « Le » ;
ii) Après le mot : « dossier », sont insérés les mots : « d'agrément » et après le mot : « santé », sont insérés les mots : « mentionné à l'article L. 6323-1-10 » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « mentionnés au I » sont remplacés par les mots : « fixés par arrêté du ministre chargé de la santé » ;
4° Le IV est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
- les mots : « mentionné au II » sont supprimés ;
- après la première occurrence du mot : « travail », sont insérés les mots : « des médecins, » ;
- les mots : « , des ophtalmologistes » sont supprimés ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « dans le champ des activités mentionnées au même II » sont supprimés.
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet amendement vise à conditionner l'ouverture de centres de santé primaires à un agrément délivré par l'ARS.
Depuis la loi du 19 mai 2023 visant à améliorer l'encadrement des centres de santé, dite Khattabi, les centres de soins ophtalmologiques et dentaires sont soumis à un agrément.
Ce dispositif a été adopté en raison du développement anarchique de ces centres, qui sont devenus l'objet de nombreuses dérives et dont la création, sous l'influence d'acteurs financiers, a fini par être décorrélée des besoins de santé de la population. Nous touchons ainsi du doigt la problématique de la financiarisation de l'offre de soins.
Il se trouve que ce phénomène s'étend au-delà des centres de soins ophtalmologiques et dentaires et concerne désormais l'ensemble des centres de soins primaires.
Ces centres sont ouverts très majoritairement dans des territoires largement dotés, voire surdotés. Ils sont ainsi déconnectés de l'offre territoriale.
Il y a lieu, dans le cadre de cette proposition de loi qui vise à garantir l'accès aux soins de notre population, de mieux réguler l'ouverture de ces centres. C'est la raison pour laquelle nous proposons de la conditionner à l'agrément de l'ARS.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Dans son rapport d'information sur la financiarisation de l'offre de soins, publié l'année dernière, la commission recommandait d'étendre l'agrément préalable des centres de santé.
Le présent amendement a été rectifié par son auteur pour inclure les coordinations juridiques nécessaires ; je l'en remercie.
En conséquence, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. La loi Khattabi a rétabli la procédure d'agrément préalable à l'ouverture d'un centre de santé délivrant des soins dentaires ou ophtalmologiques, afin de lutter contre les dérives qui se sont produites en matière de qualité des soins et de probité financière des structures.
Notez toutefois que ces dérives n'ont pas été constatées dans le secteur des soins primaires.
La procédure d'agrément est relativement lourde et ferait peser une contrainte supplémentaire injustifiée sur un secteur qui souffre d'ores et déjà de difficultés d'attractivité, notamment dans les zones sous-denses. Le rétablissement de la procédure d'agrément pour les centres de santé de premier recours semblerait donc contre-productif.
Pour ces raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Je soutiendrai l'amendement de mon collègue Bernard Jomier, car il me semble aller dans le bon sens, notamment pour lutter contre la financiarisation de l'offre de soins.
Jusqu'à présent, ce phénomène concernait surtout les cliniques, les laboratoires et les cabinets de radiologie. Or, aujourd'hui, on voit de grands groupes ouvrir des centres de soins de premier recours.
À Toulouse, un centre de soins non programmés a été ouvert dans les locaux d'une ancienne clinique privée, en plein cœur de ville, où il n'y a pas de désert médical. Il a vidé le centre hospitalier universitaire (CHU) de ses urgentistes, lesquels sont désormais assurés de travailler uniquement de huit heures à vingt heures, sans avoir à effectuer des gardes la nuit et le week-end, tout en percevant un meilleur salaire. La directrice des urgences du CHU m'a alertée sur le danger pour l'hôpital de l'ouverture de ce type de centre.
Vous vous inquiétez de la lourdeur des contraintes, mais rassurez-vous : les grands groupes disposent de juristes bien plus compétents que nous tous ici, ils maîtrisent parfaitement ce type de dossier…
J'ai eu l'occasion de discuter de l'agrément avec le directeur de l'ARS de mon territoire, qui s'est montré très favorable à l'idée d'exiger une autorisation préalable afin de cibler précisément les endroits où des besoins réels existent et dans lesquels l'implantation de centres de soins non programmés s'avère nécessaire.
Ainsi, la puissance publique pourrait déterminer où installer ces structures et où il n'est pas nécessaire de le faire.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. L'agrément permettrait effectivement d'éviter deux écueils majeurs.
Le premier consisterait à préempter des médecins pour réaliser des actes qui ne sont pas toujours nécessaires, comme on le constate parfois dans ces centres financiarisés. Ces praticiens coûtent ainsi de l'argent à la sécurité sociale sans réelle justification, tout en induisant souvent des dépenses supplémentaires dans d'autres établissements de santé.
Le second écueil, c'est que cette situation tend à masquer les besoins réels de santé.
L'agrément s'avère donc un outil de gestion et de planification très utile, tant sur le plan financier qu'en termes de personnel médical.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Je comprends parfaitement le sens de cet amendement, mais il nous faut être précis.
La loi Khattabi règle à mon sens le problème pour tout ce qui concerne le secteur dentaire et l'ophtalmologie, mais ici nous avons un problème de définition : qu'est-ce qu'un centre de santé au sens de cet amendement ?
Madame Poumirol, vous avez ainsi évoqué la radiologie. Je partage votre position : je ne suis absolument pas favorable à la financiarisation de la radiologie, pas plus qu'à celle de la biologie. Toutefois, un cabinet de radiologie ne constitue pas un centre de santé en soi.
Les centres de santé décrits dans cet amendement me semblent faire plutôt référence aux centres de santé municipaux ou associatifs. Le fait que ces centres soient portés par une structure associative ou par une collectivité me semble offrir un certain gage contre le risque de financiarisation.
S'agissant des autres structures que vous avez mentionnées, notamment les centres de soins non programmés, elles relèvent d'un statut libéral et non d'un statut de centre de santé. La radiologie n'entre pas dans ce cadre ; le dentaire et l'ophtalmologie, quant à eux, sont déjà protégés.
Je saisis bien l'esprit de votre amendement, et je partage votre volonté d'éviter la financiarisation de ces secteurs. Néanmoins, la définition des centres de santé concernés ne correspond pas, selon moi, aux structures que vise cet amendement. C'est pourquoi j'en demande le retrait ; à défaut, l'avis serait défavorable.
Pour autant, je partage votre vision quant à la nécessité de prémunir ces secteurs contre la financiarisation.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84 rectifié ter.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 4
L'article L. 4112-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le cinquième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« L'inscription au tableau fait figurer la résidence professionnelle habituelle du praticien. Un praticien peut exercer son activité professionnelle sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle. Une telle faculté est toutefois subordonnée :
« 1° Pour les médecins, à une déclaration préalable au conseil départemental de l'ordre dans le ressort duquel se situe l'activité envisagée, au plus tard un mois avant la date prévisionnelle de début d'activité. Le conseil départemental de l'ordre dans le ressort duquel se situe l'activité secondaire envisagée peut émettre un avis sur l'établissement de cette activité. Il ne peut s'y opposer que pour des motifs tirés d'une méconnaissance des obligations de qualité ou de sécurité des soins et des dispositions législatives et réglementaires ;
« 2° Pour les sages-femmes et les chirurgiens-dentistes, à une autorisation préalable du conseil départemental de l'ordre dans le ressort duquel se situe l'activité envisagée. » ;
2° Le sixième alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « professionnelle », il est inséré le mot : « habituelle » ;
b) Après le mot : « par », sont insérés les mots : « les sixième à huitième alinéas du présent article ou ».
M. le président. L'amendement n° 33 rectifié bis, présenté par M. Chasseing, Mme Lermytte, M. Laménie, Mme L. Darcos, MM. A. Marc, Chevalier, Brault, Grand et Rochette, Mme Bourcier, M. Pointereau et Mmes Romagny, Bonfanti-Dossat, Perrot et Jacquemet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Par exception, le médecin exerçant, dans le cadre de l'engagement d'exercice à temps partiel mentionné à l'article L. 4131-8 ou au 1° de l'article L. 4131-9, dans un département qui ne dépend pas du conseil départemental de l'ordre auquel il est inscrit dans le cadre de sa résidence professionnelle habituelle, peut demander son inscription au conseil départemental de l'ordre dans le ressort duquel se situe son activité secondaire. »
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à permettre aux médecins spécialistes ou généralistes de s'inscrire dans deux ordres départementaux différents en cas d'ouverture d'un cabinet secondaire dans une zone sous-dotée d'un autre département.
Cette mesure apparaît indispensable afin de faciliter les relations avec le conseil de l'ordre compétent dans le département du lieu de l'exercice secondaire, les institutions locales ou encore les autres professionnels de santé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Lors de nos échanges avec le Conseil national de l'ordre sur la rédaction de cet article, la question de l'inscription à deux conseils départementaux de l'ordre n'a pas été évoquée comme une difficulté potentielle.
Néanmoins, l'amendement de notre collègue Daniel Chasseing a retenu mon attention et je souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Monsieur Chasseing, j'ai bien saisi l'esprit de votre amendement qui peut répondre à la configuration géographique de certaines situations.
J'y suis donc favorable, mais il semble que cette disposition n'a pas nécessairement besoin d'être inscrite dans la loi.
Pour autant, comme l'idée est bonne, je m'en remets à la sagesse du Sénat ! (Sourires.)
M. le président. Madame la rapporteure, faites-vous votre cet avis ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 127, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 4, dernière phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
Lorsque le médecin est soumis, en application de l'article L. 4131-8 ou du 1° de l'article L. 4131-9, à un engagement d'exercice à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° de l'article L. 1434-4, le conseil départemental de l'ordre ne peut s'opposer à l'établissement de l'activité secondaire envisagée que pour des motifs tirés d'une méconnaissance des obligations de qualité ou de sécurité des soins et des dispositions législatives et réglementaires. Lorsque le médecin n'est pas soumis à un tel engagement, le conseil départemental de l'ordre peut s'y opposer pour d'autres motifs, listés par décret en Conseil d'État ;
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à concilier le besoin de laisser aux conseils départementaux de l'ordre la latitude nécessaire dans le contrôle de l'ouverture des cabinets secondaires et la nécessité de garantir l'effectivité de la liberté d'installation des médecins, exercée dans les conditions prévues à l'article 3 de la présente proposition de loi.
Il tend donc à recentrer la libéralisation des conditions d'ouverture des cabinets secondaires sur les médecins soumis à un engagement d'exercice à temps partiel en zone sous-dense au titre de l'article 3 de la proposition de loi. Les médecins qui ne seraient pas soumis à cette obligation pourraient, quant à eux, se voir refuser l'ouverture d'un cabinet secondaire selon les mêmes motifs qu'actuellement.
Toutefois, le délai pour l'ouverture d'un cabinet secondaire serait abaissé à un mois pour l'ensemble des médecins qui souhaiteraient s'engager dans cette voie.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 127.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
I. – L'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 3° est ainsi rétabli :
« 3° Les tarifs spécifiques des honoraires, rémunérations et frais accessoires applicables dans tout ou partie des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique ; »
2° Au 6°, après la référence : « L. 162-5-2 », sont insérés les mots : « du présent code ».
II. – La promulgation de la présente loi donne lieu à une négociation ouverte sans délai sur les tarifs spécifiques mentionnés au 3° de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale. Le délai d'entrée en vigueur mentionné au I de l'article L. 162-14-1-1 du même code n'est pas applicable aux tarifs spécifiques résultant de cette négociation.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, sur l'article.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Avant d'aborder l'examen de l'article 5, je souhaite revenir sur l'intention qui a présidé à sa rédaction.
Les médecins bénéficient aujourd'hui d'aides de l'État, des collectivités territoriales et de l'assurance maladie, qui visent pour la plupart à les inciter à s'installer dans les territoires sous-dotés.
En revanche, peu de dispositifs existent pour valoriser l'activité qu'ils y réalisent. La nouvelle convention ne rémunère que par demi-journée les consultations avancées réalisées en zone prioritaire, dans la limite de six demi-journées par mois.
Or une telle valorisation nous semble indispensable ; elle doit récompenser les médecins qui s'engagent dans la maîtrise de l'accès aux soins, proportionnellement à l'effort qu'ils fournissent et à l'activité qu'ils réalisent dans les territoires en tension.
L'article 5 vise à remédier à cette lacune en permettant aux partenaires conventionnels de mieux valoriser les consultations réalisées en zone sous-dense. Nous avions recouru volontairement à la notion de tarifs spécifiques, plutôt qu'à celle de dépassement d'honoraires, afin de limiter l'incidence de la mesure sur le reste à charge des patients.
Alors que des dépassements n'auraient pas été pris en charge, la revalorisation des tarifs est intégralement couverte pour plus de 95 % de la population bénéficiant d'un contrat solidaire et responsable d'une complémentaire santé.
Nous avons toutefois entendu les inquiétudes formulées ces derniers jours. Nous réitérons le fait que nous ne souhaitons pas que cette mesure pèse in fine sur les patients, et surtout pas sur ceux d'entre eux qui souffrent déjà de la pénurie médicale. Tel est bien l'esprit qui a présidé à la rédaction de cette proposition de loi.
C'est pourquoi nous avons déposé l'amendement n° 132 qui tend à remplacer ces « tarifs spécifiques » par une « rémunération forfaitaire », toujours fondée sur l'activité des médecins plutôt que sur la seule installation dans les territoires les plus fragiles. Versée directement par l'assurance maladie, cette rémunération n'aura donc aucune incidence sur le reste à charge des patients.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l'article.
Mme Céline Brulin. Cet article a suscité et suscite encore, pour notre part, beaucoup de mécontentement. Qui a bien pu avancer l'idée que l'on pourrait pratiquer des dépassements d'honoraires pour les patients qui souffrent déjà d'une pénurie de médecins ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Personne !
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Personne !
Mme Céline Brulin. Tant mieux si ce point est rectifié, mais il l'est seulement en partie, car quelqu'un devra bien payer ces tarifs spécifiques : l'assurance maladie ou les complémentaires santé.
Par ailleurs, lors de la négociation de la convention entre les organisations de médecins et l'assurance maladie en 2023, il me semble qu'il était déjà question de tarifs différenciés en fonction de l'implication des médecins dans les zones sous-denses. Cela s'est soldé par un échec. Je voudrais donc savoir ce qui conduit les auteurs de cette proposition de loi et la rapporteure à considérer que ce qui a échoué hier pourrait réussir aujourd'hui.
Une fois encore, dans une telle situation, la régulation nous semble s'imposer, car on ne saurait admettre une telle différenciation sans contrepartie.
Prenons l'exemple des enseignants, même s'il est très différent. Ceux d'entre eux qui vont enseigner en zone d'éducation prioritaire sont un peu mieux rémunérés que les autres. On pourrait imaginer un dispositif proche de cela. Toutefois, les enseignants ne choisissent pas où ils vont enseigner. Ils sont tenus d'aller devant les élèves dans le cadre des procédures, le mouvement, fixées par le ministère de l'éducation nationale.
C'est pourquoi, selon moi, ces différenciations de tarifs ne peuvent s'entendre sans régulation parallèle.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, sur l'article.
Mme Anne Souyris. Les propos de Mme Imbert me semblent rassurants, car, si j'ai bien compris, la caisse d'assurance maladie prendrait en charge ce tarif spécifique. Dans ce cas, il n'y aurait plus de dépassement et donc, même sans mutuelle ni complémentaire santé solidaire, les patients n'en paieraient, quoiqu'il arrive, aucun. Voilà qui me rassure.
La comparaison avec les enseignants est intéressante. En tant qu'ancienne enseignante, je peux témoigner que nous choisissons tout de même un peu où nous allons et nous pouvons décider, en fonction des points accumulés, d'exercer ou non dans certaines zones prioritaires. C'est à partir de cela que l'on peut choisir de prendre un risque, c'est-à-dire d'y aller pendant un certain temps.
Je trouve qu'une incitation financière est une bonne idée dès lors que son poids ne pèse en aucun cas sur les personnes les plus précarisées. Après, la suite du problème relèvera du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et nous le traiterons ultérieurement.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, sur l'article.
Mme Véronique Guillotin. Cet article revêt à mes yeux une importance particulière et j'ai quelques questions à poser. En fonction des réponses, je retirerai éventuellement mon amendement de suppression.
Nous étions revenus sur ce qui a été appelé par certains des dépassements d'honoraires, dont une part aurait été prise en charge par les mutuelles. Mais l'expression était écrite à un moment et cette sémantique n'était sans doute pas la plus appropriée.
Avec l'amendement proposé par la rapporteure, si j'ai bien compris, le patient qui consultera un médecin en zone sous-dense paiera le même tarif qu'un patient en zone normale ou surdense et bénéficiera du même remboursement. Il sera donc traité sur un pied d'égalité avec les autres patients.
Pour inciter les médecins à exercer dans ces zones, une rémunération forfaitaire leur sera versée, probablement par la sécurité sociale.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Et les mutuelles !
Mme Véronique Guillotin. C'est ce que j'ai compris de l'amendement de la rapporteure. Est-ce bien cela ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Tout à fait !
Mme Véronique Guillotin. Je retirerai donc mon amendement de suppression de l'article.
M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par Mme Lermytte, MM. Wattebled, A. Marc, Laménie, Chasseing et Rochette, Mme L. Darcos, MM. Grand, Chevalier et Brault, Mme Bourcier et M. Capus.
L'amendement n° 10 est présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
L'amendement n° 26 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L'amendement n° 76 rectifié bis est présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère et MM. Grosvalet, Guiol, Masset, Roux et Daubet.
L'amendement n° 104 rectifié bis est présenté par M. Fichet, Mmes Le Houerou et Poumirol, MM. Uzenat, Gillé et Kanner, Mmes Conconne, Canalès et Féret, M. Jomier, Mmes Lubin et Rossignol, MM. Mérillou, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 107 rectifié est présenté par Mme Nadille, M. Rambaud, Mme Phinera-Horth, M. Buval et Mmes Nédélec et Muller-Bronn.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour présenter l'amendement n° 8.
Mme Marie-Claude Lermytte. Je le retire pour les raisons que vient d'évoquer Mme Guillotin.
M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l'amendement n° 10.
Mme Céline Brulin. Pour notre part, nous maintenons notre amendement.
Tout à l'heure, une collègue a invoqué le serment d'Hippocrate. Au nom de quoi devrait-on pratiquer des tarifs supérieurs pour les zones sous-denses ou leur appliquer une tarification spécifique ? En réalité, il s'agit ici de faire supporter à l'assurance maladie la faillite de la liberté d'installation. Cela me pose problème.
Je songe par avance à tous nos collègues qui, dans quelque temps, nous proposeront des réductions du déficit de l'assurance maladie, eux qui ont parfois adopté ou soutenu des déremboursements de médicaments... Je ne reviendrai pas sur tous les débats que nous avons eus lors de l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
De surcroît, nous risquons d'en arriver à une situation que nous connaissons dans d'autres domaines : l'installation d'une forme de mercenariat, comme c'est déjà le cas à l'hôpital. Nous essayons pourtant, les uns et les autres, de trouver des moyens de réguler ce phénomène.
C'est pourquoi nous maintenons cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l'amendement n° 26.
Mme Anne Souyris. Une garde, un effort particulier, un travail de nuit est toujours mieux payé, cela ne me paraît pas anormal. C'est d'ailleurs le cas dans d'autres professions : tout effort supplémentaire mérite une reconnaissance financière.
L'essentiel, à mes yeux, est de parvenir à trouver des solutions incitatives et efficaces. C'est pourquoi je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 26 est retiré.
La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l'amendement n° 76 rectifié bis.
Mme Véronique Guillotin. Il est retiré.
M. le président. L'amendement n° 76 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l'amendement n° 104 rectifié bis.
M. Jean-Luc Fichet. Cet article prévoit des tarifs spécifiques, des honoraires, des rémunérations et des frais accessoires pour les médecins qui s'engagent à exercer à temps partiel dans une zone sous-dotée.
Si cette mesure peut sembler incitative sur le papier, permettre les dépassements d'honoraires dans ces zones revient, dans les faits, à aggraver les inégalités d'accès aux soins.
Ces dépassements constituent une barrière financière bien réelle. Certes, ils sont en partie couverts par les complémentaires santé, mais près de 10 % des personnes les plus pauvres n'en bénéficient pas. En outre, 38 % des plus modestes ont déjà renoncé à des soins pour des raisons financières. Ces chiffres sont alarmants.
Pendant ce temps, le nombre de médecins généralistes en activité continue de baisser, avec cinq cents de moins au 1er janvier 2022 selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees).
Quant aux spécialistes exerçant en secteur 2, donc autorisés à pratiquer des dépassements d'honoraires, ils sont de plus en plus nombreux : leur proportion est passée de 38 % en 2003 à près de 55 % en 2021. Le taux moyen de dépassement atteint même près de 45 %.
Selon une étude de l'UFC-Que Choisir réalisée en 2021, plus de 70 % des gynécologues, 66 % des ophtalmologues et près de 50 % des pédiatres pratiquaient des dépassements d'honoraires. Pendant ce temps, les déserts médicaux ne cessent de s'étendre : près de 70 % des femmes en font l'expérience pour les gynécologues, plus de la moitié des enfants pour les pédiatres.
Le constat est clair : cette mesure ne répond pas au problème. Pire, elle risque d'aggraver la situation. Elle crée une médecine à deux vitesses : d'un côté, celles et ceux qui peuvent assumer financièrement des dépassements, et de l'autre, celles et ceux qui, pour des raisons économiques, devront renoncer aux soins. À la fracture géographique s'ajoute une fracture sociale.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons souscrire à cet article.
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour présenter l'amendement n° 107 rectifié.
Mme Solanges Nadille. Permettez-moi de vous exposer ma situation. Je vis sur un archipel. Nous avons déjà expérimenté des mesures incitatives et j'estime que cela ne fonctionne pas.
Lorsque l'on invoque la solidarité, comme le fait le pacte du Gouvernement, on ne saurait inciter financièrement les médecins afin de les pousser à prendre conscience de la situation. Je ne souscris pas à ce point de vue.
C'est pourquoi je maintiens mon amendement de suppression.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je tiens à remercier nos collègues qui ont retiré leur amendement de suppression.
Ce que je puis dire aux auteurs des autres amendements, c'est qu'à aucun moment le président Mouiller n'a souhaité permettre de dépassement d'honoraires. Il s'agit d'une mauvaise interprétation de ses intentions. Si – j'en conviens – l'instauration de tarifs spécifiques peut emporter un reste à charge de quelques euros pour 3 % à 5 % de la population, il n'est pas question de dépassement d'honoraires, qui sont tout autre chose que des tarifs spécifiques.
J'estime en revanche que tout engagement – l'obligation d'exercice à temps partiel en zone sous-dense en contrepartie de la liberté d'installation en est un – mérite une reconnaissance. Tel est l'objet de l'amendement n° 132 de la commission, que nous examinerons dans un instant.
L'avis est défavorable sur les trois amendements de suppression restant en discussion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. J'ai bien entendu votre présentation, monsieur Fichet. Je n'y reviendrai pas, car votre proposition est l'exact inverse de celle de Mme la rapporteure.
Madame Brulin, volontairement ou non, vous confondez les tarifs spécifiques et les dépassements d'honoraires. Or ce n'est pas du tout la même chose.
Mme Cathy Apourceau-Poly. On ne confond rien du tout ! Ne nous prenez pas pour des imbéciles !
M. Yannick Neuder, ministre. Je ne me le permettrai pas, madame la sénatrice. Je m'étonne du reste que vous me parliez sur ce ton.
Le dispositif proposé constitue non pas un dépassement d'honoraires, mais une prime incitative à l'exercice dans les zones sous-dotées.
Un certain nombre de parlementaires ont bien compris que, lorsque l'on demande un effort supplémentaire à des professionnels, qu'il s'agisse de professionnels de santé ou de tout autre corps de métier…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Quel effort ?
M. Yannick Neuder, ministre. Le fait de sortir de son cabinet, c'est-à-dire de sa zone de confort, pour exercer deux jours par mois à trente kilomètres de celui-ci constitue un engagement, madame la sénatrice.
En sus de la rémunération des actes, il faut bien que l'obligation collective qui leur est faite s'accompagne d'une incitation.
S'il n'est donc pas question de dépassements d'honoraires qui emporteraient de nouvelles inégalités d'accès aux soins, car certains patients ne pourraient pas faire face à cette augmentation des tarifs, j'estime en revanche qu'il convient de valoriser cet « aller vers », qui entraînera du reste pour les médecins des frais supplémentaires, notamment de déplacement.
Cet encouragement consiste en un forfait. Je rappelle que l'assurance maladie finance déjà ce type d'encouragement à exercer en zone sous-dense au travers de la convention médicale, et cela grâce à une disposition adoptée par le Parlement en loi de financement de la sécurité sociale.
Les médecins qui exercent dans les zones sous-denses n'apprécieraient sans doute guère que vous jugiez que les actes qu'ils y effectuent n'appellent pas une valorisation et un encouragement, madame la sénatrice. Au fond, ne pas assimiler ce forfait incitatif à des dépassements d'honoraires relève du respect.
J'ajoute que vous nous auriez sans doute reproché de ne pas proposer un tel dispositif, car alors les médecins seraient incités à demander des dépassements d'honoraires, ce que nous avons précisément souhaité éviter.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. L'article 5 posait des difficultés, mais, comme Mme Souyris, je donne acte au Gouvernement et à la commission de la clarification à laquelle ils se sont livrés : le dispositif proposé n'emportant ni de dépassements d'honoraires ni de tarifs spécifiques, il ne pose plus de difficultés.
Comme l'a indiqué M. le ministre, les médecins qui, comme moi, exercent en zone sous-dense bénéficient déjà de rémunérations forfaitaires. Je ne vois donc pas où est le problème.
La question qui se posera sera toutefois celle de l'articulation entre les différents dispositifs prévus par la convention : cette rémunération forfaire, le dispositif visant les médecins participant à la permanence des soins ambulatoires (PDSA), le dispositif visant les médecins qui exercent au sein d'un cabinet de groupe, etc.
Par ailleurs, la rémunération forfaitaire emportera une charge supplémentaire nécessitant soit un abondement soit un rattrapage sur un autre poste de dépense. Nous en débattrons lors de l'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En tout état de cause, j'estime que l'article 5, s'il est modifié comme la commission et le Gouvernement le proposent par l'amendement n° 132 et le sous-amendement n° 135, ne pose plus de difficulté.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. J'estime au contraire que cet article continue de poser problème, car même si le principe d'une rémunération forfaitaire figure déjà dans la convention, à mes yeux, la solidarité ne se monnaie pas et je suis choquée que l'on puisse penser l'inverse.
A-t-on oublié le serment d'Hippocrate, que Céline Brulin évoquait tout à l'heure ? Celui-ci précise que les médecins doivent soigner les riches comme les pauvres, quelle que soit la couleur de peau, la religion, etc.
Certains d'entre nous ont certes déjà voté en faveur de la mise en place d'un tel dispositif, mais je rappelle qu'il s'ajoute au stock de mesures incitatives : parmi les cinq types de contrats institutionnels, je citerai simplement les contrats d'aide à l'installation des médecins (CAIM) en zone sous-dense, qui emportent une aide de 50 000 euros par an, et c'est sans compter les aides apportées par les collectivités locales, y compris les départements et les régions.
Les nombreuses mesures incitatives instaurées depuis des années n'ont rien réglé : nous constatons au contraire que la désertification va croissant.
En tout état de cause, j'estime que le principe même d'une telle proposition est choquant.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour explication de vote.
Mme Laurence Muller-Bronn. Je suis moi aussi perturbée par tout ce que j'entends.
J'estime que deux jours d'exercice par mois en territoire sous-dense, que ce soit à la campagne ou dans un milieu semi-rural, ne peuvent qu'enrichir la pratique d'un médecin de ville.
Je pense moi aussi au serment d'Hippocrate, car je trouve que nous parlons fort peu des patients, qui doivent parcourir trente, et parfois jusqu'à cent kilomètres. Nous avons évoqué le cas de ces femmes enceintes qui sont « invitées » à passer les quinze derniers jours de leur grossesse à l'hôtel lorsque leur département n'a plus de maternité. Il nous faut partir du patient, mes chers collègues !
J'ajoute que les médecins installés dans des territoires de campagne ou semi-ruraux ont plaisir à soigner leurs patients.
Il existe des subventions, des participations des collectivités locales et même des start-up qui aident à l'installation. Une start-up a ainsi reçu plus de 10 millions d'euros de fonds propres de l'État via la Caisse des dépôts et consignations et le fonds stratégique des transitions. En dépit de ces nombreuses aides, les territoires demeurent sous-denses.
Je ne crois donc pas à l'efficacité de ces incitations financières et j'estime qu'il n'est pas opportun d'aborder ce type de sujet avec des étudiants qui s'engagent dans des études de médecine. Comprenez qu'il est choquant d'entendre que l'argent serait la seule solution pour garantir que les gens soient soignés !
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Ayant retiré mon amendement, je voterai bien évidemment contre les amendements identiques restant en discussion.
Il me paraît en effet essentiel, et ces points sont acquis, que les patients bénéficient d'une égalité de traitement et que les patients des zones sous-denses ne rencontrent pas d'obstacles financiers supplémentaires pour se soigner.
C'est prendre un raccourci que de dire que nous ne proposons que des mesures incitatives et que nous ne parlons que d'argent, mes chers collègues.
L'effort que nous demandons aux médecins en instaurant une obligation d'exercer deux jours par mois en zone désertifiée peut s'accompagner d'une mesure incitative. Une telle démarche me paraît positive, car elle constituera une aide à ce déplacement, qui pourra ainsi s'effectuer dans des conditions plus acceptables. Il n'est pas évident de quitter son cabinet pour aller exercer à x kilomètres, dans un territoire que l'on connaît moins et auprès de patients dont les dossiers, à défaut d'en avoir l'historique en main, sont parfois plus difficiles à comprendre. J'estime que cela mérite d'être valorisé.
Des études ont du reste prouvé que, sous réserve que les montants octroyés soient suffisants, les mesures incitatives fonctionnent.
Pour toutes ces bonnes raisons, je voterai contre ces amendements de suppression et pour l'article modifié comme le proposent la commission et le Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Nédélec, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Nédélec. Je souhaite revenir sur un certain nombre d'arguments qui ont été donnés.
Il est très désagréable, pour ceux qui, comme moi, habitent dans un territoire rural, d'entendre dire que venir nous soigner constitue un tel effort que cela justifie l'instauration d'une tarification particulière. Nous avons le sentiment d'être des citoyens à part, je ne dirai pas de seconde zone, mais qui vivent au beau milieu d'une pampa qu'il faudrait défricher à la machette pour nous rejoindre.
Mme Anne-Sophie Romagny. Cela n'a rien à voir !
Mme Anne-Marie Nédélec. Je le prends très mal, et j'estime que c'est insultant pour les populations.
Je rejoins du reste notre collègue Poumirol : les nombreuses incitations financières mises en place n'ont pas réglé les difficultés et, pourtant, nous persévérons dans ce sens. La sécurité sociale peut-elle seulement se le permettre ?
Comme ma collègue Muller-Bronn, j'estime que tous les patients, où qu'ils habitent, méritent d'être soignés. Nous sommes en passe de créer des secteurs, mes chers collègues !
Je ne me fais pas trop d'illusions, mais peut-être que sans régler tous les problèmes, une régulation douce – je sais bien que la seule mention de ce terme fait se dresser les cheveux de beaucoup d'entre nous – améliorerait au moins un peu la situation, d'autant que la majeure partie de notre territoire se trouve en zone sous-dense, ce qui laisse tout de même un très grand nombre de possibilités d'installation.
Le territoire dans lequel je réside se trouve à plus de cent kilomètres d'une zone bien dotée. Je ne crois donc pas du tout que des médecins installés dans une zone bien dotée viendront soigner les pauvres ruraux au milieu de leur brousse quelques jours par semaine ou par mois. (Mmes Catherine Conconne et Cathy Apourceau-Poly renchérissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Il faut admettre que nous parlons beaucoup d'argent, mes chers collègues. Or, si depuis dix à quinze ans de nombreuses incitations financières ont été mises en place, leurs effets restent à démontrer.
Un point n'a par ailleurs été évoqué que rapidement hier soir par M. le ministre : qui paiera le cabinet secondaire, son installation et ses équipements ? Quel sera le coût des transports et par qui sera-t-il assumé ?
Si j'ai bien compris, ces frais d'installation d'un cabinet secondaire, qui sera nécessairement partagé par plusieurs médecins, seront pris en charge non pas par les médecins, mais par la sécurité sociale avec le concours des communes ou des intercommunalités concernées.
Mais que se passera-t-il si les communes et intercommunalités qui ont le plus besoin de ce dispositif n'ont pas les moyens, ou pas les locaux nécessaires ?
L'installation d'un cabinet secondaire entraîne évidemment une surcharge et je note que M. le ministre a clairement indiqué hier soir que les collectivités locales seraient invitées à assumer cette charge.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. J'ai évoqué les dépassements d'honoraires non pas pour vous être désagréable, monsieur le ministre, mais parce que ces derniers étaient mentionnés dans l'exposé des motifs de cet article. Or les auteurs de cette proposition de loi nous ayant expliqué qu'ils avaient travaillé sur ce texte une année durant, il paraît peu probable que cela ait échappé à leur vigilance.
Vous estimez qu'une prime incitative à l'exercice de la médecine en zone sous-dense n'a rien de choquant, monsieur le ministre. Je vous répondrai que, s'il y a aujourd'hui des zones sous-denses, c'est parce qu'on a tout misé sur la liberté d'installation et que l'on a considéré que l'exercice libéral allait s'autoréguler.
Constatant que cela ne fonctionne pas, vous proposez d'instaurer de nouvelles incitations, alors que toutes les incitations – nous le savons bien – ont été peu ou prou des échecs.
Comme je l'indiquais tout à l'heure, j'ai parfois l'impression que certains tirent argument de la pénurie et de la désertification médicale pour exiger des rémunérations supérieures. Je suis suffisamment familière du rapport de force pour ne pas m'étonner d'une telle situation.
Vous ne pouvez toutefois pas nous rétorquer que le dispositif dont nous débattons est déjà prévu par l'assurance maladie, alors que 87 % du territoire de notre pays est classé en zone sous-dense, monsieur le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Mais si !
Mme Céline Brulin. Du reste, ce dispositif pourrait sans doute être déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution.
Par ailleurs, je ne demanderai pas de nouveau que nous écrivions les décrets en séance publique, mais il serait fort utile que l'on nous éclaire sur la dépense qu'un tel dispositif emportera. À raison de 2 euros par consultation pour les 6,5 millions de patients qui peinent à trouver un médecin, le calcul est vite fait…
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10, 104 rectifié bis et 107 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 132, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
tarifs spécifiques des honoraires, rémunérations et frais accessoires applicables
par les mots :
rémunérations forfaitaires modulées en fonction de l'activité réalisée par les médecins
II. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
tarifs spécifiques mentionnés
par les mots :
rémunérations forfaitaires mentionnées
et les mots :
aux tarifs spécifiques
par les mots :
aux rémunérations forfaitaires
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Compte tenu de mon intervention sur l'article, il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 135, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 132
I. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
l'activité réalisée par les médecins
par les mots :
la part de la patientèle
II. – Alinéas 7 à 14
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Vous l'aurez compris, ce sous-amendement vise à préciser l'amendement de Mme la rapporteure. Car oui, j'estime qu'il n'est pas illégitime de mieux rémunérer les médecins qui font cet effort.
Vous assimilez les déserts médicaux aux zones rurales, madame Nédélec, mais il y a aussi des déserts médicaux dans des villes, des métropoles ou des zones de montagne.
J'habite pour ma part dans une zone très rurale et je n'ai pas le sentiment de vivre dans une sous-zone pour autant. Il ne faut pas, à mon avis, voir les choses de la sorte.
Dans le système hospitalier, les médecins qui exercent sur plusieurs sites bénéficient, dans le cadre d'un forfait, d'une prise en charge des frais, notamment de déplacement, qu'emporte un tel engagement.
Selon vous, madame Brulin, les déserts médicaux sont la conséquence de la liberté d'installation. Vous êtes en droit de ne pas vouloir comprendre, mais, comme je l'ai déjà indiqué, nous formons de nos jours le même nombre de médecins qu'en 1970, alors que la population de notre pays a augmenté de 15 millions d'habitants et que le rapport au travail des médecins a changé.
Ayez du moins l'honnêteté de reconnaître que la liberté d'installation n'est pas seule en cause et que la situation actuelle est aussi le fruit du nombre insuffisant de places de formation ouvertes pendant toutes ces années. Dans les années 1990, nous ne formions que 3 500 médecins par an. Nous pouvons débattre pendant des heures, mais il est clair que nous n'avons alors pas préparé l'avenir.
Vous indiquez par ailleurs que la consultation coûterait 2 euros de plus. Je ne sais pas d'où vient ce montant…
Mme Céline Brulin. C'est un exemple.
M. Yannick Neuder, ministre. Quelque 6 millions de Français n'ont pas de médecin traitant ou peinent à consulter, ce qui peut retarder la prise en charge de maladies qui, du fait de ce retard, seront encore plus préjudiciables pour la santé des patients et dont le traitement sera plus coûteux pour la société. Nous savons bien en effet qu'il vaut mieux prendre en charge un cancer ou toute autre maladie à un stade précoce.
Il me paraît donc que, même si la consultation coûte 2 euros de plus, cette dépense mérite d'être faite.
Sous-réserve de l'adoption de ce sous-amendement, j'émettrai sur l'amendement n° 132 un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 135 ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. À l'article 3, nous avons voté l'instauration d'une obligation d'exercice partiel en zone sous-dense, dont les modalités restent à définir.
Les dispositions de l'article 5 introduisent donc non pas une incitation, mais une compensation, puisque les médecins seront contraints de se plier à cette obligation et qu'à défaut ils devront s'acquitter d'une pénalité.
Tel est le dispositif dont nous débattons, mes chers collègues : une obligation, assortie d'une compensation, et une pénalité en cas de non-respect de l'obligation.
Une obligation étant posée, nous pouvons à bon droit nous interroger sur la légitimité de cette compensation financière. Pour ma part, j'estime que cette dernière ne pose pas de difficulté – nous proposons ainsi un package –, mais il faut reconnaître qu'une telle compensation n'est pas automatique.
Par ailleurs, je m'interroge, comme mon collègue Jean-Luc Fichet, sur le financement du cabinet secondaire nécessaire à la mise en œuvre de l'obligation visée. Si le médecin doit assumer cette charge, une compensation est nécessaire. Si, en revanche, comme cela est suggéré dans un article ultérieur, ces frais sont pris en charge par la convention médicale ou par l'État, alors cette compensation ne serait plus légitime, car comme l'indiquaient mes collègues, l'exercice d'un devoir de solidarité n'appelle pas de compensation.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous savons bien, mes chers collègues, que les médecins sont solidaires et qu'ils ont le souci de soigner tout le monde. Il me paraît important de le réaffirmer.
Il reste que cette incitation me pose un problème. Les médecins qui exercent en zone sous-dense depuis trente ou quarante ans ne sont pas incités à le faire. Or les médecins venus d'ailleurs, qui travaillent en zone bien dotée, auront, eux, une incitation à exercer en zone sous-dense. C'est quand même incroyable !
Nous parlons beaucoup d'argent, mais les médecins qui exerceront en zone sous-dense demandent-ils cette incitation ? Vous me répondrez oui, mes chers collègues, mais cette demande vient-elle réellement des médecins ?
Vous proposez sans cesse de nouvelles aides. Or, dans nos territoires, les médecins sont de moins en moins nombreux. Quel est le bilan pour nos territoires des contrats de début d'exercice (CDE) et des aides à l'installation ? Nous ne le connaissons pas !
M. Jean-Luc Fichet. Exactement !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous allez voter cette incitation, mes chers collègues, mais je souhaite que, dans un ou deux ans, nous fassions le bilan de ce qu'elle aura apporté dans les zones sous-denses.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je m'efforcerai de répondre à votre question, madame Apourceau-Poly : les médecins demandent-ils une telle compensation ?
Si les médecins considèrent tout de même l'obligation introduite par l'article 3 comme une entrave au principe général de liberté d'installation, ils l'acceptent au titre du principe de solidarité. Lors de nos discussions avec leurs représentants, ces derniers nous ont indiqué qu'ils comprenaient qu'il fallait évoluer et qu'il était important d'envoyer ce signal.
J'en viens au débat financier.
La mention des dépassements d'honoraires figurait bien dans l'exposé des motifs de cet article, madame Brulin, mais il s'agissait d'une erreur, que vous avez été plus rapide à relever que nous n'avons été à la corriger. En tout état de cause, cette expression a été supprimée, car nous voulions être certains de ne pas créer de confusion.
Bernard Jomier a raison de rappeler qu'il s'agit non pas d'une incitation, mais bien d'une compensation.
Mme Céline Brulin. Ce n'est donc pas de la solidarité !
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Les médecins concernés devront parcourir vingt à trente kilomètres pour exercer en zone sous-dense. Pour répondre à votre question, madame Apourceau-Poly, c'est donc bien au titre des frais que cette obligation emportera que ce débat est venu sur la table.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour explication de vote.
Mme Laurence Muller-Bronn. Je suis favorable à la suppression non pas seulement de la compensation, mais aussi des pénalités.
Les médecins ne sont pas des enfants. Ils ont fait de longues études et se sont engagés en conscience et, en règle générale, par vocation. Il me paraît aussi impensable de les contraindre par des pénalités que de les inciter avec une carotte. En ferions-nous autant avec les boulangers ou avec tout autre corps de métier qui devrait s'adapter à une nouvelle situation ? Lorsqu'une entreprise ferme, de nombreuses familles doivent s'adapter, parfois en déménageant très loin de chez elles. De telles situations sont très fréquentes !
En tout état de cause, s'agissant de médecins qui ont une conscience, nous ne devrions même pas aborder des sujets tels que des pénalités ou des compensations.
Je me demande comment 87 % de notre territoire peut être classé en zone sous-dense, mais cela signifie en tout cas qu'il y a de très nombreux endroits où les médecins pourraient s'installer et exercer dans des conditions très agréables.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 135.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 132, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... – Au 2° de l'article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « le tact et la mesure » sont remplacés par les mots : « 30 % du tarif opposable ».
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Je souhaite revenir sur la question des dépassements d'honoraires, même si j'ai bien compris que le dispositif dont nous avons débattu à l'instant constituait, lui, une compensation.
Je me réjouis, du reste, de constater que les efforts demandés aux médecins seront compensés, ce qui est loin d'être une règle générale – je vous renvoie sur ce point à nos échanges sur le dernier projet de loi de finances, mes chers collègues…
En tout état de cause, les dépassements d'honoraires entravent l'égalité d'accès aux soins, et dans certains cas, l'accès aux soins lui-même. Leur existence même est en contradiction avec l'objet de la présente proposition de loi.
Bien que défavorable aux dépassements d'honoraires, je propose donc par cet amendement de limiter leur montant à 30 % du tarif opposable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les dépassements d'honoraires sont déjà encadrés.
D'une part, le code de déontologie des médecins fait en effet obligation à ceux-ci de déterminer leurs honoraires « avec tact et mesure », en tenant compte de la nature des actes dispensés et des circonstances. L'assurance maladie peut d'ailleurs sanctionner les médecins qui ne respecteraient pas cette règle.
D'autre part, les dépassements sont encadrés par la convention médicale. En pratique, elle empêche les médecins généralistes d'accéder au secteur 2. Pour les autres, elle prévoit que le montant des honoraires doit être fixé à des niveaux modérés et être modulé individuellement pour tenir compte des éventuelles difficultés des patients.
Enfin, l'assurance maladie a élaboré plusieurs dispositifs visant à inciter financièrement les médecins à la modération tarifaire.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Mes chers collègues, je veux moi aussi vous alerter sur les dépassements d'honoraires. Comme le disait à l'instant Silvana Silvani, il existe une médecine à deux vitesses !
Pour se faire soigner dans mon territoire, c'est simple : soit vous attendez très longtemps pour réaliser un examen et vous passez après ceux qui sont prioritaires – les plus jeunes, les patients atteint d'un cancer… – ; soit, si vous en avez les moyens, vous faites appel à un médecin qui travaille dans le privé ou qui vous prendra en secteur privé à l'hôpital et vous payez des dépassements d'honoraires.
Entre les dépassements d'honoraires du médecin et ceux de l'anesthésiste, vous vous en sortez avec un minimum de 1 000 euros pour vous faire opérer plus rapidement. Et si vous n'avez pas les moyens de payer, peut-être que vous ne vous ferez jamais opérer… Voilà la réalité des territoires !
À l'heure actuelle, si vous n'avez pas d'argent, vous pouvez toujours attendre pour vous faire soigner ! Vous pouvez me croire, j'ai personnellement vécu cette expérience avec mon père.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 13 rectifié ter, présenté par Mme Jouve, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin et MM. Guiol, Masset, Roux et Daubet, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au 3° de l'article L. 161-36-4, les mots : « à l'avant-dernier » sont remplacés par les mots : « au sixième » ;
2° L'article L. 162-5-3 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Lorsque le patient a indiqué à son organisme gestionnaire de régime de base d'assurance maladie qu'aucun médecin n'accepte d'être désigné comme son médecin traitant. »
3° À l'article L. 162-5-4, les mots : « de l'avant-dernier alinéa » sont remplacés par les mots : « du sixième alinéa ».
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. La majoration du ticket modérateur a été mise en place pour encourager les Français à désigner un médecin traitant dans un contexte où l'offre de soins était bien plus favorable qu'actuellement. Vingt ans plus tard, la réalité est tout autre.
La démographie médicale est en déclin et la répartition géographique des médecins est inégale, ce qui rend impossible la désignation d'un médecin traitant dans de nombreux territoires. Ainsi, plus de 6 millions d'assurés n'ont pas de médecin traitant et 65 % des médecins déclarent être amenés à refuser de devenir le médecin traitant de nouveaux patients.
Or la majoration du ticket modérateur, qui induit une hausse automatique du reste à charge, pénalise certains patients, en particulier les plus vulnérables d'entre eux. Cette mesure agit comme un frein supplémentaire au recours aux soins.
C'est pourquoi nous proposons de supprimer la majoration du ticket modérateur quand le patient n'est pas en mesure de désigner un médecin traitant.
M. le président. Le sous-amendement n° 128, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Amendement n° 13 rectifié ter
Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
… .– Le 6° de l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la présente loi, est abrogé cinq ans après la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Compte tenu des difficultés que rencontrent de nombreux assurés pour désigner un médecin traitant du fait d'une démographie médicale défavorable sur une vaste partie du territoire national, l'application d'une majoration du ticket modérateur pour non-respect du parcours de soins coordonnés apparaît comme une double peine.
Il est donc pertinent, comme le propose Mme Jouve, d'aménager ces dispositions et d'en écarter l'application pour les patients qui ne parviennent pas à désigner un médecin traitant.
Toutefois, la commission réitère son attachement à la notion de parcours de soins coordonnés et estime donc essentiel de garantir le rôle du médecin traitant au sein de ce parcours. En outre, elle est confiante sur le fait que les mesures déjà engagées et celles figurant dans ce texte amélioreront l'accès aux soins.
Aussi, elle estime que la suppression de la majoration du ticket modérateur pour non-respect du parcours de soins coordonné en cas d'absence de médecin traitant doit être une mesure non pas pérenne, mais transitoire. Sinon, cela voudrait dire que nous ne croyons plus aux textes que nous votons et à nos propres efforts.
Ce sous-amendement vise donc à limiter cette mesure à une durée de cinq ans. En tant que de besoin, des initiatives ultérieures pourront en prolonger la durée de vie.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 13 rectifié ter, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 128.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 128.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié ter, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié ter, présenté par Mme Sollogoub, MM. S. Demilly et J.M. Arnaud, Mmes Lermytte, Gacquerre, Jacquemet et Doineau et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au c du II de l'article 44 quindecies du code général des impôts, après le mot : « financière, » est inséré le mot : « médicale, ».
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Depuis le début de l'examen de ce texte, il est beaucoup question de zonage. Pourtant, l'un d'entre eux n'a pas été évoqué : celui des zones de revitalisation rurale (ZRR), qui ouvre le droit à des exonérations fiscales et a une influence énorme sur l'installation des professionnels de santé.
Ces exonérations déséquilibrent artificiellement les installations de médecins, car rien ne prouve que ces ZRR, qui ont été remplacées par le zonage France Ruralités Revitalisation (FRR), coïncident avec les zones sous-denses en matière de démographie médicale.
J'ai reçu cet après-midi encore un appel au secours des médecins de la ville de Nevers. Celle-ci n'étant pas classée en zone FRR, aucun médecin ne s'y installe. Les professionnels de santé privilégient Moulins, qui est une ville comparable, mais qui est classée en zone FRR.
Il convient de se pencher sur cette question.
Dans le prolongement des débats que nous avons eus sur l'opportunité de définir des tarifications différentes selon la densité de médecins, nous pouvons très bien imaginer de mieux rémunérer les médecins en zone sous-dense. Cela ne me choque pas du tout, à condition que tous les médecins en profitent, qu'ils soient nouvellement installés ou non.
Toutefois, en parallèle, il convient de faire sortir les professions médicales du dispositif FRR, lequel part du principe qu'il est normal d'aider une entreprise qui s'installe dans un territoire fragile en lui octroyant une exonération fiscale. En effet, ce qui vaut pour une entreprise ne vaut pas pour un médecin : le jour même de la pose de sa plaque, son carnet de rendez-vous est plein.
L'aide au démarrage n'a donc pas de sens pour l'installation d'un médecin. Du reste, je vous rappelle que les assureurs et les agences immobilières ont été exclus du dispositif dès le départ, car nous avons estimé qu'ils n'avaient pas besoin de cette exonération fiscale.
Je vous propose donc de sortir purement et simplement les professions médicales du dispositif FRR pour cesser de mettre en concurrence les territoires de façon malsaine et artificielle. À moins que vous n'envisagiez de classer 87 % du territoire en FRR, mais je vous laisse imaginer ce que cela coûterait…
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je rappelle que, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels, dite Valletoux, nous avions limité le bénéfice de ces exonérations à une fois tous les dix ans pour limiter le nomadisme médical.
Par ailleurs, cet amendement pose une question de sécurité juridique : certains médecins s'étant installés en zone de revitalisation rurale en comptant sur le bénéfice de ce dispositif, ils ont peut-être contracté des engagements financiers en conséquence. Aussi, il ne semble pas opportun de les en exclure d'autant que le dispositif que vous visez, celui des ZRR, est en voie d'extinction.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Madame la rapporteure, je comprends tout à fait vos remarques, mais nous devons vraiment faire avancer la réflexion sur ce dispositif. Nous mettons les territoires en concurrence d'une façon totalement artificielle. Si nous étions logiques, 87 % du territoire devrait être classé en FRR pour coller à la proportion de déserts médicaux, ce qui coûterait une fortune !
Nous voyons bien que tout le monde s'accroche à cette classification en ZRR non pas pour attirer des entreprises, mais pour favoriser les installations de professionnels de santé. Il faut avancer sur cette question.
Si je trouve tout à fait normal que l'on rémunère mieux les médecins qui exercent dans les territoires sous-denses, les exonérations fiscales sont discriminantes : les médecins nouvellement installés ne paient pas d'impôts, alors que ceux qui le sont depuis longtemps en paient bel et bien.
Dans le contexte budgétaire actuel, alors que nous demandons des efforts budgétaires à tout le monde, il devient sincèrement indécent que les médecins qui s'installent ne paient pas leurs impôts !
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Je soutiens cet amendement de Mme Sollogoub, car celle-ci met l'accent sur un problème que nous rencontrons dans nos territoires et que vous avez d'ailleurs évoqué, madame la rapporteure : le nomadisme médical. En effet, certains médecins s'installent dans une ZRR pendant cinq ans pour bénéficier du dispositif, puis ils la quittent pour une autre, distante de quelques kilomètres, afin d'en profiter de nouveau.
Outre le fait que ces exonérations pourraient occasionner des dépenses énormes si le nombre de ZRR augmente, elles créent une inégalité entre les médecins déjà installés et ceux qui s'installent.
De plus, comme l'a dit Mme Sollogoub, les médecins n'ont pas besoin d'aide au démarrage, puisque dès le jour où ils posent leur plaque, ils peuvent réaliser suffisamment de consultations pour s'assurer une rémunération.
Je suis donc favorable à la suppression des exonérations fiscales pour l'installation de médecins dans les zones FRR.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. Madame Sollogoub, je vous rappelle qu'à la suite de la réforme des ZRR adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2024, six départements sont entièrement couverts, dont la Nièvre.
Mme Nadia Sollogoub. Non, la ville de Nevers n'est pas couverte !
M. Rémy Pointereau. Si, l'ensemble du département est couvert.
Mme Nadia Sollogoub. C'est quand même mon département…
M. Rémy Pointereau. Pourtant, en principe, la Nièvre est intégralement incluse, y compris Nevers. Il faudrait demander à notre collègue Bernard Delcros, qui était à l'initiative de cette proposition.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je souhaite abonder dans le sens de Rémy Pointereau. Il convient de faire preuve de prudence. Peut-être sommes-nous allés trop loin dans le zonage FRR, mais il faut reconnaître qu'en milieu rural profond le dispositif a permis des installations de médecins et en permettra peut-être d'autres.
Je veux bien admettre que le dispositif pose problème dans certaines zones et doive être révisé, mas je voudrais rappeler que Bernard Delcros et Patrice Joly se sont mobilisés pour que les territoires ruraux conservent le bénéfice des ZRR. Soyons très prudents sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Je soutiens cet amendement. Je pourrais vous citer des exemples très précis de médecins qui se sont déplacés dans une zone voisine classée FRR pour profiter de nouveau des 50 000 euros d'aide à l'installation et des exonérations d'impôts – 75 % pendant leurs cinq premières années d'exercice, 50 % les trois années suivantes et 25 % les deux années suivantes.
La différence de traitement est telle qu'il existe une fuite de médecins vers les zones FRR limitrophes de leur lieu d'exercice, qui emportent d'ailleurs avec eux leur patientèle.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Madame Sollogoub, je suis d'accord avec vous. Dans le cadre du pacte de lutte contre les déserts médicaux, j'ai demandé une mission d'inspection sur ce sujet qui mobilise l'inspection générale des affaires sociales (Igas), l'inspection générale des finances (IGF) et l'inspection générale de l'administration (IGA). J'attends les conclusions de cette mission pour savoir comment rectifier la situation difficile que vous avez très bien décrite.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Cette discussion est fort intéressante, mais n'est-ce pas justement le moment de dresser la liste de l'ensemble des dispositifs qui sont mobilisés depuis dix ans pour inciter à l'installation dans les déserts médicaux ? Il serait intéressant de mesurer ce que versent les communes, les intercommunalités, les départements, les régions et l'État et combien coûtent les défiscalisations.
Quelle somme représente le cumul de toutes ces aides et pour quelle efficacité ? J'aimerais obtenir une réponse à cette question. Pour ma part, j'ai relevé vingt-quatre dispositifs incitatifs. Ce sujet mérite davantage d'information.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 108, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Dans les zones mentionnées au 2° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique, les médecins exerçant à titre libéral ou salarié ne peuvent facturer de dépassements d'honoraires par rapport aux tarifs opposables prévus par les conventions mentionnées à l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale.
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à proscrire les dépassements d'honoraires dans les zones sur-denses. Au fond, il s'inscrit largement dans la logique ayant conduit les auteurs de la proposition de la loi à rédiger l'article 5.
En effet, cet article suggère – cela suscite de nombreuses discussions – que la modulation de la rémunération des médecins constitue un instrument de pilotage territorial. Nous proposons de pousser la logique.
Dans les zones où l'offre de soins est déjà abondante, la faculté de pratiquer des dépassements d'honoraires ne contribue pas à améliorer l'accès aux soins. Elle conduit seulement à des augmentations tarifaires et à l'essor de certaines spécialités, notamment la médecine esthétique. Elle n'incite donc pas du tout à améliorer la qualité des soins.
En adoptant cet amendement, nous doublerions donc in fine le signal vertueux envoyé par l'article 5.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je ne reviens pas sur le fait que les dépassements d'honoraires sont d'ores et déjà encadrés par le code de déontologie et la convention médicale.
Les médecins qui ont choisi le secteur 2 lors de leur primo-installation ne bénéficient pas – et heureusement – de certaines aides conventionnelles et de la prise en charge d'une partie de leurs cotisations.
Le fait d'interdire les dépassements d'honoraires par la loi remettrait profondément en cause la situation actuelle et bouleverserait plusieurs dispositifs conventionnels. Le moment ne me semble pas opportun pour le faire. Il faudrait alors débattre de l'éventualité de supprimer purement et simplement le secteur 2 et le secteur 3.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6
Le livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le quatrième alinéa de l'article L. 4131-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le médecin qui sollicite le remplacement s'absente pour concourir à l'amélioration de l'accès aux soins dans des territoires caractérisés par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° de l'article L. 1434-4, l'autorisation ne peut être refusée que pour un motif impérieux tenant à la qualité et à la sécurité des soins, ou en cas de manquement aux principes, aux devoirs professionnels et aux règles déontologiques mentionnés aux articles L. 4121-2 et L. 4122-1. » ;
2° Après le deuxième alinéa de l'article L. 4141-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le chirurgien-dentiste qui sollicite le remplacement s'absente pour concourir à l'amélioration de l'accès aux soins dans des territoires caractérisés par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° de l'article L. 1434-4, l'autorisation ne peut être refusée que pour un motif impérieux tenant à la qualité et à la sécurité des soins, ou en cas de manquement aux principes, aux devoirs professionnels et aux règles déontologiques mentionnés aux articles L. 4121-2 et L. 4122-1. » ;
3° Après le deuxième alinéa du I de l'article L. 4151-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la sage-femme qui sollicite le remplacement s'absente pour concourir à l'amélioration de l'accès aux soins dans des territoires caractérisés par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° de l'article L. 1434-4, l'autorisation ne peut être refusée que pour un motif impérieux tenant à la qualité et à la sécurité des soins, ou en cas de manquement aux principes, aux devoirs professionnels et aux règles déontologiques mentionnés aux articles L. 4121-2 et L. 4122-1. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 129, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Après l'article L. 4131-2-1, il est inséré un article L. 4131-2-… ainsi rédigé :
II. – Alinéa 3, au début
Insérer la référence :
Art. L. 4131-2-…. -
III. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Après l'article L. 4141-4, il est inséré un article L. 4141-4-… ainsi rédigé :
IV. – Alinéa 5, au début
Insérer la référence :
Art. L. 4141-4-…. -
V. – Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° Après l'article L. 4151-6, il est inséré un article L. 4151-6-… ainsi rédigé :
VI. – Alinéa 7, au début
Insérer la référence :
Art. L. 4151-6-…. -
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 75 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Grosvalet, Mme Jouve et MM. Masset et Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Après l'article L. 4113-5, il est inséré un article L. 4113-… ainsi rédigé :
II. – Alinéa 3
Après le signe :
«
insérer la référence :
Art L. 4113-.... –
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Cet amendement a pour objet d'étendre les dispositions de l'article 6 à l'ensemble des médecins qui sollicitent un remplacement.
Par souci de cohérence, je souhaite le rectifier pour le rendre identique à celui de la commission.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 75 rectifié bis, dont le libellé est identique à l'amendement n° 129.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 129 et 75 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la date de publication du décret mentionné au V, l'État peut autoriser les centres de santé créés et gérés par des organismes à but non lucratif mentionnés au I de l'article L. 6323-1-3 du code de la santé publique à conclure des contrats de travail à durée déterminée dans les conditions prévues aux II à V du présent article, lorsqu'ils sont situés dans un territoire caractérisé par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique.
L'autorisation mentionnée au premier alinéa du présent I est délivrée par le directeur de l'agence régionale de santé dans des conditions précisées par un arrêté du ministre chargé de la santé.
II. – Dans les centres de santé participant à l'expérimentation, les professionnels mentionnés à l'article L. 6323-1-5 du code de la santé publique sont soumis aux dispositions du code du travail, à l'exception des articles L. 1221-2, L. 1242-1 à L. 1242-3, L. 1242-8, L. 1242-8-1, L. 1243-8 à L. 1243-10, L. 1243-13, L. 1243-13-1, L. 1244-3 à L. 1245-1 et L. 1248-1 à L. 1248-11.
Tout contrat conclu dans les conditions prévues au présent II et aux III à V par lequel un centre de santé participant à l'expérimentation s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un professionnel mentionné au premier alinéa du présent II est un contrat de travail à durée déterminée.
III. – La durée du contrat de travail mentionné au II ne peut être inférieure à une semaine ni supérieure à cinq ans. Ce contrat peut être renouvelé.
IV. – Est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des règles de fond et de forme prévues aux I à III. Le fait de méconnaître les règles de fond et de forme prévues aux mêmes I à III est puni d'une amende de 3 750 euros. En cas de récidive, la peine est portée à six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende.
V. – Un décret détermine les modalités de mise en œuvre de l'expérimentation mentionnée au I. Les ministres chargés de la santé et du travail arrêtent la liste des départements participant à cette expérimentation, dans la limite de vingt, dont deux départements d'outre-mer.
VI. – Au plus tard trois mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d'évaluation. Ce rapport se prononce notamment sur la pertinence d'une généralisation.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 52 rectifié est présenté par MM. V. Louault et Laménie, Mme Lermytte et M. A. Marc.
L'amendement n° 105 rectifié bis est présenté par M. Fichet, Mmes Le Houerou et Poumirol, MM. Uzenat, Gillé et Kanner, Mmes Conconne, Canalès et Féret, M. Jomier, Mmes Lubin et Rossignol, MM. Mérillou, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour présenter l'amendement n° 52 rectifié.
Mme Marie-Claude Lermytte. Cet article impose le contrat à durée déterminée comme seul contrat possible pour des soignants pourtant soumis à un code de déontologie. Du reste, la modification du II par la commission n'a fait que créer une ambiguïté à ce sujet.
Le professionnel de santé serait placé dans une relation de particulière sujétion envers son employeur, ce qui fragiliserait son indépendance professionnelle. Dans un contexte de financiarisation des centres de santé, les suites de cette expérience pourraient devenir insupportables pour ces employés.
Par ailleurs, ce dispositif altère la continuité des soins.
De surcroît, le contrat à durée déterminée implique une instabilité du travail susceptible d'amoindrir fortement l'attractivité de l'emploi salarié des professionnels de santé.
Il est inacceptable de créer un tel précédent par voie d'expérimentation : ce dispositif est difficilement compatible avec la déontologie et ses répercussions seraient délétères sur l'accès aux soins.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l'amendement n° 105 rectifié bis.
M. Jean-Luc Fichet. L'article 7 tend à autoriser, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, les centres de santé implantés en zone sous-dense à déroger au droit du travail. Il précise que tout contrat passé dans ce cadre serait un contrat à durée déterminée, d'une durée minimale d'une semaine et maximale de cinq ans.
En d'autres termes, il est proposé de flexibiliser davantage l'emploi dans ces centres de santé au prétexte de renforcer l'accès aux soins.
Nous nous interrogeons profondément sur cette logique : en quoi le fait de fragiliser les conditions d'emploi des soignants résoudrait-il les problèmes structurels liés à l'offre de soins dans ces territoires ?
Ce n'est pas en précarisant les professionnels que nous rendrons ces zones plus attractives, bien au contraire. En effet, cela risque d'aggraver les difficultés de recrutement et de nuire encore davantage à une installation durable de professionnels de santé.
Cette mesure ouvre la porte à une forme de traitement dérogatoire pour les soignants selon les territoires. Cela nous semble non seulement injuste, mais aussi inefficace et dangereux. L'amélioration de l'accès aux soins passe par des investissements, des conditions de travail dignes, de la stabilité et de la reconnaissance, et non pas par un affaiblissement du droit du travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Vous l'aurez compris, ces deux amendements visent à supprimer l'article 7.
Celui-ci découle pourtant d'une initiative locale de l'association Médecins solidaires et des réalités de terrain. Chacun ici connaît cette association et il convient de saluer son action. Elle a développé un modèle original, qui répond aux besoins des patients résidant dans des zones sous-denses et donne aux praticiens l'occasion de diversifier leur activité sur la base du volontariat.
Ce modèle, qui est plutôt plébiscité par les médecins, est également approuvé par les étudiants et jeunes professionnels que nous avons auditionnés.
Pour répondre précisément aux critiques qui ont été formulées, je rappelle que tous les professionnels exerçant en centre de santé sont salariés. Il existe donc par nature une relation de sujétion à l'employeur. Pour autant, le salariat ne nuit pas en lui-même à l'indépendance des professionnels de santé.
Ce modèle d'exercice très ponctuel est d'ailleurs recherché par bon nombre de praticiens, soit parce qu'ils exercent principalement ailleurs, soit parce qu'ils sont retraités.
Par ailleurs, l'article 7 ne fait nullement obstacle à la conclusion de contrats à durée indéterminée. Nous avons tenu à clarifier ce point dans le texte de la commission.
Enfin, contrairement à ce que vous affirmez, madame Lermytte, il ne pose aucun problème de continuité des soins. Celle-ci est actuellement assurée sans difficulté notable dans les centres agréés par Médecins solidaires.
Le ministère de la santé connaît bien la situation de ces centres et la direction générale de l'offre de soins (DGOS) nous a indiqué être favorable à la généralisation de ce modèle, qui a fait ses preuves sur le terrain. Ainsi, en 2023, 2 710 patients ont retrouvé un médecin traitant dans l'un des centres gérés par l'association.
Lorsque des solutions innovantes sont proposées par des acteurs de terrain, il me semble utile de s'en inspirer pour trouver des réponses concrètes aux difficultés d'accès aux soins. C'est ce que fait cet article, en répondant aux observations dont nous ont fait part les représentants de l'association lorsque nous les avons rencontrés il y a un an.
De surcroît, il le fait de façon encadrée et sous la forme d'une expérimentation. La commission a été attentive à bien border la mesure. Le cadre expérimental sécurise le dispositif et permet de valider sa pertinence pour répondre aux difficultés d'accès aux soins dans des conditions respectueuses des médecins salariés.
Cela étant dit, le ministre vient de nous annoncer qu'un décret devant paraître dans les tout prochains jours répondra à l'objet de l'article. Dans l'attente d'une explication plus précise de sa part, je m'en remettrai donc, à titre personnel, à la sagesse du Sénat sur ces amendements de suppression de l'article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Monsieur Fichet, je ne peux pas vous laisser dire que l'objet de cet article serait de précariser la profession médicale. Ce n'est pas du tout le sujet !
Nous sommes nombreux à avoir été saisis par Médecins solidaires, qui s'appuie sur un dispositif bien huilé : le médecin part une semaine, souvent dans une zone géographique qu'il ne connaît pas, et il exerce du lundi matin au samedi midi, sauf le jeudi après-midi, moment dont il profite pour découvrir le territoire.
L'idée n'est pas du tout de précariser les médecins, qui apprécient ce dispositif. Il s'agit simplement de répondre à une demande de leur part d'être en mesure de signer plusieurs contrats successifs. Voilà pourquoi nous avons cherché à introduire de la flexibilité.
L'article 7 prévoit de créer une expérimentation dont je comprends l'intention dans la mesure où la proposition de loi cible les territoires qui rencontrent des difficultés d'accès aux soins. Toutefois, il me semble préférable de procéder par voie réglementaire, en étendant la liste des secteurs autorisés à recourir au CDD dit d'usage.
Ainsi, un décret sera pris dans les jours qui viennent pour ajouter à cette liste le cas spécifique du recours à des médecins dans des centres de santé. Nous répondrons ainsi aux besoins dans les territoires sous-denses en rendant plus souples ces recrutements spécifiques, plutôt qu'en créant un nouveau contrat.
Le Gouvernement soumettra cette mesure demain aux partenaires sociaux représentatifs dans le cadre de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP). Le décret sera ensuite publié dans les jours suivants.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques de suppression de l'article.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.
M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, le fait d'instaurer un CDD d'une semaine à cinq ans risquait de créer une forme de jurisprudence qui posait question au regard de l'ensemble des CDD de droit commun. J'estime pour ma part que cette démarche était très risquée.
Vous proposez donc, si je comprends bien, de vous appuyer sur un outil existant, le CDD d'usage, qui est un contrat réglementé, en procédant par décret sous couvert de l'accord des partenaires sociaux. Dès lors, il ne s'agit plus de déroger au droit commun. La démarche est complètement différente et elle est beaucoup plus claire du point de vue du droit.
Je tiens à insister sur le fait que les amendements de suppression ont donc été déposés à bon escient.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Pour que les choses soient claires, la commission ne dévie pas de sa ligne, qui est de répondre aux demandes de l'association Médecins solidaires.
Toutefois, dès lors que le Gouvernement s'engage à le faire par voie réglementaire et en recourant au droit commun, cet article n'est plus nécessaire.
La commission émet donc un avis favorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 52 rectifié et 105 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 est supprimé, et les amendements nos 79 et 63 n'ont plus d'objet.
Après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié bis, présenté par Mmes Berthet et Belrhiti, MM. Bouchet, J.M. Boyer, Brisson, Cadec et Chaize, Mme Dumont, MM. Duplomb, Genet, Gremillet, Klinger et Lefèvre, Mme Malet, M. Panunzi, Mme Puissat et M. Sol, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du n du 2° du II de l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : « population d'une commune » sont insérés les mots : « ou d'une commune déléguée dans une zone de montagne ».
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. En zone de montagne, certaines communes nouvelles s'étendent sur les deux versants d'une vallée, ce qui les expose à d'importantes contraintes de dénivelé. L'accès aux médicaments s'en trouve considérablement compliqué. Il l'est également lorsque la pharmacie la plus proche se situe sur l'autre versant du massif dans une commune déléguée voisine.
Notre objectif est donc d'étendre le dispositif expérimental de desserte par antennes de pharmacie, en permettant aux communes déléguées des zones de montagne d'en bénéficier lorsque la dernière pharmacie y a cessé son activité.
Une telle mesure n'affecterait en rien la répartition géographique actuelle des officines. En revanche, elle permettrait de maintenir une présence pharmaceutique minimale dans les zones isolées de montagne. En ce sens, elle a toute sa place dans cette proposition de loi, qui vise une meilleure répartition des professionnels de santé sur le territoire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ma chère collègue, l'expérimentation que vous proposez d'étendre a connu ses premières concrétisations très récemment, en 2024. Elle est déployée de manière progressive à la suite de l'adoption de la loi Valletoux en décembre 2023, qui a levé les obstacles juridiques s'opposant à sa mise en œuvre.
En commission, vous avez déposé un amendement comparable à celui-ci, mais dont l'objet était plus large. Depuis, vous avez accepté de limiter ce dispositif aux zones de montagne, ce qui me semble plus judicieux.
À ce jour, nous n'avons que peu de recul sur la mise en œuvre de cette expérimentation – j'insiste sur son caractère très récent. Il me semble important de la conduire dans le temps avant de l'évaluer, de statuer sur l'opportunité de la pérenniser dans le droit commun et, le cas échéant, d'envisager l'adaptation des critères utilisés.
Pour autant, vous visez désormais des situations très précises et la mesure que vous proposez est suffisamment ciblée pour que sa mise en œuvre ne déséquilibre pas le dispositif initial. Nous n'avons donc plus à redouter les effets de bord que les dispositions de votre premier amendement auraient pu provoquer.
La commission émet, dès lors, un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Madame la sénatrice Berthet, vous m'avez encore dit samedi dernier, dans votre département de la Savoie, combien ce sujet vous tient à cœur.
À cet égard, nous avons pu évoquer ensemble la situation des communes nouvelles. Comme le souligne Mme la rapporteure, le périmètre de votre premier amendement était un peu trop large et vous avez pris soin d'en réécrire en conséquence les dispositions.
De ce fait, le Gouvernement émet à son tour un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Pour ma part, je voterai cet amendement avec enthousiasme.
En montagne, il est sans doute indispensable de permettre aux pharmaciens titulaires de créer des antennes. Mais, plus largement, une telle mesure semble nécessaire dans beaucoup de zones rurales, où bon nombre de petites pharmacies, même à l'échelle des chefs-lieux de canton, tendent désormais à se regrouper et où certaines ne trouvent pas de repreneur. N'oublions pas non plus les enjeux propres au rural profond.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.
Article 8
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le I de l'article L. 4111-2 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, la seconde phrase est remplacée par trois phrases ainsi rédigées : « Le nombre de places ouvertes aux candidats est fixé chaque année, par profession et par spécialité, par un arrêté du ministre chargé de la santé. Ce nombre correspond à un objectif quantitatif d'admission des candidats aux épreuves anonymes de vérification des connaissances. Il tient compte des capacités d'accueil et de formation dans chaque région et chaque subdivision et des besoins prévisionnels du système de santé tenant compte notamment de la démographie de chaque profession et chaque spécialité. » ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « maximum mentionné à l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « de places mentionné au deuxième alinéa » ;
c) Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions d'organisation des épreuves anonymes de vérification des connaissances prévues au même deuxième alinéa sont définies par voie réglementaire. » ;
d) À la première phrase du huitième alinéa, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « sixième » ;
e) Au dernier alinéa, les mots : « cinquième à septième » sont remplacés par les mots : « sixième à huitième » ;
2° L'article L. 4221-12 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, la seconde phrase est remplacée par trois phrases ainsi rédigées : « Le nombre de places ouvertes aux candidats est fixé chaque année, par profession et par spécialité, par un arrêté du ministre chargé de la santé. Ce nombre correspond à un objectif quantitatif d'admission des candidats aux épreuves anonymes de vérification des connaissances. Il tient compte des capacités d'accueil et de formation dans chaque région et chaque subdivision et des besoins prévisionnels du système de santé tenant compte notamment de la démographie de chaque profession et chaque spécialité. » ;
b) Au quatrième alinéa, le mot : « maximum » est remplacé par les mots : « de places » ;
c) Après le même quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions d'organisation des épreuves anonymes de vérification des connaissances prévues au même deuxième alinéa sont définies par voie réglementaire. » ;
d) À la première phrase du sixième alinéa et au dernier alinéa, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « sixième ».
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l'article.
Mme Annie Le Houerou. Mes chers collègues, sur cet article 8, qui est relatif aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), nous avions déposé plusieurs amendements, lesquels ont – hélas ! – été déclarés irrecevables. À tout le moins, je me dois de prendre la parole sur cet article.
Selon les chiffres du Conseil national de l'ordre des médecins, les Padhue représentent de 8 % à 10 % des actifs médicaux dans mon département des Côtes-d'Armor. Cette part s'élève même à près d'un tiers dans l'Aisne ou encore en Eure-et-Loir.
Les Padhue contribuent fortement à l'accès aux soins dans notre pays, mais la France ne leur reconnaît pas des compétences qui sont pourtant sollicitées au quotidien pour tenir à bout de bras son système de santé. En 2023, près de 7 000 Padhue travaillaient sous des statuts précaires – faisant fonction d'interne ou stagiaire associé –, selon la Fédération hospitalière de France (FHF).
Notre procédure de reconnaissance des connaissances et compétences n'est pas adaptée, qui plus est face au manque criant de professionnels de santé. Pour espérer travailler dans les mêmes conditions que leurs confrères d'origine européenne, les Padhue doivent être admis au concours des épreuves de vérification des connaissances (EVC), alors qu'ils travaillent en moyenne de 50 à 75 heures par semaine, si l'on en croit l'enquête Temps de travail 2023 menée par l'intersyndicale nationale des internes (Isni).
Les amendements déposés sur cet article par le Gouvernement visent à faire du concours des EVC un examen pour les seuls Padhue ayant déjà exercé en France. Il s'agit bien sûr d'une avancée, mais, au regard des besoins constatés actuellement, pourquoi ne pas élargir cette mesure à l'ensemble des Padhue ?
De même, il ne paraît pas logique de maintenir l'obligation de stage pour les Padhue ayant déjà exercé en France. Dans ce cas précis, une telle disposition semble redondante.
Pour ma part, je suggère d'aller plus loin, j'ai d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens. Les Padhue ayant exercé au moins deux ans en France et pouvant se prévaloir d'une évaluation positive de leurs connaissances et de leurs compétences par une commission régionale devraient, selon moi, bénéficier d'une reconnaissance sur dossier.
Nous profitons des compétences de ces praticiens, nous bénéficions de leur dévouement – je dirais même que nous en dépendons –, mais nous les maintenons dans des conditions précaires, voire indécentes. Nos hôpitaux pâtissent aussi de cette situation,…
M. le président. Merci, ma chère collègue.
Mme Annie Le Houerou. … les Padhue ne pouvant pas s'engager dans des projets d'établissement.
M. le président. L'amendement n° 113, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes ayant la qualité de réfugié, d'apatride ou de bénéficiaire de l'asile territorial ou de la protection subsidiaire, de la protection temporaire et les Français ayant regagné le territoire national à la demande des autorités françaises, titulaires d'un diplôme, d'un certificat ou d'un autre titre permettant l'exercice de la profession dans le pays d'obtention de ce diplôme, de ce certificat ou de ce titre se voient délivrer une attestation permettant un exercice temporaire, sous réserve du dépôt d'un dossier auprès du directeur général de l'agence régionale de santé de leur lieu de résidence, lequel peut, après examen de ce dossier, prendre une décision d'affectation temporaire du candidat dans un établissement de santé. Le candidat s'engage en contrepartie à passer les épreuves de vérification des connaissances mentionnées au deuxième alinéa. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions de mise en œuvre du présent alinéa. » ;
II. – Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes ayant la qualité de réfugié, d'apatride ou de bénéficiaire de l'asile territorial ou de la protection subsidiaire, de la protection temporaire et les Français ayant regagné le territoire national à la demande des autorités françaises, titulaires d'un diplôme, d'un certificat ou d'un autre titre permettant l'exercice de la profession dans le pays d'obtention de ce diplôme, de ce certificat ou de ce titre se voient délivrer une attestation permettant un exercice temporaire, sous réserve du dépôt d'un dossier auprès du directeur général de l'agence régionale de santé de leur lieu de résidence, lequel peut, après examen de ce dossier, prendre une décision d'affectation temporaire du candidat dans un établissement de santé. Le candidat s'engage en contrepartie à passer les épreuves de vérification des connaissances mentionnées au deuxième alinéa. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions de mise en œuvre du présent alinéa. »
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Cet amendement vise à rétablir une disposition supprimée à compter du 1er janvier 2025, permettant la délivrance d'une attestation d'exercice temporaire aux praticiens détenant le statut de réfugié ou d'apatride, bénéficiant de l'asile territorial ou ayant regagné le territoire national à la demande des autorités françaises.
Plusieurs parlementaires ont appelé mon attention sur la lacune déplorée à ce titre, depuis le 1er janvier dernier, en particulier pour les ressortissants ukrainiens.
Au regard du contexte géopolitique actuel, nous souhaitons recréer la procédure dérogatoire que je viens d'évoquer afin de faciliter le parcours d'autorisation d'exercice temporaire de ces praticiens. Les intéressés doivent pouvoir exercer en France de manière temporaire, en amont de leur réussite aux épreuves de vérification des connaissances et sans rupture de droit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Monsieur le ministre, face au contexte géopolitique que nous connaissons, vous souhaitez réintroduire cette procédure dérogatoire supprimée par la loi Valletoux.
Nous ne disposons pas d'évaluation quantitative ou qualitative, qu'il s'agisse du recours à cette procédure ou du nombre de praticiens qui pourraient en bénéficier. Peut-être pourriez-vous nous communiquer ces données qui, à ce stade, font défaut.
De plus, la loi Valletoux a créé une voie de passage spécifique pour répondre à la situation des Padhue présents sur le territoire national, mais non lauréats des EVC, afin qu'ils puissent exercer temporairement sous réserve du passage de ces épreuves. L'autorisation temporaire dont il s'agit est délivrée pour une durée de treize mois renouvelables une fois.
Pour autant, la commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 67 rectifié est présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly et Silvani, M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L'amendement n° 112 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au deuxième alinéa, pour les personnes disposant d'une expérience professionnelle sur le territoire français dans la profession, ou le cas échéant la spécialité correspondant à la demande d'autorisation, les épreuves de vérification des connaissances prennent la forme d'un examen. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions de mise en œuvre du présent alinéa. » ;
II. – Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au deuxième alinéa, pour les personnes disposant d'une expérience professionnelle sur le territoire français dans la profession, ou le cas échéant la spécialité correspondant à la demande d'autorisation, les épreuves de vérification des connaissances prennent la forme d'un examen. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions de mise en œuvre du présent alinéa. » ;
La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l'amendement n° 67 rectifié.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, le dépôt de cet amendement ne saurait vous étonner : voilà quelques années maintenant que nous défendons les Padhue, et nous sommes ravis que vous nous rejoigniez ! (M. le ministre s'exclame.) Je constate en effet que nous proposons des mesures communes en ce sens.
En parallèle, un certain nombre de dispositions réglementaires doivent être prises pour sortir les Padhue de la précarité et donc conserver leurs compétences, sans lesquelles notre système de santé serait encore plus en difficulté.
En particulier, pour les Padhue remplissant un certain nombre de conditions, il est nécessaire de transformer en examen le concours chargé d'évaluer leurs compétences. Dans bien des cas, ces dernières ne font aucun doute, puisque les praticiens dont il s'agit exercent d'ores et déjà dans nos services de santé.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 112.
M. Yannick Neuder, ministre. Madame Brulin, l'article 8 nous donne enfin l'occasion de nous accorder sur un point – j'en veux pour preuve nos deux amendements identiques – et je suis très heureux que vous rejoigniez la position du Gouvernement ! (Sourires.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, que les choses soient bien claires : nous devons bien sûr continuer de contrôler avec vigilance les connaissances et les compétences des Padhue. L'ensemble des praticiens exerçant en France doivent être soumis au même degré d'exigence, car chacun de nous, chacun des membres de nos familles doit être soigné avec la même confiance, que ce soit par un Padhue, par un médecin issu de l'Union européenne ou par un médecin diplômé en France. Cela étant, diverses mesures de simplification semblent aujourd'hui s'imposer.
Au titre de l'année 2024, 4 000 postes de Padhue ont été attribués, mais un certain nombre d'affectations restent problématiques malgré la réussite au concours. J'ai pris soin de les recenser : on en dénombre à peu près 300. J'ai confié ce dossier à la DGOS et, dans les jours qui viennent, je me pencherai personnellement sur le sujet pour que tout Padhue ayant réussi l'examen se voie bien proposer un poste. Nous allons résoudre ce problème avec la DGOS – je m'y engage devant vous.
Plus précisément, il faut bien distinguer les enjeux relatifs aux voies externe et interne.
Pour la voie interne, le recours à des commissions nationales ne me paraît pas acceptable. Permettez-moi de citer mon expérience personnelle : en tant que praticien hospitalier, je validais à la fois mes externes et mes internes. Je ne voyais pas pourquoi je ne pouvais pas valider les Padhue. Il est tout à fait normal que l'on rétablisse une évaluation par les chefs d'unité, de pôle, de service, ou encore par les présidents des commissions médicales d'établissement (CME). Si cette organisation reste à définir, il est indispensable d'assurer localement la validation des compétences.
Pour la voie externe, destinée à évaluer les connaissances, il faut effectivement transformer le concours actuel en un examen, mais je ne peux pas le faire par décret : il nous faut un véhicule législatif. Monsieur le président de la commission, votre proposition de loi nous permet de procéder à cette réforme et je vous en remercie.
Nous aurons ainsi fluidifié toute la partie interne pour 2025 et, pour 2026, nous bénéficierons de ce véhicule législatif. Le rythme de croisière reste à préciser, mais quelque 4 000 praticiens à diplôme hors Union européenne viendront renforcer les effectifs de nos hôpitaux à partir de l'année prochaine. Gardons bien à l'esprit que, dans certains établissements, les Padhue représentent de 30 % à 40 % de la masse médicale.
Enfin – je le dis sans provocation aucune –, on peut concevoir que les Padhue souhaitent à terme sortir de l'hôpital, pour faire du « projeter-vers » ou de « l'aller-vers » en exerçant à l'extérieur de leur établissement de santé.
À ce titre, je vais lancer d'ici quelques jours une expérimentation dans mon département : il s'agira, pour ces médecins, d'aller d'un centre hospitalier universitaire (CHU) vers un hôpital périphérique, puis vers des maisons médicales pour y apporter de nouvelles compétences.
Plus largement, je souhaite recréer les statuts mixtes que nous avons connus par le passé, grâce auxquels les praticiens hospitaliers pouvaient exercer une activité libérale et, ce faisant, renforcer le maillage territorial des soins.
Sur ce sujet, il faut savoir faire preuve d'une grande ouverture : c'est tout le sens de cet amendement.
Madame Brulin, je le répète, je suis très heureux que vous nous rejoigniez sur ce sujet.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Monsieur le ministre, la réforme des EVC, que vous avez annoncée dès le mois de février dernier, me paraît bienvenue sur le principe. En 2024, les résultats de ces épreuves ont suscité des critiques et des interrogations : il fallait que ces incompréhensions soient levées.
Pour autant, la création d'un examen spécifique ne doit pas conduire à dégrader les exigences d'évaluation des candidats. Notre commission continuera d'y veiller – nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de l'article 9.
En outre, il ne suffit pas de remplacer un concours par un examen pour répondre aux attentes des différents acteurs. Il faut garantir une réelle équité entre spécialités ; en ce sens, il faut s'efforcer d'homogénéiser les exigences des jurys entre spécialités.
Ce travail doit être mené avec les représentants des Padhue, ceux des ordres professionnels, les acteurs du monde hospitalier et les doyens d'université, en conservant le même objectif : la qualité de la formation. C'est à cette condition que la réforme des EVC sera une réussite.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission émet un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à examiner personnellement les 300 dossiers de ces praticiens qui, malgré des notes correctes obtenues à l'examen de 2024, sont aujourd'hui en difficulté faute de proposition d'affectation.
Je vous en remercie d'autant plus que, tous groupes politiques confondus, nous avons plaidé en ce sens. Nous attendons évidemment le résultat de cette analyse.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Mes chers collègues, je voterai ces deux amendements identiques, déposés respectivement par Mme Brulin et par le Gouvernement.
Lors de l'examen du présent texte en commission, j'ai moi-même appelé l'attention sur la nécessité de clarifier les conditions de réussite des Padhue aux épreuves de vérification des connaissances.
En effet, j'ai été alerté par de nombreux médecins étrangers qui exercent en France depuis plusieurs années, qui ont obtenu aux EVC des notes largement supérieures à dix et qui, pourtant, ont été recalés. Dans le même temps – c'est ce que l'on m'a certifié –, certains candidats ont été reçus malgré des notes inférieures à la moyenne…
De telles situations sont incompréhensibles dans le contexte de désertification médicale que connaissent bon nombre de nos territoires.
Le Gouvernement prévoit une dérogation en faveur des praticiens exerçant sur le territoire français : pour ces derniers, les épreuves de vérification des connaissances prendraient la forme d'un examen et non d'un concours. En parallèle, on laisserait davantage de place aux responsables ayant accueilli les Padhue au titre de l'évaluation, dans le parcours de consolidation des compétences.
Ces mesures justes et pertinentes permettront de régulariser la situation de nombreux Padhue ayant donné la preuve de leur engagement et de leur compétence.
Enfin, je salue l'expérimentation que M. le ministre s'apprête à lancer dans son département. Une telle initiative pourrait d'ailleurs être déployée ailleurs. Nombre de Padhue relevant d'établissements périphériques, dont les compétences et les connaissances ont été validées, sont à même d'assurer des consultations en maison de santé.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 67 rectifié et 112.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures,
(À suivre)