M. Pierre Ouzoulias. Non ! On ne peut pas vous suivre sur cela !

M. Georges Naturel. À Wallis et à Futuna, comme ailleurs dans le Pacifique, la République ne s’est pas imposée par effraction. Elle s’est enracinée dans un terreau déjà ancien fait de royauté, de coutume, de foi et de respect. Elle a su – du moins, je le crois – composer avec ces équilibres, parfois complexes, mais toujours porteurs d’une identité forte.

La République reconnaît des rois à Wallis. Elle ne leur demande pas de renier leur couronne pour devenir citoyens. Pourquoi demanderait-elle à des enseignants d’oublier ce qu’ils sont, d’où ils viennent et ce qu’ils portent ?

L’intégration dans la fonction publique d’État doit donc être plus qu’un changement administratif : une reconnaissance, de leur engagement, bien sûr, mais aussi de leur insularité, de leur culture et de leur ancrage pacifique.

En tant que sénateur de Nouvelle-Calédonie, je mesure pleinement cette responsabilité. Car une partie importante de la communauté wallisienne et futunienne vit aujourd’hui chez nous. À Dumbéa, ma commune de cœur, nombreux sont les enseignants, les parents et les enfants issus de ces îles sœurs, qui contribuent à la vie de la cité et à la richesse de notre identité océanienne.

Il est donc naturel – c’est le cas de le dire (Sourires.) – que je m’exprime aujourd’hui pour leur témoigner, au nom de la solidarité du Pacifique, tout mon soutien.

Sur le principe, je voterai ce texte, non seulement parce qu’il est attendu, mais aussi parce qu’il est juste, parce qu’il rétablit une égalité de traitement et parce qu’il met fin à une ambiguïté juridique devenue intenable.

Toutefois, je veux ici exprimer solennellement un vœu : que les ordonnances à venir ne soient pas rédigées depuis une tour d’ivoire ministérielle, dans un entre-soi métropolitain qui méconnaîtrait les lagons, les palabres et les chefs coutumiers ; qu’elles soient le fruit d’une vraie concertation avec les élus, les enseignants, les représentants des chefferies et tous les acteurs du territoire. Car on ne gouverne pas Wallis-et-Futuna comme on administre un département de l’Hexagone. Le droit y a sa place, bien sûr, mais le dialogue y est la clé.

Aussi, que cette loi d’habilitation soit l’occasion d’un nouveau départ : un départ républicain, mais respectueux, un départ national et pacifique. (Applaudissements sur lensemble des travées, à lexception de celles du groupe CRCE-K.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi relatif au transfert à l’état des personnels enseignants de l’enseignement du premier degré dans les îles wallis et futuna

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif au transfert à l'État des personnels enseignants de l'enseignement du premier degré dans les îles Wallis et Futuna
Article 2 (début)

Article 1er

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi prévoyant les conditions et modalités selon lesquelles, au terme de la convention du 5 juin 2020 portant concession à la mission catholique de l’enseignement du premier degré sur le territoire des îles Wallis et Futuna pour les années 2020-2025, les personnels enseignants qui en relèvent peuvent, quel que soit leur niveau de diplôme :

1° Être intégrés dans les corps de la fonction publique de l’État ;

2° Opter en faveur du maintien de leur affiliation, pour leur retraite, au régime géré par la Caisse des prestations sociales des îles Wallis et Futuna ou être affiliés au régime spécial dont relève leur corps d’intégration et bénéficier des prestations de ces régimes.

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Ouzoulias, Mme Apourceau-Poly, MM. Bacchi, Barros, Basquin et Brossat, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Margaté, M. Savoldelli, Mmes Silvani et Varaillas et M. Xowie, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

pour y dispenser un enseignement conforme au principe de laïcité

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. La loi de 1905 ne s’applique pas à Wallis-et-Futuna. Elle ne s’applique pas non plus à la Guyane, ni même à Saint-Pierre-et-Miquelon, cher collègue Ruel.

Il était prévu qu’elle s’appliquerait à l’ensemble des territoires de la République, mais en 1905, l’exécutif a décidé de déroger à ce principe fondamental et constitutionnel. Il a estimé en effet que « la laïcité [est] réservée pour les esprits très éclairés de la métropole ». Cela reflète les sentiments que l’on avait à l’époque pour l’outre-mer…

C’est sur cette base, celle d’un passé colonial, qu’une délégation de service public sui generis a été accordée à l’Église catholique en 1969, ce qui est très peu conforme à l’esprit des lois.

Aujourd’hui, grâce à vos efforts, cher collègue Kulimoetoke, cette exception prend fin. C’est justice pour les enseignants et pour un territoire qui veut rester au sein de la République.

J’ai déposé cet amendement, madame la ministre, pour avoir la certitude que la loi qui nous sera proposée dans moins de six mois sera conforme au principe de laïcité et ne permettra pas la création d’un nouveau système dérogatoire à la loi de 1905 et à la séparation des Églises et de l’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Evelyne Corbière Naminzo, rapporteure. Mon cher collègue, la Constitution définit la France comme une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Cet amendement tend à rappeler l’un de ces grands principes, auquel je suis très attachée.

Vous l’aurez compris, en d’autres circonstances, j’aurais peut-être cosigné votre amendement.

Mme Evelyne Corbière Naminzo, rapporteure. En tant que rapporteure, je rappelle que, en intégrant le corps des professeurs des écoles, les maîtres d’école de Wallis-et-Futuna seront soumis aux mêmes droits et obligations que tous les fonctionnaires, notamment au regard de la laïcité et de la neutralité.

Par ailleurs, l’enseignement primaire rejoindra l’école de la République avec la fin de la convention de concession, mais nous avons tous compris qu’il s’agissait d’une première étape, certes importante, vers le retour dans le giron de l’État.

Dès lors, cet amendement, monsieur le sénateur, est satisfait, puisque les dispositions qu’il vise à insérer sont déjà prévues dans le code de l’éducation.

Toutefois, madame la ministre, je souhaite vous entendre pour que les garanties à ce sujet soient claires. J’espère que ce débat permettra de lever toutes les incertitudes sur les ambitions que nous avons pour l’école de la République à Wallis-et-Futuna.

La Commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Monsieur le président, je voudrais tout d’abord répondre à la question qui a été posée à plusieurs reprises, en particulier par le sénateur Mikaele Kulimoetoke, sur les personnels non enseignants, une préoccupation que nous partageons tous.

Dans l’immédiat, les personnels non enseignants seront intégrés sous le statut de contractuels de droit public. Il manque à ce jour un décret en application de l’ordonnance n° 2013-81 et, en lien avec mon collègue chargé de la fonction publique, je m’engage à ce que ce texte soit pris rapidement.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Pour revenir à l’amendement n° 1, vous aurez compris que, avec le texte dont nous débattons aujourd’hui, l’État va retrouver pleinement ses compétences, notamment en termes d’éducation, donc de respect du principe de laïcité.

Par conséquent, cet amendement est satisfait, me semble-t-il, si bien que j’en demande le retrait. À défaut, mon avis serait défavorable.

M. le président. Monsieur Ouzoulias, l’amendement n° 1 est-il maintenu ?

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, mes chers collègues, je ne suis pas absolument opposé aux spécificités locales. Il se trouve que, à Wallis et Futuna, 99 % des terres appartiennent à la communauté. En tant que communiste, je trouve donc qu’il existe à Wallis et Futuna des expériences très intéressantes qui mériteraient d’être développées en métropole… (Rires.)

Plaisanterie mise à part, j’ai entendu, madame la ministre, vos engagements en faveur de la laïcité. Vous les avez exprimés à plusieurs reprises de manière ferme, notamment depuis votre nomination au ministère de l’éducation nationale. Je vous fais donc pleinement confiance.

Aussi, monsieur le président, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif au transfert à l'État des personnels enseignants de l'enseignement du premier degré dans les îles Wallis et Futuna
Article 2 (fin)

Article 2

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Mikaele Kulimoetoke, pour explication de vote.

M. Mikaele Kulimoetoke. Je tiens tout d’abord à remercier de leur soutien tous les collègues qui sont intervenus dans ce débat. De même, je remercie Mme la ministre de ses explications et des réponses qu’elle a apportées aux doléances des enseignants et des non-enseignants de Wallis-et-Futuna.

Madame la ministre, il faut en effet prendre un décret très rapidement pour régler la question des personnels non enseignants, car l’arrêté de 1976 prévoit un statut de droit privé. Ce décret devra reprendre l’ensemble des droits auxquels les agents publics peuvent prétendre à Wallis-et-Futuna. Enfin, ces personnels ne devront être contractuels que le temps d’organiser les concours pour les intégrer dans les différents corps de la fonction publique de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je veux tout d’abord remercier Mme la rapporteure de la qualité de son travail. Cela n’a pas été facile, d’autant que nous avons découvert au fur et à mesure que le dossier n’était pas aussi évident qu’il le semblait.

Mes chers collègues, je crois que nous faisons œuvre de justice pour tous les personnels qui se sont engagés dans des statuts relativement précaires. Je pense notamment aux dix oubliés que nous avons réintégrés dans le dispositif. Il était extrêmement important de le faire. Il y aura maintenant un service public de plein exercice à Wallis et Futuna.

Je veux aussi dire à notre collègue Georges Naturel que la laïcité n’est pas la manifestation d’un néocolonialisme attardé. C’est au contraire une œuvre d’humanité à laquelle nous faisons accéder nos frères et nos sœurs de Wallis et Futuna. Pour moi, c’est un projet politique d’une très grande portée. La laïcité n’est pas contre la religion, bien au contraire ; c’est ce qui permet l’ouverture au monde.

Au cours de cette discussion, nous nous sommes aperçus que les statuts des territoires ultramarins, notamment ceux de l’océan Pacifique, ont évolué, mais pas celui de Wallis-et-Futuna, qui en est resté à la loi de 1961.

Or cette loi est complètement obsolète, et il serait peut-être temps – la décision revient toutefois aux Wallisiens et aux Futuniens – de réfléchir à un nouveau statut et de travailler à une autre forme d’alliance entre Wallis-et-Futuna et la République. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Au risque de la répétition, je veux mettre en avant le consensus qui s’exprime dans notre assemblée sur ce texte.

Je veux à mon tour remercier Mme la rapporteure, qui a réalisé un excellent travail.

Outre qu’elle est un signe de consensus, la présence de nombreux sénateurs en ce lundi après-midi constitue un message à nos compatriotes de Wallis et Futuna quant à l’intérêt que le Sénat porte à l’enseignement dans leur territoire.

C’est aussi un message adressé aux professeurs, qui sont représentés en tribune par leurs représentants syndicaux et qui se sont battus pour sortir par le haut de la situation qu’ils vivaient. Ils voulaient un enseignement de la meilleure qualité possible pour les élèves de Wallis et Futuna. Je veux les remercier des combats qu’ils ont menés et dont notre collègue de Wallis et Futuna s’est fait l’écho.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. Max Brisson. Madame la ministre, nous avons réglé la question des dix – excellents – professeurs qui n’ont pas le baccalauréat ; il reste maintenant celle des personnels non enseignants. J’ai l’impression que, entre le stade de l’examen du texte en commission et celui de la séance publique, les choses ont déjà bougé.

Il faut, madame la ministre, que vous acheviez le mouvement pour apporter des garanties aux professeurs et à l’ensemble de ceux qui participent à la communauté éducative de Wallis et Futuna. Ceux qui sont venus à Paris défendre la position de leurs collègues doivent retourner dans leur territoire avec le sentiment du devoir accompli. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.

Mme Lana Tetuanui. Au nom du groupe Union Centriste, je me réjouis qu’un consensus ait été trouvé cet après-midi et que notre assemblée vote ce texte à l’unanimité.

Je remercie l’ensemble de nos collègues de l’Hexagone de répondre présent pour nos collectivités ultramarines. La semaine dernière, nous examinions un texte relatif à la Polynésie française ; aujourd’hui, des textes sur Wallis-et-Futuna, puis Mayotte. Cela montre que les outre-mer font bien partie de la France.

Pour revenir à ce texte, il est vrai que les choses ont évolué entre l’examen en commission et aujourd’hui. Madame la ministre, vous avez répondu à nos interrogations, mais nous veillerons au grain, en particulier notre collègue de Wallis-et-Futuna, pour que tout se déroule correctement. Pour reprendre les mots de notre collègue Xowie la semaine dernière, cette fois, la parole est suivie d’écrits, même s’il faudra que l’État tienne ses engagements.

Cher collègue Ouzoulias, vous venez tout de même d’ouvrir une brèche en évoquant la laïcité ! Les fonctionnaires connaissent leurs devoirs et la réserve dont ils doivent faire preuve. Sachez, cher collègue, que la laïcité tient une place centrale dans les collectivités du Pacifique, que ce soit dans nos écoles, nos conseils municipaux ou nos assemblées territoriales. Je vous invite à venir voir sur place ! (Sourires.)

Si ce n’est pas les enseignants, il y a souvent quelqu’un qui attend les enfants à l’entrée de l’école pour leur dire : « Attendez, il y a quinze minutes de catéchisme avant d’aller en cours. » (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. Saïd Omar Oili applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. François Patriat. Tout d’abord, je tiens à féliciter notre assemblée pour la haute tenue de ce débat. Un consensus s’est dégagé, de part et d’autre de l’hémicycle, autour de valeurs que chacun a défendues avec conviction et talent.

Ensuite, je veux remercier mon ami Mikaele Kulimoetoke, qui, en posant une question au Gouvernement il y a un an, a engagé le processus et permis que les choses avancent et que se dégage un consensus, comme Pierre Ouzoulias et Max Brisson l’ont souligné.

Enfin, je remercie Mme la ministre d’avoir apporté une réponse positive et qui satisfait tout le monde à la question du personnel non enseignant.

Nous voterons ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Je tiens à remercier, en votre nom à tous, mes chers collègues, notre rapporteure, qui a conduit le travail préalable à ce débat avec beaucoup d’intelligence et de doigté. Sans vouloir provoquer Pierre Ouzoulias, je dirai que c’est un baptême réussi ! (Sourires.) C’était en effet le premier rapport réalisé par Evelyne Corbière Naminzo au nom de notre commission. (Applaudissements.)

Je veux également remercier le sénateur Mikaele Kulimoetoke, qui nous a longuement expliqué les spécificités et l’origine de ce texte. Sa détermination à intégrer les personnels non enseignants dans nos débats et dans les évolutions à venir a été déterminante.

Nous sommes parvenus à un texte qui satisfait tout le monde, avec un apport significatif du Sénat, pour ce qui concerne les dix enseignants qui n’ont pas le baccalauréat et qui seront intégrés, mais aussi s’agissant des personnels non enseignants, puisque la ministre a déclaré que leur situation serait traitée dans le cadre d’un prochain décret.

On pouvait penser à l’origine que ce dossier était quelque peu anodin. Lorsque l’on plonge dedans, on se rend compte que c’est loin d’être le cas. En tout cas, grâce au vote qui se dessine, il s’agit d’une véritable avancée pour le service de l’éducation à Wallis-et-Futuna. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi relatif au transfert à l’État des personnels enseignants de l’enseignement du premier degré dans les îles Wallis et Futuna.

(Le projet de loi est adopté.) – (Applaudissements. – M. Mikaele Kulimoetoke se lève et salue les représentants des enseignants présents en tribune.)

Article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au transfert à l'État des personnels enseignants de l'enseignement du premier degré dans les îles Wallis et Futuna
 

3

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents
Article 1er

Aménager le code de la justice pénale des mineurs et la responsabilité parentale

Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale (texte de la commission n° 573, rapport n° 572).

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis chargée de vous présenter les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale.

Nous avons pu faire deux constats à l’occasion de l’examen de l’examen de ce texte.

Il s’agit tout d’abord d’un constat de fait : même si les infractions commises par des mineurs, en tout cas au regard des chiffres qui nous ont été fournis, sont en diminution, les mineurs délinquants sont de plus en plus jeunes et les infractions de plus en plus graves, puisqu’elles concernent à la fois des atteintes à la personne et – nous en avons longuement débattu dans cet hémicycle – la criminalité organisée.

Il s’agit ensuite d’un constat de droit : s’agissant des mineurs, le primat de l’éducation doit s’imposer sur celui de la sanction, quand bien même – vous me permettrez cette assertion que beaucoup de parents ne démentiraient pas – la sanction peut aussi faire partie de l’éducation.

C’est sur la base de ces deux constats que nous avons travaillé sur ce texte.

Le Sénat a sensiblement modifié la proposition de loi qui était arrivée de l’Assemblée nationale. Au cours des discussions préparatoires et durant la commission mixte paritaire, nous avons pu trouver avec le rapporteur de l’Assemblée nationale, en toute courtoisie, des accords qui ont fait une part assez belle, je dois le dire, aux modifications qui avaient été apportées par notre chambre. Nous avons aussi – c’est le principe d’une commission mixte paritaire – pris en compte les désirs de l’Assemblée nationale.

Je dirai quelques mots des principaux sujets soulevés par ce texte.

J’évoquerai tout d’abord la responsabilité des parents. C’était l’un des points importants pour l’Assemblée nationale. Je vous rappelle que nous avions très largement élagué les modifications qui avaient été apportées au délit de soustraction, et cela a été conservé à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire. Nous avons à notre tour fait un pas vers l’Assemblée nationale sur la circonstance aggravante du délit de soustraction qui avait été intégrée dès l’Assemblée nationale.

Nous avons complètement maintenu le dispositif voté au Sénat sur la possibilité pour l’assurance qui a payé pour les dommages causés par le mineur délinquant de se retourner vers les parents de celui-ci pour qu’ils puissent être financièrement sanctionnés en payant une partie de ces dommages.

Il a aussi été maintenu ce qui avait été acquis ici en matière d’amende civile : celle-ci sera du même montant que l’amende pénale pour les parents qui ne défèrent pas aux convocations du juge.

J’évoquerai ensuite la responsabilité des mineurs. La procédure que nous avons définie pour la comparution immédiate, si elle n’est pas celle que le Sénat avait adoptée, s’en rapproche fortement. Elle s’appliquera à l’âge de 16 ans – le Sénat avait voté en faveur d’un âge de 15 ans –, en cas de particulière gravité de l’infraction.

L’excuse de minorité, telle que le Sénat l’avait retenue, c’est-à-dire inversée pour les mineurs de 16 ans dès lors qu’il s’agit d’une infraction punie d’au moins cinq ans d’emprisonnement et en état de récidive légale, a été acceptée par l’Assemblée nationale.

Nous avons aussi – c’est un point important – facilité la mise en œuvre d’une audience unique, c’est-à-dire d’une audience dans laquelle, à la fois, on constate la culpabilité et on prononce la sanction. Cela permettra, notamment pour les mineurs récidivistes, de ne pas conserver la césure qui est désormais prévue dans le code de la justice pénale des mineurs. En effet, cette césure rend parfois difficile de donner un sens à la peine, lorsque beaucoup de temps a passé depuis la commission des faits et la reconnaissance de la culpabilité.

Voilà, mes chers collègues, ce que la commission mixte paritaire a retenu.

J’ai toutefois un regret. Les courtes peines que nous avions introduites – une petite révolution pénale – n’ont pu être retenues, mais je puis aisément le comprendre, car l’Assemblée nationale n’avait pas été en mesure d’en débattre avant la réunion de la commission mixte paritaire. Cela étant, vous savez que nous avons engagé des travaux sur l’exécution des peines qui nous permettront de nous faire une idée sur cette question – Dominique Vérien, ici présente, participe à cette mission.

Vous aurez compris, au récit que je viens de vous faire, que les conclusions de cette commission mixte paritaire me paraissent appeler de notre part un vote favorable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui est soumise aujourd’hui à votre approbation définitive, portée par Gabriel Attal, s’inscrit dans un contexte de forte attente de nos concitoyens.

L’augmentation de certains actes de violence impliquant des mineurs exige une réponse claire, ferme, mais toujours respectueuse des principes fondamentaux qui régissent notre justice des mineurs.

Premièrement, la justice doit être plus réactive, sans renoncer à ses principes.

Les travaux de la commission mixte paritaire, auxquels vous avez activement participé, madame la rapporteure, ont permis d’aboutir à un texte équilibré, à la fois exigeant et respectueux de l’esprit de l’ordonnance de 1945.

Parmi les avancées notables, je relève la possibilité de comparution immédiate pour les mineurs de plus de 16 ans en cas de récidive pour des délits graves. Il ne s’agit pas d’aligner purement et simplement le régime des mineurs sur celui des majeurs. Cette disposition, strictement encadrée, offre aux magistrats un levier d’action rapide, lorsque la gravité des faits l’impose.

Je relève aussi l’encadrement renforcé de l’excuse de minorité : pour les mineurs de 16 à 18 ans, auteurs en récidive de délits passibles de cinq ans d’emprisonnement, le juge devra motiver expressément l’application de cette excuse. Il s’agit non pas de nier la minorité, mais de reconnaître que la répétition de faits graves exige parfois une réponse plus nette.

Je note enfin la responsabilisation accrue des parents, avec la création d’une amende civile en cas de refus de se présenter aux convocations du juge des enfants dans le cadre de l’assistance éducative. Il s’agit de rappeler que l’autorité parentale implique aussi des devoirs.

Deuxièmement, l’ambition éducative demeure au cœur de cette proposition de loi.

Ce texte ne saurait être réduit à une logique répressive. Il porte aussi une ambition éducative renforcée, en consolidant les outils de connaissance et de prise en charge des mineurs. Ainsi, le procureur devra désormais fournir un rapport éducatif préalable à toute saisine du juge des libertés et de la détention, garantissant une appréciation plus fine de la situation du mineur avant toute décision privative de liberté.

Troisièmement, il nous faut prévenir les dérives, en mettant en place des outils nouveaux pour des situations exceptionnelles.

Certaines affaires récentes, dont celle tristement célèbre du jeune Elias, ont révélé les failles de notre système dans des cas limites où les dispositifs existants n’ont pas suffi à empêcher des passages à l’acte. C’est pourquoi le texte introduit deux dispositifs nouveaux.

D’une part, le renforcement des couvre-feux éducatifs, désormais plus aisément mobilisables par le juge des enfants, pour mieux prévenir les conduites à risque et les dérives nocturnes.

D’autre part, la rétention provisoire d’évaluation, en cas de non-respect grave et répété d’une mesure éducative judiciaire probatoire. Cette mesure d’exception, strictement encadrée, vise à restaurer le sens de la décision judiciaire et à éviter une impunité de fait dans les cas les plus préoccupants.

Quatrièmement, la réponse doit être lisible, proportionnée et attendue.

Ce texte ne renverse pas l’équilibre de notre justice des mineurs. Il ne substitue pas la répression à l’éducation. Il les articule, pour garantir que la réponse judiciaire soit à la fois rapide, adaptée et efficace.

Il s’agit non pas de juger plus durement, mais de juger mieux, dans des délais raisonnables, avec les bons outils et dans l’intérêt tant des mineurs que de la société tout entière.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte issu de la commission mixte paritaire est un texte de responsabilité. Il repose sur une conviction partagée : notre jeunesse mérite une justice exigeante, lisible et crédible.

Le Gouvernement salue l’engagement du Sénat dans l’élaboration de ce texte et vous remercie, madame la rapporteure, de toute la part que vous y avez prise.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous invitons à adopter ces conclusions avec détermination pour restaurer pleinement l’autorité de la justice des mineurs, dans l’intérêt de tous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Michel Masset et Jean-Gérard Paumier applaudissent également.)