M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Le Gouvernement s’est engagé à augmenter le nombre de pharmacies à Mayotte. Il est en effet essentiel, je le répète, de développer l’offre de santé de ville dans ce territoire sous-doté. Tel est l’objectif de cet article.
Je considère – c’est là l’un des rares désaccords que j’ai avec Mme le rapporteur pour avis – que la condition d’un avis conforme du conseil de l’ordre s’apparente à un droit de veto et compromet l’objectif de développement de l’offre de soins au bénéfice des patients.
Nous pensons qu’il est nécessaire de travailler, sans doute au cours de la navette parlementaire, sur une rédaction plus large de l’amendement n° 86. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis de sagesse sur cet amendement.
Une sénatrice du groupe CRCE-K. Quel courage !
M. Manuel Valls, ministre d’État. J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un sujet majeur. Eh oui, la sagesse, c’est le courage.
M. le président. L’amendement n° 49, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 758-4 du code de la sécurité sociale est supprimé.
La parole est à Mme Salama Ramia.
Mme Salama Ramia. Cet amendement vise à toiletter le code de la sécurité sociale en supprimant la référence à l’agence régionale de santé de l’océan Indien.
En effet, depuis le 1er janvier 2020, Mayotte est dotée de sa propre agence régionale de santé, chargée de définir et de coordonner la politique de santé sur l’ensemble de l’île.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. La référence à l’agence régionale de santé de l’océan Indien est en effet devenue totalement obsolète depuis la création de l’ARS de Mayotte.
Par conséquent, la commission des affaires sociales émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 17.
L’amendement n° 78 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 143, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport sur la possibilité d’instaurer, à Mayotte, une première année d’études du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 17 prévoit la prise en compte de l’intercommunalité comme référence pour le calcul du seuil nécessaire à l’autorisation d’ouverture d’une officine pharmaceutique à Mayotte.
Cette mesure a pour objectif d’augmenter le nombre d’officines de pharmacie, d’assurer une meilleure couverture territoriale des besoins et de lutter contre les inégalités d’accès aux médicaments.
Aussi, il nous semble important de favoriser l’accès des Mahorais aux études de pharmacie en leur offrant la possibilité de suivre, à Mayotte, la première année d’études du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique.
L’article 3 de la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux, d’initiative transpartisane, déposée par M. Guillaume Garot et adoptée à l’Assemblée nationale le 7 mai dernier, assure une formation a minima de première année en études de médecine dans chaque département.
Cette formation pourrait être dispensée en partie à distance, comme c’est déjà le cas dans de nombreux établissements.
Dans l’attente que la navette parlementaire débouche sur l’adoption définitive de la proposition de loi précitée et sur la mise en œuvre potentielle de son article 3, nous souhaitons inscrire cette disposition de façon prioritaire dans le présent texte relatif à Mayotte.
Elle participerait à la réponse à apporter à la pénurie de professionnels de santé : la formation de pharmaciens supplémentaires correspond à la volonté affichée à l’article 17 de développer progressivement le nombre d’officines à Mayotte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 143.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 18
Le premier alinéa de l’article L. 4031-7 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Les représentants des professionnels exerçant à Mayotte siègent dans les unions régionales de professionnels de santé de l’océan Indien selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État, pris après avis des syndicats représentatifs des professionnels de santé. »
M. le président. L’amendement n° 65, présenté par Mme Imbert, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 4031-7 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 4031-7. – Les représentants des professionnels exerçant à Mayotte siègent dans les unions régionales de professionnels de santé de Mayotte, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Cet amendement de rédaction globale vise à préciser que les représentants des professionnels exerçant à Mayotte siègent dans les unions régionales de professionnels de santé (URPS) de Mayotte.
Quoi de plus logique dès lors qu’il existe sur place une agence régionale de santé ? Rien ne justifie que l’on déroge ici, pour Mayotte, au droit commun. La création d’une URPS par profession contribuerait à la structuration de l’offre de soins qui fait défaut sur ce territoire si singulier.
Les discussions directes entre les professionnels de santé de Mayotte, l’ARS et les élus mahorais permettront en effet de mieux impliquer l’ensemble des professions libérales du territoire.
Monsieur le ministre, vous savez combien la notion de proximité nous est précieuse au Sénat. Le projet de loi précise que le décret en Conseil d’État sera pris après avis des syndicats représentatifs des professionnels de santé. Ces derniers – médecins, pharmaciens, dentistes, kinésithérapeutes, infirmiers – se sont déjà exprimés en amont de cette discussion. Ils ont dit leur attachement commun à la création des URPS à Mayotte.
Je connais votre réticence : vous allez me répondre que la densité des professionnels de santé y est trop faible. Et alors ?
Pourquoi ne serait-il pas cohérent, sur un territoire doté d’une agence régionale de santé, de créer des URPS ? Les professionnels de santé libéraux pourraient ainsi se coordonner plus facilement, pour être au plus près des patients.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. Les représentants des professionnels de santé et de l’agence régionale de santé que nous avons auditionnés ont souligné la singularité de la situation sanitaire de l’île, qu’ils estiment mal représentée et mal prise en compte au sein des unions régionales de professionnels de santé de l’océan Indien.
Ils demandent en conséquence la création d’instances de représentation propres à Mayotte, ce à quoi tend à répondre l’amendement de Corinne Imbert.
Toutefois, le faible nombre de professionnels de santé libéraux exerçant à Mayotte rend délicate la création d’une URPS par profession. C’est pourquoi la commission des affaires sociales a choisi de s’en remettre à la sagesse du Sénat. Il s’agit toutefois d’un avis de sagesse bienveillant. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Madame la sénatrice, vous proposez la création d’URPS propres à Mayotte plutôt qu’une amélioration de la représentation des professionnels de santé de Mayotte au sein des URPS de l’océan Indien.
À ce stade et au regard du faible nombre de professionnels de santé libéraux exerçant à Mayotte – je reprends l’argument que vous redoutiez –, la création d’une URPS spécifique risque de peser sur les ressources médicales disponibles.
Aussi, il me paraît plus important de revoir et assouplir les conditions de représentation des professionnels de santé mahorais au sein des URPS de l’océan Indien, afin de renforcer cette représentation.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable, avec un peu de sagesse. (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour explication de vote.
Mme Micheline Jacques. Je comprends les arguments qui viennent d’être avancés. Toutefois, il faut cesser de raisonner en comptables quand il s’agit des territoires ultramarins.
Chaque territoire a ses spécificités. Je ne vous l’apprendrai pas, monsieur le ministre, puisque vous avez quasiment fait le tour de l’ensemble des territoires depuis que vous exercez vos fonctions.
En tant que président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, j’invite mes collègues à voter l’amendement de Mme Imbert.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Vous le savez, monsieur le ministre, il existe une profession dont la densité est importante. Je veux parler de celle des sages-femmes.
Sans entrer dans la caricature sur la surreprésentation de telle ou telle profession, il est dans l’intérêt du département-région de Mayotte de créer des URPS spécifiques.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Monsieur le ministre, j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST.
Cette loi a créé les URPS afin que les professionnels de santé participent au conseil de surveillance des agences régionales de santé. Elle énonce clairement que les URPS doivent participer au conseil d’administration de surveillance de leur ARS, dans lequel ils interviennent en tant que professionnels.
Comme le propose fort justement Corinne Imbert au travers de son amendement, il faut donc créer des URPS à Mayotte. Je veux bien croire que le nombre de professionnels y est insuffisant, mais, au moins, respectons la loi.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Permettez-moi de vous livrer un retour d’expérience.
Voilà deux mois environ, j’ai eu l’occasion d’organiser une rencontre avec les professionnels de santé à Mayotte. Malgré la bienveillance qui a présidé à ces échanges, j’ai tout de même ressenti comme une anomalie que les professionnels de santé de Mayotte soient représentés par des personnes de La Réunion.
Le système actuel est ainsi fait : compte tenu du mode de désignation, les représentants de Mayotte ne peuvent être que des professionnels de santé de La Réunion. (Mmes Evelyne Corbière Naminzo et Silvana Silvani protestent.)
Pour répondre à ce problème de représentativité des Mahorais, je propose également que nous votions cet excellent amendement.
M. le président. En conséquence, l’article 18 est ainsi rédigé.
Chapitre II
Favoriser l’aménagement durable de Mayotte
Article 19
À Mayotte et pour une durée de dix ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, la procédure prévue aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique peut être appliquée, dans les conditions prévues aux mêmes articles L. 522-1 à L. 522-4, en vue de la prise de possession immédiate, par le bénéficiaire de la déclaration d’utilité publique, de tous les terrains bâtis ou non bâtis dont l’acquisition est nécessaire :
1° Aux opérations de reconstruction conduites et coordonnées par l’établissement public créé en application de l’article 1er de la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte ;
2° À la réalisation des infrastructures portuaires et aéroportuaires, des ouvrages et installations des réseaux publics d’eau et d’assainissement, des constructions, ouvrages et installations à l’usage des forces de sécurité intérieure, des ouvrages et installations de production et de distribution d’électricité, des établissements pénitentiaires ainsi que des établissements de santé et médico-sociaux.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 14 est présenté par Mme Narassiguin, M. Omar Oili, Mmes Artigalas et Le Houerou, MM. Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 18 rectifié est présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 42 rectifié est présenté par Mme Briante Guillemont, MM. Masset et Gold, Mme Pantel et MM. Grosvalet et Daubet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour présenter l’amendement n° 14.
M. Saïd Omar Oili. Le projet de loi prévoit d’accélérer les procédures d’expropriation au travers d’une procédure d’extrême urgence dérogatoire permettant de prendre possession des terrains dès la déclaration d’utilité publique, même en l’absence d’identification des propriétaires.
Monsieur le ministre, vous savez que cette mesure inquiète fortement la population mahoraise et que les élus locaux y sont totalement opposés.
Loin de nous l’idée de nous opposer aux expropriations qui peuvent se révéler nécessaires pour mener des projets déclarés d’utilité publique. En revanche, nous refusons toute mesure d’exception ou dérogation sur ce sujet sensible.
Le sujet est en effet sensible pour deux raisons : d’une part, parce que le désordre foncier persiste à Mayotte, d’autre part, parce que plus de 50 % du foncier relève déjà du domaine public.
Cet amendement a donc pour objet de supprimer l’article 19.
M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié.
Mme Salama Ramia. Cet amendement vise à supprimer l’article 19, mal accueilli à Mayotte et perçu comme un moyen de faire main basse sur le foncier détenu par la population.
Afin de mettre un terme à ce climat de suspicion, il est proposé de recourir à la procédure d’expropriation classique. Celle-ci permet le débat contradictoire tout en sécurisant les droits du propriétaire, en permettant à celui-ci d’aller au bout de la procédure judiciaire.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, pour présenter l’amendement n° 42 rectifié.
Mme Sophie Briante Guillemont. J’avancerai le même argument que mes collègues : la dérogation prévue à l’article 19 contribuerait à vider de sa substance le principe essentiel et pluriséculaire de la procédure d’expropriation selon lequel nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.
Si nous pouvons introduire des exceptions dans des circonstances exceptionnelles, cette dérogation générale d’une durée de dix ans est manifestement excessive. Elle créerait une rupture d’égalité entre les citoyens de Mayotte et ceux des autres territoires républicains. En outre, elle exposerait l’État à une fragilisation de ses procédures contentieuses.
Rien ne justifie de créer sur ce territoire un régime d’exception durable qui ferait primer la logique d’urgence sur les droits fondamentaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Bitz, rapporteur. Nos collègues mahorais relayent ici une inquiétude, qui est très largement partagée à Mayotte, mais qui n’est pas justifiée.
En effet, la procédure mentionnée à l’article 19 préexistait dans le droit commun avant même l’élaboration de ce texte. L’adoption de cet article ne changerait strictement rien aux modalités d’identification des propriétaires et ne reviendrait nullement sur la nécessité de passer par une procédure de déclaration d’utilité publique avant de procéder à l’expropriation.
Les inquiétudes des Mahorais qui craignent de se voir dépossédés de leurs biens sont donc infondées.
Il s’agit en revanche d’accélérer les procédures pour permettre la réalisation des infrastructures dont Mayotte a besoin.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Monsieur le président, je prendrai quelques minutes pour tenter de dissiper les incompréhensions qui persistent sur ce sujet.
Cet article a pour objet d’accélérer les procédures qui président à l’expropriation, sans élargir pour autant le champ de l’expropriation tel qu’il est aujourd’hui défini par la loi.
Il permet uniquement de recourir à la procédure de prise de possession accélérée afin de réaliser les infrastructures essentielles pour le développement du territoire. À la demande des élus, la liste de ces infrastructures a été resserrée sur celles qui sont essentielles et dont la construction est urgente : les ouvrages et installations des réseaux publics d’eau et d’assainissement, les infrastructures de transport, le nouvel hôpital, etc.
Je ne comprends donc pas que l’on continue à demander la suppression de cette disposition sans tenir compte des discussions qui ont eu lieu.
Cet article tient compte des difficultés d’identification des propriétaires qui peuvent intervenir à Mayotte et il autorise à prendre possession des terrains dans des conditions permettant de ne pas bloquer les travaux, tout en garantissant les droits attachés à la propriété privée.
Les élus le savent parfaitement, la maîtrise foncière est cruciale pour réaliser ces aménagements au service de la population et de l’économie mahoraises. Or le morcellement du tissu urbain et la nature de ces projets rendent insuffisante la mobilisation du seul foncier public.
Je veux souligner qu’il ne s’agit pas d’une dérogation spécifique à Mayotte. Ce même dispositif de prise de possession anticipée a déjà été utilisé dans d’autres contextes sur le territoire national. Il est ainsi prévu pour la construction d’une infrastructure de transport en Guyane. De nombreux textes législatifs récents l’ont aussi mobilisé, par exemple en faveur de la préparation des jeux Olympiques ou de la construction de réacteurs nucléaires. Pour Mayotte, il concerne d’autres cas jugés stratégiques pour la reconstruction de l’île.
Je le redis, il s’agit non pas d’élargir le champ de l’expropriation ou les conditions de sa justification – j’insiste sur ce point –, mais d’accélérer la procédure lorsque l’expropriation est mise en œuvre, et simplement cela.
Nous ne modifions en rien la procédure administrative de déclaration d’utilité publique (DUP). Elle est mise en œuvre de manière très précise et protectrice pour les propriétaires ou les personnes qui pourraient revendiquer la propriété des terrains.
Cela concerne des projets déclarés d’utilité publique. L’autorisation de prise de possession anticipée intervient uniquement en cas de difficulté pour exécuter les travaux tenant à la prise de possession d’un ou de plusieurs terrains.
Elle est autorisée par un décret adopté après avis conforme du Conseil d’État.
Le juge peut prononcer une indemnisation spéciale pour les personnes concernées qui justifient d’un préjudice causé par la rapidité de la procédure.
Une indemnité provisionnelle d’expropriation est versée aux propriétaires ou consignée en cas de difficulté, par exemple si l’identification des propriétaires n’est pas certaine.
Enfin, cette disposition est valable pour une durée de dix ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.
Nous avons donc là une mesure extrêmement encadrée juridiquement, garantissant les droits des personnes concernées et avec un contrôle du juge intervenant à plusieurs étapes – contrôle de la déclaration d’utilité publique et des conditions de la prise de possession anticipée, prononcé d’une indemnité spéciale, etc. En outre, je le redis, cette mesure est circonscrite dans le temps.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Je vous invite à prendre vos responsabilités.
Nous ne pouvons pas, d’un côté, voter des crédits qui sont attendus par les élus et la population pour réaliser des infrastructures essentielles, de l’autre, ne pas nous donner les moyens juridiques de la mise en œuvre desdits projets.
Je sais que je m’adresse, à travers vous, aux élus et à l’ensemble de la population et je comprends l’histoire propre à Mayotte, les peurs. Reste que la rédaction de cet article est précise et permet de dissiper ces inquiétudes et ces peurs ; je le pense sincèrement.
Je vous appelle à la responsabilité et à la cohérence par rapport au vote du rapport annexé à l’article 1er de ce texte : nous avons besoin de l’article 19 pour mettre en œuvre les crédits et les orientations que nous y avons inscrits.
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.
M. Saïd Omar Oili. Cet article reprend l’article 10 du projet de loi d’urgence pour Mayotte,…
M. Saïd Omar Oili. … qui a été expressément rejeté par les Mahorais. C’est le même objet.
Monsieur le ministre, vous avez eu l’occasion de vous rendre à Mayotte et d’expliquer ce texte à plusieurs reprises. Pourtant, le conseil départemental et l’ensemble des élus ont clairement exprimé leur opposition.
Salama Ramia et moi-même, sénateurs représentant Mayotte, n’avons fait que traduire la volonté des habitants de l’île. Nous sommes les représentants des Mahorais ici, dans cette assemblée. Si nous ne sommes pas écoutés, je me demande qui pourrait l’être !
Monsieur le ministre, notre action n’est pas motivée par le désir de contrarier qui que ce soit. Elle est dictée par la volonté de la population de Mayotte, qui refuse cet article.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14, 18 rectifié et 42 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 291 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 135 |
Contre | 206 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 19.
(L’article 19 est adopté.)
Après l’article 19
M. le président. L’amendement n° 157, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le projet d’aéroport à Mayotte destiné à accueillir la piste longue adaptée aux vols long-courriers est assimilé à une opération d’aménagement telle que définie à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme pour ce qui concerne les dispositions relatives au déroulement de l’enquête d’utilité publique du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Cet amendement vise à faire bénéficier le projet de piste longue de l’aéroport de Mayotte du dispositif dit de DUP foncière, qui est déjà prévu dans le code de l’expropriation et qui permet une acquisition rapide des terrains nécessaires à la réalisation d’une opération d’aménagement.
Pour répondre à l’objectif de continuité territoriale de Mayotte, nous devons, quel que soit le projet retenu, mettre en place rapidement une réponse à l’exposition de l’aéroport actuel à des risques naturels qui mettent en cause à court ou moyen terme son exploitabilité.
Cette procédure permet notamment, alors que le projet n’est pas complètement défini, de conduire l’enquête publique sans l’étude d’impact qu’il n’est pas possible de présenter à ce stade. Néanmoins, le projet fera l’objet, ultérieurement, d’une nouvelle enquête publique.
Dans tous les cas, quel que soit le projet retenu, cette DUP foncière devra être complétée par l’obtention d’une déclaration de projet qui sera octroyée après une enquête publique au cours de laquelle l’étude d’impact du projet devra être présentée. Cette dernière devra exposer les mesures envisagées dans le cadre de la démarche « éviter, réduire, compenser » (ERC).
Il s’agit d’accélérer la maîtrise du foncier et de permettre que des travaux préparatoires aient lieu dès 2027, en gagnant deux ans par rapport à une procédure de DUP classique. C’est d’autant plus nécessaire que nous devons éviter l’installation de constructions illégales et maîtriser les prix d’acquisition.
Je veux être clair : sans l’adoption de ce dispositif, ainsi que de celui qui est proposé dans l’amendement suivant, tous deux adaptés à l’urgence de la situation de l’aéroport à Mayotte, les travaux ne pourront pas débuter avant la fin de 2028, au moins. Or chacun connaît les aléas liés à la piste actuelle.