Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, vous nous avez fait part de toutes les initiatives en la matière, qui sont toujours intéressantes dès lors qu’il s’agit de valoriser l’emploi des seniors. Toutefois, je le répète, il faut une mobilisation extrêmement importante des employeurs, ce qui exige d’aller au-delà du cadre, vers la fixation d’objectifs.
Je rappelle que, plus on vieillit en dehors de l’emploi, plus on a du mal à retrouver un emploi. J’espère donc que le Gouvernement et la majorité sénatoriale n’ont plus en tête l’intention d’allonger le temps de travail, donc d’exclure toujours plus de seniors de l’emploi et de les plonger dans la précarité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
prolongation de l’accès rapide aux innovations thérapeutiques
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Alain Milon. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
Monsieur le ministre, l’accès direct aux innovations thérapeutiques est une attente forte de nos concitoyens en situation d’impasse thérapeutique. Il constitue un enjeu d’attractivité pour notre pays.
C’est dans cet esprit que l’article 62 de la loi du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, relatif à l’accès aux traitements innovants, permet la prise en charge anticipée, dès la publication de l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS) et sans attendre la fixation d’un prix, de certains médicaments présentant une amélioration du service médical rendu.
Cette expérimentation, qui doit s’achever en juillet 2025, a démontré son utilité pour plusieurs innovations, en réduisant les délais d’accès aux traitements pour les pathologies altérant fortement la qualité de vie des patients, avec un lourd fardeau psychosocial. Aux termes de la loi, un rapport du Gouvernement devait être remis au Parlement en mai 2025, afin d’évaluer les demandes déposées, les aires thérapeutiques concernées et la pertinence d’une éventuelle pérennisation de ce dispositif.
Le 20 mai dernier, devant la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat, la direction de la sécurité sociale (DSS) a indiqué que ce rapport serait remis à l’automne prochain, alors que vous-même aviez confirmé, en mars dernier devant la même instance, que vous en disposeriez en mai 2025.
Monsieur le ministre, l’avenir de ce mécanisme constitue un enjeu majeur pour les malades et pour notre système de santé. Pouvez-vous nous livrer un point d’avancement des travaux sur ce rapport ? Comptez-vous proposer, comme vous l’aviez suggéré et compte tenu des retours d’expérience positifs de l’ensemble des acteurs, la pérennisation de ce dispositif au-delà de l’échéance prévue, seule solution pertinente pour les patients français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le sénateur Milon, je vous remercie de votre question sur l’accès précoce ; on aurait également pu parler de l’accès compassionnel.
L’accès précoce est une innovation : la France est l’un des premiers pays à l’avoir instauré, en 2021. Je regrette comme vous le retard de publication de ce rapport, mais j’en disposerai à l’automne prochain, avant les discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.
Toutefois, je crois pouvoir vous livrer, sans déflorer le contenu de cette évaluation, quelques données chiffrées, car ce sujet m’intéresse particulièrement. Quelque 250 demandes ont été déposées, avec un délai d’octroi de soixante-dix-sept jours. J’y insiste devant vous, quand un patient a besoin d’une innovation thérapeutique en France, si le laboratoire concerné remplit les conditions requises, il y a accès dans les soixante-dix-sept jours, c’est tout de même remarquable !
Pour un certain nombre de cas, par exemple pour les cancers du sein triples négatifs, qui sont les plus agressifs et pour lesquels l’accès à la thérapeutique change le pronostic de vie, c’est particulièrement important. Par conséquent, oui, j’attends ce rapport avec impatience et, en effet, j’envisage bien de pérenniser ce dispositif si les données préliminaires confirment ces constats.
Je souhaite revenir sur la doctrine globale d’évaluation de la Haute Autorité de santé, puisque nous sommes dans un processus de simplification. Lors du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (SAIA), j’ai lancé un appel à manifestation d’intérêt auprès de l’ensemble des laboratoires pour changer la doctrine de cette agence, afin d’évaluer plus rapidement les molécules et d’en fixer plus vite le prix. Cet appel à manifestation d’intérêt est ouvert jusqu’au mois de juin et il permettra de tester, au moyen de l’intelligence artificielle, des cohortes virtuelles, les bras synthétiques, de sorte que notre recherche et notre innovation soient rapidement disponibles pour nos patients.
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. Yannick Neuder, ministre. Cela leur permettra de bénéficier de ces innovations et de gagner des années de vie. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.
M. Alain Milon. En effet, monsieur le ministre, il faut pérenniser l’accès direct et l’accès compassionnel.
Selon nous, il est préférable de fournir, par la recherche et l’expérimentation, une aide active à guérir plutôt qu’une aide active à mourir… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
situation des artisans pêcheurs
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Paul Toussaint Parigi. Madame la ministre déléguée, je souhaite porter aujourd’hui la voix de ceux qui ont été trop longtemps ignorés, la voix de femmes et d’hommes pour qui la mer n’est pas seulement un métier, mais constitue également une identité profonde, une mémoire vivante : la voix des petits pêcheurs, gardiens discrets de nos côtes, artisans d’un savoir-faire précieux, la voix de ces âmes, fières et humbles, perdue dans l’écho sourd et lointain des embruns. Les pêcheurs n’attendent ni faveurs ni privilèges, ils n’aspirent qu’à une seule chose : survivre.
Quotas inadaptés, interdictions arbitraires, tailles minimales ou encore obligations de matériel : l’avalanche de réglementations conçues pour des réalités industrielles s’abat sur leurs frêles embarcations telle une lame de fond. Ce sont autant d’exigences administratives qui pèsent sur les petites unités, dépourvues de moyens humains et financiers et qui, pour s’y conformer, devraient sacrifier rentabilité et survie.
En Corse, comme sur l’ensemble de notre littoral, les pêcheurs dénoncent une capitulation forcée face à des règles pensées pour d’autres réalités. Ces règles, censées protéger la mer, étranglent ceux qui la respectent et asphyxient un modèle artisanal durable et profondément humain. Cette uniformisation aveugle accélère la disparition d’un tissu social et économique irremplaçable, d’un savoir-faire pourtant essentiel à l’équilibre de nos territoires maritimes.
Madame la ministre, alors que l’année 2025 est proclamée année de la mer, alors que va se tenir la Conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc), les promesses ne suffisent plus, il est temps d’agir, vite et avec courage ! Construisons des solutions au plus près de ceux qui vivent de la mer sans la piller, repensons la réglementation pour qu’elle protège sans exclure. Voilà le véritable enjeu !
Madame la ministre ma question est simple : pouvez-vous prendre ici et maintenant l’engagement d’une réforme ambitieuse, pour sauver la pêche artisanale et assurer la pérennité de nos communautés littorales ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie et Mme Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Parigi, je vous remercie de me donner l’occasion d’exprimer, au nom d’Agnès Pannier-Runacher, le soutien total du Gouvernement à la filière de la pêche, particulièrement à celle du territoire où vous êtes élu, la Corse, que vous défendez avec beaucoup d’émotion et d’attachement – on l’a senti –, à quelques jours de l’ouverture de l’Unoc à Nice.
La Méditerranée sera bien sûr au cœur de cet événement, d’abord parce que ce dernier se déroule sur son littoral, mais également, et surtout, parce qu’elle est l’une des mers les plus en danger face au changement climatique et face à diverses menaces, notamment la pollution plastique.
C’est pourquoi la ministre réunira, à l’occasion de ce sommet, les ministres de l’environnement de tous les pays méditerranéens, pour aborder les défis auxquels notre mer commune est confrontée.
Comme sur l’ensemble des façades, les pêcheurs sont chaque jour les premières victimes de ces pollutions. C’est pourquoi, depuis janvier dernier, nous accomplissons un travail très sérieux à ce sujet au travers d’engagements concrets, afin de protéger nos pêcheurs de la concurrence déloyale, en agissant sur les pêches illégales et en imposant des mesures miroirs dans nos négociations commerciales. En outre, nous concevons avec la filière, c’est-à-dire avec les pêcheurs, un modèle renouvelé de pêche via la modernisation et la décarbonation de notre flotte.
Nous avons défini ces objectifs avec la filière dans le cadre du contrat stratégique de filière, qui représentera notre boussole lors des négociations européennes.
La Méditerranée sera centrale dans la révision de la politique commune des pêches qu’Agnès Pannier-Runacher défend à Bruxelles, notamment pour ce qui concerne le plan West Med, que vous devez connaître. Il est urgent de réviser ce plan afin de redonner de la cohérence, en particulier à nos pêcheries méditerranéennes.
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. C’est un discours fort et déterminé que nous portons, aux côtés de nos collègues espagnols et italiens, auprès de la Commission européenne. Vous pouvez compter sur notre engagement !
dégradations et actes antisémites
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, en 2023, quelques jours après l’attaque du Hamas contre Israël, des dizaines d’étoiles de David ont été peintes sur les façades de plusieurs immeubles à Paris.
En 2024, des mains rouges ont été peintes sur le mur des Justes du mémorial de la Shoah.
Dans la nuit du 30 au 31 mai dernier, plusieurs sites parisiens juifs ont été dégradés, dont deux synagogues et de nouveau le mémorial de la Shoah.
Il y a quelques jours à Lyon, un départ de feu a été découvert, ainsi que des inscriptions antisémites dans une école primaire.
Je tiens également à rappeler quelques faits récents parmi les plus graves : l’attentat contre la synagogue de la Grande-Motte en août dernier ; l’incendie criminel de la synagogue de Rouen ; le viol antisémite d’une fillette de 12 ans à Courbevoie.
Ces événements sont la marque claire d’une recrudescence des actes antisémites dans notre pays, de la montée de l’islamisme et de l’instrumentalisation politique de la cause palestinienne sur notre territoire.
Les services du renseignement territorial ont recensé une très forte augmentation des faits antisémites en 2024 par rapport à l’année 2023, s’agissant notamment des atteintes à la personne. C’est au point que, aujourd’hui, les actes antisémites représentent les deux tiers de l’ensemble des faits antireligieux.
En outre, nos collègues Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire ont, dans le cadre d’une mission du Sénat, pointé l’inquiétante résurgence du climat antisémite à l’université.
J’ajoute que l’engagement maximal des forces de l’ordre ne peut pas tout, car il s’agit d’un mal sournois et profond qui appelle une réponse politique forte.
Monsieur le ministre, quelle analyse faites-vous de cette situation alarmante ? Quelle stratégie comptez-vous mettre en œuvre pour protéger l’ensemble de nos concitoyens de confession juive ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur François Bonhomme, je vous remercie pour ce constat sans concession, mais parfaitement juste.
Nous ne pouvons pas combattre l’antisémitisme sans évoquer, au préalable, un certain nombre de chiffres qui correspondent à une réalité malheureuse.
Deux chiffres : nos compatriotes de confession juive représentent moins de 1 % de la population et, vous l’avez rappelé, ils sont victimes de près des deux tiers – un peu plus de 60 % – des actes racistes et antireligieux.
Comme le disait le philosophe Jankélévitch : « Lorsque les juifs ont peur, c’est la démocratie qui est malade. »
Comment combattre ce fléau ? D’abord, en assurant la protection de nos compatriotes de confession juive. C’est ce que je fais très régulièrement, en mobilisant l’ensemble des préfets de France pour sécuriser les fêtes juives, les sites, les synagogues, les écoles. Actuellement, 800 sites religieux juifs sont protégés.
Nous avons également mis en place un fonds permettant à toutes les confessions religieuses de disposer de subventions destinées à financer les équipements de sécurisation. Là encore, 70 % de ces subventions ont bénéficié à la sécurisation de lieux cultuels ou éducatifs juifs. C’est un point fondamental.
Mais on lutte aussi – et vous l’avez esquissé dans votre question – en posant un diagnostic lucide et courageux. Hier, l’antisémitisme était le monopole de l’extrême droite. Aujourd’hui, il mute. Il prend la forme de l’islamisme. Souvenez-vous : le fondateur des Frères musulmans, Hassan el-Banna, n’a jamais fait mystère de ses sympathies pour Hitler.
Il prend aussi la forme d’une extrême gauche qui, sous couvert d’antisionisme, tisonne les braises rougeoyantes de l’antisémitisme.
Il prend enfin la forme d’ingérences étrangères. Permettez-moi de vous le rappeler : vous avez mentionné l’épisode des mains rouges, mais il y a eu également certaines marques vertes – on sait ce à quoi cela renvoie… – apposées sur des monuments. Les trois individus interpellés sont de nationalité serbe. Peut-être découvrira-t-on qu’ils ont agi contre rémunération ? Il s’agirait alors d’une ingérence étrangère visant à diviser les Français entre eux.
Oui, l’antisémitisme, nous devons le combattre, car c’est un mal, non seulement pour nos compatriotes juifs, mais pour l’ensemble des Français, pour la République, pour la France. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.
M. François Bonhomme. Je me réjouis de cette volonté clairement affirmée. Je rappelle simplement ici que Georges Bensoussan, historien de l’antisémitisme et de la Shoah, a été poursuivi pour incitation à la haine raciale après la parution de son ouvrage Les Territoires perdus de la République, mais il a été relaxé. Il ne faisait que dénoncer ce nouvel antisémitisme, en provenance de certaines banlieues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
pénuries de médicaments
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
Monsieur le ministre, les pénuries de médicaments atteignent des niveaux inédits depuis une dizaine d’années, comme vous venez vous-même de le reconnaître. Malgré quelques mesures conjoncturelles qui ne s’attaquent pas aux causes profondes du problème, les tensions d’approvisionnement persistent, en particulier dans les zones rurales.
Les causes de ce phénomène structurel sont pourtant connues : en premier lieu, le non-respect par les laboratoires pharmaceutiques de leurs obligations. Au Sénat, en juillet 2023, Laurence Cohen, Sonia de La Provôté et moi-même avions remis un rapport dans lequel nous formulions trente-six recommandations pour répondre à cet enjeu de santé publique.
Dans ce contexte tendu, deux pharmaciens corréziens installés dans un désert en santé, le plateau de Millevaches, ont été lourdement sanctionnés le mois dernier. Ils ont été condamnés à six mois d’interdiction d’exercice, dont quatre avec sursis, pour avoir dispensé à l’unité des médicaments en tension. Deux mois d’interdiction d’exercice dans un désert médical auront des conséquences graves pour les patients : cela signifie des interruptions de traitement, une rupture de la continuité des soins !
Nous avions pourtant voté, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, la possibilité d’imposer la dispensation à l’unité de certains médicaments face aux tensions d’approvisionnement. La sanction infligée à ces pharmaciens est donc totalement injustifiée, et nous voulons leur redire notre soutien.
Monsieur le ministre, mesurez-vous réellement les conséquences sanitaires de la fermeture de ces pharmacies dans des territoires ruraux et hyperruraux qui sont déjà aujourd’hui de véritables déserts en santé ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice, merci de cette question. La pénurie de médicaments est un problème dont les causes sont multiples et variées et qui se pose au-delà des frontières de la France.
Il y a d’abord un enjeu européen : celui de la souveraineté sanitaire et de la localisation, voire de la relocalisation, des principes actifs sur notre territoire. C’est le sens de l’action que nous menons actuellement concernant un certain nombre de substances actives. Plus de quarante d’entre elles sont aujourd’hui en cours de relocalisation. C’est le cas, je peux en témoigner, dans ma propre circonscription, où le paracétamol est relocalisé sur un site industriel permettant de couvrir 60 % de la consommation européenne.
Le deuxième sujet, c’est la gestion de la pénurie lorsqu’elle survient. Les difficultés actuelles d’approvisionnement en psychotropes, par exemple, sont liées à un problème de production en Grèce, ce qui illustre bien l’ampleur européenne de la problématique et la nécessité de renforcer notre souveraineté pharmaceutique.
C’est dans cette perspective que se tiendra, à la fin du mois de juin, à Luxembourg, le Conseil des ministres européens de la santé. Il portera notamment sur le paquet pharmaceutique, l’objectif étant d’encourager fortement la relocalisation des industries pharmaceutiques en Europe.
Troisième point : lorsque la pénurie est malheureusement là, un certain nombre de mesures sont mises en œuvre, comme la dispensation à l’unité, la substitution, l’interdiction pour les grossistes-répartiteurs de livrer à l’étranger, ou encore le gel de certaines prescriptions. Ces leviers, que nous mobilisons par le biais de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) visent à limiter les impacts de la pénurie.
Je prendrai avec beaucoup d’attention, en aparté, les coordonnées des deux pharmacies que vous évoquez.
Les pharmaciens jouent un rôle majeur, notamment dans les déserts médicaux. Je compte bien mener l’action nécessaire pour qu’ils ne deviennent pas également des déserts pharmaceutiques. Une pharmacie ouverte du lundi au samedi, nous le savons bien, est un lieu de soins de proximité, un lieu de conseil, un lieu de dispensation, qui permet d’effectuer des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) ou de délivrer des médicaments essentiels.
Nous devons réfléchir à la manière de soutenir cette présence territoriale, car de nombreuses pharmacies ne sont plus rentables, ne trouvent plus de repreneurs, et finissent par fermer. Je serai donc très attentif à la situation que vous évoquez. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.
Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le ministre, il est évident que la réponse est européenne et qu’elle doit passer par la réindustrialisation.
Toutefois, je vous interpellais surtout sur le cas de ces deux pharmaciens condamnés en Corrèze. À l’heure actuelle, de nombreuses pharmacies peinent à retrouver des repreneurs et sont obligées de fermer. Après les déserts médicaux, nous sommes à présent confrontés aux déserts en santé. Les conséquences de telles situations sont extrêmement néfastes pour nos territoires ruraux et hyperruraux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Monique de Marco et M. Michel Masset applaudissent également.)
mesures prises à la suite du meurtre du jeune elias
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le ministre, le 24 janvier dernier, Elias, âgé de 14 ans, a été assassiné à la machette et à la hachette, à Paris, dans le XIVe arrondissement, par deux mineurs multirécidivistes. Déjà condamnés, ils étaient libres. Ils auraient dû être placés en centre éducatif fermé ou en prison. Ils ne l’étaient pas. Ainsi, Elias est mort.
C’est le symbole de l’effondrement silencieux d’un système qui ne protège plus, n’éduque plus, ne sanctionne plus à temps et presque jamais dès le premier délit.
J’ai deux questions, monsieur le ministre.
Premièrement, allez-vous enfin abroger les dispositions de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dite loi Belloubet, qui interdit les courtes peines de prison ? Quand réintroduirez-vous des peines ultracourtes pour que soient enfin appliquées des sanctions immédiates, proportionnées et éducatives ? Ce refus de sanctionner ne sauve personne, il enfonce les jeunes dans la violence.
On nous répond souvent : « Nous n’avons pas de place. » Étienne Blanc en a parlé : être efficace pour construire des places de prison et d’établissement pour mineurs, c’est certes austère, cela ne fait pas le journal de vingt heures, mais c’est absolument indispensable, vous l’avez également souligné.
Deuxième question, allez-vous remettre en cause la césure du procès pénal des mineurs, qui est devenu l’un des symboles du renoncement face à la délinquance juvénile ?
Comment un adolescent peut-il saisir la gravité de son acte quand la peine tombe, le cas échéant, un an après et est prononcée moins au vu de la gravité du délit qu’au regard du comportement du mineur vis-à-vis de son éducateur dans l’intervalle ?
Il est temps de restaurer l’unité de jugement et de redonner à la sanction son rôle pédagogique premier : elle doit pour cela être immédiate, certaine, lisible et assumée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Marie-Claire Carrère-Gée, je vais essayer de répondre à l’ensemble de vos interrogations, même si je me suis déjà exprimé sur ce sujet en réponse aux questions de Mme Jourda, de Mme Florennes et de M. Blanc.
Vous l’avez compris, j’ai la ferme volonté de construire rapidement de nouvelles places de prison, en procédant différemment de ce que fait habituellement le ministère de la justice.
Aujourd’hui, on construit, grosso modo, les mêmes établissements pénitentiaires sur l’ensemble du territoire national, sans véritablement différencier les profils de détenus selon leur dangerosité. On les catégorise seulement selon leur statut devant la justice : les personnes en détention provisoire sont orientées vers les maisons d’arrêt, tandis que les personnes condamnées sont placées dans des établissements pour peine. Résultat : surpopulation chronique en maison d’arrêt et sous-occupation des établissements pour peine. Ce déséquilibre traduit un dysfonctionnement du système.
Le 31 juillet prochain, comme vous l’avez voté, sera créée la première prison de haute sécurité dans le Pas-de-Calais. Puis ouvrira, le 15 octobre, celle de Condé-sur-Sarthe. Comme je l’ai indiqué à M. Blanc, nous développons également des prisons à taille humaine, moins carcérales, destinées aux auteurs de délits ou de crimes qui, une fois condamnés et incarcérés, ne poseront plus de problèmes à l’extérieur. Je pense, notamment, aux infractions routières, à certains faits de violences sexuelles ou de destruction. Les auteurs de ces faits, une fois qu’ils sont à l’intérieur de la prison, ne posent plus de difficulté à l’extérieur, ce qui n’est pas le cas des narcobandits ou des terroristes.
Oui, je suis favorable à la fin de l’aménagement de peine obligatoire. Vous avez cité la loi Belloubet, mais permettez-moi de rappeler que cette orientation a été mise en œuvre par M. Perben, poursuivie par Mme Dati, puis par Mme Belloubet, enfin par M. Dupond-Moretti. Tous ont agi au nom d’un principe intelligent que nous avons collectivement soutenu : celui d’une régulation carcérale inversée, en refusant les peines ultracourtes, qui n’ont jamais véritablement eu leur place dans notre droit.
Un travail est en cours au Sénat sur ces peines courtes et ultracourtes. Je pense notamment aux travaux conduits par Mme Vérien. Nous devons également observer ce qui se fait au Royaume-Uni, en Allemagne ou aux Pays-Bas. Je suis prêt à en débattre. Mais j’indique d’ores et déjà que je proposerai la fin de l’aménagement de peine obligatoire dès le premier jour d’incarcération dans le texte que je compte vous présenter – je l’espère – dès septembre prochain.
J’en viens à la justice des mineurs. Vous avez, madame, voté la réforme du code de la justice pénale des mineurs proposée par mon prédécesseur, qui prévoit notamment la césure. Et dans le texte dont nous avons débattu ensemble – je parle ici de votre groupe politique –, vous n’avez pas proposé la suppression de ce dispositif.
Cependant, la loi qui vient d’être adoptée permet de faire beaucoup de choses. La comparution immédiate, l’assistance éducative suivie de sanctions, le couvre-feu, sont autant d’outils à notre disposition.