Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Madame la présidente, monsieur le président de la commission de la culture, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel, déposée par Laurent Lafon.

Ce texte est la traduction législative du rapport de la mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français, qui a rendu ses conclusions au mois d’octobre dernier.

Cette mission d’information, riche et instructive à de nombreux égards, a formulé trente-cinq recommandations, dont un certain nombre seront étudiées aujourd’hui dans le cadre de cette proposition de loi. Ce travail, dont je remercie le président Laurent Lafon et le rapporteur Michel Savin, a d’autant plus trouvé tout son sens qu’il s’est inscrit dans une période de crise profonde du football professionnel français.

Depuis le départ de Mediapro en 2020, le football français rencontre un certain nombre de difficultés économiques, liées à la baisse des droits télévisuels dont les clubs français sont économiquement très dépendants. Ces difficultés ont été accentuées par les effets de la crise sanitaire et par des choix de gouvernance de plus en plus contestés.

Le partenariat conclu en 2022 entre la Ligue de football professionnel (LFP) et le fonds d’investissement CVC Capital Partners a dans un premier temps permis de traverser cette crise, sans pour autant faire évoluer le modèle économique du football français. La coexistence d’une ligue professionnelle et d’une société commerciale qui assure la commercialisation et la gestion des droits audiovisuels, à l’exception de ceux qui sont issus des paris sportifs, a créé une situation qui a conduit à la mise en place de votre mission d’information.

Les conditions d’attribution du dernier appel d’offres, à l’été 2024, et le conflit qui a opposé la LFP et le principal diffuseur, DAZN, au début de l’année 2025, a mis un peu plus en lumière les difficultés structurelles dans la gouvernance de la LFP, les clubs n’étant associés qu’indirectement à la gouvernance de la filiale commerciale.

C’est dans ce contexte, d’une part, que cette proposition de loi a été déposée au Sénat, et, d’autre part, que la Fédération française de football, la Ligue et les clubs professionnels ont mis en œuvre les États généraux du football professionnel le 3 mars 2025. Comme je l’ai alors indiqué, je suis convaincue que la crise que traversait le football était non pas conjoncturelle, mais bel et bien structurelle. Je suis donc pleinement satisfaite que chacun ait saisi la gravité de la situation.

Les États généraux du football professionnel ont rendu leurs conclusions le 12 mai dernier ; un certain nombre d’entre elles rejoignent les mesures que comporte cette proposition de loi ou y trouvent leur place, preuve, s’il en était besoin, de la pertinence de vos travaux, mesdames, messieurs les sénateurs.

Dès sa rédaction initiale, ce texte a ouvert un certain nombre de perspectives essentielles.

L’article 1er précise ainsi les obligations des ligues, rappelant utilement la subdélégation dont elles bénéficient et qui les obligent vis-à-vis de la fédération délégataire et du ministère des sports.

L’article 6 a prévu, avant même les conclusions des États généraux du football professionnel, la possibilité pour une fédération de créer une société commerciale, l’associant aux sociétés sportives auxquelles elle a cédé ses droits.

L’article 8 renforce les obligations en matière de déclarations d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour les dirigeants de ligues et de fédérations.

L’article 9 vise à mieux contrôler les ligues et les sociétés sportives.

Enfin, élément essentiel de ce texte, l’article 10 entend donner plus de moyens à l’Arcom afin de lutter plus efficacement contre le piratage. Non seulement nous avons tous ici la même sensibilité sur ce sujet, mais nous mesurons l’importance d’apporter une réponse pour rassurer les futurs diffuseurs.

Cette demande, partagée et unanimement attendue par tous les acteurs du secteur, est une nécessité absolue pour protéger le financement du sport professionnel.

Cette première copie a été utilement amendée lors de son examen en commission. Il s’est agi à la fois d’équilibrer la portée de certaines dispositions, d’intégrer certaines conclusions des États généraux du football professionnel et de donner au sport professionnel féminin les moyens de se renforcer.

Je pense notamment à l’amendement dont l’adoption permet la création de deux ligues au sein d’une même fédération, l’une gérant le secteur masculin, l’autre le secteur féminin.

Les modifications apportées à l’article 2 me semblent également aller dans le bon sens, notamment en créant une procédure de conciliation bornée dans le temps, qui remet au centre le ministère des sports. Il s’agit là d’une évolution essentielle dans l’équilibre global du texte, qui vise à privilégier l’intérêt général au détriment des conflits de personnes – dans le contexte actuel, ce n’est pas rien !

Enfin, les évolutions votées à l’article 9 apportent des précisions précieuses sur le rôle de la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) et son positionnement.

C’est aussi dans cet esprit que le Gouvernement agit : celui d’accompagner et de faire évoluer positivement ce texte. Bien évidemment, le contexte actuel nous fait apprécier cette proposition de loi à travers un prisme particulier, puisqu’elle semble très centrée sur le football professionnel, mais il serait à mon sens réducteur de la limiter à cette dimension. J’ai la conviction que nous devons donner des outils utiles pour réformer le football professionnel français, tout en ne bousculant pas les grands équilibres qui existent dans d’autres disciplines. Je sais que nous partageons ces orientations.

Je défendrai donc au nom du Gouvernement un certain nombre d’amendements, qui tendent vers cet objectif tout en préservant la philosophie et les équilibres déjà établis dans ce texte.

Ainsi, je présenterai un amendement portant article additionnel visant à contraindre les clubs français à mettre à disposition les joueurs français sélectionnés par leur fédération pour les jeux Olympiques et Paralympiques.

Nous avons tous regretté, l’été dernier, que certains de nos champions ne puissent pas prendre part au tournoi de football des jeux Olympiques de Paris. Désormais, pour cette compétition, la sélection française primera. La France aurait sans doute pu obtenir l’or olympique, si tel avait été le cas ; pour autant, on peut se réjouir de la médaille d’argent obtenue par la sélection de Thierry Henry : il s’agit là d’un formidable exploit !

La commission a par ailleurs adopté un amendement visant à instaurer une obligation de formation continue pour les agents sportifs. Je suis très favorable à cette évolution, qui va dans le bon sens. C’est pourquoi je présenterai un amendement tendant à imposer aux fédérations de dispenser ces formations et de procéder à un suivi régulier des agents qui y participent.

L’un des axes forts de cette proposition de loi est de permettre, pour le football et uniquement pour cette discipline, la création d’une société de clubs, en lieu et place d’une ligue, laquelle est assujettie à un principe de solidarité entre le monde professionnel et le monde amateur.

À l’article 7, je défendrai un amendement ayant pour objet d’établir également ce principe de solidarité dans le cas de la subdélégation à une société de clubs.

Dans la continuité de ce qui a été voté en commission, à savoir la possibilité pour une fédération de créer une ligue masculine et une ligue féminine distinctes, je soumettrai un amendement ayant pour objet de permettre aux clubs d’avoir à la fois une société sportive masculine et une société sportive féminine. Cela vise à concourir au développement du sport professionnel féminin, en donnant ainsi la possibilité à une association sportive de financer distinctement son secteur masculin et son secteur féminin, indépendamment l’un de l’autre.

C’est un enjeu essentiel qui doit permettre au sport professionnel féminin de se structurer et de se développer en tant que modèle économique propre, indépendant du modèle masculin. Nous avons besoin de cette locomotive que constitue le sport professionnel féminin pour développer la pratique sportive chez les femmes, chez les jeunes filles en particulier.

Enfin, je défendrai un certain nombre d’autres amendements, certains ayant pour seul objet d’introduire les modifications apportées par cette proposition de loi au sein du code du sport.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne serons peut-être pas d’accord sur toutes les propositions, mais je nous sais guidés par l’intérêt général du sport.

À l’heure où le Paris-Saint-Germain vient de remporter sa première Ligue des champions, où, pour la cinquième année consécutive, un club français – l’Union Bordeaux Bègles (UBB) – a remporté la Champions Cup, sans oublier les magnifiques parcours de l’Association sportive de Monaco en Euroligue de basket ou du Montpellier Handball (MHB) en Euroligue de handball, on peut dire que le sport français est au sommet des compétitions européennes. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Néanmoins, cela ne doit pas nous faire perdre de vue les enjeux structurels auxquels le sport français est confronté et auxquels cette proposition de loi vise à apporter des réponses. Il y va de l’avenir de nos clubs professionnels, de nos fédérations, de nos ligues, du sport en général.

Le sport professionnel et les champions qu’il crée sont des leviers essentiels à la pratique sportive en France. J’y suis particulièrement attachée.

C’est donc avec la même responsabilité que celle dont font montre Laurent Lafon et Michel Savin, respectivement auteur et rapporteur de cette proposition de loi, que j’émets un avis favorable sur ce texte. Le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée,… (Applaudissements au banc des commissions.)

M. Damien Michallet. Très bien !

Mme Marie Barsacq, ministre. … afin de donner aux acteurs tous les outils qui leur seront nécessaires dès la saison 2026-2027. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Claude Kern. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de ce texte opportun me permet d’en saluer l’initiative et de souligner le travail de ciselage qui a pu être réalisé. Je remercie donc son auteur, Laurent Lafon, ainsi que le rapporteur, Michel Savin, de leur détermination.

Fruit des conclusions de la mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français, ce texte permet de repenser un équilibre face à des problématiques croissantes, liées à la fois à une crise financière et économique, ainsi qu’à certains choix qui perturbent tout un écosystème et attentent jusqu’à la vie des clubs.

Cette proposition de réforme, tant de la gouvernance que de l’environnement économique de la discipline, s’étend bien évidemment à l’ensemble du sport professionnel. Le texte prévoit de préciser et de sécuriser les dispositifs en vigueur, d’accroître la solidarité en matière de gestion et de renforcer les contrôles afin de préserver l’équilibre de notre modèle sportif.

Plutôt que de revenir sur un modèle historique qui a fait ses preuves, cette proposition de loi permet de consolider l’existant de façon inclusive et démocratique, mais également d’apaiser et de rééquilibrer les relations entre ligues et fédérations.

Il était urgent de clarifier les responsabilités entre les différentes entités sportives, en particulier à travers les mécanismes de subdélégation, ainsi que le rôle des fédérations sportives et des ligues professionnelles. Trop souvent, nous assistons à des chevauchements, des blocages ou des conflits d’intérêts, et ce au détriment de la transparence et de l’efficacité.

La subdélégation de certaines missions des fédérations aux ligues professionnelles nécessite un encadrement juridique rigoureux, garantissant l’intérêt général et l’éthique sportive.

En ce sens, les modifications significatives apportées par le rapporteur en commission emportent notre adhésion : je pense notamment à la volonté de refaçonner l’architecture du modèle par un nombre limité d’options possibles, à la mise en œuvre d’une consultation des associations de supporters, aux mesures pour dynamiser plus particulièrement le sport professionnel féminin, ou encore à la mise en place d’un contrôle de gestion plus fin.

Cependant, et parce qu’il me semble que la définition d’un nouveau modèle de gouvernance s’inscrivant dans une vision plus durable doit résulter d’un projet défendu par l’ensemble d’une discipline, autrement dit d’un choix partagé, et d’une décision prise d’un commun accord avec la ligue professionnelle existante et ses composantes, je souhaite proposer quelques ajustements qui permettront de préserver le périmètre des compétences et l’autonomie d’action de ces dernières.

Il me semble fondamental d’apporter un certain nombre de garanties relatives à la continuité du service public propre à l’organisation du sport professionnel : il faut des procédures claires et placées in fine sous l’autorité du ministre chargé des sports, en sa qualité d’organe de tutelle, pour surmonter d’éventuelles situations de blocage. À ce titre, je remercie ceux de mes collègues qui m’ont apporté leur soutien.

Par ailleurs, ce texte vient renforcer notre arsenal de lutte contre le piratage, qui menace gravement, non seulement l’économie du sport, mais aussi tout l’écosystème audiovisuel légalement établi.

C’est pourquoi nous ne pouvons que souscrire aux solutions prévues à l’article 10, l’objectif étant de s’inscrire dans une dynamique efficace, aussi bien à court qu’à moyen terme, pour satisfaire l’ensemble des acteurs et parties prenantes.

En 2023, le manque à gagner engendré par le piratage des contenus audiovisuels et des retransmissions d’événements sportifs a été estimé à 1,5 milliard d’euros, dont 290 millions d’euros pour le seul secteur du sport. Cette lutte est essentielle et contribuerait pour partie à réduire la sous-budgétisation chronique du sport en France.

Comment se fait-il que nous subissions encore de plein fouet cette « forfaiture » et tous les effets délétères en cascade que cela suppose, alors que notre pays a été très tôt force de proposition en Europe ? Nos voisins immédiats, l’Espagne, l’Italie, mais également la Grande-Bretagne, font montre de beaucoup plus de détermination et d’efficacité sur ce sujet.

Notre réponse suppose des moyens techniques plus réactifs, mieux coordonnés et proportionnés. À l’ère du numérique, il est nécessaire d’aller plus loin en favorisant le blocage en temps réel, en coopération avec l’Arcom, des serveurs diffusant illégalement les contenus sportifs, des fournisseurs d’accès à internet, et des plateformes elles-mêmes, pour que cesse cette atteinte directe aux droits des diffuseurs, qui affecte également les clubs, les fédérations et, in fine, nos territoires.

Madame la ministre, nous attendons d’urgence que le Gouvernement défende une position ferme sur cette action ciblée. (Mme la ministre opine.) J’insiste tout particulièrement sur la nécessaire célérité de votre engagement, dans la mesure où tout atermoiement aurait un impact massif sur l’écosystème.

Le sport, c’est du spectacle, de la passion, mais aussi des emplois et des ressources pour notre pays. Il est donc de notre responsabilité d’en préserver la valeur en assurant une juste rémunération des acteurs et en dissuadant fermement les auteurs de pratiques illégales.

Dans la mesure où cette proposition de loi s’inscrit dans une réforme d’envergure du sport professionnel et en garantit l’avenir, dans le respect des principes qui fondent notre République et en le prémunissant d’une logique purement commerciale, le groupe Union Centriste, au nom duquel j’interviens, votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui marque une étape décisive pour la refondation du sport professionnel français, et, en particulier, du football. J’en remercie son auteur, le président Laurent Lafon, mais également son rapporteur, notre collègue Michel Savin.

Il fait suite à un diagnostic partagé et alarmant : celui d’un modèle économique surfinanciarisé et à bout de souffle.

Les faiblesses du football professionnel sont bien identifiées : une dépendance excessive aux droits télévisuels, une gouvernance fragmentée et opaque, des inégalités croissantes entre clubs et un piratage massif qui, selon l’Arcom, représenterait près de 290 millions d’euros de pertes, avec des pics allant jusqu’à 55 % de téléspectateurs illégaux pour une retransmission donnée.

À nos yeux, ce texte apporte un certain nombre de réponses utiles. Je souhaite revenir sur quatre points clés.

Tout d’abord, il répond à l’impératif d’une meilleure justice économique entre clubs. En effet, l’article 7, qui plafonne les écarts de répartition des droits audiovisuels, permet de limiter la concentration excessive autour d’un club dominant. Il s’agit d’une avancée que nous saluons, car elle permet de mettre l’accent sur l’équité sportive comme condition de viabilité économique. Au-delà de l’équité, c’est de la vitalité de notre championnat qu’il s’agit : le mythe d’une locomotive qui tirerait l’ensemble des autres clubs vers le haut a vécu.

Ensuite, les articles visant à encadrer les rémunérations, à renforcer les obligations déclaratives auprès de la HATVP, et à soumettre les ligues au contrôle de la Cour des comptes vont dans le bon sens. Il est en effet impératif de sortir du flou, d’éviter les éventuels conflits d’intérêts et le manque de contrôle qui ont trop longtemps gangrené le secteur.

Par ailleurs, le texte s’engage certes timidement, mais s’engage tout de même à réserver une meilleure place aux supporters. Ainsi, l’article 3 associe les supporters, à titre consultatif, à la gouvernance du sport professionnel. S’il s’agit effectivement d’un premier pas, mon groupe défend quant à lui l’idée d’intégrer les représentants des supporters au sein des fédérations sportives, en vue de développer le dialogue entre les instances dirigeantes des fédérations et les groupes de supporters.

Pour nous, les supporters font partie intégrante du quotidien du sport. Acteurs incontournables, ils sont pourtant absents des instances. Si l’Instance nationale du supportérisme (INS) est un outil indispensable de rapprochement entre les fédérations, les ligues et les supporters, nous pensons qu’il serait dommageable de réduire la place des supporters à un simple rôle consultatif. Au-delà de la simple représentation des supporters, c’est en réalité l’idée même d’un sport populaire qui se joue. Le football, plus que n’importe quel autre sport, a une dimension populaire et universelle. C’est sa force !

Enfin, concernant la lutte contre le piratage, l’article 10 a pour objet de permettre à l’Arcom de bloquer en temps réel les contenus illégaux. Il s’agit d’une mesure technique qui pourrait s’avérer efficace, et que nous saluons.

Permettez-moi de dire un mot du terreau fertile sur lequel prospère le piratage, dans le prolongement de ce que je viens de dire sur la nécessité de préserver la dimension populaire du football.

Le scandale Mediapro et le changement quasi annuel d’opérateur ne font qu’accentuer la pression qu’exerce le piratage. Le coût mensuel de l’abonnement est évidemment un frein supplémentaire pour de nombreux foyers.

À l’opposé de ces logiques de court terme, qui ne visent qu’à vendre au plus offrant, ou au supposé plus offrant, les droits audiovisuels du football, posons-nous la question de ce que nous voulons réellement pour le football français. Dans les faits, ces considérations court-termistes n’ont eu pour effet que de dévaloriser le produit. Là où il était possible de faire grandir le football national, à l’instar de ce qui s’est produit dans d’autres pays européens, d’élargir son audience, d’accroître son attractivité, ces choix n’ont fait que l’affaiblir.

Je ne suis pas un doux rêveur complètement déconnecté des réalités du sport de haut niveau, et encore moins du football, et je crois qu’il existe une voie pour mieux réguler les dérives actuelles du football professionnel et en renforcer la dimension populaire.

Certes, ce texte marque une évolution que nous jugeons positive, à rebours du « tout-financiarisation » du football, mais il ne règle évidemment pas tout.

Depuis les décrets Pasqua de 1995, le sport professionnel, autrefois propriété d’entrepreneurs locaux, est devenu un objet économique mondialisé. C’est notamment le cas du football, détenu désormais par des fonds d’investissement.

S’y ajoute la question de la multipropriété, laquelle émerge et risque dans les années qui viennent de poser d’énormes problèmes sur les plans tant sportif qu’économique et moral. Doit-on accepter une concurrence encore plus déloyale, parce que certains clubs sont impliqués dans une multipropriété ? Doit-on accepter qu’un club se fasse dépouiller de son âme au nom de cette même multipropriété ?

Vous l’aurez compris, nous voterons en faveur de ce texte, tout en insistant sur la nécessité de renforcer la dimension populaire du sport, ce qui implique l’accessibilité télévisuelle, mais aussi physique de celui-ci, autrement dit des places à des prix abordables.

Mme la présidente. Il faut conclure.

M. Jérémy Bacchi. Le sport est un bien précieux et universel : veillons à ce qu’il le reste ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le sport professionnel traverse une crise profonde et grave.

Aussi, il fallait une réaction et légiférer pour répondre à de réels problèmes. Mais disons les choses franchement : ce texte est d’abord et avant tout une réponse aux errements constatés dans la gouvernance de la Ligue de football professionnel et aux dérives du football français.

Le rapport de la mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français, conduite l’année dernière au nom de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, est particulièrement accablant : une gouvernance opaque, un enrichissement injustifiable de certains dirigeants – dont je ne citerai pas les noms –, une gestion financière irresponsable, le tout dans un contexte où le déficit cumulé des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 est évalué à plus de 1,2 milliard d’euros.

Cette dérive résulte de l’adoption d’un modèle ultra-financiarisé, où les clubs vivent au-dessus de leurs moyens, où les droits télévisuels chutent de manière vertigineuse, et où les recettes futures sont hypothéquées au profit de fonds d’investissement étrangers.

Il était de notre responsabilité de législateurs d’agir et d’amorcer un changement de la gouvernance du sport professionnel. C’est chose faite avec l’examen de cette proposition de loi. J’en profite pour saluer le travail du président Laurent Lafon, auteur du texte, du rapporteur Michel Savin, de l’ensemble de la commission et de toutes les personnes impliquées dans cette démarche. De très nombreuses auditions et consultations ont été menées, ce dont je me félicite.

Je souhaite revenir sur certaines mesures de ce texte qui vont, selon nous, dans le bon sens.

Je pense notamment à l’encadrement renforcé des sociétés commerciales de gestion des droits audiovisuels dans le football. Cette décision doit permettre de mettre fin à l’opacité et aux dérives qui ont trop longtemps fragilisé notre modèle.

Je pense aussi au contrôle accru de l’État et des fédérations sur les ligues professionnelles. Ils doivent pleinement jouer leur rôle de gardiens de l’intérêt général ; ce texte leur donne à nouveau les moyens d’agir, notamment en cas de dérive financière ou de mauvaise gestion.

Je salue également la mesure visant le plafonnement des rémunérations des dirigeants. À l’heure où certains clubs frôlent la faillite, il n’est plus tolérable que des dirigeants de ligue s’octroient des rémunérations déconnectées de la réalité.

Le plafonnement prévu par le texte est un signal fort : dans le sport, l’exemplarité doit venir d’en haut. Les ligues jouent un rôle majeur dans l’organisation, la diffusion et la viabilité économique du sport professionnel. Plus globalement, elles constituent un atout déterminant pour le sport en France, notamment pour obtenir des moyens. C’est donc un choix d’équité et de justice sociale. Mes chers collègues, revenir sur cette mesure serait une grave erreur.

Enfin, je me réjouis de la lutte engagée contre le piratage et de la décision d’assurer davantage de transparence dans la gouvernance. Nous réaffirmons que la gestion du sport doit être irréprochable. C’est aussi une manière de rétablir la confiance entre les clubs, les supporters et les citoyens.

Vous l’aurez compris, nous considérons que, globalement, cette proposition de loi va dans le bon sens. Cependant, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souhaite que l’on puisse aller plus loin sur certains points.

Ainsi, nous regrettons que ce texte laisse de côté des acteurs essentiels du sport : les citoyens-supporters. Les associations de supporters ne sont pas composées que de simples spectateurs. Elles font vivre les équipes, leurs stades, leurs valeurs, et sont les garantes de l’identité des clubs. Leur structuration doit être soutenue. C’est pourquoi nous défendons leur intégration dans les instances dirigeantes, comme l’auteur de la proposition de loi l’avait initialement prévu, et pas seulement pour avis consultatif.

Mon collègue Thomas Dossus défendra un amendement, qui tend à ce que les arrêtés du ministre de l’intérieur ou du préfet relatifs aux interdictions de déplacement soient pris au moins deux semaines avant la rencontre sportive concernée. Aujourd’hui, nous assistons à une recrudescence des interdictions collectives de déplacement, souvent au dernier moment. Nous proposons de changer de logique et de tendre la main aux associations afin de faire vivre l’essence même du supportérisme : assurer le spectacle grâce à la présence de supporters lors des matchs à l’extérieur, tout en garantissant la sécurité des compétitions.

Nous demandons également que les associations de lutte contre les discriminations soient intégrées dans cette gouvernance ou, a minima, systématiquement consultées, parce que les acteurs du sport ne peuvent continuer à fermer les yeux sur le racisme, le sexisme, l’homophobie qui gangrènent les tribunes comme les vestiaires. Malheureusement, l’actualité nous l’a prouvé encore récemment avec le refus de deux joueurs de porter un brassard arc-en-ciel lors de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie.

Par ailleurs, nous inspirant du rapport de notre collègue députée, Sabrina Sebaihi, relatif à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, nous proposons d’introduire un volet anticorruption dans les contrats de délégation entre l’État, les fédérations et les ligues, avec avis conforme de l’Agence française anticorruption (AFA). Cela peut paraître redondant, mais nous considérons que c’est la condition sine qua non d’une probité durable.

Enfin, ce texte ne traite pas de la question écologique. Le sport, les clubs sont confrontés aux conséquences du dérèglement climatique. Nous ne pouvons pas légiférer en 2025 sans inscrire la transition écologique au cœur des politiques sportives.

Nous voterons ce texte, car nous croyons à la nécessité de reprendre la main, mais nous le faisons avec exigence et vigilance. C’est aux joueurs, aux éducateurs, aux supporters, aux bénévoles, aux territoires que nous devons rendre des comptes. Nous continuerons à agir dans leur intérêt, pour un sport intègre, populaire et accessible à toutes et tous. (M. Jacques Fernique applaudit.)