M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, un modèle économique particulier s’est imposé dans le secteur de l’habillement : celui de la mode éphémère, aussi appelée fast fashion.
Ce phénomène, qui consiste à produire et renouveler à un rythme effréné des collections toujours plus nombreuses, à des prix toujours plus bas, séduit une large part des consommateurs, notamment les plus jeunes.
Mais derrière cette apparente accessibilité, derrière ces vêtements livrés en quelques clics depuis l’autre bout de la planète se cache une autre réalité, une réalité environnementale, sociale et économique que nous ne pouvons plus ignorer.
Entre 2010 et 2023, le nombre de pièces de vêtements mises sur le marché français est passé de 2,3 milliards à 3,3 milliards, soit une hausse vertigineuse de près de 40 % en à peine treize ans ! Ce chiffre n’est pas anodin. Il traduit une logique de surconsommation qui s’emballe et dont les conséquences sont majeures. La grande majorité de ces vêtements sont fabriqués en Asie du Sud-Est par des personnes dont les conditions de travail sont souvent éloignées de nos standards sociaux ; ils engendrent une empreinte carbone massive liée au transport et à la production.
Il est bon de rappeler ici que l’industrie textile est aujourd’hui la deuxième industrie la plus polluante au monde. Elle représente à elle seule près de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Et une part considérable des 3,3 milliards d’articles mis en vente chaque année sur notre territoire ne sera portée que quelques fois, voire jamais, avant de finir reléguée au fond d’un placard, puis jetée.
Mais réduire la fast fashion au seul enjeu écologique serait une erreur. Elle est aussi le symptôme d’une pression économique féroce qui fragilise notre tissu industriel local. Cette distorsion de concurrence menace ainsi notre souveraineté industrielle, affaiblit des savoir-faire et ruine peu à peu notre capacité à produire localement.
Des textes importants ont déjà été adoptés dans le passé, comme la loi de 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ou encore la loi Climat et Résilience de 2021. Ils ont posé des jalons très importants, mais force est de constater qu’ils n’ont pas permis de renverser la dynamique. Le phénomène de la mode jetable s’intensifie et les effets pervers se multiplient.
C’est pourquoi cette proposition de loi, que nous avons examinée la semaine dernière, constitue une avancée essentielle. Elle introduit une définition claire de la mode éphémère. C’est indispensable pour pouvoir l’encadrer de manière rigoureuse.
Nous saluons ainsi la définition retenue de la fast fashion : il s’agit des pratiques industrielles et commerciales des producteurs qui ont pour conséquence la diminution de la durée d’usage ou de vie de produits neufs en raison de la mise sur le marché d’un nombre élevé de références de produits neufs ou de la faible incitation à réparer ces produits. Cette définition apparaît complète et englobante.
Elle prévoit également des mécanismes de sanction et de responsabilisation dissuasifs à l’égard des entreprises qui choisiraient de contourner les règles.
Enfin, le groupe RDPI se félicite du rétablissement de l’article 3 qui vise à interdire toute publicité faisant la promotion de la fast fashion. Il complète l’article 3 bis, qui tend à interdire la promotion de ces produits par des influenceurs.
Avec ce texte, nous ne proposons pas d’interdire de s’habiller, mais nous proposons de redonner du sens à nos achats, de sortir de la logique de l’accumulation au profit de celle de la responsabilité.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
Je vous invite à insérer votre carte de vote dans le terminal et à l’y laisser jusqu’au vote.
Si vous disposez d’une délégation de vote, le nom du sénateur pour lequel vous devez voter s’affiche automatiquement sur le terminal en dessous de votre nom. Vous pouvez alors voter pour vous et pour le délégant, en sélectionnant le nom correspondant, puis en choisissant une position de vote.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 303 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 337 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord remercier le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Jean-François Longeot, qui a pris l’initiative d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de sa commission et qui a donné une certaine résonance à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Je veux également remercier la rapporteure, Sylvie Valente Le Hir, avec laquelle Agnès Pannier-Runacher et moi-même avons travaillé de manière très précieuse pour améliorer et rendre opérant ce texte.
Enfin, je veux remercier tous les sénateurs qui ont contribué à rendre la proposition de loi plus robuste et plus ambitieuse.
Certaines dispositions retiennent plus particulièrement mon attention. Je pense notamment à l’interdiction de la publicité pour la mode ultra-express, à la fixation dans la loi d’un minimum pour les pénalités plutôt qu’un seuil ou encore au dispositif de détermination du malus assis sur le coefficient de durabilité de l’affichage environnemental.
Ce texte répond à deux ambitions : protéger notre environnement et protéger nos commerces.
Dès demain, le Gouvernement le notifiera à la Commission européenne qui disposera d’un délai de trois à quatre mois pour nous faire part de ses observations.
Une commission mixte paritaire se tiendra et prendra en compte, comme il se doit, les rédactions de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Parallèlement, Agnès Pannier-Runacher et moi-même allons travailler dès maintenant à la préparation des décrets d’application et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) poursuivra ses contrôles.
Nous continuerons également de travailler avec la Commission européenne pour corriger les pratiques de certaines plateformes de l’e-commerce. Je veux réaffirmer ici qu’il s’agit, pour le Gouvernement, d’une priorité ; c’est ainsi qu’il y a quelques semaines, à la suite d’enquêtes menées par quatre pays, dont la France, la Commission a engagé une action contre Shein.
Ce qui a été fait sur ce texte, en particulier en termes de coconstruction, madame la rapporteure, montre clairement que le Gouvernement et le Parlement partagent la même vision. Je me réjouis de cette convergence, qui est un gage d’efficacité.
Je veux vraiment remercier l’ensemble du Sénat pour ce vote qui va nous permettre de poursuivre notre action. Il nous engage ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, mes chers collègues, je veux d’abord saluer cette quasi-unanimité. C’est d’autant plus important pour moi qu’il s’agit de mon premier rapport en tant que sénatrice (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) et que ce texte est un peu hors norme – j’en veux pour preuve l’ampleur de la revue de presse d’aujourd’hui ! Nous avons dû faire face à beaucoup d’adversité.
Je tiens à remercier la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en particulier son président, ainsi que mon groupe, qui m’a toujours suivi.
Je remercie également le président du Sénat, Gérard Larcher. L’examen de ce texte n’a pas été simple, nous avons dû nous battre et votre aide à ce moment-là, monsieur le président, m’a été particulièrement précieuse.
Merci à tous ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Madame la présidente, il s’agit d’une mise au point technique : le matériel de vote ne fonctionne pas ! (Exclamations amusées.)
Lors du scrutin public n° 303 sur l’ensemble de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, qui vient tout juste d’avoir lieu, j’ai voté pour. Je ne comprends pas pourquoi j’ai été enregistré comme ayant voté contre. Je demande donc que mon véritable vote soit pris en compte. Tous mes collègues en sont témoins ! (Sourires.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.
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Organisation, gestion et financement du sport professionnel
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, de la proposition de loi relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel, présentée par M. Laurent Lafon (proposition n° 456, texte de la commission n° 670, rapport n° 669).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le sport incarne des valeurs d’excellence, de dépassement de soi et de solidarité. Il rassemble nos concitoyens et fédère la nation comme nul autre domaine. Les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ont montré à quel point il pouvait transcender les différences et incarner un idéal commun, tout en contribuant au rayonnement international de la France.
Le sport professionnel participe de cette dynamique. À ce titre, il défend une exigence d’exemplarité. Devenu un spectacle, il doit aussi être un modèle et un soutien pour le sport amateur. Cette responsabilité dépasse le seul cadre sportif. Elle doit aussi se traduire par une éthique, une exigence et des comportements irréprochables.
C’est cette conviction qui a conduit la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport à créer, l’an dernier, une mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français. Je remercie Michel Savin, rapporteur de cette mission d’information et de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Je remercie également l’ensemble des collègues qui ont participé aux très nombreuses auditions que nous avons menées sur ce sujet pendant plus d’un an.
La présente proposition de loi est la suite logique des conclusions que la mission d’information a rendues au mois d’octobre dernier. Nos travaux ont mis en évidence des difficultés économiques structurelles, des problèmes de gouvernance et de conflits d’intérêts, voire des dérives.
Le championnat de France de football connaît une perte d’attractivité qui conduit à des difficultés économiques croissantes pour les clubs. Ces difficultés mettent à mal la vitalité économique, sociale et culturelle de nos territoires, où les clubs sont ancrés et où ils occupent une place importante dans l’animation de la vie locale.
Au fil de nos travaux, nous avons constaté que la mission d’information du Sénat suscitait une véritable prise de conscience. Alors qu’au départ la plupart des acteurs rencontrés affichaient une grande assurance, leurs certitudes se sont peu à peu estompées, avant de faire place à une réelle remise en question. Cette remise en question s’est amplifiée avec le retrait du principal diffuseur du championnat en début d’année, quelques mois après son arrivée, faisant peser sur les clubs des incertitudes majeures, non résolues à ce jour, qui peuvent s’apparenter pour eux à une forme de saut dans l’inconnu.
Cette prise de conscience nouvelle s’est concrétisée par la réunion d’États généraux du football professionnel, sur l’initiative du président de la Fédération française de football (FFF). Les conclusions de ces États généraux rejoignent largement les orientations de la proposition de loi. La dynamique actuelle est réelle et inédite. Elle ne doit pas s’essouffler.
Avec cette proposition de loi, nous avons élargi le champ de nos travaux pour couvrir l’ensemble du sport professionnel et apporter des réponses globales à des enjeux de gouvernance, de responsabilité et de financement. Nos auditions ont montré que les situations de blocage étaient nombreuses, dans des disciplines autres que le football, en raison de désaccords entre fédérations et ligues.
Le piratage des contenus audiovisuels sportifs constitue une problématique transversale qui fragilise l’ensemble de l’économie du sport professionnel. Il vient s’ajouter à la concurrence accrue de contenus audiovisuels sportifs et non sportifs, toujours plus attrayants et diversifiés.
L’ampleur même du piratage est paradoxalement un facteur d’espoir, puisqu’elle témoigne de l’attractivité persistante des contenus sportifs. Si nous parvenons à bâtir un modèle économique viable, comme cela a pu se faire pour la musique, le potentiel de valorisation reste considérable.
Pour apporter une réponse à ces défis, une réforme législative est nécessaire. C’est ce à quoi cette proposition de loi devrait contribuer. Cette réforme est urgente ; ses différents volets – gouvernance et piratage – sont indissociables.
La mission d’information du Sénat a mis en évidence les lacunes de la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, qui a fixé les conditions dans lesquelles une ligue de sport professionnel peut créer une société commerciale pour la commercialisation et la gestion des droits d’exploitation.
Nous y remédions, tout en visant, plus largement, à rendre plus efficaces l’organisation et la gouvernance du sport professionnel, notamment dans l’hypothèse où les droits d’exploitation audiovisuelle ont été cédés par la fédération aux clubs, c’est-à-dire dans le cas spécifique du football. Je vous propose, dans ce cas, que la fédération puisse créer une société commerciale l’associant aux sociétés sportives propriétaires de ces droits, c’est-à-dire les clubs.
Ce schéma doit clarifier la gouvernance d’un système qui est aujourd’hui opaque et déresponsabilisant pour les clubs, car il empile les structures. Dans cette société, la fédération bénéficierait d’une action préférentielle, afin de garantir le bon fonctionnement de l’architecture pyramidale prévue par le code du sport. Cette architecture est consubstantielle au modèle sportif français, dans lequel l’État délègue une mission de service public aux fédérations sportives. Libre à elles de subdéléguer ensuite aux ligues.
Cette proposition de loi vise également à renforcer le contrôle et le suivi de la gestion des clubs, des ligues et de leurs sociétés commerciales. Elle prévoit un contrôle de la Cour des comptes et renforce le contrôle de gestion des clubs.
Pour ce qui est du piratage, la commission a travaillé avec l’ensemble des acteurs du secteur, notamment les titulaires de droits, et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), afin de proposer un système susceptible de permettre des blocages en temps réel. En effet, seule une intervention immédiate pendant la diffusion des événements sportifs peut être véritablement efficace. Nous l’avons fait tout en intégrant un certain nombre de garanties afin de sécuriser pleinement le dispositif.
Cette proposition de loi est le résultat d’un travail collectif. Le rapporteur vous présentera dans quelques instants les travaux de la commission. Je me réjouis que cet examen parlementaire offre une nouvelle occasion d’enrichir le texte, notamment via les amendements qui ont été déposés.
Madame la ministre, votre engagement sur ce sujet nous est précieux. Il y a urgence si nous voulons profiter de la dynamique existante pour mener une réforme ambitieuse dont le sport professionnel a tant besoin. C’est pourquoi nous remercions le Gouvernement d’avoir engagé la procédure accélérée sur ce texte afin d’en permettre une adoption rapide. Nous comptons sur vous pour que, une fois adopté au Sénat, il puisse être inscrit dans les plus brefs délais à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Jérémy Bacchi et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Michel Savin, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je suis très heureux que nous entamions cet après-midi l’examen de la proposition de loi relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel. Déposée par Laurent Lafon, elle est issue des travaux de la mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français, réalisés au nom de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport à laquelle avaient été octroyées les prérogatives des commissions d’enquête.
Adopté à l’unanimité au mois d’octobre dernier, le rapport d’information de la mission comprenait trente-cinq recommandations en vue de clarifier la gouvernance collective du sport professionnel, de renforcer le contrôle des budgets des clubs et des ligues professionnelles, de partager plus équitablement les ressources issues des droits audiovisuels, d’accroître les exigences en matière d’éthique, de bonne gestion et de démocratie, et de réinventer l’économie du sport professionnel, confronté à la progression du piratage.
Les constats dressés dans le rapport se sont malheureusement confirmés au cours des derniers mois, avec un diffuseur du championnat de France de football qui a souhaité mettre fin à son contrat de façon anticipée, un piratage des contenus sportifs qui est en progression constante et continue et qui se banalise, et un déficit cumulé qui dépasse le milliard d’euros pour l’ensemble des clubs professionnels de football.
Le premier mérite de ce travail de contrôle est d’avoir mis en lumière des dysfonctionnements dans la gouvernance du football professionnel, qui prospéraient grâce au manque de transparence dans des prises de décision fondamentales pour l’avenir du sport.
Même si les événements des derniers mois confirment la qualité de nos travaux, qui ont pu être critiqués, il demeure regrettable que les acteurs du milieu ne se soient pas engagés plus tôt en faveur d’une véritable rénovation de ce modèle.
À la suite de diverses conjonctures, c’est désormais une véritable épée de Damoclès qui pèse au-dessus de la tête des clubs professionnels de football : ce marasme économique les plonge dans l’incertitude, la survie de plusieurs d’entre eux dépendant désormais de la solidité financière et de la bonne volonté de leurs actionnaires, et risque de mettre en péril la formation des jeunes et les sections féminines.
Afin d’identifier des solutions, le président de la Fédération française de football et vous-même, madame la ministre, avez lancé au mois de mars dernier les États généraux du football professionnel. Ils ont abouti à des propositions de réforme en profondeur, s’agissant tant de la gouvernance que du développement économique, du contrôle et de la discipline.
Parallèlement, un certain nombre de blocages dans l’organisation et la gestion du sport professionnel appellent des ajustements législatifs.
Lors de nos nombreuses auditions, nous avons pu entendre l’ensemble des acteurs concernés, notamment les fédérations, les ligues, les organisations professionnelles, les organismes de contrôle, les titulaires de droits sportifs, les diffuseurs, le ministère, etc.
Si de nombreux acteurs ont d’abord fait part de leurs interrogations face à la création de notre mission d’information, dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête, beaucoup reconnaissent aujourd’hui le bien-fondé de nos travaux et nous remercient de nous être attelés, avec grand intérêt, à identifier les obstacles qui menacent la pérennité du sport professionnel.
Face à ces constats, une réponse législative s’imposait à nous. Elle devient urgente et impérative pour tous aujourd’hui.
Le sport professionnel n’est pas une zone de non-droit : c’est un secteur stratégique, qui mérite un cadre à la hauteur de son impact.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. Michel Savin, rapporteur. En effet, la médiatisation des désillusions du football français ne doit pas occulter les défis qui se posent aux autres sports professionnels en matière de piratage, de développement du sport féminin, comme de contrôle des fédérations sportives délégataires. C’est ce que révèle le rapport du conseiller d’État Rémy Schwartz, publié en 2023, qui soulignait l’insuffisance de contrôle dans la mise en œuvre des subdélégations de service public.
Ainsi, la proposition de loi de Laurent Lafon, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur, vise à instaurer un cadre plus éthique, transparent et performant.
Fruit d’un travail approfondi, enrichi par seize amendements qui ont été adoptés en commission – comme par ceux qui le seront en séance publique –, ce texte couvre différents besoins.
Premièrement, ce texte entend rééquilibrer les gouvernances et les relations entre fédérations et ligues professionnelles.
Chaque ligue devra à l’avenir rendre compte de l’exercice de sa subdélégation, non seulement au ministre des sports, mais aussi à la fédération qui l’a investie. En cas de retrait de cette subdélégation, une procédure encadrée est prévue : préavis de six mois, phase de conciliation avec procédure contradictoire obligatoire et avis préalable du ministère.
L’article 2 a pour objet d’apporter un cadre plus clair aux conditions et conséquences du retrait de la subdélégation, en énumérant des motifs précis. Il introduit une mesure dissuasive, qui se veut non pas source d’instabilité, mais au contraire de sécurisation.
Deuxièmement, il s’agit d’accorder au sport féminin les moyens de son autonomie.
L’article 1er accorde aux fédérations le pouvoir de créer une seconde ligue professionnelle dédiée au sport féminin. Cette mesure vise à offrir un cadre propice à son développement économique et sportif.
Troisièmement, il convient de clarifier les modèles de gouvernance économique.
Une société commerciale pourra être créée par la fédération avec les clubs pour commercialiser et gérer l’exploitation des droits. Tous les clubs engagés dans une même compétition y disposeront d’un droit de vote égal. La fédération bénéficiera d’un droit de veto sur les décisions touchant à ses compétences régaliennes et au suivi de l’organisation des compétitions sportives.
L’article 5 permet également la cession des droits d’exploitation en un seul lot ou en plusieurs lots.
De plus, les dirigeants ne pourront plus cumuler leurs fonctions avec un poste dans une entreprise de diffusion audiovisuelle, afin de prévenir tout conflit d’intérêts.
Quatrièmement, ce texte tend à encadrer les rémunérations : celles des présidents de fédération ne pourront dépasser trois fois le plafond prévu dans le code de la sécurité sociale ; celles des salariés et dirigeants de ligues ou de sociétés commerciales ne pourront pas, elles, dépasser le plafond applicable aux rémunérations des présidents d’établissement public à caractère industriel et commercial.
Cinquièmement, le contrôle financier doit être renforcé.
Les organismes de contrôle analyseront les comptes d’exploitation et pourront prononcer des sanctions financières et sportives en cas d’écart significatif avec les prévisions, mais aussi la limitation des effectifs et le plafonnement de la masse salariale.
Un plafond de répartition des produits audiovisuels sera instauré. Entre clubs d’une même compétition, le ratio entre les plus faibles et les plus élevés ne pourra plus excéder un pour trois. Cette mesure vise à garantir une meilleure équité et à réduire le gap actuel, notamment dans le football, ce ratio étant aujourd’hui de un pour cinq.
Sixièmement, la profession d’agent sportif doit être encadrée.
Pour exercer, un agent devra désormais être titulaire d’un diplôme de niveau bac+3, réussir un examen écrit, suivre une formation continue, déclarer toutes les sommes perçues et versées et respecter des obligations en termes de transparence et d’éthique. En cas d’exercice illégal, les sanctions seront renforcées.
Septièmement, il faut entendre la voix des supporters.
Une consultation annuelle obligatoire des associations de supporters sera mise en œuvre au sein de chaque fédération et de chaque ligue. Cette mesure vise à structurer une concertation régulière et utile, reconnaissant ainsi la place des supporters dans la vie des clubs.
Huitièmement, ce texte vise à faire la chasse au piratage des contenus sportifs.
S’il est bien une mesure qui fait l’unanimité et sur l’ampleur et l’urgence de laquelle l’ensemble des acteurs s’accordent, c’est la lutte contre le piratage.
En lien avec l’Arcom, les diffuseurs, les ligues, les fédérations, les fournisseurs d’accès à internet (FAI), un système automatisé de blocage des sites illégaux pendant la diffusion en direct sera mis en place. Ce dispositif s’accompagne de sanctions renforcées – jusqu’à sept ans de prison et 750 000 euros d’amende –, ainsi que de garanties procédurales et d’un droit de recours immédiat pour les plateformes concernées.
Mes chers collègues, cette proposition de loi est une refondation inédite du sport professionnel français. Elle tend à construire un sport plus solide, plus juste, plus moderne, à la hauteur de ses responsabilités. Nous le faisons avec exigence, cohérence et détermination. Elle est aussi attendue par une très grande partie du mouvement sportif.
L’ensemble de ces dispositions permettront d’apporter des bases plus solides au modèle de gouvernance et de gestion du sport professionnel, mais également de remettre la transparence, la solidarité et l’attractivité au centre du jeu.
Enfin, parce qu’il y va de la santé du sport professionnel et, indirectement, de celle du sport amateur, certaines dispositions se font urgentes.
Madame la ministre, compte tenu des enjeux dont il est question, je vous remercie d’avoir jugé opportun de déclencher la procédure accélérée sur ce texte, afin de permettre son adoption dans les meilleurs délais.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter la proposition de loi de Laurent Lafon relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jérémy Bacchi applaudit également.)