M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. J'ai entendu les propos du rapporteur de la commission des finances.
Ce débat n'oppose pas les communes de montagne et les territoires du littoral, qui rencontrent les problématiques fiscales qui ont été évoquées.
Dans de nombreux territoires français, les territoires en amont sont plus riches que ceux qui sont situés en aval. Or dans ces territoires plus aisés, la taxe Gemapi n'est pas toujours levée. Je pense, par exemple, à des territoires densément peuplés, comprenant des zones d'activité, où le produit de la CFE est important. Prenons ainsi la commune de Cholet, dans mon département : l'agglomération du Choletais s'illustre tout de même par un certain dynamisme économique, alors que la taxe n'y est pas levée à plein.
Selon moi, l'intérêt de ce texte était qu'il permettait, dans certains territoires où la taxe Gemapi n'est pas complètement levée, d'affecter une partie de son produit à l'accompagnement des communes dans une logique de fonds de concours, comme le suggérait notre collègue Lemoyne. Or je n'ai pas très bien saisi la réponse du rapporteur par rapport à cette situation spécifique.
Madame la ministre, soit cette possibilité n'existe pas, et l'article 4 mérite d'être maintenu ; soit cette possibilité existe, et l'ensemble de cette loi vise à fragiliser un édifice, qui, même s'il est imparfait, est déjà construit. Dès lors, il nous faut une loi de plus grande ampleur.
Je ne peux poser l'équation autrement…
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Laurent Somon, rapporteur pour avis. Monsieur Blanc, les auteurs de ce texte n'ont pas choisi d'imposer à toutes les collectivités d'instaurer la taxe Gemapi au taux plafond, précisément pour leur laisser de la liberté – comme cela a été dit, il s'agit d'un texte de liberté.
Je vous renvoie au principe de libre administration des communes. La Gemapi est une compétence obligatoire, qui repose sur une taxe affectée facultative. Notre volonté n'était pas d'imposer le prélèvement de cette taxe aux collectivités. Il appartient à celles-ci de choisir, en toute liberté, de lever cette taxe et d'en fixer le taux.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, du reste, sur le fait que l'inégalité entre les capacités financières des territoires, selon qu'ils lèvent ou non cette taxe, et à quel taux, a trait à un problème de financement et de péréquation.
Pour autant, nous n'avons pas souhaité instaurer de mécanisme de péréquation horizontale. J'ai assisté à une telle tentative à l'Assemblée des départements de France (ADF) : je vous laisse le soin d'essayer d'appliquer une péréquation horizontale sur la Gemapi – bon courage !
M. le président. Monsieur Blanc, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. Grégory Blanc. Oui, il est maintenu.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.
M. Hervé Gillé. La commission des lois et la commission des finances ont été saisies, respectivement au fond et pour avis, sur ce texte ; à titre personnel, j'aurais aimé que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable soit au moins consultée pour avis sur les questions de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.
Voilà qui aurait été plutôt pertinent dans la mesure où nous travaillons précisément, au sein de notre commission, sur la gestion du risque, notamment avec Pascal Martin et Jean-Yves Roux. Il est dommage que ce texte relatif à la Gemapi ne soit pas empreint de cette transversalité. Je vous redonne donc rendez-vous pour aborder ce sujet à l'avenir.
Je sais que le rapport qui sera rendu par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sera à la fois transpartisan et suffisamment global pour nous permettre d'avancer, à la rentrée, sur le sujet.
M. le président. Les rapports du Sénat sont toujours d'excellente qualité, vous le savez ! (Sourires.)
La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour explication de vote.
Mme Anne Chain-Larché. Nous sommes parfaitement conscients que ce texte est un premier pas : il faut un début à tout.
Nous avions d'ailleurs proposé à notre collègue Rémy Pointereau de travailler sur la rédaction d'un texte commun. Nous avons compris que votre démarche est très approfondie, bien qu'elle ne soit pas encore arrivée à terme. Nous y souscrirons pleinement.
J'ai d'ailleurs évoqué précédemment un texte complémentaire à cette proposition de loi. En attendant, je remercie l'ensemble des sénateurs pour la qualité de ce débat. La démarche est lancée et le Sénat en sortira certainement grandi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 310 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l'adoption | 224 |
Contre | 82 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Annick Billon applaudit également.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante-six.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales
Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission des finances, de la proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales, présentée par M. Jean-François Husson et plusieurs de ses collègues (proposition n° 542, texte de la commission n° 696, rapport n° 695).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Husson, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, il n'est pas si fréquent que le rapporteur général de la commission des finances monte à cette tribune pour présenter un texte qui rencontre, a priori, un soutien aussi large au sein de cet hémicycle.
La proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales a en effet été largement cosignée, à la fois par les membres de la commission des finances et par une majorité de groupes politiques. Je les en remercie.
Je remercie également le président de la commission des finances, Claude Raynal, qui a demandé l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de notre assemblée.
Avant de présenter les apports de ce texte, je veux revenir sur les travaux qui ont nourri sa rédaction.
Le 27 mars 2024, la mission d'information de notre commission des finances remettait au Sénat un rapport intitulé Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales. Ce travail a mis au jour les difficultés croissantes des collectivités territoriales face à leurs assureurs en s'appuyant notamment sur une consultation en ligne des élus locaux.
Je ne citerai que quelques chiffres marquants issus des plus de 700 réponses qui ont été reçues.
Près de 95 % des collectivités répondantes ont indiqué avoir subi une hausse de leur prime d'assurance et environ 30 % ont souligné que leur assureur leur avait imposé une hausse de leur franchise. En outre, de nombreuses collectivités faisaient état de leurs difficultés à conserver, voire à trouver un assureur. Ainsi, 20 % d'entre elles avaient vu leur contrat résilié unilatéralement, parmi lesquelles 41 % avaient reçu un préavis inférieur à quatre mois. Enfin, un quart des collectivités répondantes avaient été confrontées à un appel d'offres infructueux.
Le rapport de notre mission a bien identifié les raisons d'une telle situation : le marché de l'assurance des collectivités, à la suite d'une guerre presque fratricide des prix, a été déserté par la quasi-totalité des assureurs. Il est aujourd'hui fortement duopolistique, Groupama et Smacl Assurances SA se partageant une grande partie du marché.
Ces dysfonctionnements, à propos desquels notre commission a d'ailleurs saisi l'Autorité de la concurrence sur le fondement de l'article L. 462-1 du code de commerce, expliquent en grande partie les difficultés actuelles des collectivités en matière d'assurance.
Ces difficultés ont été révélées au grand jour du fait de la hausse de la sinistralité.
En premier lieu, de nombreux territoires ont été affectés par des phénomènes climatiques extrêmes. Cette tendance devrait malheureusement se poursuivre. Entre 1989 et 2019, l'ensemble des événements climatiques a généré des indemnisations à hauteur de 74 milliards d'euros pour les collectivités, les particuliers et les entreprises. D'après des études fondées sur des projections sociodémographiques et climatiques, pour la période 2020-2050, le total devrait atteindre 143 milliards d'euros, soit quasiment le double par rapport aux trente dernières années.
En second lieu, les collectivités sont plus particulièrement exposées aux épisodes d'émeutes et de mouvements populaires. Notre pays a vu se multiplier ce type d'événements au cours des dernières années, avec une intensification préoccupante des dégâts engendrés. Les violences de 2023 ont ainsi causé des dommages quatre fois plus importants que les violences urbaines de 2005. Cela soulève une difficulté majeure qui pourrait se traduire, à terme, par l'absence de couverture assurantielle de ce risque.
L'ensemble de ces constats a été confirmé dans le rapport, publié en septembre 2024, de la mission d'évaluation sur l'assurabilité des collectivités territoriales confiée par le Gouvernement à Jean-Yves Dagès, ancien directeur général de Groupama et Alain Chrétien, maire de Vesoul.
Les travaux du Sénat, en particulier ceux de notre commission des finances, ont permis des avancées.
J'ai présenté, au sein du projet de loi de simplification de la vie économique, un amendement visant à imposer un préavis d'au moins six mois pour la résiliation unilatérale d'un contrat d'assurance d'une collectivité territoriale, qui devrait être conservé dans le texte final.
En octobre, nous avons également adopté la proposition de loi visant à assurer l'équilibre du régime des catastrophes naturelles de notre collègue Christine Lavarde.
Pour autant, une réponse spécifique aux difficultés des collectivités territoriales se fait encore attendre. Je reconnais que le Gouvernement a fait un premier pas sur le sujet en organisant le 14 avril 2025 un Roquelaure de l'assurabilité des territoires et en présentant, à cette occasion, son plan d'action.
Toutefois, pour bien des élus, les annonces du Roquelaure, pour bienvenues qu'elles soient, les laissent un peu sur leur faim. Les mesures annoncées doivent soit être mises en œuvre par voie réglementaire, soit faire encore l'objet de groupes de travail.
Dans ce contexte, le présent texte entend apporter une traduction concrète aux recommandations de nos travaux relevant du domaine législatif.
Tout d'abord, le texte prévoit d'améliorer les dispositifs de suivi du marché de l'assurance des collectivités territoriales, afin de prévenir toute nouvelle dérive.
L'article 1er précise les compétences de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Il nous a semblé nécessaire que l'Autorité prenne en compte, dans l'exercice de ses missions, des spécificités du marché de l'assurance des collectivités territoriales, ce qui n'est pas le cas actuellement, puisque les collectivités ne sont pas différenciées des entreprises.
Dans le même sens, il est prévu, à l'article 2, que le comité consultatif du secteur financier assure un suivi des pratiques tarifaires des entreprises d'assurance pour les services offerts aux personnes publiques. Un tel suivi permettra d'anticiper toute nouvelle guerre des prix sur ce marché.
Nous avons également entendu rééquilibrer les relations contractuelles et précontractuelles entre les collectivités et leurs assureurs.
L'article 3 de la proposition de loi élargit le recours au médiateur de l'assurance aux collectivités qui ne parviennent pas à s'assurer.
L'article 4 quant à lui systématise les franchises dans les contrats d'assurance des collectivités, partant du principe que celles-ci permettent de recentrer le contrat sur les risques principaux pour en réduire le coût, tout en incitant les collectivités à conduire des politiques de prévention. Cette disposition vise à les responsabiliser, en les encourageant à bien informer leurs équipes.
Enfin, la problématique des émeutes rend nécessaire une extension des modalités d'intervention de l'État.
C'est pourquoi il est proposé, à l'article 5, d'étendre le champ de la dotation de solidarité aux collectivités victimes d'événements climatiques ou géologiques (DSECG) afin de couvrir les biens des collectivités territoriales endommagés à la suite d'émeutes ou de mouvements populaires violents. L'idée est d'éviter, comme ce fut le cas en juillet 2023, de devoir recourir à un projet de loi d'urgence pour régler les problèmes des collectivités. Il s'agit, au contraire, d'offrir de la visibilité aux collectivités.
L'article 6 prévoit enfin la création d'un régime d'assurance des émeutes et des mouvements populaires. Comme dans le cadre du régime des catastrophes naturelles, il introduit une garantie obligatoire des dommages résultant d'émeutes et de mouvements populaires dans les contrats d'assurance « dommages aux biens ». Un fonds prudentiel abondé par une surprime, dont l'intervention serait limitée aux dommages dépassant certains seuils, permettrait la mutualisation de ce risque.
Sans revenir dans le détail sur ce régime de mutualisation, j'invite le Gouvernement à se saisir de cet article et à le faire prospérer au cours des travaux parlementaires.
J'ai pu échanger, conjointement avec Mme la rapporteure et les ministres, pour établir un calendrier de travail sur ce point. Je comprends que le Gouvernement mène en parallèle des travaux techniques sur un régime d'assurance émeutes, mais je l'encourage à travailler à nos côtés pour améliorer la rédaction initiale.
Le Sénat rend une première copie. Charge au Gouvernement d'y prendre sa part, car il me paraît indispensable d'apporter, au plus vite, des solutions concrètes aux difficultés assurantielles rencontrées par nos collectivités.
Pour terminer, permettez-moi de saluer le travail de notre rapporteure, Marie-Carole Ciuntu : j'ai eu l'occasion de mesurer combien son expérience de maire a été un avantage sur un tel sujet.
Je remercie enfin les membres de la commission des finances pour le soutien unanime qu'ils ont apporté à cette proposition de loi, que je défends également au nom de cette commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Isabelle Briquet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qu'il nous est donné d'examiner a été déposée par notre collègue Jean-François Husson. Elle vise à offrir une traduction législative à certaines des recommandations de son rapport.
Je ne reviens pas sur les constats de la mission d'information menée par notre commission des finances, qui ont été rappelés par le rapporteur général à l'instant. Je me concentrerai sur les travaux de la commission et sur les raisons qui l'ont conduite à adopter le texte qui constitue aujourd'hui la base de notre discussion.
Je commence par les dispositions relatives au suivi et au contrôle du marché de l'assurance.
Les articles 1er et 2 visent à confier à deux institutions une mission de suivi spécifique du marché de l'assurance des collectivités territoriales.
L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution serait chargée, dans l'exercice de ses missions actuelles, du suivi de l'assurabilité des collectivités. Quant au Comité consultatif du secteur financier (CCSF), il serait responsable d'une mission de suivi des tarifs assurantiels dans le secteur public.
Ces deux missions ont été jugées tout à fait réalisables par le médiateur de l'assurance ; elles sont également nécessaires pour clarifier l'action de l'ACPR, qui juge actuellement que l'exercice de son pouvoir de contrôle ne s'étend pas à l'assurance du secteur public.
Il faut également évoquer les articles qui visent à rééquilibrer les relations entre collectivités et assureurs.
L'article 3 comporte deux dispositions.
La première permet à toute collectivité territoriale de recourir à la médiation de l'assurance dans les litiges l'opposant à son assureur. Pour mémoire, les collectivités avaient été autorisées à saisir le médiateur de l'assurance à l'été 2024. Cependant, le ministre de l'économie de l'époque avait restreint cette faculté au seul cadre d'un sinistre, en l'annonçant au demeurant uniquement dans la presse, sans autre formalité.
La rédaction proposée est bien plus solide, puisqu'elle inscrit ce dispositif dans le marbre de la loi. Elle est également bien plus adaptée à la réalité des difficultés des collectivités territoriales, qui dépassent de loin le cas des seuls sinistres. C'est pourquoi l'emploi du terme « litige » a reçu l'approbation du médiateur lui-même.
La seconde disposition permettait initialement aux collectivités de saisir le médiateur de l'assurance pour bénéficier d'un accompagnement dans leur recherche d'assurance.
Sur ce point, il faut saluer une avancée permise par le Gouvernement : la création, annoncée lors du Roquelaure de l'assurabilité des territoires, d'une cellule d'accompagnement ad hoc dénommée Collectiv'Assur. Cette cellule, qui devrait être opérationnelle durant l'été 2025, serait toutefois rattachée à M. Arnaud Chneiweiss intuitu personae, et non en sa qualité de médiateur.
Soucieuse de coordonner ses travaux avec ceux du Gouvernement, la commission des finances a retenu une rédaction plus large que celle qui était initialement proposée, pour permettre à Collectiv'Assur de mener à bien la mission fixée par la loi.
Sur cet article, la commission des finances a déposé un seul amendement, qui vise à préciser que les établissements publics de coopération à fiscalité propre ont également accès à la médiation de l'assurance et à la cellule Collectiv'Assur.
La commission n'a pas modifié l'article 4, qui tend à systématiser les franchises dans les contrats d'assurance conclus par les collectivités territoriales et leurs groupements pour garantir les dommages à leurs biens. Comme le rapporteur général l'a indiqué, cette mesure vise à encourager la prévention pour la gestion des petits risques.
La rédaction retenue, que la commission a voulu la plus souple possible, laisse au pouvoir réglementaire le soin de définir les caractéristiques de cette franchise et de déterminer notamment si son montant minimum doit être forfaitaire ou calculé en fonction de la valeur des biens assurés. La commission propose simplement de rallonger le délai d'application de six à douze mois pour permettre aux assureurs de modifier leurs contrats en conséquence.
J'en viens enfin aux articles visant la couverture des risques liés aux émeutes.
L'article 5 élargit l'éligibilité à la DSECG pour que celle-ci puisse désormais également couvrir les risques liés aux émeutes et aux mouvements populaires. Ce dispositif, qui constitue une référence en matière de risque climatique, permettra d'apporter aux collectivités une indemnisation rapide de leurs biens non assurables, sans dépendre de la constitution d'un dispositif ad hoc par le Gouvernement. Il s'agissait d'une recommandation du rapport de la mission d'information sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales que la commission des finances a mené ; elle y a donc souscrit sans réserve.
Enfin, l'article 6 constitue sans doute la principale disposition de la présente proposition de loi. Comme l'a indiqué le rapporteur général, cet article introduit un régime d'indemnisation du risque d'émeute inspiré du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, dit régime CatNat.
La commission a procédé à plusieurs modifications de cet article.
D'abord, nous avons souhaité préciser la définition des termes « émeutes » et « mouvements populaires », qui sont issus du droit des assurances. Nos travaux nous ont amenés à considérer qu'une émeute est définie par trois critères : un critère de masse, qui implique un rassemblement de personnes accompagné de violences ; un aspect contestataire ; et un caractère revendicatif. La définition proposée par la commission reprend ces critères, issus de la jurisprudence de la Cour de cassation.
Toutefois, si cette définition permet bien de couvrir les premières émeutes de 2023, elle ne permet pas d'inclure les violences aveugles qui ont pu se produire à l'occasion de ces émeutes ou, plus récemment, dans des contextes sportifs.
C'est pourquoi nous proposons de définir la notion de « mouvements populaires », plus large, comme un « rassemblement de personnes accompagné de violences et visant à troubler l'ordre public. » Ce critère de finalité traduit la volonté de la commission de couvrir les cas de violences aveugles.
Il convient enfin d'exclure certains agissements de la définition des émeutes et des mouvements populaires. Nous pensons aux actes de guerre, étrangère ou civile, qui resteraient exclus par principe des contrats d'assurance, ainsi qu'aux actes de terrorisme, couverts par le régime Gareat de gestion de l'assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme.
La commission a déposé un amendement visant à exclure également les attentats qui ne sont pas nécessairement terroristes. Nous avons en outre souhaité écarter les actions de commandos, qui constituent à nos yeux des groupements et non des rassemblements. Enfin, nous avons également exclu les cas de pillages opportunistes motivés par l'appât du gain et non par le trouble à l'ordre public en lui-même.
La commission a également entendu rendre effectif le caractère obligatoire de la garantie émeute attachée aux contrats d'assurance couvrant les dommages aux biens. En cas de refus d'assurance par un assureur, les assurés peuvent saisir le bureau central de tarification (BCT), qui fixe lui-même les termes du contrat.
Pour assurer une meilleure opérationnalité de ce mécanisme, la commission a précisé les conditions dans lesquels le BCT peut intervenir. Saisi d'un refus en raison du risque émeute, il doit néanmoins tenir compte de l'équilibre du contrat dans sa globalité.
Le risque « émeutes et mouvements populaires » serait couvert par une surprime, comme dans le régime CatNat. En l'état du texte, cette surprime serait intégralement affectée à un mécanisme de mutualisation du risque.
Toutefois, la commission a considéré que, dès lors que le système proposé repose sur un partage du risque entre l'assurance privée et la réassurance publique-privée, il convient également de partager la surprime. C'est du reste le cas dans le régime CatNat.
Il faut enfin aborder le mécanisme de mutualisation proposé. Afin de respecter l'article 40 de la Constitution, les auteurs de la proposition de loi n'ont pas fait intervenir la Caisse centrale de réassurance dans la gestion de ce fonds. Toutefois, nous estimons que l'intervention de la Caisse est indispensable, quel que soit le schéma de mutualisation proposé.
Pour contourner cet obstacle, l'article 6 crée un fonds pour l'indemnisation des dommages résultant d'émeutes et de mouvements populaires d'intensité exceptionnelle, sur le modèle du fonds de garantie des opérateurs de voyages et de séjours (FGOVS) créé pendant la crise sanitaire.
D'autres modèles sont également possibles, comme celui du régime CatNat, qui prévoit une intervention de la Caisse centrale de réassurance au premier euro sous forme de quote-part, ou celui du régime Gareat, qui n'intervient que pour indemniser les dommages au-delà d'un certain seuil.
La commission est ouverte à toutes les discussions. Il revient au Gouvernement d'intervenir pour surmonter l'obstacle de l'article 40.
Toujours est-il que l'intervention du fonds serait limitée à 1 milliard d'euros ; au-delà, la prise en charge reposerait sur une garantie de l'État. Ce plafond ayant été jugé trop bas lors de plusieurs auditions, la commission a souhaité le rehausser à 1,5 milliard d'euros.
Pour conclure, mes chers collègues, je vous propose d'adopter la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et INDEP. – Mme Isabelle Briquet applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix,
est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)