M. Sébastien Fagnen. Monsieur le ministre, le temps des bonnes intentions est révolu, celui de la concrétisation est venu ! Nous l'espérons et nous continuerons à nous mobiliser à cette fin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
numéro unique d'appel d'urgence
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Dumont. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Monsieur le ministre, dans le cadre du congrès Urgences 2025 qui s'est tenu dernièrement à Paris, vous avez indiqué que le numéro unique était une idée séduisante sur le papier, mais qu'elle imposait une rupture organisationnelle majeure.
Vous avez ajouté que le projet devrait être conduit uniquement là où il y avait des volontés, où cela était pertinent et efficient. Vous avez précisé, en conclusion, que force était de constater qu'aujourd'hui les conditions n'étaient pas réunies pour aller beaucoup plus loin sur la question de la généralisation de la mise en place d'un numéro unique d'urgence.
La loi Matras de 2021 (loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels) prévoyait pourtant la mise en place de trois degrés d'expérimentation du numéro unique de secours dans une zone donnée pour en faire un bilan à l'issue de deux années. Cette expérimentation n'est toujours pas lancée.
Pour autant, sans attendre, il existe déjà, comme vous le savez, sur le territoire national plusieurs exemples de rapprochement de services, voire de structuration en centres uniques pour traiter les appels d'urgence, qui fonctionnent très bien, et ce sans remettre en cause le principe de la régulation médicale.
Voici un exemple précis pour illustrer mon propos. Ce lundi, une panne généralisée du réseau SFR a montré les limites des différents numéros d'appel d'urgence français. Ainsi, dans le département du Var dont je suis élue, mais également ailleurs, seul le 112 permettait de joindre les secours, alors que le 18, notamment, ne fonctionnait plus.
Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous préciser devant la représentation nationale votre position sur la question du numéro unique d'appel d'urgence en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Dumont, je vous remercie de cette question, qui me permet de faire le point sur le numéro unique d'appel d'urgence. Je sais que, en tant qu'ancienne présidente du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) du Var, vous y êtes particulièrement attachée.
La loi Matras a bien prévu une expérimentation qui associait bon nombre de départements, en particulier dans ma région – la Savoie, la Haute-Savoie, l'Ain –, ainsi que des départements témoins – le Rhône et le Puy-de-Dôme. Malgré des réserves de fond, le ministère de la santé a pleinement participé à ces expérimentations. Nous avons donc tenu nos engagements.
Aujourd'hui, nous constatons des difficultés dans certains Sdis, notamment en Haute-Savoie, qui a ralenti l'expérimentation. Si nous sommes favorables à une coopération renforcée, nous ne pouvons pas imposer l'obligation d'un numéro unique qui poserait des difficultés et mettrait en cause la sécurité et la prise en charge des patients.
Tout cela s'inscrit dans la logique du service d'accès aux soins (SAS), qui, vous le savez, madame la sénatrice, s'est développé partout en France pour limiter l'afflux de patients, notamment aux urgences. Je rappelle que 75 millions d'appels sont traités par an. Le risque de désorganisation est réel.
Par ailleurs, un certain nombre de pays – le Royaume-Uni, le Canada et même, plus récemment, la Suisse – ont abandonné le numéro unique.
Il nous faut donc avancer sur d'autres sujets, dont nous connaissons l'opportunité. Je pense aux plateformes communes, notamment colocalisées, qui réunissent pompiers et urgentistes là où il y a des volontés locales et où cela est pertinent et efficient. Je pense également à l'interconnexion des systèmes d'appel, autre système que vous avez évoqué et qui peut être une solution tout à fait efficace sans conduire forcément à la fusion des dispositifs.
Il y a, je le redis, urgence à avancer et à ne pas attendre la fin de l'expérimentation pour lancer cette mission d'évaluation des plateformes existantes afin d'aboutir à une réponse rapide, adaptée, sécurisée à l'ensemble des appels que nous recevons en France pour prendre en charge nos patients.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour la réplique.
Mme Françoise Dumont. Comme vous le savez, monsieur le ministre, lors d'une intervention de secours à personne, chaque seconde est majeure.
Pourtant, en cas d'urgence, les Français sont confrontés à pas moins d'une dizaine de numéros d'urgence. S'ils composent le 15, ils ne sont pas certains d'avoir une réponse rapide, ce qui est tout de même délétère.
Notre seule boussole doit toujours être la sécurité des personnes, rien de moins ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation de la filière acier française
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Stéphane Demilly. Madame la ministre, on parle souvent de l'indépendance énergétique et de l'indépendance alimentaire. Il y a quelques années, nécessité oblige, on a aussi parlé de l'indépendance sanitaire.
Aujourd'hui, une autre nécessité se fait jour. Elle concerne notre indépendance vis-à-vis du métal le plus utilisé au monde, je veux parler de l'acier.
L'acier est partout. Il est dans nos maisons, nos usines, nos infrastructures, nos moyens de transport. Alors que se tient le Salon du Bourget, je précise qu'il représente plus de 10 % des matériaux d'un appareil.
Bref, vous l'avez compris, l'acier est au cœur de notre économie. Pourtant, notre pays n'en produit pas assez pour ses propres besoins, et nous sommes donc là aussi dépendants de pays tiers tels que la Chine, l'Inde ou encore la Turquie.
En 2023, nous avons importé 10 millions de tonnes d'acier, soit environ 70 % de notre consommation nationale ! D'autant que cet acier provient de pays dont, le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne sont pas forcément les plus vertueux en matière environnementale et sociale…
Pendant ce temps, chez nous – plus largement d'ailleurs sur notre continent européen –, les grands aciéristes tels ThyssenKrupp ou encore ArcelorMittal enchaînent les plans de restructuration.
La production d'acier dans l'Union européenne a ainsi diminué de 30 % depuis 2008, entraînant la perte de plus de 100 000 emplois.
Madame la ministre, ma question est aussi simple que cruciale : quelle est la stratégie du Gouvernement pour endiguer ce déclin industriel de l'aciérie française qui, une fois de plus, fragilise une bonne partie de notre économie nationale et européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous avez raison, l'acier est partout. Malheureusement, il n'est pas très présent dans nos débats, alors que ce secteur est absolument stratégique.
L'acier est une composante de base de très nombreuses chaînes de valeur – ce sont des centaines de milliers d'emplois aujourd'hui en France. Vous l'avez dit, c'est un élément indispensable de notre souveraineté.
Cette industrie est fragilisée : surcapacités, concurrence internationale déloyale, hausse des prix de l'énergie, contraction de la demande – la demande d'acier étant très liée à la croissance économique –, processus de décarbonation... Nous devons trouver un meilleur équilibre, à la fois en France, en Europe et dans le monde, pour avoir un cap clair, et donc des capacités industrielles préservées.
Au fond, l'enjeu, c'est de retrouver de la compétitivité, c'est-à-dire d'avoir des prix de l'énergie plus adaptés, une stratégie de décarbonation financée, comme le fait aujourd'hui l'État, notamment grâce aux appels à projets en matière de décarbonation – cela représente 1,6 milliard d'euros en 2025 –, mais également, et peut-être surtout, une protection commerciale contre la concurrence déloyale.
Je veux vous rappeler que nous avons gagné une grande bataille : la clause de sauvegarde sur l'importation d'acier est maintenant en œuvre à l'échelon européen. Il s'agit en quelque sorte d'un quota, c'est-à-dire d'un seuil d'importation au-delà duquel une taxe de 25 % s'applique, ce qui permet de protéger la filière de la concurrence déloyale des surcapacités, en particulier chinoises, avec lesquelles l'écart de prix est aujourd'hui de 20 %.
La France souhaite aller plus loin. Nous voulons qu'un nouvel instrument soit opérationnel au 1er janvier prochain. En effet, nous sommes d'accord sur l'outil, mais ne l'avons pas encore totalement mis en œuvre. Notre objectif est d'avoir un quota maximum de 15 % d'acier plat chinois dans la consommation européenne.
Surtout, vous le savez, monsieur le sénateur, nous voulons continuer à construire l'avenir de la sidérurgie en France. Je veux citer ici GravitHy et Marcegaglia, deux entreprises qui investissent aujourd'hui massivement en Europe pour produire l'acier de demain chez nous. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d'actualité au Gouvernement se tiendra le mercredi 25 juin 2025, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Accès aux soins
Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation (proposition n° 189 [2023-2024], texte de la commission n° 713, rapport n° 712).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous imaginez bien que c'est avec une émotion particulière que je m'exprime, en tant que ministre de la santé, sur cette proposition de loi dont je suis à l'origine et que j'ai défendue lorsque j'étais député.
Je suis très heureux que les débats en commission des affaires sociales nous permettent d'examiner aujourd'hui une version conforme à celle qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, au mois de décembre 2023.
Je remercie le rapporteur Khalifé Khalifé d'avoir repris le flambeau au Sénat.
Je remercie aussi le président de la commission des affaires sociales Philippe Mouiller de son soutien, ainsi que tous les sénateurs investis sur les sujets essentiels de formation et d'accès aux soins.
C'est avec émotion, mais surtout avec détermination, que je m'adresse à vous. Je suis en effet convaincu que les mesures que nous examinons aujourd'hui sont nécessaires et urgentes pour l'avenir de notre système de santé.
La réalité, nous la connaissons bien et il nous faut la regarder en face : nous manquons de médecins. Dire cela, ce n'est pas chercher des coupables, ni même régler des comptes a posteriori. C'est énoncer un fait, c'est décrire une réalité.
Cette réalité, c'est celle d'une véritable crise démographique, que vous vivez chaque jour dans vos départements. Je le vois à chaque fois que je me déplace. C'est la cause centrale de la désertification médicale. C'est le premier enjeu sur lequel nos concitoyens m'interpellent.
C'est aussi le premier sujet sur lequel, vous, parlementaires de tous les territoires, de tous bords politiques, m'alertez au quotidien, à juste titre.
C'est un défi immense auquel nous faisons face, hérité de choix faits il y a plusieurs décennies et remis en cause bien tardivement. Nous payons aujourd'hui le prix des politiques du passé !
Oui, à une époque, il a été voulu de rationner le nombre de médecins pour réduire les dépenses de santé. Nous en payons le prix cher, alors que les besoins de santé de nos compatriotes sont inéluctablement appelés à augmenter, sous les effets multiples et conjugués du vieillissement de la population et de la hausse des maladies chroniques et de la dépendance.
C'est un défi encore plus immense quand on pense que nous formons aujourd'hui autant de médecins qu'en 1970, alors que la population française a augmenté de 15 millions d'habitants et qu'il faut désormais entre deux et trois jeunes praticiens pour compenser un départ à la retraite.
Je l'ai dit lors de mon discours à l'Assemblée nationale en tant que rapporteur de ce texte : aux termes de la Constitution, la Nation doit garantir la protection de la santé.
La situation est trop alarmante. Nous devons non seulement réagir, mais agir avec méthode et pragmatisme.
Face à ces constats pressants et inquiétants, il nous faut apporter une réponse de bon sens, qui s'inscrive dans une vision à long terme. Je crois qu'une seule nécessité s'impose clairement, avec la force de l'évidence, celle de former.
La suppression du numerus clausus en 2019 a permis de réparer une erreur historique. Certes, nous avons supprimé la limitation du nombre d'étudiants en médecine, mais la capacité d'accueil des universités reste limitée.
Les effectifs ont augmenté d'environ 15 % en France. C'est un premier pas. Ce qu'il faut maintenant, pour assurer l'avenir de notre système de santé, c'est réussir un véritable choc de formation, je dirais même un électrochoc de formation.
Tel est le sens de cette proposition de loi.
Dès aujourd'hui et pour demain, nous devons former plus, former mieux, former dans tous les territoires et tout au long de la carrière, pour soigner partout dans les territoires !
Naturellement, depuis que je suis ministre, je m'emploie à tout mettre en œuvre pour renforcer l'accès aux soins de manière immédiate.
C'est l'objectif du pacte de lutte contre les déserts médicaux et de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires déposée par M. Philippe Mouiller.
Il faut tirer parti des très nombreuses compétences qui existent déjà dans le système de santé et mettre en place des mécanismes de solidarité qui engagent tous les professionnels et l'ensemble des acteurs.
Les mesures que nous avons prises pour favoriser la réussite et sécuriser l'exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), ainsi que la mise en œuvre, dès le mois de novembre 2026, de la quatrième année d'internat de médecine générale, permettront également d'augmenter rapidement le nombre de professionnels au chevet des patients, et ce dans l'ensemble du territoire.
Toutefois, cela n'a de sens et ne sera durable que si nous renforçons structurellement nos effectifs sur le terrain !
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la première mesure de cette proposition de loi est donc naturellement de nous libérer définitivement de la contrainte restante du numerus apertus. Nous ne pouvons plus et nous ne devons plus raisonner avec cette logique qui ne permet pas de répondre aux besoins de nos concitoyens.
Je l'ai dit comme parlementaire, je l'ai dit comme élu local et je ne varierai pas comme ministre : c'est de toute forme de numerus qu'il faut nous débarrasser.
La conséquence en est qu'il faut inverser la logique qui nous a guidés jusqu'à présent en matière de capacités de formation. Il nous faut absolument commencer par prendre en compte les besoins de santé localement identifiés dans les territoires et faire en sorte que ce critère devienne prioritaire pour adapter les capacités de formation.
La définition de ces besoins se fera naturellement en concertation avec les élus, mais aussi avec les doyens, les agences régionales de santé (ARS), les préfets et les collectivités, que je veux pleinement associer – c'est ma méthode.
Il faut également poursuivre le mouvement d'universitarisation des territoires en ouvrant davantage de terrains de stage, des terrains diversifiés, y compris hors les murs des centres hospitaliers universitaires (CHU).
Autre mesure forte de cette proposition de loi, l'article 2 vient combattre le phénomène de fuite de futurs soignants vers l'étranger.
D'une part, nous devons enfin endiguer les départs d'étudiants – 1 600 par an selon la Cour des comptes – qui partent se former en Roumanie, en Espagne, en Belgique, au Portugal, en raison de notre incapacité à les former en France !
D'autre part, nous devons faire revenir ces quelque 5 000 médecins français en formation qui ont quitté notre pays, en mettant en place des dispositifs d'évaluation et d'accompagnement, en lien avec les doyens.
Cette proposition de loi met en place toutes les conditions de leur retour et de leur réintégration dans le cursus français.
Enfin, face à la pénurie de médecins, notamment de généralistes, il convient de reconnaître la pleine compétence des professionnels paramédicaux, qui apportent beaucoup à notre système de santé.
C'est pourquoi l'article 3 de la proposition de loi permet aux professionnels paramédicaux – infirmiers spécialisés ou en pratique avancée, kinésithérapeutes, sages-femmes – d'intégrer directement le deuxième cycle des études de médecine, après évaluation. Cet article apparaît comme une avancée naturelle, qui valorise les forces vives de notre système de santé en s'appuyant sur elles. C'est d'ailleurs l'une des mesures fortes du pacte de lutte contre les déserts médicaux.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je dis souvent que la formation est la mère des batailles. En effet, rien ne se fait et rien ne se fera sans les professionnels de santé.
Former plus, former mieux, former partout : c'est le socle incontournable de toute politique de santé !
C'est pourquoi je souhaite, pour favoriser l'accès aux soins de nos concitoyens et préserver l'avenir de notre système de santé, que ce texte puisse être voté à l'unanimité, ce qui nous permettra de faire un grand pas dans la bonne direction.
Je terminerai en vous disant que notre action en faveur de la formation ne s'arrêtera pas là, bien sûr. Je pense à la réforme des voies d'accès aux études de santé que je porte avec le ministre chargé de l'enseignement supérieur, Philippe Baptiste. Cette réforme va naturellement dans le sens d'une simplification et d'une plus grande ouverture.
Je tiens aussi à vous assurer que je continuerai de me battre pour nos universités, pour qu'elles aient les moyens nécessaires au maintien de la qualité et de l'excellence de la formation médicale française, qui font notre fierté et sur lesquelles je ne transigerai jamais.
Je soutiendrai les universités et les doyens pour que ces réformes ambitieuses et fondamentales se concrétisent sur le terrain, comme je l'ai assuré ce matin à Mme la présidente de la Conférence des doyens des facultés de médecine, afin de réparer notre système de formation et notre système de santé.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, « ce sont des centaines d'étudiants en médecine qui nous regardent ». Tels furent mes premiers mots après l'adoption du texte à l'Assemblée nationale. Je suis heureux que, par notre engagement collectif, nous puissions faire de ces promesses une réalité ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Khalifé Khalifé, rapporteur. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour débuter cette intervention, permettez-moi d'excuser l'absence de notre collègue Khalifé Khalifé, rapporteur de ce texte, qui ne pouvait être présent parmi nous aujourd'hui et pour qui j'ai une pensée particulière. C'est en son nom, et au nom de la commission des affaires sociales, que je m'exprime donc aujourd'hui.
L'examen de cette proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation intervient un mois après l'adoption par notre assemblée de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, que nous avons collectivement porté.
Loin d'être redondants, ces deux textes sont complémentaires puisque la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui comprend des mesures utiles pour accroître, à court terme, les effectifs d'étudiants en santé. Son examen nous donne ainsi une nouvelle occasion d'œuvrer à l'amélioration de l'accès aux soins en agissant, à la racine, sur la formation des professionnels.
Vous aviez, monsieur le ministre, déposé ce texte en octobre 2023, en votre qualité de député de l'Isère. L'Assemblée nationale l'avait rapidement adopté, le 8 décembre de la même année. Nous pouvons regretter qu'une année et demie se soit écoulée avant que nous ne puissions l'examiner au Sénat, mais il nous appartient désormais de permettre son entrée en vigueur dans les meilleurs délais.
Je souligne d'ailleurs que plusieurs des mesures de cette proposition de loi traduisent des engagements du Gouvernement, inscrits dans le pacte de lutte contre les déserts médicaux présenté le 25 avril dernier par le Premier ministre. Il en est ainsi du desserrement du numerus apertus, grâce à une meilleure prise en compte des besoins de santé du territoire lors de la définition des objectifs de recrutement.
De même, l'objectif de réintégration des étudiants français partis faire leurs études en Europe et la facilitation des reconversions des professionnels paramédicaux désireux de s'engager dans des études de médecine concrétisent les engagements de ce pacte.
Nous pouvons donc raisonnablement espérer que les dispositions du texte seront rapidement mises en œuvre. Vous pourrez sans doute, monsieur le ministre, nous rassurer sur le calendrier.
L'article 1er, je l'ai dit, vise à desserrer et à territorialiser le numerus apertus. Je ne reviendrai que rapidement sur l'historique de ce dernier, qui est désormais bien connu.
Instauré en 1971 pour la médecine et l'odontologie, le numerus clausus a été progressivement étendu à la maïeutique et à la pharmacie. Il a été fortement abaissé dans les années 1970 et 1980, dans le double objectif de maîtriser les dépenses de santé et de protéger l'activité des professionnels installés.
Nous le savons, cette politique n'a pas tenu compte de la hausse, pourtant prévisible, des besoins de santé due à l'augmentation de la population, à son vieillissement et à la prévalence croissante des maladies chroniques.
Fortement décrié pour sa contribution aux tensions démographiques que nous connaissons aujourd'hui, le numerus clausus a été supprimé par la loi en 2019 et remplacé par un numerus apertus fondé sur une large concertation nationale et régionale.
Désormais, les capacités d'accueil sont déterminées annuellement par les universités elles-mêmes, en tenant compte : d'une part, des objectifs pluriannuels d'admission en première année du deuxième cycle, arrêtés par l'université sur avis conforme des ARS, après consultation des conférences régionales de la santé et de l'autonomie (CRSA) ; d'autre part, des objectifs nationaux pluriannuels relatifs au nombre de professionnels à former, définis par l'État pour une durée de cinq ans, à l'issue de concertations régionales et sur proposition d'une conférence nationale. Il s'agit d'un système quelque peu complexe.
Ce nouveau dispositif a permis une augmentation significative du recrutement dans les filières maïeutique, médecine, odontologie et pharmacie (MMOP), de l'ordre de 11 %.
Toutefois, cette augmentation générale cache d'importantes disparités. Entre filières, d'abord : alors que le nombre d'admis a augmenté de 18 % en médecine et de 14 % en odontologie, il a diminué en maïeutique et en pharmacie, du fait de places laissées vacantes. Entre universités, ensuite : l'augmentation du recrutement diffère grandement d'un territoire à un autre, sans que ces divergences soient conçues pour corriger les inégalités démographiques existantes.
L'article 1er vise à favoriser l'augmentation du recrutement en permettant aux ARS et aux conseils territoriaux de santé (CTS) d'appeler une université à accroître ses capacités d'accueil, lorsque celles-ci ne correspondent pas aux objectifs pluriannuels qu'elle a fixés. Il vise également à mieux tenir compte des besoins de santé de chaque territoire, en soumettant la définition de ces objectifs à un avis conforme des CTS.
La commission des affaires sociales a soutenu ces mesures : elles permettront d'impliquer davantage les élus locaux dans la définition des objectifs de recrutement et de responsabiliser les universités dans la définition de leurs capacités d'accueil.
Cette réforme ne pourra toutefois réussir, monsieur le ministre, que si l'État donne aux universités les moyens d'accueillir dans de bonnes conditions davantage d'étudiants. C'est un point essentiel si l'on veut que la mise en œuvre de cette proposition de loi soit satisfaisante.
L'article 2 prévoit de réintégrer dans le cursus national les étudiants français partis suivre des études de médecine dans un autre pays de l'Union européenne. La très forte sélectivité de l'accès au premier cycle des études de médecine engendre en effet un phénomène d'expatriation d'une partie des étudiants français dans d'autres pays de l'Union européenne.
La complexité du système du parcours accès spécifique santé (Pass) et de la licence accès santé (LAS), critiqué par la Cour des comptes, favorise aussi ces expatriations, dont le nombre s'accroît ces dernières années. Le nombre d'étudiants français suivant des études de médecine ou d'odontologie en Espagne a ainsi augmenté de 30 % entre 2019 et 2022. Au total, la Cour des comptes estime à 1 600 le nombre d'étudiants qui quitteraient la France, chaque année, pour suivre leurs études en Espagne, en Roumanie, en Belgique ou au Portugal.
Or, malgré le principe d'équivalence des diplômes européens, la qualité de la formation médicale est pour le moins inégale dans les différents pays de l'Union européenne. Je rappelle que, après obtention d'un diplôme européen, ces étudiants peuvent pourtant exercer sur notre territoire dans les mêmes conditions que les médecins ayant suivi la totalité du cursus de médecine en France.
Nous avons donc intérêt à favoriser la réintégration précoce de ces étudiants dans le cursus français, pour garantir la qualité de leur formation. La mesure bénéficiera à très court terme à notre système de santé, car elle aura pour effet d'augmenter les effectifs de médecins en cours de formation, quelle que soit leur avancée dans le cursus. Son caractère non pérenne permettra, par ailleurs, de ne pas organiser de contournement permanent du mécanisme de sélection à l'entrée dans les études de médecine, ce qui apparaît bienvenu.
Enfin, l'article 3 vise à favoriser les reconversions des professionnels paramédicaux en consolidant les passerelles vers les études de médecine. Ces dispositifs souffrent en effet de plusieurs insuffisances qui ne leur confèrent aujourd'hui qu'une portée marginale.
D'une part, les places qui leur sont réservées demeurent trop limitées : le quota minimal, actuellement fixé à 5 % par la réglementation, devrait être relevé. D'autre part, la mise en concurrence d'une grande diversité de profils pour entrer dans le dispositif ne favorise pas le recrutement de professionnels paramédicaux. Malgré leur expérience du soin, ceux-ci réussissent relativement moins bien que des ingénieurs issus de cursus scientifiques ou des normaliens. Enfin, la reprise d'études peut exposer certains candidats à une précarité financière, ce qui les conduit à renoncer à leur projet de reconversion ; des dispositifs de soutien pourraient, de ce point de vue, être utilement envisagés par le Gouvernement.
Le texte prévoit donc d'adapter le format des passerelles existantes et de renforcer l'accompagnement des professionnels paramédicaux lorsqu'ils reprennent des études de médecine, afin de favoriser leur réussite et d'encourager les projets de reconversion. Nous ne pouvons qu'y souscrire.
En définitive, cette proposition de loi ne permettra pas de résoudre l'ensemble les difficultés constatées dans les études de santé, mais les mesures qu'elle porte seront utiles pour augmenter le nombre d'étudiants et mieux l'adapter aux besoins constatés. La commission ne souhaite pas retarder leur mise en œuvre et propose, en conséquence, d'adopter cette proposition de loi sans modification, même si nous souhaitions faire quelques remarques ou apporter des précisions.
Le texte renvoie toutefois, monsieur le ministre, la définition de nombreuses mesures au domaine réglementaire. Sa réussite dépendra également des moyens mis en œuvre par le Gouvernement pour augmenter les capacités d'accueil des universités et veiller au succès des étudiants. Nous souhaitons donc que le Gouvernement s'empare pleinement de ces dispositions. Nous y veillerons dans les prochains mois.
Enfin, je précise que la commission des affaires sociales conduit actuellement des travaux sur l'accès aux études de santé et qu'elle souhaitera porter, dans les prochains mois, plusieurs propositions complémentaires pour favoriser un égal accès aux études médicales et pharmaceutiques. Une réforme du système pass-LAS a été proposée par la Cour des comptes. Nous voyons bien aujourd'hui qu'il est nécessaire de faire évoluer et améliorer ce système.
Nous aurions bien sûr préféré examiner un projet de loi plus global ou une proposition de loi plus construite sur l'ensemble des enjeux de formation, mais notre organisation nous impose d'aller vite. Nous avons besoin de cette proposition de loi votée à l'Assemblée nationale. Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons le texte.(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)