M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)

M. Max Brisson. Monsieur le président, madame la ministre d'État, madame la ministre, mes chers collègues, il y a un peu plus de vingt ans, sous l'égide de Jacques Chirac, la France se dotait d'une grande loi sur l'égalité des droits et des chances, marquant une avancée majeure et ouvrant la voie à l'école inclusive.

Vingt ans après, des progrès immenses ont été réalisés dans tous les domaines de la vie, et l'inclusion est devenue l'une des composantes essentielles de nos politiques publiques.

Néanmoins, force est de constater qu'il demeure encore, naturellement, beaucoup à faire. S'agissant de l'école inclusive, nous devons tous faire preuve d'humilité.

Nous avons tous, à des degrés divers, exercé des responsabilités ; nous avons apporté des améliorations, mais nous n'avons jamais véritablement été au rendez-vous de cette ambition.

La proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui y répond-elle ? J'en doute.

Le texte se résumait, à l'origine, à quelques mesures éparses : rapports, formations, stages, livrets de parcours inclusif… autant de mesures dont la portée n'est que très peu significative et qui relèvent du champ réglementaire et non de celui de la loi.

Le code de l'éducation n'est-il pas déjà suffisamment dense, complexe, obèse, pour qu'on l'épaississe encore par des alinéas prévoyant de simples remises de rapports ?

Le ministre n'est-il pas habilité à décider par lui-même, s'il le souhaite, de la distribution d'un livret de parcours inclusif aux élèves ?

A-t-il réellement besoin de l'aval du législateur pour décider de modules de formation supplémentaires dispensés aux professeurs ?

M. Pierre Ouzoulias. Bien sûr que non !

M. Max Brisson. J'en viens au cœur de cette proposition de loi, l'article 3 bis B, découvert trois heures avant le vote à l'Assemblée nationale, sans même avoir été examiné en commission.

Les Pial ayant été créé par la loi, leur transformation en PAS nécessitait de passer par la loi – Gabriel Attal avait déjà tenté de le faire en 2023, déjà par le biais d'un amendement de dernière minute.

Mesdames les ministres, cette méthode est pour le moins surprenante pour une décision qui mériterait étude d'impact et bilan chiffré !

Pis encore, le rôle du binôme constitué par le médico-social et l'éducation nationale, pourtant au cœur du projet, n'était à l'origine nullement précisé dans le texte. Or il est impératif que l'expertise réalisée par l'éducation nationale, avant l'intervention de la MDPH, soit certifiée et assurée par des personnels compétents, en particulier pour des handicaps tels que l'autisme, qui ne sont pas aussi visibles que d'autres.

Sur ce point, notre rapporteure, Catherine Belrhiti, a proposé une réécriture judicieuse, qui fixe clairement le rôle de chacun et dissipe ainsi le flou existant. C'est une excellente avancée.

D'autres amendements, dont nous allons débattre, visent à en préciser davantage encore les contours, avec le risque cependant que nous écrivions le règlement dans la loi, ce à quoi le texte initial nous contraint malheureusement.

Madame la ministre, la volonté d'anticiper, de prendre les devants et d'ouvrir les PAS à tous les enfants ayant des besoins éducatifs particuliers est compréhensible. Tous les enfants n'ont pas besoin d'une notification des MDPH, et les faire tous passer par ces organismes a engendré un engorgement, auquel s'ajoute le temps de réponse de l'éducation nationale aux notifications signifiées.

Toutefois, un écueil se profile : celui qui conduirait l'éducation nationale à profiter des PAS pour adapter l'école inclusive au nombre d'AESH dont elle dispose ; celui qui, finalement, la conduirait à établir un filtre face à la réalité, à mettre en place une détection pilotée par les moyens.

Même si nous considérons indispensable de faire preuve de responsabilité face à l'augmentation substantielle des budgets de l'école inclusive, victime d'un système dans lequel celui qui notifie ne paie pas, une réelle vigilance s'impose sur ce point.

À cet égard, je salue les amendements de notre collègue Cédric Vial, qui, pour y remédier, propose, entre autres, de définir un référentiel commun d'évaluation du handicap et des indicateurs de prescription pour cadrer les pratiques des MDPH.

Madame la ministre, si votre intention est louable, le véhicule d'une simple proposition de loi n'était pas adapté à l'ambition que nous devons avoir pour l'école inclusive.

M. Pierre Ouzoulias. Exactement !

M. Max Brisson. Notre pays mérite, sur le sujet, une grande loi, qui permettrait à la Nation de fixer enfin les missions qu'elle est en droit d'attendre de son école en matière d'inclusion.

Pour l'heure, je me félicite à nouveau que notre rapporteure ait réussi, par son excellent travail, à remettre sur les rails ce texte pour le moins bancal et à le mettre, à peu près, à la hauteur de l'enjeu.

Pour cette raison, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi, que nous veillerons à améliorer encore en séance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers est un texte important pour notre système scolaire. En l'adoptant, nous faisons un pas de plus vers une école véritablement ouverte à tous, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Cette proposition de loi vise à « franchir une nouvelle étape vers une école pleinement inclusive », vingt ans après l'adoption de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a instauré le principe du droit à la scolarisation des enfants et des adolescents en situation de handicap.

Des progrès ont été accomplis depuis : 513 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés en milieu ordinaire en 2024, contre 130 000 en 2005, et l'on comptait 134 000 accompagnants d'élèves en situation de handicap en 2024, un chiffre en hausse de 90 % depuis 2013. Toutefois, de nombreux défis persistent pour garantir à ces élèves un accompagnement adapté.

Permettez-moi d'évoquer ici une dimension souvent moins visible, mais tout aussi essentielle : je pense à la situation des élèves à besoins éducatifs particuliers scolarisés dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger. Nous comptons près de 400 000 élèves scolarisés dans ce réseau, dont 41 000 enfants à besoins éducatifs particuliers et 3 000 élèves en situation de handicap. Pour l'année 2024, 474 élèves bénéficiaient de l'accompagnement d'un AESH.

Renforcer le parcours inclusif dans ces établissements, c'est prendre en compte la complexité de leurs réalités : un environnement multiculturel, des contraintes logistiques, mais aussi la responsabilité d'offrir à chaque élève, quel que soit son profil, la même qualité d'éducation que celle qui est dispensée sur le sol français.

La mise en œuvre de ce texte, s'il venait à être adopté, devra prendre en compte ces conditions concrètes. Je pense notamment à l'article 1er, qui prévoit la généralisation du livret de parcours inclusif à tous les élèves en situation de handicap.

L'article 1er ter de cette proposition de loi vise à rendre obligatoire l'attribution d'un accompagnant d'élève en situation de handicap. Or dans un établissement français à l'étranger, c'est la famille qui recrute et emploie l'AESH, en contrat local, pour son enfant. L'éducation nationale ne met pas directement à disposition des AESH dans ces établissements, comme c'est le cas en France.

Une bourse permet la prise en charge de l'AESH depuis 2021 pour tous les enfants français, ce que nous saluons, mais, pour certaines familles, ce recrutement et cette prise en charge peuvent se transformer en parcours du combattant. Il n'existe pas de MDPH dédiée aux Français de l'étranger. Celles qui sont situées en France ont donc la charge de ces dossiers complexes, qu'elles gèrent à distance, dans des délais forcément rallongés. Cette situation est à l'origine de ruptures dans la continuité de la prise en charge de ces élèves.

Parmi les solutions déjà envisagées, la création d'une MDPH spécifique aux Français de l'étranger ou, à défaut, d'un guichet unique dans une MDPH définie, au sein de laquelle les agents seraient formés aux spécificités de ces familles, a été évoquée.

Considérons également l'article 3 du point de vue de l'enseignement français à l'étranger. La formation des enseignants et des personnels administratifs et techniques est bien évidemment un enjeu clef pour le meilleur accompagnement des enfants à besoins éducatifs particuliers, via les instituts régionaux de formation de l'opérateur public notamment. Il apparaît également essentiel de pouvoir former au sein des personnels des établissements de l'enseignement français à l'étranger des référents afin d'accompagner les familles.

L'article 3 bis C de la proposition de loi concerne la formation des AESH. À l'étranger, aucune formation n'est requise pour ces professionnels. Des formations sont parfois organisées de manière ponctuelle, dans certains établissements ou certaines zones des instituts régionaux de formation de l'AEFE, en distanciel. Pourquoi ne pas envisager de les pérenniser en leur conférant un caractère régulier, voire obligatoires via l'homologation ?

Près de vingt ans après l'adoption de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, nous avons le devoir de poursuivre cette ambition. Quel que soit le lieu où un élève français est scolarisé, il doit pouvoir bénéficier des mêmes droits, des mêmes accompagnements, de la même école inclusive.

Je remercie ma collègue députée Julie Delpech pour cette proposition de loi, ainsi que notre commission pour les travaux qu'elle a menés sur ce texte.

Le groupe RDPI, que je représente, votera bien évidemment en faveur de cette proposition de loi, dont je veillerai qu'elle bénéficie aussi aux enfants de l'enseignement français à l'étranger.

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj.

M. Ahmed Laouedj. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le groupe RDSE soutient avec conviction cette proposition de loi, qui renforce le cadre instauré par la loi du 11 février 2005 et qui œuvre pour une école véritablement inclusive.

Nous saluons ce texte, qui s'inscrit dans la continuité des engagements républicains en matière d'égalité des chances.

La scolarisation des élèves en situation de handicap a fait des progrès importants. Cependant, cette dynamique a été freinée par plusieurs obstacles : manque de lisibilité des parcours ; complexité administrative ; inégale répartition des moyens ; coopération imparfaite entre acteurs de l'inclusion scolaire.

Il est donc urgent de passer à l'action pour rendre l'école encore plus inclusive pour tous les enfants.

La généralisation du livret de parcours inclusif est un pas en avant fondamental. Cet outil numérique partagé entre les professionnels permettra de formaliser et de garantir la continuité des aménagements pédagogiques pour chaque élève, évitant ainsi les ruptures de parcours.

Cela renforcera la coordination entre tous les acteurs impliqués dans la scolarité de l'enfant – enseignants, AESH et professionnels médico-sociaux.

La réussite de l'école inclusive passe aussi par une culture professionnelle partagée. Les enseignants, les accompagnants, les professionnels médico-sociaux et les acteurs périscolaires doivent travailler ensemble. Le texte met en avant des efforts de structuration importants en matière de formation, mais il est essentiel d'aller plus loin pour garantir une vraie synergie entre tous ces professionnels.

Les AESH, par exemple, jouent un rôle clef, mais souffrent de la précarité de leur statut. Ces professionnels sont aujourd'hui indispensables à la scolarité de plus de 250 000 élèves, mais ils restent dans une situation fragile, liée à la courte durée des contrats, au faible niveau des salaires et à la quasi-absence de reconnaissance de leur fonction.

Pour que l'école inclusive fonctionne réellement, il est impératif de créer un cadre statutaire clair pour les AESH, de garantir une formation qualifiante dès l'entrée dans le métier et de leur offrir de véritables parcours de carrière avec des passerelles vers les filières médico-sociales.

Les AESH sont des héros de l'ombre de l'école inclusive. Il est temps de les traiter avec le respect qu'ils méritent.

Le déploiement des pôles d'appui à la scolarité, qui devraient être opérationnels d'ici à 2027, soulève des interrogations légitimes. Si l'idée est louable, il est crucial que ce dispositif ne se transforme pas en une solution uniforme imposée partout, sans tenir compte des réalités territoriales.

Nous avons besoin d'un calendrier précis, de moyens dédiés et de garanties d'adaptation aux spécificités locales, notamment dans les territoires ultramarins ou en milieu rural. Le pilotage doit être flexible et permettre d'ajuster le dispositif en fonction des besoins réels du terrain. Il est essentiel de nous assurer que ces pôles répondront bien aux besoins des élèves dans toutes les régions de France.

La clarification de l'articulation avec les MDPH et l'avis conforme des professionnels médico-sociaux sont des avancées certes importantes, mais qui ne sont pas suffisantes. Nous devons nous assurer que ces dispositifs seront effectivement opérationnels et qu'ils répondront aux attentes du terrain.

Mesdames les ministres, mes chers collègues, pour que l'école inclusive devienne une réalité, il nous faut un agenda budgétaire et statutaire clair pour concrétiser l'idéal républicain d'une école pleinement inclusive.

L'inclusion des élèves en situation de handicap ne peut être une promesse creuse ; elle doit au contraire se traduire par des actions concrètes.

Le groupe RDSE soutiendra ce texte, mais proposera des amendements pour aller plus loin, notamment sur la reconnaissance du métier d'AESH et le déploiement des PAS. Nous devons transformer l'école inclusive de manière concrète, sans laisser personne de côté. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Marie-Pierre Monier et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens d'abord à remercier notre rapporteure, Catherine Belrhiti, pour son travail rigoureux de réécriture du texte.

Depuis vingt ans, l'école de la République ouvre ses portes à l'inclusivité. Alors qu'en 2005, 150 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés en milieu ordinaire, ils sont aujourd'hui plus de 500 000.

Dans certaines classes, jusqu'à un tiers des effectifs est composé d'élèves à besoins particuliers. C'est un vrai défi pour les équipes éducatives, qui peuvent être dépassées par des classes surchargées.

En résumé, l'école inclusive décroche une mention « très bien » sur le quantitatif, mais un « peut mieux faire » sur le qualitatif.

Dans son dernier rapport, la Cour des comptes pointe notamment trois axes de travail. Elle déplore un « parcours du combattant » en matière administrative et des délais trop longs, qui atteignent 170 jours en moyenne pour une décision MDPH – et parfois 250 ! Par ailleurs, la Cour souligne que le statut d'AESH est encore trop précaire. Enfin, elle relève le manque évident de lien avec le médico-social.

Des améliorations sont donc nécessaires, notamment sur le partage d'information.

Depuis 2021, 450 000 LPI ont été créés. Cet outil est devenu clef. Son inscription dans la loi permet d'en assurer la pérennité. Il doit pouvoir couvrir tous types de profils et de parcours. C'est à ce titre que je présenterai un amendement visant à garantir son effectivité en voie professionnelle.

J'attire également votre attention sur deux points importants.

Premièrement, l'efficacité du LPI est entravée par des problèmes de mise en œuvre et de partage d'informations avec les MDPH.

Prenons l'exemple de l'enseignement privé sous contrat : les psychologues embauchés par les directions diocésaines ne sont pas reconnus comme personnels de l'éducation nationale et ne peuvent donc accéder à ces informations. Madame la ministre d'État, les établissements sont dans l'attente des décrets d'application qui doivent lever ces freins.

Deuxièmement, l'ouverture du LPI est conditionnée à un diagnostic médical. Or, avec un médecin pour 13 000 élèves, la médecine scolaire reste une utopie ; et sans médecin, pas de diagnostic, donc pas de livret… Cette situation n'est pas tenable.

En revanche, je tiens à souligner l'effort constant qui a été fait sur l'accompagnement humain. Le nombre d'AESH a triplé en sept ans. Le texte prévoit un délai d'un mois maximum entre la notification de la décision d'attribution et l'affectation. C'est un progrès pour les familles : actuellement, 10 % des notifications ne sont pas prises en charge à temps.

Mais fixer un délai ne suffit pas : il faut prévoir des moyens pour qu'il soit respecté. À défaut, nous pourrions créer des frustrations légitimes, alors que le déficit d'attractivité de la profession d'AESH accentue déjà ce risque – deuxième métier de l'éducation nationale, c'est aussi l'un des plus précaires. Ces professionnels demandent une vraie reconnaissance.

Au Sénat, plusieurs avancées ont déjà été votées. Je pense à la loi du 27 mai 2024 visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne, de notre collègue Cédric Vial, adoptée l'année dernière. Il reste toutefois du chemin à parcourir, en particulier sur le plan statutaire.

J'en viens à la transformation des PIAL en PAS. Espérons que ce changement de sigle ne soit pas qu'un simple ravalement de façade. L'intention est bonne : mieux accompagner les familles et mieux coordonner les réponses.

Dans les départements pilotes, les résultats sont encourageants. Le délai de première réponse est de onze jours, contre généralement plusieurs mois pour une réponse de la MDPH. Mais soyons lucides : l'expérimentation est récente et prend place dans des départements pionniers en matière d'inclusivité.

Ce nouveau modèle ne doit pas tomber dans les mêmes écueils que les PIAL : pas question que les PAS deviennent de simples outils de gestion ! Ils doivent être de vrais espaces de coopération, pilotés par un binôme alliant professionnels de l'éducation nationale et du médico-social.

Par ailleurs, l'État ne peut être à la fois évaluateur des besoins et attributeur des moyens. Il faut trouver un juste équilibre.

Un mot, enfin, sur l'enseignement privé sous contrat.

Tout d'abord, en matière de gouvernance des PAS, le privé sous contrat est laissé sur le pas de la porte. Pourtant, les spécificités de celui-ci apportent à ces professionnels une expertise propre. Pourquoi ne pas instaurer dans chaque académie un coordonnateur issu du privé sous contrat, en écho aux enseignants référents ?

Ensuite, concernant la formation, un AESH, qu'il soit affecté dans le public ou dans le privé, doit pouvoir bénéficier d'une formation, comme c'est le cas pour les enseignants. Or les établissements du privé sous contrat n'ont ni le budget ni la main pour financer cette formation spécifique.

Par ailleurs, quel que soit le réseau éducatif, l'inclusivité ne doit pas s'arrêter à la fin des cours. Un enfant en situation de handicap sur trois n'est pas accueilli en centre de loisirs ou lors des activités périscolaires. En outre, 40 % des communes déclarent manquer de moyens pour accueillir ce public après l'école.

Nous devrons donc absolument, dans nos prochains débats, nous pencher sur la question du périscolaire.

En conclusion, ce texte est une étape : il sécurise, il clarifie, il responsabilise, mais cette proposition de loi n'aura de sens que si nous y consacrons les moyens nécessaires.

La Cour des comptes pointe une mauvaise gestion des ressources de la politique inclusive, dont le coût global s'élève à 3,7 milliards d'euros par an. En période de tensions budgétaires, l'investissement doit être efficace. Mais avec six ministres en trois ans, six visions, six stratégies et autant de virages, comment maintenir un cap ? Un enfant bien inclus aujourd'hui, c'est un citoyen autonome demain.

Le groupe Union Centriste votera pour l'adoption de ce texte et restera vigilant quant à sa mise en œuvre. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Marie-Pierre Monier applaudit également.)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens, en préambule, à exprimer mon désarroi face à cette proposition de loi en provenance de l'Assemblée nationale.

L'accueil des élèves en situation de handicap est une cause juste et noble. Il est certain qu'un grand nombre d'entre eux ont tout à gagner à suivre un cursus pédagogique traditionnel, à la condition expresse de bénéficier de l'aide nécessaire à leur pleine intégration. Ce droit leur est garanti par la loi de février 2005.

Plus de vingt ans après sa promulgation, le constat est amer. Les 513 000 enfants en situation de handicap scolarisés sont encore loin de bénéficier de l'accompagnement qui leur permettrait de profiter pleinement de cette inclusion. Ce décalage entre l'ambition généreuse des objectifs et la faiblesse relative des moyens disponibles engendre beaucoup de déception, voire de la souffrance.

Reconnaissons-le collectivement, mes chers collègues : sans l'extrême dévouement des accompagnants des élèves en situation de handicap et des enseignants eux-mêmes, la situation serait encore bien plus difficile. À ce titre, je les remercie chaleureusement pour leur investissement.

Cependant, les enseignants de nos départements nous alertent fréquemment sur des situations très complexes, qui les placent dans l'impossibilité, faute de moyens, d'apporter à leurs élèves en situation de handicap l'accompagnement nécessaire. Ils se retrouvent souvent en grande difficulté, tant sur le plan pédagogique que physique, confrontés à des situations extrêmes qu'ils doivent gérer sans formation adéquate ni soutien suffisant.

Face à l'ampleur et à la complexité des défis, cette proposition de loi semble dérisoire. Après sa réécriture par notre collègue Catherine Belrhiti, dont je salue la tentative désespérée de sauvetage (Sourires.), ce texte reste quasiment vide de toute disposition normative et de solution pragmatique, à l'exception de l'article 3 bis B introduit par le Gouvernement. Les autres dispositions relèvent, selon moi, du domaine infra-législatif, voire de la simple circulaire.

M. Max Brisson. Absolument !

M. Pierre Ouzoulias. Je me permets à ce titre de rappeler à nos collègues de l'Assemblée nationale que le Parlement, conformément à l'article 24 de la Constitution, « contrôle l'action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques ». Il n'a donc nul besoin de lui demander des rapports pour exercer cette mission constitutionnelle.

M. Max Brisson. Il faut le rappeler !

M. Laurent Lafon, président de la commission. Très bien !

M. Pierre Ouzoulias. Il ne reste donc de ce texte que l'article 3 bis B. Je regrette qu'il n'ait pas donné lieu à un projet de loi en bonne et due forme, précédé d'un bilan approfondi de la mise en œuvre des dispositions relatives à l'école inclusive.

On ne peut qu'adhérer à la volonté de renforcer les liens entre l'éducation nationale et le secteur médico-social, mais il faut toutefois rester vigilant : dans un contexte marqué par une grave pénurie de soins en santé mentale, cette volonté de collaboration ne doit pas masquer un transfert de charges vers les collectivités, en pleine période de restrictions budgétaires.

M. Max Brisson. Vigilance !

M. Pierre Ouzoulias. Je le répète, cette disposition aurait mérité une concertation approfondie avec les collectivités concernées. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST, INDEP, RDSE et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, depuis la loi pour l'égalité des droits et des chances du 11 février 2005, l'école inclusive est un principe inscrit dans la loi. Malheureusement, cette promesse républicaine n'est pas totalement respectée.

En 2024, 23 % des enfants en situation de handicap ne sont toujours pas scolarisés. Environ 11 000 d'entre eux attendent une place en institut médico-éducatif et 450 000 enfants doivent se partager 127 000 accompagnants d'élèves en situation de handicap.

Voilà le point de départ.

La présente proposition de loi partait d'un constat juste et d'une intention que nous partageons : rendre l'école plus inclusive, mieux organisée et plus lisible pour les familles et les personnels associés. Pourtant, le contenu du texte initial ne n'avançait aucune réponse structurelle à la hauteur des besoins. Il s'appuyait essentiellement sur des outils de suivi, comme le livret de parcours inclusif, un rapport annuel ou encore quelques obligations de formation.

Vraiment, mes chers collègues, je me le demande : avons-nous besoin d'une proposition de loi pour généraliser le livret de parcours inclusif ?

Par ailleurs, un trou dans la raquette est rapidement apparu : comment, lorsque l'on évoque le parcours des enfants à besoins éducatifs particuliers, pouvons-nous mettre sous le tapis la question des AESH ? Il est inadmissible que ces derniers soient encore traités, en 2025, comme des variables d'ajustement du système éducatif. Ces personnels, pourtant essentiels à l'inclusion scolaire, cumulent contrats précaires, salaires indécents et absence totale de reconnaissance professionnelle et institutionnelle.

On leur confie des missions fondamentales, tout en les maintenant dans une précarité honteuse. Ce mépris organisé n'est pas une négligence : c'est un choix politique.

Il est grand temps que l'État propose aux AESH un véritable statut, une formation digne et une rémunération à la hauteur de leurs missions.

À la suite de son examen à l'Assemblée nationale, cette proposition de loi a été relativement renforcée. Nous avons soutenu les avancées obtenues à cette occasion et nous continuerons de les défendre. Toutefois, un problème demeure sur la méthode comme sur le fond : il s'agit de la généralisation précipitée des pôles d'appui à la scolarité.

Nous n'avons pas de recul suffisant sur ce dispositif ; introduit par un amendement gouvernemental, il n'a pas fait l'objet d'un bilan préalable. Ces pôles, chargés de définir et d'élaborer des réponses aux besoins des élèves, sont en cours d'expérimentation, et ce depuis moins d'un an, puisqu'ils ont été lancés à la rentrée 2024 dans quatre départements. Comment peut-on justifier leur généralisation sans étude ni rapport solide sur leur efficacité ? Quelles seraient les conséquences budgétaires et structurelles de la mise en place de ce dispositif ?

On nous parle de 500 PAS à la prochaine rentrée, mais avec quelles ressources humaines et au détriment de quoi ? De l'accompagnement du quotidien effectué par les personnels des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) qui géreraient désormais les PAS ?

Rappelons-le : 500 PAS, c'est 500 personnels de l'éducation nationale. Nous nous battons chaque année pendant des semaines pour obtenir 500 postes supplémentaires lors de l'examen des projets de loi de finances et vous, d'un claquement de doigts, vous en réallouez 500 dans des structures non éprouvées !

Les implications sur le budget et les postes de l'éducation nationale restent floues. Tout cela n'est pas sérieux. Nous débattons aujourd'hui d'une proposition de loi insuffisante, qui manque d'ambition et qui introduit un dispositif aux effets organisationnels et budgétaires incertains.

Ce texte ne traite pas du cœur de l'enjeu de l'école inclusive : des AESH mieux reconnus, moins d'enfants par classe avec plus de temps à consacrer aux élèves, des réseaux d'aide avec des enseignants spécialisés et des psychologues scolaires suffisamment dotés pour accompagner professeurs, parents et enfants dans la prise en compte des besoins particuliers ou du handicap, et des professionnels de santé – infirmières et médecins – permettant un véritable accompagnement au sein de l'éducation nationale.

Nous sommes tous prêts à nous emparer de ces sujets, mais ce texte est malheureusement une occasion manquée. Mon groupe s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)