Présidence de Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Secrétaires :

M. Guy Benarroche,

Mme Alexandra Borchio Fontimp.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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Questions orales

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

juste compensation par l'état des dépenses sociales des départements

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, auteur de la question n° 597, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Le 18 juin est une date qui marque un sursaut national dans notre histoire. Depuis cette année, le 18 juin est également le jour du dépassement, c'est-à-dire le jour à partir duquel les départements assument seuls la solidarité nationale.

Quelles mesures de compensation le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place pour permettre aux départements de faire face aux différentes charges qu'ils supportent en matière sociale ?

Je pense tout particulièrement au revenu de solidarité active (RSA). Le département de l'Yonne consacre au versement de cette prestation 60 millions d'euros, compensés seulement à hauteur de 27 millions d'euros par l'État. Cela signifie que le département de l'Yonne, donc le contribuable icaunais, en assument 33 millions d'euros. Il y a là un effet de ciseaux insupportable.

Quelles sont les pistes pour résorber ce grave problème, qui pèse lourdement sur les finances locales ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap. Monsieur le sénateur, en tant que conseillère départementale du Nord, je connais bien cette problématique, puisque mon département compte le plus grand nombre de bénéficiaires du RSA. Je mesure donc pleinement l'impact que cela peut représenter.

Les départements se trouvent aujourd'hui dans une situation financière extrêmement difficile, en raison de ce double effet ciseaux, qu'ils évoquent régulièrement : d'un côté, une croissance continue des dépenses sociales – vous avez mentionné le RSA, mais l'on retrouve des difficultés analogues s'agissant du handicap ou de l'autonomie –, de l'autre, des recettes qui stagnent, voire diminuent, en lien avec la baisse de la dynamique des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Dans ce contexte, le Gouvernement a souhaité rouvrir le dialogue via un comité des financeurs, piloté par M. le ministre François Rebsamen.

Parallèlement, Mme Catherine Vautrin et moi-même avons mis en place un comité des financeurs spécifique afin d'apporter un soutien aux départements sur la question du Ségur pour tous. Un nouvel accord a pu être trouvé. Il a permis de réaffirmer un certain nombre de règles encadrant les modalités de dialogue entre l'État et les départements.

Des études ont été commandées afin de réaliser un point complet sur les financements apportés par l'État. En ce qui concerne le RSA, trois expérimentations de centralisation sont actuellement en cours, dont les premiers résultats montrent que ce dispositif est a priori favorable aux départements concernés. Ces évaluations seront prochainement menées à bien, en parallèle de l'étude sur les financements apportés par l'État.

Il sera également nécessaire de reprendre les discussions sur les taux de compensation de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH).

Le Gouvernement est bien conscient des difficultés rencontrées par les départements et il entend accompagner ces derniers. Il l'a déjà démontré à plusieurs reprises, notamment en stabilisant les taux de compensation. Il reste cependant des progrès à accomplir.

Tel sera l'enjeu des prochains débats budgétaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour la réplique.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Madame la ministre, je sais que votre action est déterminée. Néanmoins, ne le prenez pas en mauvaise part, là où il faut des décisions, vous me répondez discussions et études.

Le problème de fond demeure : nous faisons face à un véritable jeu de bonneteau. Certes, l'État a consenti à une hausse des droits de mutation à titre onéreux, mais cela reste dérisoire. Pour l'Yonne, cette hausse ne représente que 800 000 euros, quand, dans le même temps, comme l'a relevé la Cour des comptes, les indus du RSA s'élèvent à 5 millions d'euros !

Je formule donc la proposition suivante : systématiser la régularisation de la compensation lors des collectifs budgétaires, afin que la promesse de l'euro près soit bien tenue.

À cela s'ajoute un problème de forme. Lorsque les plus hautes instances de la caisse d'allocations familiales (CAF) se déplacent dans mon département, le président du conseil départemental, Grégory Dorte – qui est le payeur –, n'est même pas prévenu !

Il y va de l'avenir même de notre décentralisation, donc de celui des politiques de proximité – les routes, les collèges, les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), etc. Madame la ministre, l'État doit être au rendez-vous de la justice budgétaire et fiscale.

réingénierie de la profession de psychomotricien

Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteure de la question n° 595, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.

Mme Jocelyne Guidez. La réingénierie des formations paramédicales, engagée en 2008, vise à adapter les contenus pédagogiques et les champs d'intervention des professions de santé à l'évolution des pratiques et aux besoins du système de soins. Alors que toutes les autres professions de rééducation ont terminé leur réingénierie, celle des psychomotriciens est interrompue depuis 2011.

Pourtant, leur rôle ne cesse de croître dans les politiques publiques de santé, en matière de prévention, d'accompagnement du développement de l'enfant, de santé mentale ou encore de soutien aux personnes âgées. Les psychomotriciens interviennent notamment de manière déterminante dans le repérage et l'accompagnement des troubles du neurodéveloppement.

La formation limitée à trois ans n'est plus en adéquation avec les exigences du métier. Elle ne permet ni une acquisition suffisante des contenus pédagogiques ni la maîtrise des compétences attendues sur le terrain en matière de responsabilité et d'autonomie professionnelle.

L'évolution vers une formation de cinq ans, reconnue au grade de master, permettrait d'adapter le cursus aux réalités actuelles de la profession. Elle permettrait également de renforcer la qualité et la continuité des parcours de soin, ainsi que la structuration académique du métier, en développant la recherche et les pratiques fondées sur les preuves.

Le Gouvernement entend-il proposer une reprise des travaux de réingénierie du diplôme d'État de psychomotricien ? Si oui, pour quel horizon de mise en œuvre ?

Cette montée en compétences de la profession ne pourrait-elle pas être également l'occasion d'ouvrir l'expérimentation de l'accès direct aux psychomotriciens ? Actuellement, l'adressage vers le psychomotricien libéral se fait essentiellement à partir des autres professionnels paramédicaux, les enseignants et les familles elles-mêmes, et assez peu à partir d'une consultation médicale.

Madame la ministre, vous représentez ce matin Yannick Neuder, qui défendait au mois de janvier 2023 un amendement visant à soutenir l'accès direct. J'imagine donc que vous m'apporterez une réponse favorable sur ce dernier point.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap. Madame la sénatrice Jocelyne Guidez, vous appelez mon attention sur la réingénierie de la formation des psychomotriciens.

La place des psychomotriciens dans l'accompagnement de la population n'est plus à démontrer, la formation de ces professionnels de santé fait d'ailleurs partie des priorités de la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement. J'en profite pour saluer votre propre engagement sur ces questions.

La réingénierie de la formation fait partie de nos priorités et c'est pourquoi mes services démarreront les groupes de travail avant la fin de l'année.

Les questions relatives à la durée de la formation et à l'obtention d'un grade pourront être discutées à l'occasion de ces travaux, dans un souci de cohérence avec les compétences de l'ensemble des professionnels, en lien avec le ministère de l'enseignement supérieur.

Il faut être vigilant sur les effets de bord de l'allongement des durées de formation. En effet, cela implique des années blanches sans diplomation de nouveaux étudiants, ce qui augmente les tensions dans le système de santé.

Par ailleurs, il est nécessaire d'interroger l'impact de ce type d'évolution sur l'attractivité de la formation : un allongement de formation systématique peut également avoir des effets de bord défavorables.

Pour répondre à vos interrogations sur l'accès direct, M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins est, de manière générale, très « allant » sur ces questions, tout comme moi-même. Un travail de fond devrait être mené sur les référentiels d'activité et de compétences pour assurer une réingénierie de formation en adéquation avec les besoins d'accompagnement de la population. Le ministre chargé de la santé propose que nous puissions œuvrer de concert avec vous.

avenir du cannabis thérapeutique en france

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, auteure de la question n° 426, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.

Mme Marie-Arlette Carlotti. Madame la ministre, depuis le mois de mars 2021, l'expérimentation du cannabis médical a permis à environ 3 000 patients souffrant de douleurs neuropathiques réfractaires, d'épilepsies sévères, d'effets secondaires de la chimiothérapie, de sclérose en plaques ou se trouvant en soins palliatifs d'accéder à ces traitements.

Les soignants et les rapports intermédiaires de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) soulignent une amélioration tangible de leur qualité de vie, avec une tolérance jugée acceptable.

Pour autant, aujourd'hui, ces patients sont dans l'incertitude. Certes, l'expérimentation a été prolongée à plusieurs reprises et, au mois de février 2025, vous avez annoncé que les essais cliniques seraient repoussés d'un an jusqu'en juin 2026. Reste que, jusqu'à cette date, seuls les participants actuels voient leurs soins prolongés de façon dérogatoire, alors que des milliers d'autres attendent leur premier accès.

Le 20 mars dernier, vous avez notifié à la Commission européenne trois projets de texte sur la mise sur le marché, sur la culture nationale et sur les standards de qualité. Il s'agissait d'une avancée positive, mais nous sommes toujours dans l'attente d'un calendrier et d'un cadre législatif clair. Quant à l'avis de la Haute Autorité de santé (HAS), c'est un élément clé pour le remboursement, mais il n'est attendu que « dans les prochains mois ».

Madame la ministre, dans la perspective de la fin prochaine de l'expérimentation, quelles garanties concrètes apportez-vous pour éviter toute rupture de soins ? Quel est le calendrier prévu pour publier les décrets et les arrêtés fixant les modalités de prescription, de délivrance et de prise en charge de l'assurance maladie ? Quelles mesures comptez-vous prendre afin de structurer une filière nationale de production, en assurant la sécurité de l'approvisionnement, la traçabilité et la souveraineté sanitaire ?

Une réponse, qui pourrait clarifier toutes ces ambiguïtés, est très attendue de la part de nos concitoyens qui souffrent de pathologies lourdes.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap. Madame la sénatrice, vous avez raison de rappeler à quel point les situations de douleur sévère, notamment en soins palliatifs ou en lien avec certaines pathologies chroniques comme la sclérose en plaques, peuvent être intolérables.

C'est précisément dans cet esprit que le ministère chargé de la santé a pris la décision d'ouvrir la voie à l'accès de ces traitements dans le droit commun. Le 19 mars dernier, M. le ministre Yannick Neuder, qui m'a chargée de vous répondre, a notifié à la Commission européenne les textes qui permettront à terme l'autorisation de ces médicaments par l'ANSM, ainsi que la culture contrôlée de cannabis à visée médicale en France.

Concernant la structuration d'une filière nationale de production, nous pourrons prochainement faire paraître les arrêtés et décrets pour rendre effective cette possibilité. Cet aspect sera toutefois géré par le ministère de l'économie.

Yannick Neuder a également saisi la HAS afin qu'elle se prononce sur le bien-fondé de la prise en charge par l'assurance maladie de ces médicaments.

Ce sont des étapes importantes et nécessaires pour garantir des traitements sûrs, encadrés et accessibles à ceux qui en ont besoin.

Dans l'intervalle, les patients actuellement inclus dans l'expérimentation bénéficieront d'une continuité de traitement jusqu'au 31 mars 2026.

Nous travaillons activement à la mise en œuvre opérationnelle du cadre de droit commun. Aussi, pour que les textes soient finalisés, le Conseil d'État a été saisi par les services du ministère du projet de décret associé. Les choses avancent donc pas à pas pour avoir l'assurance d'une mise en conformité solide. Nous travaillons également à la sensibilisation des professionnels afin que les prescriptions puissent, dès que le cadre le permettra, s'élargir à d'autres patients.

composition des conseils de famille

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 627, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, j'ai récemment été alerté par plusieurs associations représentantes des familles, des assistantes familiales et des personnes admises à l'aide sociale à l'enfance (ASE) sur la composition des conseils de famille de mon département.

Pour rappel, le conseil de famille est un organe chargé de la tutelle des pupilles de l'État, enfants recueillis par le service départemental de l'aide sociale à l'enfance.

Conformément à l'article L. 224-2 du code de l'action sociale et des familles, l'assemblée du conseil de famille est composée, en plus du tuteur ou de la tutrice, de représentants d'associations de pupilles ou d'anciens pupilles et de personnes actuellement ou anciennement admises à l'ASE, de représentants d'associations familiales concourant à la représentation de la diversité des familles, incluant les associations de familles adoptives, de représentants d'associations d'assistants familiaux, de représentants du conseil départemental, de deux personnalités qualifiées en raison de leurs compétences et de leurs expériences professionnelles en matière d'éthique et de lutte contre les discriminations, pour l'une, et en matière médicale, psychologique ou sociale, pour l'autre.

Depuis l'apparition d'un nouveau décret le 30 mai 2024, effectif au 1er janvier 2025, au minimum cinq de ces membres, dont le tuteur ou la tutrice, doivent être présents lors du conseil de famille.

En Isère, par exemple, la composition actuelle des deux conseils de famille interroge depuis la démission, pour l'un, de trois membres titulaires et de trois membres suppléants, pour l'autre, de cinq membres titulaires et de cinq membres suppléants.

Par ailleurs, et alors même que la loi l'exige, aucun membre d'une association de pupilles ou d'anciens pupilles de l'État n'avait été désigné, malgré l'existence d'une association dans le département.

Madame la ministre, pourriez-vous nous éclairer sur la régularité des décisions prises par un conseil de famille dont la composition serait incomplète au regard de la loi et dont le quorum imposé par décret ne serait pas atteint ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap. Monsieur le sénateur, le conseil de famille des pupilles de l'État (CFPE) permet d'assurer l'accompagnement d'enfants n'ayant pas de parents en mesure d'assurer leur éducation et leur bien-être et placés sous la responsabilité de l'aide sociale à l'enfance.

Depuis plusieurs mois, des tensions persistent au sein des conseils de famille dans le département de l'Isère. Certains membres ont contesté à plusieurs reprises, parfois avec agressivité, les décisions de l'ASE et du service d'adoption du conseil départemental.

Au mois de janvier 2025, neuf membres ont démissionné ; ils sont majoritairement issus du secteur associatif. Ils reprochent notamment à la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) de ne pas avoir nommé de représentants d'une association d'anciens pupilles.

Les recours qu'ils ont introduits contre les arrêtés de nomination ne sont pas suspensifs et ne remettent pas en cause la validité des délibérations adoptées tant que le quorum est atteint – cinq membres. Le fonctionnement des CFPE en Isère est donc juridiquement valide.

Il est indispensable que les conseils de famille puissent continuer à se réunir en Isère. Malgré les démissions, ils fonctionnent a minima avec les représentants du conseil départemental, les personnalités qualifiées et la tutrice, notamment pour statuer sur des projets d'adoption, dans le respect du quorum légal.

Les services de l'État et du conseil départemental sont pleinement mobilisés pour restaurer un fonctionnement collégial et respectueux du cadre légal.

Malgré plusieurs courriers envoyés aux associations, à ce jour, aucune liste n'a été adressée à la préfecture pour procéder à la nomination de nouveaux membres.

Conformément aux dispositions du code de l'action sociale et des familles, en cas d'absence de listes, le préfet peut nommer directement toute personne ayant la qualité requise.

Toutefois, nous souhaitons que le dialogue avec les acteurs associatifs soit rétabli afin de créer les conditions d'un fonctionnement apaisé et collégial de cette instance essentielle.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.

M. Guillaume Gontard. Nous constatons un dysfonctionnement. Les représentants des pupilles de l'État ont adressé une demande, mais, à ma connaissance, personne n'a encore été nommé. Selon moi, il s'agit d'un conseil de famille qui n'est pas complet, donc qui déroge à la loi.

pénurie de thanatopracteurs

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, auteure de la question n° 548, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.

Mme Annick Billon. Madame la ministre, la profession de thanatopracteur est peu connue du grand public. Elle est pourtant indispensable.

Chaque année en France, ces professionnels assurent la conservation de 300 000 défunts, soit la moitié des décès. Ils exercent avec discrétion et humanité.

Aujourd'hui, la profession fait face à une pénurie préoccupante. Il existe 1 600 titulaires, mais seulement 800 d'entre eux sont en exercice, les délais de recrutement s'élèvent à plus d'un an. Par ailleurs, un thanatopracteur sur deux finit par se reconvertir.

Derrière ces chiffres, les répercussions sont multiples : délais de plus en plus longs pour les familles, zones blanches sans aucun professionnel disponible, pression accrue sur ceux qui exercent encore.

Le principal frein est le numerus clausus, qui limite à soixante-cinq le nombre de lauréats par an. Ce chiffre est figé depuis les années 2000. Il ne repose pourtant sur aucun recensement national ni sur aucun calcul objectif.

Sur ces soixante-cinq diplômés théoriques, il faut encore retirer ceux qui ne vont pas au bout de leur formation ou qui abandonnent avant d'exercer. Au final, seuls trente professionnels, en moyenne, entrent réellement dans le métier chaque année.

Par ailleurs, la profession doit faire face à un nouveau défi lié à sa très forte féminisation : plus de 60 % des thanatopracteurs sont des femmes et 40 % d'entre elles ont moins de 35 ans. Il devient urgent d'adapter leurs conditions d'exercice, notamment à la grossesse et à la maternité.

Madame la ministre, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour lever ce numerus clausus, tenir compte la féminisation du métier et garantir l'avenir d'une profession aussi discrète qu'essentielle ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap. Madame la sénatrice, vous soulignez avec justesse les tensions qui affectent aujourd'hui la profession de thanatopracteur.

Ces professionnels jouent un rôle essentiel dans l'accompagnement des familles endeuillées, en assurant des soins de conservation qui permettent de retarder la dégradation du corps avant les funérailles, conformément aux dispositions de l'article L. 2223-19-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Nous saluons ces professionnels qui accomplissent un travail difficile et ô combien essentiel.

Le diplôme national de thanatopracteur, obligatoire pour exercer, est délivré après la réussite d'un examen théorique et pratique. En application de l'article D. 2223-124 du CGCT, le contingent de places offertes à la formation pratique est fixé chaque année par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la santé, après consultation du jury de l'examen et des organisations siégeant au Conseil national des opérations funéraires (Cnof).

Nous avons bien entendu les alertes du terrain. C'est pourquoi le numerus clausus a été relevé de soixante-cinq à soixante-dix places pour la session 2025. Cette hausse vise à mieux répondre à l'augmentation du nombre de décès, au vieillissement des professionnels en exercice et aux difficultés de recrutement qui commencent à se faire jour dans certaines zones.

Cela étant, nous devons avancer de manière rigoureuse. Une augmentation plus importante du contingent devra s'appuyer sur des données consolidées.

Enfin, j'ai bien noté vos remarques sur la féminisation croissante de la profession et les besoins spécifiques que cela implique en matière d'accompagnement de la grossesse et de la maternité. Ces éléments devront être pleinement intégrés dans les réflexions à venir, en lien avec les acteurs du secteur.

Le Gouvernement reste attentif à garantir l'équilibre entre l'exigence de qualité des soins, la sécurité des professionnels exposés à des produits biocides et la continuité du service rendu aux familles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.

Mme Annick Billon. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Le numerus clausus est un problème essentiel pour la profession de thanatopracteur. La légère augmentation du contingent dont vous avez fait état ne compense pas la féminisation de la profession ni le vieillissement de la population, sans parler des zones blanches qui mettent en difficulté énormément de familles.

Nous espérons donc que ce numerus clausus sera revu nettement à la hausse.

pertinence de la dérogation permettant des combats de coqs dans certaines régions de france, malgré leur caractère illégal dans le reste du territoire

Mme la présidente. La parole est à Mme Antoinette Guhl, auteure de la question n° 233, transmise à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Antoinette Guhl. Madame la ministre, le 31 mai dernier, sous une chaleur éprouvante, dans des caisses exiguës, deux coqs sont transportés dans une arène. Il faut le voir pour le croire tant cela semble irréel en 2025.

Pourtant, dans ce village près de Calais, comme dans certains départements du Nord, du Pas-de-Calais et d'outre-mer, les combats de coqs sont encore autorisés, au nom d'une « tradition locale ininterrompue », malgré leur interdiction dans le reste du territoire.

Ce jour-là, deux cents personnes ont assisté à une quarantaine d'affrontements. Le tout a lieu dans une sorte d'arène appelée gallodrome, sans échappatoire pour les animaux.

Lorsque les animaux ne s'entretuent pas assez vite, une lame pointue est disposée sur le coq pour qu'il puisse blesser plus facilement son adversaire et que le combat se solde plus rapidement par la mort de l'un d'entre eux. Des paris sont faits par les spectateurs : ça hurle, ça crie, ça attend la mort.

Ces combats sont en principe interdits par l'article 521-1 du code pénal, en raison de leur caractère cruel et de la souffrance infligée aux animaux.

Sans pour autant mettre fin à la pratique, le Conseil constitutionnel a confirmé l'interdiction de créer de nouveaux gallodromes pour y organiser des combats de coqs dès 2015.

Plus de sept Français sur dix se déclarent favorables à l'abolition de ces combats.

Madame la ministre, je vous le demande : pourquoi le Gouvernement maintient-il cette exception pour les combats de coqs, alors qu'elle va à l'encontre de l'opinion publique et des objectifs de protection animale, mais aussi de la dignité humaine ?

Envisagez-vous de mettre fin à cette dérogation pour uniformiser la législation sur l'ensemble du territoire national et garantir une protection cohérente des animaux ?

Comme le disait Lamartine, « on n'a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n'en a pas ».

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap. Madame la sénatrice, le garde des sceaux, qui me charge de vous répondre, porte une attention toute particulière à la lutte contre la maltraitance animale. La loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes a permis de renforcer l'arsenal législatif en la matière.

Cette loi a ainsi modifié le code pénal, qui punit désormais de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende tous les sévices graves ou actes de cruauté commis envers les animaux domestiques, apprivoisés ou captifs.

Cette loi a également créé plusieurs circonstances aggravantes. Ainsi, lorsque les faits sont commis par le propriétaire ou le gardien de l'animal ou lorsque les faits sont commis en présence d'un mineur, les peines encourues sont portées à quatre ans d'emprisonnement et à 60 000 euros d'amende.

Par ailleurs, lorsque les faits ont entraîné la mort de l'animal, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende.

L'article 521-1 du code pénal prévoit cependant que ses dispositions ne sont pas applicables aux combats de coqs, lorsqu'une tradition ininterrompue peut être établie. Par décision n° 2012-271 QPC en date du 21 septembre 2012, le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition conforme au principe d'égalité. En revanche, toute création d'un nouveau gallodrome est punie des peines prévues à cet article.

La notion de tradition ininterrompue est appréciée par le juge du fond en fonction de plusieurs critères. Si ces critères ne sont pas réunis, il ne peut pas y avoir d'exception aux dispositions incriminant ce type de fait.

De plus, lorsque le juge du fond apprécie souverainement l'existence d'une coutume, la Cour de cassation contrôle strictement la réunion de motifs suffisants ayant permis cette appréciation.

Ce dispositif éprouvé à la fois par le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et la pratique juridictionnelle, renforcée récemment par les évolutions du code pénal, paraît ainsi préserver un équilibre satisfaisant tout en s'adaptant aux enjeux de société actuels.

sanctuarisation des crédits alloués à la surveillance biologique du territoire et maintien du soutien au réseau des fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles

Mme la présidente. La parole est à M. Lucien Stanzione, auteur de la question n° 585, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.