M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur Henno, vous avez parfaitement raison de lier l'effort de réarmement à l'effort de compétitivité. Pour réduire nos dépendances présentes ou potentielles dans les domaines de l'intelligence artificielle ou de technologie quantique, l'Europe doit soutenir ses entreprises et ses innovateurs.
Le rapport Draghi a été publié il y a plus d'un an. Sa mise en œuvre est encore insuffisante : il faut clairement le reconnaître et le répéter. La France fait entendre en ce sens sa voix auprès de la Commission européenne. Il est temps à présent de « délivrer », pour le dire en mauvais français.
La boussole pour la compétitivité que vous avez mentionnée a été publiée au mois de janvier dernier. Alors que nous en sommes encore à simplifier un certain nombre de textes, il faut accélérer la mise en place d'une union des marchés de capitaux : autorité de supervision, label européen, titrisation… Quelque 300 milliards d'euros d'épargne européenne franchissent l'Atlantique tous les ans pour financer les marchés de capitaux américains, alors même que nous avons des PME, des start-up, des innovateurs et des chercheurs qui en ont besoin pour se développer et pour être à la hauteur de la concurrence accrue des Américains et des Chinois. Accélérons !
Le Conseil européen sera l'occasion de parler du régime simplifié applicable aux start-up, qui est le vingt-huitième régime de droit des affaires que propose de mettre en place Enrico Letta dans son rapport. Pourquoi attendre 2026 pour se mettre d'accord ? Allons plus vite dans la mise en place des propositions de la Commission européenne ! Pourquoi, d'ailleurs, limiter ce régime aux jeunes entreprises innovantes et ne pas l'étendre à toutes celles qui souhaiteraient se développer plus facilement à l'échelle européenne ?
Vous avez mentionné la Banque européenne d'investissement, que je n'ai pas eu l'occasion d'évoquer. Oui, elle doit investir plus dans la défense. C'est le message clair qui lui a été adressé. Son mandat a été modifié en ce sens. Il s'agit maintenant de soutenir des projets européens. Tel est l'objectif assigné notamment à cette institution financière.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Au lendemain des frappes illégales d'Israël et des États-Unis, le groupe E3 a affirmé dans une déclaration son soutien à la sécurité d'Israël et seulement d'Israël, comme si d'autres peuples du Moyen-Orient n'y avaient pas droit ! « L'Iran ne pourra jamais disposer d'une arme nucléaire », y a-t-on bêlé. Les frappes américaines contre le territoire iranien sont donc approuvées. Pourtant, d'après les conclusions de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) et des services de renseignement américain, l'Iran n'est pas en train de produire une bombe.
En 2003, contre la guerre en Irak, la France s'est levée comme un seul homme pour appeler au respect des principes intangibles du droit.
Monsieur le ministre, condamnez-vous l'attaque américaine et israélienne comme une violation flagrante du droit international ? Si tel n'était pas le cas, l'Union européenne et la France ne constitueraient en rien une force de stabilité sur la scène internationale : elles seraient des forces de désordre.
Le Livre blanc de la défense de la Commission européenne, présenté le 19 mars dernier, assume ce cap stratégique pour les prochaines années. Caractérisé par cette même amnésie volontaire – ou cette déconnexion du réel –, on y parle d'« unité », de « souveraineté stratégique » et d'« autonomie » européenne. On y cache surtout un dangereux retour au tropisme atlantisme, maintenant l'Europe sous tutelle américaine, dans les domaines tant géostratégique qu'industriel.
Il ne s'agit en rien de la renaissance d'une Europe souveraine. C'est la perpétuation d'un capitalisme de prédation, où rivalités économiques et militaires se nourrissent mutuellement.
En 2024, les États européens membres de l'Otan ont dépensé trois fois plus que la Russie pour leur défense : 454 milliards de dollars contre 141 milliards de dollars. L'Europe surpasse la Russie : quatre fois plus de navires, trois fois plus de chars, deux fois plus d'avions de chasse, plus de soldats !
La Commission européenne défend dans ce livre blanc un investissement de 800 milliards d'euros pour la défense, non pas face à une menace sécuritaire objective, mais bien dans une stratégie idéologique et industrielle. Composée d'un prêt de 150 milliards d'euros pour acheter du matériel militaire à 65 % fabriqué en Europe et de 650 milliards d'euros débloqués grâce à une clause d'exception du pacte de stabilité, cette manne financière n'est pas un investissement ponctuel ; elle constitue un véritable piège budgétaire pour les générations actuelles et futures.
Sans contrôle parlementaire, la Commission européenne a décidé seule, par le biais d'un « 49.3 européen ».
Et dire qu'il y a encore quelques mois, monsieur le ministre, vous affirmiez ici même, au banc du Gouvernement, qu'il n'y avait « pas d'argent magique », invoquant la procédure de déficit excessif dont la France fait l'objet depuis l'été 2024, pour justifier l'austérité historique caractérisant le projet de loi de finances pour 2025.
Deux mois après, l'Union européenne prévoit d'autoriser les États à creuser leur déficit jusqu'à 1,5 % du PIB pendant quatre ans. Attention, ce déficit sera exclusivement orienté vers la défense ! Pour les armes, l'argent coule à flots. En revanche, pour la santé, l'éducation ou les transports, le bradage continuera ; il risque même de s'accentuer.
Chaque char, chaque drone, chaque canon acheté sera synonyme de coûts permanents demain : entretien, personnels, infrastructures. Qui paiera quand la clause dérogatoire prendra fin ? Nous le savons déjà : ce sont nos services publics !
Alors que l'Europe traverse une crise économique profonde, que l'industrie automobile s'effondre, que l'Allemagne sombre dans une récession pour la troisième année consécutive, certains voudraient nous faire croire que la solution miracle réside dans l'ère du réarmement.
Non, l'industrie militaire ne créera pas massivement de l'emploi ou de la croissance ! Une étude d'un centre de recherche américain démontre d'ailleurs que le secteur de la défense se classe au soixante-dixième rang sur cent en termes d'efficacité pour la création d'emplois. À l'inverse, des investissements dans la consommation, la santé, l'éducation, les transports et les infrastructures profiteraient réellement aux familles et aux personnes.
Un livre blanc, aussi épais soit-il, ne pourra jamais masquer une vérité simple : on ne construit pas la paix avec des missiles ; on ne soigne pas les fractures sociales avec des budgets militaires.
Ces décisions stratégiques de Bruxelles et de l'Élysée, prises loin des intérêts populaires et démocratiques, se paieront cher. Ce choix n'est évidemment pas le nôtre.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, sur la question iranienne, la position de la France est claire et constante : l'Iran ne peut pas et ne doit pas se doter de l'arme nucléaire.
Vous soutenez que ce pays n'a pas cette intention, mais c'est le rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qui a pointé les violations par l'Iran de ses obligations au regard du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).
Quand l'Iran enrichit de l'uranium à 60 %, alors que l'uranium enrichi à 3,5 % suffit pour faire du nucléaire civil, quand des centrales sont enfouies dans des sites comme celui de Fordo ou sous des centaines de mètres de béton, il y a de quoi s'interroger. Voilà des années que l'Iran contourne ses obligations en matière d'inspections.
C'est la France qui, avec ses partenaires européens, a proposé la voie de la diplomatie, aboutissant à l'accord sur le nucléaire iranien de 2015, le JCPoA (Joint Comprehensive Plan of Action). Lors du premier mandat de Donald Trump, les États-Unis ont choisi d'en sortir.
Notre position est toujours très claire : c'est celle de la diplomatie et du droit international pour construire un cadre de sécurité durable permettant d'empêcher l'Iran d'obtenir l'arme nucléaire.
Ne soyons pas naïfs sur les intentions du régime, qui soutient le terrorisme, le Hamas, le Hezbollah ou les Houthis dans toute la région.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je n'ai pas dit le contraire !
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. L'Iran est responsable de la mort de dizaines de nos compatriotes le 7 octobre 2023. Il soutient la guerre d'agression de la Russie en Ukraine par des livraisons de drones et de missiles. Il continue d'emprisonner nos compatriotes Jacques Paris et Cécile Kohler dans des conditions absolument indignes, considérées comme de la torture au regard du droit international.
Il n'y a de notre part aucun alignement sur qui que ce soit. Il y a simplement une ligne claire : la défense du droit international, de nos intérêts et de notre sécurité.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Jacques Fernique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'issue de ces douze jours qui ont ébranlé le monde, le Conseil européen devra, je crois, apporter des réponses à des questions majeures, existentielles pour notre Europe.
Alors que Netanyahou et, à sa suite, Donald Trump ont agi de façon complètement unilatérale par une guerre se voulant préventive, imposant l'usage massif de la force, à contre-pied des initiatives diplomatiques engagées et au mépris du droit international, animés tous deux par la volonté d'ignorer complètement l'Europe et son approche, la question se pose crûment : l'Europe est-elle dorénavant marginalisée, sur la touche, impuissante et condamnée à subir les choix de cet imprévisible président américain ?
Ce Conseil européen remettra-t-il l'Union européenne à sa place ? Sera-t-il un moment de ferme détermination collective ou y verra-t-on encore une fois trop bien les faiblesses, voire les fissures qui sapent la cohésion et l'affirmation européennes ? De quelle cohésion peut-on en effet parler quand l'un juge positif qu'Israël fasse le « sale boulot » ou qualifie les massifs coups de marteau américains en Iran de « bonne nouvelle pour l'Europe », et que l'autre, notre président, les déclare à raison illégaux au regard du droit international et affirme que c'est par la voie diplomatique et le multilatéralisme que l'objectif de ne pas voir l'Iran se doter de l'arme nucléaire pourra être atteint ?
On dit que c'est illégal, mais on ne condamne pas… Tout se passe comme si nos dirigeants européens étaient incapables de prendre clairement le contre-pied de Donald Trump, tétanisés qu'ils sont à l'idée que celui-ci réduise le soutien américain à l'Ukraine.
Pourtant, toute l'expérience française et européenne nous donne la certitude que, pour le Proche-Orient et le Moyen-Orient, la force pure, les frappes brutales et l'humiliation de nations ne construiront pas un ordre juste, durable et équilibré. Ni Netanyahou ni Trump n'ouvrent des perspectives politiques autres qu'un vaste chaos.
Si l'Europe n'affirme pas l'autre logique, celle du primat du droit international sur le rapport de force, qui le fera ?
Tout l'enjeu pour la France et pour les Européens est de savoir se désolidariser des États-Unis lorsque ceux-ci abandonnent une cause juste, comme celle de l'Ukraine ou celle de la Palestine, ou soutiennent une cause injuste, comme celle des frappes préventives israéliennes. Oui, il faut savoir se désolidariser des États-Unis sans pour autant céder au récit de la Russie ou de la Chine !
D'ailleurs, pour la Russie, la phase récente est – hélas ! – positive. En effet, un effacement stratégique joue contre les Ukrainiens, avec ce glissement insidieux d'attention, de ressources, de priorités, qui dénote un déplacement du centre de gravité stratégique.
Au début du mois de juin, le président Zelensky révélait que 20 000 missiles anti-drones initialement destinés à l'Ukraine avaient été réaffectés par les États-Unis au Moyen-Orient pour se protéger face à la menace iranienne. Pourtant, ces munitions de précision sont justement conçues pour intercepter les drones que la Russie utilise quotidiennement contre les infrastructures civiles ukrainiennes. Dans ce contexte, pour l'Ukraine, les pays européens et la France ne peuvent pas faire preuve de faiblesse et d'incohérence.
À ce titre, accepter le marchandage du Premier ministre hongrois, qui voudrait prolonger la dépendance à l'énergie russe sous peine d'opposer son veto aux sanctions contre la Russie, serait indigne.
Les Palestiniens aussi ont plus que jamais besoin d'une Europe claire et déterminée. Que l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël ne soit pas suspendu dès maintenant est totalement incompréhensible !
Pourtant, si nous avons un levier majeur à actionner sans attendre, c'est bien celui-là ! Nous devons nous opposer à un Premier ministre israélien fauteur délibéré de crimes de guerre massifs : plus de 56 000 victimes – notamment de nombreux enfants –, des villes largement et méthodiquement détruites, des conditions humanitaires désastreuses, la famine organisée et des assassinats aux approches des distributions alimentaires !
Rappelons-nous : en 2013, le renoncement à intervenir en Syrie a pesé lourd en termes de souffrances prolongées pour les victimes et a convaincu Poutine qu'il pouvait annexer la Crimée. Douze ans après, cette fois-ci, l'Europe n'oserait donc même pas suspendre sans tarder l'accord dont Israël a totalement violé la clause sur les droits humains ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur les sujets que le sénateur Jacques Fernique vient d'aborder : Iran, Moyen-Orient, Gaza, etc. Je n'y reviens donc pas. (M. Thomas Dossus et Mme Mathilde Ollivier s'exclament.)
M. Thomas Dossus. Et sur l'accord d'association ?
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber.
M. Michaël Weber. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été souligné à plusieurs reprises, le bombardement de l'Iran par Israël et les États-Unis a été lancé au mépris de toutes les règles et conventions internationales.
Aussi, monsieur le ministre, en amont du prochain Conseil européen, je vous poserai plusieurs questions.
Quelle position la France y défendra-t-elle quant à la décision unilatérale d'Israël et des États-Unis d'attaquer l'Iran, et ce en toute illégalité, sachant par ailleurs que des divergences de vues existent au sein de l'Union européenne ? De quels moyens cette dernière dispose-t-elle pour garantir le respect du droit international par toutes les parties et permettre une résolution diplomatique durable de ce conflit latent ?
En outre, alors que se tient le sommet de l'Otan, je souhaite revenir sur les moyens de défense propres à l'Union européenne. Vous avez évoqué un « parapluie nucléaire » pour l'Europe. La possible extension de la dissuasion française à d'autres pays européens sera-t-elle discutée lors du Conseil européen ? Quelles sont les limites envisageables et envisagées d'un tel projet ?
La décision de bombarder l'Iran n'était pas fondée sur les preuves tangibles d'une menace imminente ; en outre, le Conseil de sécurité de l'ONU n'a pas été consulté. L'attaque israélienne n'est pas un acte de légitime défense. Elle entre bien dans le cadre des « guerres préventives », pourtant jugées illégales par l'ONU. Ces attaques témoignent aussi du manque total de considération pour les efforts de négociation européens.
La fragile trêve obtenue n'efface pas non plus notre inquiétude quant aux déclarations intempestives des États-Unis et d'Israël sur l'éventualité d'un renversement par la force du régime iranien. En Irak et en Libye, les interventions militaires controversées des puissances occidentales ont conduit à des décennies de chaos.
En Irak, État en décomposition totale, les États-Unis sont intervenus sans l'aval de l'ONU.
En Libye, pays divisé par les guerres civiles, le mandat onusien, qui interdisait expressément toute opération de soutien à un changement de régime, a été totalement bafoué.
En Iran, c'est encore plus simple et plus radical : personne n'a été consulté.
Comment qualifier par ailleurs des démocraties supposées libérales, mais belliqueuses, elles-mêmes actrices et complices d'exactions contre les populations civiles ? Nous subirons par la suite les conséquences de tels choix, notamment en termes de migrations.
Comment croire en la bonne foi du régime israélien, qui invoque le droit à la légitime défense pour justifier le carnage à Gaza d'une population civile prise au piège ? Son armée cible des infrastructures civiles, tue des personnes qui cherchent de l'aide humanitaire et affame délibérément la population !
Si notre opposition au régime iranien est totale, elle ne justifie pas que l'on piétine le droit international et humanitaire, devant lequel tout dirigeant est tenu de rendre des comptes.
Quelles sanctions l'Union européenne est-elle prête à envisager pour mettre fin à la brutale loi du talion du régime israélien, qui, avec l'aide des États-Unis, met en péril la stabilité du Moyen-Orient et menace les populations civiles ?
Quelle position la France défendra-t-elle sur une possible tentative de renversement du régime iranien par la force ? Nous en connaissons les conséquences potentielles, en termes notamment d'instabilité et, encore une fois, de phénomènes migratoires. Nous ne souhaitons pas que cela se produise. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur Weber, j'ai déjà évoqué la situation à Gaza et la crise iranienne. Je me contenterai d'ajouter quelques éléments.
La position de la France, notamment du Président de la République, a toujours été extrêmement claire. Nous nous opposons à des logiques de changement de régime par la force. Nous avons vu les effets déstabilisateurs que cela pouvait avoir, par exemple en Libye ou en Irak.
Par conséquent, même si nous condamnons sans ambages le comportement du régime iranien vis-à-vis de sa population, en particulier des femmes et des jeunes, nous estimons que le changement doit venir de l'intérieur et non être « importé » par les armes. C'est une position constante de notre pays.
La France a soutenu le réexamen par la Commission européenne, notamment sous l'impulsion de la haute représentante de l'Union européenne Kaja Kallas, de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël – je réponds ainsi à la question posée par M. Fernique. Cela concerne particulièrement le respect de l'article 2 de l'accord par Israël. Son réexamen est en cours. La Commission européenne rendra ses conclusions au mois de juillet prochain. Ce sera l'occasion pour les États membres de débattre des suites à donner en la matière.
Il a été fait référence au blocage, notamment hongrois, sur l'élargissement de l'Union européenne à l'Ukraine.
La France continue de soutenir les efforts réalisés par Kiev pour engager des réformes dans la perspective d'un tel élargissement. Il est extrêmement regrettable que le processus soit pris en otage par un seul État membre, celui qui bloque aujourd'hui l'ouverture des prochains chapitres de négociations. Il faudra réfléchir à la manière dont nous pourrons continuer à accompagner les Ukrainiens dans leur démarche vis-à-vis de l'Union européenne.
Je profite de l'occasion pour évoquer la Hongrie. Nous sommes à quelques jours de la Gay Pride, qui doit aussi avoir lieu à Budapest. L'Union européenne est une union de valeurs ; je l'ai rappelé tout à l'heure à propos des financements européens. Il faut être absolument intraitable quand l'État de droit, les libertés fondamentales et nos valeurs, comme la protection des minorités, l'indépendance de la justice ou la liberté de la presse, ne sont pas respectés par un État membre. C'est pour cette raison qu'un certain nombre de financements mobilisés dans le cadre du plan de relance pour l'Europe n'ont pas été versés à la Hongrie.
La position de la France a toujours été extrêmement claire et ferme pour défendre ses valeurs.
Conclusion du débat
M. le président. Pour conclure le débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être prêté à l'exercice, très physique, consistant à répondre à tous les orateurs des groupes. Ce soir, nous avons consacré beaucoup de temps à des sujets extrêmement politiques.
Nous savons que ce Conseil européen sera dense et qu'il y sera beaucoup question de politique extérieure et de géopolitique.
Pourtant, j'aimerais évoquer l'Union européenne en soi, qui, pour moi, est essentielle. En effet, la force de l'Union européenne sera de pouvoir discuter à l'extérieur avec la puissance que lui confère son marché intérieur. On oublie trop souvent combien notre marché intérieur est envié. Beaucoup voudraient l'intégrer.
De ce point de vue, il y a sans doute des ressources complémentaires à chercher.
Vous avez fait référence à l'Esta (Electronic System for Travel Authorization). Les Britanniques ont mis en place un dispositif analogue : tout touriste, y compris en provenance de l'Union européenne, qui entre sur leur territoire doit s'acquitter d'une taxe de 20 livres, valable deux ans. Une ressource complémentaire similaire serait donc tout à fait justifiée pour l'Union européenne, même si j'ignore quel pourrait être son montant. Je doute que sa mise en place aurait pour effet de réduire la fréquentation touristique en provenance de pays tiers.
Les orateurs des groupes ont abordé des enjeux très importants. Celui de la compétitivité est à mes yeux un point essentiel, pour notre marché intérieur comme pour l'autonomie stratégique à développer.
Au sein de la commission des affaires européennes, nous avons travaillé la semaine dernière sur un avis politique qui a été adressé à la Commission européenne dans le cadre des travaux sur le futur cadre financier pluriannuel. L'avis était non pas thématique, mais général, sauf sur l'agriculture et la pêche, deux sujets majeurs pour nous.
L'idée n'est évidemment pas de trahir nos objectifs en termes de développement durable, de transition écologique et de vigilance face au réchauffement climatique. Nous souhaitons simplement un rééquilibrage. En effet, comme nous l'avons indiqué à de multiples reprises dans cette maison, la situation était déséquilibrée : nos entreprises ne pouvaient pas tenir le choc. Aujourd'hui, nous avons le sentiment que le bateau change de cap, sans pour autant faire demi-tour. Le nouveau cap est beaucoup plus réaliste et intelligible pour nos populations.
Monsieur le ministre, je vous souhaite bon courage. Je sais que vous accompagnerez le Président de la République à ce Conseil européen.
Je tiens à souligner l'importance de la voix de la France. Même si cela peut sembler paradoxal au regard de ce qui se dit parfois ici, notre pays reste écouté. Je le constate dans nos échanges interparlementaires. J'étais encore récemment en Pologne, pour la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (Cosac). La voix de la France, ce grand pays fondateur de l'Union européenne, porte. Il faut que cela perdure et que vous puissiez relayer certains messages, monsieur le ministre.
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin 2025.
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