Présidence de Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Catherine Conconne,

Mme Sonia de La Provôté.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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Questions d'actualité au Gouvernement

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous informe que le président du Sénat n'est pas en mesure de présider la séance, car il participe, de même que le Premier ministre, au sommet sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie organisé par le Président de la République.

mesures visant à adapter la justice pénale au monde d'aujourd'hui

Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. François Patriat. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le garde des sceaux, jamais la délinquance n'a été aussi violente, aussi précoce, aussi récidiviste. Face à cette réalité, notre réponse pénale peine à convaincre les Français. La surpopulation carcérale ne cesse d'augmenter, le sens de la peine s'efface et la récidive marque notre échec collectif.

Je veux ici saluer le dévouement des professionnels de la chaîne pénale – magistrats, greffiers, personnels pénitentiaires –, qui font vivre, chaque jour, une justice bien souvent à bout de souffle.

Monsieur le garde des sceaux, vos prédécesseurs ont engagé des réformes importantes et courageuses et apporté des moyens à la justice, mais les dysfonctionnements demeurent.

Vous avez lancé plusieurs concertations, dont un exercice inédit sur la probation, qui a suscité à la fois beaucoup d'interrogations et beaucoup d'intérêt. Selon quelle méthode comptez-vous construire la révolution pénale que vous appelez de vos vœux ? Quels en seront les axes majeurs ?

Notre droit pénal doit s'adapter aux enjeux de notre époque. Redonnons à la justice les moyens d'agir et aux peines un sens. Les Français et les professionnels de la justice l'attendent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Patriat, je vous remercie de souligner les moyens supplémentaires que nous accordons au ministère de la justice, notamment pour augmenter le nombre de magistrats.

Je rappelle que la France compte trois magistrats du parquet pour 100 000 habitants. Ce ratio est quatre fois supérieur en Allemagne et dix fois supérieur à la moyenne des pays européens.

Je compte donc sur la promesse faite par le Parlement de donner les moyens nécessaires au ministère de la justice. La loi d'orientation et de programmation pour le ministère de la justice 2023-2027 sera respectée à l'euro près. Je sais que la ministre du budget y travaille, afin que la réponse pénale dont les Français ont besoin soit suffisamment rapide.

Toutefois, vous l'avez dit, il ne s'agit pas que d'une question de moyens. Il s'agit également d'une question d'organisation. C'est pourquoi j'ai demandé au Premier ministre d'accepter que je dépose un projet de loi d'une dizaine d'articles à la fin du mois d'août prochain, pour enclencher une forme de révolution dans la réponse aux délits.

En effet, chacun peut constater que si les délits en général sont très largement condamnés par les tribunaux à la hauteur de ce qu'attendent les Français, ce n'est pas le cas des délits du quotidien : rodéos urbains, attaques de policiers, de gendarmes ou d'enseignants, cambriolages, violences physiques et sexuelles… Pour ces derniers, la punition intervient souvent trop lentement et les peines sont très mal exécutées.

Je propose donc la suppression du sursis, ou tout du moins la possibilité de le révoquer ; la suppression de l'aménagement de peine obligatoire pour les personnes condamnées à moins d'un an de prison ; l'établissement d'ultracourtes peines par le biais de la proposition de loi visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme, dite loi Kervan, que votre chambre a adoptée hier ; ou encore la fin des condamnations avec dispense de peine.

De manière générale, nous proposons, comme vous l'avez dit, une révolution dans le monde pénitentiaire en confiant la peine de probation non plus à l'autorité judiciaire, mais à l'administration pénitentiaire et au service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip).

Fort de votre aide, monsieur le président Patriat, j'espère que l'ensemble du Parlement soutiendra cette réforme attendue par les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

sommet de l'otan et base industrielle et technologique de défense

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Claude Malhuret. Monsieur le ministre des armées, lors du dernier sommet de l'Otan, les principaux pays européens ont annoncé leur objectif de consacrer 3,5 % de leur PIB à la défense.

Cette appréhension des périls qui planent sur l'Europe et de la nécessité d'une montée en puissance de ses capacités militaires est à saluer. Elle le serait encore plus si elle n'était aussi tardive et s'il n'avait pas fallu l'injonction des États-Unis pour la provoquer.

Toutefois, des divisions profondes sont apparues entre Européens, masquées tant bien que mal par un communiqué d'une maigreur inaccoutumée, véritable haïku diplomatique.

La France prône une autonomie stratégique selon laquelle les Européens doivent s'équiper et produire sur le sol européen, tandis que l'Allemagne préfère simplement un pilier européen plus fort au sein de l'Otan. Cette position l'a emporté dans la définition du programme européen pour l'industrie de la défense (Edip), qui est largement ouvert aux industriels extraeuropéens.

Nous ne pouvons qu'approuver la position de la France, qui souhaite développer son industrie d'armement. Mais comment pourrait-elle avoir gain de cause si elle ne s'en donne pas les moyens ? Le 7 juin 2022, le Président de la République, évoquant l'Ukraine, a déclaré solennellement : « Nous entrons en économie de guerre. » Trois ans plus tard, nous en cherchons vainement le moindre signe.

Le syndicat professionnel de l'aérospatial indique que les commandes du ministère des armées ont diminué de 33 % entre 2023 et 2024. En 2025, faute de nouvelles commandes de l'État, les PME ont de sérieux problèmes de trésorerie et les grands groupes doivent payer leurs fournisseurs pour des contrats qui devraient déjà avoir été signés.

Monsieur le ministre, dans le contexte d'une augmentation des budgets de défense, mais aussi d'une concurrence accrue avec nos partenaires, États-Unis et Allemagne en tête, quelle est la stratégie de la France pour soutenir ses industries de défense ? Dans l'immédiat, quand les commandes décidées pour 2025 seront-elles affermies ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des armées.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Monsieur le président Malhuret, votre question recouvre trois aspects.

Le premier, ce sont les commandes. Il s'agit en quelque sorte d'un droit de suite aux trois heures d'auditions qui se sont tenues hier sous la présidence de Cédric Perrin en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. En la matière, le vote d'une motion de censure à l'Assemblée nationale avait entraîné un retard de deux mois : l'année budgétaire du ministère des armées a commencé le 2 mars au lieu du 2 janvier. Comme je l'ai dit en commission hier, ce retard a été rattrapé.

La loi de programmation militaire (LPM) prévoit 268 milliards d'euros de commandes, dont 20 milliards d'euros cette année. Ce sont des chiffres inédits. J'ajoute que, en matière d'export, nos résultats sont très prometteurs pour la troisième année consécutive et avoisinent les 20 milliards d'euros.

Globalement, les commandes sont bien là, et même de manière historique. C'est incontestable. Surtout, nous travaillons avec nos partenaires à l'export.

Le second aspect et le véritable sujet, c'est le développement de l'économie de guerre. Vous dites – je vous reconnais bien là ! –, que l'on en cherche les résultats. Il suffit de voir l'accélération du rythme de production dans les usines de KNDS à Bourges ou à Roanne, dans celles de Dassault Aviation, où est produit le Rafale, ou encore dans celles de MBDA, où est produit le Mistral, pour se convaincre qu'un travail supplémentaire est bel et bien réalisé.

La leçon que nous devons collectivement retenir est la suivante : la valeur industrielle se détruit vite, mais elle est beaucoup plus lente à reconstruire. Nous voyons bien les conséquences des fameux « dividendes de la paix » : la révision générale des politiques publiques (RGPP), ou encore la délocalisation de certaines filières, dont celle de la production de munitions.

Délocaliser et détruire des industries prend quelques mois ; les reconstruire prend plusieurs années. C'est pourquoi nous entrons actuellement dans le dur, en matière tant d'innovation que de production. Au reste, nous avons beaucoup à apprendre de l'industrie civile, notamment de la filière automobile, sur les questions d'organisation. Ce n'est pas qu'une affaire d'argent ; ce serait faux de le dire.

Le troisième aspect est un débat en tant que tel : quelle doit être la place de l'Otan dans la défense européenne ? Consacrer 3,5 % du PIB à la défense, soit, mais il convient avant tout de partir, comme nous l'avons toujours fait, de nos besoins militaires réels en fonction du degré de menace et de notre propre modèle d'armée. Les discussions sur le programme Edip ne sont pas terminées et nous devons pousser pour faire valoir nos positions.

En tout état de cause, ce sujet mérite à mon avis un débat ad hoc ici même au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. François Patriat applaudit également.)

sommet sur l'avenir de la nouvelle-calédonie

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Ruel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Jean-Marc Ruel. Ma question s'adressait à M. le ministre d'État, ministre des outre-mer.

Monsieur le ministre, l'objectif de cette question d'actualité n'est ni de créer la polémique ni d'attiser une quelconque tension concernant l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, en prévision des élections provinciales de 2025. Mon intervention a pour unique ambition d'obtenir un éclairage sur une situation particulièrement complexe.

Depuis le boycott par les Kanaks du troisième referendum d'autodétermination en 2021, jusqu'aux événements qui ont commencé en mai 2024, la Nouvelle-Calédonie traverse une crise d'une intensité inédite. Cette crise est bien sûr sécuritaire, mais aussi sociale, économique et institutionnelle.

Les nombreuses avancées obtenues ces dernières années, qui étaient forgées sur un dialogue sincère et serein, semblent avoir laissé place à une difficile danse entre l'État et nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie : un pas en avant, deux pas en arrière.

Monsieur le ministre, fidèle à sa tradition pluraliste et d'ouverture, le groupe RDSE salue l'organisation des rencontres qui se tiendront à partir d'aujourd'hui à Bougival. Toutefois, plusieurs signaux posent question. Malgré votre tentative de relancer le dialogue en mettant sur la table une proposition concrète, les positions restent profondément divergentes.

Certains responsables ont décliné l'invitation, tandis que d'autres y participent en affichant d'emblée leurs lignes rouges. La participation de la société civile et des acteurs économiques constitue un signe encourageant, mais leur place concrète dans les échanges reste floue.

Au bout du compte, nous ignorons sur quels principes reposent ces rencontres, quel cadre institutionnel elles ont vocation à proposer et quelles garanties un accord offrirait aux différentes parties.

Ma question est donc double : où en sommes-nous ? Et qu'attendre de ce potentiel accord de Bougival ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Ruel, M. le ministre d'État, ministre des outre-mer, participe en ce moment même à l'ouverture du sommet convoqué par le Président de la République sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie auquel vous faites référence, en présence du Premier ministre, qui lui-même est suppléé cet après-midi par la ministre d'État Élisabeth Borne.

Vous soulignez à juste titre la gravité de la situation en Nouvelle-Calédonie. Depuis le troisième référendum, marqué par une forte abstention des électeurs indépendantistes, jusqu'aux violences de mai 2024, la Nouvelle-Calédonie s'est enfoncée dans une crise profonde, qui fracture sa société et met à terre son économie.

Pour y faire face, nous avons réengagé depuis le mois de janvier un dialogue exigeant avec les partenaires politiques. C'est un fait inédit depuis 2020. Si aucun accord ne s'est dégagé lors du conclave de Déva, celui-ci a marqué une étape essentielle en permettant de clarifier les positions des différentes parties, sans rompre le fil du dialogue.

Dès aujourd'hui, le dialogue va pouvoir se poursuivre. Le Président de la République a convoqué un sommet inédit réunissant l'ensemble des forces politiques, économiques et sociales du territoire. Le ministre d'État s'apprête à ouvrir, à Bougival, des discussions politiques, et tous les partenaires ont répondu présent.

En parallèle, un collège économique et sociétal se tiendra les 3 et 4 juillet au ministère des outre-mer, afin de faire entendre la voix de la société civile, des forces économiques, des autorités coutumières et des acteurs de terrain.

Vous nous interrogez, monsieur le sénateur, sur ce que l'on peut attendre de ces rencontres. Notre ambition est claire : faire émerger un projet d'accord global autour d'un cadre institutionnel rénové et d'un plan de reconstruction économique et sociale.

Nous n'ignorons pas les divergences, mais nous constatons une volonté de dialogue, des attentes fortes et un sens des responsabilités de part et d'autre. Le chemin est difficile, mais il existe. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

dangers sanitaires des pesticides

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Ma question s'adresse à monsieur le ministre chargé de la santé.

Monsieur le ministre, la communauté scientifique et médicale exprime depuis plusieurs semaines de très vives inquiétudes quant à la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur. (M. Laurent Duplomb s'exclame.)

Médecins, professionnels de santé, associations de patients, sociétés savantes, chercheurs, conseil scientifique du CNRS : tous nous ont massivement alertés sur les dangers majeurs que les dispositions du texte font peser sur la santé publique.

Alors même que la proposition de loi acte l'assouplissement des règles encadrant l'utilisation des pesticides et la réintroduction de certains néonicotinoïdes, ces différentes tribunes alarment sur l'ampleur des pathologies associées à l'exposition aux pesticides.

Une réalité s'impose : les pesticides tuent. Puisqu'il faut le marteler, nous le martèlerons : les pesticides tuent !

Cancers pédiatriques, leucémies, myélomes, lymphomes, cancers de la prostate : la corrélation entre l'exposition aux pesticides et la survenance de nombreux cancers est claire et avérée. Il en va de même pour les maladies neurodégénératives, les affections pulmonaires, ou encore les troubles du développement neurologique de l'enfant.

Des études ont mis en évidence que l'acétamipride – puisque c'est de lui qu'il est question – traverse le placenta et peut se retrouver dans le liquide céphalo-rachidien des nouveau-nés.

La société dans son ensemble – y compris les agriculteurs – ne veut plus de toutes ces substances qui sont disséminées dans l'environnement, dans nos aliments et dans l'eau.

Aussi, je m'étonne, monsieur le ministre, de ne pas vous avoir entendu vous exprimer publiquement sur ces enjeux sanitaires. Face à un texte qui va accroître l'exposition de la population à des substances dangereuses, le principe de précaution, qui est de nature constitutionnelle, aurait dû imposer une réaction forte, claire et assumée de votre part.

Votre silence est assourdissant et vous rend responsable des scandales sanitaires à venir. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) L'amiante ne vous a donc pas suffi ? Le chlordécone ne vous a donc pas suffi ?

Comment comprendre que le ministre de la santé ne prenne pas publiquement position contre un texte qui risque de produire des dommages durables sur la santé publique ? Est-ce à dire que vous soutenez ces dispositions ? Est-ce à dire, pour l'exprimer clairement, que vous désavouez la communauté scientifique et médicale ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Tissot, je n'expliquerai pas la proposition de loi Duplomb dans cet hémicycle ; vous la connaissez.

Je rappellerai simplement quelques éléments, pour éviter que l'on ne dise tout et son contraire. Cette proposition de loi a pour objet d'améliorer l'exercice du métier d'agriculteur en apportant des simplifications, notamment sur les retenues d'eau.

L'usage de l'acétamipride est un sujet important, mais vous savez très bien qu'il serait inconstitutionnel de lever totalement l'interdiction de ce produit. Il est simplement question d'appliquer les règles qui sont en vigueur dans les autres pays européens. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Naturellement, nous devons être extrêmement attentifs, et je vous rassure, monsieur le sénateur Tissot : le ministre de la santé que je suis est extrêmement attentif aux évolutions de cette question. (Marques d'ironie sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Yannick Jadot mime les mouvements d'un rameur.)

Toutefois, je prends des mesures qui se fondent sur des preuves : cela s'appelle l'evidence-based medicine, ou la médecine fondée sur des preuves ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

J'examinerai avec beaucoup d'attention les études qui seront rendues par la communauté scientifique, notamment les recommandations que formulera l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses),…

Mme Raymonde Poncet Monge. Comme sur l'amiante ?

M. Yannick Neuder, ministre. … dont la commission mixte paritaire a réaffirmé le caractère indépendant, si tant est que celui-ci ait jamais été menacé. (Marques d'ironie sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Yannick Jadot rit ostensiblement.)

Vous pouvez rire, monsieur Jadot, mais c'est cela que font les autres pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. Mickaël Vallet. On rit parce que vous êtes risibles !

M. Yannick Neuder, ministre. Nous parlons de ce sujet à chaque réunion des ministres européens de la santé, et le ministre de la santé français prendra les mêmes précautions que ses vingt-six homologues.

Les mesures seront prises en temps et en heure, avec la plus grande fermeté, pour protéger la santé des Français. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Laissons le temps à l'Anses et à la communauté scientifique de réaliser les études nécessaires et mettons la France au même niveau de précaution que les autres pays européens ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme Laurence Rossignol. Rendez-vous à l'Assemblée nationale !

M. Mickaël Vallet. Et à la Commission européenne !

situation des établissements scolaires face à la canicule

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Ma question s'adresse à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Madame la ministre, alors que 1 300 écoles sont fermées pour cause de fortes chaleurs et que les canicules sont vouées à s'allonger, le bâti scolaire demeure inadapté au réchauffement climatique. Cette réalité concerne non seulement l'Hexagone, mais aussi l'ensemble du territoire : en outre-mer, les chaleurs sont parfois extrêmes toute l'année et ont un impact sur la réussite des élèves.

En 2023, Emmanuel Macron a lancé un plan de rénovation des écoles, en promettant d'en rénover 40 000. Les communes pensaient alors pouvoir s'appuyer sur le fonds vert pour financer leurs projets et contribuer à la transition écologique. Mais, en 2025, le Gouvernement a réduit de moitié le budget du fonds vert, qui est passé de 2,5 milliards d'euros à 1,15 milliard d'euros.

Cette baisse irresponsable porte un coup fatal à la rénovation des écoles. Entre 2023 et 2024, ce fonds avait financé la rénovation de plus de 2 000 établissements, contre seulement 65 en 2025.

Les élus locaux se heurtent à cette promesse non tenue. Les inégalités territoriales se creusent entre les collectivités qui ont les moyens de rénover leurs écoles et les autres.

Je rappelle que les territoires où les élèves sont exposés à de fortes chaleurs en classe sont souvent ceux où les taux de pauvreté sont les plus élevés, par exemple à La Réunion. En Seine-Saint-Denis, 100 % des écoles maternelles seront exposées à des chaleurs supérieures à 35 degrés d'ici à 2030. Est-ce ainsi que l'on prépare l'avenir de notre jeunesse ?

Alors que les plus riches sont ceux qui polluent le plus, les ménages les plus modestes sont toujours en première ligne face aux conséquences du dérèglement climatique. Quand les inégalités sociales et territoriales se cumulent, l'État doit plus que jamais être présent pour combattre le changement climatique en menant une politique bien plus ambitieuse et, surtout, financée.

Pour l'heure, les personnels des écoles doivent se débrouiller seuls. Certains maires ont même dû fermer les établissements de leur commune.

Les syndicats d'enseignants déplorent l'absence de réflexion sur les effets de la canicule sur l'enseignement.

Madame la ministre, prendrez-vous des mesures urgentes et concrètes ? Lancerez-vous un grand plan de rénovation thermique des établissements scolaires dans toute la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes GEST et SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Evelyne Corbière Naminzo, vous avez raison, face à la canicule que nous traversons – et, comme vous l'avez souligné, nous savons que ce genre d'épisodes va se multiplier –, nous devons être particulièrement attentifs aux conditions d'accueil de nos élèves et de nos personnels.

J'ai eu l'occasion, le week-end dernier, de rappeler aux recteurs les consignes à appliquer pour accueillir les élèves et organiser les examens. J'ai également insisté sur l'attention qu'il convenait de porter aux élèves et aux personnels les plus fragiles.

Des mesures adaptées ont été prises territoire par territoire, en lien avec les collectivités et les préfets, en associant, dans un dialogue de proximité, les organisations syndicales.

Hier, au plus fort de l'épisode de chaleur, un peu plus de 2 200 écoles sur les 45 000 que compte notre pays ont été fermées. Dans chaque situation, nous avons veillé à assurer un moyen d'accueil aux parents qui ne pouvaient pas garder leur enfant.

Toutefois, vous avez raison lorsque vous dites que cet épisode nous rappelle la nécessité d'adapter nos écoles et nos établissements scolaires au dérèglement climatique. Vous le savez, leur rénovation énergétique et, plus généralement, la gestion de leur bâti mobilise l'ensemble des collectivités : les communes pour les écoles, les départements pour les collèges et les régions pour les lycées.

Pour accélérer cette dynamique, nous avions en effet consacré dès 2023 une enveloppe du fonds vert à la rénovation du bâti scolaire. En complément – c'est important –, la Banque des territoires affecte 2 milliards d'euros au financement des contrats de performance énergétique des collectivités.

Par ailleurs, nous avons facilité le recours à ce type de contrats. C'était l'objet d'un texte de loi qui a été présenté au début de ce quinquennat.

L'État et la Banque des territoires ont d'ores et déjà engagé 1 milliard d'euros pour la rénovation du bâti scolaire sur tout le territoire. L'objectif a été clairement annoncé par le Président de la République : rénover 40 000 écoles en dix ans.

Vous le voyez, madame la sénatrice, nous continuons d'avancer, aux côtés des collectivités, pour proposer à nos élèves des écoles plus adaptées et plus durables. (M. François Patriat et Mme Patricia Schillinger applaudissent.)

situation des pharmacies rurales

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et concerne le mouvement de grève des pharmaciens de garde. J'y associe mon collègue François Bonneau, pharmacien d'officine.

Ce mouvement est très largement suivi à travers la France, y compris dans le département du Nord. Les pharmaciens estiment à juste titre que la mesure annoncée le 20 juin dernier pourrait bien porter un coup fatal à l'équilibre économique déjà précaire de leur secteur.

De quoi s'agit-il ? L'État a décidé de plafonner les remises que les laboratoires pharmaceutiques peuvent accorder aux pharmacies lors de l'achat de médicaments génériques. Ces remises, qui pouvaient atteindre 40 %, seraient désormais limitées à 20 % ou 25 %.

Ce mécanisme de nature apparemment technique ou budgétaire est en réalité un levier économique vital pour les pharmacies. Concrètement, sa fin signifie des licenciements, des fermetures, une fragilisation accrue du tissu de proximité et, inévitablement, une dégradation de l'accès aux soins pour nos concitoyens dans les territoires, en particulier ruraux.

Madame la ministre, quelle réponse le Gouvernement compte-t-il apporter aux pharmaciens d'officine pour garantir la pérennité économique de leur activité, maintenir les services de garde indispensables à la continuité des soins et préserver un maillage territorial déjà mis à mal ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Louis Vogel applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Monsieur le sénateur Henno, je partage avec vous un constat : l'importance du maillage pharmaceutique partout sur notre territoire.

Comme vous le savez, les pharmaciens choisissent les médicaments génériques qu'ils souhaitent distribuer dans leurs officines. Ce choix est notamment lié à la remise dont ils peuvent bénéficier depuis 2014 et qui peut atteindre 40 % du prix de ces produits.

Il se trouve que l'arrêté définissant cette remise expirait le 1er juillet. Le Gouvernement a donc lancé avec les professionnels une concertation, qui est toujours en cours et qui porte sur la conciliation de trois objectifs : continuer à promouvoir les médicaments génériques ; accroître la part des médicaments biosimilaires, qui est actuellement très faible dans notre pays, en augmentant les remises sur ces produits ; enfin, réaliser, conformément au projet de loi de financement de la sécurité sociale, une économie globale de 100 millions d'euros.

Le Gouvernement a accepté de reprendre un arrêté à titre provisoire pour éviter tout vide juridique. Aussi, à l'heure où nous nous parlons, la remise de 40 % se trouve toujours en vigueur. Ma volonté est de trouver un chemin pour concilier les trois objectifs que je viens d'évoquer.

Par ailleurs, je rappelle que le Gouvernement souhaite renforcer le rôle des pharmaciens, en leur faisant pratiquer des tests rapides d'orientation diagnostique (Trod), mais aussi en leur permettant de contribuer aux campagnes de vaccination, ainsi qu'à la prévention de l'hypertension artérielle. Ces activités nouvelles apportent d'autres sources de revenus aux pharmacies et renforcent le maillage territorial.