Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.
M. Olivier Henno. Madame la ministre, comme à l'accoutumée, votre réponse est claire et limpide.
Toutefois, cette décision illustre ce que je crois être le cœur du mal français. Sans remettre en cause le principe d'économie, il ne faut pas perdre de vue la justice et la pertinence de la mesure.
Selon moi, le mal français, c'est quand la technostructure décide et annonce de manière brutale des mesures d'économie qui frappent en fait le plus petit, le plus fragile, le plus faible et le plus isolé, c'est-à-dire, bien souvent, la ruralité. En l'espèce, ce sont les officines de la ruralité ou des quartiers qui sont touchées.
Cette question est donc une mise en garde, au moment où des économies doivent être prochainement annoncées, car en l'espèce nous sommes au cœur du mal français et, peut-être, de la colère française. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDSE.)
actions engagées par le gouvernement en matière d'anticipation et d'adaptation aux épisodes caniculaires
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mélanie Vogel. Madame la ministre de la transition écologique, cette année, en France, du fait des canicules que l'action politique aurait pu maîtriser, combien y aura-t-il de morts ? (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice Vogel, il appartiendra à Santé publique France de nous dire combien de morts auront causé les canicules qui sont appelées à se succéder, lorsque cet organisme pourra évaluer la surmortalité par rapport à une période normale.
La canicule de 2003 a coûté 15 000 décès précoces à notre pays. Je travaillais à l'époque à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Depuis lors, nous avons énormément travaillé et progressé, tant dans les services de santé que dans les Ehpad et les services de secours. Nous nous sommes organisés pour faire face aux épisodes caniculaires.
Le progrès est réel, mais il ne suffit pas. Nous devons désormais continuer de baisser nos émissions de gaz à effet de serre, comme nous l'avons fait jusqu'à présent. En effet, nous avons rattrapé le retard accumulé lors du quinquennat 2012-2017 en baissant nos émissions de 20 %, comme en a attesté le Conseil d'État dans le cadre de « l'affaire du siècle ».
Nous devons également mettre en œuvre le plan national d'adaptation au changement climatique que j'ai présenté en mars dernier.
Préparé par mon prédécesseur Christophe Béchu, ce plan comporte 200 actions, dont certaines sont déjà enclenchées. Je pense notamment au décret que j'ai cosigné avec Catherine Vautrin et Astrid Panosyan-Bouvet instaurant des précautions pour les travailleurs pendant les temps de canicule. Ce décret a été pris le 27 mai et il est entré en vigueur le 1er juillet.
Nous allons continuer de travailler en ce sens, en interministériel.
J'ai bien compris que vous vous étiez ménagée une minute cinquante afin de parler sans que je puisse répliquer. Sachez en tout cas que vous pouvez compter sur l'engagement du Gouvernement. Pour ma part, j'espère que vous serez tout aussi présente que nous-mêmes au moment où il faudra négocier nos budgets…
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour la réplique.
Mme Mélanie Vogel. On ne sait pas combien il y aura de morts cette année à cause des canicules. En revanche, on sait que, depuis 2022, du seul fait des pics de chaleur, on a déploré 20 000 morts en France. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Or une chose doit être bien claire pour toutes celles et tous ceux qui nous écoutent ou qui nous regardent : ces personnes ne sont pas mortes de la chaleur ; elles ne sont pas mortes de la crise climatique, ni même de l'inaction climatique ; elles sont mortes de l'action climaticide (Protestations sur les mêmes travées.) menée par ceux qui sont au gouvernement depuis huit ans. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupes SER. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Bravo !
Mme Mélanie Vogel. Elles sont mortes de la pause environnementale dans laquelle le Président de la République a voulu embarquer tout le continent européen ; du sous-financement massif dans la transition écologique, politique menée à son paroxysme cette année, les crédits qui y sont dédiés ayant été amputés d'un tiers… (Huées sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Applaudissements sur des travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, s'il vous plaît…
Mme Mélanie Vogel. En outre, ces personnes ne meurent pas au hasard. L'action climaticide ne tue pas les riches. Elle ne tue pas les cadres qui travaillent dans des bureaux climatisés et vivent dans des logements bien isolés… (Les protestations redoublent.)
M. Jean-François Husson. C'est lamentable !
Mme Mélanie Vogel. Elle tue des travailleurs du bâtiment et des travaux publics (BTP). Elle tue des aides-soignantes. Elle tue des ouvrières et des ouvriers. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains – Applaudissements sur des travées des groupes GEST et SER.) Elle tue ceux qui vivent dans des passoires énergétiques ; dans ces logements impossibles à chauffer l'hiver et qui, l'été, deviennent de véritables bouilloires.
Dans ce contexte, vous vous livrez à un autosatisfecit. Vous faites l'éloge d'un plan d'adaptation qui a deux ans de retard et que critiquent à la fois le Haut Conseil pour le climat (HCC) et la société civile, parce qu'il est flou, non financé et non contraignant. C'est tout simplement indécent.
La vérité, c'est qu'obnubilés par le fait de rester au pouvoir (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) vous menez aujourd'hui, contre toute rationalité économique et budgétaire, une politique climaticide dictée par l'extrême droite.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Tout en un…
Mme Mélanie Vogel. Qui peut prédire le désastre auquel cette politique nous mènera ? Tout le monde ! Qui peut agir ? Vous ! Et, quand il s'agira de régler les comptes, qui vous pardonnera ? Personne ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
baisse du plafond des remises sur les médicaments génériques pour les pharmaciens
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre Richer. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur le danger que représente, pour les pharmaciens comme pour la santé publique, votre projet de réduire le plafond des remises sur les médicaments génériques que les laboratoires versent aux pharmacies pour le fixer entre 20 % et 25 %.
L'application de cette mesure entraînerait la disparition de nombreuses pharmacies, non seulement dans les territoires ruraux, mais aussi dans le périurbain. La santé des patients en serait directement affectée. L'inégalité de l'accès aux soins irait dès lors croissant entre nos concitoyens, alors que nous venons d'adopter des textes visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires.
Cette mesure entraînerait, en outre, une baisse d'attractivité de la filière officine, qui est déjà en souffrance ; et cette liste de conséquences n'est pas exhaustive, malheureusement.
Le maillage officinal est déjà bien mis à mal : plus de 2 000 officines ont disparu en dix ans, dont 24 dans mon département du Cher. Or ce maillage est le dernier rempart face aux déserts médicaux. Il permet notamment la téléconsultation, la prescription et l'administration de vaccins.
Dans un contexte marqué par le dérapage des dépenses publiques, on recherche partout des leviers d'économie, ce qui ne souffre aucune contestation. Pour autant, faut-il porter préjudice à l'économie de l'officine au profit des industriels ?
Au cours des dernières années, on n'a cessé de transférer de nouvelles missions aux pharmaciens. Ces derniers ont systématiquement répondu présents, pendant la période covid comme après la crise sanitaire.
Monsieur le ministre, il y a quelques années, j'alertais déjà face à la désertification pharmaceutique à l'œuvre. Que répondez-vous à ces acteurs de l'offre de soins de proximité et à nos concitoyens ? (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. François Bonhomme. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Richer, votre question fait sens, car vous nous demandez, en résumé, si l'on est en train de voir apparaître des déserts pharmaceutiques comme on a vu apparaître des déserts médicaux.
M. Bruno Belin. Oui !
M. Yannick Neuder, ministre. La réponse est clairement oui. Notre pays a perdu 7 % de ses officines en dix ans et un tiers des officines se trouvent dans des communes de moins de 5 000 habitants.
M. Bruno Belin. Et que faites-vous ?
M. Yannick Neuder, ministre. J'ai reçu les organisations syndicales hier pour parler du décret que vous évoquez. En outre, je me suis entretenu ce matin avec la présidente du conseil national de l'Ordre des pharmaciens.
Sachez que j'ai signé lundi soir l'arrêté reportant cette baisse de plafond et que nous allons engager des discussions afin de diversifier le revenu des pharmaciens.
À cet égard, nous sommes clairement face à une difficulté : certaines officines n'étant plus rentables, elles ne peuvent plus être vendues. C'est pourquoi l'on a dénombré 294 fermetures d'officines en 2024.
Je salue le travail accompli par le Sénat, notamment au titre de la proposition de loi de Philippe Mouiller.
M. Michel Savin. Excellente proposition de loi !
M. Yannick Neuder, ministre. Nous avons pu enrichir ce texte, en particulier par un amendement du Gouvernement tendant à rémunérer l'exercice, dans les territoires, des différentes missions de service public confiées aux pharmaciens.
Tout en continuant, naturellement, de délivrer les médicaments – il s'agit là de leur fonction primaire –, les pharmaciens doivent pouvoir diversifier leurs actions en assurant du dépistage ou encore des vaccinations.
Cela étant, on voit bien qu'il va falloir trouver d'autres moyens encore de préserver ce maillage territorial indispensable.
La proposition de loi de M. Mouiller est l'un des piliers du pacte de lutte contre les déserts médicaux proposé par M. le Premier ministre. Au titre de ce texte comme du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), vous pouvez compter sur le Gouvernement pour assurer la pérennité de nos pharmacies, notamment en milieu rural. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre Richer. Monsieur le ministre, je ne doute pas de votre volonté. Cela étant, le meilleur signal à envoyer, à l'heure où les négociations reprennent, serait encore l'abandon de cette mesure. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
suppression du bouclier de sécurité régional
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Carole Ciuntu. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, depuis 2016, la région d'Île-de-France a subventionné 732 communes pour des dépenses de sécurité au travers de son « bouclier de sécurité ».
La région est ainsi venue soutenir des dépenses d'équipement des polices municipales ou de vidéoprotection, pour un montant de 145 millions d'euros. Elle apporte aussi son concours à l'État pour la construction de commissariats.
Or l'opposition a attaqué ce dispositif devant le tribunal administratif. Le rapporteur public a conclu à son annulation, au motif que la sécurité ne relèverait pas de la compétence régionale.
D'autres régions ont adopté des dispositifs similaires : si le tribunal administratif suit ces conclusions, c'est une partie non négligeable du financement des politiques de sécurité qui sera remise en cause.
Au-delà du débat juridique, sur lequel je ne reviendrai pas – nous devons laisser la justice se prononcer –, est-ce vraiment le résultat politique que nous souhaitons ? Nous serons alors, au contraire, en plein déni de réalité.
L'État est-il si riche qu'il puisse se passer de l'aide des grandes collectivités régionales ? Les communes, à qui l'État demande une montée en puissance des polices municipales, ont-elles des budgets si abondants ?
Le besoin de sécurité a rarement été si grand. Il y a deux ans, des émeutes sans précédent ont causé 800 millions d'euros de dégâts. Plusieurs postes de police municipale ont ainsi été détruits. Qui, en Île-de-France, va aider les communes à se rééquiper et à se vidéoprotéger, sinon la région ?
Si le juge, qui doit se prononcer d'ici au 14 juillet prochain, devait annuler le bouclier de sécurité de la région d'Île-de-France, pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement prendrait ses responsabilités…
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme Marie-Carole Ciuntu. … pour permettre aux régions qui le souhaitent de participer aux dépenses de sécurité des différentes collectivités territoriales en mettant fin à toute incertitude juridique sur ce point ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, la situation que vous décrivez est absolument kafkaïenne. La sécurité de notre pays n'appelle-t-elle pas un effort de chacun et de tous ? Bien sûr. Au premier chef, les forces de sécurité intérieure et l'État doivent y concourir ; mais nos collectivités territoriales doivent aussi y prendre part au titre du continuum de sécurité, notamment les régions.
À cet égard, une incertitude juridique demeure. Le cadre juridique actuel est fixé, pour partie, par un article du code général des collectivités territoriales (CGCT).
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Voilà !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Il s'agit de l'article L. 4221-1,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. … en vertu duquel la région a parfaitement le droit de financer des équipements et services de sécurité dans ses différents champs de compétence, par exemple les transports ou les lycées.
De plus, l'alinéa 3 du même article dispose que les régions peuvent contribuer à financer, en dehors de leurs propres champs de compétence, un certain nombre de projets, complémentairement à l'État ou à d'autres collectivités territoriales. C'est, à mon sens, une voie qui peut être empruntée.
Vous l'avez rappelé : pas plus tard qu'hier, le rapporteur public du tribunal administratif de Montreuil a émis l'avis inverse. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.) Je n'y reviendrai pas.
Quoi qu'il en soit, l'État n'est pas suffisamment riche…
M. Didier Marie. Alors, taxez les riches !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. … pour pourvoir aux besoins de toutes les communes. Je le rappelle à mon tour, la région d'Île-de-France a dépensé 145 millions d'euros depuis 2016 au titre de son bouclier de sécurité.
Croyez-moi, l'État n'est pas riche…
M. Didier Marie. Taxez les riches !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. … et l'effort de chacun est bel et bien nécessaire.
François-Noël Buffet et moi-même avons reçu, il y a quelques heures, les différentes associations de maires afin de parachever le texte de loi relatif aux polices municipales, qui sera présenté au Parlement dans les prochaines semaines ou les prochains mois. Nous entendons donner à ces polices un certain nombre de responsabilités supplémentaires et – nous vous l'assurons – un article de ce texte permettra notamment aux régions de se saisir de cette compétence.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Il s'agit là d'un enjeu capital pour assurer, demain, le meilleur service public de sécurité à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour la réplique.
Mme Marie-Carole Ciuntu. Monsieur le ministre, comme nous, vous avez entendu l'inquiétude des centaines de maires de tous horizons réunis ce matin autour de Valérie Pécresse : ces élus ne savent pas comment ils pourront défendre leurs concitoyens si ce dispositif est suspendu, même à titre provisoire.
Nous sommes évidemment très rassurés par votre réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
crédits consacrés à l'adaptation au changement climatique
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la ministre de la transition écologique, les canicules comme celle que nous vivons depuis quelques jours démontrent que nous sommes très loin d'être prêts face à de tels phénomènes climatiques. Elles nous rappellent cruellement le coût de l'inaction.
Votre climato-attentisme finit par mettre en danger les plus vulnérables, que ce soit dans les hôpitaux, dans les écoles ou ailleurs encore.
Si nous pouvons saluer le déclenchement, même tardif, du plan canicule dans l'ensemble des services publics, nous ne pouvons nous satisfaire des renoncements écologiques successifs : ce sont là autant de sacrifices sur l'autel de la survie politique de votre gouvernement.
Au titre de la dernière loi de finances, votre majorité a infligé un coup de rabot massif au fonds vert. Ses crédits ont été amputés de près de 1 milliard d'euros pour l'année 2025, ce malgré la création du fonds territorial climat défendue ici même par les élus de notre groupe.
Le 26 juin dernier, rebelote austéritaire : vous annoncez un nouveau coup de rabot de 5 milliards d'euros. Vous vous êtes bien gardés de donner la ventilation précise de ces crédits, mais nous savons tous par expérience que le ministère de l'écologie est souvent la première victime.
Le fonds vert permet aux collectivités territoriales de financer des protections contre les îlots de chaleur, la renaturation des cours d'école et, bien sûr, la rénovation énergétique du bâti public. Aussi, les élus locaux ne comprennent pas le yoyo budgétaire auquel vous vous livrez, face à de tels enjeux. Le désinvestissement écologique met en danger, in fine, la population elle-même.
Madame la ministre, alors que les arbitrages budgétaires sont en cours, pouvez-vous nous indiquer comment vous comptez rendre aux collectivités territoriales les marges de manœuvre financières dont elles ont besoin pour renouer avec la transition concrète, à commencer par la mise en sécurité des plus fragiles ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice Bonnefoy, vous me donnez l'occasion de rappeler que les premières mesures de vigilance face à la canicule ont été déclenchées le 20 juin dernier. Certes, les caméras de télévision n'étaient pas présentes lorsque ces décisions ont été prises, mais il nous arrive aussi de travailler loin d'elles… Nous sommes à l'œuvre depuis maintenant plus de quinze jours et notre action ne se limite pas à la cellule interministérielle de crise.
Madame Vogel, je vous précise à ce propos que le plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) a bénéficié d'une quasi-unanimité, après avoir été piloté par M. Dantec, qui est, comme vous, membre du groupe écologiste du Sénat. À l'évidence, d'autres élus du groupe politique auquel vous appartenez estiment pour leur part que ce plan est à la hauteur des attentes. Vous aurez certainement l'occasion d'en parler avec votre collègue... (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. J'en viens à présent aux crédits consacrés à l'adaptation au changement climatique. J'ai obtenu de la Banque des territoires qu'elle augmente son budget de 2 milliards d'euros, précisément afin de compenser les efforts budgétaires que nous avons faits pour l'accompagnement de la rénovation des bâtiments publics et du programme ÉduRénov.
Nous continuons ainsi de rénover nos écoles. Au total, 5 000 d'entre elles ont bénéficié de ce programme au cours des deux dernières années, et l'on constate même une augmentation du nombre de programmes soutenus. Ces derniers sont en effet plébiscités par les collectivités territoriales : je les invite toutes à se renseigner à ce sujet – un site dédié expose très précisément le programme ÉduRénov, qui se poursuit. Comme l'indiquait Mme Borne, notre ambition est d'assurer la rénovation de 40 000 écoles dans les dix ans à venir.
Enfin, au titre du budget des collectivités territoriales, je rappelle qu'il y a cinq ans le fonds vert n'existait pas. C'est cette majorité qui l'a créé – enfin, l'ancienne majorité. (Sourires sur les travées du groupe SER.) Ni la gauche ni la droite n'avaient jugé nécessaire de nous doter d'un tel instrument. Je me dois de le souligner.
Je constate également que la part de financement consacrée aux politiques écologiques, et notamment à la rénovation du bâti, est en forte progression (Marques d'impatience sur des travées du groupe Les Républicains.), pour une raison évidente,…
Mme la présidente. Merci, madame la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … c'est que cette montée en puissance est aujourd'hui attendue par nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour la réplique.
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la ministre, ce dont nous avons besoin avant tout, c'est de cohérence et de constance.
Vous choisissez de faire de l'écologie une variable d'ajustement budgétaire. Mais, en rabotant de toutes parts votre budget chagrin, vous remettez en cause l'action publique locale. Or nos élus de terrain sont, eux, parfaitement conscients du mur d'investissement écologique qui se dresse devant nous.
Vos décisions nous mènent dans l'impasse climatique. Elles sont, de ce fait, contraires au plan national d'adaptation au changement climatique, que vous ne cessez pourtant d'invoquer. (Applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
absence de décrets d'application de plusieurs lois
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Valente Le Hir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sylvie Valente Le Hir. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Le mercredi 11 juin dernier, le Président de la République a convoqué par décret le Parlement en session extraordinaire à compter du 1er juillet 2025.
Nous honorons comme un devoir, avec sérieux et constance, notre mandat de parlementaire. Mais, en retour, nous souhaiterions obtenir du Gouvernement des garanties quant à la publication de divers décrets d'application. Il y va tout simplement de la mise en œuvre des textes votés par notre chambre, au nom des Français, que nous servons.
Les textes que le Parlement a adoptés, mais dont on attend encore les décrets d'application, demeurent bien trop nombreux.
À titre d'exemple, je mentionnerai les décrets en Conseil d'État de la loi du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France ; les décrets prévus pour la loi du 10 mai 2024 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes ; ainsi que les décrets d'application de la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux. Ces décrets ne sont toujours pas publiés.
Je pourrais bien sûr continuer la liste, mais le temps qui m'est imparti ne me le permet pas. J'insisterai donc sur deux textes, qui me tiennent à cœur.
Je souffre tout particulièrement de ne pouvoir répondre à mes concitoyens au sujet de la loi visant à améliorer la prise en charge des soins et dispositifs spécifiques liés au traitement du cancer du sein par l'assurance maladie et de la loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique, dite maladie de Charcot.
Monsieur le ministre, nous votons les lois non pour nous livrer à des effets d'annonce, mais bien pour servir nos concitoyens.
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Sylvie Valente Le Hir. Aussi, nous ne pouvons concevoir que, sur des sujets si concrets et sensibles, le Gouvernement tarde à mettre en œuvre les textes adoptés.
Cette situation ne peut que fragiliser notre République, au moment où elle a tant besoin de résultats face aux multiples périls qui la menacent. Si les symboles sont nécessaires à toute nation, notre action ne saurait être uniquement symbolique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, vous avez parfaitement raison, un texte de loi ne vaut pas par son annonce ou même par son vote : il doit avant tout produire un effet concret dans le quotidien de nos concitoyens.
À ce titre, je salue Mme Vermeillet, qui, il y a une quinzaine de jours seulement, a réuni au Sénat la commission pour le contrôle de l'application des lois. Cette instance, à laquelle j'ai pu m'associer, a accompli un travail extrêmement important. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Compte tenu de la période d'instabilité que notre pays venait de traverser et notamment du très grand nombre de textes votés au cours du second semestre de 2024, provoquant un effet ciseaux pour l'adoption des décrets d'application, le taux d'application des lois approchait dangereusement les 60 %, ce qui est bien évidemment inacceptable, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités.
Dès notre arrivée, le Premier ministre m'a donc demandé de saisir le comité interministériel de l'application des lois (Cial). J'ai réuni cette instance à deux reprises depuis lors et, à ce jour, le taux d'application des lois est revenu au-dessus de 70 %, ce qui reste néanmoins insuffisant.
Mme Vermeillet et moi-même sommes donc convenus de continuer à effectuer, tous les deux à trois mois, des points réguliers afin de revenir à une situation normale.
En outre, le ministère des relations avec le Parlement est à la disposition des deux assemblées pour traiter de cas spécifiques comme ceux sur lesquels vous venez d'attirer notre attention.
Vous évoquez ainsi la loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France : le décret d'application de ce texte est bien en cours d'examen au Conseil d'État. Pour ce qui concerne le dispositif de don aux think tanks, nous devons nous rapprocher de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Ce travail devrait être mené au cours de l'été et achevé au mois de septembre prochain.
Vous citez également la loi relative à la protection des élus. Nous faisons face à une difficulté de compatibilité avec le droit européen pour ce qui concerne l'assurabilité des collectivités territoriales. Néanmoins, nous espérons bien trouver une solution pour que ce texte soit opérationnel.
Quant au décret relatif aux dépenses de sécurité des candidats, il entrera en vigueur avant la campagne des municipales. Il s'agit là d'un point très important, car il faudra ouvrir les comptes de campagne à partir du mois de septembre prochain.
Enfin, vous mentionnez la loi relative à la prise en charge de la maladie de Charcot, texte adopté par le Sénat au mois de février dernier. Conformément à nos engagements, le décret d'application sera pris dans les six mois. Sa publication sera même, plus précisément, assurée au mois de septembre. (Mme Véronique Guillotin applaudit.)
protection des jeunes contre l'usage des écrans
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.
Les dangers d'une exposition précoce et excessive aux écrans et les méfaits des réseaux sociaux semblent enfin au cœur des préoccupations du Gouvernement.
Il y a quelques jours, Mme Borne, Mme Vautrin et vous-même avez cosigné, avec une vingtaine de ministres européens, une tribune appelant à faire de la protection des mineurs en ligne une priorité sociale et politique.
Nous ne pouvons que soutenir une telle initiative. Il y a sept ans, sur ma proposition, le Sénat adoptait déjà à l'unanimité un texte visant notamment à protéger les plus jeunes. Mais Agnès Buzyn, alors ministre des solidarités et de la santé, avait hélas ! refusé de soutenir cette démarche.
On a pourtant pu le constater depuis lors : il s'agit d'un véritable enjeu de santé publique. Aussi notre commission des affaires européennes examinera-t-elle demain – j'en remercie le président Rapin – ma proposition de résolution européenne en faveur d'une majorité numérique, d'une vérification d'âge par les plateformes et de normes de sécurité dans la construction des algorithmes et autres outils.
Au-delà de la régulation relevant de l'Union européenne, il est temps pour notre pays de prendre des mesures sanitaires, sociales et éducatives. Plusieurs annonces ont été faites par les différents ministères ; mais, de la petite enfance à l'adolescence, on ne voit pas très bien comment ces mesures s'articulent. Dispose-t-on d'un plan d'action global et coordonné, s'appuyant sur les différents travaux que le Parlement a consacrés à ces enjeux ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP. – M. Mickaël Vallet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Madame la sénatrice Morin-Desailly, je vous remercie de votre question, qui traite d'un sujet très important.
Vous savez combien nous sommes convaincus de la nécessité de protéger les enfants des dérives des écrans. D'ailleurs – vous l'avez rappelé –, nous avons engagé à ce titre un travail très important, qui ne date pas d'hier. Permettez-moi de récapituler brièvement les actions mises en œuvre.
Il y a un an, la commission Écrans rassemblait des scientifiques de tous bords pour dresser ce constat alarmant : si formidable soit-il, le numérique a un impact sur la santé mentale, le développement et la sociabilité de nos enfants. Il provoque en particulier des troubles de l'attention. Nous ne pouvons plus ignorer ces effets : c'est pourquoi nous avons décidé d'agir, sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre.
Sur la base de ce constat, Élisabeth Borne, Catherine Vautrin et moi-même entendons mener une action politique déterminée pour protéger nos enfants des dérives du numérique. Il s'agit non pas d'interdire, mais bien de protéger ; de redonner aux enfants le temps d'être tout simplement des enfants.
C'est bien ce dont il s'agit aujourd'hui quand Catherine Vautrin parle d'interdire les écrans aux moins de 3 ans ; quand Élisabeth Borne parle d'interdire les téléphones dans les collèges et de conforter la pause numérique ; ou encore quand je me bats pour que les réseaux sociaux soient interdits aux moins de 15 ans à l'échelle européenne.
Sachez que notre détermination est entière et notre coordination excellente. Chacune dans son domaine, nous sommes résolues à avancer pour protéger nos enfants.
Vous l'avez précisé à l'instant, nous ne menons pas ce combat seules. Nous nous appuyons sur des travaux de très grande qualité, que vous-même et un certain nombre de vos collègues, sénateurs comme députés, ont conduits au cours des dernières années.
Ces travaux, pour certains très récents, nous invitent à examiner plus précisément un certain nombre de points et renforcent encore notre volonté de passer à l'action. Je n'oublie pas non plus le travail des parlementaires européens.
Quand on sait que nos enfants passent quatre heures par jour sur les écrans – quatre heures ! –, on mesure la nécessité de traiter le problème sous tous ses aspects. Nous avons une ambition politique commune et, ensemble, nous sommes déterminés à ne rien lâcher, d'autant que nous sommes écoutés et que nous avançons. (Mme Anne-Sophie Patru applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, le constat est bel et bien alarmant. Il a d'ailleurs été énoncé de très longue date par notre assemblée. Désormais, il est urgent d'agir.
Il faut lutter contre la surexposition aux écrans, dont les conséquences sont néfastes pour la santé comme pour les apprentissages.
De même, il faut agir face aux contenus inadaptés et violents dont sont abreuvés les jeunes, par ailleurs victimes de différents maux allant du cyberharcèlement à la désinformation. On parle même à présent d'une « guerre cognitive » visant à affaiblir notre jeunesse !
Ces contenus dépendent de plateformes dont les modèles toxiques privilégieront toujours le profit à la sécurité. Soyons intransigeants dans l'application des règlements européens, quand bien même ils nous paraissent encore insuffisants.
À l'heure de l'intelligence artificielle, construisons de nouveaux outils – il en est plus que temps ! –, élaborons des offres alternatives suivant des modèles éthiques et vertueux.
Quant à la montée en compétence numérique, elle pourrait être érigée en grande cause nationale : j'ai écrit en ce sens à M. le Premier ministre.
En complément de ce plan d'action coordonné et du travail accompli par les différents ministres, que je salue, une telle initiative permettrait à la communauté éducative, notamment aux parents et, au-delà, à tous nos concitoyens, d'être enfin formés et armés face aux questions de cybersécurité en général. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Patricia Schillinger et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)
soutien européen à la viticulture sud-africaine (i)
Mme la présidente. La parole est à Mme Pauline Martin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pauline Martin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, le raisin français est en colère. Se réveillant subitement après vingt-trois années, la Commission a décidé de mettre en œuvre une clause jamais appliquée de l'accord commercial entre Bruxelles et Pretoria, et quelle clause ! Au total, 15 millions d'euros doivent être versés au bénéfice de la « croissance inclusive » de la filière vin d'Afrique du Sud. Il s'agit plus précisément de favoriser la diversification des profils en recrutant des opérateurs féminins et de couleur. En outre, cette clause est assortie de quotas d'importation sans taxe douanière pour les vins et spiritueux sud-africains.
Si l'objet d'une telle clause peut paraître louable, bien que peu quantifiable, est-il vraiment nécessaire d'actionner ce levier oublié au moment même où nos viticulteurs traversent une crise de grande ampleur, liée à la chute de la consommation et au réchauffement climatique ?
Les esprits s'échauffent, la viticulture suffoque, bref la coupe est pleine. Même si la filière vitivinicole est soutenue, comment interpréter un tel message de la part de l'Union européenne, si prompte à aider ses concurrents et si lente à protéger son tissu économique, renforçant ainsi d'une main un ressort électoral qu'elle prétend combattre de l'autre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – MM. Cédric Chevalier et Pierre-Alain Roiron applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, le raisin français est en colère et il a des raisons de l'être : l'octroi de cette subvention est décidé alors même que le secteur subit une grave crise, sous les effets conjugués du changement climatique, de la baisse structurelle de la demande et des tensions tarifaires – je pense aux négociations en cours relatives aux droits de douane, dont dépend l'avenir du secteur des vins et spiritueux.
Mme la ministre de l'agriculture, que j'associe à ma réponse, est, avec les membres du Gouvernement présents au quai d'Orsay, pleinement mobilisée pour défendre les intérêts des agriculteurs français. En témoignent les discussions relatives à l'avenir de la politique agricole commune (PAC). En témoigne également notre opposition résolue à l'accord avec le Mercosur, du moins en l'état.
Dans le même esprit, nous avons poussé l'Europe à faire des gestes pour nos viticulteurs, via le programme de soutien au secteur viticole et les différentes mesures d'urgence.
Toutefois, face à la crise structurelle que traverse le secteur, nous sommes en droit d'attendre un plan structurel de la part de la Commission européenne et, plus largement, de l'Union européenne.
M. le ministre délégué chargé de l'Europe a écrit en ce sens au commissaire Christophe Hansen, qu'il serait sans doute judicieux d'inviter à visiter notre vignoble. Il pourrait ainsi constater de visu, s'il ne l'a déjà fait, les difficultés auxquelles font face les viticulteurs et le raisin français.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pauline Martin, pour la réplique.
Mme Pauline Martin. Monsieur le ministre, nous attendons donc à présent le représentant de la Commission européenne, pour qu'il entende « les raisons de la colère » de nos viticulteurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
réforme du complément de libre choix du mode de garde
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Colombe Brossel. Madame la ministre, en 2023, le Président de la République s'était engagé à réformer le complément de libre choix du mode de garde (CMG) en l'étendant jusqu'aux 12 ans de l'enfant.
Après un long délai, mais conformément aux engagements présidentiels, vous avez détaillé le 12 juin dernier les contours de cette réforme tant attendue par les familles, laquelle doit entrer en vigueur le 1er septembre prochain.
Aux côtés de nombreuses associations qui réclament une telle réforme depuis longtemps, plusieurs parlementaires sont mobilisés pour faire advenir ce nouveau droit. Je pense, par exemple, à mes collègues sénatrices Laurence Rossignol et Béatrice Gosselin ainsi qu'à notre collègue député Philippe Brun.
Véritable mesure en faveur du pouvoir d'achat, l'extension du CMG est essentielle, afin de faciliter la prise en charge de la garde d'enfant, notamment pour les mères qui élèvent seules leurs enfants soit, comme vous le savez, 82 % des familles monoparentales.
Pourtant, selon les remontées de plusieurs associations, la plupart des mères seules ayant un enfant de moins de 6 ans verront leur situation se dégrader en raison de la suppression de la majoration accordée aux familles monoparentales ayant des enfants de moins de 6 ans…
Pour résumer, vous prenez dans les poches des unes pour mettre dans les poches des autres. Avant, la solidarité nationale était le fait de l'ensemble de la Nation, qui aidait les plus fragiles ; maintenant, ce sont les plus fragiles qui aident les plus fragiles.
Madame la ministre, les conséquences de ce choix politique sont néfastes et d'ores et déjà connues : éloignement de l'insertion professionnelle et de l'emploi, accroissement de la précarité. Alors que les politiques publiques doivent permettre de protéger, de reconnaître et d'accompagner les familles monoparentales et les familles les plus fragiles, vous renforcez, avec ce décret, la précarité des mères solos.
Madame la ministre, il y a urgence à revenir sur vos premières annonces : étendez le complément de libre choix du mode de garde aux 12 ans des enfants, sans pénaliser les mères solos. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur le sujet du complément de libre choix du mode de garde.
Vous avez raison de le faire : cela faisait partie des sujets sur lesquels le Président de la République s'était engagé. Il l'avait fait d'autant plus fortement que, comme nous le savons, au moment où nous nous parlons, il manque 40 % des places de garde nécessaires pour accueillir les enfants dont les parents travaillent.
Nous avons construit le complément de libre choix du mode de garde autour de trois axes.
Premièrement, il s'agit de tenir compte à la fois de la composition de la famille, du revenu du foyer ainsi que du nombre d'heures nécessaires en fonction de l'activité, de façon à diminuer le reste à charge. Cela vaut pour les couples.
Deuxièmement, comme vous l'avez rappelé, il faut porter une attention particulière à la situation des parents solos. La mesure la plus importante que nous ayons prise en leur faveur est la poursuite de l'aide non pas de 3 ans à 6 ans, mais de 6 ans à 12 ans, tant nous sommes conscients qu'un parent solo a besoin que son enfant soit accompagné plus longtemps. Il n'est pas question qu'un enfant de 6 ans ou 7 ans soit seul quand il rentre de l'école.
Troisièmement, nous avons travaillé sur la question des couples en garde alternée. Jusqu'à présent, le complément de mode de garde ne prévoyait une prise en charge que pour l'un des deux parents, alors qu'il est logique de considérer que, dans le cadre d'une garde alternée, les parents vivent dans la même ville. Par conséquent, offrir la même solution de garde avec une prise en charge pour chacun des parents est un élément clef.
Telles sont les trois mesures importantes que je souhaitais vous présenter, qui sont la manifestation d'un effort de solidarité nationale pour chacun. Mon objectif est bien le gagnant-gagnant. Je suis à votre disposition, madame la sénatrice, pour en reparler autant que vous le souhaitez, car nous poursuivons, j'en ai la conviction, le même dessein : l'accompagnement des tout-petits.
Mme Laurence Rossignol. Et la suppression du bonus ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour la réplique.
Mme Colombe Brossel. Ma question portait sur la suppression du bonus de 30 % pour les familles monoparentales, madame la ministre.
Un chiffre : selon l'Union nationale des associations familiales (Unaf), 55 % des familles allocataires, à la suite de ce décret, perdront du pouvoir d'achat. Cette réforme pénalise donc plus de la moitié des personnes concernées. Ce n'est pas possible ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)
nomination du pdg du groupe la poste
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Chaize. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le mandat du président-directeur général du groupe La Poste, Philippe Wahl, que je veux saluer ici pour le travail accompli au sein du groupe, est arrivé à son terme le 25 juin dernier.
Il aurait dû être remplacé, comme l'a affirmé Mme la ministre chargée des comptes publics dans cette enceinte le 27 mai dernier, à l'occasion d'un débat sur l'avenir du groupe La Poste. Or, aujourd'hui, le 2 juillet, aucune information ne nous est parvenue, laissant penser que la décision serait reportée au plus tôt au mois d'octobre.
Ce retard dans les nominations ne semble pas être un cas isolé, en témoigne la présidence du groupe SNCF, qui est également en attente.
Pouvez-vous nous éclairer sur les raisons ayant conduit au report de ces nominations, plus particulièrement celle qui doit avoir lieu à la tête de La Poste ?
Vous en conviendrez, cette situation suscite de vives inquiétudes quant aux conséquences sur les projets de l'entreprise, qui se trouve actuellement à un tournant crucial appelant des réformes significatives eu égard notamment à la participation du budget de l'État, à hauteur de plus de 1 milliard d'euros, pour équilibrer les comptes.
La Poste ayant pour mission essentielle de garantir un service public de qualité, comment votre gouvernement envisage-t-il d'assurer la continuité et l'efficacité des services proposés aux citoyens dans cette période d'incertitude ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, cher Patrick Chaize, vous me permettrez de vous répondre au lieu et place du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, auquel la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a demandé de se déporter.
Tout d'abord, je voudrais rendre hommage, monsieur le sénateur, au travail de longue haleine que vous menez au sein de la commission des affaires économiques, ainsi qu'à l'attention que vous portez à notre opérateur. Qu'il me soit permis également de saluer le président-directeur général, Philippe Wahl, pour la mission qu'il a accomplie depuis 2013.
Vous l'avez souligné, la gouvernance de La Poste est une priorité absolue. Il s'agit d'un pilier du service public qui assure chaque jour des missions majeures ayant aussi un lien avec l'aménagement du territoire. Dans l'attente de la décision présidentielle, pour laquelle je n'ai pas de calendrier exact à vous donner, une direction intérimaire à deux têtes a été mise en place : Philippe Wahl a été renouvelé, non pas comme président-directeur général, mais comme administrateur et président du conseil d'administration ; Philippe Bajou, quant à lui, assurera la direction générale jusqu'à la nomination d'un nouveau PDG. Cette transition est bien évidemment temporaire.
La recherche d'un successeur est en cours. Une liste de candidats établie par le comité des nominations a été transmise à l'Élysée, qui souhaite poursuivre les discussions, en lien avec la Caisse des dépôts et consignations.
L'exercice de cette fonction suppose de réunir des qualités éminentes dans les domaines bancaire et financier, social et managérial, mais aussi d'avoir une sensibilité territoriale marquée. Ce candidat devra également présenter un projet visionnaire, audacieux et ambitieux pour relever les défis bien réels que vous avez mentionnés.
Le Parlement sera bien évidemment consulté, en application de l'article 13 de la Constitution, et je vous assure que l'État reste pleinement engagé pour garantir, notamment pendant la période budgétaire, la continuité du service public postal.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.
M. Patrick Chaize. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me laisse néanmoins perplexe et interrogatif pour l'avenir de La Poste, qui doit faire face à des défis tout en préservant son rôle fondamental au sein de notre société, et ce sans PDG à sa tête…
Nous attendons du Gouvernement, qui serait d'ailleurs bien inspiré de suivre les propositions d'un certain rapport sénatorial que vous connaissez parfaitement, madame la ministre, un vrai projet pour La Poste.
En définitive, la question fondamentale que nous nous posons est simple : y a-t-il toujours un pilote dans l'avion ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Christian Redon-Sarrazy et Mme Viviane Artigalas applaudissent également.)
soutien européen à la viticulture sud-africaine (II)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Sophie Romagny. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Madame la ministre, les viticulteurs ont découvert une décision de l'Union européenne qui les a surpris. Ils demandent, comme nous tous, des précisions.
En raison de l'application tardive d'une clause de l'accord commercial entre Bruxelles et Pretoria visant à favoriser et promouvoir les échanges de vins produits en Afrique du Sud, une aide communautaire de 15 millions d'euros a été engagée au bénéfice du développement de l'inclusivité de la filière vin de ce pays. Celle-ci vise à établir un programme de restructuration du secteur sud-africain des vins et spiritueux.
L'une des contreparties était de protéger les désignations européennes du porto et du sherry, à l'issue d'une phase progressive ne dépassant pas douze années. Par conséquent, madame la ministre, j'ai plusieurs questions.
Les appellations porto et sherry ont-elles bien été protégées ? Qu'en est-il de nos appellations d'origine contrôlée (AOC) françaises ?
De quelles autres contreparties auraient pu bénéficier les viticulteurs européens sur le territoire de l'Afrique du Sud dans le cadre de cet accord ?
Enfin, l'Europe envisage-t-elle des dispositifs de soutien à la viticulture européenne et française ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Cédric Chevalier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Anne-Sophie Romagny, vous faites référence au déblocage, à hauteur de 15 millions d'euros, d'une aide européenne en faveur de la filière vin sud-africaine. J'ai découvert cette attribution, tout comme vous, qui découle d'un texte de 2002, sur la base d'un accord commercial plus global signé en 1999, il y a donc vingt-six ans.
Je vous avoue ne pas avoir lu le détail de cet accord et ne pas pouvoir vous répondre sur le sherry et le porto. J'ose toutefois espérer que, si cet accord a été conclu pour protéger ces appellations, celles-ci le sont effectivement. Je me renseignerai et vous répondrai.
Vingt-six ans plus tard, aucun d'entre nous n'est comptable de cet accord. Toutefois, pour répondre à votre question, à l'évidence, je n'y suis pas favorable.
Je me bats depuis des mois pour la filière viticole, qui est probablement, de toutes les productions agricoles françaises, l'une de celles qui souffrent le plus. Elle a été éprouvée et par les aléas climatiques, comme l'a souligné M. le ministre des affaires étrangères, et par les évolutions de marché et de consommation.
Je voudrais très rapidement vous rappeler ce qui a été fait : l'aide à l'arrachage, à hauteur de 120 millions d'euros ; les prêts exceptionnels de soutien à la trésorerie ; la prise en charge exceptionnelle des cotisations à la Mutualité sociale agricole (MSA) ; l'aide de 9 millions d'euros que j'ai voulu attribuer aux jeunes viticulteurs, qui sont particulièrement en souffrance ; l'aide de 1 million d'euros pour soutenir les pépiniéristes viticoles.
Enfin, madame la sénatrice, votre question me donne l'occasion de vous rappeler à quel point je suis vigilante sur les accords commerciaux, particulièrement ceux qui ont été imaginés il y a un quart de siècle. Je songe naturellement à celui qui concerne le Mercosur, un mauvais accord pour nos filières agricoles ! (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.) L'affaire n'est pas conclue et nous nous battons ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour la réplique.
Mme Anne-Sophie Romagny. Je vous remercie, madame la ministre, de votre engagement pour les professions agricoles et viticoles.
Vous l'avez rappelé, ce texte date de 2002 ; or en vingt-quatre ans, du jus de raisin a coulé dans les pressoirs et la situation agricole et viticole a largement évolué. Les viticulteurs comptent sur vous, en pleine crise structurelle et conjoncturelle. À l'heure où le changement climatique bouleverse la vigne et où l'on arrache des pieds, les vignerons attendent des actes forts. Le patrimoine viticole français est une véritable pépite : accompagnons le développement de nos vignobles ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures douze, est reprise à seize heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
2
Mise au point au sujet d'un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Lors du scrutin n° 334, sur l'ensemble de la proposition de loi visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme, ma collègue Véronique Guillotin souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point. Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin concerné.
3
Candidature à une délégation sénatoriale
Mme la présidente. J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale aux outre-mer a été publiée. Cette candidature sera ratifiée si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
4
Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur
Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (texte de la commission n° 800 rectifié, rapport n° 799).
La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Vincent Louault et Franck Menonville applaudissent également.)
M. Pierre Cuypers, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, que de chemin parcouru !
Aujourd'hui, nous nous apprêtons à adopter le texte établi par la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur.
Je souhaite commencer cette intervention par des remerciements, car nous ne serions pas ici aujourd'hui sans la détermination et même l'obstination de Laurent Duplomb et de Franck Menonville, auteurs de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Ils tenaient à sortir notre agriculture de l'ornière et à la libérer non pas de toutes les normes, si nombreuses, trop nombreuses, mais bien des contraintes injustifiées, minant notre potentiel productif et fragilisant notre pays. Je tiens ici à leur apporter mon soutien, car je sais combien ils ont été bassement – j'y insiste, bassement ! – attaqués.
Je souhaite aussi remercier notre ministre, pour son soutien sans faille. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot et M. Franck Menonville applaudissent également.) Ce texte a été critiqué. Ce texte a été dénigré et caricaturé, car la caricature est toujours plus facile que l'analyse de la réalité des faits. (Marques d'assentiment sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yannick Jadot ironise.)
Malgré ces obstacles, notre ministre a tenu bon, souvent même contre ses collègues du Gouvernement, là où la facilité aurait été de se désengager progressivement, laissant les revendications du monde agricole sans réponse. Soyez donc remerciée, madame la ministre, de votre ténacité, de votre travail, de votre courage et de votre capacité à faire émerger le compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Elle est courageuse !
M. Pierre Cuypers, rapporteur. Car des compromis, il a fallu en faire : c'est là l'essence même du débat parlementaire. À ce titre, je souhaite remercier nos collègues de l'Assemblée nationale Julien Dive, rapporteur, et Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Nos échanges ont été intenses au cours des dernières semaines.
Julien Dive a su défendre ce texte dans une Assemblée nationale que chacun sait divisée. Il a su le faire cheminer en commission et a pris ses responsabilités en séance publique. Je tiens également à remercier de sa contribution au compromis final Marc Fesneau, qui avait été le ministre à l'initiative de la loi du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, voilà plus d'un an.
Je tiens enfin à remercier notre présidente de la commission des affaires économiques, toujours en soutien et en confiance, particulièrement dans les moments les plus complexes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Nous avons connu de tels moments, ces derniers jours. La négociation avec l'Assemblée nationale a été, comme vous pouvez l'imaginer, longue et difficile. Elle a été menée avec la conscience aiguë et commune que l'intérêt national commandait de parvenir à un accord. C'est ce que nous avons fait.
Certes, le texte que nous vous présentons comporte des concessions de la part du Sénat. Je songe notamment aux dispositions sur les zones humides, mais je ne doute pas que nous remettrons très bientôt l'ouvrage sur le métier...
Je pense pouvoir affirmer avec satisfaction que l'essentiel est bien là : conseil stratégique phytosanitaire rendu facultatif au profit de la création d'un module dédié au sein du certificat individuel pour les produits phytopharmaceutiques (Certiphyto), qui, lui, est obligatoire ; création d'un conseil stratégique global facultatif au service des agriculteurs ; fin de la séparation, absurde, de la vente et du conseil pour ce qui concerne les produits phytosanitaires pour les distributeurs ; création d'une vraie procédure de contestation du résultat des indices en matière d'assurance prairie, au profit de nos éleveurs ; facilitation de la consolidation des élevages et relèvement des seuils d'installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) pour les élevages bovins, porcins et avicoles ; sécurisation des ouvrages de prélèvement et de stockage de l'eau en les déclarant d'intérêt général majeur ; ou encore caméra individuelle pour les inspecteurs de l'environnement, et réaffirmation du rôle du préfet en la matière.
Enfin, je veux dire un mot de l'article 2, qui a cristallisé les débats et qui, je dois le redire, a été caricaturé. Non, nous ne réautorisons pas les néonicotinoïdes, mais oui, nous aménageons.
M. Yannick Jadot. Ah !
M. Pierre Cuypers, rapporteur. Nous aménageons, selon des conditions extrêmement strictes, la possibilité de bénéficier, pour des filières en situation d'impasse technique et de grand danger économique, de dérogations. En d'autres termes, nous atténuons une surtransposition franco-française puisque, je le rappelle, l'acétamipride est autorisée dans les vingt-six autres pays de l'Union européenne.
Ce texte est équilibré et juste. Il vient clore une longue séquence, ouverte par notre assemblée au début de l'année 2023 à l'occasion du vote de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, laquelle, déjà, contenait bon nombre de dispositions adoptées depuis.
Soyons donc fiers du rôle moteur qu'a joué, encore une fois, le Sénat, au service de notre agriculture et au service de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme d'années marquées par l'accumulation de nuées sombres au-dessus des campagnes françaises, voici qu'enfin une éclaircie se dessine et, avec elle, une certitude : il n'est de fatalité que celle à laquelle on se résigne.
Cette éclaircie, nous la devons à neuf mois de travail opiniâtre, à l'initiative des sénateurs Duplomb et Menonville, puis Cuypers. Neuf mois durant lesquels j'ai placé toute la force de frappe de mon ministère au service de ce texte pour que, ce lundi, une fumée blanche s'élève au-dessus de la commission mixte paritaire.
Mobilisation de mes services, procédure accélérée, défense constante dans le débat public, y compris face aux contre-vérités. J'y ai mis toute mon énergie avec un objectif clair : aboutir. Dans un pays où l'arithmétique parlementaire bride l'ambition, il s'est agi de construire un texte solide sur le fond, équilibré sur la forme et à même de rassembler une majorité dans les deux chambres. Nous sommes à quelques centimètres d'y parvenir. La colère de l'hiver dernier est entendue et cette proposition de loi est sur le point d'y apporter une réponse.
Les membres de la commission mixte paritaire ont su dégager un compromis. Je salue l'engagement de la présidente Estrosi Sassone et de tous ceux qui y ont contribué.
Certes, j'aurais souhaité un texte plus proche de celui qui a été voté ici même, mais l'ambition centrale est là. Les leviers essentiels sont préservés. C'est pourquoi je vous appelle, avec force, à l'adopter. Un vote positif marquera une étape décisive dans la reconquête de notre souveraineté alimentaire, que je défends depuis des mois avec constance.
Demain, nos agriculteurs bénéficieront d'un accès élargi au conseil pour piloter leur exploitation, sans remettre en cause notre exigence de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Je rappelle que notre pays est engagé dans le plan Écophyto.
Demain, la gestion de l'eau, bien commun aussi vital que menacé, sera facilitée, pour que l'agriculture, c'est-à-dire l'alimentation, contribue pleinement à la transition écologique, sans être sacrifiée sur l'autel de cette dernière.
Demain, certains produits, couramment autorisés ailleurs en Europe, pourront l'être, en France, à titre dérogatoire, pour les seules filières en impasse de traitement, menacées économiquement et engagées dans un plan de recherche de solutions de substitution. Ces dérogations seront strictement encadrées, limitées dans le temps, réexaminées tous les trois ans au moins et levées dès que les conditions cesseraient d'être remplies. À ma demande, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) identifie les filières concernées selon une méthode rigoureuse ; ses conclusions sont attendues à l'automne.
Nos producteurs réclament non pas des privilèges, mais de la justice. Ils ne veulent plus subir des distorsions de concurrence condamnables, car issues de surtranspositions franco-françaises et non de considérations scientifiques. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Salmon ironise.)
M. Rémy Pointereau. Exactement !
Mme Annie Genevard, ministre. Demain encore, nos éleveurs verront leurs projets d'installation de bâtiments libérés des freins administratifs qui minent leur activité.
Ce texte permet de franchir une première étape sur les seuils et réunions publiques. La seconde, consacrant un régime spécifique, le sera dans un projet de loi que je vous présenterai à l'automne.
Par ailleurs, les dispositions relatives à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) ayant suscité de vives réserves parlementaires, j'ai saisi le Conseil d'État. Ce sujet ne relevant pas du domaine législatif, l'identification des usages prioritaires sera précisée par décret, sur la base de travaux scientifiques incontestables.
Moi, je crois à la science.
MM. Yannick Jadot et Daniel Salmon. Nous aussi !
Mme Annie Genevard, ministre. L'indépendance de l'Anses n'est pas et ne sera jamais remise en cause. (M. Yannick Jadot s'exclame.)
Je ne détaillerai pas ici toutes les mesures tendant à réparer le lien entre l'administration et le monde agricole non plus que celles qui visent à ouvrir enfin la voie à des techniques innovantes contre les ravageurs. Mais elles sont là et elles comptent.
Ce texte, après la loi d'orientation agricole, après l'allègement historique de 500 millions d'euros de charges, après les avancées en matière de simplification, vient renforcer une architecture : celle du redressement.
C'est le chapitre des doutes que nous refermons et celui d'un avenir conquérant que nous ouvrons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot et M. Franck Menonville applaudissent également.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par M. Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (n° 800, 2024-2025).
La parole est à M. Daniel Salmon, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaiterais d'abord rendre hommage aujourd'hui à Albert Chotard, agriculteur et fils d'agriculteur, décédé le 31 mai dernier, épuisé par un double combat. Depuis près de trente ans, il luttait contre la maladie de Parkinson et contre la cause de ses maux : les pesticides.
Beaucoup de ses collègues tombaient malades, expliquait-il. Des Parkinson, comme lui, des lymphomes, des tumeurs au cerveau… Comme nombre d'agriculteurs, Albert Chotard avait contacté le collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'ouest en disant : « je ne le fais pas pour moi, c'est trop tard. Je le fais pour que cela n'arrive pas à d'autres ! »
Nous refusons d'être complices d'un système qui sacrifie la vie des agriculteurs.
Détricoter les normes environnementales ne répondra ni à l'insuffisance de la rémunération des agriculteurs ni au besoin de renouvellement des générations et ne permettra pas plus de renforcer notre souveraineté. En revanche, nous continuerons de détruire notre environnement et la santé de tous, ce pour répondre aux exigences de profit de quelques-uns. (M. Laurent Duplomb s'exclame.)
Après un passage en force à l'Assemblée nationale, privant nos concitoyennes et concitoyens d'un véritable débat démocratique sur les conséquences de cette proposition de loi, nous nous retrouvons aujourd'hui pour examiner le texte issu de la commission mixte paritaire, négocié dans une totale opacité. Pourtant, nous savons que les mesures qu'il comporte sont rejetées par une majorité de citoyens. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. C'est faux !
M. Daniel Salmon. Disons-le tout net : une démocratie moderne ne devrait pas légiférer ainsi.
Qu'elles viennent des paysans, des scientifiques, des apiculteurs, des médecins, des organisations de la société civile ou des citoyens les alertes sur la dangerosité de cette proposition de loi ont été nombreuses. Or elles ont été ignorées et balayées d'un revers de main par la commission mixte paritaire. (Mme la présidente de la commission proteste.)
Nous l'avions dit lors de l'examen du texte en première lecture et nous le disons de nouveau : au-delà des fortes divergences politiques, ce texte contrevient gravement aux principes constitutionnels,…
M. Laurent Burgoa. Non !
M. Daniel Salmon. … en s'attaquant à des normes environnementales essentielles pour la santé de nos concitoyens, la préservation de nos ressources et celle du vivant.
Sur de nombreux points, ce texte entre en contradiction avec la lettre et l'esprit de la Charte de l'environnement. C'est également une attaque en règle contre le droit européen – nous y reviendrons.
M. Bruno Sido. Pas du tout !
M. Daniel Salmon. C'est la raison pour laquelle nous avons de nouveau déposé une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. À cette heure, il nous faut rejeter unilatéralement ce texte.
L'article 2 autorise le ministre de l'agriculture à déroger à l'interdiction d'utiliser des néonicotinoïdes. La dérogation n'est assortie d'aucune limite de durée et ne fait l'objet d'aucune évaluation. En outre, les types d'usage ne sont pas précisés. Elle passe ainsi outre les procédures d'autorisation de l'Anses.
Pourtant, l'acétamipride, ainsi que le sulfoxaflor et le flupyradifurone – deux autres substances dont on parle moins, mais dont l'utilisation a de nouveau été autorisée – représentent un réel danger pour la santé humaine et les pollinisateurs qui ne peut être ignoré. Ce sont des neurotoxiques soupçonnés d'être des perturbateurs endocriniens qui s'attaquent au système nerveux des insectes ; s'agissant de la santé humaine, ils sont associés à des troubles du neurodéveloppement.
Les conséquences présumées de la présence de ces trois substances et de leurs dérivés dans le corps humain sont multiples : maladies rénales, malformations cardiaques, tremblements, pertes de mémoire. Que faudrait-il de pire pour que le législateur ouvre les yeux ?
Le principe démocratique voudrait que la décision politique s'appuie sur des données scientifiques, madame la ministre ; or vous les piétinez ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Visiblement, le chlordécone n'a pas suffi. Allons-nous continuer de répéter indéfiniment les erreurs du passé ?
L'article 2 s'oppose au droit à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ainsi qu'au principe de précaution, tous deux inscrits dans la Charte de l'environnement. En outre, il contrevient à l'obligation qui incombe au législateur de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement, consacrée à l'article 2 de ladite Charte.
En écartant l'Anses de la procédure d'autorisation de mise sur le marché des néonicotinoïdes, le présent texte est par ailleurs contraire au règlement européen définissant les modalités d'évaluation et de mise sur le marché par les agences habilitées des États membres.
En 2024, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a été explicite dans ses décisions préjudicielles : la protection de la santé humaine et animale et de l'environnement doit primer sur l'amélioration des cultures végétales. Elle rappelle en outre que le principe de précaution prime, y compris en l'absence de solutions de substitution.
En clair, l'objectif de protection de la santé humaine et de l'environnement en particulier doit être le seul critère d'évaluation et d'autorisation. L'objectif de rendement, quant à lui, ne doit aucunement rentrer dans l'équation.
C'est notre devoir, en tant que parlementaires, de veiller au respect du principe de précaution. Alors que de nombreux faisceaux de preuves montrent l'existence d'un lien entre l'utilisation des pesticides et l'émergence de maladies, nous ne pouvons laisser passer ce type de régression.
Concernant l'Anses, le texte élaboré par la commission mixte paritaire, fort heureusement, n'a pas maintenu la création d'un conseil d'orientation pour la protection des cultures, structure externe dominée par les intérêts privés et économiques, qui menaçait gravement l'objectivité des décisions.
Cependant, avec le renforcement du comité des solutions, une définition extrêmement restrictive des solutions de substitution aux pesticides et une nouvelle procédure visant à prendre en compte des impératifs économiques risquent, à terme, de contraindre les travaux de l'Anses.
Le risque de contentieux persiste sachant que, selon le règlement européen précité, l'évaluation en vue d'autoriser la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques doit être indépendante, objective et transparente.
M. Vincent Louault. C'est bien le cas !
M. Daniel Salmon. Venons-en à la question cruciale de l'eau. De nombreux acteurs des territoires vous ont alerté sur les risques de cette proposition de loi, qui fragilise deux principes fondamentaux : la préservation de la qualité de l'eau et l'équité dans le partage de cette ressource essentielle.
En autorisant à nouveau l'usage de néonicotinoïdes, niant leur toxicité et leur persistance dans l'environnement, la proposition de loi ouvre la voie à une dégradation des milieux naturels et des ressources en eau, vecteurs majeurs de diffusion de ces substances.
Le texte prévoit également une reconnaissance automatique de l'intérêt général majeur pour les projets de stockage d'eau agricole, remettant en cause les règles issues de la concertation locale et les instruments de gouvernance existants.
Ainsi, vous rompez avec la recherche de consensus local et affaiblissez la gouvernance territoriale de l'eau. Vous créez de facto un déséquilibre manifeste entre les usages en privilégiant un besoin particulier, l'irrigation agricole, au détriment d'autres usages tout aussi légitimes, comme l'alimentation en eau potable ou la préservation des écosystèmes. Je sais bien que cela ne dérange pas grand monde ici… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Venez voir dans le Gard !
M. Daniel Salmon. Cette démarche est contraire à l'esprit de solidarité et de concertation ainsi qu'à l'intérêt général, qui doivent toujours guider l'action publique.
Se pose également la question de la compatibilité du présent texte avec la directive-cadre sur l'eau, qui encourage la promotion d'une « utilisation durable de l'eau, fondée sur la protection à long terme des ressources disponibles ».
Les États membres doivent protéger, améliorer et restaurer toutes les masses d'eau. Ils doivent assurer un équilibre entre les captages et le renouvellement des eaux souterraines.
Ce dernier point exige de ne pas bloquer les politiques publiques de gestion de l'eau en présumant un intérêt général majeur ou une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) pour les ouvrages de stockage d'eau et les prélèvements destinés à l'irrigation.
Seul point positif (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) dans ce marasme général : la suppression du dispositif relatif aux zones humides. C'est bien peu…
Enfin, je souhaite dire quelques mots de l'article 3, relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Le présent texte est contraire au principe de précaution consacré par l'article 5 de la Charte de l'environnement en ce qu'il vise à exclure de nombreux projets d'élevage du régime d'autorisation des ICPE en relevant le seuil d'enregistrement, sans que cette disposition ait été préalablement évaluée, à l'aune de ses conséquences environnementales et économiques.
De fait, il modifie le régime des enquêtes publiques et prévoit que la réunion publique est remplacée par une simple permanence en mairie. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Il s'agit d'une nouvelle atteinte inacceptable à la démocratie environnementale, déjà fortement abîmée par la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte.
On ne peut pas parler d'acceptabilité et la nier en permanence ! Sur ce type de projets, réduire à la portion congrue le processus d'information démocratique à destination des citoyens est grave et contrevient à l'article 7 de la Charte de l'environnement, qui garantit à toute personne le droit « d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ».
M. Jean-Marc Boyer. On l'entend tous les jours !
M. Daniel Salmon. Par ailleurs, le risque de non-conformité au droit de l'Union européenne se pose, car le texte va à l'encontre des directives encadrant les fermes-usines.
Chers collègues, accélérer les procédures et réduire les contrôles des ICPE ne changera rien aux problèmes des agriculteurs. L'agrandissement et l'intensification des exploitations agricoles favorisent les investissements massifs et l'endettement, dévalorisent la production et rendent plus difficiles la transmission et la reprise des fermes.
M. Roger Karoutchi. Où ça ?
M. Daniel Salmon. L'avenir de l'élevage passe par l'installation de fermes partout sur le territoire et non par leur concentration dans des secteurs déjà denses, entre les mains de quelques-uns.
Ce texte, contrairement aux objectifs affichés, crée les conditions de l'industrialisation et de la financiarisation de notre agriculture – nous en reparlerons.
Mme Frédérique Puissat. Quelle caricature !
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, le refus persistant d'écouter les avertissements des experts et de la société civile témoigne d'un tournant inquiétant : celui d'une mise à distance croissante de la science, des faits et de l'expertise sanitaire. (Mme la ministre proteste. – Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Des politiques similaires d'attaque contre les institutions travaillant sur le climat, l'environnement et la santé s'observent dans de nombreux pays et mettent en péril notre avenir commun.
Les contraintes évoquées dans l'intitulé de cette proposition de loi viennent non pas de la protection du vivant, mais de trente années de libéralisation des marchés, construites ici, qui ont organisé la disparition des agriculteurs et mis en danger la souveraineté alimentaire de notre pays.
Mes chers collègues, je vous invite à faire vôtre cette maxime : ce que je sais m'oblige. Demain, nous verrons qui assumera ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Cuypers, rapporteur. J'avais déjà entendu ailleurs, de différentes manières, les propos qu'a tenus notre collègue Salmon. Avec une très grande sagesse, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable.
Monsieur Salmon, je vous rappelle que l'interdiction de l'acétamipride n'est le fait ni de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) ni de l'Anses.
M. François Bonhomme. Eh oui !
Mme Annie Genevard, ministre. C'est la décision des parlementaires, qui se sont octroyé le pouvoir de dire si tel produit phytosanitaire est bon ou mauvais (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions. – Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
C'est l'Efsa elle-même qui autorise l'utilisation de l'acétamipride à l'échelon européen. Pour ma part, je fais davantage confiance aux scientifiques de cette agence qu'à l'amateurisme de certains... (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement, puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.
En conséquence, les amendements seront mis aux voix, tandis que le vote sur les articles sera réservé.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur
TITRE Ier
METTRE FIN AUX SURTRANSPOSITIONS ET SURRÉGLEMENTATIONS FRANÇAISES EN MATIÈRE DE PRODUITS PHYTOSANITAIRES
Article 1er
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° L'article L. 254-1 est ainsi modifié :
a) Au 3° du II, les mots : « prévu aux articles L. 254-6-2 et L. 254-6-3 » sont remplacés par les mots : « à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques » ;
b) Le VI est ainsi rédigé :
« VI. – L'exercice de l'activité de conseil mentionnée au 3° du II est incompatible avec l'activité de producteur. Pour l'application du présent VI, le producteur s'entend au sens du 11 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précité, à l'exception du producteur produisant exclusivement des produits de biocontrôle figurant sur la liste mentionnée à l'article L. 253-5 du présent code, des produits composés uniquement de substances de base au sens de l'article 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précité, des produits à faible risque au sens de l'article 47 du même règlement ou des produits dont l'usage est autorisé dans le cadre de l'agriculture biologique.
« Les informations fournies à leurs clients par les producteurs pour l'enrobage des semences ne sont pas concernées par cette incompatibilité. » ;
3° (Supprimé)
3° bis L'article L. 254-1-1 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– à la fin du 1°, les mots : « mentionnée aux 1° ou 2° du même II ou au IV du même article » sont remplacés par les mots : « de producteur au sens du premier alinéa du VI du même article L. 254-1 » ;
– au 2°, les mots : « mentionnée aux 1° ou 2° du II ou au IV » sont remplacés par les mots : « de producteur au sens du premier alinéa du VI » et, à la fin, les mots : « de ce II » sont remplacés par les mots : « du II du même article L. 254-1 » ;
– au 3°, les mots : « mentionnée, d'une part, au 3° du II de l'article L. 254-1 et, d'autre part, aux 1° ou 2° du même II ou au IV du même article » sont remplacés par les mots : « , d'une part, mentionnée au 3° du II de l'article L. 254-1 et, d'autre part, de producteur au sens du premier alinéa du VI du même article L. 254-1 » ;
b) Le II est ainsi modifié :
– à la fin du 1°, les mots : « mentionnée aux 1° ou 2° du même II ou au IV du même article » sont remplacés par les mots : « de producteur au sens du premier alinéa du VI du même article L. 254-1 » ;
– au 2°, les mots : « mentionnée aux 1° ou 2° du II ou au IV » sont remplacés par les mots : « de producteur au sens du premier alinéa du VI » et, à la fin, les mots : « de ce II » sont remplacés par les mots : « du II du même article L. 254-1 » ;
3° ter L'article L. 254-1-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « mentionnée aux 1° ou 2° du même II ou au IV du même article » sont remplacés par les mots : « de producteur au sens du premier alinéa du VI du même article L. 254-1 » ;
– les mots : « mentionnée aux 1° ou 2° de ce II ou à ce IV de ce même article » sont remplacés par les mots : « de producteur au sens du même premier alinéa » ;
– à la fin, les mots : « de ce II » sont remplacés par les mots : « du II du même article L. 254-1 » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
3° quater L'article L. 254-1-3 est ainsi modifié :
a) À la fin du I, les mots : « mentionnée aux 1° ou 2° du même II ou au IV de ce même article » sont remplacés par les mots : « de producteur au sens du premier alinéa du VI du même article L. 254-1 » ;
b) À la fin du II, les mots : « les activités mentionnées aux 1° ou 2° du même II ou au IV du même article » sont remplacés par les mots : « une activité de producteur au sens du premier alinéa du VI du même article L. 254-1 » ;
4° L'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 254-2 est ainsi modifié :
a) Les mots : « aux 1° et 2° » sont remplacés par les mots : « au 1° » ;
b) (nouveau) Après la seconde occurrence de la référence : « 2° », sont insérés les mots : « du présent I » ;
5° (Supprimé)
5° bis Les articles L. 254-6-2 et L. 254-6-3 sont abrogés ;
5° ter L'article L. 254-6-4 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« I. – Le conseil mentionné au 3° du II de l'article L. 254-1 couvre toute recommandation d'utilisation de produits phytopharmaceutiques individualisée adressée à un utilisateur, y compris celles relevant du conseil stratégique mentionné au II du présent article. Il est formalisé par écrit. Il donne lieu à une facturation distincte. Il s'inscrit dans un objectif de réduction des risques et des effets de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques sur la santé humaine et l'environnement et respecte les principes généraux de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures mentionnée à l'article L. 253-6.
« À ce titre, le conseil mentionné au premier alinéa du présent I privilégie des méthodes alternatives à l'usage de produits phytopharmaceutiques. Si nécessaire, il recommande les produits phytopharmaceutiques adaptés. Il promeut les actions mentionnées à l'article L. 254-10-1. Il tient compte des enjeux environnementaux présents dans l'aire d'activité de l'utilisateur professionnel et des modalités de leur préservation en cas d'utilisation de produits phytopharmaceutiques. » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Le conseil stratégique à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques peut être délivré aux agriculteurs utilisant ces produits, notamment lors de leur installation, de la reprise ou de l'agrandissement d'une exploitation agricole. Il comprend un plan d'action pluriannuel pour la protection des cultures de l'exploitation agricole qui s'inscrit dans les objectifs du plan d'action national mentionné à l'article L. 253-6. Il est fondé sur un diagnostic prenant en compte les spécificités de l'exploitation.
« Un décret en Conseil d'État définit les exigences nécessaires à la prévention des conflits d'intérêts pour la délivrance du conseil stratégique par le détenteur d'un agrément au titre des activités mentionnées au 1° du II de l'article L. 254-1 afin de garantir la qualité et le caractère objectif de ce conseil et ainsi favoriser une utilisation appropriée et responsable des produits phytopharmaceutiques. » ;
5° quater (nouveau) Le IV de l'article L. 254-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour la délivrance ou le renouvellement des certificats mentionnés au II, elle contient en outre un module spécifique d'aide à l'élaboration de la stratégie de l'exploitation agricole en matière d'utilisation de produits phytopharmaceutiques. » ;
5° quinquies (nouveau) Au premier alinéa de l'article L. 254-7, les mots : « notamment la cible, la dose recommandée et » sont supprimés ;
6° L'article L. 254-7-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , et notamment la désignation de l'autorité administrative, les conditions de délivrance, de renouvellement, de suspension, de modulation et de retrait des agréments, des certificats ainsi que des habilitations des organismes » sont supprimés ;
b) Le second alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, après le mot : « prévoit », il est inséré le mot : « notamment » ;
– la dernière phrase est ainsi rédigée : « Il précise les modalités de délivrance du conseil mentionné au 3° du II de l'article L. 254-1. » ;
6° bis L'article L. 254-10-1 est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase du premier alinéa du I, les mots : « auprès desquelles la redevance pour pollutions diffuses est exigible, mentionnées au IV de l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement » sont remplacés par les mots : « exerçant les activités mentionnées au 1° du II de l'article L. 254-1 » ;
b) Au premier alinéa du II, les mots : « pour les périodes du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020 et du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021, puis, à compter du 1er janvier 2022, pour chaque période successive d'une durée fixée par décret en Conseil d'État, dans la limite de quatre ans » sont remplacés par les mots : « , pour chaque période successive » ;
6° ter À la fin du premier alinéa du I de l'article L. 254-12, le montant : « 15 000 € » est remplacé par le montant : « 50 000 € » ;
7° (Supprimé)
8° (nouveau) Le titre Ier du livre III est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« CHAPITRE VI
« Conseil stratégique global
« Art. L. 316-1. – I. – Le conseil stratégique global vise à améliorer la viabilité économique, environnementale et sociale des exploitations agricoles. Il inclut le conseil stratégique à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques défini au II de l'article L. 254-6-4. Il s'inscrit dans une approche systémique visant à accompagner l'exploitant dans la mise en œuvre de pratiques agronomiques performantes, durables et résilientes. Il est formalisé par écrit.
« Le conseil stratégique global porte notamment sur :
« 1° Les débouchés et la volatilité des marchés, le degré de diversification et le potentiel de restructuration ou de réorientation du projet ;
« 2° La stratégie de maîtrise des coûts de production, en particulier en matière de main-d'œuvre, de machines agricoles et d'intrants ;
« 3° La réduction de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre ;
« 4° La gestion durable de la ressource en eau ;
« 5° Le maintien de la qualité agronomique des sols.
« Le conseil stratégique global prend en compte les informations recueillies lors des diagnostics modulaires des exploitations agricoles.
« II. – Le conseil stratégique global est assuré par des conseillers compétents en agronomie. Un décret définit les exigences relatives à l'exercice de la fonction de ces conseillers. » ;
9° (nouveau) À la seconde phrase de l'article L. 510-2, les mots : « les modalités d'application du second alinéa de l'article L. 254-1-2 et prévoit » sont supprimés.
Article 2
I. – (Supprimé)
II. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° AA (nouveau) Au début du chapitre III du titre V du livre II, il est ajouté un article L. 253-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 253-1 A. – Lorsque l'État interdit des produits phytopharmaceutiques contenant une substance active ou une famille de substances actives déterminées, approuvées en application de la règlementation européenne, il accompagne les professionnels dans la recherche et la diffusion de solutions alternatives et se fixe pour objectif d'indemniser les exploitants agricoles subissant des pertes d'exploitation significatives tant que les alternatives disponibles à l'utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes.
« Constitue une solution alternative une solution techniquement fiable, en ce sens que la protection des récoltes et des cultures qu'elle procure est semblable à celle obtenue avec un produit interdit, et financièrement acceptable, en ce sens que son coût pour l'exploitant ne doit pas être sensiblement plus élevé que celui engendré par l'utilisation du produit interdit. » ;
1° A (Supprimé)
1° B (nouveau) La section 1 du chapitre III du titre V du livre II est complétée par un article L. 253-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 253-1-1. – Lors de l'examen d'une demande d'autorisation de mise sur le marché au titre de la reconnaissance mutuelle prévue à l'article 40 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail tient compte des circonstances agronomiques, phytosanitaires et environnementales, y compris climatiques, qui prévalent sur le territoire national et qui n'ont pas été prises en compte dans l'évaluation effectuée par l'État membre de référence. Des informations relatives à ces circonstances peuvent être transmises à l'Agence, à son initiative ou à celle du demandeur, dans le délai imparti à l'article 42 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précité.
« Afin de tenir compte des conditions agronomiques, phytosanitaires et environnementales, y compris climatiques, des zones d'utilisation envisagées, le directeur général de l'Agence peut assortir l'autorisation qu'il délivre au titre de la reconnaissance mutuelle de conditions ou de restrictions d'emploi s'ajoutant à celles de l'autorisation délivrée par l'État membre de référence. Aux mêmes fins, il peut exclure certaines zones du territoire national de l'autorisation d'emploi. » ;
1° (Supprimé)
2° L'article L. 253-8 est ainsi modifié :
a et b) (Supprimés)
c) Les deux derniers alinéas du II sont supprimés ;
d) Le deuxième alinéa du II bis est ainsi modifié :
– à la fin de la première phrase, les mots : « , ainsi que la conformité de ces avancées au plan de recherche sur les alternatives aux néonicotinoïdes de la filière concernée par un arrêté de dérogation mentionné au deuxième alinéa du II » sont supprimés ;
– les deuxième et troisième phrases sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Il rend des avis dans les conditions prévues au II ter. » ;
e) Le troisième alinéa du même II bis est supprimé ;
f) Après ledit II bis, il est inséré un II ter ainsi rédigé :
« II ter. – Sans préjudice de la nécessité d'obtenir une autorisation de mise sur le marché ou une autorisation accordée dans les conditions prévues à l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précité, un décret peut, à titre exceptionnel, pour faire face à une menace grave compromettant la production agricole, après avis public du conseil de surveillance prévu au II bis du présent article, déroger à l'interdiction d'utilisation des produits mentionnés au II contenant des substances approuvées en application du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précité, ainsi qu'à l'interdiction de l'utilisation des semences traitées avec ces produits, pour un usage déterminé, lorsque les conditions suivantes sont réunies :
« 1° (Supprimé)
« 2° Les alternatives disponibles à l'utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes ;
« 3° Il existe un plan de recherche sur les alternatives à leur utilisation.
« L'avis du conseil de surveillance prévu au premier alinéa du présent II ter porte notamment sur la condition tenant à l'existence d'une menace grave pour la production agricole et sur les conditions mentionnées aux 1° et 2° du présent II ter.
« Lorsque le décret mentionné au premier alinéa du présent II ter a été publié, à l'issue d'une période de trois ans puis chaque année, le conseil de surveillance rend un nouvel avis public sur le point de savoir si lesdites conditions demeurent réunies. Le décret est abrogé sans délai dès lors que l'une de ces conditions n'est plus remplie.
« Dans des conditions définies par le ministre chargé de l'agriculture, le semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d'insectes pollinisateurs sont temporairement interdits, pour une culture non-pérenne, après l'emploi de produits contenant les substances mentionnées au II, y compris l'utilisation de semences traitées avec ces produits.
« Le conseil de surveillance remet chaque année, avant le 15 octobre, au Gouvernement et au Parlement un rapport public relatif à chaque dérogation exceptionnelle qui décrit leurs conséquences, notamment environnementales et économiques, et indique l'état d'avancement du plan de recherche mentionné au 2° du présent II ter, en veillant à ce que soient prévues les modalités de déploiement des solutions alternatives. Il s'appuie sur les données recueillies par le dispositif de surveillance des effets indésirables des produits phytopharmaceutiques prévu à l'article L. 253-8-1. »
g) (nouveau) Le IV est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont interdites à compter du 1er janvier 2026, la production, le stockage et la circulation de substances actives ayant fait l'objet d'un règlement d'exécution portant non-approbation ou non-renouvellement au niveau européen, en application du règlement n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précité, pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement. » ;
3° L'article L. 253-8-3 est abrogé ;
4° La section 6 du chapitre III du titre V du livre II est complétée par un article L. 253-8-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 253-8-4. – I. – (Supprimé)
« II. – Un comité des solutions à la protection des cultures, placé auprès du ministre chargé de l'agriculture, est chargé :
« 1° (nouveau) De recenser les usages, au sein des filières agricoles, pour lesquels des méthodes de lutte contre des organismes nuisibles ou des végétaux indésirables affectant de manière significative la production agricole ne sont pas disponibles ou sont susceptibles de disparaître à brève échéance ;
« 2° De recenser les méthodes de lutte potentielles et leurs perspectives de développement.
« II bis (nouveau). – Outre des représentants des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé, le comité mentionné au II comprend notamment des membres représentant de la production agricole, les chambres d'agriculture et des représentants de la recherche agronomique, dont les instituts techniques agricoles.
« III. – (Supprimé)
« III bis (nouveau). – Les membres mentionnés au II bis sont soumis à l'obligation mentionnée à l'article L. 1451-1 du code de la santé publique.
« IV. – (Supprimé)
« V. – Un décret précise les conditions d'application du présent article, notamment les modalités de fonctionnement et la composition du comité mentionné au I. »
TITRE II
SIMPLIFIER L'ACTIVITÉ DES ÉLEVEURS
Article 3
I. – Le code de l'environnement est ainsi modifié :
1° à 3° (Supprimés)
3° bis L'article L. 181-10-1 est ainsi modifié :
a) Au second alinéa du I, après le mot : « organise », sont insérés les mots : « , après concertation avec le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête, » ;
b) Le 1° du III est ainsi rédigé :
« 1° Dans un délai de quinze jours à compter du début de la consultation, le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête organise une réunion publique d'ouverture avec la participation du pétitionnaire.
« Par dérogation, pour les projets destinés à l'élevage de bovins, de porcs ou de volailles soumis à la procédure d'autorisation environnementale en raison des activités d'élevage, la réunion publique est remplacée par une permanence organisée par le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête. Le pétitionnaire peut néanmoins demander au commissaire enquêteur ou à la commission d'enquête le maintien de l'organisation d'une réunion publique ; »
b bis) Le 4° du même III est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Ces réponses, à l'exception de la réponse à l'avis de l'autorité environnementale, sont facultatives. Les réponses aux observations et aux propositions du public peuvent être transmises et publiées en une fois, au plus tard à la fin de la consultation du public ; »
c) Le 5° dudit III est ainsi rédigé :
« 5° Dans les quinze derniers jours de la consultation du public, le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête organise une réunion publique de clôture, avec la participation du pétitionnaire.
« Par dérogation, pour les projets destinés à l'élevage de bovins, de porcs ou de volailles soumis à la procédure d'autorisation environnementale en raison des activités d'élevage, la réunion publique est remplacée par une permanence organisée par le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête. Le pétitionnaire peut néanmoins demander au commissaire enquêteur ou à la commission d'enquête le maintien de l'organisation d'une réunion publique.
« Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête recueille les observations des parties prenantes jusqu'à la fin de la consultation. » ;
« Les réponses apportées par le pétitionnaire au plus tard lors de la réunion de clôture de la consultation ou le premier jour de la permanence qui lui est substituée, sont réputées faire partie du dossier de demande, de même que les éventuelles modifications consécutives du projet, sous réserve qu'elles n'en modifient pas l'économie générale. » ;
d) (Supprimé)
e) Au premier alinéa du IV, le mot : « clôture » est remplacé par le mot : « fin » ;
4° (Supprimé)
5° L'article L. 512-7 est ainsi modifié :
a) Au second alinéa du I, après le mot : « industrielles », sont insérés les mots : « et aux émissions de l'élevage (prévention et réduction intégrées de la pollution) » ;
b) Après le I bis, il est inséré un I ter ainsi rédigé :
« I ter. – Peuvent également relever du régime de l'enregistrement les installations d'élevage mentionnées à l'annexe I bis de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 précitée, à l'exception des installations destinées à l'élevage intensif énumérées à l'annexe I de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. » ;
6° (Supprimé)
II. – Le 5° du I entre en vigueur à la date de publication de l'acte d'exécution prévu au 2 de l'article 70 decies de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles et aux émissions de l'élevage (prévention et réduction intégrées de la pollution).
III (nouveau). – Le principe de non-régression défini au 9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ne s'oppose pas, en ce qui concerne les élevages bovins, porcins et avicoles, au relèvement des seuils de la nomenclature mentionnée à l'article L. 511-2 du même code.
Les modalités d'application du présent III sont définies par décret en Conseil d'État.
Article 4
I. – L'article L. 361-4-6 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du II est ainsi modifié :
a) Le mot : « assuré » est remplacé par le mot : « exploitant » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque les indices portent sur les prairies, ces informations sont également communiquées au représentant de l'État dans le département concerné. » ;
1° bis (nouveau) Après le même premier alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le représentant de l'État dans le département peut réunir le comité départemental d'expertise mentionné à l'article L. 361-8 en vue de présenter et d'expliquer les résultats des indices et de contribuer à l'analyse des recours.
« Dès lors qu'un nombre de réclamations, précisé par arrêté du représentant de l'État dans le département, est atteint au sein du département, ou à la demande du représentant de l'État dans le département, le comité départemental d'expertise procède à l'évaluation de ces réclamations. Il transmet une synthèse de ses travaux au comité des indices et à la commission mentionnée au premier alinéa du même article L. 361-8.
« Le comité des indices évalue la corrélation entre, d'une part, les résultats de l'application des indices et, d'autre part, des données de terrain relatives à l'évaluation des pertes de récoltes et de cultures pertinentes. Il peut demander à un fournisseur d'indices de lui transmettre les informations utiles à son analyse. Il transmet le résultat de son évaluation à la commission mentionnée au même premier alinéa.
« Lorsque la commission mentionnée audit premier alinéa constate une anomalie majeure dans le fonctionnement ou dans la mise en œuvre opérationnelle d'un indice sur la base de l'évaluation du comité des indices, elle transmet son analyse au ministre chargé de l'agriculture. Le ministre chargé de l'agriculture invite le fournisseur de l'indice à apporter les corrections qui s'imposent aux résultats de l'indice. Il invite l'organisme chargé de verser l'indemnisation à fournir une explication écrite à tous les exploitants concernés par l'anomalie majeure et à leur verser une indemnisation complémentaire le cas échéant, dans le cadre de l'indemnisation de solidarité nationale et des garanties d'assurances. » ;
1° ter (nouveau) À la première phrase du second alinéa du même II, les mots : « chargée de l'orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes mentionnée au premier alinéa de l'article L. 361-8 » sont remplacés par les mots : « mentionnée au même premier alinéa » ;
2° Après le mot : « article », la fin du III est supprimée.
II. – (Supprimé)
III. – L'État met en place un plan pluriannuel de renforcement de l'offre d'assurance contre les risques climatiques en agriculture destinée aux prairies.
Ce plan porte sur l'information régulière des éleveurs quant à l'évaluation de leurs pertes de récoltes éventuelles et le perfectionnement et l'accroissement de la performance de cette évaluation fondée sur des indices, la meilleure intégration de l'ensemble des aléas climatiques dans l'assurance contre les risques climatiques en agriculture destinée aux prairies, la meilleure prise en compte des spécificités présentées par les parcelles comportant des associations de cultures ainsi que la simplification et l'accélération de la procédure de recours contre les évaluations de pertes de récoltes ou de cultures.
Le plan étudie également les moyens d'améliorer la prise en compte de la perte de qualité de l'herbe récoltée dans l'évaluation des pertes.
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre de chaque année, un rapport décrivant le contenu et la mise en œuvre du plan.
IV (nouveau). – Afin de produire des données issues du terrain permettant de fiabiliser les indices utilisés, l'État se donne comme objectif de pérenniser l'existence d'un dispositif de relevé de points d'observation de la pousse de l'herbe dans un réseau de fermes de référence reflétant la diversité des situations pédoclimatiques du territoire.
TITRE III
FACILITER LA CONCILIATION ENTRE LES BESOINS EN EAU DES ACTIVITÉS AGRICOLES ET LA NÉCESSAIRE PROTECTION DE LA RESSOURCE
Article 5
Le code de l'environnement est ainsi modifié :
1° L'article L. 211-1 est ainsi modifié :
a) Après le 5° bis du I, il est inséré un 5° ter ainsi rédigé :
« 5° ter La préservation de l'accès à la ressource en eau aux fins d'abreuvement ; »
b) (Supprimé)
c) (nouveau) Il est ajouté un IV ainsi rédigé :
« IV. – Les études relatives à la gestion quantitative de l'eau prennent en compte les dispositions de l'article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime.
« À cette fin, elles intègrent une analyse des impacts socio-économiques des recommandations formulées en termes de volumes prélevables. Cette analyse porte notamment sur les conséquences pour l'emploi, l'alimentation, l'attractivité rurale et les revenus agricoles. » ;
1° bis Après l'article L. 211-1-1, il est inséré un article L. 211-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-1-2. – Les ouvrages de stockage d'eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés qui poursuivent à titre principal une finalité agricole sont présumés d'intérêt général majeur dans les zones affectées d'un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole lorsqu'ils sont issus d'une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre l'ensemble des usagers, qu'ils s'accompagnent d'un engagement dans des pratiques sobres en eau et qu'ils concourent à un accès à l'eau pour ces usagers. » ;
2° à 6° (Supprimés)
7° Après l'article L. 411-2-1, il est inséré un article L. 411-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 411-2-2. – Sont présumés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2, les ouvrages de stockage d'eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés qui poursuivent à titre principal une finalité agricole dans les zones affectées d'un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole lorsqu'ils résultent d'une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre l'ensemble des usagers, qu'ils s'accompagnent d'un engagement des usagers dans des pratiques sobres en eau et qu'ils concourent à un accès à l'eau pour tous les usagers. »
TITRE IV
MIEUX ACCOMPAGNER LES CONTRÔLES ET DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES AUX SUITES LIÉES AUX INSPECTIONS ET CONTRÔLES EN MATIÈRE AGRICOLE
Article 6
I. – Le livre Ier du code de l'environnement est ainsi modifié :
1° L'article L. 131-9 est ainsi modifié :
a) Au 1° du I, après le mot : « Contribution », sont insérés les mots : « , sous l'autorité du représentant de l'État dans le département, » et, après les mots : « administrative et », sont insérés les mots : « contribution, sous la direction du procureur de la République, à l'exercice des missions » ;
b) Le IV est complété par les mots : « , notamment en approuvant la programmation annuelle des contrôles réalisés dans le cadre de ces missions » ;
c) (Supprimé)
2° À la première phrase du second alinéa de l'article L. 172-16, après le mot : « adressés », sont insérés les mots : « par la voie hiérarchique » ;
3° Le chapitre IV du titre VII est complété par un article L. 174-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 174-3. – I. – Dans le cadre de leurs missions de police de l'environnement définies au présent titre, les inspecteurs de l'environnement mentionnés à l'article L. 172-1 et les agents commissionnés des réserves naturelles nationales, régionales ou de Corse et les gardes du littoral peuvent procéder en tous lieux, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées.
« II. – L'enregistrement n'est pas permanent.
« Les enregistrements ont pour finalités la prévention des incidents au cours des interventions de ces agents, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents.
« III. – Les caméras sont portées de façon apparente par les agents mentionnés au I. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l'enregistrement fait l'objet d'une information des personnes enregistrées, sauf si les circonstances l'interdisent. Une information générale du public sur l'emploi de ces caméras est organisée par les ministères chargés de l'agriculture et de l'environnement.
« IV. – Les agents auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent.
« Les enregistrements audiovisuels, sauf s'ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de trente jours.
« Les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l'intégrité des enregistrements jusqu'à leur effacement et la traçabilité des consultations effectuées dans le cadre de l'intervention.
« Ces enregistrements sont soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment en ce qui concerne le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et le droit d'accès aux enregistrements.
« V. – Les modalités d'application du présent article et d'utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
II. – Le 3° du I entre en vigueur à une date fixée par décret et, au plus tard, un an à compter de la promulgation de la présente loi.
Article 7
Le chapitre VIII du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° À la fin de l'intitulé, les mots : « , notamment dans le cadre de la lutte biologique » sont supprimés ;
2° L'article L. 258-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– la première phrase est ainsi rédigée : « L'entrée sur le territoire ou l'introduction dans l'environnement de macro-organismes utilisés dans le cadre de la lutte autocide ou d'autres macro-organismes non indigènes utiles aux végétaux sont soumises à autorisation préalable. » ;
– à la seconde phrase, les mots : « cet organisme peut » sont remplacés par les mots : « ces macro-organismes peuvent » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– le début de la première phrase est ainsi rédigé : « Par dérogation au premier alinéa, dans le cadre de travaux réalisés de façon confinée et à des fins scientifiques, l'entrée sur le territoire de tels macro-organismes peut… (le reste sans changement). » ;
– à la dernière phrase, les mots : « cet organisme » sont remplacés par les mots : « ces macro-organismes » et, à la fin, les mots : « l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « au même premier alinéa » ;
c) (nouveau) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'introduction dans l'environnement, à des fins de protection des cultures, d'un macro-organisme issu de la technique du forçage génétique ne peut être autorisée dans le cadre de la procédure prévue audit premier alinéa. »
Article 8
I et II. – (Supprimés)
III (nouveau). – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I de l'article L. 250-1, après le mot : « européenne, », sont insérés les mots : « le II de l'article L. 201-4 du présent code, » ;
2° L'article L. 250-3 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « titre, », sont insérés les mots : « du II de l'article L. 201-4, » ;
b) Le mot : « son » est remplacé par le mot : « leur » ;
3° Après l'article L. 250-5, il est inséré un article L. 250-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 250-5-1. – Les agents habilités à procéder à l'inspection et au contrôle en vue d'assurer le respect des mesures édictées en application du présent titre, du II de l'article L. 201-4, des dispositions réglementaires prises pour leur application et des dispositions du droit de l'Union européenne ayant le même objet et les agents de la direction générale des finances publiques peuvent se communiquer toute information de nature à faciliter l'exercice de leurs missions respectives. » ;
4° Au premier alinéa du I de l'article L. 250-9, le montant : « 15 000 € » est remplacé par le montant : « 150 000 € » ;
5° À l'article L. 250-10, après le mot : « titre, », sont insérés les mots : « aux mesures édictées en application du II de l'article L. 201-4, aux dispositions réglementaires prises pour leur application ou aux dispositions du droit de l'Union européenne ayant le même objet, » ;
6° Le premier alinéa de l'article L. 251-9 est supprimé ;
7° L'article L. 251-10 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« L'autorité administrative peut faire exécuter d'office, directement ou dans les conditions prévues à l'article L. 201-13, les mesures édictées en application du présent titre, du II de l'article L. 201-4, des dispositions réglementaires prises pour leur application ou des dispositions du droit de l'Union européenne ayant le même objet que le propriétaire ou le détenteur de végétaux n'a pas exécutées dans les délais prescrits. » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le coût des mesures exécutées en application du premier alinéa du présent article est supporté par le propriétaire ou le détenteur de végétaux. Faute de paiement dans un délai de trois mois, l'autorité administrative procède au recouvrement de la somme avec une majoration de 25 %. » ;
8° Au 1° du II de l'article L. 251-20, les mots : « des articles L. 250-7 ou » sont remplacés par les mots : « de l'article » ;
9° L'article L. 251-22 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La récidive est réprimée conformément aux articles 132-11 et 132-15 du code pénal. » ;
10° Au I de l'article L. 257-12, les mots : « des articles L. 250-7 et » sont remplacés par les mots : « de l'article » ;
11° Le 3° de l'article L. 271-5 est ainsi modifié :
a) Le troisième alinéa est ainsi modifié :
– à la fin de la première phrase, les mots : « et aux dangers phytosanitaires mentionnés aux 1°, 2° et 5° du I de l'article L. 251-3 » sont supprimés ;
– la seconde phrase est supprimée ;
b) Le cinquième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« “II. – L'autorité administrative prend toutes les mesures de prévention, de surveillance ou de lutte relative aux dangers phytosanitaires mentionnés aux 1°, 2° et 5° du I de l'article L. 251-3. Elle peut prendre de telles mesures pour les dangers phytosanitaires mentionnés aux 3° et 6° du même I.
« “Les conditions dans lesquelles sont mises en œuvre les mesures relatives aux dangers phytosanitaires sont précisées par décret en Conseil d'État.” » ;
12° Le 15° de l'article L. 271-7 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « application », la fin du sixième alinéa est ainsi rédigée : « de l'article L. 251-14. » ;
b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« “3° Le fait de ne pas déférer dans le délai imparti à une injonction adressée en application de l'article L. 250-10.” ».
Mme la présidente. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 34, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il tient compte des enjeux environnementaux dans l'aire d'activité de l'utilisateur et propose des modalités de préservation de l'environnement en cas d'utilisation de produits phytopharmaceutiques.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Il s'agit d'un amendement de clarification rédactionnelle concernant l'activité de conseil mentionnée au premier alinéa du présent article.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Cuypers, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Le vote sur l'article 1er, modifié, est réservé.
article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 23
Remplacer la référence :
1°
par la référence :
2°
et la référence :
2°
par la référence :
3°
II. – Alinéa 24
Remplacer le mot :
lesdites
par le mot :
ces
III. – Alinéa 26
Remplacer la référence :
2°
par la référence :
3°
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à corriger des erreurs matérielles contenues dans différents alinéas.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Cuypers, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 39
Remplacer la référence :
I
par la référence :
II
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise, lui aussi, à corriger une erreur matérielle.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Cuypers, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Le vote sur l'article 2, modifié, est réservé.
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements précédemment adoptés par le Sénat, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Laurent Duplomb. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par adresser des remerciements collectifs à tous ceux qui ont aidé à l'élaboration de ce texte.
Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. Comment notre agriculture est-elle devenue un secteur malade, asphyxié par la surabondance de normes, dont l'image est abîmée par un agri-bashing sans limites, un nombre de suicides inadmissibles et l'abandon de nombreux hectares ?
Le déclin de notre agriculture, engagé il y a trente ans, résulte de trois fautes politiques majeures. La première, la plus ancienne, a consisté à inclure les marchés agricoles dans les négociations de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (Gatt), en 1986.
La combinaison de l'accord de Marrakech de 1994, aboutissement de ces négociations, et de la réforme préalable de la politique agricole commune (PAC), en 1992, a constitué un moment de bascule déterminant, à l'origine de trente ans de déclin de la ferme France.
La Commission européenne a profité d'alliances opportunistes avec les syndicats agricoles de gauche, les écologistes et les pays les plus libéraux, pourfendeurs des dépenses agricoles, pour engager de manière précipitée une profonde réforme de la PAC. (M. Yannick Jadot s'exclame.)
Ce moment de notre histoire agricole a complètement inversé le sentiment des agriculteurs français vis-à-vis de la politique agricole commune. Le tour de passe-passe a été perçu par la majorité d'entre eux comme une trahison. Le désamour s'est ensuite amplifié au fil du temps.
La réforme de la PAC en 1992 a évincé progressivement un système d'aides directes, qui devait compenser la totalité des baisses de prix. (M. Jean-Claude Tissot s'exclame.) Or l'Union européenne a progressivement renié ses engagements, passant d'une compensation totale à des compensations de plus en plus partielles.
Il a par la suite été décidé que le versement de ces aides serait lié au respect de nouvelles conditions environnementales, toujours plus nombreuses. De fait, aujourd'hui, après un long processus de détricotage, la PAC est de moins en moins protectrice du revenu agricole, de moins en moins agricole et de moins en moins commune.
Deuxième faute politique : la promotion de l'agroécologie, véritable miroir aux alouettes,…
M. Yannick Jadot. Vous allez les tuer, les alouettes !
M. Laurent Duplomb. … mauvaise graine semée lors du Grenelle de l'environnement, que le gouvernement socialiste suivant a voulu établir comme l'alpha et l'oméga de la politique agricole en 2014, via la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Dans la foulée, en 2019, l'Union européenne s'était engagée dans la même voie avec le Pacte vert et la stratégie Farm to Fork.
L'agroécologie serait, pour ses promoteurs, l'avenir de l'agriculture française, européenne, voire mondiale, une sorte d'auberge espagnole qui rassemble tous les éléments de la paresse intellectuelle et des poncifs anticapitalistes. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Les promoteurs de l'agroécologie, forts de leurs certitudes agronomiques et environnementales, considérant l'économie comme une variable d'ajustement, n'ont que du mépris pour les « minables réactionnaires productivistes » qui osent parler d'économie.
Aussi, les agroécologistes affirment, contre toute réalité, que l'ensemble des études montrent combien l'agroécologie protège le revenu des agriculteurs. Or les experts du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) soulignent, dans un rapport de 2023 consacré aux arbitrages entre biodiversité et souveraineté alimentaire, qu'aucune certitude ne peut être établie. (M. Daniel Salmon s'exclame.)
Ce concept, lancé et développé avec insuffisamment de précautions, a été un choix politique approximatif, mal évalué, et dont les agriculteurs payent le prix aujourd'hui. L'écologisation de tous les débats, y compris en matière agricole, conduit malheureusement à leur simplification outrancière, empêchant tout débat.
La science est diverse, de plus en plus compartimentée et « anéconomique », portée par un agenda politique anti-économique où se croisent anticapitalisme, malthusianisme et antilibéralisme. (M. Yannick Jadot s'exclame.)
Beaucoup de promoteurs de l'agroécologie se satisferaient bien d'une liquidation de notre agriculture, pour des raisons environnementales.
Comme le disait Charles Péguy, « le kantisme a les mains pures, mais il n'a pas de mains ». Autrement dit, si nous continuons dans cette voie, nous aurons une agriculture propre, certes, mais nous n'aurons plus d'agriculture du tout. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Troisième faute : le dogme de la montée en gamme, promu à partir de 2017, a fait reculer la compétitivité de la ferme France. Pour l'agriculture française, comme pour celle des autres pays européens, exporter, c'est être en compétition avec d'autres agricultures. C'est aussi, sur notre marché national, pouvoir produire à des coûts suffisamment bas pour éviter l'importation massive de produits étrangers.
Or notre compétitivité agricole s'est fortement dégradée au cours des dernières décennies. Le Sénat s'est penché sur cette question en 2022 et sa conclusion est sans appel : la stratégie des pouvoirs publics pousse les agriculteurs dans l'impasse.
Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue !
M. Laurent Duplomb. Dans ce contexte, le choix de la montée en gamme, clairement affirmé par le président Macron en 2017, dans son discours à Rungis, à l'occasion de la clôture des États généraux de l'agriculture et de l'alimentation, a été une erreur. (Marques d'impatience sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. Je vous demande de conclure !
M. Laurent Duplomb. Pensée par ceux qui n'ont pas de fins de mois difficiles, cette stratégie n'est pas au service des plus modestes, qui sont voués progressivement à se nourrir de produits importés plus compétitifs et moins chers. (C'est fini ! sur des travées des groupes GEST et SER.)
Plusieurs voix à gauche. C'est fini !
M. Laurent Duplomb. Alors, changeons de modèle et soutenons l'agriculture française ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commission.)
Mme la présidente. Je vous demande à tous de bien vouloir respecter le temps de parole qui vous est imparti.
La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après plusieurs mois de discussions, nous arrivons au terme de l'examen de la proposition de loi de notre collègue Laurent Duplomb. Nous franchissons une étape importante tant ce texte est attendu par nos agriculteurs, qui demandent depuis longtemps des réponses concrètes à leurs difficultés.
Sur le terrain, nous voyons tous que les agriculteurs n'en peuvent plus des règles plus strictes celles qui sont imposées à l'échelon européen, du manque de solutions de substitution aux produits interdits ou encore des complexités administratives. Le présent texte vise justement à leur apporter des réponses claires, pratiques et responsables.
L'article 1er revient sur la séparation des activités de vente et de conseil des produits phytopharmaceutiques, une mesure peu efficace et contradictoire. Les distributeurs pourront désormais réaliser des activités de conseil, en plus de leurs activités de vente.
L'article 2, issu des travaux de la commission mixte paritaire, n'a pas réintroduit la possibilité accordée au ministre de l'agriculture de suspendre, dans certaines conditions, une décision de l'Anses portant sur l'homologation de produits phytopharmaceutiques. La CMP a créé un comité des solutions à la protection des cultures, qui permettra non seulement de suivre la disponibilité des méthodes et des moyens de protection des cultures chimiques et non chimiques, mais aussi de donner un avis sur les priorités attendues par les filières concernant leurs usages.
Cette solution équilibrée et mesurée semble bien loin des caricatures entendues dans les médias ces derniers jours, annonçant même une mise sous tutelle de l'Anses !
Le texte ne réintroduit pas non plus les néonicotinoïdes, contrairement à ce que nous avons entendu un peu partout récemment. Il autorise seulement l'utilisation d'acétamipride, après avis du conseil de surveillance, pour certaines cultures qui n'ont aujourd'hui que peu de solutions de remplacement. L'acétamipride faisait l'objet d'une interdiction franco-française qui, dans les faits, pénalisait nos agriculteurs par rapport à leurs voisins européens.
L'autorisation vaudra pour une période de trois ans, avant d'être éventuellement renouvelée, année après année, en attendant une solution viable pour nos agriculteurs.
M. Jean-Claude Tissot. Il en existe déjà !
Mme Patricia Schillinger. Il convient de le rappeler, les agriculteurs n'utilisent pas ces produits par plaisir. Nous devons donc continuer d'investir dans la recherche.
Une autre mesure très attendue par nos agriculteurs réside dans la reconnaissance d'intérêt général majeur des ouvrages ayant vocation à prélever et à stocker de l'eau à des fins agricoles. Encore une fois, l'article 2 n'est pas une porte ouverte aux mégabassines dans tous les territoires, contrairement à ce que certains affirment.
Cette mesure sera réservée uniquement aux zones affectées d'un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole.
Depuis plusieurs mois, nous avons voté divers textes en matière d'agriculture, mais c'est celui-ci qui aura le plus d'impact, à court terme, pour nos agriculteurs. Cette proposition de loi préserve l'avenir de notre agriculture et va dans le sens de la sauvegarde de notre souveraineté alimentaire.
Face au dogmatisme et aux facilités de certains partis politiques, ce texte de bon sens…
M. Daniel Salmon. Le bon sens ? On voit où il nous mène !
Mme Patricia Schillinger. … répondra à plusieurs attentes du terrain, sans rien céder à la déraison.
Sur ces sujets, nous devrons également veiller à ce que les agriculteurs soient soumis aux mêmes règles du jeu, partout en Europe, sans risquer une concurrence déloyale.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe RDPI votera majoritairement en faveur de ce texte, mais il restera vigilant sur son application. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sans remettre en cause son fondement ni tomber dans la surenchère ou le renoncement, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a su tirer le meilleur d'une navette parlementaire pour le moins mouvementée.
À ce titre, les discussions en commission mixte paritaire se sont déroulées avec la bienveillance, le respect et l'écoute chers à notre chambre.
Mon groupe, qui, dans le débat et la recherche de compromis, au-delà des clivages partisans, voit la célébration de notre intérêt général, n'a pu que déplorer l'absence de discussion en séance publique à l'Assemblée nationale. C'est bien l'illustration de notre échec à tous de faire de la démocratie parlementaire le rempart contre les populismes, les dogmatiques et les électoralismes.
Cette proposition de loi cherche avant tout à mettre fin à la marginalisation de nos agriculteurs et à leur apporter davantage de justice sociale, pour qu'ils puissent enfin bénéficier des mêmes règles que leurs homologues européens. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
À cet égard, ne dramatisons pas le message selon lequel ce texte marquerait le retour des néonicotinoïdes sur notre sol. Il est bien question d'autoriser l'acétamipride, mais il s'agit d'un simple droit dérogatoire, encadré par plusieurs garde-fous, et non d'une norme.
D'ailleurs, à ceux qui déclarent que cette dérogation est au service de l'agro-industrie et qu'elle exacerbe les clivages entre les modèles agricoles, je rappellerai, comme l'a souligné Mme la ministre, que l'Anses n'a jamais retiré l'autorisation de mise sur le marché de l'acétamipride. C'est notre vote à nous, parlementaires, voilà sept ans, qui a interdit l'usage de produits à base de néonicotinoïdes. Comme d'habitude, nous avons pris cette décision sans en évaluer les conséquences concrètes, laissant ainsi des filières sans solution.
Mme Annie Genevard, ministre. Exactement !
M. Henri Cabanel. Nous cherchons non pas à opposer les filières les unes aux autres, mais à trouver le juste compromis, afin qu'aucune agriculture ne soit laissée au bord du chemin. Le RDSE est toujours dans la nuance et cherche le bon équilibre entre économie, environnement et santé.
Mon groupe se satisfait que certaines lignes rouges franchies au départ – je pense notamment à la mise sous tutelle de l'Anses et à la révision de la définition des zones humides – ne soient plus présentes dans la version finale du texte, grâce au travail de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, que je tiens à saluer.
L'Anses a besoin de mener ses travaux de manière indépendante et sereine. Cette indépendance garantit à la fois la rigueur scientifique de ses décisions et sa crédibilité.
N'oublions pas que nos agences de sécurité sanitaire ont été mises en place après plusieurs crises de grande ampleur – amiante, sang contaminé, vache folle –, qui ont toutes montré la nécessité de structurer une expertise scientifique capable d'évaluer les risques, d'éclairer et de protéger la décision publique en matière sanitaire.
Ne nous y trompons pas, la défiance envers les institutions scientifiques a toujours nourri les crises sanitaires, les polémiques et, in fine, l'impuissance publique. C'est pourquoi notre priorité doit être de réaffirmer le rôle central de l'Anses et de garantir son indépendance.
Alors que la France est confrontée à une canicule depuis plusieurs jours, nous ne pouvons continuer à opposer productivité et transition vers l'agroécologie, quand des solutions existent pour les faire converger.
C'est la raison pour laquelle je regrette que la commission mixte paritaire n'ait pas souhaité conditionner l'accès des exploitations aux réserves d'irrigation agricole à la réalisation préalable d'un diagnostic permettant une évaluation de l'état de fertilité des sols.
Favoriser le développement des bassines, c'est apporter une réponse à court terme ; c'est aussi reporter les véritables changements structurels auxquels notre agriculture devra se confronter.
Madame la ministre, je terminerai cette explication de vote par un message : ce texte bienvenu doit aider notre agriculture à se relever et à sortir des impasses dans lesquelles nous l'avons entraînée. Mon groupe votera majoritairement en sa faveur.
Toutefois, là encore, dans un contexte de perte d'attractivité des professions agricoles, nous oublions des éléments importants : l'accès au foncier agricole et le revenu.
Je ne peux terminer mon propos sans évoquer notre viticulture. Aux côtés de Daniel Laurent et Sébastien Pla, je suis rapporteur de la mission d'information sur l'avenir de la filière viticole française. Nous vous ferons part de nos propositions, une fois notre travail achevé.
La rentrée de septembre, juste après les vendanges, s'annonce explosive. Il faudra alors avoir le courage de prendre les bonnes décisions, en responsabilisant les professionnels viticoles et en conditionnant les aides publiques qui seront nécessaires.
Ne donnons plus un seul euro sans contrepartie. Vous pouvez nous faire confiance pour formuler des propositions en ce sens. J'espère, en retour, que nous pourrons compter sur vous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Franck Menonville. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, aujourd'hui est un grand jour pour notre agriculture et pour nos agriculteurs.
Nous sommes réunis parce que la CMP qui s'est tenue lundi sur la proposition de loi que nous défendons depuis l'automne dernier avec Laurent Duplomb s'est révélée conclusive.
Nous avons travaillé de concert ces derniers mois. Notre mission était simple : redonner aux agriculteurs les moyens de produire et de restaurer leur compétitivité. Notre boussole était claire : il n'est pas de souveraineté nationale sans souveraineté alimentaire.
Cette bataille ne fut pas facile et les pressions furent nombreuses. Notre parcours a été semé d'embûches, n'est-ce pas, mon cher Laurent Duplomb ?
Je tiens à vous remercier, madame la ministre, ma chère Annie Genevard, de votre écoute, de votre soutien, de votre détermination et de la qualité de nos échanges.
Je salue également votre volonté de tenir vos engagements, ainsi que ceux de vos prédécesseurs, notamment au travers du budget pour 2025 et de ses allègements de charges, dans le cadre non seulement de l'examen de la loi du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture (LOA), que j'ai rapportée au Sénat avec Laurent Duplomb, mais aussi du présent texte.
Je vous remercie aussi, madame la présidente de la commission des affaires économiques, ma chère Dominique Estrosi Sassone, de la confiance que vous nous avez témoignée tout au long des discussions et de votre rôle déterminant lors de la CMP.
Je tiens à remercier nos rapporteurs, en particulier Pierre Cuypers, pour le travail de longue haleine qu'il a mené avec beaucoup de patience et de conviction durant ces semaines de négociations avec l'Assemblée nationale, dont nous savons combien elles furent difficiles.
Les négociations dans le cadre de la CMP ont donc eu pour point de départ le texte adopté par le Sénat, en raison de la motion de rejet votée par l'Assemblée nationale.
Ce texte avait toutefois déjà maturé depuis sa mouture initiale, en commission et en séance ; il a continué d'être enrichi par les débats en commission à l'Assemblée nationale. C'est pourquoi nous avons choisi de faire droit, en CMP, aux suggestions de nos collègues députés Julien Dive, Marc Fesneau, Jean-Luc Fugit et Stéphane Travert, à chaque fois que cela nous semblait compatible avec l'esprit initial de notre proposition de loi : diminuer les contraintes pesant sur nos agriculteurs.
Soyez rassurés, mes chers collègues, la version de compromis qui vous est soumise n'a aucunement restreint la portée de ce texte. N'en déplaise à ses détracteurs, celui-ci est très attendu par le monde agricole.
Il apporte des réponses concrètes aux mobilisations de 2023 et 2024 ; il impulse le choc de simplification, de compétitivité et de liberté dont nos agriculteurs ont tant besoin ; il allège les contraintes qui pèsent sur eux et les asphyxient au quotidien ; il lutte contre les surtranspositions franco-françaises, sources de concurrence déloyale intra-européenne ; il rétablit le nécessaire équilibre entre compétitivité agricole et exigences environnementales ; il érige l'activité agricole en priorité nationale ; il vient, enfin, compléter les dispositions de la LOA.
Ce texte constitue donc un signal fort de notre volonté de réarmer la compétitivité de notre agriculture et d'enrayer le déclin de la ferme France ; il octroie à nos agriculteurs les mêmes moyens que ceux dont bénéficient les agriculteurs de nos partenaires européens et offre des solutions à des filières qui se trouvent dans l'impasse.
Ce combat ne doit pas se limiter à la seule agriculture, il doit s'étendre à l'ensemble des secteurs de notre économie. La France, pour retrouver sa performance économique, a besoin d'un choc de compétitivité, d'un choc de simplification et d'un choc de liberté. Notre agriculture est un fleuron qui doit contribuer au rayonnement de notre pays.
Vous le savez, cette proposition de loi est pour moi l'expression d'une conviction profonde. Elle traduit l'idée que c'est depuis nos territoires, au nom de l'intérêt national et dans un cadre européen, que notre agriculture peut et doit nourrir nos concitoyens, garantir notre souveraineté alimentaire et répondre aux défis démographiques et climatiques, dans un contexte géopolitique toujours plus incertain.
Le mot de la fin est pour vous, mon cher Laurent Duplomb. Je tiens à dire le plaisir qui fut le mien de travailler à vos côtés et aux côtés de Pierre Cuypers, notre rapporteur. Nos personnalités sont différentes, mais complémentaires, et nous sommes animés par une même volonté d'œuvrer en faveur de notre pays et de son agriculture.
En conclusion, les membres du groupe Union Centriste, et son président, Hervé Marseille, que je remercie de sa confiance, voteront bien évidemment ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que l'Assemblée nationale a voté une motion de rejet préalable du texte, la CMP est parvenue à un accord entre sénateurs et députés.
Curieux exercice démocratique que de confier à quatorze parlementaires, sur neuf cent vingt-cinq, le soin de configurer une proposition de loi pour, nous dit-on, « libérer » le métier d'agriculteur.
Curieux exercice démocratique que de confier à une CMP la charge d'aboutir à un texte quand les députés ont fait valoir une motion de rejet préalable.
Curieux exercice démocratique, enfin, que d'inclure dans les versions originelles de ce texte, comme de la LOA, des dispositions dont on connaît le caractère inconstitutionnel. J'en veux pour preuve cet article qui inscrivait dans la loi le caractère peu grave d'une atteinte à l'environnement si l'acte était réputé involontaire.
Un seul point de satisfaction, cependant : le retrait de l'encadrement des compétences de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail en matière d'autorisation de produits phytosanitaires.
Maigre consolation, toutefois, car la nouvelle version de la loi ressemble à peu de choses près au texte initial, les principaux articles qui font débat ayant été maintenus.
Dire qu'une telle procédure est légale et permet d'imposer un texte qui, au fond, ne recueille un soutien majoritaire qu'au Sénat ! La majorité sénatoriale disposant de la majorité politique en CMP, le tour de passe-passe est aisé.
M. Rémy Pointereau. C'est la Constitution !
M. Gérard Lahellec. Je ne suis pas certain que cela corresponde à l'esprit de nos institutions, de notre Constitution, ni au respect du bicamérisme.
M. Jean-Jacques Panunzi. C'est conforme à la Constitution, donc à son esprit !
M. Gérard Lahellec. Par l'instrumentalisation de telles procédures, nous ne réhabiliterons pas la vie politique dans notre pays ; il ne faudra dès lors pas s'étonner, demain, des commentaires démagogiques qui nous concerneront tous.
Certes, nos agriculteurs n'en peuvent plus. Lorsque les crises qu'ils subissent les conduisent dans une impasse, comment ne pas comprendre que toutes les procédures et autres paperasseries qu'on leur impose les exaspèrent ?
Il est facile, dès lors, de s'en prendre aux normes, aux administrations, aux fonctionnaires, à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inraé) ou à l'Anses, plus facile que de s'attaquer aux causes réelles de cette situation de crise.
Un chiffre suffit à l'illustrer : la décapitalisation de nos cheptels laitiers et allaitants a fait perdre en sept ans quelque 409 000 têtes au cheptel français. Dans mon seul département des Côtes-d'Armor, entre 2023 et 2024, en un an seulement, la production laitière a chuté de 10 millions de litres.
Il importe de prendre en compte l'ensemble de ces difficultés dans un débat ouvert sur la sécurité économique qu'il faut leur garantir. Nous aurions d'ailleurs pu prolonger les propos de notre collègue Laurent Duplomb lorsqu'il évoquait la réforme de la PAC de 1992, dont nous mesurons encore aujourd'hui les conséquences.
Cette proposition de loi reste donc à contre-courant, car pour défendre la pérennité d'une agriculture de production, il nous faudra une grande ambition publique en matière de recherche, ainsi que des préconisations et des garanties solides pour notre santé.
Je songe, par exemple, à ce fourrage miraculeux qu'est le maïs. Nous savons qu'il s'agit d'une plante facile et commode, mais dont le grand inconvénient est d'être gourmande en eau durant les périodes sèches. Il faudra donc envisager progressivement des cultures de substitution, sans pour autant rompre le fonctionnement de la filière. Il nous faut prendre à bras-le-corps ces grands défis ; nous aurons besoin pour cela de recherche et d'expérimentation, d'expertise technique, sanitaire et agroécologique.
La version du texte qui nous est soumise instaure une forme de déréglementation des normes pour nous aligner sur la situation d'autres pays moins-disants, pas seulement sur le plan écologique, mais aussi sur les plans social et environnemental.
Ce sont là autant de raisons qui nous conduisent à voter contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Yannick Jadot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 2020, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) avait lancé une enquête auprès des parlementaires, dont il ressortait que 20 % d'entre eux considéraient que les scientifiques exagèrent les risques du changement climatique.
À droite, c'était un véritable tsunami : 44 % des parlementaires, soit près d'un sur deux, jugeaient que la science exagère.
M. Roger Karoutchi. Ah oui !
M. Yannick Jadot. Seulement 28 % des parlementaires de droite estimaient alors que le réchauffement climatique était une certitude scientifique, d'origine humaine, et que les désordres du climat étaient causés par l'effet de serre. Il s'agit là des fondements scientifiques de nos débats !
C'était en 2020. En 2025, avec 143 parlementaires d'extrême droite à l'Assemblée nationale, j'ose à peine imaginer quel serait le résultat d'une telle enquête auprès de ces partenaires de votre régression écologique. Je suis d'avance terrifié à la perspective d'une étude qui chercherait à établir votre perception du lien entre pesticides et santé. Au pays de Descartes et de Pasteur, comment accepter un tel recul de la raison, une telle négation de la science ?
Cette loi que vous vous apprêtez à voter est en vérité une loi trumpiste, (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) faite de déni scientifique et de rupture démocratique.
Oui, une loi de déni scientifique, lorsque vous réautorisez des pesticides interdits en niant leurs effets dramatiques sur la santé. Les néonicotinoïdes ne sont pas seulement des tueurs de pollinisateurs, dont dépendent 84 % des espèces végétales cultivées en Europe. Leurs conséquences sur la santé humaine, et d'abord sur celle des agriculteurs, sont établies : cancer de la prostate, lymphome, cancers pédiatriques, maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson, infections pulmonaires… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
D'ailleurs, votre réaction à propos de ces maladies en dit long. Et dire que nous entendions tout à l'heure un ministre de la santé affirmer qu'il n'y a pas de certitude sur les dégâts des pesticides sur la santé !
M. Rémy Pointereau. Il a raison !
M. Yannick Jadot. Vous vous inscrivez bien dans cette logique antiscience : des milliers de scientifiques et d'experts établissent ce lien et vous le niez. Merci de cette confirmation ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Déni scientifique, encore, lorsque vous attaquez la science et ses institutions, comme l'Anses et l'Inraé. Vous avez échoué, cette fois-ci, à soumettre leur agenda de travail aux intérêts de l'agrochimie, mais jusqu'à quand ? Vous avez humilié, mais échoué à saborder l'Office français de la biodiversité. Jusqu'à quand ?
M. Jean-Jacques Panunzi. Cela ne tardera plus !
M. Yannick Jadot. Madame la ministre, mes chers collègues, avec les mêmes arguments que ceux que vous brandissez sans cesse ici et à l'Assemblée nationale, vos prédécesseurs ont retardé l'interdiction du chlordécone et de l'amiante. Combien de morts depuis lors ? Combien de malades ? Combien de vies brisées ?
Ne soyez pas trop vite rassurés au motif qu'aucun responsable politique n'a jamais été condamné pour les décisions prises à l'époque. Les malades ne vous pardonneront pas et vous devrez rendre des comptes.
Et je ne parle pas des mégabassines en pleine canicule, en pleine sécheresse. (Exclamations sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.) Il n'y a pas d'eau magique, une eau qui existerait comme par enchantement et que l'on pourrait ponctionner parce qu'elle ne servirait ni pour les écosystèmes, ni pour l'eau potable. Cela n'existe pas. Ces mégabassines ne sont construites en outre que pour quelques dizaines d'irrigants.
Je ne parle pas des fermes-usines, bâties sans évaluation sanitaire et environnementale, pour à peine 3 % des éleveurs. À chaque fois, vos mesures profitent à une petite minorité de la profession, mais servent d'abord l'agro-industrie, l'agrochimie et l'agroalimentaire, au détriment de tous les autres.
Quel mépris, pardon, pour les paysans qui souffrent de revenus indignes, au nom desquels vous prétendez parler, mais qu'aucune mesure de cette loi ne vient aider ou soulager ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Pensez-vous sérieusement que le déni climatique et sanitaire va les aider, eux qui en sont les premières victimes ?
Quelle sera la prochaine étape ? Comme Donald Trump, interdirez-vous dans les documents officiels concernant l'agriculture les mots « cancer », « lymphome », « Parkinson », « suicide », « pollution », « souffrance animale » ou « agroécologie » ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mes chers collègues, cette loi est une loi de rupture démocratique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Rien que ça !
M. Yannick Jadot. Les Français veulent une agriculture nourricière et de qualité, avec de nombreux paysans, une agriculture en accord avec la nature. Vous leur proposez la concentration, l'agrandissement, la chimie, l'obscurantisme scientifique, une agriculture contre la nature.
Combien de temps croyez-vous pouvoir encore bénéficier de leur soutien indéfectible ?
Vous avez choisi cette loi. Vous avez choisi de courir après l'extrême droite et la Coordination rurale. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous avez choisi de renforcer un modèle qui élimine 100 000 fermes par décennie. C'est votre modèle, celui qui laisse les agriculteurs sur le carreau, un modèle qui empoisonne les sols, l'eau et les organismes (Mêmes mouvements.).
Mme la présidente. Un peu de silence !
Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Yannick Jadot. Alors, pour une minorité, pour l'agro-industrie, pour l'agrochimie et pour l'agroalimentaire, vous boirez le champagne ce soir,…
Mme la présidente. Merci, mon cher collègue, c'est terminé.
M. Yannick Jadot. … mais tous les autres auront la gueule de bois ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Jean-Claude Tissot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sans surprise, et conformément aux positions que nous avons tenues tout au long du débat, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne votera pas la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous ne voterons pas ce texte, car il n'est qu'un leurre, une illusion de réponse à un problème réel.
Personne ne peut nier la crise structurelle que traverse l'agriculture française. De nombreux paysans ne parviennent pas à vivre de leur travail, la mondialisation déloyale met à mal plusieurs de nos filières et le changement climatique bouleverse les méthodes de production.
Je le déplore, mais ce texte n'améliorera en aucun cas les conditions de vie des agriculteurs. Rien, dans ses dispositions, ne garantit un revenu digne. Alors qu'il conviendrait de revoir les aides de la PAC et leurs modalités d'attribution, de mettre en place des clauses miroirs ou de réformer le foncier, il n'en est rien.
Le monde paysan ne mérite pas que l'on se serve de lui et de sa colère pour satisfaire les souhaits de l'ultraproductivisme chimique. (M. Laurent Burgoa s'esclaffe.)
L'argument fondé sur le mythe du « bon sens paysan », selon lequel les agriculteurs seraient les seuls à savoir ce qui est bon ou ne l'est pas, ne tient pas. Les slogans du type « Fichez-nous la paix ! » sont des cartes d'immunité faciles et simplistes qui noient le débat.
Ne nous faites pas passer pour ceux qui stigmatiseraient les agriculteurs : j'en ai été un, vous le savez, je connais la réalité du métier, ses difficultés, les satisfactions qu'il procure et les contraintes qu'il engendre. C'est un beau métier, exercé par des professionnels dévoués, mais le bon sens paysan n'existe pas. Dès lors, il faut élargir le débat.
L'idée selon laquelle ce texte ne concernerait que les agriculteurs est tout aussi fausse. Le débat agricole doit être un débat citoyen. Le monde paysan ne représente que 5 % des Français ; en ce sens, je ne peux me résoudre à ce qu'un seul syndicat et ses relais dictent leur vision à la société. L'agriculture est la clef de notre alimentation, de notre santé, de nos paysages, de notre biodiversité et de notre eau. Pour toutes ces raisons, chacun doit y prendre sa part.
Le plus dramatique dans cette initiative législative tient au danger majeur qu'elle représente pour l'environnement et la santé publique.
Ces derniers jours, des rassemblements d'opposition ont eu lieu dans toute la France. Peut-être ont-ils eu moins de résonance médiatique du fait qu'aucune permanence parlementaire n'ait été cassée ? Ils sont tout au moins des exemples criants de l'opposition de la société à ce projet. Personne ne veut le retour des pesticides.
Ce texte n'apporte pas de bonnes réponses ; pis, il contribuera à enfoncer un peu plus l'agriculture dans un modèle dépassé, incapable d'assurer sa viabilité à long terme. Ses dispositions consacrent une agriculture du passé, ultraproductiviste, chimique et tournée vers le gigantisme.
Sur le fond, nous ne distinguons que peu de motifs de satisfaction, pour ne pas dire aucun.
M. Laurent Duplomb. On a compris !
M. Jean-Claude Tissot. L'Anses échappe pour l'heure à une réforme qui l'aurait obligée à prioriser les homologations de produits phytosanitaires sur la base de critères économiques, mais la simple tentative d'affaiblir son indépendance témoigne de l'esprit général de ce texte.
Cette proposition de loi n'est qu'une succession de dispositions toxiques et rétrogrades : réautorisation des néonicotinoïdes, assouplissement des règles encadrant l'usage des pesticides, simplification du régime d'autorisation environnementale pour les élevages industriels, déclaration d'intérêt général majeur pour les mégabassines.
M. Vincent Louault. Bravo !
M. Jean-Claude Tissot. À ce stade avancé des débats, je souhaite relever des croyances qui ont été largement mises en avant, à commencer par le mythe de l'unité du monde agricole. Il a été insinué à plusieurs reprises que l'ensemble des agriculteurs souhaiteraient ce texte, ainsi que le retour des pesticides et des néonicotinoïdes.
M. Laurent Duplomb. Pas ceux de la Confédération paysanne, mais s'agit-il encore d'un syndicat agricole ?
M. Jean-Claude Tissot. C'est faux et archifaux. Ayez le courage de reconnaître que ce texte ne sert les intérêts que d'une minorité. Un pan entier de la profession s'insurge, mais celui-ci n'est ni considéré ni écouté.
Nous ne cessons de le répéter, et je l'ai encore fait cette après-midi en séance de questions d'actualité au Gouvernement, l'exposition aux pesticides est associée à la survenue de cancers chez les adultes comme chez les enfants, de maladies pulmonaires et de maladies neurodégénératives.
L'exposition des femmes enceintes est associée à une baisse du quotient intellectuel des nouveau-nés. Nous savons désormais que ces produits peuvent même être retrouvés dans l'eau de pluie, comme cela a été prouvé au Japon.
Chacun est libre d'interpréter les données scientifiques, c'est vrai, mais l'interprétation que certains d'entre vous font de ces faits vous responsabilise pour l'avenir : personne ne pourra dire qu'il ne savait pas, personne ne pourra dire que nous n'avions pas le recul nécessaire.
Dans dix, vingt ou trente ans, quand des générations entières subiront cancers et infertilité, vous serez les responsables. Vous devrez regarder vos enfants et vos petits-enfants dans les yeux et vous expliquer. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce n'est qu'une maigre consolation, mais, de notre côté, nous aurons notre conscience pour nous et nous aurons fait notre travail.
Un autre chemin est possible pour l'agriculture, soyez-en convaincus. Donnons-nous les moyens de changer de modèle et d'acter la transition agroécologique.
Comme je l'indiquais au début de mon propos, notre groupe votera résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Rémy Pointereau applaudit également.)
M. Vincent Louault. Et maintenant, un peu de tempérance ! (Sourires sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 1er novembre 2024, MM. Laurent Duplomb et Franck Menonville ont déposé leur texte pour tenter de répondre à la colère des agriculteurs. Je les en remercie.
Malgré les excès de la première version, je les ai rejoints après qu'ils ont accepté d'en modifier le titre, passant de la « lutte contre les entraves » à la nécessité de « lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur ».
Nous sommes partis bien seuls, pour finir avec au moins 180 cosignataires dans cette assemblée, qui nous ont fait confiance. Nous avons enfin reconnu la nécessité de nous saisir de cette occasion de réaliser des avancées juridiques pour améliorer et sauver nos filières françaises.
Que de chemin parcouru, mes chers collègues ! C'est une illustration du travail parlementaire et de notre capacité à travailler en bonne intelligence.
Ce texte apporte des solutions nécessaires, pragmatiques, strictement encadrées et mesurées. Il représente la prise de conscience de la difficulté de revenir sur des interdictions idéologiques, comme l'a rappelé madame la ministre, amplifiées par une instrumentalisation politique dont le seul objectif est de sauver des sièges électoraux. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
M. Yannick Jadot. Ce serait beaucoup plus facile en se rangeant du côté de la FNSEA, je vous le promets !
M. Vincent Louault. Les marchands de peur ont réussi à détourner l'opinion publique du vrai problème : dans dix ans, nous n'aurons plus assez d'agriculteurs pour nourrir les Français avec des produits sains et durables.
L'instrumentalisation politique, c'est faire croire que nous, agriculteurs, ne souhaitons pas un monde meilleur pour nos enfants. Imaginez dire à des gens qui vivent par et pour leur environnement qu'ils sont de méchants pollueurs, voire, comme nous l'avons entendu tout à l'heure, des assassins ! Il faut mettre un terme à ces caricatures !
Nous partageons tous le même constat concernant l'environnement, et les agriculteurs sont les premiers confrontés au changement climatique.
M. Daniel Salmon. Et au cancer !
M. Vincent Louault. Oui, nous voulons tous que nos enfants vivent dans un monde meilleur.
Pour autant, une ambition largement partagée ne peut se traduire par des interdictions guidées par l'émotion, par un détournement des études scientifiques à des fins politiques, et ce sans aucune étude d'impact socio-économique.
M. Jean-Claude Tissot. Et les scientifiques ?
M. Vincent Louault. Si nous n'avons plus d'agriculteurs, nos enfants vivront d'une nourriture massivement importée d'Asie ou d'Amérique du Sud, qui sont bien loin, pour le coup, de respecter nos normes environnementales.
Une telle ambition ne peut non plus se traduire par le blocage de toute innovation. Tous les jours, nous entendons vos peurs : peur des drones, peur des nouvelles technologies génomiques (NGT)… De votre côté de l'hémicycle, mes chers collègues de gauche, on a peur de tout !
M. Laurent Duplomb. Mais nous, nous n'avons pas peur de vous !
M. Vincent Louault. Qu'est-ce que l'interdiction idéologique ? C'est interdire aux agriculteurs d'utiliser des néonicotinoïdes, alors que leur usage dans les colliers pour chiens et chats ou pour tuer les punaises de lit et les fourmis ne dérange personne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) ; c'est interdire l'utilisation des drones en agriculture, mais les autoriser autour des villes pour protéger les populations des moustiques-tigres, sans parler des hélicoptères sur les zones humides du sud de la France ; c'est interdire l'utilisation des NGT, alors que l'on se félicite d'un prix Nobel pour la découverte du ciseau génétique ; c'est, enfin, interdire le stockage de l'eau, dire que les étangs sont des mégabassines…
M. Daniel Salmon. C'est une blague !
M. Vincent Louault. … et prétendre que stocker, c'est accaparer, alors même qu'il faudrait encourager l'installation de récupérateurs d'eau de pluie chez les particuliers.
Amalgames, excès, idéologie de la décroissance… Les agriculteurs n'en peuvent plus de toutes vos incohérences. Ils n'en peuvent plus de passer pour des méchants, alors qu'ils ont choisi ce métier pour le sens qu'il porte et non pour l'argent,…
M. Daniel Salmon. Nous aussi !
M. Vincent Louault. … pour vivre avec et pour la nature, dans le seul but d'assurer la sécurité alimentaire de ce pays.
Aujourd'hui, je vous remercie, mes chers collègues, de nous faire confiance. Je n'ai pas honte, bien au contraire, d'avoir participé à l'élaboration de ce texte.
En ma qualité de sénateur et d'agriculteur, il était de mon droit de travailler sur cette proposition de loi, n'en déplaise à certains. Imaginez les travaux parlementaires sur les textes relatifs à la justice sans la participation des sénateurs avocats, ou les débats sur la médecine ou la fin de vie sans la réflexion des sénateurs médecins.
Cessons de tout caricaturer et arrêtons, une bonne fois pour toutes, d'opposer agriculture et environnement. Nous avons entendu toutes ces âneries !
Mes chers collègues, je ne peux conclure mon propos sans saluer Mme la ministre de l'agriculture. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes GEST et SER. – Applaudissement sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cela vous fait mal, mais ce n'est pas grave ! Son courage et sa constante liberté de parole n'ont pas toujours été faciles à tenir face à certains membres du Gouvernement.
M. Daniel Salmon. C'était la liberté de porter la parole de la FNSEA !
M. Vincent Louault. Le travail en CMP fut long, plus de cinq heures, mais il a permis des concessions de part et d'autre pour aboutir à un texte d'équilibre.
Un seul regret : nous passons à côté d'une véritable protection des zones humides. Ne classons pas 25 % de notre pays en zone humide, sans quoi nous finirions par devoir y inclure de nouveau le quartier du Marais, à Paris ! Cela, c'est pour vous, monsieur Jadot ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Nous voterons bien évidemment ce texte et nous pouvons nous applaudir et vous applaudir, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements précédemment adoptés par le Sénat.
J'ai été saisie de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe Les Républicains, la deuxième, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et, la troisième, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 335 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 232 |
Contre | 103 |
Le Sénat a adopté définitivement.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. Mme Anne-Sophie Patru et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux, présentée par Mme Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues (proposition n° 300, texte de la commission n° 785, rapport n° 784).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Isabelle Florennes, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Isabelle Florennes, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui est soumise à votre examen aujourd'hui est « essentielle » et « très attendue », pour reprendre les mots de Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT).
Je remercie les cosignataires de ce texte. Ces derniers étant issus de l'ensemble des groupes de notre assemblée, leur signature confère à ce texte un caractère transpartisan d'autant plus essentiel qu'il constitue la consécration d'une démarche inédite, j'oserais même dire historique, en matière de dialogue social entre les employeurs territoriaux et les organisations syndicales.
Conformément aux obligations instaurées par l'ordonnance du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique, cette proposition de loi permettra la transposition, sous forme législative, de l'accord collectif national du 11 juillet 2023, premier accord collectif conclu pour la fonction publique territoriale.
Celui-ci pose le principe de la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de protection sociale complémentaire au titre de la prévoyance. Il fixe le montant de la participation minimale de l'employeur au financement de la protection sociale complémentaire en prévoyance à la moitié de la cotisation individuelle prévue au contrat ouvrant droit aux garanties minimales.
Fruit d'un processus de négociation collective long de dix mois, cet accord a été rendu possible par l'esprit de responsabilité dont chaque participant a su faire preuve, en ayant toujours comme objectif d'améliorer la protection des agents territoriaux, tout en préservant la capacité de l'action publique locale.
La généralisation de l'adhésion obligatoire à un contrat de prévoyance concerne 38 000 employeurs et 1,9 million d'agents, mais aussi toutes celles et tous ceux qui veulent travailler dans une collectivité locale. C'est donc un enjeu majeur pour l'attractivité de la fonction publique territoriale.
Dans un rapport publié en décembre dernier – Travailler dans la fonction publique : le défi de l'attractivité –, France Stratégie relève que 64 % des collectivités territoriales rencontrent des difficultés à recruter. Au regard de la baisse du nombre d'inscrits aux derniers concours de la fonction publique territoriale, il nous faut hélas ! constater que cette tendance se poursuit.
Afin d'attirer de futurs agents, il est donc plus que temps d'offrir aux fonctionnaires la possibilité d'adhérer à un contrat de prévoyance, comme le secteur privé le propose depuis plusieurs années.
En octobre 2023, la fonction publique d'État a pour sa part conclu un accord interministériel sur la prévoyance, transposé aussitôt dans la loi de finances pour 2024.
Si j'indiquais au début de mon propos que cette proposition de loi est très attendue, c'est parce que l'accord collectif national que j'évoquais a été conclu voilà deux ans entre la coordination des employeurs territoriaux (CET) et l'ensemble des organisations syndicales représentatives de la fonction publique territoriale.
L'énoncé de la liste des signataires de cet accord suffira à vous convaincre de son importance et de son caractère unique : l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), l'Association des maires ruraux de France (AMRF), l'Association des petites villes de France (APVF), l'Assemblée des départements de France (ADF), la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) France urbaine, Intercommunalités de France, l'association Villes de France et le collège employeur du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Je salue les représentants présents en tribune de certaines de ces neuf institutions que compte la coordination des employeurs territoriaux.
Je salue également les représentants, eux aussi présents, de la Confédération générale du travail (CGT). Cette organisation syndicale est signataire de l'accord, de même que la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Force ouvrière (FO), la Fédération syndicale unitaire (FSU) ainsi que l'Union nationale des syndicats autonomes (Unsa).
Cette énumération des structures parties prenantes à l'accord montre qu'il s'agit sans nul doute d'un acte sensé, mesuré et calibré.
Comme je l'indiquais, la présente proposition de loi a pour objectif de donner une assise législative à l'accord collectif de 2023.
L'article 1er intègre au code général de la fonction publique la suppression du recours à la procédure de labellisation, tandis que l'article 2 prévoit la mise en place de l'obligation de généralisation des contrats de prévoyance.
L'article 3 définit la participation minimale des employeurs territoriaux à la complémentaire, en fixant ce montant à la moitié de la cotisation par l'employeur.
À l'article 4, je soutiendrai l'amendement n° 7 du Gouvernement visant à rétablir la version initiale du texte déposé par mes soins, laquelle sécurise les droits des agents territoriaux en fixant un cadre à la fois propice à une répartition équilibrée des risques et suffisamment concurrentiel pour optimiser l'effort de participation des employeurs. Vous l'aurez compris, mes chers collègues, cet amendement vise à instaurer le pluralisme nécessaire à une concurrence saine et utile pour les collectivités, comme je le proposais. Tel est l'objet de l'article 4 et de l'amendement n° 7.
L'article 5 vise à instaurer, à titre transitoire, un régime dérogatoire pour les agents qui se trouveraient en arrêt de travail à la date de mise en œuvre du contrat collectif.
Il me paraît enfin raisonnable, comme le prévoit l'article 6, de reporter la date d'entrée en vigueur de la généralisation de ces contrats au 1er janvier 2029 afin de laisser aux collectivités un temps suffisant pour conclure de nouveaux contrats.
En conclusion, je tiens à remercier M. le ministre pour son engagement sur ce sujet, Mme le rapporteur pour son travail et l'ensemble des parties prenantes pour leurs actions en faveur de la fonction publique territoriale et de la protection de ses agents. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, pour commencer, de rappeler quelques chiffres qui illustrent les spécificités de la fonction publique territoriale : près des trois quarts du 1,94 million d'agents de cette fonction publique relèvent de la catégorie C ; 45 % de l'ensemble des agents territoriaux occupent des emplois dans la filière technique, qui se caractérisent par une plus forte pénibilité que les emplois d'autres filières ; la moyenne d'âge y est de 46 ans, soit trois ans de plus que dans la fonction publique d'État ; et le salaire médian y est de 1 947 euros, soit 600 euros de moins que dans la fonction publique d'État.
Ces particularités sont à l'origine d'une exposition plus forte non seulement aux risques d'incapacité de travail, d'invalidité, d'inaptitude ou de décès, mais également aux situations de précarité en cas d'arrêt de travail.
En effet, si un agent ne dispose pas d'une couverture complémentaire en matière de prévoyance, alors il ne bénéficie que des garanties de rémunération statutaires, soit un demi-traitement au bout de trois mois d'arrêt dans le cas d'un congé maladie. Or moins de la moitié des agents de la fonction publique territoriale sont aujourd'hui couverts par une protection complémentaire en matière de prévoyance.
Cette situation tient à plusieurs facteurs, dont le caractère facultatif de la participation de l'employeur comme de l'adhésion de l'agent aux contrats collectifs, une culture hétérogène de la prévention et une perception souvent lacunaire, y compris chez les agents eux-mêmes, des enjeux liés à la couverture du risque prévoyance.
Un décret de 2011 a certes prévu la possibilité, pour les collectivités territoriales, de participer au financement de la protection sociale complémentaire en santé et en prévoyance de leurs agents, qu'ils souscrivent à un contrat collectif ayant fait l'objet d'une convention entre la collectivité et un organisme d'assurance ou à un contrat individuel labellisé.
L'ordonnance du 17 février 2010 a ensuite renforcé le régime de protection sociale complémentaire des agents territoriaux, puisqu'elle a rendu obligatoire, à compter du 1er janvier 2025, la participation au financement de la protection sociale complémentaire en prévoyance. Cette participation a été fixée à 20 % d'un montant de référence, établi à 35 euros par le décret du 20 avril 2022. Depuis maintenant six mois, la participation obligatoire des collectivités locales en matière de prévoyance s'élève ainsi à 7 euros par mois et par agent.
Si l'ordonnance du 17 février 2021 a constitué une première étape, les employeurs territoriaux, réunis au sein de la coordination des employeurs territoriaux, et les organisations syndicales représentatives de la fonction publique territoriale ont souhaité aller plus loin. Ils ont ainsi lancé un processus national de négociation collective, qui s'est traduit par la conclusion d'un accord collectif national signé le 11 juillet 2023.
Cet accord a posé le principe de la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de protection sociale complémentaire au titre de la prévoyance. Il a fixé le montant de la participation minimale de l'employeur à la moitié de la cotisation individuelle prévue au contrat ouvrant droit aux garanties minimales.
La généralisation de l'adhésion obligatoire aux contrats collectifs de prévoyance est en effet perçue comme une source d'optimisation à plusieurs titres.
Premièrement, en garantissant l'adhésion de tous les agents, le contrat collectif à adhésion obligatoire permet aux assureurs d'avoir une connaissance exhaustive de la population et, partant, des risques à couvrir. L'équilibre économique du contrat est de ce fait plus avantageux pour la collectivité comme pour les agents.
Deuxièmement, par la mutualisation maximale des risques, un tel contrat rend possible une meilleure couverture des agents territoriaux.
L'accord du 11 juillet 2023 ne peut toutefois être mis en œuvre en l'état, car certaines de ses dispositions appellent une transposition législative. Depuis juillet 2023, un texte législatif est donc attendu.
Tel est le contexte dans lequel, le 3 février 2025, notre collègue Isabelle Florennes a déposé cette proposition de loi.
Son article 1er tend à exclure le recours à la procédure de labellisation pour les contrats destinés à couvrir le risque prévoyance souscrits par les agents de la fonction publique territoriale. En conséquence, seuls les contrats collectifs seront éligibles à la participation financière des collectivités territoriales à la couverture prévoyance.
L'article 2 rend obligatoire l'adhésion des agents territoriaux aux contrats collectifs souscrits par leur employeur.
La combinaison des articles 1er et 2 instaure donc la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de prévoyance, telle que prévue par l'accord collectif national. Il reviendra à un décret en Conseil d'État de déterminer les cas de dispense d'adhésion à ce contrat.
La commission a adopté ces articles, modifiés par de simples amendements rédactionnels.
L'article 3 vise quant à lui à fixer le montant de la participation minimale des employeurs territoriaux à la complémentaire en prévoyance de leurs agents à la moitié du montant de la cotisation ou prime individuelle ouvrant droit au bénéfice des garanties minimales. Ce nouveau seuil, qui remplacera le taux minimal de 20 % que j'évoquais précédemment, traduit l'autre point essentiel de l'accord collectif national.
La modification des modalités de calcul comme du taux de participation de l'employeur paraît pertinente : d'une part, parce qu'il est davantage conforme à la réalité économique des contrats de prévoyance complémentaires de se fonder non pas sur un montant de référence défini par décret, mais sur la cotisation prévue au contrat ; d'autre part, parce que le relèvement de 20 % à 50 % du taux de participation contribuera à réduire le décalage important qui existe aujourd'hui entre le montant de la participation minimale de l'employeur – dont je rappelle qu'elle s'élève à 7 euros par mois et par agent – et le niveau de prime ou de cotisation permettant de couvrir les garanties minimales prévues par le décret du 20 avril 2022 qui s'établit en moyenne à 70 euros.
Ce décalage se traduit par un reste à charge élevé, ce qui n'est guère acceptable dès lors que l'agent doit obligatoirement souscrire à un contrat collectif.
Une telle mesure, très favorable aux agents, n'est naturellement pas sans conséquences sur les finances locales. Son coût total est évalué à 500 millions d'euros ; il convient toutefois de noter que ce chiffre inclut les efforts qui sont déjà fournis par les collectivités. Je rappelle à ce titre qu'un nombre non négligeable de collectivités territoriales et de centres de gestion ont d'ores et déjà négocié des accords collectifs locaux et conclu des contrats collectifs à adhésion obligatoire sur la base des stipulations de l'accord national.
La commission n'ignore pas non plus le contexte budgétaire marqué par l'augmentation de 12 points en quatre ans du taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
Ces contraintes ont conduit la commission à adopter, à l'article 6, le report au 1er janvier 2029 de l'entrée en vigueur de ce dispositif afin de lisser dans le temps l'effort demandé aux collectivités.
L'article 3 a été adopté par la commission après avoir été modifié par un amendement rédactionnel.
J'en viens à l'article 4, qui cristallise les débats au sein du monde mutualiste. Lors de l'examen des amendements, j'aurai l'occasion de revenir en détail sur les enjeux ayant motivé la rédaction adoptée par la commission.
Je souhaite toutefois rappeler sans attendre que les signataires de l'accord national collectif ont souhaité qu'en cas d'accord collectif à adhésion obligatoire, le nouvel organisme assureur prenne en charge les rechutes d'un arrêt de travail survenu avant la prise d'effet du contrat collectif.
Je précise aussi qu'en l'état du droit, et contrairement aux salariés du secteur privé, la prise en charge par l'organisme assureur avec lequel a été conclu un contrat collectif à adhésion obligatoire des suites d'états pathologiques survenus avant l'adhésion des agents au contrat visé n'est nullement garantie.
L'application de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, dite loi Évin, aux cas de succession de contrats collectifs est actuellement source de contentieux qui se traduisent, pour les agents concernés, par des retards substantiels dans leur indemnisation lorsque deux organismes assureurs se renvoient la responsabilité de la prise en charge.
Il est enfin nécessaire de prévoir explicitement l'application de l'article 4 aux cas de succession entre un contrat individuel et un contrat collectif afin de parer aux interprétations qui pourraient être faites par certains organismes d'assurance, interprétations qui pourraient in fine desservir les agents.
Se fondant sur l'ensemble de ces considérations, la commission a adopté une rédaction de l'article 4 plus précise que la rédaction initiale. Celle-ci permet d'ancrer la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur le droit à prestation en cas de succession de contrats.
Ce faisant, l'objectif de la commission est bien de garantir aux agents la reprise de leurs droits en cas d'adhésion à un contrat collectif obligatoire.
L'article 5 vise à instaurer, à titre transitoire, un régime dérogatoire pour les agents se trouvant en arrêt de travail à la date de mise en place du premier contrat collectif à adhésion obligatoire. Pour ces agents, l'adhésion à ce contrat ne sera obligatoire qu'au bout de trente jours consécutifs d'exercice de leurs fonctions. Dans l'intervalle, ils pourront soit souscrire au contrat collectif, soit continuer de souscrire un contrat individuel labellisé de prévoyance. Dans tous les cas, ils bénéficieront de la participation financière de leur employeur dans les mêmes conditions que les agents ayant souscrit au contrat collectif à adhésion obligatoire.
Cet article traduit un point de l'accord collectif national. Il a été adopté par la commission après avoir été modifié par un amendement de précision.
L'article 6 détermine le régime d'entrée en vigueur des dispositions du texte. Dans sa version initiale, l'entrée en vigueur des dispositions des articles 1er à 3 était fixée au 1er janvier 2027 au plus tard. L'article 6 comportait en outre deux dispositions spécifiques visant les contrats collectifs en cours.
La commission a jugé peu réaliste le calendrier proposé par le texte initial, au regard du retard pris non seulement dans le dépôt, mais aussi dans l'inscription à l'ordre du jour des travaux du Parlement de l'examen ce texte, et compte tenu des délais inhérents à ce dernier, d'autant que la procédure accélérée n'ayant pas été engagée par le Gouvernement, une deuxième lecture devra probablement avoir lieu.
Afin de laisser le temps aux employeurs et aux organisations syndicales de préparer la mise en œuvre des dispositions relatives à la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire, mais également de tenir compte des prochaines échéances électorales locales, la commission a reporté au 1er janvier 2029 l'entrée en vigueur du texte pour les collectivités qui ne disposent pas, à l'heure actuelle, de contrats collectifs en complémentaire prévoyance. Elle a également adapté en conséquence les dispositions visant les contrats collectifs en cours.
L'article 7 vise enfin à assurer la recevabilité financière du texte. Je ne doute pas que le Gouvernement, qui a déjà eu l'occasion d'indiquer qu'il soutenait ce texte, lèvera le gage.
Cette proposition de loi constitue un préalable indispensable à la mise en œuvre des dispositions de l'accord national collectif.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Elle devra être complétée par un travail réglementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je vous remercie de bien vouloir respecter le temps qui vous est imparti, mes chers collègues.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'estime que la proposition de loi aujourd'hui soumise à votre examen dépasse largement le cadre d'un simple texte législatif. Elle incarne la volonté collective puissante des employeurs territoriaux et des organisations syndicales de renforcer concrètement la protection sociale de nos agents territoriaux.
Je me réjouis de soutenir, au nom du Gouvernement, la transposition de l'accord national collectif du 11 juillet 2023 sur la protection sociale complémentaire. Ce texte constitue une avancée sociale et un levier d'attractivité essentiel de la fonction publique territoriale.
Cet accord, autorisé par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qui a fixé le cadre des dispositions à prendre afin « de favoriser, aux niveaux national et local, la conclusion d'accords négociés dans la fonction publique », est le premier du genre.
Le choix des organisations syndicales et des employeurs territoriaux s'est porté sur une priorité : rendre les garanties au titre de la prévoyance obligatoires pour tous les agents publics territoriaux, au travers de contrats collectifs de protection sociale complémentaire, avec une participation minimale de l'employeur à hauteur de 50 % de la cotisation. En tant qu'ancien maire et élu local en exercice, je ne peux que comprendre et saluer ce choix.
Forte de ses 2 millions d'agents, dont les trois quarts occupent des postes de catégorie C et exercent souvent des métiers difficiles requérant des efforts physiques, la fonction publique territoriale ne pouvait laisser ses agents en marge de cette protection.
Cette proposition de loi, présentée par la sénatrice Florennes, dont je tiens à saluer l'engagement et la ténacité, permet la transposition de l'accord de 2023. Elle constitue en ce sens une avancée sociale majeure pour tous nos agents territoriaux. Il faut le dire haut et fort : la protection sociale complémentaire n'est pas un privilège. Il s'agit non pas d'un avantage réservé à une catégorie d'agents, mais d'un filet de sécurité supplémentaire dont tous les agents publics, quels que soient leur versant, leur statut ou leur lieu d'exercice, doivent bénéficier.
À ce jour, le déploiement de la protection sociale complémentaire est largement engagé dans la fonction publique d'État. Je souhaite qu'elle s'applique prochainement dans la fonction publique hospitalière.
Dans une logique d'équité, la fonction publique territoriale doit pouvoir avancer de concert avec les deux autres versants. Je me réjouis donc que les employeurs territoriaux en aient pris le chemin.
De nombreuses collectivités n'ont d'ailleurs pas attendu que le législateur se saisisse de l'accord pour le mettre en œuvre. Je tiens à cet égard à saluer l'engagement exemplaire des employeurs territoriaux qui, malgré un contexte financier tendu, ont anticipé la mise en œuvre de cette réforme avec rigueur et esprit de responsabilité.
Je pense notamment au centre de gestion du Rhône, où j'ai pu me rendre récemment avec le rapporteur Catherine Di Folco, dont je connais l'engagement sur cette thématique depuis de nombreuses années.
Je veux également citer le centre de gestion de Loire-Atlantique, qui a coordonné un marché public embrassant l'ensemble de la région Pays de la Loire, fédérant 1 542 collectivités et assurant 75 000 agents. Grâce à ce marché, 58 % des agents couverts bénéficient d'une participation financière de leur employeur supérieure aux 50 % prévus par l'accord national collectif.
Je salue également les initiatives d'élus, rencontrés lors d'un déplacement en Vendée, la semaine dernière, qui modulent leur participation en fonction de la rémunération des agents, comme à Saint-Paul en Pareds.
De telles initiatives montrent qu'en dépit de la complexité technique de tels dispositifs et des contraintes budgétaires, des employeurs ont la volonté politique réelle de protéger les agents et une compréhension forte des attentes du terrain.
Les agents eux-mêmes sont en attente de cette couverture. Depuis ma nomination, les organisations syndicales ont d'ailleurs plusieurs fois appelé mon attention sur ce sujet.
Cette cotisation obligatoire – il convient d'y insister – a pour but essentiel de protéger davantage les agents tout au long de leur carrière en faisant levier sur les garanties apportées par des contrats collectifs.
À ce titre, j'ai été très sensible à plusieurs témoignages d'agents qui bénéficient d'ores et déjà de cette protection.
Je pense à cette agente encore jeune, qui a dû s'arrêter plus de trois mois pour maladie et qui se félicitait d'avoir écouté le conseil, donné par une directrice des ressources humaines, de souscrire une protection complémentaire. En tant qu'employeur territorial, j'ai hélas ! rencontré plusieurs fois des femmes et des hommes qui n'avaient pas bénéficié de ce conseil et qui, en plus de gérer des problèmes de santé lourds, ont dû affronter des problèmes financiers.
Le rôle de l'État est donc primordial pour sécuriser le cadre juridique de cette protection sociale complémentaire et garantir à chaque collectivité territoriale un appui solide et clair. Nous devons aussi veiller à garantir l'équité entre tous les territoires, en évitant des disparités qui seraient injustes et contraires à notre conception républicaine de l'égalité, certaines collectivités décidant de couvrir leurs agents, d'autres non. Si cette loi de transposition est nécessaire, c'est aussi pour cette raison.
Je suis par ailleurs pleinement conscient des enjeux pratiques liés à la mise en œuvre de cette généralisation. La passation des marchés dans un secteur où les opérateurs sont peu nombreux, la complexité technique des contrats, ainsi que les besoins spécifiques d'accompagnement à la maîtrise d'ouvrage, notamment pour les petites collectivités, nécessitent un soutien fort tant de l'État que des centres de gestion, et peut-être un peu de souplesse et de progressivité dans la mise en œuvre du dispositif, puisque toutes les collectivités n'ont pas les mêmes capacités, humaines comme financières. Cet accompagnement est indispensable pour assurer une transition fluide et sécurisée, et ne compromet en aucun cas l'ambition de cet accord ni la volonté du Gouvernement de le transposer dans la loi.
En soutenant l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour de la session extraordinaire, le Gouvernement prend acte du souhait des collectivités d'étendre la couverture prévoyance à l'ensemble des agents territoriaux. C'est un très bon signal qui est ainsi envoyé, pour la cohésion nationale comme pour le dialogue social.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons saisir cette occasion pour adopter un texte clair, lisible, équilibré et élaboré – cela a été rappelé – dans un esprit de consensus, ce dont je me félicite, un texte qui doit respecter le dialogue social et fournir à tous les employeurs territoriaux une base juridique stable et sécurisée permettant la généralisation de la protection sociale complémentaire. Cette proposition de loi dépasse la simple dimension réglementaire : c'est un acte politique fort en faveur de la solidarité, un geste d'équité et de cohésion territoriale. C'est aussi un texte de confiance et de soutien à l'égard des employeurs territoriaux.
Adopter cette proposition de loi, c'est, enfin et surtout, affirmer notre soutien aux agents publics territoriaux et reconnaître leur engagement quotidien au service des Françaises et des Français.
Je vous invite donc à la soutenir pleinement, afin que nous puissions ensemble construire la fonction publique territoriale de demain, une fonction publique mieux protégée, plus juste, plus attractive, à la hauteur des défis qui nous attendent. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un texte attendu, utile et fondé sur un dialogue social abouti : la proposition de loi visant à généraliser et à encadrer la protection sociale complémentaire des agents de la fonction publique territoriale.
Trop longtemps, la protection sociale complémentaire a reposé sur un système hétérogène, facultatif, laissant à chaque collectivité une large marge de manœuvre, et aux agents, souvent les plus modestes, la responsabilité individuelle de se prémunir contre les risques lourds : incapacité, invalidité, inaptitude, décès.
Le texte que nous examinons vise précisément à corriger cette inégalité. Il donne une traduction législative à l'accord collectif national du 11 juillet 2023, fruit d'un dialogue social abouti entre employeurs et syndicats. Cet accord vise à garantir à chaque agent territorial une protection complémentaire minimale financée à 50 % par l'employeur public dans le cadre d'un contrat collectif à adhésion obligatoire. Il s'agit là d'un progrès social majeur.
La proposition de loi instaure ainsi un socle de garanties obligatoires, fixe les conditions de participation financière des collectivités, encadre les contrats pour assurer leur caractère solidaire, prévoit des dispositions protectrices pour les agents déjà fragilisés par la maladie au moment de la bascule.
Le texte a été utilement enrichi en commission, l'entrée en vigueur de ces nouvelles obligations étant notamment différée à 2029. Ce report est réaliste : il tient compte des contraintes budgétaires, du cycle électoral local et de la nécessité de conduire des appels d'offres dans le respect des règles de la commande publique. Il permet aussi aux opérateurs du secteur de se structurer et d'éviter une mise en concurrence désordonnée qui pourrait engendrer des hausses de tarifs.
Mais, au-delà du consensus auquel nous pouvons parvenir quant à l'objectif, il est de notre devoir d'alerter sur plusieurs points de vigilance.
Tout d'abord, nous devons éviter l'émergence d'une protection sociale au rabais, dont le niveau dépendrait trop fortement de la capacité financière des collectivités. Il ne suffit pas de poser des obligations : encore faut-il que les moyens suivent. Le risque est réel de voir les plus petites collectivités offrir une couverture minimale, tandis que d'autres proposeront des contrats bien plus avantageux. Cette situation créerait une inégalité de traitement entre agents et une mise en concurrence des territoires dans leur capacité à recruter ou à fidéliser.
Ensuite, ce texte doit s'articuler avec d'autres dispositifs existants, au premier rang desquels le régime local d'Alsace-Moselle. Ce régime spécifique, hérité de notre histoire sociale, couvre aujourd'hui plus de deux millions d'affiliés qui bénéficient d'un haut niveau de remboursement, fondé sur la solidarité intergénérationnelle et interprofessionnelle.
À l'heure où nous nous interrogeons sur les moyens de renforcer l'attractivité de la fonction publique territoriale dans nos départements frontaliers, l'extension du régime local aux fonctionnaires sous statut constitue une piste pertinente. Elle permettrait de garantir un socle de protection efficace, mutualisé, déjà opérationnel, et reconnu pour sa gestion rigoureuse. Elle éviterait également aux collectivités de devoir monter seules des dispositifs redondants, parfois coûteux, parfois moins favorables.
Enfin, un mot sur la cohérence d'ensemble : le secteur public ne doit pas être à la traîne du privé, mais il ne doit pas non plus être fragmenté en dispositifs concurrents, parfois incompatibles. La réussite de cette réforme dépendra de notre capacité collective à organiser une montée en charge équitable, lisible et maîtrisée.
Le groupe RDPI votera en faveur de cette proposition de loi : elle répond à un besoin réel, elle s'appuie sur un accord solide et elle a su intégrer, au fil des travaux parlementaires, des ajustements bienvenus. Mais nous resterons vigilants sur ses effets de terrain, sur sa mise en œuvre concrète et sur la juste reconnaissance du rôle essentiel de nos agents territoriaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Michel Masset. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les agents publics territoriaux, qui sont au service quotidien de nos concitoyens, ne bénéficient pas de garanties équivalentes à celles qui prévalent dans d'autres secteurs ; du reste, on note même des différences, à cet égard, entre les différentes collectivités. Cette situation, qui dure depuis trop longtemps, n'est pas acceptable.
Le texte que nous examinons aujourd'hui constitue de ce point de vue une avancée attendue, car il transpose dans la loi un accord collectif historique conclu le 11 juillet 2023. Cet accord, signé à l'unanimité par les organisations syndicales et les associations d'élus territoriaux, a permis de poser les bases d'un socle de solidarité en matière de protection sociale complémentaire, notamment dans le domaine de la prévoyance. Il prévoit des garanties minimales ambitieuses, telles que le maintien de 90 % de la rémunération nette en cas d'arrêt de travail ou d'invalidité, et une participation financière de l'employeur à hauteur de 50 %.
Mais, à ce jour, malgré l'urgence et en dépit de la clarté des engagements pris, aucun texte gouvernemental n'est venu concrétiser cette réforme. Il est regrettable que les gouvernements successifs n'aient pas pris l'initiative d'un projet de loi sur un sujet aussi structurant, au risque de ralentir la dynamique collective engagée. Plus encore, le choix d'une entrée en vigueur tardive, fixée à 2029 pour certaines dispositions, soulève une question majeure de crédibilité. Comment expliquer qu'un accord signé en 2023, dont les termes ont été mûrement négociés, ne soit pleinement applicable que six ans plus tard ? Ce délai est en décalage complet avec l'urgence sociale qui se fait jour sur le terrain.
En Lot-et-Garonne, de nombreuses collectivités font part de leur attente. Dans les petites communes du Fumélois ou de l'Albret, les maires nous disent leur difficulté à attirer et à fidéliser des agents en raison d'un manque d'attractivité des conditions d'emploi. Des agents techniques, des secrétaires de mairie, des personnels de crèche, tous engagés au quotidien, se retrouvent parfois en grande précarité lorsqu'un accident de santé les frappe. L'absence de prévoyance efficace signifie une chute brutale de revenus, une mise en danger personnelle et un sentiment d'abandon. Cette proposition de loi est donc, pour eux, un message d'espoir et de reconnaissance.
Il faut le dire avec force : dans nos territoires ruraux, le service public est souvent le dernier lien républicain, le seul visage de l'État et de ses institutions. Un agent territorial, ce n'est pas simplement un professionnel : c'est un facteur de cohésion, un repère, un garant de la continuité de la vie locale.
C'est pourquoi j'ai tenu à sécuriser la continuité de la couverture prévoyance des agents publics territoriaux en présentant, à l'article 4, un amendement qui a été adopté en commission. Il vise à clarifier un point essentiel : l'interdiction d'exclusion des pathologies contractées antérieurement à l'adhésion au contrat collectif à adhésion obligatoire s'applique dans tous les cas, y compris lorsqu'un agent passe d'un contrat individuel à un contrat collectif ou en cas de succession de contrats collectifs. Il s'agit d'éviter toute rupture de droits pour les agents les plus fragiles, mais aussi d'empêcher certaines interprétations restrictives ou contentieuses de la part d'organismes assureurs. En renforçant la portée juridique de cet article, nous garantissons une mise en œuvre fidèle à l'esprit de solidarité de la réforme.
L'objectif de cette proposition de loi est bien en effet de construire un cadre universel, juste et protecteur. Elle permet une meilleure couverture des agents, mais elle apporte aussi de la lisibilité et de la sécurité juridique aux employeurs publics, lesquels, d'ailleurs, sont souvent démunis face à la complexité des dispositifs actuels.
Le groupe du RDSE, fidèle à ses engagements en faveur du dialogue social et de la valorisation du service public local, votera majoritairement pour cette proposition de loi, car elle incarne une réforme utile, construite dans la concertation et guidée par un souci d'efficacité.
En protégeant mieux ceux qui font vivre nos territoires, nous renforçons non seulement l'attractivité de la fonction publique territoriale, mais aussi la cohésion sociale au cœur de nos collectivités. Il y a là une responsabilité que nous devons pleinement assumer. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Jean-Luc Brault et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux, déposée par notre collègue Isabelle Florennes, que je salue pour son travail – je salue également Catherine Di Folco, rapporteure du texte, qui s'est beaucoup engagée sur ce sujet.
Le 11 juillet 2023, un accord collectif national a été conclu entre un grand nombre d'associations d'élus locaux, d'organisations d'employeurs territoriaux et de syndicats. Cet accord, qui s'inscrit dans le cadre d'une démarche de dialogue social engagée via l'article 40 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, visait à renforcer la protection sociale complémentaire des agents territoriaux. Par son échelle, il marque une avancée très positive pour la négociation collective. Nous ne pouvons qu'en féliciter les parties prenantes : preuve est ainsi faite que la démocratie sociale reste un outil efficace de compromis, y compris lorsqu'il s'agit d'autre chose que des retraites.
Sur le fond, cet accord est indéniablement utile, puisqu'il répond aux spécificités de la fonction publique territoriale et aux nouveaux enjeux qu'elle doit affronter. Les mesures de généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire et d'augmentation de la participation minimale de l'employeur touchent néanmoins à des dispositions législatives issues de l'ordonnance du 17 février 2021. Une transposition législative est donc indispensable pour en assurer la bonne application. Les instabilités institutionnelles et politiques successives n'avaient pas permis aux précédents ministres chargés de l'action publique et de la fonction publique de mener à bien cette transposition, dont ils avaient d'ores et déjà reconnu l'utilité. Aujourd'hui, après plus d'un an et demi, cet accord va trouver un fondement légal.
La présente proposition de loi vient répondre à une forme de paradoxe : alors que les agents territoriaux sont particulièrement exposés aux risques, ils demeurent peu ou mal couverts. Moins de la moitié des agents de la fonction publique territoriale sont aujourd'hui couverts par une protection complémentaire en matière de prévoyance.
Cette situation est le résultat de plusieurs facteurs : le caractère facultatif de la participation de l'employeur et de l'adhésion de l'agent aux contrats collectifs ; une culture hétérogène de la prévention et une perception souvent faible, y compris chez les agents eux-mêmes, des enjeux liés à la couverture du risque prévoyance ; une expertise insuffisante en matière de dispositifs assurantiels ; une méconnaissance des mécanismes de protection sociale complémentaire de la part des employeurs territoriaux, et notamment des collectivités les plus modestes ; un marché peu attractif pour les opérateurs du fait de l'absence de mutualisation des risques.
Devant cet état de fait, le texte répond à deux objectifs.
D'une part, il renforce la protection des agents contre les aléas de la vie et les risques de paupérisation qui peuvent en découler – des exemples ont déjà été donnés.
D'autre part, il crée un socle de nouveaux droits dont pourront bénéficier l'ensemble des agents. Il est à noter que, dans le contexte de la baisse d'attractivité de la fonction publique et du gel du point d'indice, la mise en place de dispositifs avantageux et efficaces de protection sociale complémentaire peut apparaître indispensable pour permettre au secteur public de faire face à la concurrence du secteur privé et de demeurer malgré tout attractif.
Venons-en maintenant aux principales dispositions prévues.
Les articles 1er et 2 généralisent les contrats collectifs à adhésion obligatoire. Sera instaurée une obligation pour les collectivités de proposer des contrats collectifs couvrant entièrement les risques en matière de prévoyance. Si, jusqu'à présent, une certaine forme de réticence à instaurer ce type d'obligation a souvent prévalu au nom de la libre administration des collectivités territoriales, je tiens à rappeler que ce texte instaure une unité d'approche, mais garantit aussi le respect de la liberté locale de négociation.
L'article 3 fixe une participation minimale de l'employeur à 50 % du montant de la cotisation du contrat de prévoyance, introduisant ainsi une véritable solidarité de prise en charge. Le relèvement de 20 % à 50 % du taux de participation a été conçu comme le corollaire de la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire. Dès lors que l'agent doit obligatoirement souscrire un tel contrat, il paraîtrait socialement peu acceptable de le contraindre à un reste à charge qui serait élevé du fait d'une participation modeste de l'employeur – cela est d'autant plus vrai pour les agents de catégorie C, dont les revenus sont faibles. Il est à souligner qu'une telle mesure a un impact sur les finances locales, évalué à environ 500 millions d'euros au total ; ce chiffre inclut toutefois les participations actuellement versées par les employeurs, dont le montant agrégé n'est à ce stade pas connu à l'échelle nationale. Il y a là un point de vigilance, compte tenu des pressions qui pèsent sur nos finances locales.
Quant au fameux article 4, il garantit la prise en charge, par l'organisme assureur avec lequel a été conclu un contrat collectif à adhésion obligatoire, des suites d'états pathologiques survenus avant l'adhésion de l'agent au contrat en question. Il apporte ainsi une clarification bienvenue en appliquant à la fonction publique territoriale le cadre juridique relatif à la protection sociale complémentaire du secteur privé, issu de l'article 2 de la loi dite Évin du 31 décembre 1989.
Le groupe Union Centriste votera pour l'amendement n° 7 du Gouvernement, qui tend à rétablir, avec le soutien de la Coordination des employeurs publics territoriaux, la version initiale de l'article 4.
Je vais citer à cet égard un message que nous adresse M. Philippe Laurent au nom des membres de la Coordination des employeurs publics territoriaux, signataires de l'accord du 11 juillet 2023 – et je précise que ce n'est pas rien, cette coordination : elle réunit l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, l'Association des maires ruraux de France, l'Association des petites villes de France, Départements de France, la Fédération nationale des centres de gestion, France urbaine, Intercommunalités de France, Villes de France, ainsi que le collège employeurs du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale !
L'article 4, dans sa rédaction issue des travaux de la commission, pose problème, nous écrit-il, car il laisse cours, à rebours de l'intention de ses auteurs, « à une ambiguïté juridique entre les notions relevant de la loi Évin et d'autres qui sont propres au champ assurantiel ».
Il nous expose en outre, poursuit Philippe Laurent, à une « réduction du niveau de concurrence et, partant, [à une] dégradation […] de l'assurabilité des risques », ainsi qu'à un « renchérissement du coût des premiers contrats à adhésion obligatoire par un transfert de risque […] malvenu pour la soutenabilité de l'effort financier qui serait supporté par les employeurs comme par les agents ».
C'est pourquoi la Coordination des employeurs publics territoriaux souhaite que soit rétablie, par l'adoption de l'amendement n° 7 du Gouvernement, la version initiale de l'article 4.
Quant à l'article 5, il vise à instaurer à titre transitoire un régime dérogatoire pour les agents se trouvant en arrêt de travail à la date de mise en place du premier contrat collectif à adhésion obligatoire. Cette mesure est pertinente s'agissant de lever une source potentielle d'insécurité juridique à laquelle pourraient être confrontés les employeurs territoriaux, comme l'avaient été les employeurs privés à l'époque de la mise en place des premiers contrats d'entreprise à adhésion obligatoire.
Au vu de tous ces éléments, les sénateurs du groupe Union Centriste souhaitent que l'ensemble du texte soit voté, modifié par l'amendement du Gouvernement qui, je le rappelle, est soutenu par la quasi-totalité des associations d'élus locaux.
Alors que nous représentons les élus locaux, il me paraîtrait incongru que nous ne suivions pas la volonté unanime ou quasi unanime des associations d'élus, qui souhaitent, j'y insiste, que cet amendement soit voté. Il y va de notre capacité à rassembler derrière ce texte l'ensemble des collectivités locales de France, à leur bénéfice, bien sûr, mais surtout à celui de nos agents territoriaux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Daniel Chasseing et Michel Masset applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous soutenons l'accord du 11 juillet 2023 et sa transposition dans la présente proposition de loi, qui consolide en effet un progrès construit de concert par les représentants des employeurs territoriaux et par ceux des agents publics. Voilà un acquis social en soi, obtenu dans un moment où le dialogue a trop souvent été réduit à un simulacre de concertation.
Je pense, bien sûr, au conclave sur les retraites, non pas pour ressasser, mais pour faire l'observation suivante : quand le dialogue part du réel – des conditions de vie et de travail –, quand il n'est pas corseté par des injonctions contradictoires, alors il peut déboucher sur des avancées.
Signé par toutes les organisations syndicales représentatives et par la quasi-totalité des employeurs territoriaux, cet accord acte deux avancées essentielles.
Premièrement, la mise en place obligatoire d'un régime de prévoyance par contrat collectif, financé à au moins 50 % par l'employeur, garantissant un niveau de couverture situé entre 90 % et 95 % du traitement net en cas d'incapacité ou d'invalidité, représente une bouée pour des milliers d'agents qui, placés en congé de longue maladie, se retrouvent à demi-traitement.
Deuxièmement, la participation obligatoire des employeurs, toujours à hauteur de 50 %, au financement de la complémentaire santé librement choisie par leurs agents, constitue là encore une réponse concrète à un besoin social, et une étape dans la convergence avec le privé, où ces droits sont obligatoires depuis 2016, comme cela a été souligné. On est loin des clichés selon lesquels les agents publics seraient les mieux lotis des salariés de ce pays…
Nous saluons donc cette avancée, même si nous demeurons convaincus que le véritable horizon à atteindre reste le « 100 % sécurité sociale » : un système dans lequel les soins ne dépendent ni d'un bon contrat ni d'un bon prestataire, mais relèvent du droit égal de chacun à être soigné.
Si la protection sociale complémentaire a pris une telle place, c'est d'ailleurs parce que la sécurité sociale a été méthodiquement définancée, notamment par des décennies d'exonérations massives de cotisations patronales : ainsi des allègements sur les bas salaires pratiqués depuis maintenant fort longtemps, de ceux, plus récents, qui s'appliquent à des salaires parfois équivalents à 3,5 Smic, ou encore du CICE, crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi transformé en allègement de cotisations.
Je m'autorise à cet égard une parenthèse : pendant que certains jugent qu'il faut sans cesse abaisser le coût du travail, sans que cela conduise d'ailleurs à venir à bout du chômage de masse, les employeurs publics – collectivités territoriales, hôpitaux publics ou services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), par exemple – se voient, eux, appliquer des hausses du taux de cotisation à la CNRACL – la rapporteure l'a justement rappelé –, au motif du déficit de cette caisse. Or ce déficit s'explique notamment par la contribution de cette caisse à la solidarité entre les régimes vieillesse, dont le total cumulé s'élève à 100 milliards d'euros constants.
Cet accord que nous transposons aujourd'hui dans la loi ne peut pas non plus être isolé des choix économiques et de la réalité budgétaire des collectivités.
Et c'est ici que le bât blesse : 66 % des employeurs territoriaux qui n'ont pas mis en œuvre de protection sociale complémentaire pointent l'insuffisance de leurs marges de manœuvre. La dotation globale de fonctionnement a perdu, au total, près de 10 milliards d'euros entre 2014 et 2017. Elle n'est toujours pas indexée sur l'inflation, malgré nos propositions inlassablement réitérées. Et les gouvernements successifs ont organisé un effet de ciseau intenable. Les recettes dynamiques, comme la fiscalité économique locale, s'éteignent peu à peu, au profit de transferts rigides.
Nous n'opposons pas progrès social et contraintes budgétaires ; mais nous opposons la réalité des besoins du service public local à la logique d'austérité.
Malgré ce contexte, collectivités et agents avancent. Huit centres de gestion ont déjà mis en œuvre l'accord. Les premiers chiffres sont encourageants : participation employeur supérieure à 50 %, tarifs plus avantageux, solidarité plus efficace collectivement organisée.
Nous resterons vigilants, néanmoins, pour ce qui est de la convergence entre les trois versants de la fonction publique : elle ne doit pas ouvrir la voie à des logiques contraires à l'esprit du service public. Nous observons par exemple avec inquiétude, à Bercy, le recours à une start-up privée, sans ancrage territorial ni réseau physique, dont les actionnaires sont en partie des fonds spéculatifs.
Nous sommes tout aussi attentifs aux négociations dans la fonction publique hospitalière. Renoncer à la gratuité des soins pour les agents dans leur propre établissement serait à nos yeux un recul majeur, et un très mauvais signal envoyé à des personnels déjà éprouvés.
Pour ce qui concerne ce texte, nous proposerons, par voie d'amendement, qu'il soit mis en œuvre rapidement. Son adoption sera de nature à faire vivre le lien entre élus, fonctionnaires et usagers, un lien indispensable à l'affirmation d'un service public qui soit non seulement reconnu dans ses missions, mais aussi revendiqué et vécu comme un bien commun. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – MM. Akli Mellouli et Jean-Luc Brault applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer l'autrice du texte que nous examinons, notre collègue Isabelle Florennes, dont l'initiative nous permet, d'une part, d'avoir ce débat sur la protection sociale des agents publics et, d'autre part, de transcrire dans la loi cette avancée sociale qu'est la couverture des agents publics territoriaux par une protection sociale complémentaire au titre de la prévoyance.
Le groupe écologiste soutient évidemment cette proposition de loi fondée sur l'accord collectif national du 11 juillet 2023, signé à l'unanimité par les organisations syndicales représentatives de la fonction publique territoriale. Cette loi améliorera sans aucun doute la couverture complémentaire en matière de prévoyance des presque deux millions d'agents publics concernés. À ce jour – vous l'avez rappelé, madame la rapporteure –, moins de la moitié des fonctionnaires territoriaux sont couverts.
Pourtant, ce versant territorial de la fonction publique regroupe des professions à forte sinistralité. Je pense aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), aux éboueurs, aux auxiliaires de puériculture, aux policiers municipaux, qui subissent davantage que d'autres des troubles musculosquelettiques, des chutes de plain-pied ou des agressions externes. Preuve de ces conditions de travail difficiles, le taux d'absentéisme de la fonction publique territoriale est légèrement supérieur à celui du secteur privé – 5,83 % contre 5,3 %.
À ce propos, nous serions bien inspirés, mes chers collègues, de partager plus largement le principe de cet accord collectif : plutôt que de faire la chasse aux indemnités journalières d'arrêt maladie, nous devrions avoir pour objectif d'améliorer les conditions de travail, donc la santé au travail. En effet, comme nous le rappellent les signataires de l'accord, une logique préventive entraîne de fait une meilleure protection sociale, donc une meilleure dépense publique.
Grâce à la généralisation de contrats collectifs de prévoyance à adhésion obligatoire, les agents de la fonction publique territoriale bénéficieront donc d'une protection sociale complémentaire face aux risques d'incapacité de travail, d'invalidité, d'inaptitude et de décès.
Cette traduction législative de l'accord du 11 juillet 2023 constitue ainsi une avancée sociale d'une ampleur inédite, que nous saluons.
Cela dit, monsieur le ministre, permettez-moi de m'étonner du véhicule juridique employé à cette fin. Le Gouvernement n'aurait-il pas pu – et même dû – déposer un projet de loi depuis le 11 juillet 2023 ? Certes, nous l'avons bien compris, aucun projet de loi, ou presque, ne sera plus déposé tant qu'une majorité ne sera pas identifiée à l'Assemblée nationale. Mais, d'une part, un an a passé entre la signature de l'accord et la dissolution ; et, d'autre part, la transposition législative d'accords professionnels repose traditionnellement sur l'initiative du Gouvernement.
Ainsi, nous légiférons aujourd'hui sans projet de loi, et c'est bien dommageable pour la qualité de la loi : pas d'étude d'impact, pas d'expertise du Conseil d'État. C'est regrettable du point de vue de l'efficacité, mais aussi du respect du dialogue social. J'en veux pour preuve l'article 4 du texte, à propos duquel j'aurais souhaité que le Conseil d'État présente son avis juridique, afin de nous éclairer quant à la rédaction la plus à même de garantir les droits sociaux des assurés.
Un autre regret, pour conclure : si la fonction publique d'État doit bénéficier de cette protection sociale complémentaire à adhésion obligatoire à compter du 1er janvier 2026, rien n'est encore acté pour la fonction publique hospitalière ; or il y a urgence.
Pour ce qui est de ce texte, nous le voterons ; et nous saluons cette avancée historique en faveur des droits sociaux des agents publics territoriaux. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est d'apparence technique, mais c'est surtout un texte de justice sociale et de reconnaissance des agents de la fonction publique territoriale, qui font vivre nos services publics locaux au quotidien. C'est grâce à eux que ces services publics trouvent un sens pour l'ensemble de nos compatriotes.
Il s'agit également d'un texte qui reconnaît le dialogue social et les collectivités locales. C'est pour ces raisons que j'ai tenu personnellement à le cosigner.
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des éléments de ce texte, que nous connaissons désormais assez bien. La proposition de loi de notre collègue Isabelle Florennes, que je tiens à féliciter, concerne1,9 million d'agents territoriaux, dont 72 % de catégorie C.
Nombre d'entre eux ont des carrières plus longues, plus pénibles, et sont donc exposés à des risques professionnels importants. Pour autant, cela a déjà été souligné, ils ne bénéficient pas d'une couverture complémentaire efficace, singulièrement en matière de prévoyance, faute de moyens et en raison du caractère facultatif de cette adhésion.
En 2023, selon les données de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), moins de 25 % des agents étaient couverts par un contrat intégrant le maintien de salaire en cas d'arrêt long ou d'invalidité.
Les écarts sont par ailleurs considérables d'une collectivité à l'autre. Dans les grandes métropoles, la participation de l'employeur peut atteindre 50 euros ou plus par mois ; dans d'autres collectivités, notamment rurales ou dans les petites communes, elle est inexistante.
Ce sont ainsi les agents les plus modestes qui doivent supporter seuls le coût de leur protection complémentaire – quand ils peuvent se le permettre. À défaut, aux risques d'incapacité de travail, d'invalidité, d'inaptitude ou de décès s'ajoutent les situations de précarité engendrées par ces arrêts de travail. L'accord collectif de 2023 est donc inédit et approfondit la réforme de la protection complémentaire de 2021.
Cette réforme, engagée par ordonnance, avait déjà amorcé un virage en rendant obligatoire à partir de 2025 la participation de l'employeur à hauteur de 20 % du montant de référence, soit l'équivalent de 7 euros par mois et par agent.
Même si nombre de collectivités apportent une participation supérieure, cette avancée est insuffisante et reste soumise aux capacités budgétaires locales, ce qui crée une fracture territoriale.
L'accord collectif inédit du 11 juillet 2023 entre la coordination des employeurs territoriaux et les organisations syndicales représentatives est venu transformer le système que nous connaissions. Comme l'ont rappelé à juste titre mes collègues avant moi, trois points principaux au moins de cet accord nécessitent une transposition législative : la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire ; la participation minimale de l'employeur à hauteur de 50 % de la cotisation « prévoyance » ; et le calcul de la part employeur sur la cotisation réelle.
Le dispositif proposé est à la fois efficace et équilibré : il renforce la solidarité entre les agents et les générations, permet une meilleure connaissance des risques et leur mutualisation, engage les employeurs et les agents dans une responsabilité partagée et contribue à une meilleure maîtrise de la dépense publique grâce à des économies d'échelle. Il vient également renforcer l'attractivité de la fonction publique territoriale afin d'éviter son décrochage à un moment où il devient difficile de pourvoir certains postes.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de ce texte. Nous serons attentifs à son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, ainsi qu'aux décrets d'application ultérieurs.
Ce texte vise à corriger une inégalité certaine. C'est une mesure de justice. Les agents qui nettoient nos écoles, accueillent les enfants en crèche ou assurent la sécurité des bâtiments publics, les auxiliaires de vie qui accompagnent les personnes dépendantes, doivent pouvoir se soigner et vivre dignement.
Ces agents sont au service de la République ; ils doivent être protégés et reconnus pour leur action au cœur du service public local. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Brault. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Jean-Luc Brault. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, forte de ses 1,94 million d'agents, la fonction publique territoriale présente un certain nombre de particularités.
À cet égard, je rappellerai quelques chiffres mis en avant par le rapporteur :72 % des agents appartiennent à la catégorie C ; la moyenne d'âge – 46 ans – est plus élevée que dans les autres versants de la fonction publique ; 45 % des agents occupent des emplois dans la filière technique – il s'agit à vrai dire bien souvent de manœuvres – ; le salaire mensuel médian s'élève à 1 947 euros.
Ces spécificités sont à l'origine d'un risque de précarité élevé. Depuis de nombreuses années, l'usure et la pénibilité professionnelles constituent un élément préoccupant au sein de la fonction publique territoriale. Les arrêts de travail et les cas d'invalidité des agents après 50 ans y sont en hausse très nette, en raison des métiers exercés.
D'après les données récemment publiées par la direction générale des collectivités locales (DGCL), moins de 50 % des agents du versant territorial de la fonction publique sont actuellement couverts par une protection sociale complémentaire au titre de la prévoyance.
Dans ce contexte, la réforme de la protection sociale complémentaire, mise en œuvre par l'ordonnance du 17 février 2021, prise sur le fondement de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, introduit l'obligation de participation des employeurs publics à la prévoyance et à la complémentaire santé des agents, à compter respectivement de 2025 et de 2026.
La réforme de la protection sociale complémentaire constitue l'opportunité d'une avancée sociale essentielle au bénéfice des agents de la fonction publique territoriale.
En participant à l'amélioration des conditions de travail des agents ainsi qu'au maintien de leur santé et de leur niveau de vie, elle vise à rendre plus attractif l'engagement pour le service public. Comme vous l'avez souligné à juste titre, monsieur le ministre, cet accord est un grand pas pour les femmes et les hommes qui travaillent dans nos collectivités.
Plus récemment, l'accord collectif national du 11 juillet 2023, signé par les employeurs territoriaux et les organisations syndicales représentatives, vise à poursuivre et à approfondir l'ambition de cette réforme.
Toutefois, pour être effectif, cet accord nécessite un texte législatif pour certaines de ses dispositions qui relèvent de la loi.
C'est pourquoi je tiens à saluer l'initiative bienvenue de notre collègue Isabelle Florennes, que je remercie de son investissement personnel. La proposition de loi que nous examinons ce soir traduit dans la loi les dispositions de l'accord collectif national de 2023.
Ce texte constitue une sécurité pour nos agents puisqu'il tend à généraliser les contrats collectifs, à supprimer ceux qui sont à adhésion facultative et à modifier l'article L. 827-11 du code général de la fonction publique afin de fixer le montant de la participation minimale des employeurs territoriaux à la prévoyance complémentaire de leurs agents à la moitié du montant de la cotisation ou prime individuelle ouvrant droit au bénéfice des garanties minimales. Il s'agira d'ailleurs d'un véritable problème pour les petites collectivités en termes de trésorerie.
La proposition de loi a également comme objectif la sécurisation de la prise en charge des agents concernés en cas de succession de contrats ou d'arrêt de travail à la date d'effet du contrat collectif à adhésion obligatoire.
Je partage la position de la commission, qui a souhaité apporter des modifications utiles. Je pense à la sécurisation du régime applicable en cas de succession de contrats ou au report de la date d'entrée en vigueur au 1er janvier 2029 des trois premiers articles de la proposition de loi pour les collectivités territoriales qui ne disposent pas actuellement de contrat collectif.
Avant de conclure, je veux saluer notre rapporteure, Catherine Di Folco, pour la qualité de ses travaux.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, en permettant la mise en œuvre des dispositions de l'accord collectif national de 2023, répond à de véritables enjeux d'efficacité, d'équité et de progrès social en faveur des agents de la fonction publique territoriale.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Margueritte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. David Margueritte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui vise à mettre en œuvre un accord historique, signé le 11 juillet 2023, entre les représentants des employeurs territoriaux et les organisations syndicales de la fonction publique territoriale.
Je tiens d'abord à saluer l'engagement de notre collègue Isabelle Florennes, à l'origine de cette initiative, ainsi que le travail de notre rapporteure, Catherine Di Folco, dont le rapport expose avec précision les enjeux de ce texte d'apparence technique. C'est un travail qui va bien au-delà de la simple transposition pour poser un cadre à la fois équilibré, juste et porteur de sécurité juridique.
Pourquoi saluer et soutenir le texte qui nous est proposé aujourd'hui ?
La première raison tient à l'importance particulière de cet accord, conclu après dix mois de discussions. C'est le premier accord collectif conclu spécifiquement dans la fonction publique territoriale sans l'intervention de l'État, ce qui constitue une avancée majeure pour le dialogue social. Cela témoigne de la maturité atteinte par ce dialogue dans la fonction publique territoriale, au sein de nos collectivités, et ce d'autant que le sujet traité est d'importance.
Aujourd'hui, moins de la moitié des agents publics territoriaux disposent d'une protection sociale complémentaire. Très concrètement, en cas d'arrêt prolongé, compte tenu de la règle des trois mois et du demi-traitement, un grand nombre d'entre eux ne bénéficient que d'une couverture partielle, voire d'aucune couverture, une fois ce délai écoulé. Par ailleurs, certains d'entre eux n'ont parfois reçu ni information ni conseil quant à l'absence d'engagement dans une protection complémentaire.
Ce constat est d'autant plus préoccupant que la configuration de la fonction publique territoriale justifie encore plus ce texte. De nombreux agents exercent des professions techniques. De surcroît, cela a été rappelé, 72 % des agents de ce versant de la fonction publique appartiennent à la catégorie C. Ils exercent des métiers pénibles, avec des horaires décalés et sont donc plus exposés aux accidents du travail, ce qui les fragilise ainsi que leur famille.
Cette proposition de loi vise à lutter efficacement contre la précarité et les inégalités de traitement, en renforçant la solidarité au sein d'une fonction publique qui assure les services publics du quotidien. Citons, parmi tant d'autres, les ripeurs, les agents des services de l'eau, les policiers municipaux, les auxiliaires de puériculture : autant de métiers très identifiés par nos concitoyens, souvent faiblement rémunérés et donc confrontés à une problématique réelle d'attractivité.
La première avancée de ce texte est la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de prévoyance, qui garantit une meilleure couverture, des tarifs plus accessibles et une visibilité accrue pour les assureurs, permettant ainsi une stabilisation des cotisations dans la durée.
La deuxième avancée est la participation renforcée des employeurs publics. Alors que leur contribution était jusqu'ici modeste et facultative, ils devront désormais prendre en charge la moitié du coût du contrat. Il s'agit là d'une juste contrepartie au caractère obligatoire de cette prévoyance, dans un contexte de pouvoir d'achat tendu pour les agents.
En contribuant à faire reculer la précarité dans la fonction publique territoriale, cette proposition de loi en renforcera l'attractivité – c'est la troisième avancée. Nous sommes nombreux, dans cette assemblée, à avoir été employeurs territoriaux et à connaître les difficultés rencontrées par les collectivités pour recruter. Certes, le coût de cette réforme est estimé à 500 millions d'euros pour les collectivités, mais, et c'est ainsi qu'il faut le percevoir, c'est un investissement indispensable pour répondre aux difficultés de recrutement dans certains métiers en tension.
Je salue également la décision de la commission de reporter à 2029 l'entrée en vigueur des dispositions principales de ce texte. Il s'agit non pas d'un recul, mais d'un choix de responsabilité. Responsabilité, d'abord, au regard du retard pris dans l'examen de ce texte, dans le cadre d'une procédure législative pour le moins aléatoire. Responsabilité, ensuite, compte tenu du temps nécessaire à la mise en œuvre concrète de cette réforme et pour laisser place à la concertation avec les employeurs locaux. Responsabilité, enfin, face aux échéances électorales de 2026 et de 2028, et aux contraintes budgétaires fortes qui pèsent sur les collectivités.
Par ailleurs, le travail de la commission a permis de sécuriser l'ensemble du dispositif en limitant les risques contentieux, notamment en ce qui concerne la transmission des contrats.
Pour toutes ces raisons, parce qu'il s'agit d'un texte équilibré, parce qu'il envoie un message fort de reconnaissance aux agents publics territoriaux, parce qu'il permettra de réduire la précarité et de renforcer l'attractivité de la fonction publique territoriale, le groupe Les Républicains le votera sans réserve. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux
Article 1er
I. – L'article L. 827-4 du code général de la fonction publique est ainsi modifié :
1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » et, après la référence : « L. 827-3 », la fin de la phrase est supprimée ;
2° Sont ajoutés des II et III ainsi rédigés :
« II. – La mise en œuvre de dispositifs de solidarité dans le cadre des contrats destinés à couvrir les frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident est attestée par la délivrance d'un label dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État ou vérifiée dans le cadre de la procédure de mise en concurrence prévue à l'article L. 827-6.
« III. – La mise en œuvre de dispositifs de solidarité pour les contrats destinés à couvrir les risques d'incapacité de travail, d'invalidité, d'inaptitude ou de décès est vérifiée dans le cadre de la procédure de mise en concurrence prévue à l'article L. 827-6. »
II (nouveau). – Au premier alinéa de l'article L. 310-12-2 du code des assurances, les mots : « 88-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale » sont remplacés par les mots : « L. 827-4 du code général de la fonction publique ».
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
L'article L. 827-6 du code général de la fonction publique est ainsi modifié :
1° (nouveau) Au deuxième alinéa, après le mot : « contrat », il est inséré le mot : « collectif » ;
2° Après le même deuxième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation à l'article L. 827-2, la souscription des agents territoriaux aux garanties minimales mentionnées à l'article L. 827-11, destinées à couvrir les risques d'incapacité de travail, d'invalidité, d'inaptitude ou de décès que ce contrat collectif comporte, est obligatoire.
« Un accord collectif valide au sens de l'article L. 223-1, améliorant ces garanties minimales, peut prévoir la souscription obligatoire des agents territoriaux à l'ensemble des garanties que comprend le contrat collectif. Il peut également prévoir la souscription facultative de ces agents à des garanties optionnelles.
« Lorsque la souscription des agents territoriaux à tout ou partie des garanties que comporte le contrat collectif destiné à couvrir les risques d'incapacité de travail, d'invalidité, d'inaptitude ou de décès est obligatoire, un décret en Conseil d'État détermine les cas dans lesquels les agents peuvent être dispensés, à leur initiative, de l'obligation de couverture en raison de leur situation professionnelle ou personnelle ainsi que les facultés de dispense pouvant résulter d'un accord valide au sens de l'article L. 223-1. » ;
3° (nouveau) Au dernier alinéa, après le mot : « contrat », il est inséré le mot : « collectif ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, sur l'article.
Mme Laurence Muller-Bronn. Monsieur le ministre, mon collègue André Reichardt s'est interrogé en commission des lois, mercredi dernier, sur la prise en compte par cette proposition de loi de la situation particulière de l'Alsace-Moselle.
L'accord collectif national du 11 juillet 2023 a prévu parmi les cas de dispense d'adhésion aux contrats collectifs à adhésion obligatoire les agents bénéficiaires du régime local d'assurance maladie des trois départements de l'Est, en application des articles D. 325-6 et D. 325-7 du code de la sécurité sociale.
Il reviendra ainsi au décret en Conseil d'État, chargé de déterminer les cas de dispense en application de l'article 2 de la proposition de loi, de bien mentionner ces agents.
Je souhaite donc insister ici, à mon tour, sur la nécessité de bien tenir compte du régime particulier alsacien-mosellan lors de l'élaboration du décret.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
L'article L. 827-11 du code général de la fonction publique est ainsi modifié :
1° Après les mots : « inférieure à », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « la moitié du montant de la cotisation ou prime individuelle ouvrant droit au bénéfice des garanties minimales concernant ces risques que comporte le contrat collectif mentionné à l'article L. 827-6, sans préjudice des dispositions plus favorables qui peuvent être prévues par un accord valide au sens de l'article L. 223-1. » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, le mot : « Ce » est remplacé par le mot : « Un » ;
b) (nouveau) Après le mot : « contrats », la fin est ainsi rédigée : « collectifs mentionnés à l'article L. 827-6 destinés à couvrir les risques d'incapacité de travail, d'invalidité, d'inaptitude ou de décès. – (Adopté.)
Article 4
Par dérogation à l'article 3 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, lors de la conclusion d'un contrat collectif à adhésion obligatoire mentionné à l'article L. 827-6 du code général de la fonction publique couvrant tout ou partie des risques mentionnés à l'article L. 827-11 du même code, l'organisme mentionné à l'article L. 827-5 dudit code ne peut refuser la prise en charge des suites d'états pathologiques survenus antérieurement à l'adhésion de l'agent.
Le premier alinéa du présent article s'applique, sans préjudice de l'article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 précitée, en cas de succession de contrats collectifs. Les agents en congés pour raison de santé dont le passage à demi-traitement survient après la résiliation d'un précédent contrat collectif sont pris en charge par l'organisme assureur du contrat collectif à adhésion obligatoire en vigueur lors du passage à demi-traitement, y compris en cas de rechutes.
Le premier alinéa du présent article s'applique également lorsque le contrat collectif à adhésion obligatoire succède à un contrat individuel résilié couvrant tout ou partie des risques mentionnés à l'article L. 827-11 du code général de la fonction publique. L'organisme assureur du contrat collectif à adhésion obligatoire est alors tenu de prendre en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à l'adhésion de l'agent, ainsi que les rechutes d'un arrêt de travail survenu pendant la période de validité du contrat individuel résilié, que l'agent ait été indemnisé ou non par l'organisme assureur de ce contrat.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 rectifié bis est présenté par M. Kerrouche, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mmes Harribey et Linkenheld, M. Bourgi, Mme Narassiguin, MM. Roiron, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 7 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Sans préjudice de l'article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, lors de la conclusion d'un contrat collectif à adhésion obligatoire mentionné à l'article L. 827-6 du code général de la fonction publique et couvrant les risques mentionnés à l'article L. 827-11 du même code, l'organisme mentionné à l'article L. 827-5 dudit code ne peut refuser la prise en charge des suites d'états pathologiques, survenus antérieurement à l'adhésion de l'agent.
La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l'amendement n° 3 rectifié bis.
M. Éric Kerrouche. Nous touchons là à une difficulté du texte, sur laquelle notre collègue Anne Souyris est revenue tout à l'heure.
En effet, nous examinons ici une proposition de loi – il convient de remercier une nouvelle fois Mme Isabelle Florennes de son initiative – et, à ce titre, nous ne disposons pas, par définition, d'un avis du Conseil d'État sur l'article 4, que nous abordons à présent.
La technicité de cet article n'est pas négligeable et engendre des interprétations divergentes, chacun s'efforçant cependant d'agir avec sérieux. En ce qui nous concerne, nous proposons, après de multiples échanges, un amendement visant à revenir à une rédaction plus proche de celle de l'article 4 dans sa version initiale, antérieure à son examen en commission.
Je comprends parfaitement Mme la rapporteure, Catherine Di Folco, qui a souhaité en commission renforcer la sécurité juridique du dispositif. Toutefois, il nous semble – là encore après de nombreux échanges – que certaines ambiguïtés persistent, qui pourraient se révéler contre-productives.
L'une d'elles concerne le risque d'une hausse du coût des futurs contrats d'adhésion obligatoire, ce qui dissuaderait certains assureurs de soumissionner, en raison de l'incertitude entourant l'évaluation du risque à couvrir.
En élargissant les situations couvertes, la rédaction issue de la commission introduit une complexité juridique susceptible de déséquilibrer la tarification du risque par l'assureur, en imposant la prise en charge de situations imprévisibles ou non maîtrisées au moment de la souscription, telles que des rechutes d'arrêts de travail antérieurs ou des suites d'un contrat individuel résilié sans indemnisation préalable.
L'objectif initial de l'article 4 était clair. Le cas de figure évoqué avait d'ailleurs été couvert par la loi Évin. Par souci de sécurité juridique, nous proposons donc un retour à la rédaction initiale.
M. Laurent Marcangeli, ministre. Je ne reviendrai pas sur les arguments que vient de développer M. le sénateur Kerrouche.
Je souhaite toutefois m'appuyer sur les positions exprimées par les employeurs territoriaux. J'ai notamment reçu un mail de M. Philippe Laurent – nul besoin de le présenter, tant son rôle est reconnu en tant qu'employeur territorial. C'est d'ailleurs chez lui que, lors de ma première sortie en tant que ministre après un conseil des ministres, j'avais annoncé mon intention de soutenir dans les meilleurs délais au Sénat la démarche engagée par Mme la sénatrice Isabelle Florennes.
Ces mêmes employeurs territoriaux demandent aujourd'hui l'adoption de l'amendement n° 7 déposé par le Gouvernement, ainsi que de l'amendement identique défendu à l'instant par M. le sénateur Kerrouche. Je cite ici, noir sur blanc, les termes employés : « Considérant que nous ne pouvons pas nous permettre de faire peser des incertitudes sur la réussite de la future mise en œuvre du texte sur le terrain, nous soutenons l'amendement déposé par le Gouvernement. »
Une ambiguïté juridique pourrait naître de la rédaction issue des travaux de la commission des lois. C'est pourquoi je vous invite à adopter ces deux amendements identiques présentés l'un par M. Kerrouche, l'autre par le Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je tiens tout d'abord à préciser que l'amendement défendu par M. Kerrouche en commission ce matin a été modifié pour le rendre identique en séance à celui du Gouvernement.
Ces deux amendements – nous dit-on – visent à rétablir l'article 4 dans sa version initiale, mais ce n'est pas tout à fait exact. La lecture qui nous a été donnée du courriel de M. Laurent – que j'ai également reçu – n'est pas non plus rigoureusement exacte. Il y était demandé de voter l'amendement du Gouvernement, « qui rétablit l'article 4 dans sa version initiale », ce qui n'est pas tout à fait le cas ici puisqu'il ne s'agit pas d'une reprise fidèle…
En effet, ces deux amendements visent à apporter un élément nouveau en supprimant la mention de la dérogation à l'article 3 de la loi Évin.
À titre liminaire, l'article 2 de la loi Évin concerne uniquement les salariés et n'est donc pas applicable aux agents publics.
En conséquence, il est bel et bien nécessaire de mentionner explicitement la dérogation à l'article 3 de la loi Évin, comme vous prévoyiez de le faire au travers de l'amendement que vous avez présenté ce matin en commission, monsieur Kerrouche. Sans cette mention expresse, certains assureurs pourront refuser de prendre en charge les suites des états pathologiques – dont les rechutes – survenus antérieurement à l'adhésion au contrat. La rédaction de l'article 4 défendue par M. le ministre risque donc de fragiliser la couverture des agents – je ne crois pas que telle soit ici l'intention des uns et des autres.
Les alinéas 2 et 3 de l'article 4, adopté à l'unanimité par la commission la semaine dernière, visaient à sécuriser la prise en charge des agents en mettant fin aux contentieux qui pourront naître de l'application de l'article 7 de la loi Évin en cas de succession de contrats. Ils ancrent la jurisprudence constante de la Cour de cassation et sont plus précis que la rédaction initiale de l'article 4.
Je ne peux donc entendre les arguments invoquant une imprécision ou un risque juridique. Bien au contraire, tous les cas de figure ont été envisagés afin que la loi précise clairement la conduite à tenir en cas de succession de contrats.
Par ailleurs, la rédaction de l'article 4 issue des travaux de la commission visait à prévoir explicitement les cas de succession d'un contrat collectif à un contrat individuel. Elle traduit ainsi l'esprit de l'accord collectif et évitera que les organismes ne fassent une lecture restrictive de l'article 4 ; une telle lecture serait préjudiciable aux agents.
En conclusion, l'article 4, tel qu'il a été adopté la semaine passée, est plus précis, plus sûr juridiquement et plus protecteur – j'insiste sur ce point – pour les agents. Il serait donc dommage de voter une rédaction bien moins-disante.
C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je peux parfaitement entendre que l'on veuille revenir, peu ou prou – car il ne s'agit pas tout à fait de la rédaction initiale – au texte rédigé à l'origine par la DGCL.
En revanche, je ne comprends pas de quoi il est fait grief à l'article 4 tel qu'il a été voté, à l'unanimité d'ailleurs, par la commission des lois.
Nous parlons ici de la succession de contrats de prévoyance. La question posée – et traitée par cet article – est la suivante : lorsqu'un agent tombe malade alors que le premier contrat de prévoyance est en cours, et que sa situation perdure après l'entrée en vigueur d'un second contrat, qui prend en charge les indemnités lorsque cet agent passe à demi-traitement ?
Il ne s'agit pas d'un cas rare. Cette situation a été réglée par une jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis 2007. Celle-ci établit que, si l'agent n'a pas été placé à demi-traitement pendant la durée du premier contrat, ce n'est pas le premier assureur qui doit intervenir, mais le second. Mme la rapporteure et la commission des lois ont donc choisi tout simplement d'intégrer cette jurisprudence.
Dès lors, prétendre que cette rédaction est imprécise ou source de risque paraît contestable. Bien au contraire, elle traduit une jurisprudence établie. Si l'on souhaite s'en écarter, pourquoi pas. Mais si l'on y adhère, pourquoi faire grief de cette rédaction, d'autant qu'il s'agit d'une précision juridique tout à fait utile dans le cas qui nous concerne ?
En tout état de cause, le Sénat tranchera.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour explication de vote.
Mme Isabelle Florennes. J'ai expliqué, dans mon propos liminaire, pourquoi j'étais favorable à l'amendement du Gouvernement et pourquoi j'ai choisi de faire confiance aux employeurs territoriaux, aux signataires de l'accord, ainsi qu'aux personnes qui m'ont soutenue dans le dépôt de cette proposition de loi et qui continuent de le faire.
L'amendement du Gouvernement comporte effectivement un ajustement d'ordre purement légistique consistant à supprimer la référence à l'article 3 de la loi Évin afin d'éviter toute confusion entre les notions relevant de cette loi et celles qui relèvent du champ assurantiel. Cet article ainsi que l'amendement ont – je le rappelle – été validés par la direction de la sécurité sociale (DSS), ce qui constitue un élément important.
J'évoquerai donc, en premier lieu, la confusion introduite dans le texte actuel. Je mentionnerai ensuite la réduction du niveau de concurrence, voire la distorsion de concurrence, en soulignant la fragilisation de l'assurabilité des risques. Puisque nous entrons dans des considérations techniques, allons-y franchement !
Par ailleurs, comme l'a très justement exprimé mon collègue Jean-Michel Arnaud lors de la discussion générale, il existe également un risque de renchérissement du coût des premiers contrats à adhésion obligatoire, en raison d'un transfert de risque qui paraît malvenu au regard de la soutenabilité de l'effort financier consenti par les collectivités locales dans le cadre de ce texte, et ce dans un contexte budgétaire difficile.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié bis et 7.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 336 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Pour l'adoption | 177 |
Contre | 142 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Article 5
Lorsqu'un agent territorial ayant souscrit un contrat individuel, destiné à couvrir les risques mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 827-1 du code général de la fonction publique, bénéficie d'un congé pour raisons de santé prévu au chapitre II du titre II du livre VIII du même code à la date de prise d'effet du contrat collectif objet de la convention de participation conclue par ou pour le compte d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public mentionnés à l'article L. 4 dudit code, l'obligation de souscription à ce contrat prévue à l'article L. 827-6 du même code ne lui est opposable que si l'agent territorial a repris l'exercice de ses fonctions pendant trente jours consécutifs au moins soit à l'issue de son congé pour raison de santé, soit à l'expiration de ses droits à congés pour raison de santé accordés au titre de l'affection pour laquelle il a obtenu ce congé.
Dans ce cas, par dérogation au deuxième alinéa du même article L. 827-6, l'agent territorial bénéficie de la participation de la collectivité territoriale ou de l'établissement public au financement des garanties de protection sociale complémentaire destinées à couvrir les risques d'incapacité de travail, d'invalidité, d'inaptitude ou de décès que le contrat individuel comporte dans les mêmes conditions financières que celles dont bénéficient les agents territoriaux ayant obligatoirement souscrit au contrat collectif mentionné audit article L. 827-6.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié ter, présenté par M. Masset, Mme Briante Guillemont, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Grosvalet et Laouedj, Mmes Pantel et Guillotin et MM. Roux et Gold, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... – Lors de la prise d'effet du contrat collectif, l'employeur public local ou son mandataire doit proposer à l'agent public qui bénéficie d'un congé pour raisons de santé d'adhérer audit contrat avant l'expiration du régime dérogatoire prévu au I du présent article.
La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Je veux dire que, contrairement à ce que j'ai déclaré lors de la discussion générale, les élus du groupe RDSE voteront unanimement en faveur de ce texte.
En examinant de plus près celui-ci, un point précis m'a interpellé – il peut paraître marginal, mais il est loin d'être anodin pour nos agents territoriaux.
Le problème est simple : à ce jour, rien ne garantit que les agents en congé maladie au moment de la prise d'effet du contrat collectif puissent effectivement bénéficier de la meilleure couverture possible. Pourquoi ? Parce que, dans sa version actuelle, l'article 5 ne prévoit aucun mécanisme permettant à ces agents de manifester leur choix – conserver le contrat individuel ou basculer vers le contrat collectif.
Résultat : un agent en arrêt maladie pourrait, par défaut, rester sur un contrat moins avantageux faute d'avoir eu le moyen d'exprimer clairement son choix.
Cet amendement vise à combler ce vide, en introduisant une obligation claire : l'employeur public local devra proposer à ses agents de choisir entre les deux options durant la période prévue à l'article 5.
À mon sens, cette mesure simple est un complément nécessaire à l'article 12 de la loi Évin, qui impose une obligation d'information par l'employeur en cas de changement de contrat de protection sociale.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. L'article 5 de la proposition de loi vise à créer une dispense d'adhésion au contrat collectif à adhésion obligatoire souscrit par la collectivité à l'intention des agents qui seraient en arrêt de travail à la date de prise d'effet de ce contrat.
Cette dispense serait provisoire : trente jours après avoir repris son travail, l'agent aurait l'obligation de souscrire le contrat. Et, dans l'intervalle, il aurait le choix : il pourrait soit adhérer au contrat collectif, soit continuer avec son contrat individuel préexistant. Mais, dans tous les cas, il bénéficierait de la participation de son employeur dans les mêmes conditions financières que celles dont bénéficient les agents qui ont souscrit le contrat collectif à adhésion obligatoire.
L'amendement de notre collègue Michel Masset tend à proposer d'expliciter l'alternative laissée à l'agent qui se retrouve dans cette situation, en prévoyant l'obligation que l'employeur l'informe de la possibilité d'adhérer au contrat collectif à adhésion obligatoire.
Ce faisant, il apporte une clarification qui permettra d'éviter que les agents reprochent à leur employeur d'avoir oublié de les informer de cette possibilité, et les éventuels contentieux qui pourraient en découler.
J'émets donc, sur cet amendement, un avis de sagesse positive.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis de sagesse.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié ter.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
I. – Lorsqu'aucune convention de participation n'est en cours à la date de publication de la présente loi, les articles 1er à 3 sont applicables à la collectivité territoriale ou à l'établissement public concerné à compter du 1er janvier 2029.
I bis. – Lorsqu'une convention de participation est en cours à la date de publication de la présente loi, dont le terme est antérieur au 1er janvier 2029, les articles 1er à 3 sont applicables à la collectivité territoriale ou à l'établissement public qui l'a conclue à compter du terme de cette convention.
II. – Lorsqu'une convention de participation est en cours à la date de publication de la présente loi, dont le terme est postérieur au 1er janvier 2029, la collectivité territoriale ou l'établissement public qui l'a conclue met en conformité cette convention à compter de cette date, dans le respect du code de la commande publique.
III. – (Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 3
Remplacer l'année :
2029
par l'année :
2028
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à fixer l'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2028.
Comme vous l'avez tous dit en préambule de l'examen de ce texte, mes chers collègues, alors que l'accord a été signé en 2023 et que nous sommes en 2025, une application en 2029 nous semble trop lointaine et assez contradictoire avec ce que nous avons tous dit sur le bien-fondé et l'absolue nécessité de cette avancée sociale pour les agents comme pour l'attractivité des métiers de la fonction publique.
Je serais tentée de dire que sa mise en œuvre doit intervenir le plus tôt possible !
Nous entendons les arguments visant à expliquer qu'il faut en passer par la commande publique, que les collectivités doivent se préparer, qu'il y a tout un travail à mener, sereinement et très sérieusement. Malgré tout, il nous semble qu'une entrée en vigueur en 2028 n'empêcherait pas de faire ce travail, surtout que nous ne partons pas d'une page blanche, puisqu'un nombre important de collectivités se sont engagées dans cette démarche.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. En commission, la date d'entrée en vigueur, que nous avons reportée au 1er janvier 2029, a suscité un petit débat.
J'ai évoqué, en discussion générale, les différents arguments qui ont conduit à retenir cette date – nous en avons discuté.
Effectivement, l'accord est de 2023, mais deux ans ont passé, et nous ne sommes pas au bout de nos peines : l'examen parlementaire du texte en est à sa première étape, et il y aura une navette, puisque la procédure accélérée n'a pas été engagée. Or la suspension des travaux est imminente, et l'on ignore quand la discussion sera programmée à l'Assemblée nationale – j'espère, monsieur le ministre, qu'elle le sera dans les meilleurs délais, mais, aux mieux, elle le sera à l'automne.
Au train où nous allons, le temps que le texte revienne chez nous, que nous y retravaillions, je pense que la loi ne pourra être promulguée avant le milieu de l'année 2026. Et je parle bien là de train gouvernemental, non de train de sénateur… (Sourires.)
Il faut être réaliste : une entrée en vigueur en 2027 n'est pas possible.
Une entrée en vigueur en 2028 nous paraît également compliquée, compte tenu des échéances électorales locales majeures que sont les élections départementales et les élections régionales, d'autant qu'il serait préférable de laisser aux nouveaux exécutifs la faculté de négocier leurs contrats.
Au reste, il en résultera un coût supplémentaire important pour les collectivités – j'en ai parlé dans la discussion générale. Ce coût n'est pas négligeable, après la majoration des cotisations employeur à la CNRACL. Le lisser, c'est aussi accorder une petite respiration aux collectivités.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable sur votre amendement, ma chère collègue.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre. Je suis d'accord avec les arguments que vient de développer Mme la rapporteure, sauf sur le train ministériel.
Voilà six mois que je défends l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de loi, mais le calendrier législatif est ce qu'il est, et je n'ai pas besoin de vous rappeler que, dans d'autres assemblées, l'atmosphère n'est pas nécessairement la même, et qu'elle peut parfois compliquer l'adoption de textes, même simples.
L'instabilité politique que nous subissons encore, d'une certaine manière, peut également causer des retards dans l'application des textes législatifs votés. Je crois que les statistiques parlent d'elles-mêmes : vous voyez bien qu'il y a parfois une forme de lenteur dans la prise des décrets d'application !
À toutes ces raisons s'ajoutent les éléments relatifs au temps électoral que vous avez évoqués : des élections municipales auront lieu au mois de mars prochain, et départements et régions rééliront leurs exécutifs en 2028.
Je pense qu'il est aussi de bon ton d'écouter les employeurs territoriaux, qui demandent eux-mêmes que l'entrée en vigueur du texte soit reportée à l'année 2029.
Cela dit, je veux avoir un mot pour les organisations syndicales. Je comprends qu'elles attendent. D'ailleurs, ce sujet est l'un des premiers sur lesquels je me suis penché après ma prise de fonctions, dans le cadre de discussions que j'ai eues avec elles et alors qu'il y avait eu, quelques semaines avant ma nomination au Gouvernement, une mobilisation des fonctionnaires de ce pays à laquelle l'ancien employeur public local que je suis ne pouvait qu'être sensible.
Je ne peux donc qu'entendre ces demandes, mais, au regard du coût de la mesure, du calendrier électoral et de tous les arguments qui ont été développés par la Mme la rapporteure et que je me permets de reprendre à mon compte, il est préférable d'en rester à une application en 2029.
En conséquence, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je veux simplement apporter une précision, qui rassurera peut-être Mme Brulin ainsi que les agents, dont M. le ministre a évoqué la préoccupation : rien n'interdit aux collectivités de mettre en place l'accord avant 2029.
M. Laurent Marcangeli, ministre. Bien sûr !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 rectifié est présenté par Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Ramia, MM. Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L'amendement n° 5 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
qui l'a conclue à compter du terme de cette convention
par les mots :
concerné dans l'année suivant le terme de cette convention et au plus tard le 1er janvier 2029
La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 2 rectifié.
Mme Patricia Schillinger. Je laisse, dans l'argumentation, la priorité à M. le ministre, qui va défendre un amendement identique au nôtre.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Laurent Marcangeli, ministre. Je vous remercie, madame la sénatrice. J'aurais aussi très bien pu, à l'inverse, venir en soutien de vos arguments…
Cet amendement vise, d'une part, à préciser les modalités d'application de la loi aux situations en cours et, d'autre part, à modifier la date jusqu'à laquelle un régime dérogatoire s'appliquera aux collectivités territoriales n'ayant pas souscrit de contrat collectif à la date de publication de la loi.
Il s'agit d'apporter un peu de souplesse dans la mise en œuvre opérationnelle de la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux, en prenant en compte les modifications apportées en commission. Il ne s'agit en aucun cas de revenir sur l'objectif de déploiement de l'accord signé entre les organisations syndicales et les employeurs territoriaux.
Cependant, il faut tenir compte des inquiétudes exprimées par les différents acteurs et les potentielles difficultés de préparation et de passation des marchés publics, qui, vous le savez, ne sont pas toujours un exercice d'une très grande facilité.
Dans ces conditions, il nous paraît nécessaire de laisser aux employeurs et aux organisations syndicales un délai réaliste pour négocier des accords collectifs locaux et mettre en place de nouveaux contrats.
Le Gouvernement propose ainsi, au travers du présent amendement, identique à celui de Mme la sénatrice, que les employeurs publics puissent bénéficier d'un délai d'un an suivant le terme de leur contrat en cours pour souscrire des accords collectifs locaux, sans dépasser la limite du 1er janvier 2029 fixée par la commission.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Sur ce sujet technique, je veux prendre le temps d'expliquer les choses.
La mise en œuvre pratique de ces amendements me semble présenter d'importantes limites.
Imaginons que la loi soit promulguée en septembre 2026 – c'est possible, comme je l'ai dit tout à l'heure –, et prenons l'exemple d'une collectivité dont le contrat collectif en cours à ce moment arrive à échéance le 31 décembre 2026.
Cette collectivité devra souscrire un nouveau contrat entrant en vigueur le 1er janvier 2027, de manière à assurer la couverture continue de ses agents – il ne faut pas qu'il y ait d'interruption.
Dans la version de l'article 6 adoptée par la commission, cette collectivité devrait souscrire un contrat collectif conforme aux articles 1er à 3 de la proposition de loi de manière qu'il entre en vigueur au 1er janvier 2027. Le contrat collectif à adhésion obligatoire avec participation de 50 % succéderait ainsi directement au contrat collectif qui était en cours.
Si ces amendements étaient adoptés, cette collectivité pourrait se contenter de renouveler à l'identique son contrat au 1er janvier 2027. Elle aurait ensuite jusqu'au 31 décembre 2027, puisque leurs auteurs ont donné un an – voire jusqu'au 1er janvier 2029 –, pour se conformer aux articles 1er à 3 du texte : en pratique, elle devra soit adopter un avenant, soit souscrire un nouveau contrat, ce qui est l'hypothèse la plus probable.
Ainsi, une collectivité devra, en l'espace d'une année, entreprendre les démarches pour souscrire deux contrats distincts, alors même qu'il serait plus logique qu'elle profite de l'arrivée à terme de son contrat collectif en cours pour souscrire d'emblée un contrat collectif conforme aux articles 1er à 3 de la proposition de loi. De fait, ne pas profiter de l'arrivée à terme du contrat pour se conformer à la proposition de loi reviendrait à reculer pour mieux sauter !
De surcroît, je rappelle que l'objectif du texte initial était bel et bien d'éviter le renouvellement des contrats collectifs selon des bases différentes de celles que prévoit l'accord collectif national.
Je ne conteste pas que, avec la rédaction de l'article adoptée par la commission, nous demandons aux collectivités qui disposent d'un contrat collectif en cours de validité de faire preuve d'anticipation, mais c'est ce qu'elles font souvent.
Par ailleurs, les amendements proposés annuleraient l'approche différenciée que la commission a retenue : toutes les collectivités, qu'elles aient ou non un contrat collectif en cours à la date de publication de la loi, auraient jusqu'au 1er janvier 2029 pour respecter les termes de l'accord collectif national.
Vous dites, dans l'objet de votre amendement, monsieur le ministre, vouloir « éviter toute embolie du marché » : je pense, au contraire, que son dispositif favorisera une telle embolie au 1er janvier 2029 ! Si vous souhaitez vraiment « lisser » dans le temps la conclusion d'accords collectifs à adhésion obligatoire, le plus efficace est d'opter pour l'approche progressive et différenciée que nous avons prévue dans le texte de la commission.
J'émets un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié et 5.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Les éventuelles conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)
6
Mise au point au sujet d'un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Lors du scrutin public n° 335 sur l'ensemble du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, mon collègue Frédéric Buval souhaitait voter contre, et non s'abstenir.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente,
est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
7
Conférence des présidents
M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie ce jour, sont consultables sur le site du Sénat.
En l'absence d'observations, je les considère comme adoptées.
Conclusions de la conférence des présidents
SESSION EXTRAORDINAIRE 2024-2025
Mercredi 2 juillet 2025
Le soir
- Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur la situation au Proche et Moyen-Orient
• Intervention des orateurs des groupes, à raison d'un orateur par groupe, par ordre décroissant des effectifs des groupes, avec 14 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste et 8 minutes pour les autres groupes, ainsi que 3 minutes pour un sénateur ne figurant sur la liste d'aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 1er juillet à 15 heures
Jeudi 3 juillet 2025
À 10 h 30 et l'après-midi
- Proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai, présentée par Mme Annick Billon, M. Hervé Marseille et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée ; texte de la commission n° 777, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 2 juillet matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 2 juillet à 15 heures
- Proposition de loi portant pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental, présentée par Mme Nadège Havet (procédure accélérée ; texte de la commission n° 779, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 2 juillet matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 2 juillet à 15 heures
Mardi 8 juillet 2025
À 9 h 30
- Questions orales
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
Liste des questions orales
À 14 h 30, le soir et la nuit
- Deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l'Assemblée nationale, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie (texte de la commission n° 802, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 27 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 1er juillet matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 4 juillet à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 8 juillet après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 7 juillet à 15 heures
Mercredi 9 juillet 2025
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l'inscription des auteurs de questions : mercredi 9 juillet à 11 heures
À 16 h 30
- Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture de la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive (texte A.N. n° 1148)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mercredi 9 juillet à 9 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 9 juillet en fin de matinée
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mercredi 9 juillet à l'ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 9 juillet à l'issue de la discussion générale
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 8 juillet à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu'un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 8 juillet à 15 heures
Le soir et la nuit
- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture de la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (texte A.N. n° 1487)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 8 juillet à 14 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 8 juillet fin d'après-midi
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mercredi 9 juillet à 17 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 9 juillet à la suspension du soir
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 8 juillet à 15 heures
Jeudi 10 juillet 2025
À 10 h 30
- une convention internationale examinée selon la procédure d'examen simplifié :
=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama et de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama (texte de la commission n° 818, 2024-2025)
• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : mardi 8 juillet à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte et conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte
Ces textes feront l'objet d'explications de vote communes.
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu'un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 9 juillet à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu'un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 9 juillet à 15 heures
L'après-midi et le soir
- Deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l'Assemblée nationale, relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (texte n° 797, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mercredi 2 juillet à 18 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : jeudi 3 juillet matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 7 juillet à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 9 juillet matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 9 juillet à 15 heures
Vendredi 11 juillet 2025
Le matin, l'après-midi et, éventuellement, le soir
- Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l'Assemblée nationale, relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (texte n° 797, 2024-2025)
SECONDE SESSION EXTRAORDINAIRE 2024-2025
ORDRE DU JOUR CONDITIONNEL ET PRÉVISIONNEL DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE DE SEPTEMBRE 2025
(sous réserve de la publication du décret du Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire)
Mardi 23 septembre 2025
À 14 h 30 et le soir
- Ouverture de la seconde session extraordinaire 2024-2025
- Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local (texte A.N. n° 1603 rectifié bis)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 septembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 22 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 23 septembre début d'après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 22 septembre à 15 heures
Mercredi 24 septembre 2025
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l'inscription des auteurs de questions : mercredi 24 septembre à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire (texte n° 496, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 septembre à 8 h 30
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l'article 47 quater, alinéa 1, du Règlement : lundi 22 septembre à 12 heures
• Délai limite de demande de retour à la procédure normale : vendredi 19 septembre à 17 heures
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 5 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 4 minutes chacun, ainsi qu'un sénateur ne figurant sur la liste d'aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 23 septembre à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, suite de la deuxième lecture de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local (texte A.N. n° 1603 rectifié bis)
- Sous réserve de son dépôt, projet de loi relatif à la restitution de biens culturels provenant d'États qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés.
Ce texte sera envoyé à la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 septembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 19 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 24 septembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 23 septembre à 15 heures
Jeudi 25 septembre 2025
À 10 h 30 et 14 h 30
- Éventuellement, sous réserve de sa transmission, suite de la deuxième lecture de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local (texte A.N. n° 1603 rectifié bis)
- Éventuellement, sous réserve de son dépôt, suite du projet de loi relatif à la restitution des biens culturels provenant d'États qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés.
Lundi 29 septembre 2025
À 16 heures
- Sous réserve de son dépôt, projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer (discussion générale)
Ce texte sera envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 22 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 24 septembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 29 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 30 septembre début d'après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 26 septembre à 15 heures
Mardi 30 septembre 2025
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de son dépôt, projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer (discussion des articles)
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mercredi 1er octobre 2025
À 15 heures
- Ouverture de la session ordinaire 2025-2026
- Questions d'actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l'inscription des auteurs de questions : mercredi 1er octobre à 11 heures
De 16 h 30 à 20 h 30
Espace réservé au groupe RDPI
Cet ordre du jour sera fixé ultérieurement.
Le soir
- Débat sur le thème : « Quelle réponse apporter à la crise du logement ? » (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l'orateur de répliquer pendant 1 minute
• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes
• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 30 septembre à 15 heures
Jeudi 2 octobre 2025
À 10 h 30
- Questions orales
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 7 octobre 2025
À 14 h 30 et le soir
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir l'égal accès de tous à l'accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit à l'aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
Ces textes ont été envoyés à la commission des affaires sociales, avec une saisine pour avis de la commission des lois sur la proposition de loi relative au droit à l'aide à mourir.
Ces textes feront l'objet d'une discussion générale commune.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 22 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 24 septembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 2 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 7 octobre en début d'après-midi et à la suspension du soir et mercredi 8 octobre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 2 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 octobre à 15 heures
Mercredi 8 octobre 2025
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l'inscription des auteurs de questions : mercredi 8 octobre à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir l'égal accès de tous à l'accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit à l'aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
Jeudi 9 octobre 2025
À 10 h 30, 14 h 30 et le soir
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir l'égal accès de tous à l'accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit à l'aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
Éventuellement, vendredi 10 octobre 2025
À 9 h 30 et 14 h 30
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir l'égal accès de tous à l'accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit à l'aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 14 octobre 2025
À 14 h 30 et le soir
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir l'égal accès de tous à l'accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit à l'aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
Mercredi 15 octobre 2025
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l'inscription des auteurs de questions : mercredi 15 octobre à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir l'égal accès de tous à l'accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit à l'aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
Jeudi 16 octobre 2025
À 10 h 30, 14 h 30 et le soir
- Éventuellement, suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir l'égal accès de tous à l'accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit à l'aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 21 octobre 2025
À 14 h 30
- Explications de vote des groupes puis scrutins publics solennels sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir l'égal accès de tous à l'accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit à l'aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
Ces textes feront l'objet d'explications de vote communes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d'un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 20 octobre à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 21 octobre à 12 h 30
8
Situation au Proche et Moyen-Orient
Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat
M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur la situation au Proche et Moyen-Orient.
La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, si nous sommes là ce soir pour débattre de la politique étrangère de notre pays, c'est parce que nous avons été à la fois spectateur et partie prenante d'un basculement historique parfaitement caractérisé et que quelques-uns d'entre nous ont analysé de manière exacte dès le jour où il s'est produit.
Ce jour était le 24 février 2022, lorsque les troupes de Vladimir Poutine ont franchi la frontière ukrainienne à Kharkiv et que nous avons constaté que le monde dans lequel nous vivions depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale avait profondément changé.
Ce monde était fondé sur l'idée – certains diront peut-être l'illusion – que ce qui constituait le principe des relations internationales et la protection de tous, y compris des plus faibles, était le droit.
Nous connaissons, depuis trente siècles, le principe du droit, qui s'énonce dans le prologue du code d'Hammurabi : « Pour empêcher le puissant d'opprimer le faible, j'instituerai dans la contrée le droit et la justice. »
Au XXe siècle, la Charte des Nations unies, dont nous avons célébré, cette semaine, le quatre-vingtième anniversaire, a repris et consacré ces principes au niveau international : on y retrouve gravés l'intangibilité des frontières, le respect des droits fondamentaux des personnes et l'égalité souveraine des nations, petites ou grandes.
Dès l'instant de la tentative d'invasion par la Russie, nous avons tous senti que la violation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine risquait d'entraîner un effet de contagion, de déclencher et de libérer les volontés de puissance et qu'une lame de violence pouvait frapper d'autres terres. La Russie a fait naître et a animé l'axe de la force et du désir de domination, au mépris du droit.
Les bruits de bottes se sont multipliés : le 47e président des États-Unis en a fait entendre au Groenland et au Mexique, le président du Venezuela au Guyana. Ces bruits se sont, en plusieurs endroits, amplifiés jusqu'à l'affrontement, comme entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, avec l'offensive au Haut-Karabakh.
Une détonation supplémentaire est venue ébranler le monde le 7 octobre 2023, en Israël, à Reïm, Kfar Aza, Nir Oz et Be'eri, où s'est perpétré le plus grand pogrom depuis la Shoah, faisant 1 200 victimes, parmi lesquelles 49 de nos compatriotes, 14 autres blessés et 8 enlevés. L'un de ces otages, comme nous le savons, est mort peu après lors de sa détention, aux conditions abominables.
Il faut nommer les coupables de ces actes sauvages : c'est évidemment le Hamas. Nous le croyons, cette sauvagerie était un acte terroriste délibérément choisi pour atteindre un but politique, qui était de rendre la haine inexpiable, de rendre à jamais impossible toute réconciliation entre Israël et ses voisins, entre Israël et la Palestine, entre Israël et Gaza.
Le 7 octobre a détruit l'espoir qu'avaient fait naître les accords d'Abraham, qui liaient Israël à des puissances du monde musulman – les Émirats arabes unis, le Maroc, le Soudan et Bahreïn – et dont on pouvait espérer que, à force de dialogue et de travail, ils incluraient même le pays qui garde les lieux les plus saints de l'Islam : l'Arabie saoudite.
Cette tentative de paix, ouverte, patiente et réaliste, voilà quelle était la cible réelle des attaques du 7 octobre.
Et qui a immédiatement profité de ce crime pour semer plus de guerre et de haine encore ? Les affidés de la République islamique d'Iran, qui, dès le 8 octobre, sous le nom d'« Axe de la résistance », ont décidé, à l'instigation de leur parrain, de se saisir de cette situation soudaine de faiblesse d'Israël pour se lancer à l'assaut de celui qu'ils considèrent comme l'ennemi désigné : le Hamas en Palestine, le Hezbollah au Liban, les milices armées chiites en Syrie et en Irak, les Houthis au Yémen et dans le golfe Persique.
Oui, nous avons dit, dès la première minute, qu'il était légitime qu'Israël se défende contre ces attaques.
Puis la succession des événements a suivi le cours que l'on connaît.
Ayant, sans jamais faiblir, défendu la sécurité d'Israël, nous sommes d'autant plus fondés à dire notre désarroi face à ce à quoi nous assistons depuis plusieurs mois à Gaza, à dire que sa situation humanitaire heurte nos consciences. Que des femmes et des enfants gazaouis allant chercher de quoi se nourrir soient pris pour cibles est insupportable, insupportable pour tous les citoyens et insupportable pour la République française ! Cette situation est intolérable. Nous affirmons et réaffirmons que l'aide humanitaire doit pouvoir être distribuée sans entrave.
Ces derniers jours, le séisme qui a débuté le 7 octobre a connu de violentes répliques, avec la campagne intensive de frappes menées par Israël contre le programme nucléaire et balistique iranien depuis le 13 juin dernier. La République islamique d'Iran, qui n'a jamais cessé de clamer son intention de « rayer de la carte » l'État d'Israël et qui a affiché son soutien aux massacres du 7 octobre, était, pour l'État hébreu, une menace existentielle : qu'un pays aussi voisin et aussi hostile soit presque parvenu à disposer du matériel nécessaire pour fabriquer dix bombes atomiques et se soit doté des missiles balistiques à même de les transporter et d'atteindre leur cible est évidemment un danger mortel pour toute la population israélienne, mais aussi pour les grands pays sunnites de la région ainsi que pour une partie de nos territoires européens, compte tenu de la portée de ces missiles.
Rappelons que l'Iran disposait, avant les frappes américaines, de 409 kilogrammes d'uranium enrichi à 60 %, un taux que ne peut en aucune manière justifier une simple production pacifique d'électricité, l'uranium utilisé comme combustible dans une centrale électronucléaire nécessitant un enrichissement à hauteur de seulement 5 % à 7 %.
Notre première préoccupation, pendant les douze jours qu'a duré le conflit, a été le sort de nos ressortissants. Immédiatement, nous avons déployé des moyens civils et militaires pour rapatrier ceux d'entre eux qui en formulaient la demande. Cette mobilisation a permis à plus d'un millier de Français de quitter l'Iran et Israël.
Nous avions aussi – faut-il le rappeler ? – de grandes inquiétudes pour nos deux ressortissants détenus en Iran de manière arbitraire depuis plus de trois ans, dans des conditions indignes : Cécile Kohler et Jacques Paris, dont nous n'avions plus de nouvelles depuis les frappes sur la prison d'Evin.
M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères et moi-même pouvons vous rassurer ce soir en vous disant qu'ils ont reçu hier une visite consulaire, et qu'ils sont sains et saufs.
Qu'ils sachent, que leurs familles et tous ceux qui les soutiennent sachent que nous mobilisons l'ensemble des moyens disponibles dans le seul but d'obtenir leur libération immédiate.
Un cessez-le-feu a été établi il y a maintenant huit jours. La France appelle la République islamique d'Iran à revenir à la table des négociations, car la seule réponse valable au danger que représente le programme nucléaire iranien sera – et ce ne peut être que cela – un règlement négocié.
Les frappes américaines ont sans doute eu une réelle efficacité. Mais, comme le souligne le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, l'Iran a toujours des capacités résiduelles.
Nous exhortons la République islamique d'Iran à respecter l'accord de Vienne de 2015. Il est essentiel que Téhéran permette aux agents de l'AIEA de reprendre leurs inspections sans délai.
On voit ce qui se joue là : face au retour des empires qui déchirent le paysage mondial, face au retour des volontés dominatrices et de la violence désinhibée, nous avons à définir, par notre politique étrangère, une attitude et une direction qui soient sans ambiguïté.
Alors comment la France applique-t-elle aujourd'hui les principes qui la guident depuis 1945 ?
Ces principes trouvent leur première application sur le front le plus brûlant, celui de l'Ukraine, à qui nous apportons un soutien permanent, qui doit être sans faiblesse, sans manque, sans faille, sur tous les aspects, et aussi profond que possible, afin d'épauler la résistance de ce pays héroïque à Vladimir Poutine.
Dans ce soutien, que nous menons en commun avec plusieurs de nos partenaires, la France a une préoccupation particulière : mettre en garde, infatigablement, contre le risque de lassitude de l'Occident, empêcher que ne s'insinue parmi les peuples, les états-majors et les gouvernements la fatigue de soutenir nos alliés et ceux qui se battent au nom de notre idéal européen et de la liberté.
Nous pouvons d'autant moins relâcher nos efforts que la Russie fait preuve d'une détermination qui paraît inflexible et qu'elle redouble de violence. L'Ukraine a subi, pas plus tard que dimanche dernier, une des attaques aériennes les plus massives qu'elle ait eu à connaître depuis le début de la guerre, avec plus de 500 drones partis de Russie. Nous le savons, une partie de ces drones est fabriquée en Iran.
L'été qui vient s'annonce déterminant en raison de la menace que fait peser une nouvelle offensive russe dans les prochaines semaines. Plusieurs milliers de soldats russes attendent non loin de Soumy, au nord-est de l'Ukraine, le meilleur moment afin de déstabiliser leur adversaire.
Les Ukrainiens se battent chaque jour, dans un rapport d'au moins un contre trois, pour éviter la rupture du front. Nous devons nous promettre que nous ne laisserons jamais l'Ukraine, qui est comme une part de nous-mêmes, succomber à cause de notre découragement.
Il est important de rappeler que les démocraties, contrairement à ce que l'on croit généralement, savent se battre. Sur trente et une guerres – les historiens ont fait le calcul – impliquant des démocraties contre des autocraties, survenues entre le Congrès de Vienne en 1815 et l'année 2020, 84 % ont été remportées par le camp des démocraties. Les démocraties savent « faire preuve de résilience », pour reprendre une expression courante, elles peuvent trouver dans leur développement économique et technologique, ainsi que dans leur capacité d'union, les forces indispensables pour l'emporter.
Notre soutien à l'Ukraine doit donc rester ferme et résolu, tout autant que notre volonté de trouver une issue au conflit. Comme l'a rappelé le Président de la République, la France appelle de ses vœux le lancement de négociations pour un règlement solide et durable du conflit.
Nos principes trouvent une seconde application dans notre soutien en faveur de la stabilité au Proche et au Moyen-Orient. Cela signifie évidemment une solidarité envers Israël, qui continue d'être la cible d'attaques balistiques, menées en particulier par les Houthis depuis le Yémen.
La France réaffirme que, face au pogrom vécu par Israël, la première des solidarités est de n'oublier ni les victimes, à commencer par les ressortissants français, ni les otages, ceux qui sont morts en détention et ceux qui le sont encore aujourd'hui, qu'ils soient israéliens ou d'autres nationalités. Il ne faut jamais oublier qui a actionné le détonateur, qui est le premier responsable de l'horreur et de ses suites.
Ce soutien constant au droit à l'existence et à la sécurité d'Israël n'enlève rien à notre liberté de parole ni à nos désaccords – je les ai évoqués – avec la politique du gouvernement israélien, notamment sur la situation de la Cisjordanie et le sort terrible que connaissent les civils à Gaza. La France soutiendra les efforts en cours pour obtenir un cessez-le-feu immédiat à Gaza et la libération de tous les otages.
Afin de rendre possible un règlement politique du conflit israélo-palestinien, notre pays prône une solution à deux États, en sachant qu'elle repose sur des conditions, qui sont les garanties données aux deux peuples : des garanties de sécurité apportées par l'ensemble des acteurs à Israël, et la possibilité offerte au peuple palestinien de disposer de l'État auquel il aspire légitimement.
Nous ne pouvons pas parler de la stabilité au Proche-Orient sans évoquer la situation au Liban, que le Hezbollah a entraîné dans un conflit dévastateur. Le mandat de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) doit y être renouvelé, consolidé, afin de garantir la sécurité, notamment dans le sud du Liban. Le Liban est aujourd'hui au défi de sa reconstruction politique et économique. La France espère voir ce pays frère retrouver sa pleine souveraineté.
Il en est de même pour la Syrie, dont la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale doivent être respectées. La levée des sanctions économiques européennes à l'égard de ce pays a été possible moyennant le respect de solides garanties en matière de transparence et de bonne utilisation des fonds internationaux, mais aussi de la prise en compte des enjeux prioritaires, comme la lutte contre l'État islamique et les groupes armés incontrôlés.
Les attaques terroristes ont encore récemment fait des victimes sur le sol syrien parmi les chrétiens d'Orient, horriblement visés lors d'une attaque contre une église chrétienne à Damas le 22 juin dernier. Nous ne pouvons rester impuissants et silencieux face à la persécution dont ils font l'objet, laquelle fragilise la transition politique à Damas et heurte profondément les convictions qui sont les nôtres.
À quelles conditions notre politique étrangère pourra-t-elle atteindre ces objectifs et permettre d'ouvrir un chemin de paix et de stabilité en Ukraine, ainsi qu'au Proche et au Moyen-Orient ?
La première condition, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est que nous construisions la puissance européenne. À l'heure du retour des impérialismes, si nous voulons continuer à défendre le droit et la justice, nous devons aussi comprendre que la justice sans la force est impuissante. La France plaide pour la puissance, sa propre puissance et celle de l'Europe.
Pour construire la puissance européenne, il faut non seulement s'intéresser aux moyens, mais surtout forger une volonté européenne d'organiser sa propre défense et de bâtir son autonomie stratégique. C'est aussi faire de l'Europe une puissance économique, financière, commerciale et industrielle, ce qui exige qu'elle défende le principe de règles équitables, également respectées par les autres puissances, et que nous unissions nos efforts. Nous croyons que, ensemble, nous pouvons aller plus haut et plus loin.
Il y a par exemple, monsieur le ministre des armées, des domaines militaires dans lesquels nous devons construire ensemble. Il nous faut soutenir l'industrie européenne de défense et privilégier une préférence européenne en matière d'acquisition d'armement. Nous ne pourrons assurer notre autonomie stratégique si nous ne sommes pas capables de nous équiper nous-mêmes.
Or, l'année dernière, les Européens ont acheté 79 % de leur équipement militaire hors de l'Union européenne, dont 63 % aux États-Unis. Ces chiffres disent à eux seuls la dimension du défi qui est devant nous. Nous devons renverser ces logiques d'approvisionnement. De premières étapes sont sur le point d'être franchies au niveau européen avec l'adoption par le Parlement européen d'un programme pour l'industrie européenne de la défense.
La situation oblige à conclure que, parmi les grands responsables politiques de notre continent, il n'y a que le président de la République française qui ait défendu cette volonté de manière continue, constante, jamais découragée, dans un idéal de construction du projet européen.
Souvenons-nous que, déjà en 2017, dans son discours de la Sorbonne, il affirmait la nécessité de bâtir une Europe forte, dotée d'une autonomie stratégique en matière de défense.
M. Rachid Temal. Huit ans…
M. François Bayrou, Premier ministre. Il appelait alors tous les dirigeants européens et l'ensemble des parlementaires à retrouver l'ambition de bâtir une « Europe souveraine, unie, démocratique ».
Pour résumer, nous croyons que seule l'Europe peut nous assurer une souveraineté réelle, c'est-à-dire garantir notre capacité à exister dans le monde actuel pour y défendre nos intérêts matériels et moraux.
La seconde condition, c'est que la France continue de jouer le rôle singulier qui est le sien, d'affirmer l'importance de la loi et la nécessité du dialogue.
Dans le cas du programme nucléaire iranien, la France a joué depuis le début un rôle de premier plan dans les négociations de l'accord de Vienne de 2015, qu'elle a contribué à renforcer. Le programme nucléaire a reculé dans le passé grâce à la diplomatie française. Il faut le rappeler, c'est Donald Trump qui a choisi de sortir de cet accord en 2018. La France l'a regretté ; elle en a été amèrement déçue. Elle a déployé tous les efforts pour faire revenir les États-Unis et inciter l'Iran à se conformer à ses engagements. Avec ses partenaires allemand et britannique, dans ce cadre européen, elle est restée à l'initiative pour une solution négociée.
Pour garantir à long terme que l'Iran ne se dote pas de l'arme nucléaire et que le régime mondial de non-prolifération continue d'être à tout le moins relativement respecté, un accord robuste, vérifiable et durable est indispensable. Des engagements clairs et concrets doivent être pris dès maintenant par l'Iran pour démontrer à la communauté internationale que ses dirigeants acceptent de s'engager dans cette voie et que des résultats rapides pourront être atteints. La France se tient prête à apporter sa compétence et sa constance dans un dossier qu'elle suit depuis dix ans.
À la mondialisation des problèmes – le séisme géostratégique que je viens d'évoquer, mais aussi ses répliques dans les champs industriel, commercial, et peut-être financier demain, qui déséquilibrent des économies entières – doit répondre une mondialisation des solutions. Cela signifie non pas qu'un pays imposera ses solutions à tous, mais que les solutions seront le fruit des discussions menées en commun.
C'est pourquoi nous défendons sans cesse ce qu'on appelle le multilatéralisme : chercher la paix par le dialogue, insérer nos intérêts dans des espaces partagés où la puissance des uns s'accorde à celle des autres. Les trois principaux membres permanents du Conseil de sécurité – la Russie, la Chine et les États-Unis – semblent hélas ! aujourd'hui renoncer, chacun à sa manière, à cette règle et à ces principes.
Vous le savez, la vocation singulière de la France, c'est de refuser la logique des blocs, d'œuvrer à bâtir ce que le Président de la République a récemment appelé la « coalition des indépendants » – dont le principe repose sur une vision cohérente avec celle du général de Gaulle –,…
M. Rachid Temal. Rien que ça !
M. François Bayrou, Premier ministre. … afin de rassembler tous les pays prêts à garantir un ordre international fondé sur le dialogue, seul moyen d'assurer l'équilibre des puissances.
Notre principe en politique étrangère, et nous cherchons chaque jour à le faire appliquer, c'est l'équilibre. La France est au rendez-vous que l'Histoire lui impose. La situation que nous vivons nous permet de réaffirmer et de retrouver l'inspiration et le rôle qui sont ceux de notre nation depuis quatre-vingts ans. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.
Dans le débat, la parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le 7 octobre 2023, les assassins du Hamas menaient sur Israël des raids barbares, faisant subir à leurs victimes les pires atrocités, commettant les pires pogroms, emmenant aussi des otages dont, pour certains, on ne sait toujours rien. Ce jour-là, l'irréparable était commis. Et une bascule s'opérait, amenant Israël à s'engager dans une lutte implacable contre ceux qui avaient juré son anéantissement.
Qu'il s'agisse du Hamas, du Hezbollah, des Houthis ou encore des milices chiites en Syrie et en Irak, tous font partie d'un seul réseau : celui des affidés de Téhéran. Et tous appartiennent à cette même nébuleuse de l'islamisme radical, cette internationale du terrorisme qui a fait couler le sang, particulièrement dans notre pays.
Pendant des années, grâce au soutien des mollahs, ces djihadistes ont déstabilisé les pays dans lesquels ils étaient installés. Ils ont professé la haine du peuple juif, ils ont fait pleuvoir sur Israël des milliers de roquettes, y ont fomenté des dizaines d'attentats, jusqu'à se rendre coupables des massacres qui furent le détonateur de la crise actuelle.
Alors, très clairement, oui, Israël a le droit de se défendre contre ses ennemis, qu'ils se trouvent à Gaza, au Liban, en Syrie ou au Yémen. Et bien sûr en Iran, où l'imminence d'un régime théocratique, doté du terrifiant feu nucléaire, faisait peser la plus existentielle des menaces.
Évidemment, l'Iran prétend ne jamais avoir eu la volonté de développer l'arme atomique, mais seulement celle de se doter de capacités énergétiques civiles. Pourtant, l'incompatibilité entre ses dénégations et les taux d'enrichissement constatés dans ses installations est manifeste. Et le développement exponentiel de ses capacités balistiques dit tout de ses volontés offensives.
N'oublions pas que, il y a trois ans, au moment des pires répressions contre le mouvement « Femme, Vie, Liberté », sa véritable nature nous était apparue en pleine lumière. N'oublions pas que, aujourd'hui, nous appelons encore et toujours à la libération de nos compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris, retenus dans les geôles iraniennes à la seule fin de servir une abjecte diplomatie des otages.
Alors, là aussi, il nous faut être parfaitement clairs : l'Iran ne doit pas devenir un État nucléaire, ni aujourd'hui ni demain.
L'opération Am Kalavi a retardé cette échéance et porté un coup sérieux aux ambitions du régime. Elle l'a laissé militairement affaibli et stratégiquement isolé. À défaut, semble-t-il, d'avoir été décisive, elle a été utile.
Toutefois, si le cessez-le-feu a éloigné le spectre de l'embrasement régional, qui s'était considérablement rapproché après l'intervention américaine, un dénouement de la crise au Moyen-Orient demeure pour autant loin d'être acquis. Celui-ci dépendra naturellement de nombreux facteurs. Mais il dépendra aussi d'Israël lui-même, et des objectifs qu'il entend désormais poursuivre.
Depuis dix-huit mois, ses succès tactiques ont été éblouissants. Mais son succès stratégique, lui, est une question toujours en suspens. Car, à la fin des fins, quelle autre issue qu'une paix durable pourrait être qualifiée de véritable victoire pour Israël ?
L'impasse qui doit aujourd'hui être évitée, c'est celle d'un état de guerre qui deviendrait permanent. À ce titre, tous les regards sont tournés vers la bande de Gaza, point zéro de la déflagration qui secoue aujourd'hui toute la région.
Bien sûr, nous connaissons les paramètres qui amorceraient une résolution du conflit : libération de tous les otages, démantèlement politique et militaire du Hamas, établissement d'une administration transitoire favorable à la paix et à la coexistence.
Sur tous ces points, la communauté internationale devra faire montre d'une implication beaucoup plus forte, et tout particulièrement les États voisins, dont beaucoup sont restés en retrait. S'ils sont sincères dans leur désir de paix, ils devront désormais assumer des responsabilités d'un autre niveau.
En tout état de cause, tant que le Hamas s'accrochera à son pouvoir dictatorial, non seulement il continuera de faire le malheur de son peuple, mais toute sortie de crise durable demeurera hors de portée.
Dans ces conditions, reconnaître un État de Palestine est certes inéluctable. Mais le faire maintenant n'aurait aucun sens, car aucune des conditions nécessaires n'est réunie pour qu'un tel acte soit utile à la paix.
Bien qu'elles n'aient pas été éradiquées, force est de constater que les capacités de nuisance de l'organisation terroriste sont désormais considérablement réduites.
Dès lors, la situation militaire actuelle peut difficilement expliquer – et encore moins justifier – les tragédies subies par la population gazaouie. Face à ses souffrances, il est nécessaire qu'Israël modifie sa stratégie. Il y va de sa responsabilité, mais aussi de son intérêt. Car il est une vérité absolue : Gaza est une terre palestinienne, et elle sera peuplée demain par ces mêmes Palestiniens.
Penser le jour d'après, le penser dans une optique de paix juste et durable, est exigeant. Cela impose à Israël d'assurer sa sécurité sans s'aliéner définitivement les Palestiniens, de protéger son avenir sans obérer le leur.
En définitive, cela l'invite à ne jamais perdre de vue les valeurs attachées à ce qu'est, à ce que représente profondément Israël : une authentique démocratie, et la seule du Moyen-Orient.
C'est sur une ligne de crête analogue que nos amis israéliens devront également cheminer au Liban ou en Syrie. Ces deux pays, si fondamentaux pour la sécurité d'Israël, sont aujourd'hui à la croisée des chemins.
À Damas, le régime de Bachar al-Assad a fini par tomber. À Beyrouth, l'étreinte du Hezbollah sur le Liban est enfin desserrée. Dans les deux cas, tout reste fragile et mouvant, et surtout sujet à mille prudences, en particulier en Syrie, où le nouveau pouvoir est très loin d'avoir convaincu de ses intentions, notamment vis-à-vis des minorités.
Mais, comme jamais peut-être depuis plus de trente ans, l'ombre de Téhéran s'éloigne et des possibles s'ouvrent. Veillons à ce qu'ils ne se referment pas sans offrir de perspectives.
En Iran, la chute du régime a été évoquée, espérée. Elle serait sans doute une excellente nouvelle, avant tout pour les Iraniens eux-mêmes. Car ce grand peuple mérite infiniment mieux que le pouvoir qu'il subit depuis plus de quarante-cinq ans.
Mais l'expérience récente nous a instruits des dangers que comporte un renversement de régime, même honni de tous, lorsqu'il est imposé par la force des armes étrangères.
Souvenons-nous des affrontements qui peuvent si rapidement éclater dans une région où la mosaïque des peuples est la marque d'une histoire plurimillénaire. Une telle issue, à l'évidence, ne ferait qu'ajouter aux malheurs des Iraniens, et à ceux de leurs voisins.
Si la fin du régime des mollahs doit advenir, elle ne pourra donc venir que du peuple iranien, agissant par lui-même et pour lui-même.
Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, à l'heure où nous débattons, la tension dans la région a baissé de plusieurs crans. Mais la situation n'en reste pas moins très volatile. Alors, dans ce contexte incertain et toujours dangereux, que peut faire la France ? À la vérité, sans doute bien moins que nous ne le souhaiterions, malheureusement.
Militairement, toute action est évidemment exclue.
Non seulement parce que notre pays n'a aucune vocation à participer à de quelconques opérations offensives dans la région. Mais aussi, il faut bien l'avouer, parce qu'en dépit de notre présence essentielle au Liban au sein de la Finul, en dépit de nos emprises militaires en Jordanie, aux Émirats arabes unis ou à Djibouti, nos moyens militaires ne nous permettent pas de peser réellement.
Si le cas devait se présenter, comme lors des tirs de missiles iraniens en 2024, nous ne pourrions sans doute pas participer à une action défensive pendant plus que quelques jours. Et encore, avec une contribution efficace, certes, mais bien modeste par son volume.
Diplomatiquement, le chemin apparaît à peine moins obstrué.
Depuis de nombreuses années maintenant, notre influence au Moyen-Orient a dramatiquement reflué. Plus récemment, les positionnements fluctuants, l'activisme désordonné et les propositions parfois déroutantes du Président de la République questionnent la lisibilité de notre action diplomatique.
De son implication critiquée dans la crise libanaise à son invitation prématurée du nouveau président syrien à l'Élysée, de sa proposition de coalition militaire internationale contre le Hamas aux doutes qu'il a laissé planer sur une reconnaissance unilatérale et inconditionnelle de la Palestine, c'est peu dire que ses initiatives ne dessinent pas de ligne directrice claire pour notre politique étrangère au Moyen-Orient.
Pourtant, la France à des choses à dire, et des choses à faire.
Je pense évidemment en premier lieu au Liban, avec lequel nous entretenons une si longue relation d'amitié. Alors qu'un processus de refondation s'esquisse, la France se devra d'y rechercher un rôle actif, mais surtout d'y tenir une ligne sans ambiguïté en apportant son soutien aux pôles de stabilité qui émergent, tout en contribuant à diminuer encore le Hezbollah et les forces centrifuges.
Cette « guerre des douze jours » entre Israël et l'Iran l'a cruellement démontré : lorsque les événements s'emballent, notre pays en est aujourd'hui réduit à commenter, à s'inquiéter ou à mettre en garde, sans être écouté ni parvenir à influencer. Sans même être tenu au courant des initiatives de ses alliés, là où Londres était informée par Washington et Berlin par Tel Aviv…
Alors, bien sûr, la France entend rester à l'initiative et capitaliser sur la place qu'elle a tenue pendant près de vingt ans dans les négociations sur le nucléaire iranien. Et, bien sûr, nous ne pouvons qu'encourager les efforts qu'elle déploie, aux côtés de ses partenaires britannique et allemand, pour se frayer malgré tout un chemin jusqu'à la table des négociations.
Cependant, reconnaissons-le, notre capacité à influer sur les acteurs du conflit restera faible, et notre rôle sans doute limité à des missions de bons offices. En tout état de cause, si notre ambition est de parvenir à une alternative crédible aux opérations militaires, nous devrons changer profondément d'approche, et d'abord nous souvenir du peu de confiance qu'il est possible d'accorder au régime iranien.
Rappelons-nous que son programme nucléaire et ses principaux sites d'enrichissement n'ont été découverts qu'à la suite des révélations faites par ses opposants ou par des services de renseignement étrangers. Rappelons-nous que ses engagements vis-à-vis de la communauté internationale ont été systématiquement rompus, et ce dès 2004.
Le schéma qui fut négocié par le passé, et qui n'a pas permis d'éviter la crise actuelle, ne pourra pas être reproduit. Si accord il y a, il devra s'avérer infiniment plus coercitif que celui de Vienne et ne plus laisser place à aucune ambiguïté, aucune naïveté ou aucun laxisme.
Évidemment, toute perspective nucléaire devra être rendue impossible. Mais, plus largement, c'est aussi l'aptitude déstabilisatrice de la République islamique qui devra être jugulée, depuis son soutien au terrorisme jusqu'à ses capacités balistiques, en passant par sa politique d'influence invasive dans les pays de la région.
Soyons-en conscients : obtenir des engagements fermes de Téhéran, mais surtout avoir les capacités de les faire appliquer, relèvera de la gageure.
Le Moyen-Orient est néanmoins aujourd'hui à un carrefour de son histoire. Un nouveau chapitre s'ouvre et, n'en doutons pas, il s'écrira en grande partie autour de la question iranienne.
Les évolutions du conflit israélo-palestinien, la stabilisation du Liban, de la Syrie et de l'Irak, la guerre civile au Yémen : la plupart de ces grands enjeux de la région lui sont liés.
Si des voies de passage diplomatiques, aussi étroites soient-elles, existent, il est de la responsabilité de la France de contribuer à les chercher, avec lucidité et fermeté.
Ce faisant, elle serait fidèle non seulement à sa vocation internationale, mais aussi aux valeurs de notre République. Au moment où certains dans notre pays sont prêts à tous les aveuglements, à toutes les instrumentalisations, à toutes les compromissions avec ceux qui crient « mort à Israël ! » comme hier on criait « mort aux Juifs ! », la France se doit de réaffirmer avec force certains principes.
M. le président. Il faut conclure.
M. Mathieu Darnaud. Ces principes s'illustrent par une volonté farouche de préserver la paix et d'œuvrer à la stabilité internationale. Toutefois, ils impliquent également, ne l'oublions jamais, le refus catégorique et absolu de voir prospérer le totalitarisme islamique du Hamas, du Hezbollah et de leurs parrains iraniens.
Car, en définitive, c'est là, bien davantage que dans d'artificielles équidistances, que s'incarnera réellement la volonté maintes fois exprimée par la France d'être dans le monde une puissance d'équilibre.
Après tout, Charles de Gaulle disait il y a maintenant longtemps une phrase qui n'a sans doute jamais été aussi juste : « Ce qu'il faut surtout pour la paix, c'est la compréhension des peuples. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Véronique Guillotin et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Vayssouze-Faure, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, quand le droit international est piétiné, c'est à la diplomatie de trouver la force de le remettre sur pied.
L'exercice est d'autant plus complexe que les attributs du pouvoir ont évolué. La puissance du dialogue a été évincée par la force brutale, qui ne vise pas à construire un ordre politique nouveau, mais qui cherche à détruire les équilibres et, parfois, à restaurer les empires du passé.
Cette force, dans le fracas des bombes, méprise lâchement le droit international, celui que les tyrans de notre siècle ont savamment relégué au silence, que la déraison des États a frontalement saccagé.
Face à la loi de la jungle, il nous faut revenir aux valeurs refuges que nous avons toujours portées ; revenir aux valeurs démocratiques, qui sont le fondement de notre politique ; revenir à la notion de multilatéralisme, qui dirige nos intérêts diplomatiques ; revenir à la règle de l'autodétermination, au cœur de la liberté des peuples ; revenir aux moyens pacifiques, consacrés par l'article 1er du traité de l'Atlantique Nord.
Après celle de 2014, la nouvelle agression de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022 a été l'expression du mépris de ce socle de valeurs. Il s'agit d'un basculement, confirmant que notre continent n'est pas épargné par l'épidémie de brutalité qui s'est emparée du monde.
Des millions d'enfants, de femmes et d'hommes en proie à un espace international plus dangereux aujourd'hui qu'hier, sont les victimes de cette épidémie. Elle nous enjoint d'avoir une pensée pour les civils morts, blessés, endeuillés, plongés dans l'inquiétude, pour les peuples meurtris, ceux que l'on veut effacer, pour les otages, pour nos compatriotes et les personnels de nos ambassades établis dans ces pays directement frappés par les velléités d'hégémonie déchaînée ; une pensée, aussi, pour les opposants politiques progressistes qui militent au péril de leur vie, qui n'ont pas voix au chapitre dans ces États déstabilisés, mais qui trouveront toujours dans cet hémicycle des alliés pour relayer leur voix.
Oui, quand le droit international est piétiné, c'est à la diplomatie de trouver la force de le remettre sur pied. C'est à cela que nous invite la déflagration qui a frappé le Proche et Moyen-Orient ces derniers jours, accélérant la spirale de déstabilisation dans laquelle a été entraînée la région.
Cette déflagration a été marquée par l'offensive israélienne lancée sans sommation dans la nuit du 12 au 13 juin dernier, en réaction à la poursuite du programme nucléaire de l'Iran, qui a ciblé les fabriques de missiles balistiques et les capacités militaires. Les appels à la retenue formulés par les chancelleries occidentales et par l'ONU n'ont pas empêché la riposte iranienne ni arrêté les frappes israéliennes.
Face à l'embrasement, les Européens ont tenté de relancer la voie diplomatique à Genève. Donald Trump s'est empressé de déclarer que l'initiative du Vieux Continent n'était pas crédible et a insulté les règles qui s'imposent aux États en déclenchant, le 22 juin, une frappe visant trois sites nucléaires iraniens.
En retour, l'Iran a ciblé la plus grande base américaine de la région, située au Qatar, après en avoir avisé Washington.
En réalité, il s'agit d'un deal à la Trump, d'une opération de communication bien huilée, d'une transaction indécente : « J'épargne ton régime, tu gardes la face et, en contrepartie, j'affiche ma puissance en annonçant la fin de la "guerre des douze jours". »
Personne n'est dupe : c'est une supercherie. Rien n'est réglé : ni l'anéantissement de la force nucléaire iranienne ni la fin de la guerre.
Les récents événements sont une invitation à remobiliser nos valeurs refuges. En la matière, la République islamique d'Iran est l'adversaire absolu de nos valeurs, car ce régime opprime son peuple, humilie les femmes, déstabilise le Proche et Moyen-Orient avec ses proxys.
Les démocrates doivent dénoncer la République islamique d'Iran, qui enferme, dans ses geôles, non seulement ses opposants, mais aussi nos compatriotes.
Comment ne pas avoir une pensée émue pour les otages d'État, Cécile Kohler et Jacques Paris ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) Nous apprenons que leur intégrité physique n'a pas été atteinte par la frappe israélienne ciblant le centre d'incarcération d'Evin, mais le régime continue de les détenir dans des conditions inhumaines. Monsieur le Premier ministre, nous n'attendons qu'une seule image, à laquelle Cécile Kohler et Jacques Paris ont dû rêver des centaines de fois : celle de leurs retrouvailles avec leurs proches.
Nous savons que le Quai d'Orsay est pleinement mobilisé, mais nous demandons au Gouvernement de réaffirmer, une nouvelle fois, devant l'exécutif iranien, qu'il y a urgence à procéder à leur libération.
En plus de s'en prendre à nos concitoyens, la République islamique d'Iran veut l'arme nucléaire. Le régime des mollahs doit-il pouvoir disposer de la bombe atomique ? Jamais ! C'est une condition de notre survie collective.
Nous partageons d'ailleurs la vive inquiétude exprimée par l'Agence internationale de l'énergie atomique face à l'accumulation rapide d'uranium enrichi par l'Iran. Le directeur de cette agence fait d'ailleurs l'objet de menaces inacceptables.
Nous sommes tout aussi préoccupés face aux armes de destruction massive dont s'est dotée, par exemple, la Corée du Nord. Nous devons ainsi appeler tous les pays qui n'ont pas encore signé le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires à le faire.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous avez exhorté Téhéran à reprendre sans délai la voie du dialogue avec l'AIEA afin d'aboutir à une solution diplomatique robuste qui réponde aux inquiétudes légitimes de la communauté internationale. Pouvez-vous nous indiquer comment la France compte agir concrètement pour favoriser ce retour à la coopération ?
Le présent débat doit également être l'occasion de s'interroger sur les buts de guerre de l'actuel gouvernement israélien. En effet, l'offensive de la nuit du 12 juin n'est pas simplement liée au fait que l'État hébreu souhaite avoir le monopole de l'arme nucléaire au Proche-Orient. L'horizon de Benyamin Netanyahou, double, consiste également à tenter de défaire un régime par la force et depuis l'extérieur. L'Histoire a toutefois démontré que cette méthode ne mène quasiment jamais à rien, si ce n'est à répandre le chaos et à favoriser l'émergence de groupes déstabilisateurs.
Si l'exécutif israélien a, comme il le prétend, cherché à se défendre afin d'assurer sa sécurité, est-il pour autant fondé à mener une guerre dite préventive, en violation du droit international, précisément au moment où se déroulaient des « développements diplomatiques importants », comme l'a indiqué le secrétaire général adjoint de l'ONU ?
En tout état de cause, face au nouvel équilibre des forces et au risque de fuite en avant, chacun a le devoir de remettre du politique derrière le militaire, de la diplomatie derrière la violence, de la dénonciation derrière l'horreur.
L'horreur aujourd'hui, c'est Gaza ; Gaza, où la tragédie humanitaire s'aggrave chaque jour ; Gaza, où la distribution d'aide vire au chaos ; Gaza, où un peuple marche lentement vers la mort ; une enclave dans laquelle l'accès à la distribution alimentaire devient une arme ; une enclave où la quête de vivres peut brutalement être interrompue par des tirs israéliens, comme cela a encore été le cas le 17 juin dernier à Khan Younès, où cinquante-neuf personnes affamées venues s'approvisionner ont été froidement abattues.
De telles scènes sont devenues récurrentes. Des soldats et des officiers israéliens, chargés de la sécurité de ces centres, décrivent eux-mêmes des scènes pouvant relever de crimes de guerre. Monsieur le Premier ministre, il faut lever le blocus humanitaire et démilitariser l'aide humanitaire.
Au total, depuis les attentats terroristes du 7 octobre perpétrés par le Hamas, ce sont plus de 56 000 Palestiniens, dont 17 000 enfants, qui ont été tués par Tsahal.
Dans ce contexte accablant et après la conduite des opérations israéliennes en Iran, le temps est venu de mettre un coup d'arrêt à l'effroi, à ce qui constitue l'une des plus grandes hontes de ce siècle, tout en exigeant la libération des otages. Monsieur le Premier ministre, l'Europe et la France ont le devoir d'indiquer la porte de sortie diplomatique à Israël.
Donald Trump prétend avoir convaincu l'État hébreu d'accepter les termes d'un cessez-le-feu de soixante jours. Peut-on sérieusement lui faire confiance, à lui, au faiseur de paix autoproclamé qui projetait de manière obscène de faire de Gaza un gigantesque complexe hôtelier après avoir déplacé la population palestinienne ?
Peut-on envisager l'avenir avec ceux qui, après avoir bâti un ordre international basé sur le droit, s'attachent à le massacrer et, au passage, s'apprêtent à abandonner l'Ukraine en annonçant hier la suspension d'une partie de son aide militaire ?
Peut-on confier les clés à l'architecte du chaos, qui, au moment même où il retirait son pays de l'accord de Vienne sur la dénucléarisation de l'Iran, s'est placé en position de responsable de l'escalade qui déstabilise le Moyen-Orient ?
Non, l'avenir de la région ne peut pas s'écrire dans la sûreté avec le fanatisme des mollahs. Mais l'avenir ne peut pas non plus s'écrire avec ceux qui estiment que rétablir la concorde passera par des déflagrations interposées.
La désescalade au Moyen-Orient doit venir de ceux qui croient en la diplomatie, de ceux qui placent la prééminence du droit international et du multilatéralisme au cœur de leur socle intangible de valeurs.
Elle doit venir de ceux qui défendent la solution à deux États, position historique des socialistes.
Elle doit venir de ceux qui se mobilisent activement pour la paix. Je pense aux sociétés civiles, mais aussi à des politiques, tels que l'ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert et l'ancien chef de la diplomatie palestinienne Nasser Al-Kidwa.
Elle doit venir de ceux qui entendent contribuer à la stabilité en Cisjordanie, au Liban et dans tout le Moyen-Orient.
Dans ces moments où l'Histoire bascule, comme en 2003 lors de l'intervention des États-Unis en Irak, un pays sait dire au monde ce qui est juste. Ce pays, c'est la France, celle qui a une histoire, celle qui a une mémoire, celle qui cultive donc des valeurs.
Monsieur le Premier ministre, notre pays a la responsabilité de rappeler que le droit et la négociation doivent l'emporter sur la force et le fait accompli.
Si notre diplomatie parvient à mettre fin à ses atermoiements, alors le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain saura être aux côtés de l'exécutif. Il faut, pour cela, des positions constantes et transparentes.
De transparence, c'est pourtant ce dont nous manquons quand le Président de la République reprend subitement ses échanges avec Vladimir Poutine, rompant ainsi avec trois années de silence, et sans prévenir la représentation nationale.
Oui, nous sommes prêts à travailler, à proposer un chemin. Toutefois, encore faudrait-il que nous soyons d'accord sur le socle de valeurs que je viens d'énoncer ; encore faudrait-il que vous vous engagiez à cesser de ponctionner le Quai d'Orsay, de compresser les moyens de notre diplomatie et d'éteindre ainsi la voix de la France ; encore faudrait-il que vous ayez la volonté de définir les intérêts diplomatiques de notre pays dans un cadre partagé, et non à travers une position isolée.
En effet, ce qui permettra de bâtir la politique diplomatique de la France, c'est non pas une succession de débats ponctuels, mais des échanges ininterrompus avec les forces politiques.
Notre formation politique a toujours su prendre ses responsabilités. Monsieur le Premier ministre, faites un pas vers ceux qui veulent construire, soyez à l'écoute de ceux qui ne faiblissent pas sur l'essentiel, placez-vous à la hauteur du chaos que traverse le monde !
Ce qui est en jeu, c'est la parole de la France, la force de nos valeurs. Monsieur le Premier ministre, ces valeurs doivent rester l'expression vivante de notre héritage, celui des Lumières. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cadic. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, dimanche 22 juin, un assaillant entre dans l'église Saint-Élie à Damas avec des armes et des explosifs. Grégoire, Bachar et Pierre se précipitent sur lui et le plaquent au sol, choisissant de mourir pour sauver près de 250 personnes à l'intérieur de l'édifice.
Le groupe Union Centriste présente ses condoléances à sa béatitude le patriarche Jean X d'Antioche et aux familles des vingt-deux martyrs victimes de cet acte odieux qui visait directement la communauté chrétienne en Syrie.
Lors de notre rencontre, il y a deux mois au nord du Liban, le patriarche Jean d'Antioche m'avait averti des menaces qui pesaient en Syrie sur les chrétiens d'Orient. Mon premier message consiste à relayer à la communauté internationale son appel à ne pas détourner le regard et à œuvrer pour assurer la protection de toutes les communautés religieuses du Moyen-Orient.
Je veux également avoir une pensée pour Cécile Kohler et Jacques Paris, qui, depuis plus de trois ans, endurent le martyre et dont les familles sont rongées par l'angoisse. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, de nous avoir rassurés sur leur sort. Comme l'a déjà fait il y a quelques jours notre collègue Olivia Richard, présidente du groupe d'amitié France-Iran, notre groupe appelle à la libération immédiate de nos compatriotes.
Nous n'oublions pas non plus les cinquante otages retenus par le Hamas dans des souterrains à Gaza depuis le 7 octobre 2023. Nous remercions le Gouvernement et l'ensemble des services du Quai d'Orsay, dont l'efficacité a permis, au cœur de la crise, de favoriser le rapatriement de Français vivant en Iran et en Israël.
À la fin de 2020, à la suite de l'attentat du 11 novembre de Djeddah au cimetière non musulman, j'avais demandé à notre collègue Jean-Baptiste Lemoyne, alors ministre, que le processus de communication de crise soit formalisé et que nos élus fassent l'objet d'une information spécifique. Encore aujourd'hui, le groupe Les Indépendants de l'Assemblée des Français de l'étranger, présidé par Nadia Chaaya, demande régulièrement l'intégration des élus dans les systèmes de gestion de crise.
Au regard des événements récents en Iran et en Israël, il nous apparaît essentiel que les élus des Français de l'étranger puissent jouer leur rôle d'interface avec la communauté française et disposent d'une information officielle.
Depuis la création de la République islamique d'Iran, le régime des mollahs appelle à la destruction de l'État israélien et menace ouvertement les monarchies du Golfe, qui, aujourd'hui encore, pour certaines d'entre elles, dénoncent des ingérences de Téhéran.
Comme vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre, la France a été parmi les premiers pays à reconnaître l'État d'Israël, et a toujours manifesté sa solidarité lorsque l'État hébreu a été attaqué.
Les massacres de masse opérés par le Hamas le 7 octobre ont été monstrueux. Ils ont entraîné une réponse justifiée d'Israël pour neutraliser cette organisation terroriste. Nous tenons à rappeler avec force que quarante-deux Français ont été tués dans cette attaque, ce qui fait de la France le premier pays en ce qui concerne le nombre de victimes étrangères.
Toutefois, comme nous l'avions dit, rien ne serait pire que de confondre le Hamas avec la cause palestinienne et sa légitime revendication à disposer d'un État autonome. (M. Rachid Temal s'exclame.) La population palestinienne se retrouve l'otage de cette organisation terroriste soutenue par l'Iran.
Le Hamas n'est pas le seul proxy de l'Iran : à la suite de l'attaque du 7 octobre, le Hezbollah, depuis le Liban, et les Houthis, depuis le Yémen, s'en sont également pris à l'État hébreu.
Comme lors de l'élimination des membres du Hezbollah au Liban avec les bipeurs trafiqués, Israël a choisi l'effet de surprise pour bombarder les infrastructures nucléaires iraniennes.
Dans la nuit du 21 au 22 juin, le président Trump a mis en œuvre l'opération Midnight Hammer pour neutraliser ces infrastructures, qui s'avèrent constituer l'un des plus grands dangers pour la sécurité d'Israël et du Moyen-Orient. Déjà, quelques semaines plus tôt, les Américains avaient frappé à plusieurs reprises les Houthis au Yémen. À l'issue de ces frappes, le régime iranien apparaît affaibli et isolé.
Reste aujourd'hui la question du désarmement du Hezbollah, qui peine à se concrétiser. Cela justifie l'impatience de tous ceux qui souhaitent le retour de la pleine souveraineté de l'État libanais sur l'ensemble de son territoire et au scellement des frontières du pays, aussi bien avec Israël qu'avec la Syrie.
L'avenir du Liban constitue toujours un sujet de préoccupation. Le nouveau gouvernement libanais nourrit beaucoup d'espoirs, sous réserve qu'il parvienne à désarmer le Hezbollah et à se débarrasser de la tutelle iranienne sur ce mouvement.
Le Hezbollah, tout comme les gardiens de la révolution, bénéficie des ressources financières tirées du Captagon, drogue dont le trafic représentait près de 90 % du PIB de la Syrie à la chute du président Assad. Lundi dernier encore, les douanes libanaises ont annoncé une saisie de 866 kilogrammes de ce produit à la suite d'une opération coordonnée avec les autorités saoudiennes.
L'envoyé spécial américain pour la Syrie, Thomas Barrack, aurait fixé le 7 juillet comme ultimatum aux autorités libanaises pour prendre une position claire sur la question du monopole des armes. L'État, à travers l'armée libanaise, doit être l'unique détenteur de la force armée.
En cas de tergiversations, le Liban pourrait être laissé seul face à l'escalade. Monsieur le Premier ministre, Israël ne pourrait-il pas alors reprendre les hostilités contre le Hezbollah, et la communauté internationale durcir les sanctions ?
L'explosion du port de Beyrouth a été la plus grande explosion non nucléaire de l'Histoire. Plus de 200 décès ont été déplorés, parmi lesquels figurent trois Français. On compte également des milliers de blessés et des centaines de milliers de personnes déplacées.
En retrouvant les familles des victimes de cette explosion à Beyrouth le 27 avril dernier, je leur ai remis votre lettre, monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, témoignage de votre indéfectible soutien à leur démarche pour obtenir justice. Votre geste les a profondément réconfortées. Le juge d'instruction Tarek Bitar a repris l'enquête. Le ministre de la justice libanais, Adel Nassar, a entrepris plusieurs réformes pour restaurer la confiance dans le système judiciaire du pays.
Il y a urgence au sujet du port de Beyrouth. Une manœuvre est en cours pour détruire les silos, qui constituent le seul vestige tangible de la catastrophe du 4 août. Ces silos sont un symbole de mémoire collective pour les victimes et tout le peuple libanais. Les faire disparaître serait une insulte à leur souffrance. Ils en appellent à notre soutien pour intercéder auprès de leur gouvernement afin d'empêcher cette décision.
Tout aussi innocentes que les victimes du port de Beyrouth, les plus de 50 000 vies perdues à Gaza, parmi lesquelles on compte 17 000 enfants tués, constituent une véritable honte pour l'humanité.
Le blocage de l'aide humanitaire a transformé Gaza en « lieu de mort », avez-vous dit, monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Nous partageons votre colère devant les centaines de personnes tuées sur les sites de distribution de nourriture.
Aujourd'hui encore, la France a condamné une frappe israélienne qui a causé la mort de deux employés d'une ONG le 26 juin dernier. La protection des civils et des travailleurs humanitaires doit être garantie en toutes circonstances, conformément au droit international humanitaire.
Nous soutenons l'appel du Gouvernement à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, à la libération des otages, à l'acheminement sans entrave de l'aide humanitaire et à une solution politique fondée sur deux États, accompagnée de garanties sécuritaires tant pour Israël que pour la Palestine.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, en votre présence, lors du déplacement dans le Golfe que j'ai effectué en avril dernier en compagnie du groupe parlementaire d'amitié France-Pays du Golfe, j'ai eu l'occasion de rencontrer le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères du Qatar, ainsi que de nombreux ministres des affaires étrangères du Golfe, dont votre homologue du Koweït.
Tous fondaient leur espoir sur le plan qui devait être présenté à l'ONU le 18 juin dernier par le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, et le Président de la République. Un tel plan apparaissait à tous comme la seule solution sérieuse susceptible de ramener la paix au Moyen-Orient, mais la conférence a été reportée à la suite des frappes d'Israël sur l'Iran. Monsieur le Premier ministre, quand estimez-vous qu'elle pourra se tenir désormais ?
Lors du sommet de sécurité Shangri-La de Singapour le 30 mai dernier, le Président de la République a mis en garde contre les répercussions potentielles de l'agression russe en Ukraine sur la situation à Taïwan. Je le cite : « Si nous considérons que la Russie peut s'emparer d'une partie du territoire ukrainien sans restriction, sans contrainte, sans réaction de l'ordre mondial, que dira-t-on au sujet de ce qui pourrait se passer à Taïwan ? » Le Président de la République a en effet de bonnes raisons de s'inquiéter de la perspective d'une nouvelle escalade.
Le ministre australien de la défense a affirmé de son côté que la Chine est le pays qui opère la plus grande augmentation de capacité militaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Son homologue des Philippines a qualifié la Chine d'absolument irresponsable et téméraire dans ses actions en mer de Chine méridionale. Le secrétaire américain à la défense a déclaré que le président Xi Jinping aurait fixé à 2027 la date limite à laquelle l'armée chinoise doit être capable d'envahir Taïwan.
Il est urgent de faire émerger une action internationale susceptible de dissuader le parti communiste chinois de rompre le statu quo, sans quoi, dans deux ans, nous pourrions retrouver Taïwan plongée dans une situation analogue à celle que nous observons en Ukraine et au Moyen-Orient.
Vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre, tout est lié. Faisons en sorte d'arrêter les conflits avant même qu'ils ne débutent. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Frédérique Puissat et M. Vincent Louault applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, « on ne ment jamais autant qu'avant les élections, pendant la guerre et après la chasse », disait Clemenceau.
C'est ainsi que tournent en boucle sur les chaînes d'info les dessins animés où la bombe américaine en Iran perce comme du beurre quatre-vingts mètres de granit avant d'exploser. Même les services de renseignement américains n'arrivent pas à faire semblant d'y croire, malgré les ordres de leur président.
C'est ainsi que les mollahs de Téhéran rabâchent dans leurs communiqués : « même pas mal », comme s'ils avaient gagné la « guerre des douze jours ».
C'est ainsi que Netanyahou tord les déclarations de l'AIEA, pour expliquer que l'Iran était à quinze jours de déclencher l'apocalypse nucléaire.
Personne ne se plaindra de la correction infligée à l'effroyable régime des ayatollahs, mais qui peut croire que le problème est réglé ? La guerre au Proche-Orient dure depuis quatre-vingts ans, avec des trêves et des flambées. Elle continuera tant qu'on n'arrivera pas à imposer la solution qui garantisse à la fois les droits des Israéliens et ceux des Palestiniens.
Je ne vais donc pas ajouter un commentaire au concours de prophéties à court terme pour savoir si le cessez-le-feu est durable ou non, si le détroit d'Ormuz va s'enflammer, ou si les accords d'Abraham ont un avenir.
Je voudrais en revanche évoquer un sujet brûlant pour nous, que ce conflit met en évidence de façon angoissante : où est passée l'Europe ? La guerre d'Ukraine, l'élection de Trump et l'embrasement du Proche-Orient ont révélé ce que personne n'a envie de voir : l'Europe est en train de s'effacer, comme un château de sable se dissout peu à peu au bord du rivage.
Trump la méprise, Vance la déteste, la Chine n'y voit qu'un marché pour ses voitures électriques, la Russie un continent décadent tremblant devant la guerre, et le reste du monde parie sur son déclin.
Quatre ou cinq fois par an, vingt-sept chefs d'État débarquent de leur Mercedes noire, s'engouffrent dans le grand hôtel prestigieux d'une capitale historique, délivrent des discours prédigérés autour de grandes tables rondes ornées de fleurs, accouchent difficilement d'un plus petit dénominateur commun, puis, heureux d'avoir frôlé le désaccord, mais évité le pire, se congratulent de grandes tapes dans le dos avant de gagner le podium de la photo de groupe, avant que chacun ne reprenne son avion.
En cas de crise, le scénario se détraque. Les contraintes de la frénésie médiatique ne peuvent attendre la convocation d'une réunion. C'est alors la course au premier qui trouve une idée.
Depuis le 7 octobre 2023 la France a successivement lancé la proposition baroque d'une coalition générale contre le Hamas, assuré Israël de son soutien inconditionnel puis condamné la dévastation de Gaza, convoqué avec l'Arabie Saoudite une conférence sur les deux États tuée dans l'œuf par les frappes en Iran, avant de proposer désormais plus modestement une aide humanitaire aux Palestiniens, et hier même, d'appeler le boucher de Moscou au téléphone pour lui demander d'aider à trouver une solution sur le nucléaire iranien. Aucune de ces initiatives n'a connu le commencement du début d'un effet.
En Ukraine, le réveil européen après l'invasion s'essouffle. L'Allemagne, après trois ans d'un chancelier qui s'est comporté comme une limande apeurée, a vu son successeur montrer les muscles en annonçant que dès son arrivée les Taurus seraient livrés, avant d'expliquer, une fois au pouvoir, qu'ils ne le seraient pas. La France a proclamé l'économie de guerre en 2022, de manière fort imprudente, car nous en sommes aujourd'hui très loin, trois ans plus tard.
Impuissants, les dirigeants européens sont devenus les commentateurs des événements, campés devant les caméras comme une mouche qui se pose sur l'essieu de la charrette et qui s'étonne de la poussière qu'elle soulève.
« Plus jamais la guerre entre nous ! » : tel était le projet européen. Mais depuis le XXIe siècle, la réalité c'est la guerre avec les autres, les dictatures. Nous avons transmis le fardeau aux Américains, et l'Europe est devenue le continent du pacifisme, oubliant ce que rappelait Mitterrand il y a quarante ans : les pacifistes sont à l'Ouest, les missiles à l'Est.
La chute du mur de Berlin a nourri la fable des dividendes de la paix. Aujourd'hui, l'Europe, c'est le pacifisme plus le désarmement. Dans un monde en guerre où les dictateurs ont juré de prendre la revanche de leur défaite du XXe siècle, c'est un contresens absolu.
La première conséquence de l'impuissance est l'humiliation.
L'humiliation en Iran, où Cécile Kohler et Jacques Paris – à mon tour, j'exprime à leur égard ma solidarité – sont retenus dans des conditions inhumaines. Nous n'arrivons pas à faire cesser leur détention malgré tous nos efforts.
L'humiliation lors du prêche de Vance à Munich, ou encore lorsque Trump a dit aux Européens qu'au Proche-Orient on n'avait pas besoin d'eux ; il a le droit de le croire, mais il pourrait bien regretter un jour son mépris et comprendre, lorsqu'il en aura besoin, en mer de Chine ou ailleurs, tout le sens de la phrase prononcée par Churchill en 1943 : « Il n'y a rien de pire que de combattre avec des alliés, si ce n'est de combattre sans eux. » Mais chacun sait que l'on ne peut demander à Trump et ses tweets de se projeter à cette échéance.
Ses menaces ont conduit les Européens à se prosterner devant lui à La Haye. J'ai rarement été aussi gêné qu'en voyant tant de chefs d'État rivaliser de courbettes.
M. François Bayrou, Premier ministre. Très bien !
M. Claude Malhuret. Comme dit le proverbe chinois, « si tu dois te prosterner, prosterne-toi très bas ».
Le secrétaire général de l'Otan, ancien fier Premier ministre des Pays-Bas, appelant Trump « papa » est un symbole éloquent de l'Europe d'aujourd'hui.
Pour remercier les Européens sans doute, Trump vient d'annoncer la fin des livraisons d'armes à l'Ukraine. La trahison annoncée est désormais totale, la complicité avec Poutine avouée. Nous sommes seuls et au pied du mur. Nous avons eu trois ans pour nous préparer à cette éventualité. Nous ne les avons pas mis à profit.
Nous ne sommes pas prêts. Nous n'avons ni les moyens ni la volonté de prendre le relais et de soutenir comme il faut ceux qui meurent par dizaines de milliers, pour se défendre et pour nous défendre : les Ukrainiens. C'est tragique pour l'Ukraine aujourd'hui, c'est tragique pour l'Europe demain.
L'urgence est de moderniser, renforcer et surtout coordonner la défense européenne à la hauteur de la compétition stratégique, de comprendre que les guerres d'aujourd'hui sont hybrides, et que notre retard dans les drones, le numérique, l'intelligence artificielle et la lutte contre la désinformation est encore plus immense que l'insuffisance de notre armement conventionnel.
La priorité est aussi d'arrêter les discours démobilisateurs assurant que nous ne sommes pas en guerre alors que les dictateurs le sont contre nous, qu'ils le disent tous les jours et surtout qu'ils la mènent sur les réseaux sociaux envahis de trolls, dans nos entreprises ciblées par les sabotages et les cyberattaques, au fond des mers par la section des câbles sous-marins, dans les airs par les provocations quotidiennes.
Comment pourrons-nous persuader les Français de soutenir l'engagement pris à La Haye d'élever le budget militaire à 3,5 % de notre PIB si on ne les convainc pas que nous subissons une guerre qui a radicalement changé de nature et qui est en grande partie invisible ? Comment les convaincre lorsque, à l'Assemblée nationale, les deux extrêmes sont quasi majoritaires et que, même s'ils se détestent, ils sont d'accord sur le pire, le soutien aux dictateurs qui nous ont déclaré la guerre ? Comment arriver à ce que l'Europe retrouve le rang qui était le sien dans le monde si elle ne trouve pas la force d'aménager cette règle de l'unanimité qui la conduit à l'impuissance ?
MacArthur, le vainqueur de la guerre du Pacifique, disait : « Les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard. » L'Europe doit se réveiller. Il lui faut seulement des peuples qui se souviennent de leur histoire et des dirigeants qui prennent la mesure des périls. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains. – M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Moyen-Orient est en feu et le monde le regarde, impuissant face aux enfants sous les gravats, face aux peuples pris au piège, face à la détresse humaine. À Gaza, en Israël, en Iran, au Liban et au Yémen, les lignes bougent, les fronts s'embrasent et les équilibres se fracturent. Il s'agit non plus d'observer, mais d'agir : la France ne peut rester spectatrice face à l'inacceptable. Elle doit parler haut, agir vite et juste.
Agir juste, c'est défendre la sécurité collective mais aussi les principes du droit international.
Oui, nous partageons avec nos alliés américains et européens un objectif commun : que l'Iran ne se dote en aucune façon de l'arme nucléaire. Toutefois, cela ne doit jamais faire perdre à la France ni sa lucidité ni son autonomie de jugement. Notre diplomatie se doit d'être cohérente, fidèle à ses valeurs, à son histoire, à sa voix singulière dans le concert des nations.
Nous avons une conviction : nous soutenons les initiatives permettant d'éviter que l'Iran ne se dote de l'arme nucléaire ; nous réaffirmons le droit d'Israël à se défendre face à cette menace existentielle ; nous nous méfions d'une politique de changement de régime, telle qu'elle fut défendue par l'administration Trump et qui est non pas une solution mais un piège – l'Irak et la Libye en sont, malheureusement, les preuves dramatiques.
Nous appelons de nos vœux une transformation politique en Iran, mais celle-ci doit venir du peuple iranien et de lui seul.
Ce peuple, nous le connaissons. Nous avons vu ses femmes se lever face à la répression, le peuple défier les interdits, réclamer liberté et dignité. Notre devoir est d'être à leurs côtés, de porter la voix de celles et ceux que l'on veut étouffer en les réduisant au silence. Mais ce combat ne peut se mener à leur place. La liberté durable d'un peuple ne saurait être imposée par une puissance extérieure.
Dans cette logique de fermeté, notre priorité absolue doit également être le retour de nos compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus illégalement en Iran depuis plus de trois ans dans des conditions indignes et inacceptables. Nous voulons saluer leur courage, ainsi que celui de leurs familles confrontées à une épreuve que nul ne devrait endurer. Je salue également ma collègue Patricia Schillinger, particulièrement impliquée dans ce dossier. Notre devoir est aussi celui-ci : ne jamais abandonner les nôtres.
Ne nous y trompons pas : les événements en Iran, aussi graves soient-ils, ne doivent pas occulter la crise humanitaire majeure qui se joue chaque jour dans la bande de Gaza. Là-bas, des femmes, des hommes et des enfants vivent dans des conditions inhumaines, privés de soins, d'eau et d'avenir. Sur 360 kilomètres carrés, la faim, la peur, la soif et la mort règnent sans partage. Les hôpitaux sont détruits. Les pénuries se multiplient. Les enfants meurent sous les décombres ou faute de traitements de base.
Dans ce drame, il ne saurait y avoir de hiérarchie des souffrances. Car, pendant ce temps, le peuple israélien vit, lui aussi, dans la peur des roquettes et des attentats. Les familles des cinquante-huit otages encore détenus dans les tunnels du Hamas à Gaza connaissent la détresse et le déchirement. Des enfants israéliens grandissent dans l'angoisse, privés de l'insouciance à laquelle ils ont droit. Quel avenir offrons-nous à une génération née sous les bombes ?
Des deux côtés, les enfants paient le prix d'une guerre d'adultes, d'une guerre dont ils ne veulent pas.
Il faut le dire avec force, le droit international humanitaire doit être respecté, partout et toujours. Nous devons exiger une trêve humanitaire immédiate, l'ouverture de corridors sécurisés et la garantie que l'aide humanitaire parvienne à celles et ceux qui en ont besoin. Soigner, nourrir, protéger, éduquer : telles sont nos priorités, parce que la vie d'un enfant ne dépend pas de sa nationalité.
Toutefois, l'urgence humanitaire ne saurait masquer cette réalité politique : oui, le Hamas est une organisation terroriste ! Les attentats du 7 octobre 2023 resteront dans l'histoire comme la pire attaque antisémite depuis la Seconde Guerre mondiale, un véritable pogrom sanguinaire et barbare ayant coûté la vie à quarante-deux de nos compatriotes.
Le Hamas ne peut et ne doit donc avoir aucune place dans un processus politique. Son désarmement et la libération de tous les otages sont des conditions non négociables de toute issue durable. Pour cette raison, nous soutenons l'idée d'une coalition des pays arabes, dans une logique de restauration de la sécurité et d'un projet de reconstruction crédible.
La seule voie d'avenir, nous la connaissons. Il s'agit de la solution à deux États : deux peuples vivant côte à côte. Telle est la position de la France et la seule issue possible.
Le feu de la guerre ne s'éteint pas à Gaza parce qu'il trouve ailleurs du combustible, dans les tensions croisées, les intérêts concurrents et les rivalités d'influence, autant de braises attisées dans l'ensemble du Moyen-Orient.
Au Liban, le Hezbollah, bras armé de l'Iran, intensifie ses provocations. Il menace directement la frontière nord d'Israël et, surtout, la stabilité d'un pays déjà au bord du gouffre économique et institutionnel. La paralysie politique, la crise financière et l'exode de la jeunesse sont aggravés par la présence d'un acteur armé qui fait obstacle à toute normalisation.
C'est pourquoi la France reste engagée au Liban, aux côtés des institutions légitimes et du peuple libanais. Notre soutien n'est pas nouveau : il est historique, séculaire, profond et constant.
Plus au sud, au Yémen, un autre foyer de tension menace les équilibres internationaux : les Houthis, eux aussi soutenus par l'Iran, multiplient les attaques contre des navires civils, des infrastructures stratégiques et des corridors maritimes essentiels à l'économie mondiale. Quand la mer Rouge devient une zone de guerre, les chaînes logistiques mondiales vacillent. Ce n'est pas acceptable ! Nous parlons bien là non pas de résistance, mais d'agressions terroristes.
Face à cette réalité, nous devons tenir une ligne claire : condamner toutes les violences, parce qu'aucune cause ne justifie la terreur et qu'aucune excuse ne permet de cibler des civils.
Mes chers collègues, le Moyen-Orient est en pleine recomposition, et nous devons choisir. Souhaitons-nous être des spectateurs ou des acteurs ? Voulons-nous commenter l'histoire ou en écrire la suite ?
La France doit être fidèle à son passé, à son histoire, à sa voix d'équilibre et de paix, mais d'une paix juste : la voix des peuples en souffrance et non des rapports de force ; la voix du respect du droit international et non celle de l'anarchie. Notre devoir est non pas de suivre, mais de protéger, de proposer et de porter une parole de paix, de justice et d'espoir.
Nous ne sommes ni neutres ni passifs. Nous sommes du côté du droit, de la paix, des peuples et des enfants victimes, ceux de Gaza, d'Israël, du Liban, d'Iran ou encore de Syrie, ceux qui ne peuvent parler et pour qui, aujourd'hui, nous prenons la parole.
On ne construit pas la paix avec des missiles ni l'avenir avec des ruines, mais on peut encore bâtir l'avenir avec du courage, du droit et une diplomatie forte.
L'histoire jugera les positions de certains, ceux qui utilisent et instrumentalisent ces conflits à des fins de récupération politique, sur place mais aussi dans notre propre pays, ce qui a pour conséquence de fracturer, de diviser et de faire monter la défiance, le racisme et l'antisémitisme.
La France a choisi bien avant nous de militer pour la paix, la liberté et le droit. Nous ne sommes que les héritiers de ce choix. Ne dévions pas de cette ligne, continuons à l'affirmer et à la porter avec force et conviction ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Bernard Fialaire et Jean-Yves Roux applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la réponse de l'Union européenne et de la France aux frappes américaines contre l'Iran a révélé bien plus qu'une simple hypocrisie : une vassalisation si profonde aux intérêts américains qu'elle nous conduit à accepter le piétinement des violations du droit international et de nos propres intérêts stratégiques.
Alors que la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni étaient engagés diplomatiquement avec l'Iran, les États-Unis ont frappé le territoire iranien sans nous consulter. Il y a eu trop de morts du côté iranien comme du côté israélien à la suite des ripostes, et la démonstration – brutale – a été faite du mépris dans lequel Washington tient ses principaux alliés de l'Otan.
Que font nos dirigeants européens ? Ils bredouillent une rhétorique mensongère. Ils défendent aveuglément des frappes effectuées en violation flagrante du droit international. Pour ce faire, ils ressortent une vieille recette : instiller la peur. On agite l'épouvantail d'une menace nucléaire iranienne imminente, y compris sur notre territoire, on applaudit les frappes américaines contre les installations nucléaires de ce pays, puis – comble de l'absurde – on décide qu'il incombe à Téhéran de relancer des pourparlers qu'il n'a jamais quittés.
Qu'importe les conclusions de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), selon lesquelles l'Iran ne disposerait que de 400 kilogrammes d'uranium enrichi à hauteur de 60 %, loin des 90 % nécessaires pour la fabrication d'une arme, et celles des services de renseignement américains eux-mêmes, indiquant qu'aucune bombe n'était en préparation !
Face à cette logique orwellienne, rappelons un fait : le droit de détenir l'arme nucléaire est détenu par la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Chine et la Russie. Pour les autres pays du monde, cela est interdit et les États doivent se soumettre à ce titre au contrôle de l'AIEA.
Une vérité s'impose à la suite de ce rappel : l'Iran est signataire du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), quand Israël ne l'est pas.
L'Iran est régulièrement contrôlé par l'Agence internationale de l'énergie atomique, quand Israël s'y refuse.
Israël dispose d'une trentaine à une centaine de bombes atomiques, quand personne n'a prouvé que l'Iran ne disposait d'une seule.
Quand Israël refuse les inspections de l'AIEA, que disons-nous ? Quand ce pays refuse de signer le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, que faisons-nous ? Rien ! Le silence prévaut.
Si la France veut regagner en crédibilité, elle doit cesser cette politique du deux poids, deux mesures. Ramener la paix exige que le contrôle du nucléaire soit généralisé. Si nous voulons réellement gagner en crédibilité sur la scène internationale et incarner un message de paix, respectons et renforçons le TNP, soyons cohérents et ratifions-nous même le traité sur l'interdiction des armes nucléaires (Tian) !
En 2003, contre la guerre d'Irak, la France savait encore se lever comme un seul homme pour faire respecter les principes intangibles du droit. Aujourd'hui, elle adopte une attitude suiviste. Refuser de condamner l'attaque américaine et israélienne, c'est contribuer à l'effondrement d'un ordre international fondé sur le droit.
L'Union européenne et la France, si véhémentes dans leur juste condamnation de l'agression de l'Ukraine et de la violation de la souveraineté de ce pays par la Russie, restent étrangement silencieuses lorsque Washington ou Tel-Aviv font strictement de même. Cette politique du double standard jette le discrédit sur un Occident incapable d'inspirer le respect dans le Sud global et de porter un discours de paix sincère.
Votre politique, monsieur le Premier ministre, érode dangereusement votre tant vanté « ordre international fondé sur des règles ». En légitimant le droit des puissants à mener des guerres préventives, vous sapez honteusement et fatalement la cause ukrainienne. Vous créez un précédent que ses adversaires ne manqueront pas d'exploiter. En choisissant la raison du plus fort, l'Union européenne et la France deviennent, aux côtés des États-Unis et d'Israël, des forces de désordre. Ramener durablement la paix dans cette région du globe est un défi considérable, car Trump et Netanyahou permettent une énième répétition des guerres d'Irak, de Lybie et d'Afghanistan.
Cette logique sert aussi à resserrer les rangs en interne. En Israël, elle alimente une union sacrée au service d'un pouvoir d'extrême droite nationaliste et suprémaciste, qui bombarde à tout va : Gaza, le Liban, la Cisjordanie, l'Iran, l'Irak, le Yémen et la Syrie.
Contrairement à ce qui est insinué par la propagande, la guerre et les destructions poussent aussi à l'union nationale en Iran, flattant le nationalisme qui est le carburant de la « République islamiste » et affaiblissant par là même le mouvement populaire, féministe et progressiste dans sa lutte contre la dictature à Téhéran et le régime des mollahs. Il n'appartient ni à Israël, ni aux États-Unis, ni à l'Union européenne, ni à la France, pas plus qu'à la force, de déterminer la forme du gouvernement de ce pays, mais il nous faut donner au peuple iranien les moyens d'en décider.
Pendant que les frappes américaines et israéliennes ciblent l'Iran, Gaza continue de mourir dans l'ombre. Douze jours de guerre ont causé des morts supplémentaires sur place. Pourtant, les projecteurs sont braqués ailleurs. Près de 2,1 millions d'êtres humains doivent faire face à une famine organisée. Le massacre est là...
M. François Bayrou, Premier ministre. C'est ce que faisait Staline...
Mme Cécile Cukierman. Je vous propose, monsieur le Premier ministre, de laisser l'histoire derrière nous ! Le débat en ressortira grandi, si tant est que vous écoutiez au lieu de simplement commenter...
L'indicible est là. Monsieur le Premier ministre, vous le savez, la notion de « destruction d'un peuple » est en débat. L'atrocité du 7 octobre 2023 et les crimes odieux du Hamas ne sauraient justifier la perpétuation de l'horreur ad vitam aeternam. Ce qui se déroule dans les territoires palestiniens ne revêt pas seulement un caractère humanitaire, la situation soulève surtout une question politique : il s'agit d'une colonisation brutale et d'une négation du droit et du genre humain.
La paix ne viendra ni du maintien du seul rapport de force militarisé au profit d'Israël ni d'un simple corridor humanitaire. L'heure n'est plus à attendre une quelconque conférence internationale pour reconnaître la Palestine. Cela doit être fait maintenant. Plus la destruction de Gaza progresse, plus notre silence devient coupable et nous devrons en répondre.
Notre pays doit rester intransigeant en ce qui concerne le respect des règles. J'appelle solennellement le Président de la République à respecter le devoir qui incombe à notre pays : il faut prévenir les crimes en cours à Gaza en menant des actions juridiques, politiques et économiques. L'inertie de l'exécutif sur la scène internationale aura également des répercussions sur notre population. (M. le Premier ministre commente les propos de l'oratrice.)
Monsieur le Premier ministre, nous ne sommes pas de la même génération ! Le mur de Berlin est tombé depuis bien longtemps, alors sortons des caricatures et des postures dans lesquelles votre gouvernement et vous, sur toutes les questions internationales, tentent d'enfermer mon groupe ! Comme nous sommes dans une démocratie, nous avons le droit de critiquer l'action d'un gouvernement à cause duquel la France n'est pas à sa place sur la scène internationale et qui regarde avec une grande naïveté les morts s'accumuler jour après jour à Gaza... (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Face à un Trump qui souhaite négocier la paix entre l'Ukraine et la Russie sans consulter les Européens et qui la marchande en échange du pillage des terres rares des pays agressés, de Kiev à Brazzaville, l'Europe et la France restent serviles et acceptent à l'unisson de consacrer 5 % de leur PIB à la défense des intérêts atlantistes, au profit des industries d'armement américaines.
Les très beaux discours anti-Trump, tenus ici même par de nombreux orateurs, s'évanouissent du fait d'une telle soumission. Monsieur le Premier ministre, vous devez renoncer à cette folie qui appellera une casse sociale sans précédent. Renouez avec la voix d'une France non alignée et juste, se mettant au service des peuples ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, au fil des mois s'est installé dans le monde un désordre géopolitique dont on peine à voir l'issue. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, 2024 concentrerait le plus grand nombre de conflits sur la planète. Hélas ! On peut penser que l'année 2025 sera aussi celle d'une brutalité sans fin pour qui souhaite la paix.
Un nouveau chapitre s'est ouvert dans la région moyen-orientale avec la guerre des Douze Jours, suivie de l'intervention américaine Midnight Hammer. Ces opérations ont invité la question de l'arsenal nucléaire iranien dans le conflit israélo-palestinien. Elle constitue sans doute une opportunité pour Benyamin Netanyahou, mais le Premier ministre israélien a-t-il anticipé toutes les répliques potentielles ?
Dans tous les cas, c'est un nouveau seuil d'instabilité qui a été franchi au Proche et au Moyen-Orient. L'Iran se retrouve encore davantage impliqué dans le conflit israélo-palestinien. Le Qatar, indirectement mêlé du fait des bases américaines, a vu des représailles balistiques être menées sur son territoire. Les tirs vers l'État hébreu en provenance du Yémen se poursuivent tandis que le drame humanitaire persiste à Gaza, de même que les dommages collatéraux au Liban. La liste s'allonge…
Le groupe RDSE salue l'initiative de ce débat, à un moment encore une fois difficile pour les relations et le droit internationaux, mais surtout pour les populations qui vivent dans ces régions. Aussi, j'ai avant tout une pensée pour tous les civils, où qu'ils vivent, premières victimes de ce climat de guerre et des frappes meurtrières. Je pense à la population palestinienne et à Gaza, où des dizaines de milliers de personnes ont perdu la vie.
Si la chasse au Hamas a bien entendu un sens, en particulier depuis le tragique 7 octobre 2023, reconnaissons que l'objectif initial d'extermination de l'organisation terroriste a considérablement évolué. Les privations organisées dans la bande de Gaza ont-elles quelque chose à voir avec le droit d'Israël à se défendre ? L'accès à l'eau, à l'électricité et aux soins est méthodiquement rendu impossible. On ne peut pas rester sourd face aux appels de centaines d'ONG qui appellent à mettre fin au système de distribution d'aide géré depuis fin mai par la controversée Fondation humanitaire de Gaza (GHF). Le défi existentiel vaut pour tous les peuples.
N'oublions pas les otages encore retenus dans la bande de Gaza, parmi lesquels figurent trois ressortissants français. En procédant à 80 % de l'anéantissement de la bande côtière, le Premier ministre israélien a fait le choix de leur sacrifice.
Le groupe RDSE tient également à exprimer sa solidarité à l'égard de Cécile Kohler et de Jacques Paris, arbitrairement détenus depuis trois ans dans les prisons iraniennes. Nous souhaitons, monsieur le Premier ministre, que la France continue à exiger leur libération immédiate. J'en profite pour saluer l'engagement constant des agents du ministère, qui veillent autant que possible au sort de nos ressortissants français à l'étranger et les accompagnent dans des conditions souvent dangereuses.
Néanmoins, cette compassion à l'égard des populations ne peut tenir lieu d'analyse. Ce chaos, ces drames humains... pour quels résultats militaires et politiques ?
Il est vrai que l'axe de la résistance est affaibli, qu'il s'agisse des gardiens de la révolution en Syrie, du Hezbollah au Liban et, depuis quelques jours, du régime iranien sous les coups portés à ses sites nucléaires.
À Gaza, le Hamas est fortement décapité. Toutefois, cette organisation a les vertus d'une hydre qui se nourrira toujours des conditions de vie des Gazaouis, si celles-ci restent en l'état et si le peuple palestinien ne retrouve pas un minimum de souveraineté. À ce jour, l'espoir d'un cessez-le-feu entre le Hamas et Israël est entre les mains des médiateurs américains, égyptiens et qataris.
Un cessez-le-feu de soixante jours est le minimum à attendre face au gâchis humain que j'ai rappelé tout à l'heure. Mais si la question palestinienne n'est pas définitivement soldée, elle restera au cœur de la tectonique des plaques de la région.
L'adhésion de nouveaux pays – l'Arabie saoudite et la Syrie – aux accords d'Abraham ne règlera pas non plus le problème. La normalisation des relations de l'État hébreu avec ses voisins est souhaitable, pourvu qu'elle ne soit pas un leurre pour enterrer les résolutions successives de l'ONU relatives à une solution à deux États. Riyad semble assez lucide à ce stade.
Quelle voie peuvent défendre la France et l'Europe face à cette situation, face à l'Iran, qui se voit réduit à un statut de puissance régionale, à rebours de ses ambitions, face à des États-Unis qui démontrent par la force leur centralité stratégique et face à un Premier ministre israélien qui, dopé par le soutien inconditionnel de l'extrême droite de son pays, recompose la situation au Proche et au Moyen-Orient, peu lui important le prix humain ?
Soyons réalistes : sur le plan stratégique, il reste peu d'espace pour les autres acteurs de la communauté internationale.
La France, fidèle à son rôle de puissance d'équilibre, doit néanmoins maintenir sur le plan diplomatique une ligne de fermeté et tenir une parole fidèle à sa tradition républicaine et humaniste. Il lui faut dénoncer les violations des droits humains, d'où qu'elles viennent, faire respecter les mandats de la Cour internationale de justice (CIJ), rappeler que la lutte contre le terrorisme ne saurait conduire à l'anéantissement de populations entières, défendre les outils multilatéraux de contrôle et relancer un cadre de négociation sur le nucléaire iranien.
Quant à l'Europe, sans méconnaître sa difficulté à parler d'une seule et même voix, elle doit néanmoins redevenir un acteur politique capable de proposer une réponse structurée, adossée aux principes du droit international et du respect des souverainetés.
Les derniers développements, dont l'espérance d'un cessez-le-feu entre le Hamas et Israël, ne doivent pas faire oublier la nécessité de convaincre les États membres d'une réflexion sur le contrat d'association entre l'Union européenne et Israël. Cet accord devrait être interrogé au regard du blocus économique de Gaza et de la politique de colonisation en Cisjordanie.
Il s'agit non pas de choisir un camp, mais de redonner du sens aux droits des peuples. Je le répète : une Palestine souveraine, toutefois expurgée de ses factions terroristes, est la seule voie viable vers une paix juste et durable.
Pour citer Albert Camus, « la vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent ». Mes chers collègues, la situation au Proche et au Moyen-Orient est un appel à notre responsabilité collective. Le présent débat ne doit pas se limiter à un exercice de politique étrangère. Il engage notre conception de l'ordre international et notre rapport au droit, à la justice et à la solidarité avec les Syriens, les Iraniens, les Gazaouis, les Libanais et les Israéliens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Jean-Marc Vayssouze-Faure et Jacques Fernique applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, merci d'avoir enfin convoqué le Parlement pour évoquer la situation au Proche-Orient. Mon groupe a formulé des demandes en ce sens depuis la rupture du cessez-le-feu à Gaza, le 18 mars dernier.
Depuis, une saison complète est passée, au cours de laquelle les bombardements israéliens ont tué aveuglement près de 6 000 et blessé près de 20 000 Palestiniens. Quelque 56 000 civils sont morts au total à ce jour : un génocide se déroule sous nos yeux.
Depuis, une saison complète est passée, au cours de laquelle Israël, épaulé par les États-Unis, a lancé, au mépris complet des règles internationales, un raid sur l'Iran visant le programme nucléaire et les principaux symboles du tyrannique régime des mollahs, causant un millier de victimes civiles et près de 4 500 blessés côté iranien, 28 victimes et 850 blessés côté israélien.
Une saison complète est passée au cours de laquelle la timide voix de la France, qui envisageait de reconnaître enfin l'État de Palestine, s'est évanouie. Face au retour de la violence comme projet politique, la parole de la France et celle de l'Europe sont désespérément attendues pour défendre le droit international. Pourtant, dans le fracas des bombes, ces voix sont inaudibles, faute de courage – à l'exception du Premier ministre espagnol –, faute de cohérence, alors que le « deux poids, deux mesures » s'agissant du soutien à Israël est indéfendable, et enfin faute d'unité, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne peinant à accorder leurs violons, tandis que l'Italie se « trumpise ».
La façon dont Donald Trump a « posé un lapin » aux dirigeants européens au sommet du G7, avant d'exiger que ces derniers lui fassent des courbettes au sommet de l'Otan, illustre bien la faiblesse de l'Europe. Cette faiblesse est le tombeau du droit international.
Ce n'est pas la première fois que l'Europe n'est pas au rendez-vous de l'histoire en ne se montrant pas à la hauteur de sa puissance géopolitique. Le 21 août 2013, dans la Ghouta orientale, 10 000 opposants syriens ont été intoxiqués par le gaz sarin lâché par Bachar el-Assad, dont 1 845 ont péri asphyxiés.
Ce jour-là, nous avons renoncé à faire respecter le droit international, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et le droit humain le plus élémentaire. Faute de vouloir agir sans le grand frère étasunien, la France et le Royaume-Uni ont non seulement laissé mourir l'opposition syrienne, mais, pire encore, ils ont montré notre faiblesse et réveillé l'appétit des empires.
La Crimée est tombée quelques mois plus tard, enclenchant un engrenage délétère ayant conduit à l'agression russe de l'Ukraine, que nous ne parvenons pas à juguler.
En 2013, alors que le traumatisme de l'injustifiable invasion préventive de l'Irak était encore vif, la décision d'une nouvelle intervention militaire contre un dictateur arabe était indubitablement difficile à prendre.
En revanche, ce qui est attendu de nous en 2025 est plus simple : défendre le droit international, défendre la paix, défendre la diplomatie. Nous devons utiliser nos outils diplomatiques, juridiques et économiques pour mettre un terme à la fuite en avant meurtrière non pas d'une dictature ennemie, mais de ce que nous espérons encore être une démocratie amie.
La dérive de Benyamin Netanyahou est le fruit de notre incapacité à faire respecter le droit international. Le Premier ministre israélien d'extrême droite est un opposant à la solution à deux États et fait tout depuis des années pour la rendre inopérante. Son ambition est d'annexer Gaza et de coloniser la Cisjordanie.
Aux Gazaouis, il ne laisse que deux choix : la mort ou l'exil. Il ne croit pas davantage à la paix avec ses voisins. Sa stratégie est de semer le chaos au Liban, en Syrie et en Iran, car il pense ainsi gagner quelques années de tranquillité.
Estomaqués par la barbarie des attentats du 7 octobre, pétrifiés par le sort des otages, nous le laissons déployer un plan qui est tout sauf improvisé. En 2025, nous n'avons plus l'excuse de l'ignorance. L'Afghanistan, qui a vu le retour des talibans, l'Irak, qui a vu naître un état terroriste, la Libye, devenue une zone de non-droit où réapparaît l'esclavage, ont montré où conduit le chaos engendré par nos guerres préventives.
La guerre contre l'Iran s'inscrit dans la même veine. Les bombes ne peuvent ni tuer une idéologie, ni détruire un projet politique, ni importer la démocratie. Elles ne créent que la désolation et le ressentiment, lesquels fabriquent les ennemis de demain.
En ce qui concerne la réussite de l'opération militaire, nous ne savons rien ou presque. Il nous faudrait faire confiance au président des États-Unis, qui est peu réputé pour son exigence de vérité. Le programme nucléaire a sans doute pris du retard, mais l'uranium enrichi circule toujours en Iran. Il est désastreux et contre-productif que les agents de l'AIEA ne puissent pas reprendre leur mission en Iran en toute sécurité.
Quant à la volonté politique de se doter de la bombe, elle précédait la révolution islamique et, hélas ! lui succédera sans doute. Comment pourrait-il en être autrement dans un monde régi par la loi du plus fort, où seule la dissuasion nucléaire semble être une assurance vie ?
Si chacun souhaite évidemment la chute de ce régime tyrannique, gardons à l'esprit le précédent irakien. La première guerre du Golfe a entraîné la désolation pour le peuple irakien, avec Saddam Hussein. La seconde a produit le même effet, sans Saddam Hussein.
La guerre ne résout rien, a fortiori sans projet politique. Après les bombes, la répression s'abat sur le peuple iranien. Nous souffrons avec lui, comme nous tremblons avec nos otages, Cécile Kohler et Jacques Paris. Il n'y a pas lieu d'hésiter comme vous le faites ; la France doit, comme l'avait fait Jacques Chirac, refuser et condamner fermement le recours illégal à la force.
La France doit redevenir une grande nation diplomatique, comme elle l'était encore il y a peu, sous le quinquennat de François Hollande. Elle doit redevenir la nation qui a obtenu la signature de l'accord de Vienne, qui a marqué le seul recul du programme nucléaire iranien ces vingt dernières années, mais aussi celle de l'accord de Paris. Soit dit en passant, l'objectif de contenir le réchauffement climatique en deçà de 1,5 degré est désormais inatteignable, avec les conséquences que nous connaissons.
L'humanité fait face au plus grand défi de son histoire. Cela devrait nous rassembler dans une commune urgence de survie de l'espèce. Au lieu de cela, les humains, tétanisés par le déni, la cupidité, ou les deux, retombent progressivement dans les pires travers du XXe siècle. C'est désespérant…
Monsieur le Premier ministre, il est encore temps d'agir. Mais pour cela, la France doit parler d'une voie ferme afin de tenter d'emmener avec elle une Europe divisée.
Cela passe par la reconnaissance immédiate de l'État palestinien, avec ou sans alliés. Nous avons la faiblesse de croire que notre voix pèse encore suffisamment pour provoquer un effet d'entraînement.
Cela passe par la suspension de l'accord d'association avec Israël et de toutes nos coopérations avec ce pays.
Cela passe par un embargo sur toutes nos exportations d'armes. Ne soyons pas complices des aventures bellicistes et illégales d'Israël !
Cela passe par l'application stricte des mandats de la Cour pénale internationale (CPI).
Cela passe aussi par l'acheminement de l'aide humanitaire à Gaza par notre propre marine.
Cela passe par l'exigence de réformer l'Autorité nationale palestinienne et la tenue d'élections.
Si elle s'en donne la peine, la France peut, avec l'Europe, parler d'une voix forte pour construire le retour de la diplomatie et œuvrer à la refonte du cadre multilatéral hérité de la Seconde Guerre mondiale, qui est désormais dépassé.
Notre diplomatie doit accorder une place beaucoup plus importante aux sociétés civiles des régimes autoritaires. Il nous faut absolument renforcer et mieux cibler notre aide publique au développement (APD), qui a été sabrée par les coupes budgétaires successives.
En outre, nous devons bâtir une politique d'accueil et d'asile digne pour tous. Au lieu d'organiser d'infâmes rafles et de distribuer les obligations de quitter le territoire français (OQTF), nous devons accueillir, former et aider à se reconstruire les réfugiés, notamment iraniens, syriens, libanais, palestiniens, qui frappent à notre porte. C'est ainsi que nous pouvons œuvrer pour la transition démocratique et la paix au Proche-Orient et dans le monde.
Enfin, la paix mondiale va de pair avec la lutte contre le dérèglement climatique. Il nous faut achever notre transition énergétique pour mettre fin à notre dépendance aux hydrocarbures et à l'uranium des dictateurs et autres carbofascistes. Monsieur le Premier ministre, la France ne peut pas œuvrer à la paix mondiale en se repliant sur elle-même ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Pierre Barros applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes nombreux à avoir fait écho aux propos du Premier ministre. Je m'attacherai donc à apporter des éclaircissements et des réponses sur certains points que j'ai relevés.
Monsieur le président Mathieu Darnaud, vous avez déclaré : « Comme jamais peut-être depuis plus de trente ans, l'ombre de Téhéran s'éloigne et des possibles s'ouvrent. » C'est une très bonne manière de décrire ce qui est en train de se passer au Proche-Orient après la défaite du Hezbollah au Liban, la chute de Bachar el-Assad en Syrie et la nouvelle donne qui place l'Iran dos au mur.
En effet, l'Iran est désormais contraint de négocier non seulement l'encadrement de son programme nucléaire, mais également ses activités balistiques, c'est-à-dire le développement de missiles, et ses actions de déstabilisation régionale.
Vous vous êtes montré très critique sur la ligne que dessinerait le Président de la République pour le Proche et le Moyen-Orient, la jugeant peu claire. Elle est au contraire très claire et fidèle à la tradition de la France, qui nous a conduits par le passé à faire preuve d'une grande fermeté à l'égard du régime iranien et de son programme nucléaire.
Pour Israël, la France est le seul interlocuteur à avoir été aussi constant et aussi ferme sur la question iranienne, tout en étant capable de dénoncer avec vigueur et fermeté, lorsqu'il s'en rend coupable, les violations du droit international par le gouvernement israélien.
La position française est une position d'équilibre. La France veille à ce que le droit international soit respecté. Elle reconnaît le droit d'Israël à se défendre, car elle est indéfectiblement attachée à sa sécurité. Mais pour garantir la sécurité d'Israël sur le long terme, certaines des actions entreprises par le gouvernement israélien doivent désormais cesser.
Vous avez également été dur à propos du Liban. Il convient tout de même de rappeler que la France est la première à avoir mis sur la table, l'année dernière, une proposition de cessez-le-feu. Certes, elle n'a pas été entendue immédiatement. Toutefois, après l'escalade militaire et l'entrée dans le jeu des États-Unis, les idées françaises ont été reprises. Défendues par la France et les États-Unis, elles ont évité l'effondrement du Liban.
De même, la France a facilité le redressement politique du pays en garantissant la tenue de l'élection de son président de la République. J'étais moi-même présent au Liban quelques jours avant cette élection pour poursuivre les discussions qu'avait engagées le Président de la République avec les principales forces en présence.
Lorsque le parlement libanais s'est réuni pour élire le chef de l'État, l'envoyé spécial du Président de la République, Jean-Yves Le Drian, était dans la tribune. C'est dire à quel point nous avons suivi cette situation de près !
Enfin, vous avez laissé entendre que la France serait marginalisée dans les négociations qui vont s'ouvrir à la suite de la guerre des Douze jours. Selon vous, Londres serait informée par Washington et Berlin serait informée par Tel-Aviv. Sans trahir de secret, je tiens à préciser que la proposition de cessez-le-feu américano-israélienne a transité par la France il y a dix jours.
Le Président de la République est au contact, d'un côté, de Donald Trump et, de l'autre, du président iranien. Grâce à cette position singulière, y compris au sein de l'Union européenne, il peut tenter de créer les conditions pour que ces deux dirigeants puissent se parler.
Monsieur Jean-Marc Vayssouze-Faure, au sujet de la question iranienne, vous avez dit que rien n'était réglé. Je ne sais pas si l'on peut dire cela, mais nous sommes en tout cas au milieu du gué. En effet, le plus dur reste à faire. Nous devons encadrer strictement et durablement les activités nucléaires, balistiques et de déstabilisation régionale de l'Iran.
Le sort que ce régime réserve à nos compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris, ainsi qu'à une douzaine d'autres concitoyens européens, est préoccupant. Vous avez appelé à la libération de nos deux otages. Vous le savez, nous exigeons que cette libération intervienne immédiatement. Nous avons souligné le risque que constituait leur détention dans la prison d'Evin dès le début des frappes israéliennes.
Nous avions d'ailleurs indiqué au gouvernement israélien la présence de nos compatriotes dans cette prison. Nous avons dû attendre un délai inacceptable pour obtenir des preuves de vie, jusqu'à la visite consulaire qui a pu se tenir cette semaine. Nous espérons obtenir une libération définitive au plus vite.
Le retour à la coopération sur lequel vous avez interrogé le Premier ministre passe justement par la reprise des discussions dans l'esprit qui avait animé les négociateurs de l'accord sur le nucléaire iranien de 2015, dont la France faisait partie. À l'époque, les protagonistes étaient les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU.
Ces cinq puissances sont, d'une certaine manière, les gardiennes du traité de non-prolifération. Comme cela a été rappelé, ce traité prévoit que seuls ces cinq pays ont le droit d'être dotés de l'arme nucléaire. En contrepartie, ils ont l'obligation de donner aux autres pays du monde l'accès au nucléaire civil.
D'une manière ou d'une autre, ces cinq nations vont devoir se parler. C'est ce qui explique que le Président de la République ait pris l'initiative d'établir le contact avec Vladimir Poutine, alors que la discussion était rompue depuis le massacre de Boutcha en septembre 2022.
Au-delà du programme nucléaire iranien, qui représente un véritable danger, y compris pour nos propres intérêts de sécurité, l'avenir de l'architecture de sécurité qui a prémuni l'humanité contre une course à l'armement depuis la fin des années 1960 est en jeu.
Quand bien même Vladimir Poutine ne s'est pas montré à la hauteur de son rôle de membre permanent du Conseil de sécurité, la Russie doit être consultée, de quelque manière que ce soit, sur ses intentions à l'égard de l'Iran, au moment où nous voulons encadrer les activités que j'ai mentionnées précédemment.
Monsieur Olivier Cadic, vous avez rendu hommage aux vingt-deux victimes de l'attentat terroriste qui a récemment touché les communautés chrétiennes en Syrie. Vous avez rappelé l'attachement de la France et de son gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre, à la sécurité des communautés chrétiennes partout au Proche-Orient.
Les raisons de cet attachement sont non pas religieuses, mais historiques : la France considère que la préservation des droits de ces communautés est une condition du pluralisme dans la région, qui est lui-même la condition de la paix et de la stabilité.
Vous avez rappelé le rôle important que jouent les élus des Français de l'étranger dans les moments de crise, où ils sont l'interface avec nos compatriotes qui doivent être évacués ou rapatriés. Ces élus portent la voix de la France. Ils le font chacun à leur façon, mais de manière complémentaire. C'est évidemment très précieux.
Je veux vous féliciter, monsieur le sénateur, de votre engagement personnel au Liban, notamment auprès des victimes de la catastrophe du port de Beyrouth.
Pour répondre à votre question, la conférence sur la solution à deux États se tiendra, je l'espère, dans les prochaines semaines. Si nous avons dû la reporter pour des raisons logistiques et sécuritaires, la dynamique qui s'est enclenchée est, comme l'a dit le Président de la République, inarrêtable.
Monsieur Claude Malhuret, vous avez dit une chose très juste : la guerre au Proche-Orient dure depuis quatre-vingts ans et elle continuera de durer tant que le conflit entre les peuples israélien et palestinien ne se sera pas résolu. À l'heure où certains courants de pensée considèrent que ce conflit serait l'une des conséquences d'une autre menace, incarnée par le régime iranien, il est important de rappeler qu'il avait commencé avant la révolution islamique.
Si nous devons encadrer le programme nucléaire de l'Iran, ses activités balistiques et ses actions de déstabilisation, il est indispensable de trouver une solution politique durable au conflit israélo-palestinien.
Par ailleurs, vous estimez que les dictateurs veulent prendre leur revanche sur les défaites du XXe siècle et qu'ils ont déclenché contre les démocraties une guerre qui a changé de nature, à laquelle nous devons nous préparer. Je laisserai Sébastien Lecornu y revenir plus longuement, mais la revue nationale stratégique (RNS) qui sera prochainement annoncée définira la manière dont nous devons nous prémunir contre ces nouvelles menaces.
Au-delà de notre arsenal traditionnel, le Quai d'Orsay mobilise les marges de manœuvre dont nous disposons encore pour riposter contre les attaques visant à abîmer l'image de la France et la voix qu'elle entend porter dans le monde.
Notre puissance, notre capacité à peser, au Proche-Orient comme ailleurs, dépend de notre force intérieure : de notre force militaire, pour dissuader les menaces ; de notre force économique, pour ne pas dépendre des autres ; mais aussi de notre force morale et politique.
Si les travaux qui ont été lancés par le Premier ministre, notamment le conclave sur la réforme des retraites, la préparation du budget et la refondation de l'action publique peuvent sembler éloignés des sujets dont nous débattons ce soir, ils y sont pourtant liés. En effet, notre force intérieure nous permettra à l'avenir de porter la voix de la France et de défendre nos intérêts.
M. Xavier Iacovelli a rappelé que les tensions au Proche-Orient, et en particulier dans la mer Rouge, avaient des conséquences non seulement pour la région, mais aussi pour le commerce international, c'est-à-dire pour nous toutes et tous.
Aussi, lorsque la France s'investit dans la résolution des conflits au Proche-Orient, que ce soit au Liban, en Syrie ou ailleurs, elle le fait non seulement parce qu'elle a une responsabilité en tant que nation fondatrice des Nations unies et membre permanent du Conseil de sécurité, mais aussi parce que nos intérêts directs sont en jeu.
Certains orateurs ont évoqué le fait que nous ayons établi le contact avec les nouvelles autorités syriennes. Nous l'avons fait non pas pour la gloire ou le panache, mais pour servir nos intérêts. Sur les questions migratoires comme sur les questions de lutte contre le terrorisme, nous ne pouvons obtenir gain de cause que par un échange exigeant et sans concession avec les autorités syriennes.
M. Iacovelli s'est demandé si nous souhaitions être spectateurs ou acteurs : comme je viens de le répondre à M. Malhuret, cela dépendra de notre force intérieure. Il nous a invités à emprunter la voie de l'équilibre et du droit. Il a également évoqué le sort des enfants, qui sont les principales victimes des théâtres de conflit au Proche-Orient. Ils grandissent dans un environnement si violent qu'il leur sera difficile de devenir des artisans de la paix à l'âge adulte.
Madame Cécile Cukierman, la façon dont vous avez parlé du programme nucléaire iranien laisse à penser qu'il était dérisoire ou innocent avant les frappes américaines. Ce que nous savons, c'est qu'il y a dix ans, grâce à l'accord que la France a contribué à faire aboutir, nous avons obtenu un recul substantiel du programme nucléaire iranien.
Ce recul s'est maintenu pendant trois ans, jusqu'à ce que les États-Unis sortent de cet accord, comme l'a rappelé le Premier ministre. Ils ont alors recommencé à appliquer les sanctions qui prévalaient avant l'accord, ce qui a conduit le régime iranien à relancer son programme nucléaire. Tout du moins, c'est le prétexte que ce dernier a avancé.
Le résultat est le suivant : avant les frappes, le régime iranien disposait d'un stock d'uranium enrichi trente fois supérieur et de capacités d'enrichissement dix fois supérieures aux limites maximales qui avaient été fixées il y a dix ans. Le programme progressait depuis sept ans, mais une accélération nette avait été constatée depuis trois ans.
Il existait donc bien une intention de la part du régime iranien de développer un programme nucléaire, qui n'a pas de justification civile. Or je rappelle que ce régime proclame dans ses textes constitutionnels sa volonté d'anéantissement d'Israël.
Par ailleurs, faut-il rappeler qu'il soutient des groupes terroristes, qu'il s'est félicité des attentats antisémites barbares du 7 octobre, qu'il a livré des centaines de missiles et des milliers de drones à la Russie, qu'il détient nos deux compatriotes, qu'il a réprimé le mouvement « Femme, Vie, Liberté » ?...
Je m'inscris en faux contre votre argument selon lequel il existerait deux poids, deux mesures.
Mme Cécile Cukierman. Il y a deux poids deux mesures, c'est sûr !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Nous n'avons pas participé aux frappes israéliennes et américaines, pas plus qu'à leur planification. Nous avons dit qu'elles n'étaient pas conformes au droit international, et que si elles étaient en mesure de le retarder, voire de le détruire, elles ne pouvaient en aucun cas empêcher l'Iran de reconstituer, demain, son programme nucléaire. Ce n'est que par un encadrement négocié que nous éloignerons durablement le danger.
Madame Carrère, comme le Premier ministre, vous avez insisté sur la nécessité de mettre fin au système de distribution militarisé de l'aide humanitaire à Gaza. Vous avez salué l'action des agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui sont en effet très mobilisés en cette période de crise pour tenter d'apporter les meilleures réponses possibles à nos ressortissants, en Israël comme en Iran.
Vous avez également évoqué le contrat d'association entre l'Union européenne et Israël. Lors du Conseil européen de la semaine dernière, les chefs d'État et de gouvernement ont acté la violation par Israël de l'article 2 de cet accord et ont confié aux ministres des affaires étrangères, qui se réuniront le 15 juillet prochain, le soin d'en tirer les conséquences.
Vous avez conclu en disant qu'il s'agissait non pas de choisir un camp, mais de faire respecter le droit des peuples. C'est exactement la position que la France entend défendre.
Monsieur le président Guillaume Gontard, vous avez dit que l'apparence de notre faiblesse réveillait l'appétit des empires : c'est tout à fait vrai. C'est pourquoi nous devons, comme l'a souligné le Premier ministre dans sa déclaration, pour faire prévaloir la justice, rendre fort ce qui est juste. En nous fortifiant de l'intérieur, nous serons plus forts à l'extérieur pour dissuader les menaces.
Vous affirmez que Benyamin Netanyahou est un opposant à la solution à deux États. Je voudrais simplement vous lire les propos qu'il tenait en 2009 : « Nous devons dire la vérité. Au sein de cette patrie vit une large communauté de Palestiniens. Nous ne voulons pas les dominer. Nous ne voulons pas gouverner leur vie. Nous ne voulons pas leur imposer ni notre drapeau ni notre culture. Dans ma vision de la paix sur cette petite terre qui est la nôtre, deux peuples vivent librement côte à côte dans l'amitié et le respect mutuel. […] Aucun ne menacera la sécurité ou l'existence de l'autre. Et je le dis maintenant clairement, si nous recevons cette garantie concernant la démilitarisation et les besoins de sécurité d'Israël et si les Palestiniens reconnaissent Israël comme l'État du peuple juif, alors nous serons prêts, dans le cadre d'un futur accord de paix, à parvenir à une solution où un État palestinien démilitarisé existera aux côtés de l'État juif. »
M. Guillaume Gontard. C'était en 2009…
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je rappelle ces propos de Benyamin Netanyahou, car l'esprit de la conférence sur une solution à deux États que nous entendons organiser très prochainement est précisément de réunir ces conditions. Ce sera l'occasion pour la France comme pour d'autres pays de reconnaître l'État palestinien, et, pour les pays arabes et l'autorité palestinienne, de prendre des engagements de nature à garantir durablement la sécurité d'Israël.
Vous avez fait référence à l'année 2015, qui a été un grand cru diplomatique pour la France, avec l'accord sur le nucléaire iranien et l'accord de Paris.
M. Rachid Temal. Sous François Hollande !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Souhaitons que l'année 2025 soit, elle aussi, un grand millésime. En organisant à Nice une conférence des Nations unies sur l'océan (Unoc) historique, nous avons d'ores et déjà fait écho à l'accord de Paris de 2015.
Quant à l'accord sur le nucléaire iranien, que nous espérons parvenir à conclure cette année, nous souhaitons, à l'instar de Mathieu Darnaud, qu'il soit beaucoup plus robuste que celui qui avait été conclu il y a dix ans, car la situation est différente.
Cet accord devra éloigner durablement le risque que l'Iran accède à l'arme nucléaire et continue de développer un programme de missiles susceptible de porter atteinte aux intérêts de sécurité dans la région, mais aussi à nos propres intérêts. Il devra aussi mettre fin aux activités de déstabilisation menées par l'Iran dans la région, pour que l'ombre – je reprends l'image utilisée par un orateur précédent – qui a plongé la région dans un état d'instabilité et de guerre permanente depuis des années s'éloigne durablement.
M. le président. La parole est à M. le ministre des armées.
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre aux questions formulées à la tribune par les orateurs, permettez-moi de revenir sur ce qu'a dit Jean-Noël Barrot sur le poids de la France à l'étranger, ou tout du moins notre puissance de conviction.
Celle-ci dépend largement de notre propre confiance en nous. Cela ne signifie pas avoir confiance dans la politique menée par le Président de la République ou le Gouvernement. Comme l'a rappelé la présidente Cukierman, cela relève de notre démocratie. Notre confiance doit se fonder sur ce qu'est la France, de par son histoire. Au reste, vous êtes nombreux à l'avoir rappelé.
Quoi qu'il en soit, permettez-moi d'insister sur la confiance que nous pouvons avoir dans nos forces armées et le rôle qu'elles jouent au Proche-Orient. Il s'agit probablement de la région où nos forces en présence sont les plus exposées. Le président Darnaud a notamment cité la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul).
Pour expliquer le rôle de nos forces armées dans ces pays, je donnerai quelques exemples précis.
Tout d'abord, nous menons des opérations sur place, dont certaines ne sont pas terminées. C'est notamment le cas de l'opération Chammal, que nous menons contre l'État islamique à la faveur d'une grande coalition. Des bases sont positionnées spécifiquement pour lutter contre le terrorisme, notamment dans un pays précis.
Ensuite, certains pays accueillent des bases militaires françaises sur le fondement d'accords de défense. Les forces françaises aux Émirats arabes unis sont certainement les plus connues, avec celles de Djibouti. Si ces dernières sont placées sur le continent africain, chacun sait qu'elles desservent, grâce à leur base aérienne et leur base navale, l'ensemble du golfe d'Aden et, de manière plus globale, la zone indopacifique.
Vous avez affirmé, monsieur le président Darnaud, que même si nos forces armées avaient voulu mener une action offensive, elles n'auraient pas pu le faire. Ce n'est pas tout à fait exact.
Pour commencer, ces forces ne disposent pas du mandat d'intervenir, qui doit leur être confié par le Parlement au titre de l'article 35 de la Constitution – certains d'entre vous ont peut-être été amenés à se prononcer sur une telle question. L'opération Chammal, par exemple, a été validée par le Parlement.
Ensuite, les forces armées doivent faire preuve d'une grande endurance dans la région. Il a peu été question de la mer Rouge, mais l'opération Aspides, dont l'objet est de protéger les intérêts maritimes français et européens sur cette route maritime commerciale importante, montre bien l'endurance spectaculaire de notre marine.
Je pense d'ailleurs que c'est la première fois dans notre histoire que la marine nationale tire autant de missiles Aster 15 ou Aster 30. Si l'on nous avait dit voilà dix ans que nous serions amenés à intervenir sur de telles situations opérationnelles, nous aurions trouvé cela pour le moins inattendu...
Il en va de même de la protection du ciel des pays qui nous accueillent et de la légitime défense de nos propres bases. Les propos que j'ai tenus à l'Assemblée nationale lors du même débat que celui qui nous réunit ce soir ont été critiqués par la République islamique d'Iran. J'avais affirmé que lorsque des drones tirés par l'Iran sur Israël mettent en danger la sécurité de nos emprises, nous devons assurer la sécurité de celles-ci, en lien avec le pays hôte.
Vient ensuite le débat, plus global, relatif à notre réarmement, donc à la poursuite des efforts en faveur de notre armée. Du fait des choix retenus par les chefs d'état-major et les ministres qui se sont succédé, y compris depuis l'élection du Président de la République en 2017, les forces armées prépositionnées au Moyen-Orient sont plutôt les mieux équipées. Par définition, elles ne manquent pas de moyens : le contexte régional l'exige.
À la suite de Jean-Noël Barrot, je souhaite revenir à présent, d'un mot, sur la situation au Liban.
Certains, non pas au Sénat, mais dans d'autres lieux ou encore dans les médias, ne manquent pas de salive pour critiquer le mandat confié à la Finul. Certes, ce mandat n'est pas parfait, mais, jusqu'à preuve du contraire, personne n'a trouvé de meilleure idée. C'est donc soit cela, soit le vide.
Pour ma part, je tiens à rendre hommage à nos militaires qui, depuis le 7 octobre, exécutent ce mandat dans des conditions de sécurité particulièrement dégradées.
Je rappelle qu'un de nos soldats est mort pour la France l'année dernière au service de la Finul – nous en avons perdu plus de cent cinquante dans le cadre de ce mandat, depuis son origine, dans les années 1980. Il s'agit de la maréchal des logis Fany Claudin, dont on a peu parlé. Je tenais à saluer sa mémoire ce soir.
On ne peut pas prétendre que l'on ne fait rien alors même que, sur place, des soldats français meurent en mission. (Mme Sophie Briante Guillemont acquiesce.) Nous pouvons tous nous accorder sur ce point.
En contrepoint – le ministre de l'Europe et des affaires étrangères l'a dit –, l'administration Biden avait mis au point un mécanisme permettant une forme de déconfliction entre Israël et le Liban.
Cet état-major franco-américain est certes fragile et inédit. Il ne fut pas évident à concevoir. Mais il permet aujourd'hui de parler aux Libanais comme aux Israéliens, voire, si possible, à tout le monde de se parler – ce qui est plus difficile. Il s'agit donc là d'un utile complément de la Finul.
J'ai eu l'occasion d'aborder ces questions à de nombreuses reprises devant votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Je souhaite d'ailleurs que les parlementaires s'intéressent davantage encore à ce mécanisme tout à fait prometteur pour les différentes initiatives diplomatiques rappelées par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le président Gontard, dans ce domaine, on ne peut passer sous silence l'aide que nos forces armées se chargent de déployer à Gaza. (M. Rachid Temal acquiesce.) Nous sommes le seul pays à l'avoir fait !
M. Rachid Temal. C'est vrai !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Si cette aide est assurée, ce n'est pas tant grâce au Gouvernement que grâce à nos militaires. On peut estimer que nous n'en faisons pas assez, mais, quelles que soient nos sensibilités politiques, ne nous faisons pas du mal entre Français – j'ai le sentiment que c'est précisément le cas depuis l'ouverture de ce débat.
Ne parlons pas comme si la France n'avait rien fait ! Je viens de le dire, on a déploré, l'année dernière, un mort pour la France dans les rangs de la Finul ; le contrat opérationnel pour assurer la protection du ciel en mer Rouge est l'un des plus difficiles jamais confiés à la marine nationale ; le mécanisme franco-américain à l'œuvre au Liban et en Israël, s'il n'est pas parfait, a le mérite d'exister et de fonctionner ; enfin, l'armée française a procédé, à Gaza, à des largages de denrées et de médicaments, notamment de concert avec les Jordaniens. Ces opérations ont été menées dans un contexte très difficile, qu'il s'agisse des conditions opérationnelles ou des négociations diplomatiques avec Tsahal.
Quant au Dixmude, dont personne ne cite l'exemple, il est pour ainsi dire le seul navire de guerre européen présent sur place, à l'exception peut-être d'un bateau italien affrété ponctuellement. Accosté au port d'El-Arich, ce bâtiment a permis de prendre en charge un certain nombre de civils.
On peut estimer que ces efforts ne sont pas à la mesure de ce qui se passe à Gaza : je peux l'entendre. Mais actons qu'ils ont été faits. Reconnaître le travail accompli, c'est dire merci, non pas aux membres du Gouvernement – nous ne sommes que de passage –, mais à nos forces armées.
Voilà trois ans que j'ai l'honneur d'être ministre des armées, sous l'autorité du Président de la République. J'ai été, en cette qualité, membre de plusieurs gouvernements. Je puis vous assurer que nos forces armées suivent attentivement les débats comme celui de ce soir et qu'elles en consultent les comptes rendus.
Nos soldats relèvent ce que les uns et les autres ont pu dire. Or on constate parfois un décalage considérable entre les différents discours. Quand il s'agit de leur confier de nouvelles missions, on se livre à de grandes envolées pour dire qu'on les aime ; mais, ensuite, leur action peut sembler mal comprise, sachant qu'ils exécutent les ordres. Je le rappelle au Sénat, et plus largement au Parlement, avec beaucoup de respect et d'humilité. À mon sens, il faut le dire afin de leur rendre justice.
Madame la présidente Cukierman, vous avez raison d'insister sur la nécessité du débat démocratique. Il s'agit là de sujets politiques au sens noble du terme : c'est précisément pourquoi le Gouvernement a demandé la tenue de cette discussion.
Nous en avons déjà débattu lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire (LPM), nous sommes évidemment tout à fait favorables au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP. En revanche, nous ne saurions souscrire au traité d'interdiction des armes nucléaires, le Tian.
Nous y reviendrons sans doute : à cet égard, nos opinions divergent à l'évidence quant à la réalité de notre dissuasion – même si, en son temps, le général de Gaulle s'était prononcé pour le désarmement nucléaire dès lors que tout le monde le mettait en œuvre.
Nous ne sommes pas le pays le moins exemplaire en la matière. Je dirai même que, de tous les signataires du TNP que vous avez cités, nous sommes le plus exemplaire.
À l'Assemblée nationale, vos collègues communistes viennent de consacrer une commission d'enquête aux conséquences des essais nucléaires en Polynésie française. Là aussi, tout n'est pas parfait, mais – je suis bien placé pour le savoir, ayant été ministre des outre-mer –, de tous les pays ayant mené des essais nucléaires, la France est celui qui, objectivement, pousse le plus loin l'effort de transparence, de justice et de réparation.
Sur l'ensemble de ces questions, il me semble qu'il en est de même. Il faudra y revenir en détail, car la question nucléaire est d'une complexité redoutable.
Jean-Noël Barrot a insisté avec raison sur les sources nationales dont nous disposons au sujet du programme nucléaire iranien.
Monsieur le président Malhuret, nous ne sommes plus tout à fait dans la même situation qu'il y a sept, huit ou dix ans. À ce titre, nous étions alors dans la dépendance complète des Américains. Or, à l'heure où je vous parle, je peux donner au Premier ministre et au Président de la République des renseignements de source nationale. Sans entrer dans les détails, j'insiste sur le fait qu'il s'agit là d'une nouveauté ; c'est, du reste, le fruit des efforts budgétaires que vous avez largement consentis, par vos votes, pour augmenter nos crédits de défense.
Quoi qu'il en soit, l'avancée des programmes d'enrichissement et surtout des programmes balistiques rendait l'assemblage d'une arme nucléaire réellement imminent. Pour être parfaitement clair, toutes les pièces étaient prêtes : ne manquait plus que la décision d'assembler.
En matière de frappes balistiques, l'Iran a accompli, au cours des deux dernières années, un saut technologique tout à fait significatif. C'est un point sur lequel nous aurons l'occasion de revenir : ce constat soulève un certain nombre de questions pour nous, y compris pour notre défense sol-air, pour les outils destinés à la protection de nos propres emprises.
Mme Cécile Cukierman. Questions que la guerre des Douze Jours n'a pas permis de résoudre…
M. Sébastien Lecornu, ministre. Certes : c'est d'ailleurs ce qu'ont dit le Président de la République et la diplomatie française tout entière. C'est bien pourquoi nous n'avons pas soutenu ces frappes. Avec le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, j'ai rappelé que nous étions désormais placés face à un risque majeur de dissémination et que le suivi assuré par l'AIEA était dès lors menacé.
C'est en cela que la situation de l'Iran en 2025 n'est pas comparable à celle de l'Irak en 2003. Tous ceux qui veulent calquer la première sur la seconde se trompent. Par définition, chaque situation est singulière et doit être analysée en tant que telle.
Monsieur le président Gontard, je vous l'ai dit hier, je vous le dis ce soir et je vous le dirai demain : la France ne vend pas d'armes à Israël.
Je l'avais déjà précisé il y a un an et – je m'en veux beaucoup – je m'en étais alors remis à l'honnêteté des uns et des autres. C'était compter sans La France insoumise… (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Je le répète, on peut combattre le Gouvernement pour ce qu'il fait ou pour ce qu'il ne fait pas. En revanche, dénoncer des décisions qu'il n'a pas prises ou qu'il n'entend pas prendre est une perte de temps pure et simple.
Malheureusement, on a instillé le virus de la désinformation chez bon nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Beaucoup d'entre eux se disent : « C'est choquant ce qui se passe à Gaza, et pourtant la France continue d'envoyer des armes en Israël. » Or c'est totalement faux. Il faut le dire et le répéter, car ces sujets sont graves.
De toutes les grandes démocraties ayant une industrie de défense importante, la France est sûrement celle qui a le plus de principes, de mécanismes et de processus encadrant l'exportation d'armes. Nous pourrons y revenir, mais, à cet égard, il me semble que nous sommes irréprochables.
Monsieur le président Malhuret, vous avez souligné avec raison que nous avions changé d'époque et que la guerre elle-même avait changé de nature. Cela étant, vous avez assisté hier, deux heures durant, à mon audition relative au réarmement devant la commission des affaires étrangères : nous avons tout de même plus parlé de report de charges que de guerre hybride, de cyber, de NewSpace ou de prolifération nucléaire... Le décalage est considérable.
M. Rachid Temal. Chacun suit ses obsessions…
M. Sébastien Lecornu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Parlement doit lui aussi s'emparer de ces enjeux pour fixer les orientations nationales. L'exécutif n'est pas seul compétent en la matière : il s'agit d'une œuvre collective. (M. Mathieu Darnaud acquiesce.)
Ces sujets sont hybrides en ce sens qu'ils mêlent les questions militaires et civiles. Ils concernent donc tous les ministères, pas seulement celui des armées. En outre, l'exécutif n'est pas seul à représenter le monde civil : la chambre des territoires a, elle aussi, un rôle majeur à jouer.
Une attaque cyber sur un hôpital, c'est un événement tragique ; 300 attaques cyber sur 300 hôpitaux en même temps, c'est une nouvelle forme de déclaration de guerre. Face à cela, l'État peut-il tout ? Pas vraiment : comme un certain nombre d'entre vous, j'ai eu l'occasion de présider un conseil d'administration d'hôpital. À l'évidence, ce sujet est aussi local que global.
Malgré mon jeune âge, j'ai, du fait de ma longévité ministérielle, l'expérience de nombreux débats organisés en application de l'article 50-1 de la Constitution. Je sais que cet exercice permet parfois de dégager de grandes orientations.
M. Rachid Temal. Malgré l'absence de vote ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le moment venu, telle ou telle disposition peut naturellement être soumise au vote. Mais, en l'occurrence, je parle d'orientations globales. Qui fait quoi ? Quelle part le privé doit-il prendre à son compte ? Je ne vais pas ouvrir de tels débats à cette heure-ci...
Mme Cécile Cukierman. Non ! (Sourires.)
M. Sébastien Lecornu, ministre. Cela étant, j'en suis profondément convaincu : sur ces sujets, qui sont autant de pierres angulaires, on peut dégager des consensus bien plus forts qu'on ne le croit.
M. le président. Monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous en avons terminé avec la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, portant sur la situation au Proche et Moyen-Orient.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 3 juillet 2025 :
À dix heures trente et l'après-midi :
Éventuellement, suite de la proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux, présentée par Mme Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 785, 2024-2025)
Proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai, présentée par Mme Annick Billon, M. Hervé Marseille et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée ; texte de la commission n° 777, 2024-2025) ;
Proposition de loi portant pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental, présentée par Mme Nadège Havet (procédure accélérée ; texte de la commission n° 779, 2024-2025).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
nomination d'un membre d'une délégation sénatoriale
Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux outre-mer.
Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Paul Vidal est proclamé membre de la délégation sénatoriale aux outre-mer, en remplacement de M. Philippe Bas, démissionnaire.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER