M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, nous partageons les mêmes constats et nos points de vue semblent converger. Toutefois, il existe une différence entre vous et moi : vous gouvernez, pas moi ! Vous, vous pouvez prendre des décisions et mettre fin à l’usage de tous ces systèmes qui sont intrusifs pour les enfants, les parents et les enseignants, et pas moi.
conditions de prise en charge du temps de pause méridienne par les accompagnants des élèves en situation de handicap
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, auteure de la question n° 652, adressée à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la prise en charge du temps de pause méridienne des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).
Le législateur a voulu, depuis l’année dernière, que l’État assume leur rémunération non seulement durant le temps scolaire, mais également pendant la pause méridienne. Ces dispositions devaient mettre fin aux inégalités de traitement entre les territoires.
Toutefois, sur le terrain, la réalité est tout autre. Dans de nombreux départements, les retours sont unanimes : l’État refuse ou tarde à prendre en charge la rémunération des AESH sur ce temps méridien.
Une incertitude juridique et financière pèse ainsi sur les collectivités, qui sont contraintes de pallier ces manquements. Rappelons qu’elles ne sont pourtant pas censées se substituer à l’État. Les finances de nos communes sont déjà fragilisées et elles se passeraient bien de cette nouvelle charge.
Pour ajouter à cette confusion, une note de service du 4 juin 2025 est venue contredire l’esprit même de la loi en abrogeant la note du 24 juillet 2024, qui encadrait la mise en œuvre de cette prise en charge. Alors que la loi devait garantir un accompagnement humain continu et effectif pour tous les élèves en situation de handicap, nous assistons à un retour en arrière.
À l’approche de la rentrée scolaire, cette situation crée une inquiétude considérable chez les familles, les AESH et les équipes éducatives, mais aussi pour les collectivités.
Monsieur le ministre, quelles raisons ont conduit le ministère à abroger cette note de service ? Comment comptez-vous rétablir la confiance et sécuriser juridiquement et financièrement la présence des AESH sur le temps méridien, afin que chaque enfant en situation de handicap soit pleinement accueilli et accompagné ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Lermytte, l’école inclusive représente la promesse tenue de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
À la rentrée dernière, quelque 520 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés sur les bancs de nos établissements. Ces élèves ayant des besoins particuliers, près de 340 000 d’entre eux sont accompagnés par une aide humaine, soit 8 % de plus que l’année dernière et 90 % de plus qu’en 2013.
Comme vous l’avez mentionné, la loi de 2024 visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne, dite loi Vial, prévoit désormais la prise en charge par l’État de la rémunération des AESH sur la pause méridienne.
Alors que 7 700 élèves environ étaient accompagnés par des AESH sur ce temps au 31 décembre 2024, ils étaient 8 600 trois mois plus tard seulement.
Le décret d’application que vous évoquez précise les conditions de recrutement et d’emploi des AESH. Il représente un appui précieux pour garantir à des milliers d’élèves une prise en charge de qualité. Il prévoit que l’État reste pleinement employeur des AESH et continue d’assumer toutes ses obligations.
Par ailleurs, ce décret précise qu’une coordination avec les collectivités est nécessaire à la bonne intervention des AESH. Chaque situation est donc traitée au cas par cas, en bonne intelligence avec les collectivités et les services déconcentrés du ministère.
Une foire aux questions a été mise en place pour répondre aux interrogations de chacun.
Enfin, les dispositifs de suivi et d’évaluation sont envisagés à l’échelon académique, en lien avec les services déconcentrés du ministère chargés de l’école inclusive.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour la réplique.
Mme Marie-Claude Lermytte. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais je pensais notamment aux communes rurales de petite taille, qui ont besoin de savoir dès maintenant comment elles organiseront le service en faveur des enfants en situation de handicap à la prochaine rentrée.
fermetures de classes en zones rurales et maillage territorial des établissements scolaires
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, auteure de la question n° 644, adressée à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Monique de Marco. Monsieur le ministre, en Gironde comme dans bien d’autres départements, de nombreuses fermetures de classes sont programmées dans les zones rurales pour la rentrée 2025.
La direction des services départementaux de l’éducation nationale de Gironde a ainsi annoncé la fermeture de 105 classes d’écoles maternelles et élémentaires. À l’échelle nationale, la future carte scolaire prévoit 470 suppressions de postes dans le premier degré, qui pourraient entraîner près de 5 000 fermetures de classes. Nos territoires ruraux sont les premières victimes de ces fermetures.
Malgré la baisse démographique, ce choix est incompréhensible : dans le premier degré, la France a les classes les plus chargées d’Europe, avec une moyenne de 18 élèves par enseignant, contre 13 à l’échelle européenne.
Supprimer une classe va bien au-delà d’une simple réorganisation scolaire. Les répercussions sur les familles et les enfants sont nombreuses : les temps de trajets sont allongés et la réussite scolaire des élèves concernés en est affectée.
En outre, la fermeture d’une classe affaiblit la vie locale. L’école n’est pas seulement un lieu d’apprentissage, elle est aussi un lieu de cohésion sociale. Lorsqu’elle disparaît, tout l’équilibre d’un village est remis en question. Préserver les classes en milieu rural, c’est préserver un service public de proximité, garantir une éducation de qualité et contribuer activement au dynamisme de nos campagnes.
Monsieur le ministre, il est nécessaire d’adapter les politiques publiques éducatives aux réalités des zones rurales pour assurer l’égalité des chances. L’école de la République doit être un outil d’émancipation et de développement pour chaque élève, quels que soient son origine sociale ou son territoire.
À l’heure actuelle, les jeunes ruraux sont victimes d’inégalités territoriales et n’ont pas les mêmes chances de réussite que les autres jeunes : le taux de non-poursuite d’études s’élève à 23,6 % dans les territoires ruraux éloignés, contre 15 % en moyenne à l’échelle nationale.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous arrêter cette hémorragie qui transforme nos campagnes en déserts scolaires ? Que répondez-vous aux nombreux élus locaux qui demandent un moratoire sur les fermetures de classes ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Monique de Marco, je veux rappeler que les moyens en emplois pour la rentrée 2025 ont été améliorés par rapport à la copie initiale du PLF, et cela précisément pour répondre aux difficultés que vous mentionnez.
Nous avons maintenu des postes qui allaient être supprimés et nous avons recruté 2 000 AESH supplémentaires. Mais ces arbitrages ne peuvent pas ignorer les faits démographiques. À la rentrée prochaine, les effectifs du seul enseignement primaire diminueront de 93 000 élèves.
La fermeture de certaines classes se traduira en réalité par une amélioration du taux d’encadrement, qui atteindra un niveau historiquement bas de 21 élèves par classe.
Madame la sénatrice, votre département, la Gironde, connaîtra une baisse de 1 700 élèves dans le premier degré à la rentrée prochaine. Une centaine de fermetures de classes est certes prévue, mais cinquante ouvertures le sont également, en plus des trente postes supplémentaires destinés à reconstituer les brigades de remplacement.
Le nombre moyen d’élèves par classe restera donc stable, notamment grâce au dialogue fourni qui s’est noué entre collectivités et services déconcentrés de l’éducation nationale. Ce dialogue est notamment permis par les observatoires des dynamiques rurales, créés par Élisabeth Borne lorsqu’elle était Première ministre.
Une attention particulière est portée aux territoires ruraux et à leurs écoles. La récente tenue du comité interministériel de la ruralité en témoigne.
En Gironde, l’investissement de l’État est le même que partout sur le territoire. Je pense aux territoires éducatifs ruraux, au service de l’égalité des chances – il en existe trois en Gironde –, mais aussi aux internats d’excellence ruraux – votre département en compte cinq.
Ces dispositifs préservent et favorisent un accès équitable à l’éducation partout sur le territoire ; c’est une priorité du Gouvernement.
enseignants contractuels et droit à la mobilité pour les titulaires
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, auteure de la question n° 663, adressée à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le ministre, nous constatons depuis les années 2000 une augmentation du recours à l’emploi contractuel au sein de l’éducation nationale.
Cette augmentation est assumée non plus comme un impératif de réajustement technique, mais bien comme une volonté politique de développer la coexistence de titulaires et de contractuels pour assurer les mêmes missions. C’est d’ailleurs par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique que le Gouvernement s’est doté des moyens légaux pour répondre à ce choix politique.
Or, nous le voyons bien, l’apport d’une telle flexibilisation est très faible. J’en veux pour preuve la totale incapacité dans laquelle nous nous trouvons pour endiguer la crise de recrutement, ou même pour assurer correctement le remplacement des personnels absents.
Cette situation obère gravement l’avenir du service public de l’éducation. Là où le concours et la formation initiale permettent aux enseignants d’assumer une véritable liberté pédagogique, la contractualisation, qui vise à réduire les coûts, risque au contraire de créer une forme d’aliénation.
Plus globalement, dans un contexte de renoncement progressif, nous assistons à la casse du cadre statutaire des enseignants. L’emploi statutaire permet en réalité une bien meilleure adaptation aux besoins territoriaux que l’emploi contractuel.
Les lauréats ultramarins aux concours nationaux, notamment les enseignants, supportent un lourd sacrifice lié à l’obligation de garantir une présence de fonctionnaires sur tout le territoire. Ils sont souvent contraints à commencer leur carrière loin du lieu de vie auquel ils aspirent, et cette situation dure parfois pendant une grande partie de leur carrière professionnelle. La précarisation ne répond en rien à l’intérêt général.
Dans ce contexte, le droit à la mobilité des titulaires est durement remis en cause par le recrutement massif de contractuels.
Par conséquent, j’aimerais connaître, monsieur le ministre, la part de contractuels enseignants par type de contrat – CDD ou CDI –, par degré – primaire, second degré –, par académie et par discipline.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Corbière Naminzo, la fonction publique d’État est confrontée à l’augmentation du nombre de ses agents contractuels et les difficultés de recrutement n’épuisent pas cette tendance. À cet égard, France Stratégie évoque, dans un rapport de 2024, un réel « défi de l’attractivité ».
L’éducation nationale n’est pas en reste. C’est pourquoi Mme la ministre d’État a lancé, dès son arrivée, une refonte du recrutement et de la formation des professeurs.
Cela étant, le recours aux contractuels est moins massif à l’éducation nationale que dans d’autres pans de la fonction publique d’État. La part de contractuels s’élève à 2 % dans le premier degré et à 10 % dans le second, contre en moyenne 20 % ailleurs.
Le recours aux titulaires demeure nécessaire pour garantir la continuité des enseignements, dans certains territoires ou dans certaines disciplines. En résultent deux points de vigilance.
Premièrement, nous veillons aux conditions de recrutement et de formation des contractuels. À ce titre, des progrès notables ont été accomplis afin d’accompagner les contractuels vers la réussite au concours. Une attention particulière est également portée à leur formation pour leur garantir, comme à leurs collègues titulaires, la possibilité d’investir pleinement leur liberté pédagogique.
Deuxièmement, nous entendons trouver le juste équilibre entre fidélisation des contractuels et respect des droits des fonctionnaires, en matière de mobilité comme d’affectation. La direction générale des ressources humaines du ministère a donc rappelé cette exigence aux recteurs : il faut veiller à ce que les modalités d’affectation ne conduisent pas à privilégier le choix des contractuels par rapport à ceux des titulaires. Ce rappel traduit la volonté du ministère de garantir aux titulaires une priorité lorsqu’ils souhaitent faire valoir leur droit à la mobilité.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour la réplique.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre réponse. Sachez toutefois qu’à La Réunion, par exemple, de nombreux lauréats aux concours nationaux renoncent au poste auquel ils ont droit, préférant devenir contractuels.
Il faut mettre fin à cette situation tout à fait scandaleuse. Non seulement les titulaires doivent pouvoir exercer leur droit à la mobilité, mais l’enseignement doit redevenir une véritable priorité du service public.
régime des décharges des directrices et directeurs d’école
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Delia, auteur de la question n° 614, adressée à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Jean-Marc Delia. Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur la disparité territoriale constatée pour les décharges des directrices et directeurs d’école, laquelle persiste malgré les signalements récurrents de la Cour des comptes et les fortes attentes du terrain.
Depuis plusieurs années, des efforts ont été consentis pour alléger la charge des directrices et directeurs d’école, en particulier dans les petites structures. Pourtant, force est de constater qu’un traitement dérogatoire existe à Paris, où les directeurs d’école bénéficient d’un régime de décharges d’enseignement plus favorable que dans le reste du pays.
Dans son référé du 16 septembre 2024, la Cour des comptes rappelle que cette situation contrevient au principe d’égalité de traitement des agents publics sur le territoire national.
Le 18 mars dernier, vous avez annoncé un moratoire sur les suppressions de décharges prévues à la rentrée de 2025. Autrement dit, vous avez gelé la réforme sans pour autant poser les bases d’une harmonisation équitable pour l’ensemble des académies.
Vous connaissez la réalité du métier de directeur d’école. Elle est marquée à la fois par la surcharge administrative, par le manque de reconnaissance et par un véritable isolement. Or les inspections sont formelles : mieux déchargés, les directrices et directeurs parisiens sont plus disponibles pour assurer le pilotage pédagogique, les relations avec les familles et la coordination d’équipe.
Ce mode de fonctionnement pourrait inspirer une réforme nationale. D’ailleurs, dans son rapport de mai 2025, la Cour des comptes recommande clairement de créer une fonction de directeur d’école à temps plein – choix déjà opéré dans plusieurs pays européens.
Allez-vous suivre les préconisations de la Cour des comptes et engager une réforme structurelle pour garantir à tous les élèves, où qu’ils vivent, un encadrement pédagogique de qualité, tout en respectant les femmes et les hommes qui font vivre notre école au quotidien ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Jean-Marc Delia, les directrices et directeurs d’école, et plus largement tous nos personnels de direction, exercent des missions cruciales. Leurs rôles pédagogique, administratif et humain sont en effet au cœur du fonctionnement de l’école. C’est pourquoi le ministère a engagé une démarche d’amélioration du régime de décharge.
Vous le savez, les décharges de direction ont régulièrement évolué depuis dix ans dans l’éducation nationale. Les derniers changements en date ont eu lieu en 2021 et tout récemment, en 2025.
Les décharges de direction, qui étaient un peu plus de 11 000 en 2020, sont ainsi près de 14 000 en 2025.
Pour ce qui est du référé de la Cour des comptes, Mme la ministre d’État a demandé à la rectrice de Paris et au secrétaire général de son ministère d’engager une concertation avec la Ville de Paris afin de déterminer un régime de décharge conforme à la réglementation.
Par ailleurs, la Cour des comptes nous invite à engager une réflexion globale sur le réseau scolaire actuel afin de mieux accompagner les personnels, notamment les directeurs.
Des groupes de travail vont être réunis pour étudier les modalités d’organisation et de répartition des décharges, en tenant compte des besoins du terrain et des spécificités locales.
À ce jour, trois réunions associant les représentants du ministère et ceux de la Ville de Paris ont déjà eu lieu. Les échanges se poursuivent et nous espérons dégager une solution dans les meilleurs délais. C’est justement pour que cette concertation puisse aboutir que Mme la ministre d’État a décidé le moratoire que vous évoquiez à l’instant.
Le ministère reste mobilisé pour accompagner au mieux les directeurs d’école dans l’exercice de leurs missions, tout en veillant à une gestion équilibrée et efficiente de l’ensemble des moyens disponibles.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Delia, pour la réplique.
M. Jean-Marc Delia. Monsieur le ministre, je tiens à souligner le travail primordial qu’accomplissent les directrices et directeurs d’école, notamment dans nos territoires ruraux.
Je prends note des démarches engagées ; il faut faire en sorte qu’elles aboutissent rapidement pour aider au mieux ces directeurs.
critères d’éligibilité de la dotation générale de décentralisation concernant la construction de médiathèques intercommunales
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, auteur de la question n° 467, transmise à Mme la ministre de la culture.
M. Stéphane Demilly. Madame la ministre, j’attire votre attention sur un sujet très concret et tout à fait stratégique pour nos territoires ruraux : les critères d’éligibilité de la dotation générale de décentralisation, la fameuse DGD, dans le cadre de projets de construction de médiathèques intercommunales.
Cette dotation – vous le savez – constitue le principal levier du soutien de l’État à l’investissement culturel dans les territoires. Pourtant, sa mise en œuvre subit un certain nombre de blocages. Je pense notamment à la circulaire du 26 mars 2019, qui impose un critère, très rigide, de 0,07 mètre carré de surface par habitant.
Concrètement, une intercommunalité de ma région, qui défend à ce titre un projet ambitieux, se trouve aujourd’hui dans l’impasse. En effet, pour être éligible à la DGD, elle devrait construire deux médiathèques de 900 mètres carrés chacune pour un coût estimé de plus de 8 millions d’euros, dont 5 millions d’euros à la charge de la collectivité. Bien entendu, une telle dépense est complètement démesurée pour un territoire rural.
Ce critère de surface, censé garantir la qualité des équipements, finit par menacer notre maillage culturel. Il ne tient compte ni des réalités locales ni de la capacité budgétaire des collectivités territoriales. Il ignore les besoins d’un territoire qui souhaite tout simplement offrir un accès équitable à la culture, notamment à la lecture, dans une logique d’inclusion.
Nous ne pouvons accepter qu’un projet culturel cohérent et soutenu par des élus de terrain soit abandonné pour des raisons purement administratives. La conformité réglementaire ne doit pas entraver l’essor de la culture pour tous.
Ma question est donc particulièrement simple : le Gouvernement envisage-t-il d’assouplir les critères d’attribution de la DGD, notamment en adaptant le seuil de surface minimale pour que davantage de projets réalistes et utiles puissent voir le jour dans nos territoires ruraux ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Stéphane Demilly, comme vous le savez, le concours particulier relatif aux bibliothèques au sein de la dotation générale de décentralisation est un outil très efficace d’aménagement du territoire. Depuis quarante ans, il a permis à l’État d’accompagner de très nombreuses collectivités territoriales dans la construction, la rénovation et l’équipement de médiathèques.
C’est sur proposition du Gouvernement que le législateur est venu renforcer le soutien de l’État à l’investissement dans la lecture publique. À cette fin, ce concours a été abondé en loi de finances pour 2024 à hauteur de 6,5 millions d’euros. Sont spécialement ciblés les territoires ultramarins ainsi que ceux qui sont situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), dont j’ai la charge. Ce soutien financier a ainsi été porté à près de 95 millions d’euros au total.
Néanmoins, comme vous le signalez, l’attribution de cette dotation de l’État repose sur des critères de population et de surface qui peuvent, dans certains cas particuliers, créer des difficultés pour les communes ou les intercommunalités rurales.
C’est pour cette raison que le Gouvernement a entrepris une révision d’ensemble des dispositions réglementaires relatives à la DGD dédiée aux bibliothèques. Ce travail s’est notamment traduit par une simplification d’ampleur des règles d’instruction, de gestion et de répartition du concours, aujourd’hui appliquées, pour l’essentiel, par ces échelons de proximité que sont les directions régionales des affaires culturelles (Drac) et les préfectures de région.
Une circulaire interministérielle du ministère de l’aménagement du territoire et de la décentralisation et du ministère de la culture viendra très prochainement parachever la simplification normative engagée. Elle se substituera à la précédente circulaire, datée du 26 mars 2019.
La nouvelle circulaire visera ainsi à mieux prendre en compte le type de situation que vous évoquez en accordant des marges de manœuvre et d’appréciation accrues aux services déconcentrés de l’État. Ces derniers sont les mieux à même de définir les besoins en équipements de chaque territoire. À cet égard, une disposition réglementaire définissant des seuils de surface est nécessairement imparfaite.
Cette évolution devrait permettre à l’intercommunalité qui vous a sollicité de mener à bien son projet de construction d’une bibliothèque avec le soutien actif de l’État. Les services déconcentrés de l’État, et notamment la Drac des Hauts-de-France, y veilleront tout particulièrement.
M. Stéphane Demilly. Merci beaucoup, madame la ministre !
menace de fermeture des guichets et réduction des horaires d’ouverture dans plusieurs gares de la ligne ferroviaire sarlat-bergerac-libourne
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la question n° 501, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la ministre, à partir de 2026, la SNCF prévoit de fermer, en Dordogne, les gares de Condat – Le Lardin, de La Coquille, des Eyzies et de Terrasson, tout en réduisant drastiquement les horaires d’ouverture des guichets à Bergerac et à Saint-Astier.
Ces décisions, qui conduisent à remplacer les agents par des automates, viseraient aussi les gares de Sarlat, du Buisson et de Lalinde.
À juste titre, les élus dénoncent ces décisions. Quelque 84 millions d’euros ont été investis sur la ligne Bergerac-Libourne en 2018 et les travaux menés ont permis une forte hausse de la fréquentation. Pas moins de seize collectivités territoriales, dont le département, ont apporté leur contribution financière.
Les guichets de nos gares jouent un rôle essentiel. Ils sont plus que de simples points de vente de billets : ils incarnent, en particulier dans la ruralité, le lien humain du service public ferroviaire, assurant la sécurité, l’information et l’accompagnement des usagers.
Les lignes dites de desserte fine du territoire sont les premières victimes du désengagement de l’État. Les conséquences de cette politique sont connues et vécues : vétusté des installations, ralentissements pour raisons de sécurité, incidents divers, suppression de dessertes, fermeture de gares ou encore remplacement de trains par des autocars.
Le président de la SNCF lui-même nous alerte. Selon lui, 4,5 milliards d’euros d’investissements annuels sont nécessaires pendant les vingt prochaines années pour régénérer et moderniser le réseau. À défaut, nous assisterons à un affaiblissement historique du maillage ferroviaire français.
Alors que le ferroviaire est au cœur de la transition écologique, ces choix budgétaires, qui affectent également le fret, nous imposent de trouver de nouvelles sources de financement. Je pense, par exemple, à la renationalisation des autoroutes.
Alors que nous devons réduire de manière draconienne nos émissions de gaz à effet de serre, le ferroviaire doit rester le socle du service de transport assurant l’égalité territoriale.
Je relaie ici la colère des élus et des usagers. Les premiers comme les seconds demandent que la SNCF rompe sans délai avec cette politique mortifère consistant à fermer des guichets de vente, voire des gares, dans un contexte où la population ressent déjà un profond sentiment de relégation et d’abandon. Ils exigent à juste titre un service public de qualité, complet et accessible à tous les habitants du territoire.