M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Hervé Gillé, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme la ministre de l’agriculture, actuellement en déplacement au Parlement européen dans le cadre de ses efforts pour faire valoir la position de la France sur l’accord avec le Mercosur.
Comme vous le soulignez, le modèle Adelfa est fragilisé en Gironde. Il appartient désormais aux acteurs locaux d’en redéfinir les bases afin d’assurer sa pérennité. L’État n’a ni compétence ni rôle financier direct sur ces dispositifs, ce qui ne l’empêche pas de suivre ces démarches avec une attention particulière.
Pour autant, l’État accompagne les agriculteurs face au dérèglement climatique via plusieurs dispositifs : réforme de l’assurance récolte ; financement de la recherche et de l’innovation pour prévenir les situations de grêle ou de sécheresse ; engagement de 1,8 milliard d’euros dans le cadre du plan France 2030.
L’enjeu, pour l’Adelfa de Gironde, est de trouver localement une solution de financement pérenne, adaptée aux réalités agricoles et climatiques du territoire. L’implication des assureurs pourrait être une piste à explorer, mais cela relève d’une démarche volontaire, ce qui présuppose d’établir un socle fiable d’évaluation de l’efficacité de ces dispositifs.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Je vous remercie, monsieur le ministre, de transmettre ces propositions à Mme la ministre Annie Genevard, car le Gouvernement peut jouer un rôle dans l’implication des assureurs au niveau national et peut participer à une négociation. Cela relève d’une politique préventive, dont les assureurs sont les bénéficiaires, puisque la mise en œuvre de ces moyens diminue les risques.
Par ailleurs, l’on pourrait aussi trouver des solutions d’appui et d’accompagnement, notamment de défiscalisation, pour augmenter la cotisation des usagers, en particulier des viticulteurs. Des solutions sont ainsi à trouver sur l’initiative même du Gouvernement. Je vous saurais gré de communiquer également ce message à Mme la ministre.
vacance des locaux agricoles
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 664, transmise à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Olivier Paccaud. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur une problématique particulière de vacance de locaux agricoles.
Il est fréquent qu’un agriculteur habite sur le lieu de son exploitation, parfois dans un bâtiment prévu à cet effet. Ainsi, lorsque l’exploitation s’arrête, si l’agriculteur peut encore habiter dans ce logement, même sans aucune exploitation agricole liée, il est regrettable que des locaux à vocation purement agricole restent parfois, eux, abandonnés. Or, d’ici à 2030, 50 % des agriculteurs qui exerçaient avant 2020 devraient avoir pris leur retraite.
Permettez-moi d’évoquer le cas particulier de la filière hippique, à partir d’un exemple dans mon département de l’Oise, à Lamorlaye, dont le maire, M. Nicolas Moula, déplore la vacance actuelle de nombreux boxes, pour lesquels une forte demande existe.
En l’état actuel du droit, le maire ne peut appliquer à cette situation que le droit pénal de l’urbanisme, sanctionnant les exploitants qui, n’utilisant plus leurs locaux à destination purement agricole, les abandonnent ou les transforment en locaux d’habitation. Toutefois, cette solution est complexe à appréhender en droit et les solutions pénales prévues à ce jour sont laborieuses à mettre en œuvre.
Il est en outre délicat, humainement et juridiquement, d’envisager la seule réponse pénale à l’encontre d’anciens agriculteurs arrivant tout juste à la retraite. Il s’agirait alors seulement de sanctionner et non d’encourager ou d’inciter les agriculteurs à vendre ou à louer leurs locaux agricoles.
Enfin, la qualification juridique de ces bâtiments est très floue et difficilement accessible pour les propriétaires actuels et futurs.
La solution ne serait-elle pas à trouver dans la création d’un outil fiscal s’inspirant de la taxe d’habitation sur les logements vacants ? Ce faisant, plusieurs adaptations seraient bien évidemment à envisager. Ainsi, la taxe devrait être fonction de la surface non louée tout en ciblant éventuellement certains types de locaux particuliers, par exemple les boxes pour la filière hippique. Elle pourrait aussi être dégressive à compter d’une location, même partielle, des locaux avec certaines exonérations spécifiques.
Monsieur le ministre, les élus de Lamorlaye et d’autres villes attendent votre réponse.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Je vais m’empresser de vous répondre, monsieur le sénateur Olivier Paccaud.
Un agriculteur qui prend sa retraite dispose généralement de locaux nécessaires à son ancienne activité et, parfois, d’un logement situé sur le lieu même de l’exploitation. Or, s’il peut souhaiter continuer à habiter son logement, il est important que les locaux professionnels puissent être remis à disposition de ceux qui reprendraient l’exploitation. Il est donc salutaire que les élus locaux s’attachent au maintien de la vocation agricole desdits locaux.
À ce titre, ils peuvent déjà instituer, par une délibération prise dans les conditions de l’article 1639 A bis du code général des impôts, une taxe annuelle sur les friches commerciales. Cette dernière, prévue par l’article 1530 du même code, s’applique aux biens qui ne sont plus affectés à une activité depuis au moins deux ans au 1er janvier de l’année d’imposition. L’inoccupation doit avoir été ininterrompue au cours de la période.
Dans l’hypothèse où des agriculteurs retraités souhaiteraient valoriser différemment leurs biens, les documents d’urbanisme permettent aux élus de s’opposer aux changements de destination. En outre, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) dispose d’outils juridiques permettant de maintenir ces biens au service de l’agriculture.
Dans les communes dotées d’un plan local d’urbanisme (PLU), les bâtiments agricoles pouvant faire l’objet d’un changement de destination doivent être identifiés dans le règlement. L’autorisation d’urbanisme portant sur un tel changement de destination est soumise à l’avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), en zone agricole, et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS), en zone naturelle.
Par ailleurs, si la loi du 16 juin 2025 visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements permet à l’autorité compétente, pour délivrer l’autorisation d’urbanisme, de déroger au règlement du PLU afin d’autoriser le changement de destination des bâtiments ayant une destination autre que l’habitation en bâtiments à destination d’habitation, cette dérogation ne peut être accordée, pour les bâtiments agricoles, que s’ils ont cessé d’être utilisés pendant vingt ans. Voilà bien une preuve de l’attachement du législateur au maintien de la destination agricole des bâtiments.
chasse au gibier d’eau
M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, auteur de la question n° 651, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Mickaël Vallet. Monsieur le ministre, le 18 février dernier, j’interrogeais déjà le Gouvernement sur la suite qu’il entendait donner aux recommandations de la Commission européenne sur la chasse au gibier d’eau, qui avaient pour le moins surpris sur le terrain.
Je regrettais, dans ma réplique, que Mme Gatel, qui était au banc des ministres, ne m’ait pas véritablement éclairé. J’avais alors indiqué au Gouvernement qu’il pourrait compter sur moi pour revenir l’interroger en deuxième semaine ; malheureusement, nous y sommes.
Depuis, un projet d’arrêté, que la ministre chargée de la biodiversité a voulu soumettre au Conseil national de la chasse et de la faune sauvage (CNCFS), a provoqué une très profonde indignation parmi les chasseurs au gibier. Ces derniers participent toute l’année, il faut le rappeler, à une meilleure connaissance des espèces, à leur régulation et à l’entretien des zones humides, qui sont l’un des joyaux de la biodiversité française. Nous faisons nôtre leur indignation.
Ce matin, le Gouvernement a l’occasion d’éclaircir publiquement la situation, à quelques jours de la réunion du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, qui ne cesse d’être repoussée. Pouvez-vous nous dire concrètement, au nom du Gouvernement, quelles sont les raisons qui l’ont amené à proposer un premier arrêté, jugé inapplicable par les principaux concernés, puis un second ? Celui-ci prend-il réellement en compte les recommandations de la Fédération nationale des chasseurs ? Suffira-t-il à répondre aux exigences du groupe d’experts de la Commission européenne, dit Nadeg ?
Enfin, monsieur le ministre, vers quelle position le Gouvernement s’oriente-t-il dans la perspective de la prochaine réunion du groupe d’experts européens cet automne ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur Vallet, je vais vous répondre au nom de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, qui souhaitait corriger quelques informations erronées qui ont circulé, au cours des deux dernières semaines, au sujet des espèces migratrices. Ces dernières ont fait l’objet de travaux au niveau européen, en raison du déclin observé de leur population.
Les conclusions des scientifiques mandatés par la Commission sont sans appel. Ils observent une baisse de la population nicheuse ou hivernante au niveau européen, imposant aux États membres de prendre des mesures conservatoires pour enrayer cette dynamique. Comme cela a été formulé en novembre 2024 et confirmé en avril 2025, des actions devaient être prises dès la saison 2025-2026, en attendant un consensus clair entre les États membres dans la mesure où, pour une même une espèce migratrice, les observations nationales peuvent différer des observations européennes. Or c’est bien à une échelle supranationale qu’il faut agir.
La Commission a renouvelé ses recommandations en début de semaine dernière, demandant le placement de quatre espèces sous moratoire et la réduction des prélèvements sur trois autres. Tout cela, nous en avons fait part en transparence aux chasseurs, qui siègent également dans ce groupe d’experts européens.
En responsabilité et en cohérence avec nos travaux nationaux, Agnès Pannier-Runacher a donc proposé pour avis des mesures sur ces sept espèces, à savoir un moratoire temporaire dans l’attente de l’établissement d’un quota pour l’une d’entre elles et une réduction des prélèvements pour les six autres, via la réduction de quinze jours de la période de chasse.
Les chasseurs ont fait part de leurs préoccupations sur cette fermeture précoce et ont proposé en retour une autre mesure, dont l’objet est comparable, à savoir des plafonnements journaliers des prélèvements.
Ma collègue a pleinement conscience du rôle que peuvent jouer les chasseurs dans la vitalité des zones rurales et n’a aucun dogmatisme sur la chasse : notre seule boussole, c’est la conservation des espèces. Nous sommes donc satisfaits de l’accord que nous avons pu trouver en ce qu’il contribue à accompagner la pratique vers une chasse durable, fondée sur la science.
À l’automne prochain, le groupe scientifique donnera ses orientations sur les quotas visant trois espèces pour la saison 2025-2026, comme cela a été annoncé en avril dernier.
M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour la réplique.
M. Mickaël Vallet. Monsieur le ministre, vous ne répondez pas à toutes les questions que je vous ai posées, notamment sur la manière dont un premier projet d’arrêté, inscrit à l’ordre du jour du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, a provoqué un tollé par manque de concertation et a été retiré, avant la présentation d’un second. Il y a là un problème de méthode.
Par ailleurs, il est question d’un accompagnement vers une chasse durable. Mais la chasse qui est pratiquée en France est déjà durable. Vous avez affaire à des gens sérieux, avec qui vous avez fini par trouver un accord.
Pour la suite, je vous invite à lancer des concertations très en amont et, surtout, à bien considérer l’apport important de la chasse, notamment dans le domaine social.
reconnaissance de l’agriculture comme un intérêt national majeur
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, auteur de la question n° 649, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Bruno Belin. Monsieur le ministre, la loi du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture a reconnu l’agriculture comme étant « d’intérêt général majeur ».
L’actualité agricole est riche, qu’elle soit législative, comme nous le savons tous, économique, alors que nous sommes en pleine période de moissons, ou encore climatique, avec la question de l’eau, de plus en plus prégnante et dont personne ne peut nier la réalité.
Or nous attendons toujours que le Gouvernement définisse une stratégie sur cette dernière question, en associant les parlementaires et les élus locaux à la réflexion. Il existe des pistes pour répondre à ce besoin universel. Chacun connaît les difficultés d’accès à cette ressource, notamment pour les besoins agricoles à très court terme.
Nous pouvons, par exemple, préconiser le recours aux eaux grises ou encore mettre en place des tarifications différenciées selon la consommation. En outre, dans le cadre d’un plan stratégique gouvernemental, il conviendra d’aider les syndicats en matière d’entretien du réseau. Il s’agit d’une vraie difficulté, sachant que 20 % à 50 % des pertes d’eau sont liées à des réseaux défectueux.
Il faut aussi avancer sur les réserves de substitution, qui font l’objet d’un grand débat dans les territoires. Les préfets font de leur mieux pour mettre tous les acteurs en relation, mais il va falloir définir une véritable stratégie – nous ne pouvons plus attendre. C’est une demande de l’ensemble des agriculteurs sur tout le territoire, notamment dans mon département de la Vienne.
L’objectif n’est pas d’opposer biodiversité et agriculture, notre pays est assez fracturé comme cela. Au contraire, il faut rassembler et essayer de convaincre. Le combat pour la biodiversité est bien évidemment légitime, tout comme l’est celui qui concerne l’eau, mais la survie des agriculteurs est également en jeu. Ces derniers attendent votre réponse ce matin, monsieur le ministre.
Puisque l’agriculture est une politique d’intérêt général majeur, le soutien aux agriculteurs doit être réaffirmé ici, au Parlement, par la voix du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur, cher Bruno Belin, la loi du 24 mars 2025 consacre, à juste titre, l’agriculture comme étant d’intérêt général majeur et un pilier de la souveraineté alimentaire nationale.
Toutefois, cette reconnaissance n’emporte pas de primauté automatique sur d’autres objectifs d’intérêt général également reconnus par la loi, comme la préservation de la biodiversité ou des ressources en eau. Les services de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, ainsi que leurs opérateurs, sont pleinement engagés pour mieux articuler ces enjeux, en lien étroit avec les acteurs agricoles.
Plusieurs chantiers concrets sont en cours, dont celui des haies. En la matière, un travail interministériel est mené afin de simplifier les règles, avec la création d’un régime de déclaration unique et d’un portail numérique pour en assurer la protection. N’oublions pas la rémunération des pratiques agricoles concourant aux objectifs environnementaux, via les paiements pour services environnementaux.
De même, le soutien des agences de l’eau en faveur des projets agricoles va croissant, pour accompagner une gestion durable de la ressource, là où elle présente des déséquilibres quantitatifs ou qualitatifs.
Enfin, les services sont engagés dans un travail de fond pour améliorer la connaissance et la compréhension des principaux enjeux environnementaux et les règles qui en découlent, dans l’optique d’assurer une application et un contrôle proportionnés de ces dernières.
Chacun de ces chantiers donne lieu à des instructions propres et une animation pour trouver des solutions concrètes, de nature à conduire la nécessaire transition écologique en tenant compte des impératifs économiques et de production alimentaire.
Cette démarche s’inscrit plus largement dans les travaux de planification écologique en cours de territorialisation, qui constituent le cadre pertinent pour concilier ambition environnementale et souveraineté agricole, au plus près des réalités locales. Ces actions témoignent de notre engagement constant à construire des solutions équilibrées, concertées et durables.
positions de la france lors de la quatrième conférence des nations unies sur le financement du développement
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 531, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Patrice Joly. Monsieur le ministre, l’aide publique au développement (APD) subit une baisse sévère, du côté tant européen qu’américain. Cette chute est lourde de conséquences pour la stabilité mondiale et la solidarité internationale.
De son côté, notre pays a réduit son aide de près de 2,3 milliards d’euros au cours des dernières années. Aux États-Unis, le repli atteint 83 % pour l’USAID. Cela pourrait entraîner concrètement plus de 14 millions de morts supplémentaires d’ici à 2030, dont 4,5 millions d’enfants.
Lors de la récente Conférence internationale sur le financement du développement, qui s’est tenue récemment à Séville, un plan global a été adopté pour alléger le fardeau de la dette des pays en développement et promouvoir des investissements durables. Ainsi, plus de cent nouvelles initiatives ont été définies, parmi lesquelles des modalités d’échange de dettes, une coalition visant à suspendre le paiement de la dette en cas de crise et une taxe de solidarité sur les jets privés et les vols en première classe.
La Conférence a également envoyé un message fort, selon lequel le repli national et la réduction de l’aide financière ne sont pas des solutions pour répondre aux défis globaux. Bien au contraire, ils participent de l’aggravation des crises humanitaires, sanitaires, climatiques et migratoires. Un appel à la coopération multilatérale et à l’innovation en matière de financement est plus que jamais nécessaire.
Monsieur le ministre, comment la France entend-elle traduire, dans ses politiques nationales et européennes, les engagements et la dynamique de la conférence de Séville, notamment en matière de conversion de dettes des pays les plus vulnérables, d’innovation fiscale et de mobilisation de financements privés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur, cher Patrice Joly, comme vous l’avez souligné, la conférence de Séville s’est déroulée dans un contexte difficile : bouleversements du monde, multiplication des crises et des contraintes financières et budgétaires, explosion des besoins des pays en développement, ou encore insuffisance des ressources disponibles pour la solidarité internationale.
Les enjeux qui y ont été soulevés sont essentiels : transition énergétique, lutte contre les pandémies et indispensable réforme des systèmes de santé, conditions d’un commerce équitable juste, inégalités d’accès aux services de base, charge de la dette. Sur ces sujets, nous avons bien vu combien les clivages Nord-Sud étaient stériles ; seules comptent les solutions mises en œuvre avec nos partenaires, dans un intérêt mutuel.
Le Président de la République s’est donc rendu à Séville pour porter la voix de la France, présentant en particulier trois priorités.
Tout d’abord, identifier et mobiliser de nouvelles ressources de financement, comme des droits de tirage spéciaux ou les taxes de solidarité internationale.
Ensuite, mieux utiliser l’argent public, notamment les fonds des institutions multilatérales et des banques de développement, et mobiliser des financements privés.
Enfin, promouvoir une logique partenariale, par exemple avec le concept de plateforme pays. Sur des sujets comme la transition énergétique ou la santé, les bailleurs, les investisseurs, les institutions internationales, la société civile et les autorités du pays concerné ont vocation à travailler ensemble pour renforcer les systèmes de gouvernance, coordonner les efforts et inventer des solutions concrètes.
La France a par ailleurs lancé, avec huit autres pays de l’Union européenne, une coalition sur la taxation du secteur de l’aviation civile. En vue de la COP30, l’objectif de cette coalition est d’harmoniser la taxation des billets d’avion pour les pays, comme la France, qui sont dotés d’un tel système, et d’enjoindre d’autres pays à le mettre en place. Il sera ainsi possible de mobiliser davantage de ressources financières, y compris pour la solidarité internationale, dans un contexte budgétaire contraint.
En tout état de cause, je me tiens à votre disposition, monsieur le sénateur, pour travailler avec vous sur ces sujets auxquels je vous sais particulièrement attaché.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.
M. Patrice Joly. Je vous remercie de votre proposition, monsieur le ministre, à laquelle je souscris.
J’insiste toutefois sur le fait que, en réduisant la proportion du PIB français consacrée à l’aide au développement, nous n’avons fait qu’alimenter un repli populiste et des logiques nationalistes aussi illusoires que dangereuses. J’ajoute qu’aucune des grandes crises mondiales, qu’il s’agisse du climat, des migrations, de la santé ou de la sécurité, ne peut se résoudre au sein de nos seules frontières.
annulation du conseil d’administration de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Ruelle, auteur de la question n° 660, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Luc Ruelle. Monsieur le ministre, quelle ne fut pas la surprise des trente-quatre membres du conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) lorsqu’ils ont reçu, le 25 juin dernier, en fin d’après-midi, un message les informant de l’annulation de la réunion du conseil d’administration qui devait se tenir le lendemain.
Ce report sine die, la veille de ce rendez-vous biannuel, n’a pas manqué de faire réagir les élus représentant les Français de l’étranger et la communauté éducative. Et pour cause : cet ajournement a été décidé, très opportunément, par le ministre Laurent Saint-Martin lui-même, après avoir découvert l’ajout d’un point à l’ordre du jour.
En l’occurrence, il s’agissait non pas d’un point consensuel, mais d’une mesure aux conséquences explosives, voire fatales pour un certain nombre d’établissements de notre réseau éducatif dans le monde.
En effet, il était proposé de transférer aux établissements conventionnés le financement de la charge patronale des pensions civiles des personnels détachés, jusqu’alors assuré à l’échelon central par l’AEFE. Il est vrai que ce poids des pensions, qui représente près de 180 millions d’euros cette année, est la cause principale du déficit structurel de cette agence.
Cependant, reporter cette charge sur les établissements ne constituerait nullement une solution et entraînerait des effets en cascade plus que délétères : alourdissement des budgets locaux, risque de déconventionnements multiples, avec substitution des professeurs formés en France par des emplois locaux, et remise en question de l’existence même d’un enseignement à la française.
Monsieur le ministre, il s’agit non pas seulement de décider d’options budgétaires et financières, mais d’opérer un choix politique déterminant pour l’avenir de notre réseau, de l’éducation de nos enfants à l’étranger et de la diffusion de nos valeurs à l’international.
Ma question est simple : quelles sont les options de financement envisagées pour ces pensions, notamment dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens (COM) – que nous attendons toujours – assigné à l’AEFE, afin de ne pas exercer une pression intenable sur les établissements scolaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur Ruelle, la réunion du conseil d’administration de l’AEFE, initialement prévue le 26 juin dernier, a été reportée au 17 juillet prochain. Elle vise l’adoption d’un budget rectificatif en déficit de 78 millions d’euros, dans un contexte de baisse des crédits de la subvention pour charges de services publics (SCSP).
Cela fait suite à l’adoption d’un amendement en commission mixte paritaire ayant conduit à une baisse de 20 millions d’euros des crédits du programme 185.
Un niveau de trésorerie de 48 millions d’euros est attendu dans les services centraux, fin 2025. Ce montant représente moins d’un mois de paie pour l’AEFE, alors que le poids de la masse salariale représente 81 % de son budget.
L’AEFE a également dû absorber, depuis 2022, des mesures sur les rémunérations des personnels détachés. Faute d’engager des réformes structurelles, elle court le risque de ne plus pouvoir assurer le versement des salaires de son personnel détaché dès 2026.
Dans ces conditions, un travail de refonte du cadre d’action a été engagé pour accompagner l’AEFE dans sa transformation. Des orientations sérieuses de réforme ont été identifiées, dont la faisabilité et la soutenabilité feront l’objet de concertations avec les parties prenantes.
L’augmentation de la participation des établissements conventionnés à la rémunération des personnels résidents et détachés, grâce à la révision de l’assiette de calcul, qui intégrera la pension civile, est l’une des mesures que nous envisageons à court terme. Celle-ci doit être étudiée finement sur chaque territoire et mise en place progressivement.
Cette première réponse de nature budgétaire sera présentée lors de la prochaine réunion du conseil d’administration de l’AEFE, reporté de quelques jours pour laisser le temps de mener des concertations et de donner les explications nécessaires.
Les mesures annoncées constitueront le premier jalon d’un plan de refondation plus global. Dans cette perspective, un groupe de travail sera réuni, dès la rentrée prochaine, pour accompagner l’AEFE dans le développement d’un modèle soutenable et durable lui permettant de se projeter avec agilité dans les décennies à venir.
Concernant la prise en charge des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), l’application d’un taux minimal d’incapacité de 50 % n’est pas une mesure nouvelle. Elle figure en effet dans les instructions de l’AEFE depuis 2021. Notez que, en 2024, 474 élèves ont bénéficié d’une prise en charge à ce titre. Du reste, le dispositif relatif aux AESH fera l’objet de discussions au sein d’un groupe de travail mis en place dans le cadre de la Commission nationale des bourses (CNB).
contrôle de l’application de l’embargo commercial à l’égard de la russie