M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Christophe Chaillou. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, vous me permettrez tout d’abord de saluer à mon tour la mémoire du député Olivier Marleix, député de ma région, le Centre-Val de Loire, homme de convictions, d’engagement et de talent ; des convictions, un engagement et un talent qu’il avait eu l’occasion d’exprimer en sa qualité de rapporteur sur la présente proposition de loi à l’Assemblée nationale.
Nous examinons aujourd’hui en seconde lecture ce texte de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio, visant initialement à permettre l’allongement de la durée de rétention administrative d’un étranger jusqu’à 210 jours si celui-ci fait l’objet d’une décision d’éloignement édictée à la suite d’une condamnation pour certains crimes ou délits de droit commun.
Vous le savez, en première lecture, nous n’avions pas approuvé cette proposition de loi, désormais complétée par des dispositions plus que discutables adoptées par l’Assemblée nationale, dont certains aspects suscitent de vives interrogations.
Vous l’avez indiqué, monsieur le ministre d’État, ce texte se voulait une réaction : une réaction au meurtre abject d’une jeune fille survenue au mois de septembre dernier, crime qui nous a tous profondément bouleversés et qui a ému l’opinion publique.
Un tel drame doit bien évidemment nous conduire à examiner tous les dysfonctionnements ayant abouti à la libération d’un criminel déjà condamné qui se trouvait illégalement sur le territoire. Mais cette réflexion doit être menée avec discernement, sans céder à l’émotion, aussi légitime soit-elle. Elle ne devait d’ailleurs pas mécaniquement conduire à l’adoption d’une loi spécifique, d’autant que, comme vous l’avez reconnu vous-même, monsieur le ministre d’État, un certain nombre de problèmes liés à l’éloignement demeurent en suspens.
Or vous avez fait un choix différent, en vous inscrivant – cela vient d’être souligné – dans cette tendance récente à « surfer » sur des faits divers, alimentant une sorte de machine populiste dans une course, que nous considérons comme mortifère, avec l’extrême droite et ses funestes pulsions.
Ce texte marque une rupture avec un certain nombre de principes régissant la rétention administrative, qui – cela vient d’être rappelé – n’est ni une peine ni un outil de précaution ; c’est une mesure temporaire au service exclusif d’un éloignement effectif. Il prolonge la privation de liberté sans garantie d’efficacité, au mépris du principe de proportionnalité et de l’exigence de nécessité. À cet égard, il détourne la rétention, à laquelle nous n’avons pas d’opposition de principe, de sa finalité première.
L’article 1er, qu’il s’agisse de la version du Sénat ou de celle de l’Assemblée nationale, soulève plusieurs objections.
D’abord, il méconnaît le principe de proportionnalité en autorisant jusqu’à 210 jours de rétention pour des personnes condamnées pour des infractions délictuelles, voire n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation, et ce sur la base d’un comportement jugé menaçant.
Ensuite, il y a lieu de s’interroger sur l’utilité de cet article. En effet, dans le cas d’étrangers détenus, l’administration dispose déjà du temps de l’incarcération pour organiser leur éloignement.
Enfin, cet article présente un caractère contre-productif, car il risque d’engorger les centres de rétention et les juridictions administratives jusqu’à emboliser notre politique d’éloignement et compromettre l’objectif même affiché par ce texte.
Depuis notre premier débat, au mois de mars, le texte a été complété – cela a été rappelé – par l’Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement. Plusieurs dispositions qui avaient été censurées par le Conseil constitutionnel dans le cadre du texte pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration y ont été réintroduites.
Je pense à l’article 2 bis, qui prévoit la possibilité de relever les empreintes digitales de l’étranger placé en rétention administrative et de prendre sa photographie sans son consentement. Comment ne pas s’indigner de l’introduction dans notre droit d’une telle disposition, manifestement contraire à un certain nombre de nos principes fondamentaux ?
Encore une fois, nous connaissons tous le contexte assez tendu dans un certain nombre de centres de rétention administrative. Je l’ai moi-même constaté dans mon département. Nous connaissons les difficultés ; les relations avec les personnels et les agents y sont extrêmement difficiles. Or, avec les dispositifs que vous instituez, vous allez créer des sources de tensions supplémentaires.
L’article 3 bis, quant à lui, autorise le placement en rétention d’un demandeur d’asile en dehors de toute procédure d’éloignement. Ce faisant, il remet en cause le principe même selon lequel la rétention ne peut être fondée que sur la perspective raisonnable d’un éloignement effectif.
Je l’ai indiqué, ce texte se voulait une réponse au meurtre abject d’une jeune fille. Pourtant – il faut le marteler –, ce qui a fait défaut dans ce drame, c’est non pas le cadre juridique, mais l’action de l’administration. L’obligation de quitter le territoire français (OQTF) a été notifiée deux jours seulement avant la libération du condamné. Quant à la demande de laissez-passer consulaire, elle a été transmise au mauvais service, puis corrigée avec vingt-quatre jours de retard. (M. le ministre d’État le conteste.) Le laissez-passer a finalement été délivré trois jours seulement après le drame. Autrement dit, ce sont des défaillances administratives qui ont rendu l’éloignement impossible, et non une prétendue insuffisance de la durée légale de rétention.
Au lieu de tirer les leçons de ce drame, c’est-à-dire de constater l’existence de dysfonctionnements, d’une désorganisation et la nécessité d’anticiper les démarches dès la détention, les auteurs de ce texte choisissent finalement la facilité : l’allongement général de la privation de liberté sans que l’efficacité d’une telle mesure ait été prouvée.
Le texte s’inscrit plus largement dans une série d’initiatives récentes qui réinterrogent en profondeur notre conception de la rétention administrative. De fait, il contribuera à engorger les centres de rétention, à saturer les juridictions, sans pour autant améliorer l’efficacité des éloignements.
Monsieur le ministre d’État, vous avez évoqué, à juste titre d’ailleurs, la situation européenne, qui est intéressante. Pour autant, les systèmes juridiques sont très différents, vous le savez. Il existe d’autres types de possibilités d’appel dans d’autres pays, lesquels ont parfois – j’en conviens – des délais de rétention beaucoup plus longs, mais permettent quelquefois des sorties préalables.
Je partage la crainte que mon collègue a exprimée à l’instant : ce texte nous semble illustrer une dérive plus large, une sorte de populisme législatif et normatif qui prétend répondre à des drames par une surenchère, sans recul, sans étude d’impact. Ce faisant, on réduit la loi à de la communication, au signal politique, au détriment de sa cohérence, de son efficacité.
C’est la raison pour laquelle le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain maintient sa position et votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, je le rappelais en première lecture de ce texte, au mois de mars : la première rétention, c’est la frontière, sans laquelle on pourra toujours multiplier indéfiniment le nombre de places en centres de rétention, le nombre de centres de rétention eux-mêmes, et allonger la durée de rétention maximale. Je reste bien évidemment sur cette position.
Je vous entends trop peu remettre en cause Schengen et ses élargissements, le pacte européen sur la migration et l’asile ou la faiblesse de Frontex.
Je suis tout à fait favorable à l’allongement à dix-huit mois du délai de rétention pour les étrangers dangereux. J’avais d’ailleurs déposé un amendement en ce sens sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, à la fin de l’année 2023. À l’époque, vous aviez émis un avis défavorable. Si mon amendement avait été adopté, Philippine serait encore auprès de sa famille et de ses amis aujourd’hui.
Pendant que certains font le choix du désarmement des polices municipales, je fais celui de l’armement de notre police administrative. Contre le chaos, l’ordre.
La décision du Conseil constitutionnel du 23 mai 2025 vient confirmer que les conditions d’entrée et de séjour des étrangers « peuvent être restreintes par des mesures de police administrative ». « Quand la règle ne protège plus, il faut la changer », disiez-vous voilà quelques instants, monsieur le ministre d’État. Soyez cependant bien conscient de l’impact mineur de cette nouvelle règle si elle ne s’inscrit pas dans le cadre d’un arsenal anti-migratoire plus large.
Car les centres de rétention administrative restent un expédient. Ils ont pour objet de favoriser les expulsions. Mais on n’a pas observé d’augmentation des expulsions après avoir porté la durée maximale de rétention de quarante-cinq jours à quatre-vingt-dix jours au 1er janvier 2019. Aussi, faisons bien attention à ne pas uniquement augmenter la pension hôtelière des retenus sans résultat, car la rétention en France n’est pas du tout dissuasive : les retenus vous le disent eux-mêmes.
Quand je me rends au centre de rétention du Canet à Marseille, les témoignages sont toujours les mêmes : on est au Grand Hôtel, avec téléphone offert à l’arrivée, logement, nourriture, soins, salle de cinéma, salle de jeux, salle de musculation, aide juridictionnelle, accompagnement par des associations… Tout cela gratuitement ou, plutôt, offert par le contribuable !
M. Guy Benarroche. C’est faux !
M. Stéphane Ravier. Voilà ce que la gauche veut faire passer pour un enfer. Voilà comment sont traités des individus, certes « retenus », mais éminemment dangereux pour la société.
Aujourd’hui, un clandestin en centre de rétention coûte 700 euros par jour aux Français, soit le salaire mensuel de nombreux agriculteurs. Et tout cela alors que l’Insee révèle qu’en l’espace seulement d’une année, 650 000 personnes ont basculé dans la pauvreté dans notre pays, qui compte désormais près de 10 millions de pauvres. Dans ce contexte, il serait indécent de se satisfaire de la « rétentionnite ».
M. Christophe Chaillou. Et c’est pour cela que vous voulez augmenter la durée de rétention…
M. Stéphane Ravier. Comble de tout cela, les forces de l’ordre me rapportent que, la date de l’échéance de leur rétention approchant, de nombreux étrangers cherchent à les agresser, préférant rester en prison chez nous plutôt que d’être libres chez eux !
M. Guy Benarroche. Quelle fable !
M. Stéphane Ravier. La rétention est un mal financier nécessaire à la sécurité des Français. Elle doit être rendue quasi inutile à long terme par la cohérence d’ensemble d’une politique de maîtrise des flux migratoires.
M. Christophe Chaillou. N’importe quoi !
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier.
M. Cédric Chevalier. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive.
Comme chacun, avant toute chose, je tiens à rendre hommage à notre collègue Olivier Marleix, dont le décès brutal nous a tous profondément marqués. Rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, il a fourni, comme à son habitude, un travail exigeant et rigoureux. C’est donc avec beaucoup de gravité que je m’exprime aujourd’hui sur cette proposition de loi.
L’enjeu de ce texte est majeur. Il s’agit d’empêcher que ne se reproduisent des faits intolérables, dramatiques, à l’image de l’assassinat de la jeune Philippine ; cela a été rappelé.
Aujourd’hui, l’éloignement des étrangers représentant une menace se heurte à plusieurs obstacles. Les pays d’origine sont en effet souvent réticents à accepter le retour de personnes condamnées pour des infractions graves.
Dans le même temps, le délai de droit commun de la rétention administrative est limité à 90 jours maximum. Des exceptions sont possibles, grâce notamment à l’article L. 742-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ainsi, les étrangers condamnés pour des actes liés au terrorisme peuvent être retenus jusqu’à 210 jours.
En pratique, du fait de la lenteur des procédures de retour, plus de la moitié des éloignements effectués ont lieu après le quatre-vingt-dixième jour de rétention.
En outre, on estime que 61 % des personnes détenues en centre de rétention administrative ne sont pas renvoyées dans leur pays au terme du délai de 90 jours. Cela signifie qu’à l’issue de ce délai, celles qui ont commis des faits graves autres que des actes de terrorisme, qui présentent d’importants risques de récidive et qui n’ont pas été éloignées du territoire, peuvent être remises en liberté.
C’est dans ce contexte que cette proposition de loi d’origine sénatoriale a été déposée par notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio. Je tiens à saluer son travail, ainsi que celui des rapporteurs, Lauriane Josende et, bien évidemment, Olivier Marleix, dont les efforts ont permis l’adoption de ce texte à une grande majorité par l’Assemblée nationale.
L’article 1er permet d’étendre le champ de la dérogation pour allonger la durée de rétention des étrangers ayant commis des faits graves, y compris lorsque ces actes ne relèvent pas du terrorisme, comme le viol ou encore les actes de torture et de barbarie.
Convaincus que cela permettra de mieux protéger nos compatriotes, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiennent cette mesure. Celle-ci est notamment conforme à la directive européenne du 16 décembre 2008, qui permet de prolonger le placement en rétention de douze mois en cas de retard dans l’obtention des laissez-passer consulaires.
Par ailleurs, la présente proposition de loi comprend également un certain nombre d’autres mesures nécessaires.
Ainsi, l’article 2 étend le caractère suspensif automatique de l’appel interjeté contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention, en cohérence avec le champ de l’article 1er.
L’article 3, introduit au Sénat en première lecture, simplifie le séquençage des prolongations de la rétention administrative de droit commun, substituant à deux périodes de quinze jours une unique période de trente jours.
L’article 4 permet de décompter en heures plutôt qu’en jours certains délais relatifs au placement initial en rétention administrative en zone d’attente. Cette modification permet d’éviter le décompte d’un jour entier de placement lorsque l’arrivée de l’étranger survient tardivement dans la journée.
Enfin, afin d’assurer le respect du principe de la dignité de la personne humaine, et conformément aux exigences du Conseil constitutionnel, l’article 5 permet de rétablir et de compléter les mentions devant figurer au procès-verbal de fin de retenue pour vérification du droit au séjour.
En définitive, cette proposition de loi, nous le savons, est nécessaire pour renforcer la protection de nos concitoyens. Aujourd’hui, en l’état actuel de la procédure, son entrée en vigueur dépend d’une adoption conforme par le Sénat.
C’est pourquoi, en responsabilité, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendront cette adoption conforme. (M. Marc Laménie applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture garde la marque de l’excellent Olivier Marleix, rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, qui nous a quittés brutalement lundi après une carrière politique empreinte de discrétion, d’engagement et de loyauté. J’ai évidemment une pensée toute particulière pour lui, sa famille et ses proches, et je tiens à lui rendre hommage aujourd’hui.
Vous le savez, la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive, que nous examinons en deuxième lecture, est née d’un drame qui a ému la France entière : la mort de la jeune Philippine, tuée par un étranger dangereux, en situation irrégulière, libéré de centre de rétention quelques jours avant, quelques jours trop tôt.
Rappelons que, sous le coup d’une OQTF, celui-ci se voyait délivrer son laissez-passer consulaire par son pays d’origine peu de temps après sa libération.
Je le rappelle, cette proposition de loi réaliste, cosignée par 105 sénateurs du groupe Les Républicains, a pour objet de mieux protéger nos concitoyens et de mettre en œuvre les critères juridiques permettant aux juges de prolonger la rétention administrative. Elle doit donc permettre d’allonger à 210 jours la durée de rétention des étrangers en situation irrégulière les plus dangereux, soit 120 jours de plus que le dispositif actuel.
Ce texte répond à une forte attente des Français qui, d’après un sondage de l’institut CSA du mois d’octobre 2024, sont favorables à 84 % à l’emprisonnement systématique des étrangers sous le coup d’une OQTF, auteurs de crimes et de délits, avant leur expulsion.
Comme l’a souligné notre ministre de l’intérieur à l’Assemblée nationale et ici encore aujourd’hui, lorsque la règle ne protège plus, il faut la changer. La règle actuelle a permis la libération du bourreau de Philippine. Alors, changeons-la !
Cette extension à 210 jours est tout à fait raisonnable et bien en deçà des possibilités offertes – cela a été rappelé – par le droit européen, qui permet une durée de rétention pouvant atteindre dix-huit mois.
Bien entendu, ce texte ne remet nullement en cause les droits des étrangers venus en France légalement et respectant les règles de notre société. Il n’a aucun caractère xénophobe et raciste, contrairement à ce que certains cherchent à faire croire.
Les députés, tout en gardant l’esprit du texte, y ont apporté quelques modifications. Ils ont ainsi précisé et amélioré la version sénatoriale. À cet égard, je tiens à saluer de nouveau ici le travail du rapporteur de l’Assemblée nationale, Olivier Marleix.
La possibilité de photographier et de relever les empreintes digitales des personnes placées en rétention sans leur consentement nous semble en particulier justifiée et sécurisante, tout comme la permission de placer en rétention administrative des demandeurs d’asile.
En commission des lois, nous avons suivi la position de notre rapporteure, Lauriane Josende, que je remercie. Par souci d’efficacité, elle a proposé d’adopter la proposition de loi sans modification en vue de son adoption conforme par le Sénat, ce qui permettra son application rapide.
Il me semble que ce texte, ici, à la Haute Assemblée, pourrait être adopté par une grande majorité de sénateurs, au-delà des clivages politiques, car il n’a qu’un seul objectif : protéger nos concitoyens du danger que présentent un certain nombre d’étrangers en situation irrégulière sur notre sol.
Un vote conforme aujourd’hui serait le résultat d’un travail constructif de nos deux chambres, symbole d’unité de notre République face à une réalité que personne ne peut contester.
Il faudra bien entendu augmenter le nombre de places dans les centres de rétention administrative et atteindre à l’horizon de 2027 l’objectif de 3 000 places fixé dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, mais également libérer des places en parvenant à augmenter significativement les retours des étrangers sous OQTF dans leur pays d’origine.
M. Guy Benarroche. C’est irréaliste !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Le ministère de l’intérieur y travaille, et nous saluons ses progrès et ses ambitions dans ce domaine. La création prochaine de nouveaux CRA à Dunkerque, à Bordeaux et à Dijon va donc dans le bon sens.
Les membres du groupe Les Républicains voteront bien sûr cette proposition de loi lors de cette deuxième lecture, en pensant à Philippine et à ses parents.
M. le président. La parole est à M. Teva Rohfritsch.
M. Teva Rohfritsch. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, au nom du groupe du RDPI, j’aurai aussi, bien entendu, une pensée respectueuse pour le député Olivier Marleix.
Il y a des textes que l’on souhaiterait ne jamais avoir à examiner, des textes dont les dispositions portent le poids de drames humains. Certaines situations nous appellent à prendre nos responsabilités et à répondre aux inquiétudes des Français dans les délais les plus courts. Il est de ces moments, aussi, qui exigent de notre engagement parlementaire la plus grande sagesse et toute la rigueur nécessaire.
Cette proposition de loi est née d’une faille, d’un dysfonctionnement administratif, juridique, humain, et d’un nom, celui de Philippine, tragiquement inscrit dans nos mémoires. Nous ne devons pas oublier ce drame, et nous sommes tenus d’agir, de réagir, d’investir tous nos efforts pour qu’aucune autre Philippine n’ait à pâtir des lacunes de notre législation.
Notre responsabilité collective est aujourd’hui profondément engagée. À cet égard, je salue l’initiative de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio et des membres du groupe Les Républicains.
Cette proposition de loi vise à répondre de manière ciblée aux menaces que représentent certains profils à la dangerosité avérée. Elle n’est pas une remise en cause de l’État de droit ; elle vient le préciser. Elle vise à prévenir, anticiper, devancer, car nous n’aurons plus le droit d’être surpris.
Pour cette deuxième lecture, nos deux chambres s’accordent à placer la sécurité des Français au cœur de nos priorités. Il est de notre devoir de rassurer nos concitoyens, de leur permettre d’exercer pleinement leur liberté, tout en leur garantissant un cadre sécuritaire adapté. Les mesures proposées ont été et devraient continuer d’être examinées avec pragmatisme, proportionnalité, mais aussi humanisme.
Permettez-moi d’adresser en ce sens mes pensées et ma reconnaissance à ces femmes et ces hommes de terrain – policiers, gendarmes, magistrats, préfets –, qui s’engagent chaque jour pour notre sécurité. Tous œuvrent sans relâche à la protection de nos concitoyens. Ils attendent de nous un cadre juridique leur permettant d’accomplir pleinement leur mission.
Le groupe RDPI reste constant dans sa ligne. Nous soutenons toute avancée législative qui vise à renforcer l’efficacité des décisions judiciaires et administratives, tout en respectant les principes fondamentaux de notre droit. Dès lors, trois mesures principales de ce texte méritent ici d’être rappelées.
L’article 1er, désormais mieux encadré, étend le régime de rétention renforcé jusqu’à 180, voire 210 jours. Cette mesure vise non seulement les étrangers condamnés pour des infractions particulièrement graves, comme le viol, le meurtre, la traite d’êtres humains, mais aussi ceux dont le comportement constitue une menace pour l’ordre public.
Ce texte s’inscrit dans une continuité logique. Il aligne le traitement de ces profils sur celui qui est déjà applicable en matière de terrorisme. L’harmonisation proposée renforce ainsi notre arsenal sécuritaire au nom de la prévention et en fonction du niveau de menace identifié.
L’article 2 prévoit l’élargissement du caractère suspensif du recours contre une décision mettant fin à la rétention pour les profils les plus dangereux. Ce verrou juridique évitera des libérations précipitées en cas d’appel, contraires à l’esprit de précaution qui doit nous animer.
L’article 3, bien que relevant du droit commun, corrige une faille technique qui a permis dans l’affaire Philippine une libération anticipée au soixante-quinzième jour, faute d’un séquençage suffisamment clair. Ce réajustement est symbolique. Il montre que nous avons tiré les leçons d’un échec collectif.
Chers collègues, comme cela a été rappelé, ce texte s’inscrit pleinement dans le cadre du droit européen, qui autorise une rétention pouvant aller jusqu’à dix-huit mois. Ces dispositions restent strictement encadrées par le contrôle du juge judiciaire et soumises aux garanties fondamentales de notre État de droit.
Nous n’opposons pas fermeté et humanisme. Nous les conjuguons, car il n’y a pas de liberté sans sécurité ni de sécurité sans respect du droit.
Contrairement aux critiques qui ont pu être formulées, nous ne prévoyons pas d’enfermement arbitraire ; nous offrons aux autorités compétentes les outils nécessaires pour assurer l’effectivité des décisions d’éloignement lorsque la dangerosité des personnes concernées l’exige.
Cette proposition de loi vise à garantir l’effectivité de nos décisions de justice. Le maintien en rétention administrative, dans des cas strictement définis, constitue un maillon essentiel de cette chaîne d’effectivité.
Nous avons aujourd’hui l’occasion de nous doter d’un outil réfléchi, débattu et mesuré.
La France est une terre d’accueil, une nation régie par des droits, des règles et des devoirs, un État de droit et de libertés garantissant la sécurité pour tous ses ressortissants, pour ses visiteurs comme pour ceux qui sollicitent son hospitalité.
C’est pourquoi le groupe RDPI votera une nouvelle fois cette proposition de loi, dans l’esprit de responsabilité, de cohérence et d’efficacité qui guide son engagement parlementaire. Nous appelons donc à notre tour à l’adoption conforme de ce texte.
M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (M. Marc Laménie applaudit.)
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite avant tout rendre hommage au député Olivier Marleix, qui fut le rapporteur de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale. Tous ceux qui l’ont côtoyé s’accordent à dépeindre un homme de conviction. Mes pensées vont à ses proches, à ses collègues et à sa famille.
Permettez-moi ensuite une remarque liminaire sur la temporalité de nos travaux. Le groupe du RDSE ne se satisfait pas de débattre en séance d’une proposition de loi adoptée la veille à l’Assemblée nationale. Nous nous réunirons dans quelques minutes, à l’issue de la discussion générale, pour examiner les amendements de séance, quelques heures seulement après l’adoption du texte en commission. Nous estimons qu’il ne s’agit pas de conditions de travail parlementaire sereines, alors que le texte que nous examinons emporte de graves conséquences humaines.
Sur le fond, cette proposition de loi suscite des interrogations. Une confusion est-elle faite entre la détention et la rétention ? Ce texte prévoit en effet de porter de 90 jours à 210 jours la durée maximale de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière ayant été condamnés définitivement pour certaines infractions. Il étend ainsi le régime d’exception prévu pour les auteurs d’infractions à caractère terroriste.
Cette mesure vise à éloigner de la société des personnes jugées dangereuses. C’est indéniablement un impératif de sécurité, et je redis mon attachement à outiller convenablement notre République pour écarter de nos rues les individus qui représentent un danger pour autrui.
Toutefois, c’est bien le droit pénal, assorti de garanties juridiques, qui doit être l’outil pour assurer la sécurité des personnes. Si un individu représente un danger pour la société après avoir commis un crime ou un délit, il appartient aux juridictions pénales de prononcer une peine permettant de l’écarter.
Il nous est néanmoins défendu, à l’issue de la peine, de condamner de nouveau cette personne pour un même fait. Au contraire, la rétention administrative a pour unique objet d’éloigner l’intéressé. C’est sur ce point que porte notre interrogation. La proposition de loi traite de front deux sujets : l’enjeu sécuritaire et l’enjeu migratoire.
Le législateur a encadré la prolongation de la durée de la rétention en prévoyant des garanties particulières, comme la délivrance d’un laissez-passer consulaire à brève échéance ou la disponibilité de moyens de transport pour mettre en œuvre l’expulsion.
Il faut rappeler que la plupart des expulsions ont lieu dans les premiers jours de rétention. Prolonger la rétention au-delà de cette période n’a qu’un très faible effet sur le nombre d’expulsions.
En somme, la proposition de loi aborde partiellement seulement la problématique de la sécurité. Elle ne permet pas de répondre à l’enjeu diplomatique des migrations. C’est pourquoi les votes des membres du groupe du RDSE seront partagés.