M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Le vote est réservé.

Je donne à présent lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique.

projet de loi organique relatif au département-région de mayotte

Articles 41 à 53
Dossier législatif : projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte
Article 1er (fin)

Article 1er

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au sixième alinéa de l'article L.O. 1112-10, après le mot : « Martinique », sont insérés les mots : « , le Département-Région de Mayotte » ;

2° L'article L.O. 1114-1 est ainsi modifié :

a) Au 2°, le mot : « Département » est remplacé par le mot : « Département-Région » ;

b) Le 3° est complété par les mots : « autres que le Département-Région de Mayotte » ;

3° À l'article L.O. 3445-1, les mots : « , de Mayotte » sont supprimés ;

4° À l'article L.O. 3445-9, les mots : « les conseils départementaux de la Guadeloupe et de Mayotte peuvent être habilités » sont remplacés par les mots : « le conseil départemental de la Guadeloupe peut être habilité » et les mots : « de leur » sont remplacés par le mot : « du » ;

5° À l'article L.O. 4435-1, les mots : « , de Mayotte » sont supprimés ;

6° À l'article L.O. 4435-9, les mots : « les conseils régionaux de la Guadeloupe et de Mayotte peuvent être habilités » sont remplacés par les mots : « le conseil régional de la Guadeloupe peut être habilité » et le mot : « leur » est remplacé par le mot : « la » ;

7° Les articles L.O. 1711-2, L.O. 3511-1, L.O. 3511-3 et L.O. 4437-2 sont abrogés ;

8° Le livre III de la septième partie devient le livre IV et est ainsi modifié :

a) À l'intitulé du titre Ier, les mots : « et de Martinique » sont remplacés par les mots : « , de Martinique et de Mayotte » ;

b) À l'intitulé des chapitres Ier et II du titre Ier, les mots : « par les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique » sont supprimés ;

c) Les articles L.O. 7311-1, L.O. 7311-2, L.O. 7311-3, L.O. 7311-4, L.O. 7311-5, L.O. 7311-6, L.O. 7311-7, L.O. 7311-8 et L.O. 7311-9 deviennent respectivement les articles L.O. 7411-1, L.O. 7411-2, L.O. 7411-3, L.O. 7411-4, L.O. 7411-5, L.O. 7411-6, L.O. 7411-7, L.O. 7411-8 et L.O. 7411-9 ;

d) À l'article L.O. 7311-1, les mots : « et de Martinique » sont remplacés par les mots : « , de Martinique et de Mayotte » ;

e) À la première phrase de l'article L.O. 7311-3, la référence : « L.O. 7311-2 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-2 » ;

f) L'article L.O. 7311-4 est ainsi modifié :

– au premier alinéa, la référence : « L.O. 7311-2 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-2 » ;

– à la première phrase du dernier alinéa, la référence : « L.O. 7311-5 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-5 » ;

g) À la première phrase du second alinéa de l'article L.O. 7311-5, la référence : « L.O. 7311-4 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-4 » ;

h) L'article L.O. 7311-7 est ainsi modifié :

– au premier alinéa, la référence : « L.O. 7311-6 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-6 » ;

– aux deuxième et troisième phrases du second alinéa, la référence : « L.O. 7311-5 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-5 » ;

i) À la fin de la seconde phrase du dernier alinéa de l'article L.O. 7311-8, la référence : « L.O. 7311-5 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-5 » ;

j) Au premier alinéa de l'article L.O. 7311-9, la référence : « L.O. 7311-6 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-6 » ;

k) Les articles L.O. 7312-1, L.O. 7312-2 et L.O. 7312-3 deviennent respectivement les articles L.O. 7412-1, L.O. 7412-2 et L.O. 7412-3 ;

l) À l'article L.O. 7312-1, les mots : « et de Martinique » sont remplacés par les mots : « , de Martinique et de Mayotte » ;

m) L'article L.O. 7312-2 est ainsi modifié :

– à la fin du deuxième alinéa, la référence : « L.O. 7312-1 » est remplacée par la référence : « L.O. 7412-1 » ;

– à la fin du dernier alinéa, la référence : « L.O. 7311-2 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-2 » ;

n) À l'article L.O. 7312-3, les mots : « L.O. 7311-3 à L.O. 7311-9 » sont remplacés par les mots : « L.O. 7411-3 à L.O. 7411-9 » ;

o) L'article L.O. 7313-1 devient l'article L.O. 7413-1.

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M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Le vote est réservé.

Explications de vote communes

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi et du projet de loi organique dans les rédactions résultant des textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Marc Laménie, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (M. Olivier Bitz applaudit.)

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, à l'issue des commissions mixtes paritaires conclusives qui se sont tenues hier dans un esprit constructif et positif, j'ai constaté l'ampleur du travail de fond mené tant par les députés que par nos collègues sénateurs.

Les documents remis sur table aux sept députés et sept sénateurs, ainsi qu'à leurs suppléants, ne totalisaient pas moins de 200 pages. Ce travail considérable mérite le respect et la reconnaissance de tous.

C'est donc un texte majeur pour Mayotte, composé de deux volets – un projet de loi ordinaire et un projet de loi organique –, que nous allons voter ce matin. Il s'agit d'un texte d'ampleur, qui a l'ambition de répondre à la quasi-totalité des principales problématiques des Mahorais : immigration irrégulière, habitat insalubre, insécurité, retard dans le secteur économique et social ou de l'éducation nationale. Bref, de très nombreux sujets importants sont abordés.

Il était temps. Mayotte est le cent unième département français, mais il est aussi le plus pauvre et celui qui souffre le plus d'une immigration incontrôlée. Nous l'avons vu après le passage de Chido, l'habitat même se révèle être dangereux pour un archipel exposé aux cyclones et qui compte pourtant 40 % d'habitations en tôle.

Je salue d'ailleurs les interventions – vous les avez rappelées, monsieur le ministre d'État – des militaires, des sapeurs-pompiers, des policiers, des gendarmes, des bénévoles et, plus largement, de l'ensemble de nos forces de sécurité.

Qu'est-ce qui a vraiment été fait ces dernières années pour l'archipel ? Des promesses, nombreuses, et quelques actions, c'est vrai, mais bien trop insuffisantes, au regard de l'ampleur de la réalité. Même de nombreux services de base, comme l'accès à l'eau ou à l'électricité, font encore défaut en 2025.

Comment peut-on accepter que des centaines de milliers de nos compatriotes n'aient accès à l'eau qu'un jour sur deux ? Comment peut-on accepter que les enfants n'aillent pas à l'école toute la journée, car il n'y a pas assez de classes pour tous ?

À Mayotte, il faut donc des écoles, des offres de formation pour les jeunes, une nouvelle piste aéroportuaire, des centres de santé, des milliers de logements neufs, un nouvel hôpital et des moyens considérables, notamment maritimes, pour assurer le contrôle de l'immigration.

Nous sommes encore très loin de la réalisation de tous ces projets nécessaires, dont certains sont promis depuis plus de dix ans. La situation actuelle est très compliquée. Pourtant, nous parlons bien d'un département français depuis 2011 !

Il s'agit d'agir pour Mayotte non pas seulement au nom de la solidarité nationale, mais également au nom de la justice et de l'égalité en matière de développement, auxquelles les Mahorais ont droit, comme tous les autres Français. La distance géographique ne saurait nous éloigner de notre responsabilité envers un seul de nos territoires.

Le projet de loi de refondation de Mayotte, dont notre groupe avait salué la version adoptée au Sénat il y a quelques semaines – je salue, à ce titre, le travail réalisé par l'ensemble des commissions –, porte désormais la responsabilité de la réalisation de tous ces projets promis et attendus depuis longtemps.

En ce qui concerne les modifications apportées en commission mixte paritaire, nous regrettons que la déterritorialisation des titres de séjour en 2030 ait été retenue. Si nous comprenons évidemment la demande des Mahorais, nous pensons que cette décision est précipitée tant que l'État ne sera pas capable d'assurer la maîtrise de l'immigration sur le territoire.

Enfin, nous comprenons la déception de nos collègues mahorais à ne voir s'appliquer la Lodéom qu'à partir de 2027. Toutefois, il fallait aussi entendre que l'échéance de 2026 paraissait trop rapprochée pour être appliquée à certaines entreprises ; d'où l'importance d'accompagner l'ensemble du monde économique, notamment en ce qui concerne l'alignement du Smic.

Néanmoins, le texte contient le préalable indispensable aux avancées dont Mayotte a besoin : il fixe des objectifs. Il nous faudra être vigilants pour que les prochains projets de loi de finances portent les moyens de leur réalisation.

Malgré ces quelques réserves, le groupe Les Indépendants – République et Territoires sera solidaire et soutiendra ce projet de loi. (M. Olivier Bitz applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Micheline Jacques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bientôt sept mois après le passage de Chido sur Mayotte, nous parvenons au terme du processus législatif qui encadre la reconstruction avec les conclusions des commissions mixtes paritaires relatives au projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte et au projet de loi organique relatif au département-région de Mayotte. Ces textes permettront la mobilisation de 3,2 milliards d'euros, un montant à la hauteur des enjeux.

Mayotte se trouvait déjà dans une situation de grande fragilité du fait de la forte pression démographique, d'infrastructures essentielles insuffisantes, de l'immigration clandestine étouffante et de la départementalisation inachevée, que Chido est venu heurter de plein fouet.

À cet égard, si l'Insee estime la population de l'île à 321 000 habitants, les maires, sentinelles de la réalité du territoire, l'évaluent autour du double, soit quelque 600 000 personnes.

La situation sécuritaire, également alarmante, achève un tableau justifiant que la reconstruction s'accompagne d'une politique structurelle.

Plus largement, notre groupe considère que ce texte ne suffira pas à résoudre toutes les difficultés ni à conduire Mayotte sur la voie d'un développement durable. Nous nous félicitons néanmoins de l'accord trouvé en CMP, preuve de la volonté collective de donner au plus vite à l'action publique les moyens nécessaires.

Je ne reviendrai que sur quelques points saillants.

Le projet de loi de programmation entérine des avancées économiques et sociales telles que l'alignement du Smic à 87,5 % du niveau national, la mise en œuvre des mesures d'exonération de charges patronales issues de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer ou encore l'instauration de zones franches globales, qui accompagneront la relance tout en rattrapant certains retards. Je pense, en matière de logement, à la généralisation des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

La CMP a adopté conforme l'article 10, permettant au préfet de déroger à l'obligation de relogement, sur décision motivée, et ce jusqu'en 2034. Cet aménagement, que j'ai eu l'honneur de défendre au nom de la commission des affaires économiques, vise à sécuriser constitutionnellement le dispositif.

La lutte contre l'immigration est l'autre point nodal de l'avenir de Mayotte.

À cet égard, le groupe Les Républicains se félicite d'avoir renforcé les mesures de lutte contre l'immigration clandestine, contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, contre l'habitat illégal et contre le travail illégal. Il a également renforcé le contrôle des armes.

Le Sénat avait souhaité une évaluation des dispositifs dérogatoires en matière d'immigration et de nationalité applicables à Mayotte, avec la remise au Parlement d'un rapport dans un délai de trois ans. Cet état des lieux nous était apparu comme un préalable à la suppression du visa territorialisé.

Toutefois, l'Assemblée nationale ayant supprimé le caractère territorialisé des visas de manière transpartisane, cette mesure nous a semblé suffisamment consensuelle. De surcroît, elle fait écho à une demande forte de la population, chez qui l'immigration peut faire l'effet d'une trappe se refermant sur l'archipel.

C'est pourquoi, fidèles à l'esprit de recherche du consensus qui a animé notre groupe, nous avons considéré que les conditions étaient réunies pour accepter la « déterritorialisation » des visas en 2030.

De même, les sénateurs avaient prévu, à l'article 19, de doter l'État de moyens facilitant l'expropriation, en vue de la réalisation d'infrastructures publiques essentielles, resserrées aux réseaux publics d'eau et d'assainissement, aux transports, aux structures hospitalières et aux établissements pénitentiaires.

Or, depuis le texte d'urgence du début de l'année, cette mesure est mal accueillie localement. De fait, alors que l'expropriation doit s'accompagner d'une juste rémunération pour ne pas se transformer en spoliation, des expériences de mise à disposition de l'État de foncier, menées depuis plus de dix ans sans indemnisation, ont suscité de farouches oppositions.

Je veux, sur ce sujet, souligner l'intervention décisive de notre collègue Salama Ramia, qui a montré le rôle traditionnel des femmes mahoraises dans les questions foncières. Elle a ainsi emporté notre conviction que le dispositif de l'article 19 n'était, en l'état, pas adapté au contexte culturel, social et économique de Mayotte.

En outre, les besoins d'expropriation ont été évalués à 120 kilomètres carrés sur 370, alors que de nombreux défis pèsent encore sur le foncier.

Les sénateurs LR ont donc choisi d'entendre cette demande, car la reconstruction ne saurait se faire contre la population ; au contraire, cette dernière doit être placée au centre. Nous saisissons cette occasion pour le réaffirmer. Nous tenons cependant à exprimer nos réserves appuyées quant à la perte de temps incompressible que l'absence de procédure d'expropriation facilitée engendrera.

Disposant d'un recul suffisant, quatorze ans après la départementalisation, le Gouvernement accompagne le projet de loi de reconstruction d'un projet de loi organique visant à compléter le statut – aujourd'hui à mi-chemin entre département et collectivité territoriale unique – afin d'améliorer le cadre de l'action publique locale.

Pas plus qu'une loi de programmation, la question institutionnelle ne saurait, à elle seule, constituer une réponse. Cette occasion mérite toutefois d'être saisie pour apporter des améliorations bienvenues.

Nous avons ainsi obtenu le maintien du découpage de la circonscription en treize sections.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Micheline Jacques. Ce mode de scrutin nous semble en effet garantir une répartition équilibrée et la représentative de chacune des communes du territoire. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir.

Le groupe LR adoptera les conclusions de la CMP sur les deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Salama Ramia. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, après sept mois de travaux cumulés, utiles pour répondre aux besoins urgents de Mayotte, puis pour assurer sa refondation, je me réjouis que les travaux de cette commission mixte paritaire aient porté leurs fruits.

En préambule, permettez-moi de souligner les efforts inédits de ce gouvernement en faveur de Mayotte, par l'impulsion de M. le ministre des outre-mer, Manuel Valls.

Outre le volet financier et un engagement pluriannuel sans précédent, le changement dans la méthode de travail est suffisamment important et satisfaisant pour être souligné.

On entend, ici et là, des craintes quant à l'engagement financier réel de l'État, mais, pour reprendre les mots de M. le ministre, « c'est une obligation morale de s'y tenir » pour Mayotte. Nous nous en assurerons dans le cadre de l'examen du prochain projet de loi de finances.

Venons-en au fond de cette CMP, finalement conclusive.

Quatre points ont particulièrement mobilisé notre attention : le premier était une nécessité communément partagée par tous ; le deuxième était une exigence et un besoin exprimé par le monde économique ; le troisième était une revendication de la population locale ; le quatrième provenait des élus. Toutes nos attentes ont été entendues.

Sur le premier point, nous avons obtenu le maintien de la suppression du titre de séjour territorialisé dès 2030. Cette revendication de longue date a pu être arrachée afin de permettre à la cocotte-minute migratoire qu'est Mayotte de s'éteindre enfin. Nous nous en réjouissons et demandons à l'État de s'y tenir, en prenant toutes les dispositions utiles pour rendre cette mesure effective. Nous resterons également attentifs aux moyens matériels et humains promis aux Mahorais.

Le deuxième point crucial concerne l'application de la Lodéom à Mayotte, dernier département et région d'outre-mer (Drom) encore écarté de ce dispositif. Nous avons plaidé pour son entrée en vigueur dès le 1er janvier 2026, parallèlement à l'alignement du Smic, prévu à la même date. C'est un premier pas louable pour les salariés, qui verront leur pouvoir d'achat progresser.

Toutefois, lorsque nous avons défendu cet alignement, l'objectif était clair : compenser la hausse des charges patronales induite par la revalorisation du Smic avec l'aide immédiate de la Lodéom. Finalement, celle-ci n'entrera en vigueur à Mayotte qu'au 1er janvier 2027, ce qui laissera aux entreprises le soin d'absorber seules la hausse des cotisations en 2026, dans un contexte où elles n'ont pas de matelas financier suffisant.

Les TPE et PME de Mayotte, qui constituent l'essentiel de notre tissu économique, n'ont pas la trésorerie pour attendre 2027. Elles risquent de disparaître avant même de pouvoir bénéficier de cette zone franche, ce qui constituerait un non-sens social, économique et budgétaire.

Aussi, j'appelle le Gouvernement à revoir le calendrier afin que la Lodéom s'applique dès 2026, simultanément à l'alignement du Smic, pour éviter un choc économique pour nos TPE et nos PME, déjà essoufflées après la crise sociale et sécuritaire traversée par Mayotte.

En troisième lieu, la suppression du régime d'expropriation simplifié participe au maintien d'un climat social apaisé à Mayotte. L'attention du Gouvernement est toutefois appelée sur la nécessité d'utiliser la faculté d'exproprier par le droit commun avec parcimonie, afin d'éviter une nouvelle crise sociale. À Mayotte, la terre est plus qu'un héritage et la transmission de père en fils est porteuse de sens.

Le quatrième et dernier point concerne le découpage de la circonscription électorale de Mayotte en treize sections.

Mes chers collègues, ces mesures d'équilibre répondent globalement aux attentes de tout un chacun. En tant que sénatrice mahoraise, je tiens à saluer l'investissement de mes collègues sénateurs et sénatrices issus de l'ensemble des groupes qui composent notre Haute Assemblée. Vous avez su être à l'écoute et vous unir pour servir une cause : l'intérêt des Mahorais. Je veux vous en remercier.

Parce que ce texte est indispensable au renouveau de Mayotte, le groupe RDPI lui apportera naturellement son soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, Mayotte traverse une crise sans précédent. Aux défis structurels de pauvreté, de sous-développement et d'accès aux services publics s'est ajoutée, avec le passage des cyclones, une catastrophe naturelle d'une ampleur dramatique.

Mayotte est le département le plus pauvre de France, avec un PIB trois fois inférieur à la moyenne nationale. À ce jour, 77 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté et la moitié de ses jeunes est sans emploi, sans diplôme, sans perspectives.

L'accès à l'eau potable, aux soins, à l'école, aux services essentiels demeure un combat quotidien pour des dizaines de milliers de nos concitoyens. Mayotte est française, mais elle reste encore trop souvent à distance de la promesse républicaine.

Dans ce contexte, le projet de loi de refondation présenté par le Gouvernement constitue une étape nécessaire.

Il engage des moyens importants, définit une trajectoire budgétaire de près de 4 milliards d'euros et annonce la transformation institutionnelle de l'île en département-région. Nous saluons ces avancées.

Nous saluons également les mesures relatives à la convergence sociale. Je pense en particulier à l'alignement progressif du Smic, qui constitue un engagement indispensable pour rétablir une forme d'égalité entre les citoyens de Mayotte et ceux de l'Hexagone.

Mais à ce volet de développement s'ajoute un pan du texte auquel la majorité du groupe RDSE ne peut adhérer. De fait, ce projet de loi ne se limite pas à organiser la reconstruction, il durcit aussi sensiblement le droit des étrangers à Mayotte, au risque de porter atteinte à l'égalité des droits et à l'unité de notre droit.

Ce texte maintient la possibilité de placer en rétention des familles avec enfants, une pratique profondément incompatible avec le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Nous y sommes opposés.

De la même façon, nous ne pouvons souscrire à l'article 8, qui autorise le retrait d'un titre de séjour à un parent en raison du seul comportement de son enfant.

Le texte conserve des mesures de restriction bancaire sur les transferts de fonds, qui risquent elles aussi de pénaliser les populations les plus précaires, sans apporter de réponse efficace au financement des filières clandestines.

Enfin, le projet de loi prévoit d'exclure l'aide médicale de l'État (AME) des prestations sociales pouvant être étendues à Mayotte.

Ces mesures, loin de tarir les flux, risquent d'accroître la précarité et l'illégalité. Elles organisent une forme de double droit, contraire à notre idéal républicain. Nous ne croyons pas que l'empilement de dérogations et de dispositifs coercitifs puisse régler les causes profondes des déséquilibres migratoires dans la région.

Le groupe du RDSE ne nie pas les tensions migratoires qui affectent Mayotte. Il ne sous-estime ni l'ampleur des défis ni l'exaspération d'une partie de la population, mais nous refusons de croire que la multiplication des mesures d'exception constitue une réponse à la hauteur de l'enjeu.

Nous refusons que Mayotte devienne un laboratoire juridique à part, où des pratiques que nous refusons en métropole deviendraient acceptables, au nom de l'éloignement géographique.

Nous le savons, la régulation des flux migratoires exige une stratégie globale : un renforcement de la coopération régionale ; une relance de l'aide publique au développement vers les Comores et les pays de la région ; un soutien aux politiques éducatives, sanitaires et agricoles locales. Or, sur ces sujets essentiels, le texte reste silencieux ou trop timide.

Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe du RDSE s'abstiendra sur ce projet de loi.

Nous saluons bien évidemment les avancées obtenues, notamment sur le foncier et le soutien au développement économique et partageons l'objectif de refondation que défend ce texte. Toutefois, nous déplorons la persistance d'un droit d'exception en matière migratoire, contraire à nos principes républicains les plus fondamentaux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes GEST et SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Olivier Bitz. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire réunie sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte et sur le projet de loi organique qui l'accompagne est parvenue à un accord. La qualité du travail mené avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale, que je salue, a permis l'émergence d'un compromis à la hauteur des enjeux et des liens qui unissent Mayotte à la République.

Le texte issu de la CMP s'écarte sur plusieurs points de celui qu'avait adopté le Sénat. Comme tout compromis, il a comporté une part de concessions, et la population mahoraise a été entendue.

Plusieurs points importants ont été actés par la CMP.

Je pense, en premier lieu, à la suppression de l'article 19 relatif à la prise de possession anticipée. Victime d'un malentendu quant à sa portée réelle, cet article a cristallisé les angoisses et les tensions. Considérant que l'on ne pourra pas redresser Mayotte contre les Mahorais, la CMP en a pris acte et s'est accordée sur sa suppression.

Je veux remercier ici tout particulièrement Salama Ramia, qui a fait preuve, sur le sujet, de beaucoup de force de conviction et d'énergie.

Nous en resterons donc à la procédure d'expropriation de droit commun – et aux délais qui vont avec… Nous avons, à cet égard, tenu à rappeler que la mesure de l'atteinte des objectifs fixés en la matière devra tenir compte de l'allongement des délais qui résultera de la mise en œuvre du régime de droit commun.

En deuxième lieu, la suppression du titre de séjour territorialisé, à compter du 1er janvier 2030, constitue une autre concession majeure consentie par le Sénat.

Si celui-ci a accepté cette mesure, c'est pour qu'elle serve d'aiguillon à l'action du Gouvernement : on peut espérer que la perspective de la suppression du titre territorialisé le conduise à obtenir des résultats rapides en matière de lutte contre l'immigration irrégulière.

Cette suppression n'est toutefois pas gravée dans le marbre : il nous appartiendra, d'ici à 2030, notamment dans le cadre du bilan à mi-parcours prévu par le Sénat à l'article 2 bis, de prendre la mesure de l'évolution de la situation migratoire à Mayotte et de sa compatibilité avec la suppression du titre de séjour territorialisé.

En dernier lieu, des avancées importantes ont été décidées sur la convergence économique et sociale. Le Sénat a accepté une augmentation du Smic net à 87,5 % du montant de celui en vigueur en métropole dès 2026, ainsi que la mise en place, à compter du 1er janvier 2027, du dispositif d'allégement de cotisations patronales dit Lodéom.

Notre Haute Assemblée a, parallèlement, pu faire valoir de nombreux apports.

Ainsi, l'article 1er bis consacre l'autorité du préfet de Mayotte, pour la durée de la programmation, sur l'ensemble des services de l'État intervenant dans l'archipel, afin de favoriser la coordination et l'efficacité de l'action de l'administration.

La CMP a également conservé la rédaction du Sénat en ce qui concerne le mode de scrutin pour l'élection des membres de la nouvelle assemblée de Mayotte. Elle a fait droit aux arguments que nous avons avancés en faveur d'un découpage de la circonscription électorale en treize sections, au lieu de cinq, ce qui devrait permettre de mieux conjuguer les objectifs de représentation du territoire et de stabilité de l'assemblée.

Pour ce qui concerne la lutte contre l'immigration irrégulière, qui constitue le principal facteur de déstabilisation de l'archipel, les apports du Sénat ont été intégralement conservés. Je pense notamment aux dispositions renforçant les conditions de délivrance des titres de séjour pour motif familial ou améliorant le cadre juridique de la rétention des familles accompagnées de mineurs.

Enfin, les articles 19 bis et 19 ter, qui permettront d'accélérer les procédures nécessaires à la construction de l'aéroport comprenant la piste longue tant attendue à Mayotte, ont été rétablis sur notre initiative et figurent bien dans le texte adopté par la CMP.

Mes chers collègues, au-delà des divergences que nous pouvons avoir sur certaines dispositions, je constate avec satisfaction le consensus qui règne parmi nous pour réaffirmer l'ambition de la République pour Mayotte.

Cette réponse d'ampleur se traduit par un programme d'investissements de la part de l'État d'un montant supérieur à 4 milliards d'euros sur la période 2026-2031.

Le projet de loi confère également à l'État et aux collectivités territoriales les moyens juridiques d'agir en faveur du développement de Mayotte. Il leur revient désormais de s'en saisir.

Quant à nous, législateurs, il nous appartiendra de veiller à la bonne application de cette loi et de la programmation qu'elle fixe. Éclairé par le comité de suivi créé sur son initiative, le Sénat portera une attention toute particulière au respect par le Gouvernement des engagements ambitieux qui sont inscrits dans le texte.

Au bénéfice de ces observations, le groupe Union Centriste votera ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mmes Véronique Puissat et Agnès Canayer, ainsi que M. Marc Laménie, applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, les attentes et les besoins sont immenses à Mayotte. Ils sont le résultat d'un abandon de l'État depuis des décennies.

En mai dernier, quand nous discutions de ce projet de loi pour la refondation de Mayotte, j'exprimais ma vive préoccupation face à plusieurs des dispositions proposées. Alors que les Mahorais ne demandent que l'intégration, le respect et l'égalité, certaines mesures du texte maintiennent encore Mayotte à distance du droit commun.