M. Max Brisson. Ça ne fonctionne pas !

Mme Monique de Marco. Si vous pouvez me le démontrer, j’en serai ravie !

M. Max Brisson. C’est la situation actuelle !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cédric Vial, rapporteur. Je vais tenter de répondre à Mme de Marco.

Imaginons deux points de vue opposés, deux entités qui ne sont pas d’accord. À droite de l’hémicycle, France Télévisions ; à gauche, Radio France. Entre les deux, un sujet sur lequel subsiste un désaccord. Que faisons-nous ? Nous débattons, nous confrontons les arguments, et, à la fin, une majorité tranche. Ce sera peut-être samedi, ce sera peut-être dimanche, mais il y aura un vote et une décision.

Imaginons à présent la même configuration, mais cette fois sans aucun mécanisme de décision ni processus de vote. Que se passe-t-il alors ? Rien. Le désaccord demeure, et il n’y a ni arbitrage ni avancée possible. C’est cela, la deuxième option : deux positions opposées, mais aucune capacité de décider, donc aucune possibilité d’agir.

Mme Sylvie Robert. C’est ça la pluralité !

Mme Mélanie Vogel. Et c’est très bien !

M. Cédric Vial, rapporteur. Troisième solution : on met en place un processus dans lequel une stratégie est décidée par une personne qui, bien évidemment, s’appuie sur un conseil d’administration et organise des concertations, comme peut le faire un élu local. En tant qu’élus locaux, nous consultons tout le monde ! Ce n’est pas parce qu’un élu local décide qu’il décide seul. Nous tenons compte des avis de chacun, puis nous prenons une décision. Et, quand la décision est prise, nous avançons.

Avancer, c’est ce que nous proposons aujourd’hui de faire, au travers de la holding. Vous, ce que vous demandez, c’est le statu quo. Or le statu quo ne permet pas d’avancer. Tous les rapports – celui de l’inspection générale des finances (IGF), celui de Mme Bloch, etc. – le disent depuis des années : ce que l’on appelle les coopérations « par le bas », c’est-à-dire les coopérations volontaires, par lesquelles on invite les acteurs à collaborer spontanément, ne fonctionnent pas. C’est pour cette raison que nous voulons avancer, et la holding permettra de prendre des décisions.

Nous l’avons dit : voilà dix ans que l’on essaie de faire avancer les choses et cela ne fonctionne pas. Cet article du texte permet justement que des décisions soient prises et qu’une stratégie claire soit discutée puis définie.

Notre rôle de parlementaire est de fixer un cadre, non de prendre les décisions nécessaires à la place des dirigeants ; c’est tout le sens de l’indépendance que nous voulons leur donner.

C’est ce que permet cet article 1er, raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. C’est reparti…

M. Roger Karoutchi. Il y en aura bien une dizaine…

Mme Colombe Brossel. Il peut y en avoir plus ; ne nous tentez pas, monsieur Karoutchi…

Finalement, la question posée est de savoir qui défend quoi.

Monsieur le rapporteur, vous venez de défendre – avec conviction, d’ailleurs – un projet qui n’est pas celui de la proposition de loi du président Lafon (M. Claude Kern sexclame.), et, sans vouloir vous offenser, monsieur le président de la commission, le texte que nous allons examiner n’est plus non plus la proposition de loi que vous aviez déposée, à laquelle nous étions d’ailleurs déjà opposés ; notre cohérence, à cet égard, est intacte.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. L’article 1er est exactement le même !

Mme Colombe Brossel. L’analogie avec nos exécutifs locaux est intéressante, car, en fin de compte, le maire ne décide pas seul : il y a, à ses côtés, un exécutif et c’est le conseil municipal, majorité et opposition, qui vote.

M. Cédric Vial, rapporteur. C’est pareil ici !

Mme Colombe Brossel. Ce que nous dénonçons, c’est précisément le fait que, aujourd’hui, alors que l’on ne sait plus de quel texte on parle,…

Mme Rachida Dati, ministre. Il y a eu un vote du Sénat !

Mme Colombe Brossel. … vous proposiez de concentrer toutes les décisions entre les mains d’une seule personne pour faire bouger les choses, sans parler même de la question du pluralisme. Nous dénonçons cette concentration, parce qu’elle est antinomique avec la démocratie et avec le fait que le service public de l’audiovisuel est la propriété de tous les Français et qu’il doit, à ce titre, les servir dans leur ensemble.

C’est pour cette raison que nous sommes profondément opposés à des regroupements et encore plus à cette holding exécutive, qui bénéficierait d’une concentration des pouvoirs et de la prise de décision qui serait un facteur de fragilisation du service public de l’audiovisuel.

Nous sommes totalement opposés à cette concentration des pouvoirs.

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

M. Yan Chantrel. Je soutiens ces amendements de suppression de l’article qui crée la holding France Médias, qui est un peu le cœur du réacteur de la bombe à retardement que représente cette proposition de loi.

Monsieur le rapporteur, comme l’a bien dit ma collègue Colombe Brossel, vous avez clairement illustré, par vos propos, ce que vous souhaitiez, à savoir l’uniformisation de l’information et non la diversité des points de vue.

D’ailleurs, tout le monde s’accorde à dire que le rapprochement est une mauvaise idée, car faire de la radio et faire de la télévision, ce n’est pas le même métier ! Je suis désolé de vous le dire, mais ne pas le comprendre, c’est manifester une forme d’indifférence et de mépris à l’égard de tous ceux dont le travail quotidien – et l’expertise – est de nous informer, de nous divertir, de nous cultiver.

À Radio France, on fait de la production intégrée, avec une qualité reconnue par tous ; j’en veux pour preuve le succès de ses programmes en podcasts. Au contraire, à France Télévisions, on n’a quasiment recours qu’à de la production externalisée – qu’on le regrette ou non –, qui est un modèle différent de celui de Radio France. Quant à l’INA, il n’assume pas de mission de diffusion : son cœur de métier est la gestion de patrimoine, la conservation et la formation ; encore une fois, ce n’est pas la même chose. Enfin, France Médias Monde – parlons-en pour que le débat soit parfaitement éclairé – vise un public et des objectifs complètement différents des autres médias.

Ainsi, s’il y a quatre entreprises actuellement, c’est bien parce qu’il y a quatre métiers différents ! Les regrouper n’a pas de sens ; au contraire, cela les affaiblirait toutes les quatre.

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.

Mme Mélanie Vogel. L’intervention de M. le rapporteur est, au fond, un aveu assez éloquent sur les conséquences de la création de la holding.

Monsieur le rapporteur, vous avez dit qu’il serait terrible que France Télévisions et Radio France aient des avis différents sur la manière de gérer une situation, qu’elles expriment deux points de vue différents. C’est là toute la différence entre nous dans ce débat ! Pour notre part, nous voulons que Radio France et France Télévisions puissent avoir des analyses différentes, prendre des décisions différentes ; cela s’appelle le pluralisme !

En réalité, vous venez de nous expliquer que la réforme vise à un affaiblissement du pluralisme dans l’audiovisuel public, puisque la pire chose qui pourrait arriver, selon vous, serait que deux entités ne soient pas d’accord entre elles et que ce désaccord aboutisse à deux traitements différents de l’information. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Ce n’est pas le sujet !

Mme Mélanie Vogel. Le pluralisme, c’est exactement ce que nous cherchons à protéger en préservant la différence organisationnelle de ces entités !

En mettant des entités différentes dans une même holding, qui plus est exécutive, vous conduirez à une uniformisation progressive. Ce n’est pas ce que nous voulons. Oui, nous pouvons supporter que Radio France et France Télévisions aient des avis différents. Cela ne nous fait pas peur. C’est ce qui se passe depuis très longtemps.

Ce modèle reste globalement relativement salué, et nous ne voyons aucun intérêt à détruire.

Mme Rachida Dati, ministre. Par qui est-il salué ?

M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour explication de vote.

Mme Karine Daniel. J’apprécie l’utilisation du terme « holding » : en général, quand on utilise un vocable anglo-saxon, on a l’impression d’être plus efficace…

En français, une holding se traduit par « compagnie financière » ou « société de portefeuille ». Or je ne vois pour ma part rien de très éclairant, dans cette proposition de loi, sur les enjeux budgétaires et financiers de cette « compagnie financière », de cette « société de portefeuille » !

En réalité, nos débats ne sont pas complètement hors sol, déconnectés de tout contexte budgétaire : après notre pause estivale, bien méritée, nous aurons une discussion âpre sur le budget de notre nation. Or y a-t-il, dans cette proposition de loi, le moindre élément, le moindre éclairage, sur ce que seront les liens financiers entre la structure mère et les sociétés filiales au sein de cette compagnie financière, de cette société de portefeuille ?

C’est un peu embêtant, car, nous le savons très bien, au-delà de la gouvernance, la priorité accordée à telle ou telle filiale, à tel ou tel enjeu, sera bien évidemment décidée par le prisme budgétaire. C’est parce que nous n’avons aucun éclairage sur les enjeux financiers de cette réforme et de la création de cette holding que nous nous opposons à cet examen précipité, à la hussarde, du présent texte. Dans le contexte budgétaire qui nous attend, c’est un véritable enjeu, mes chers collègues.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je ferai une remarque de forme.

Nous débattons de l’article 1er, l’article central de cette proposition de loi puisqu’il porte sur la « société tête » – je préfère au mot « holding » cette expression utilisée par notre rapporteur, d’autant qu’elle me rappelle le « fromage de tête », que j’affectionne (Sourires.) –, et, alors que trois amendements de suppression de cet article ont été présentés, vous n’avez prononcé, madame la ministre, que deux mots : « Avis défavorable ».

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas rien !

M. Pierre Ouzoulias. Je me demande si vous défendez encore cette proposition de loi ! Et, si vous ne la défendez pas, pourquoi l’avoir inscrite à l’ordre du jour des deux derniers jours de la session extraordinaire ? Il y a là un mystère. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Rachida Dati, ministre. C’était pour être avec vous !

M. Pierre Ouzoulias. Vous vous dites profondément engagée derrière la proposition de loi, mais nous vous sentons en retrait par rapport à ce texte ; vous avez d’ailleurs parlé de la proposition de loi « dite Lafon ».

Mme Rachida Dati, ministre. C’est parce que j’ai du respect pour M. Lafon !

M. Pierre Ouzoulias. Pourquoi ne la défendez-vous pas ? Pourquoi ne nous répondez-vous pas ? Il y a là quelque chose que je ne comprends pas.

M. Yan Chantrel. Parce qu’elle n’a pas d’argument !

M. Pierre Ouzoulias. Depuis le début, je sens qu’il y a quelque chose de flou, et vous connaissez la fameuse expression : quand c’est flou…

Je veux répondre à M. Brisson et à M. le rapporteur sur la question de la mutualisation. Vous nous dites, messieurs, que la mutualisation par le bas n’a pas fonctionné. Je suis d’accord avec vous : elle est déjà allée trop loin ! (On sesclaffe sur les travées du groupe Les Républicains.) En effet, quand j’écoute les radios du service public, il m’est insupportable d’entendre le même reportage sur France Info et sur France Culture. Or nous en sommes là aujourd’hui ! On sent que l’identité même des différentes composantes de Radio France est en train de s’amenuiser.

Mme Sylvie Robert. Oui, les spécificités sont gommées !

Mme Rachida Dati, ministre. C’est vrai pour une petite catégorie !

M. Pierre Ouzoulias. Je souhaite vivement que nous réaffirmions la spécificité des différentes branches de Radio France. On doit sentir la différence lorsqu’on les écoute !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Tout l’intérêt du débat est de prendre le temps de discuter. Lorsque j’entends M. le rapporteur s’exprimer sur ces amendements de suppression de l’article 1er, qui crée la « société de tête » – je préfère moi aussi ce terme à celui de « holding » –, je m’interroge.

En effet, sa description de ce que serait cette société de tête, de ce qu’elle devrait faire, son souhait de tout mettre dans un même paquet et, surtout, de confier la direction centrale et la prise de décision à un seul homme ou à une seule femme, comme il l’a dit lui-même, pose problème, car c’est exactement l’inverse de notre vision du service public, de la pluralité que nous souhaitons.

Pierre Ouzoulias vient de le dire, il s’agit d’aller dans le sens de l’uniformisation qui est déjà en marche dans le système actuel.

M. Guillaume Gontard. On veut niveler, avoir la même information partout. Les propos de M. le rapporteur m’inquiètent donc.

En réalité, je suis doublement inquiet, car, si Mme la ministre ne s’est pas encore beaucoup exprimée pour défendre sa réforme aujourd’hui,…

Mme Rachida Dati, ministre. Il faudrait savoir !

M. Guillaume Gontard. … les seuls mots qu’elle a pu prononcer ne m’ont pas rassuré : ils ont été pour regretter que le service public n’ait invité personne pour s’exprimer en faveur de sa réforme ! (Mme la ministre sexclame.) Il est vrai que, pour votre part, vous avez choisi Le Journal du dimanche pour vous exprimer (Mme Marie-Pierre de La Gontrie sesclaffe.), mais, en ce qui me concerne, j’ai l’impression que le service public a bien traité cette réforme.

Dès lors, madame la ministre, que critiquez-vous dans le système actuel ? Pourquoi voulez-vous cette holding ? Est-ce justement pour pouvoir décider qui l’on doit inviter, pour décider de la pluralité ? Vous voyez bien tout le danger d’une holding dirigée par une seule personne quand nous aurons des gouvernements moins républicains.

M. Max Brisson. Avec Mélenchon, par exemple ?

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. L’article 1er, article essentiel du texte, est le même que celui que nous avions examiné en 2023.

Or, à l’époque, les débats avaient été très différents. Certes, l’opposition entre nous était évidente, chers collègues, puisque vous ne vouliez pas d’un outil de synergie, de mutualisation, de réorganisation. Mais la tonalité de nos discussions était très différente : Laurent Lafon n’avait pas été traité de « liberticide » ! Il n’y avait pas eu de comparaison avec Trump et Orban ! Le débat avait été apaisé.

Que s’est-il passé depuis lors (Mme Marie-Pierre de La Gontrie désigne Mme la ministre dun geste de la main.), sinon peut-être la volonté de transposer ici les mauvaises habitudes prises à l’Assemblée nationale ? (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Vous semblez vouloir que le débat soit de même nature ici que là-bas.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ne nous tentez pas !

Mme Colombe Brossel. À l’Assemblée nationale, il n’y a pas eu du tout de débat !

M. Max Brisson. Quand nous soutenons un texte face à de l’obstruction, comme nous l’avons fait en 2023, nous avons plutôt tendance à nous taire, mais, face à une imagination aussi débordante, qui fait de cette holding ce qu’elle n’est pas – un outil liberticide et caporaliste –, nous sommes tentés de prendre la parole pour vous modérer !

Nous ne sommes pas d’accord sur le fond ; Pierre Ouzoulias l’a parfaitement démontré et nous l’avions nous-mêmes dit en 2023. Cela étant posé, nous pourrions tout de même avoir un débat un peu plus apaisé. Pierre Ouzoulias nous a expliqué que vous ne souscriviez pas à la création de cet outil, qui vise, sans leur faire perdre leur identité, à permettre aux sociétés de davantage travailler ensemble. Vous n’en voulez pas ; nous en voulons. Le constat est clair.

Tenons-nous-en au fond : tout le reste n’est qu’imagination débordante destinée à faire de l’obstruction.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Absolument !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Que la ministre s’explique !

Mme Rachida Dati, ministre. Est-ce un ordre ?

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Monsieur Brisson, je ne réagirai pas à tous les propos de nature anecdotique que vous avez tenus et qui, du reste, ne correspondent pas à la réalité.

Toutefois, je souhaite répondre à l’une de vos remarques : en effet, nous ne voulons pas d’un audiovisuel bâillonné, uniformisé, verticalisé, y compris, pour être clair, parce qu’il pourrait être aux mains de M. Mélenchon. (Sourires sur des travées du groupe SER.) Nous n’en voulons pas !

Cependant, l’adoption de l’article 1er de cette proposition de loi et la création de cette holding, telle que l’a très bien décrite Sylvie Robert, pourraient justement amener n’importe quel pouvoir, qu’il soit d’extrême droite, de gauche, écologiste ou autre, à uniformiser, diriger et bâillonner l’audiovisuel !

M. le rapporteur nous a expliqué en quoi le pluralisme le gênait et a indiqué qu’il préférait un chef capable de guider les troupes là où il le souhaite. Cette vision n’est pas la nôtre ; nous ne voulons pas d’un tel chef pour l’audiovisuel public.

Je ferai d’ailleurs remarquer que, dans la presse quotidienne régionale (PQR) – je songe, par exemple, dans ma région, à La Provence –, les lignes éditoriales défendues par les uns et par les autres ne sont pas les mêmes ! Les titres peuvent s’exprimer différemment. Le directeur de la publication n’a pas la possibilité de tout gérer et de tout diriger.

La preuve, lorsque l’on a voulu démettre de ses fonctions le directeur de la publication de ce journal, qui avait donné la parole, à propos de la loi sur le narcotrafic, au procureur général et au président du tribunal judiciaire de Marseille, ce qui n’allait pas dans le sens de ce que souhaitait le groupe propriétaire de cette publication, cela n’a heureusement pas été possible : le combat a été difficile, mais il a pu être gagné, grâce aux journalistes, à leur diversité, à la liberté d’opinion.

Nous ne voulons pas d’un audiovisuel bâillonné par l’État, quel qu’en soit le chef. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.

M. Yannick Jadot. Nous parlons toujours des études d’impact lorsque l’on examine une proposition de loi.

En l’occurrence, nous n’avons aucune évaluation du rapprochement entre France Bleu et France 3.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Si ! Nous l’avons !

M. Yannick Jadot. Ceux qui, comme vous, se rendent dans les territoires ont pu constater que, partout, la suppression du 19/20 a été un traumatisme.

M. Yannick Jadot. Le 19/20, c’était l’information à côté de chez soi ; rien à voir avec les chaînes d’information en continu ! Sa suppression a été le premier coup porté à une information en lien avec chacun, quelle que soit son origine sociale ou géographique. Il y a ensuite eu le rapprochement.

Malgré ce que vous sous-entendez, nous constatons que France Inter se porte très bien ; Radio France n’a jamais autant écrasé la concurrence !

M. Yannick Jadot. Les audiences sont dynamiques ; cela fonctionne bien.

En revanche, les audiences d’ICI sont catastrophiques : elles sont en train de plonger, alors même que tout le monde se plaint de la perte d’identité de France 3 et de France Bleu, de la perte de qualité de l’information locale. Je pense que nous pouvons nous retrouver autour de ce constat.

Il aurait tout de même été extrêmement intéressant, dans le cadre de ce débat, que nous disposions du bilan de ce rapprochement, pour l’instant raté, entre France Bleu et France 3, qui va à l’encontre de l’affiliation démocratique dans nos territoires. (Applaudissements sur des travées des groupes GEST et SER.)

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour explication de vote.

M. Pierre-Antoine Levi. Voilà maintenant cinq heures et demie que nous discutons de ce texte.

Mme Sylvie Robert. C’est bien !

M. Pierre-Antoine Levi. Déjà ! Le temps passe vite.

Je ferai un bref rappel historique : il y a deux ans, les 13 et 14 juin 2023, 103 amendements avaient été déposés sur ce texte, dont seulement 4 sur l’article 1er. Et, à l’époque, nous avions, avec David Assouline, un orateur redoutable… Pourtant, nous avions eu des débats d’une autre nature, apaisés. L’article 1er avait pu être discuté.

Il n’y a pas eu de changement sur les articles 1er et 2 ; comme l’a dit le président Lafon, les rédactions sont les mêmes, au mot près. De fait, le rapporteur n’a pas déposé d’amendement avant l’article 3 du texte. Autrement dit, les deux premiers articles de cette loi sont totalement identiques à ceux qui ont été votés en juin 2023. Vous pouvez, chers collègues, vous amuser à les comparer : il n’y a absolument aucune modification.

Par ailleurs, on ne peut pas laisser dire que le texte nous soit revenu de l’Assemblée nationale parce que personne ne voulait qu’il soit voté ! Je rappelle que 1 300 amendements ont été déposés à des fins d’obstruction. Le texte a été rejeté à la suite du vote d’une motion du groupe écologiste, afin qu’il revienne au Sénat, où nous devions en débattre sereinement.

Or nous n’avons examiné qu’un seul amendement en exactement cinq heures et demie ! Alors que nous allons suspendre nos travaux dans quelques minutes, il nous restera 332 amendements à examiner à la reprise du soir, ou 329 si nous parvenons à statuer sur les amendements en cours de discussion, ce que j’espère.

Je veux dire que nous sommes tous ici respectueux de l’audiovisuel public. Max Brisson l’a dit, ainsi que tous ceux qui se sont exprimés. Il y a deux ans, nous avons pu débattre du texte, mais aujourd’hui, cela ne paraît pas possible. Pourquoi ne pouvons-nous pas discuter paisiblement aujourd’hui ? (Parce que les choses ont changé ! sur les travées des groupes SER et GEST.)

Vous multipliez les prises de parole sur chaque amendement, mais cette obstruction n’est pas utile, car, en définitive, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.

M. Christian Redon-Sarrazy. J’espère que je pourrai parler dans une ambiance apaisée !

Je veux revenir sur le volet financier, qui a été évoqué par mes collègues Sylvie Robert et Karine Daniel.

Je suis circonspect sur l’affectation, par France Médias, des recettes et des moyens qui lui seront alloués aux sociétés qu’elle aura sous sa coupe. Une telle centralisation n’a jamais été très bonne.

Pour ma part, je n’ai jamais connu de remontée de budget à un niveau n+1 qui ne se traduise pas par un affaiblissement des moyens et des budgets précédemment alloués aux différentes structures !

J’ai dirigé une structure universitaire qui a eu la chance, à une époque, de bénéficier de budgets fléchés au sein de l’université. Le jour où ces budgets ont été « défléchés », la baisse de ses moyens a été systématique.

Mme Sylvie Robert. Il en va toujours ainsi !

M. Christian Redon-Sarrazy. Nous pouvons donc légitimement être inquiets quant aux moyens qui seront à la disposition des radios et des télévisions pour assurer une mission de service public de proximité auprès des territoires.

Mme Rachida Dati, ministre. La holding n’y change rien !

M. Christian Redon-Sarrazy. Aujourd’hui, les inquiétudes des élus sont réelles. Une pétition circule. Dans mon département, les élus qui l’ont signée ne sont pas tous de gauche ! Comme cela a été dit, des élus de tous bords politiques s’inquiètent de ce qui se passe, du rapprochement actuel entre France 3 et France Bleu. Ils ne s’y retrouvent plus.

Peut-être écoute-t-on davantage de musique que d’informations durant la période estivale, mais, à la rentrée, nous aurons une véritable prise de conscience de ce que nous sommes en train de perdre !

M. le président. La parole est à M. David Ros, pour explication de vote.

M. David Ros. Tout d’abord, cher collègue, je vous rappelle que le débat a duré non pas cinq heures et demie, mais quatre heures et demie, puisque, comme vous le savez, il y a eu une heure de suspension dans les débats… (Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Pierre-Antoine Levi. Tout de même !

M. David Ros. Au reste, comme ne l’aurait pas renié Jean Jaurès, « de la discussion jaillit la lumière » !

Je remercie Max Brisson et M. le rapporteur : si l’article est le même, la vraie question n’est pas tant l’objet que l’usage que l’on en fait. (M. le président de la commission sexclame.) De fait, les débats révèlent les intentions et les arrière-pensées, totalement assumées par ceux qui prennent la parole et qui permettent de mieux éclairer le risque lié à la création de cette holding.

Un premier aspect a été évoqué par mon collègue Christian Redon-Sarrazy : l’impact sur les territoires. Je vous invite tous, chers collègues, à regarder les incidences de la création d’une holding sur l’emploi, sur l’activité et sur l’information dans vos propres territoires de province.

Je rappelle que, en toile de fond, la presse, y compris privée, réduit énormément ses effectifs et taille dans l’information locale.

Le travail remarquable accompli depuis plusieurs années au Sénat mérite d’être réactualisé à l’aune des enjeux et de la réalité sur nos territoires de France. Nous aurions eu besoin d’un temps suffisant pour réexaminer sereinement cet article et essayer de l’améliorer, mais nous n’en avons pas disposé, car l’examen du texte à marche forcée nous a été imposé par le Gouvernement.

Le Rassemblement national, qui y est favorable, a voté la motion de rejet à l’Assemblée nationale pour que la discussion se poursuive au Sénat. Par conséquent, ce qui a changé, cher Pierre-Antoine Levi, c’est le cadre dans lequel nous examinons cette proposition de loi : elle ne bénéficie pas de la sérénité qu’elle mériterait.