Mme Colombe Brossel. Cela ne marche pas du tout !

Mme Laurence Rossignol. Cela ne marchera jamais !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21, 68 et 222.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.

L’amendement n° 15 rectifié est présenté par M. Karoutchi, Mmes Belrhiti et Di Folco, MM. Milon, Daubresse, Le Rudulier et Panunzi, Mmes Micouleau et Berthet, MM. H. Leroy, Burgoa et Paul, Mmes V. Boyer, Morin-Desailly, Eustache-Brinio, Muller-Bronn, Dumont, M. Mercier et Lassarade, M. Bonnus, Mme Ventalon, MM. Belin et Bouchet et Mme Imbert.

L’amendement n° 20 est présenté par M. Bacchi, Mmes Cukierman et Corbière Naminzo, M. Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 69 est présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 210 rectifié bis est présenté par Mme Briante Guillemont, M. Fialaire, Mmes M. Carrère et Jouve et MM. Laouedj, Gold et Daubet.

L’amendement n° 212 est présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 255 est présenté par le Gouvernement.

Ces six amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3, première phrase

Supprimer les mots :

, France Médias Monde

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié. (M. David Ros sexclame et applaudit.)

M. Roger Karoutchi. Mes chers collègues, ayons un moment de sérénité dans cet hémicycle.

Autant je partage l’ambition de la proposition de loi en ce qui concerne l’ensemble des chaînes de radio et de télévision, autant l’audiovisuel public extérieur représente à mes yeux un cas à part.

Chaque année, je défends péniblement l’augmentation des crédits de France Médias Monde, qui n’est pas seulement la voix de la France, mais qui est aussi l’image de nos valeurs. Ce média défend ces valeurs dans le monde, ce qui est de plus en plus difficile en raison de la compétition de chaînes largement financées par des pays autoritaires.

M. Roger Karoutchi. En outre, de nombreux bureaux de France Médias Monde ont des relations conflictuelles avec les autorités des pays où ils sont installés.

L’audiovisuel public extérieur est donc, au sein de l’audiovisuel, un monde très à part. Ce n’est pas une question d’audiences, en métropole ou à l’extérieur ; il s’agit de savoir si France Médias Monde a les moyens d’exister, de parler aux Français établis à l’étranger, mais également à tous les francophones qui souhaitent connaître la vision « française » du monde, sans toutefois dépendre de la Nation. L’audiovisuel public extérieur a besoin d’un statut à part.

Pour cette raison, nous ne pouvons pas, dans l’immédiat, l’intégrer à la holding. Attendons de voir comment celle-ci se met en place et de savoir quels moyens supplémentaires peuvent être accordés à l’audiovisuel public extérieur, mais, dans l’immédiat, préservons son indépendance et sa force.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 20.

M. Pierre Ouzoulias. Il est difficile de parler après M. Karoutchi lorsque l’on partage la totalité de son propos. Mon cher collègue, vous avez entièrement raison.

Mme Laurence Rossignol. C’était un moment de grâce !

M. Pierre Ouzoulias. France Médias Monde, c’est la voix de la France. Ce que cette société coûte n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est que ce que nous représentons, nos valeurs, nos principes continuent d’être entendus partout où notre voix peut, malheureusement, apporter une différence, une contradiction, de l’esprit critique. C’est un sujet essentiel.

Je m’interroge sur l’introduction de cette société dans la holding, car il me semble que la tutelle de France Médias Monde devrait être pluriministérielle.

M. Roger Karoutchi. Tout à fait ! Le ministère des affaires étrangères devrait y participer !

M. Pierre Ouzoulias. Le ministère de la culture ne peut porter seul la voix de la France. Le ministère des affaires étrangères devrait nécessairement y contribuer. Nous touchons les limites de la proposition de loi, car je ne vois pas comment une holding pourrait permettre une tutelle pluriministérielle sur les entités qu’elle réunit.

Toutefois, ce qui nous distingue, monsieur Karoutchi, c’est que j’estime pour ma part que France Médias Monde devrait être exclue de la holding non pas à titre temporaire, mais à titre définitif.

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour présenter l’amendement n° 69.

M. Yan Chantrel. Je me réjouis également de constater que nous sommes nombreux, au sein de l’hémicycle, à partager l’idée que France Médias Monde n’est pas une société comme les autres et qu’il n’est pas opportun de l’englober dans la holding réunissant des médias aux activités nationales qui ne s’adressent pas au même public.

France Médias Monde a pour mission de diffuser l’actualité française et internationale auprès des publics du monde entier, via une approche pluraliste, indépendante, pédagogique. Sa vocation est à la fois diplomatique, culturelle et informative. Elle contribue à valoriser le point de vue français et européen sur les grands enjeux mondiaux. Elle a aussi pour but de promouvoir la francophonie et la diversité linguistique, de défendre les principes de liberté de la presse, des droits humains et du débat démocratique.

M. Max Brisson. Tout cela à la fois !

M. Yan Chantrel. Pour cette raison, France Médias Monde est particulièrement concernée par la guerre de l’information et les enjeux géopolitiques liés à la désinformation. Son rôle stratégique est un enjeu sensible, tant diplomatique que politique et culturel.

Je profite de la défense de cet amendement pour saluer tous les collaborateurs de France Médias Monde, qui, bien souvent, ne sont pas salariés et travaillent à la pige, aux quatre coins du monde. Ils exercent leur métier dans des conditions difficiles. Leurs revenus sont souvent proches du seuil de pauvreté et ils ne bénéficient ni de couverture sociale ni de retraite. Défendre la liberté et la qualité de l’information, c’est également prendre soin de ceux qui l’exercent.

M. David Ros. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour présenter l’amendement n° 210 rectifié bis.

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 212.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement identique vise à exclure France Médias Monde de la holding créée par la réforme.

Mes collègues l’on indiqué, France Médias Monde joue un rôle très particulier dans la presse et l’audiovisuel. Près de 255 millions de personnes consultent les contenus produits par cette société à travers le monde, soit bien plus que la population française, dans vingt et une langues.

Le travail des journalistes de France Médias Monde, très particulier, n’a pas grand-chose à voir avec celui de leurs confrères en France. Un argument essentiel n’a été que peu développé : l’une des forces de cette entité, c’est qu’elle promeut les valeurs de la France sans pour autant pouvoir être perçue comme un organe de propagande de notre pays, ce qui protège les journalistes qui travaillent pour elle à travers le monde.

Si ces journalistes produisant sur le terrain des émissions dans toutes les langues étaient considérés dans les pays où ils travaillent comme des travailleurs dépendants des intérêts de l’État français, cela altérerait non seulement la qualité présumée de leurs travaux, mais cela les placerait aussi, dans certains pays, en danger.

Yan Chantrel l’a rappelé, n’oublions pas que ces personnes travaillent souvent dans des conditions extrêmement précaires, qu’elles n’ont pour la plupart ni contrat formel ni affiliation à un système de sécurité sociale, voire vivent parfois dans des pays où il n’y a pas de protection sociale. Ne fragilisons pas davantage ces personnes ni la voix de la France.

M. le président. La parole est à Mme Rachida Dati, ministre, pour présenter l’amendement n° 255.

Mme Rachida Dati, ministre. Cet amendement identique vise également à exclure France Médias Monde du périmètre de la holding.

Le Gouvernement avait hésité sur ce sujet lors de la première lecture de la proposition de loi. Lors de l’examen du budget, sur l’initiative du sénateur Roger Karoutchi, nous avons renforcé le budget de France Médias Monde.

Dans le contexte géopolitique extrêmement fracturé et compte tenu des grandes tensions internationales actuelles, France Médias Monde joue évidemment une mission spécifique, celle de porter les valeurs démocratiques et républicaines dans le monde, qui sont loin de faire l’unanimité. La société développe de nouveaux projets en Afrique, dans le monde arabe, en Europe de l’Est, qui sont notamment destinés à développer de nouveaux contenus en langue étrangère.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cédric Vial, rapporteur. La commission a émis sur ces amendements identiques un avis défavorable, que je me permets de nuancer.

M. Cédric Vial, rapporteur. Mes chers collègues, vous avez tous insisté sur le rôle particulier joué par France Médias Monde dans l’audiovisuel extérieur. Or une holding sans France Télévisions, Radio France ou sans l’INA perdrait tout son sens, mais, très honnêtement, cette holding pourrait fonctionner sans France Médias Monde.

Si nous souhaitons que France Médias Monde fasse partie de la holding, c’est non pas dans l’intérêt de la holding, mais dans celui de France Médias Monde.

Vous avez tous défendu l’importance de cette société. Nous partageons cette idée, tout comme nous sommes convaincus de l’importance de Radio France et de France Télévisions. La création de la holding n’est pas une punition, au contraire ! Vous l’avez indiqué, les ressources des journalistes sont parfois très limitées localement, et ceux-ci sont contraints de bricoler.

M. Cédric Vial, rapporteur. Être inclus dans un groupe plus important pourrait les aider, en leur permettant de bénéficier de ressources et de moyens supérieurs et d’utiliser des technologies dont ils ne disposent pas actuellement.

M. Yan Chantrel. Il faudrait l’inverse !

M. Cédric Vial, rapporteur. Roger Karoutchi a affirmé que France Médias Monde devrait travailler avec le ministère des affaires étrangères ; mais c’est déjà ce qu’ils font ! Dans une holding, demain, ces coopérations pourraient toujours avoir lieu, voire se développer.

Permettez-moi néanmoins de rappeler une chose : France Médias Monde, ce n’est pas la voix de la France, contrairement à ce que Mme Vogel a dit, parce que le financement de l’audiovisuel public que nous avons adopté rend France Médias Monde indépendant du politique et de l’exécutif.

France Médias Monde défend dans plusieurs langues une vision française de l’actualité et la francophonie dans le monde. C’est déjà un regroupement – je ne parle pas de holding pour ne pas vous heurter – de trois médias différents : France 24, RFI, et une radio en langue arabe, dont le nom m’échappe en cet instant.

Nous souhaitons que France Médias Monde intègre la holding, mais nous savons écouter, nous avons compris les enjeux, et ce n’est pas grave si cela n’arrive pas tout de suite. Ce qui importe, c’est de comprendre qu’à terme, France Médias Monde aura sa place dans la holding.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Le débat est intéressant et important, notamment parce que nous n’avons pu l’avoir en commission.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Il faut arrêter, nous sommes tous d’accord !

Mme Colombe Brossel. En réalité, étant donné les conditions dans lesquelles nous avons travaillé, nous n’avons pu débattre de rien en commission.

Cédric Vial a laissé la porte ouverte au fait que, à l’issue du vote de ces amendements, France Médias Monde ne fasse pas partie du vote de la holding. Cela nous conforte néanmoins dans notre difficulté à comprendre quelles sont les positions défendues par chacun dans l’hémicycle. À certains moments, on nous dit que le texte est exactement le même que celui que le Sénat a adopté il y a deux ans et à d’autres on nous dit exactement l’inverse. Il faut savoir raison garder.

Au-delà des particularités de France Médias Monde, que certains qui connaissent mieux le sujet que moi ont exposées, l’argumentation du rapporteur est troublante : il indique que la holding, c’est super, mais pas pour tout le monde. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie renchérit.)

M. Cédric Vial, rapporteur. Non !

Mme Colombe Brossel. Cela nous étonne. Monsieur Karoutchi, je vous ai écouté avec attention ; vous avez dit qu’il fallait préserver l’indépendance et la force de l’audiovisuel public extérieur. Nous sommes d’accord, mais nous disons qu’il faut préserver l’indépendance et la force de l’audiovisuel public tout court !

M. Roger Karoutchi. Cela n’a rien à voir !

Mme Colombe Brossel. Nous ne comprenons pas votre argumentation ; si la holding peut ne pas être une bonne chose pour France Médias Monde, car elle ne garantirait ni la force ni l’indépendance de l’audiovisuel extérieur, en quoi la création d’une holding exécutive renforcerait-elle l’indépendance et la force de l’audiovisuel public ?

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. C’est vraiment nul !

Mme Colombe Brossel. Nous n’avons toujours pas eu de réponse ! C’est un véritable un jeu de dupes !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Nous voyons bien l’intérêt de ce débat.

Monsieur Karoutchi, je vous ai bien écouté et je suis totalement d’accord avec ce que vous avez dit sur l’importance et l’indépendance de France Médias Monde, sur sa diversité et la place qu’elle joue dans le monde. En effet, nous avons besoin de ce média, surtout dans la période que nous traversons. Je rappelle que, en outre, nous sommes en pleine cinquantième session de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, ce qui nous permet de mesurer toute l’importance du travail de cette société.

Ce que je comprends moins, et cela s’adresse aussi à vous, madame la ministre, c’est que vous affirmiez qu’il faut conserver un organe spécifique, alors que vous disiez précédemment que la création d’une holding ne poserait pas de problème, que chaque média pourrait y exprimer ses particularités. J’avoue donc être perdu…

Lorsque vous indiquez que France Médias Monde ne doit pas être incluse dans la future holding – et je suis totalement d’accord avec vous, c’est impératif – afin d’en préserver la spécificité et de conserver une certaine diversité, vous nous démontrez précisément les limites de cette holding ! L’organisation que vous êtes en train de mettre en place, ce système à une seule tête avec un nivellement par le bas, entraînera la disparition des spécificités de chacun. Et cela vous saute aux yeux dans le cas de France Médias Monde, au point que vous avez été obligés de déposer ces amendements ; voilà qui révèle les limites de votre raisonnement…

Revenons donc à la raison. Voilà pourquoi nous avons déposé tous ces amendements. Il faut non seulement extraire France Médias Monde du champ de cette holding, mais il faut, tout simplement, renoncer à la constitution même de celle-ci.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Je ne suis pas membre de la commission de la culture, je ne dispose pas de l’expertise de nos collègues qui en font partie et encore moins de celle de M. le rapporteur, mais j’écoute les débats et j’ai été très sensible aux arguments développés par M. Karoutchi et par les auteurs des autres amendements identiques.

Tout ce qui a été dit sur France Médias Monde vaut pour les autres composantes du service public de l’audiovisuel.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Non !

Mme Laurence Rossignol. Toutes ont leur spécificité ! Du reste, la tonalité de l’avis du rapporteur sur ces amendements était elle-même différente.

Je me dis donc que, peut-être, il y a deux points de vue – celui des défenseurs des intérêts, justifiés, de France Médias Monde et celui des défenseurs des intérêts de la holding – et que, peut-être, les intérêts de la holding ne sont pas les mêmes que ceux des composantes de cette structure.

C’est pourquoi, pour notre part, nous défendons, depuis le début, les intérêts de France Télévisions, les intérêts de Radio France, les intérêts de l’INA, mais aussi les intérêts des formations musicales – peut-être en parlerons-nous plus tard –, bref de tout ce qui fait la richesse et la diversité de l’audiovisuel public.

J’y insiste : le fait que la holding ait ses propres intérêts est assez gênant, parce que ce ne sont pas ceux du service public de l’audiovisuel ni, en tout cas, ceux de la diversité.

S’il faut maintenir France Médias Monde – j’en suis absolument convaincue – à l’extérieur de cette éventuelle holding, c’est parce que celle-ci peut nuire, à un moment, à l’une des composantes du service public de l’audiovisuel. Or ce qui est valable pour l’une l’est pour toutes les autres.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Au moins, le rapporteur est cohérent !

En revanche, Mme la ministre et notre collègue Karoutchi ont développé des argumentations qui, selon nous, s’appliquent aux autres composantes de la holding, mais qui, d’après eux, seraient pertinentes pour France Médias Monde et non pour Radio France ou encore France Télévisions.

Nous aussi, nous sommes cohérents : nous pensons que la holding risque de fragiliser l’indépendance et la diversité des différentes branches qui composent le service public de l’audiovisuel.

Sans doute, la situation de France Médias Monde s’inscrit dans un contexte particulier : la voix, ou en tout cas l’approche, de la France en matière de diversité, de démocratie et de pluralisme, s’est singulièrement étiolée à l’international, notamment au cours des derniers mois, et notre crédibilité s’est largement affaiblie. L’indépendance de France Médias Monde est ce qui garantit que le pluralisme des débats puisse s’exporter. Nous ne voulons donc pas soumettre ce bel outil de portée internationale à des considérations franco-françaises purement gestionnaires, car il s’en trouverait affaibli, lui qui n’a pas la même mission que le service public national.

Néanmoins, je le répète, le constat vaut pour les autres branches : toutes seraient affaiblies par cette holding. Il est remarquable que les arguments de la ministre soient réversibles : tantôt la holding affaiblirait, tantôt elle n’affaiblirait pas, selon le service public que vous voulez mettre au pas…

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.

Mme Monique de Marco. Je veux revenir sur les propos du rapporteur. Celui-ci nous a assuré que France Médias Monde aurait intérêt à entrer dans la holding.

M. Cédric Vial, rapporteur. Oui.

Mme Monique de Marco. Puisque la commission a examiné la proposition de loi très vite et n’a pas eu le temps de mener des auditions, je vous lirai un extrait d’un texte envoyé à différents sénateurs, dans lequel France Médias Monde exprime ses inquiétudes et son insatisfaction, considérant que la holding ne lui profitera pas.

« Nous n’avons pas les mêmes missions que nos confrères de France Télévisions ou de Radio France. Nos publics sont à l’étranger. Par conséquent, nos contenus sont adaptés à des audiences spécifiques. […] Quels seraient donc les progrès en matière de synergie au sein de France Médias sinon, sans doute, siphonner les expertises de nos 400 correspondants répartis dans le monde entier, au détriment de nos enquêtes ?

« De plus, France Médias Monde bénéficie de financements spécifiques pour des projets à l’étranger. Fondre l’ensemble de ces financements dans une enveloppe globale rendrait invisibles nos efforts pour développer des partenariats bien souvent sensibles. Nous ne pouvons nous permettre de voir ces budgets partir vers des priorités nationales. Ce serait nier tout le travail effectué depuis des années pour informer dans des zones sensibles. »

Le passage qui suit est très important : « Nous avons déjà testé la holding : en 2008, l’audiovisuel extérieur de la France voit le jour, qui deviendra, en 2012-2013, France Médias Monde. Cette holding, qui a rapproché RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya (MCD), s’est accompagnée de deux plans sociaux, avec 341 postes supprimés entre 2010 et 2013. Nous avons constaté, tout au long de ces années, une ubérisation de l’information. »

Il aurait été intéressant d’auditionner cet acteur…

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. Je salue l’intervention de Roger Karoutchi. Elle ne m’a pas étonné ; depuis que je suis à la commission des finances, il cherche chaque année, en tant que rapporteur pour avis des crédits de l’audiovisuel extérieur, à obtenir un petit quelque chose en plus pour France Médias Monde. Je le retrouve donc très logiquement à défendre cette position.

Si cette proposition de loi est adoptée, Roger Karoutchi ne pourra plus intervenir en séance, lors de l’examen des futurs projets de loi de finances, comme il le fait habituellement. Ce sera fini ! Je le dis aussi pour le rapporteur spécial sur ces crédits, que j’aperçois derrière lui, Jean-Raymond Hugonet.

En effet, dès l’instant où il y aura fusion, le Parlement ne sera saisi que d’un seul sujet : les crédits accordés à la holding. Nous passerons donc d’un débat de deuxième partie du projet de loi de finances, sur les crédits de la mission « Audiovisuel public », en présence du ministre de la culture, à un débat de première partie, avec le seul ministre des comptes publics.

Soyons précis : non seulement ce changement empêcherait Roger Karoutchi de soutenir France Médias Monde,…

Mme Annick Billon. Il faut sauver le soldat Karoutchi !

M. Claude Raynal. … mais cela empêcherait en outre tout parlementaire d’intervenir sur la répartition des fonds. Ce serait très grave pour notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Monique de Marco applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Il y a un aspect très intéressant dans ce débat, déjà soulevé par quelques collègues : la cohérence des positions des uns et des autres.

Nous sommes cohérents : nous souhaitons retirer France Télévisions, Radio France, l’INA et France Médias Monde de la holding. Le rapporteur l’est également : il veut tout garder.

Toutefois, un certain nombre d’autres voix se font entendre.

Je suis tout à fait d’accord avec M. Karoutchi et les collègues auteurs des amendements identiques : il est vrai que France Médias Monde joue un rôle stratégique important face à la désinformation. Nous avons d’ailleurs pu le constater grâce à la commission d’enquête sur les politiques publiques face aux opérations d’influences étrangères. Cette société est devenue un enjeu diplomatique, culturel et politique. Dans une structure telle qu’une holding, on pourrait être tenté de se passer de plurilinguisme et de perspective internationale, en raison du risque d’uniformisation dont nous parlions tout à l’heure.

Puisque l’on fait des comparaisons entre les pays, tournons-nous vers la BBC : celle-ci a créé la branche internationale BBC World Service, précisément pour se différencier du reste du groupe et être beaucoup plus indépendante et agile sur les questions internationales et dans la lutte contre la désinformation.

Madame la ministre, nous sommes d’accord pour protéger France Médias Monde de la holding ; mais pourquoi Radio France n’aurait-elle pas droit à cette protection ? et France Télévisions ? et l’INA ? Cette holding représenterait-elle un danger pour France Médias Monde ? Donnez-nous des arguments démontrant le contraire !

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.

Mme Mélanie Vogel. Je tenais à lever un doute, car, apparemment, M. le rapporteur et moi nous sommes mal compris sur la question de savoir si France Médias Monde était ou non la voix de notre pays.

J’ai dit exactement l’inverse de ce qu’il a entendu. J’ai dit que ce qui mettrait en danger les journalistes travaillant à l’étranger pour cette structure, qu’ils soient pigistes ou correspondants, serait d’être perçus dans les pays où ils exercent leur métier comme des personnes au service de la France et de son gouvernement. D’abord, nous ne sommes pas censés construire des agences de propagande, comme le font certains régimes. Surtout, alors qu’ils travaillent de manière indépendante, les journalistes de France Médias Monde peuvent déjà être perçus aujourd’hui comme des agents au service d’un gouvernement. Accroître cette perception les placerait dans une position de vulnérabilité qui, dans certains pays, pourrait mettre leur sécurité personnelle en danger.

Je voulais lever toute ambiguïté à ce sujet.

M. Cédric Vial, rapporteur. Nous sommes d’accord.

Mme Mélanie Vogel. J’en suis ravie.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je vois bien le petit jeu ridicule – pardonnez-moi de le dire ainsi – auquel on se prête sur les travées de gauche en disant : « Aha ! vous identifiez donc bien les dangers de cette holding ! »

Aujourd’hui, alors même que la holding n’existe pas, France Médias Monde est déjà dans une situation non satisfaisante, ses relations avec France Télévisions et avec les autres sociétés sont très difficiles. En effet, cette structure dépend du ministère des affaires étrangères, de celui de la culture et des crédits de l’Agence française de développement (AFD) et elle fait appel, dans un certain nombre de pays, à du personnel qui n’est pas français.

France Médias Monde n’a donc strictement rien à voir ni avec les radios et télévisions émettant sur le territoire national ni avec l’INA. C’est un autre monde ! J’ai toujours plaidé en faveur de la création, une bonne fois pour toutes, d’une société audiovisuelle publique extérieure différente et indépendante du reste du spectre de l’audiovisuel public, car, j’y insiste, c’est un monde à part.

Les choses sont simples : France Médias Monde a besoin de plus de crédits – je n’y insiste pas, mais je vous remercie d’y avoir fait mention, monsieur Raynal –, mais aussi d’une identité et de liberté. La situation actuelle n’a rien à voir avec la holding : France Médias Monde est déjà mal à l’aise,…