Mme la présidente. Il faut conclure !
Mme Annick Girardin. Je conclus par un petit message d'espoir. Vous l'avez dit, madame la ministre, mais je veux le répéter : le soutien du Groupe Fer de lance permet d'affirmer que la démarche de Bougival est reconnue dans le bassin mélanésien. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Bitz. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. Olivier Bitz. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chacun le sait, la situation en Nouvelle-Calédonie est complexe ; elle l'est depuis des décennies. La fin de la séquence qui avait été ouverte par l'accord de Matignon et prolongée par celui de Nouméa doit maintenant nous conduire à poser les nouvelles bases permettant aux Calédoniens de construire leur destin commun.
Ce sujet s'impose à nous à un moment difficile du point de vue de la politique nationale, lequel met déjà à l'épreuve nos institutions. Sans majorité à l'Assemblée nationale et sans visibilité sur leur propre avenir, les gouvernements successifs sont évidemment à la peine pour imaginer avec les intéressés le futur d'un territoire situé à plus de 17 000 kilomètres de la métropole. C'est donc avec une grande humilité – cela a déjà été dit – que, tous autant que nous sommes, nous abordons cette question.
Pour nous aider, nous pouvons cependant apprendre de l'histoire : de précieux enseignements nous ont été légués sur la manière dont il faut traiter le sujet calédonien.
Premier enseignement, sur la méthode : le dossier de la Nouvelle-Calédonie doit être géré directement par le Premier ministre. C'est ce pilotage par Matignon, engageant le Gouvernement au plus haut niveau, qui a permis tant l'accord de Matignon en 1988, avec Michel Rocard, que celui de Nouméa en 1998, avec Lionel Jospin. Malheureusement, à ce jour, Édouard Philippe a été le dernier chef du Gouvernement à s'être investi personnellement dans le dossier calédonien.
Deuxième leçon : l'État doit rester dans une position d'impartialité à l'égard des acteurs politiques calédoniens. C'est d'abord aux Calédoniens eux-mêmes de trouver les voies et moyens par lesquels ils réussiront à vivre ensemble sur le Caillou. S'il revient naturellement à l'État de prendre des initiatives pour favoriser le dialogue et la recherche de solutions, rien ne peut être imposé depuis la métropole ; et l'État ne saurait davantage s'engager pour un camp ou pour un autre, ni encore moins favoriser l'un d'eux en raison d'une proximité politique, que celle-ci, d'ailleurs, soit sincère ou inscrite dans un jeu d'acteurs.
Enfin, la politique nationale ne doit pas interférer avec la gestion du dossier calédonien. C'est bien pour cela que le Premier ministre de l'époque s'était engagé, au nom de l'État, à ce que le troisième référendum sur l'indépendance ait lieu après l'élection présidentielle de 2022. Malheureusement, le gouvernement suivant en avait finalement décidé autrement.
La troisième clé du succès, par le passé, fut d'avancer par consensus. Régulièrement, depuis le regrettable « référendum Pons » de 1987, il existe une tentation de faire prévaloir le seul fait majoritaire.
Cette manière de faire, qui ne fonctionne pas, a toujours fait reculer la perspective d'une solution. C'est l'ensemble des acteurs représentatifs qu'il faut réussir à embarquer, même si c'est long, même si c'est difficile.
Aujourd'hui, en ayant à l'esprit les éléments précédemment rappelés, nous débattons d'une proposition de loi visant à reporter pour la troisième fois les élections provinciales, ce scrutin qui détermine également la composition du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Je mets immédiatement fin à ce suspense insoutenable :…
M. Rachid Temal. Ah !
M. Olivier Bitz. … le groupe Union Centriste votera ce texte, cosigné par son président.
M. Rachid Temal. Ouf !… (Sourires.)
M. Olivier Bitz. Je n'aborderai pas les questions juridiques, importantes d'un point de vue théorique. Elles se posent à la fois sur le fond – le consensus existant au moment de la rédaction de cette proposition de loi organique n'existe plus en Nouvelle-Calédonie, or c'est bien ce consensus qui fondait le motif d'intérêt général justifiant le report – et sur la forme, vu les conditions précipitées dans lesquelles ce débat a été finalement réorganisé en raison de l'instabilité gouvernementale.
En effet, puisque la question est dite si importante, le choix aurait pu être fait de convoquer une session extraordinaire pour prendre le temps de l'examiner sereinement. En tout état de cause, le Conseil constitutionnel tranchera ces questions juridiques, à l'aune, sans aucun doute, du principe de réalité. C'est d'ailleurs ce même principe de réalité qui nous conduit à voter cette proposition de loi.
Nous sommes aujourd'hui le 15 octobre, et il faudra encore que l'Assemblée nationale se prononce à son tour pour reporter les élections, celles-ci devant normalement se dérouler le mois prochain. Objectivement, ni les candidats ni les pouvoirs publics ne sont aujourd'hui prêts pour cette échéance.
M. Rachid Temal. Ce n'est pas une excuse, ça !
M. Olivier Bitz. Une organisation et une campagne électorale bâclées risquent de causer de nouveaux troubles dont la Nouvelle-Calédonie n'a franchement pas besoin. Le gouvernement Bayrou nous a placés dans une situation qui nous empêche de faire autrement que de prendre nos responsabilités en validant ce nouveau report.
C'est dommage, car il aurait été judicieux de poursuivre le processus de Bougival. On peut, comme certains, parler de « projet d'accord », ou encore, comme d'autres, de « processus », mais non d'« accord » proprement dit, car d'accord entre les parties il n'y a point. Par ailleurs, il aurait été intéressant d'avoir ces discussions avec des élus dont la légitimité aurait été confirmée par les urnes.
Non, le processus de Bougival, après l'échec du conclave de Deva, n'est pas achevé. Le rejet du protocole par le FLNKS, le 9 août, puis par le Sénat coutumier, le 30 août, et, de manière générale, par les conseils coutumiers, dont on connaît le rôle majeur en Nouvelle-Calédonie, doit évidemment nous pousser – doit pousser le Gouvernement – à poursuivre cette séquence de négociations. Si Bougival a représenté un réel espoir et ouvert une véritable perspective, il faut désormais continuer ce travail avec tous. Il est inimaginable de passer en force, au risque de s'engager dans une nouvelle impasse qui conduirait probablement à de nouvelles violences, mais aussi, in fine, à l'absence de solutions durables.
Le déploiement massif d'escadrons de gendarmerie mobile, outre qu'il expose nos gendarmes, ne peut se substituer à la recherche d'une solution politique approuvée par tous. La Nouvelle-Calédonie ne peut se permettre une nouvelle crise, ni d'un point de vue économique, ni d'un point de vue social, ni encore moins d'un point de vue humain. Le Caillou ne s'est pas encore relevé des émeutes de l'année dernière. Beaucoup d'habitants ont quitté la Nouvelle-Calédonie et tous restent traumatisés. Quatorze vies ont été perdues et nos gendarmes ont, une fois de plus, payé un lourd tribut.
Nous ferons donc le point. On nous a annoncé le dépôt prochain d'un projet de loi constitutionnelle ; nous prendrons position sur ce texte en fonction de la situation au moment où il sera déposé.
Vous l'aurez compris, conformément à la méthode évoquée au début de mon intervention, qui a permis près de quarante années de paix en Nouvelle-Calédonie, nous veillerons à ce que la démarche qui sera adoptée et la perspective qui sera tracée rassemblent plus largement encore qu'aujourd'hui les différents acteurs représentatifs du territoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Rachid Temal. Va-t-il citer Mélenchon ? (Sourires.)
M. Claude Malhuret. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne peux évidemment pas commencer mon propos sans dire qu'il s'en est fallu de peu. Ce texte absolument indispensable doit être examiné bien avant le 2 novembre, date à laquelle les électeurs seront convoqués pour élire les membres du Congrès et les assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. Espérons qu'il pourra être examiné à temps à l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, le principe d'une exception, c'est d'être exceptionnelle. Pourtant, force est de le constater, certaines exceptions ne le sont pas, exceptionnelles. Tel est le cas de ce troisième report des élections en Nouvelle-Calédonie. En y regardant de plus près, qu'observe-t-on ? Si un nouveau report des élections n'a en définitive plus rien d'exceptionnel, les causes qui ont poussé à provoquer de tels reports sont quant à elles, sans ambiguïté, hors du commun.
Les élections au Congrès et aux assemblées de province devaient initialement se tenir au mois de mai 2024, cinq ans après les précédentes. Nous avons voté une première loi de report au printemps de l'année dernière pour qu'elles se tiennent à la fin de 2024. L'objectif était de laisser davantage de temps avant de nouvelles élections pour trouver un accord sur la composition du corps électoral, ou, à défaut, d'adopter une loi le modifiant.
Sujet hautement sensible, la modification du corps électoral, qui est bloqué depuis 1998, est déjà exceptionnellement délicate en raison des questions démocratiques et historiques qu'elle soulève.
Pourtant, qui aurait pu imaginer les conséquences dramatiques qu'aurait l'adoption du projet de loi modifiant ce corps électoral ? Comment croire que certains iraient jusqu'à dévaster leur propre territoire en détruisant ses écoles, ses entreprises, ses centres de soins, au point de causer jusqu'à 2 milliards d'euros de dégâts et, surtout, la mort de treize personnes ?
Ces événements ont évidemment rendu impossible la tenue d'élections dans des conditions normales et il a fallu acter un nouveau report, la date des nouvelles élections étant fixée au mois de novembre 2025. Ce scrutin aurait donc dû se tenir d'ici à deux mois, mais un nouvel événement exceptionnel a eu lieu au mois de juillet : l'accord de Bougival sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.
À cet égard, je voudrais à mon tour, et après d'autres, saluer le travail inlassablement abattu par le ministre d'État Manuel Valls pour parvenir à cet accord. Vous prenez sa succession, madame la ministre ; je vous souhaite tout le succès possible dans votre mission, et vous pouvez compter sur notre plein soutien.
Avec ce troisième report des élections, on pourrait penser que les choses n'avancent pas en Nouvelle-Calédonie. Pourtant, il n'en est rien.
Un long chemin a été parcouru depuis le premier report en 2024, l'accord de Bougival en est la preuve. Ne pas en tenir compte et maintenir des élections coûte que coûte serait une erreur, quand cet accord marque le début d'une nouvelle étape déterminante et indispensable pour la Nouvelle-Calédonie. Les mesures qu'il contient doivent être mises en œuvre, et nous attendons un projet de loi constitutionnelle en ce sens.
Il est donc nécessaire de reporter les élections. Il est envisagé, aux termes de la présente proposition de loi, qu'elles se tiennent au plus tard le 28 juin 2026. J'espère sincèrement que le contexte, aussi bien local que national, permettra de respecter cette échéance.
Toutefois, mes chers collègues, ne soyons pas naïfs : le travail est loin d'être terminé. L'accord de Bougival n'était qu'une étape : une étape historique, certes, mais seulement une étape. Il faut continuer de rechercher un compromis qui fasse consensus chez tous les acteurs concernés, si nécessaire en complétant l'accord de Bougival. Cela demandera encore du temps, tout le monde en est conscient. Si nous voulons que des élections se tiennent au mois de juin, il y a encore beaucoup à faire, madame la ministre, au-delà de l'adoption du projet de loi constitutionnelle.
Enfin, n'oublions pas que la Nouvelle-Calédonie est une part intégrante de notre République et que nous devons garantir à tous nos concitoyens, où qu'ils soient sur le territoire, le même niveau de stabilité et de sécurité, et offrir à chacun des perspectives positives. C'est dans ce contexte que s'inscrit la discussion de la présente proposition de loi, que j'ai cosignée avec plusieurs présidents de groupe de notre assemblée et que, bien entendu, le groupe Les Indépendants votera.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, mon rappel au règlement porte sur l'organisation de nos travaux. Il est dix-neuf heures trente et nous avons un certain nombre d'amendements à examiner sur ce texte. Je l'ai dit, nous prendrons le temps de les défendre et d'expliquer nos votes. Je précise néanmoins, pour rassurer tout le monde, que nous n'avons pas fait le choix de demander la parole sur les articles.
Cependant, il est de tradition que la séance soit suspendue à vingt heures. Or – et je ne mets la pression sur personne ! – je ne vois pas comment nous pourrions avoir terminé l'examen du texte à cette heure. Je vous demande donc, madame la présidente, de bien vouloir nous donner des précisions sur la suite de nos travaux.
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Pour le dire très simplement, à vingt heures, nous verrons où nous en serons, comme d'habitude. S'il faut suspendre à vingt heures et reprendre à vingt et une heures trente, comme nous le faisons habituellement, ce sera chose faite.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Naïma Moutchou, ministre. Je vais tenter de répondre à chacun de manière synthétique, pour faire avancer nos débats, après avoir remercié l'ensemble des orateurs qui ont exprimé leur soutien à cette proposition de loi.
Monsieur le président Kanner, vous avez évoqué le drame survenu dans la prison du Camp-Est. Une information judiciaire a été ouverte, des investigations sont en cours ; la justice fait donc son travail. Ce que je peux vous dire, c'est que j'ai visité cette prison, qui est une honte nationale : c'est une honte pour notre pays.
Mme Audrey Linkenheld. Il faudrait visiter les autres, aussi…
Mme Naïma Moutchou, ministre. D'ailleurs, l'accord de Bougival prévoit la possibilité de reconstruire la prison pour améliorer les conditions de détention. Il y a donc bien là un sujet : en la matière, je vous rejoins.
En ce qui concerne la situation économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie, vous savez combien le soutien de l'État est important.
En 2024, ce sont 2,7 milliards d'euros qui ont été investis. En 2025, un fonds de reconstruction a été mis en place, abondé à hauteur de 200 millions d'euros, à destination des collectivités locales. Les dispositifs d'aide aux entreprises ont été prorogés. Un prêt garanti par l'État a par ailleurs été mis en place, à une première tranche d'un peu plus d'un demi-milliard d'euros – 560 millions d'euros, pour être exacte – a succédé une seconde tranche de 240 millions d'euros. J'ai d'ailleurs eu l'occasion, au moment de ma nomination, de signer la convention entre l'État et la Nouvelle-Calédonie autorisant ces nouveaux versements. Je citerai, en outre, le soutien direct apporté par l'État pour financer la venue sur ce territoire de personnels de santé – il y a là un point majeur, on le sait –, mais aussi l'insertion des jeunes.
Je me dois d'évoquer également la mission interministérielle pour la Nouvelle-Calédonie, qui est placée sous l'autorité du Premier ministre. Mme Claire Durrieu, qui la dirige, a été trois semaines sur le terrain ; cette mission a précisément pour but de poursuivre les efforts qui sont faits en matière de refondation et de reconstruction, via notamment un pan de mesures d'urgence. Cette mission, qui s'entoure d'experts, s'est d'ailleurs réunie pas plus tard qu'hier : j'ai présidé la séance plénière par laquelle elle a officialisé sa méthode de travail. Autrement dit, les choses avancent !
Je répondrai à présent à Mme la présidente Cukierman. Nous sommes en désaccord sur le fond : rien d'étonnant. Mais je vais vous répondre sur la forme. Vous avez fait, tout à l'heure, un trait d'humour : « Ça va bien se passer ! », m'avez-vous dit. Je vous répondrai par un autre trait d'humour, en vous rappelant d'où je viens : de l'Assemblée nationale, qui n'est pas le lieu le moins chahuté ni le moins bruyant que l'on puisse concevoir… J'y ai présidé des séances publiques pendant plus de trois ans ; je sais donc qu'au Sénat ça ne peut que mieux se passer !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Pas sûr !…
Mme Naïma Moutchou, ministre. Madame Vogel, vous avez parlé de « projet d'accord ». Non : il y a un accord, qui a été signé par – toutes – les forces non indépendantistes, ainsi que par une force indépendantiste. Cet accord est défendu par l'ensemble de ces organisations comme étant un accord, qu'elles soutiennent et dont elles revendiquent la signature aujourd'hui. Elles le font avec courage, avec responsabilité, car les choses ne sont pas toujours simples, mais elles le défendent tous les jours, je peux vous le dire.
Une petite nuance, cela dit : on ne peut pas faire – on ne fera pas – sans le FLNKS, bien sûr. (Ah ! sur des travées du groupe CRCE-K). Et la porte reste ouverte. Il faut continuer d'avancer, il reste possible de préciser des choses. Il faut le faire dans le consensus, en utilisant les vecteurs les plus immédiatement disponibles, c'est-à-dire la proposition de loi organique et le projet de loi constitutionnelle.
Enfin, madame Girardin, voici quel sera l'objet de la consultation qui aura lieu au mois de mars ou d'avril : pour ou contre l'accord de Bougival.
M. Olivier Bitz. Il n'y a pas d'accord !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Si, il y a un accord…
Mme Naïma Moutchou, ministre. Dans cette perspective, nous allons très vite tâter le terrain auprès des forces politiques. S'agissant d'une consultation locale, il faut une base juridique ; et c'est précisément le projet de loi constitutionnelle qui fournira cette base.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la nouvelle-calédonie pour permettre la mise en œuvre de l'accord du 12 juillet 2025
Article 1er
Par dérogation au premier alinéa de l'article 187 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les prochaines élections des membres du congrès et des assemblées de province, prévues au plus tard le 30 novembre 2025 par la loi organique n° 2024-1026 du 15 novembre 2024 visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, ont lieu au plus tard le 28 juin 2026. La liste électorale spéciale et le tableau annexe mentionnés à l'article 189 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée sont mis à jour au plus tard dix jours avant la date du scrutin.
Les mandats en cours des membres du congrès et des assemblées de province prennent fin le jour de la première réunion des assemblées nouvellement élues.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, sur l'article.
M. Philippe Folliot. Madame la ministre, la question de la Nouvelle-Calédonie est éminemment importante. Vous êtes la huitième ministre des outre-mer depuis 2022 ! Cette instabilité ministérielle pénalise le suivi de ce dossier, comme elle pénalise l'ensemble de nos outre-mer. Nous espérons que vous pourrez rester assez longtemps en poste pour marquer de votre empreinte ce ministère et, surtout, pour accompagner la Nouvelle-Calédonie dans ces moments particulièrement cruciaux qu'elle traverse.
Je salue nos deux collègues de Nouvelle-Calédonie : nonobstant quelques différences d'appréciation sur ce texte proprement dit, je dois dire qu'ils défendent avec courage et conviction l'avenir de leur territoire.
J'ai eu l'occasion, au mois de juillet, de passer une semaine en Nouvelle-Calédonie aux côtés de notre collègue Georges Naturel. Je tiens à louer son implication et sa vision du devenir de ce territoire, l'enjeu étant la volonté et la capacité de faire en sorte que tous les acteurs travaillent ensemble, main dans la main, à un avenir commun qui n'exclue personne.
Somme toute, l'enjeu de ce report des élections, qui n'est assurément pas une mesure que nous aurions souhaitée a priori, mais qui est la voie du bon sens et de la sagesse, est d'essayer – c'est nécessaire ! – de faire en sorte que l'avenir de la Nouvelle-Calédonie puisse être radieux.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Xowie, Mme Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L'amendement n° 9 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Gontard, Mellouli, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Fernique, Mme Guhl, M. Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Robert Wienie Xowie, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Robert Wienie Xowie. Cet amendement vise à supprimer l'article 1er, qui prévoit un troisième report des élections provinciales, report fondé sur le projet d'accord de Bougival du 12 juillet 2025. Or ce texte ne fait pas consensus : le FLNKS l'a formellement rejeté et des autorités coutumières, ainsi que des acteurs religieux et de la société civile, se sont prononcés contre.
Dans ces conditions, fonder une nouvelle prorogation d'un mandat déjà prolongé deux fois sur un socle politique aussi contesté reviendrait à porter atteinte au droit de suffrage et à institutionnaliser l'exception. Voilà un risque démocratique que nous ne saurions assumer. Nous proposons donc de supprimer cet article pour revenir à une trajectoire respectueuse de l'esprit des accords et d'un calendrier électoral raisonnable.
Cette suppression est la seule voie possible pour préserver la légitimité de nos institutions et rouvrir un dialogue loyal entre partenaires sans travestir l'état réel du consentement politique local.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l'amendement n° 9.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement de suppression de l'article 1er vise à supprimer la disposition principale de la proposition de loi, à savoir le report des élections.
Madame la ministre, vous avez dit, à propos du projet d'accord de Bougival, qu'il s'agissait non pas d'un simple projet, mais bien d'un accord défendu par certaines forces. C'est vrai. Mais il est vrai aussi, dans les conditions politiques qui prévalent en Nouvelle-Calédonie, qu'un tel « accord » ne nous permet pas d'avancer dans le processus de décolonisation. Ce n'est donc pas un accord, politiquement parlant.
Le problème est que le report des élections ne vise qu'à une chose : dégeler le corps électoral. Or ce report, suivi de ce dégel, est inscrit dans le texte de Bougival. Reporter les élections revient donc aujourd'hui – telle serait la signification politique de ce vote – à faire comme si le texte de Bougival était bien, en réalité, un accord consensuel.
Sinon, le Gouvernement se doit d'éclaircir un élément important du débat : si nous reportons les élections, qu'elles ont lieu l'année prochaine et que, dans l'intervalle, il n'y a pas d'accord incluant le FLNKS, notamment sur un dégel, pouvons-nous avoir la certitude qu'alors les prochaines élections, qui ne seront pas reportées une quatrième fois, se tiendront bien sur la base du corps électoral gelé actuel ?
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Narassiguin, rapporteure. Si ces amendements de suppression étaient adoptés, la proposition de loi organique serait évidemment totalement vidée de sa substance.
Nous avons déjà expliqué pourquoi nous pensons qu'il est nécessaire de reporter ces élections, même s'il est difficile de prendre une telle décision : il s'agit de permettre la poursuite des discussions en dehors de toute campagne électorale. Une telle campagne aurait en effet tendance à accentuer les divergences plutôt qu'à rapprocher les points de vue. Or des avenants à Bougival sont nécessaires avant sa constitutionnalisation.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.
M. Akli Mellouli. Je tiens moi aussi à saluer mes collègues Georges Naturel et Robert Wienie Xowie. Je sais qu'ils ont la volonté d'essayer de faire avancer les choses. Tel est également l'esprit dans lequel j'interviens.
Depuis le début de nos débats, j'ai écouté tous les orateurs avec attention. Chacun dit de l'accord de Bougival qu'il aurait permis d'enrichir la réflexion et de justifier le report des élections. Or je rappelle que la présente proposition de loi organique a été déposée avant l'accord de Bougival ! Il faut aujourd'hui remettre les choses à l'endroit.
D'ailleurs, comme nous l'avons dit, cet accord n'existe pas : il n'est qu'un préalable à la discussion. C'est justement le fait qu'il ait été publié et présenté comme un accord qui a mis le feu aux poudres !
Je le dis, la précipitation est toujours très mauvaise conseillère, car elle ne permet pas d'atteindre les buts fixés. Alors que les parties prenantes devaient retourner vers leurs bases pour leur expliquer les tenants et les aboutissants de l'accord, elles n'en ont pas eu le temps : la réalité a été déformée, détournée.
Ensuite, on nous a dit en 2020 que les élections auraient lieu à l'heure. Certes, il arrive que l'on perde sa montre (Sourires.), mais, alors que le covid aurait justifié un report cette année-là, les élections ont bien eu lieu. Aujourd'hui, on nous explique que, à la suite de l'accord de Bougival, les élections pourraient être reportées. Où est la cohérence ?
Ce qui nous inquiète, c'est le dégel du corps électoral, qui aurait pour effet de vider l'accord de Nouméa de sa substance. Or cet accord est pour l'instant, je le répète, le seul qui tienne et qui puisse nous permettre d'avancer. Si nous remettions en cause cet accord aujourd'hui, vers quoi irions-nous ?
Quand nous essayons de tordre le bras de l'une des composantes pour en favoriser une autre, nous ne sommes plus des facilitateurs de dialogue : nous ouvrons la porte à toutes les possibilités, y compris les plus aventureuses et les plus dangereuses pour nos populations.
N'oubliez pas que les seules colonies de peuplement que nous avons connues sont l'Algérie et la Nouvelle-Calédonie ! Nous savons comment cela s'est terminé avec l'Algérie. Ne commettons pas les mêmes erreurs avec la Nouvelle-Calédonie !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour explication de vote.
Mme Marianne Margaté. La période particulière que nous vivons nous donne l'impression de ne pas avoir quitté le XXe siècle.
Le XXe siècle est celui de l'abolition de la peine de mort, que nous avons pu de nouveau célébrer, avec une émotion légitime, la semaine dernière lors de la panthéonisation bien méritée de Robert Badinter.
Le XXe siècle, c'était l'instabilité institutionnelle de la IVe République, où l'on changeait de gouvernement en moyenne tous les six mois.
Le XXe siècle, c'était la France des colonies. Quand elle partait, elle choisissait son remplaçant et, quand elle n'y parvenait pas, elle faisait le pari de la guerre ou de la déstabilisation.
Ces retours en arrière ne sont pas tous réjouissants et, à choisir, je préfère évidemment le XXe siècle de Badinter à celui des colonies.
Mes chers collègues, nous ne sommes plus au XXe siècle. Soixante ans après la décennie des décolonisations françafricaines, comment pouvons-nous encore tergiverser quand il s'agit de réparer les injustices du passé ?
À quelle histoire souhaitons-nous participer ? À quel récit voulons-nous contribuer ?
Dans cet hémicycle ont siégé de grands noms – Victor Schœlcher, Clemenceau – et d'autres qui, étant le fruit d'une époque, n'ont pas toujours su se montrer à la hauteur des enjeux du moment.
Aujourd'hui, la situation nous oblige. Nous devons redevenir un pays de droit, d'égalité et de respect du droit à l'autodétermination des peuples, comme l'exigent légitimement nos amis kanaks, qui n'ont pas besoin d'être nos compatriotes pour être nos sœurs et nos frères en humanité.
Mes chers collègues, notre groupe est fier de porter le nom de Kanaky. Aujourd'hui, nous refuserons ce texte et, plus que jamais, nous disons : vive la Kanaky libre !