M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Marie-Do Aeschlimann applaudit également.)

Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je voudrais m’adresser aujourd’hui aux lycéens qui ne connaissent pas encore la santé, aux étudiants en médecine et aux futurs praticiens.

Actuellement, notre système de santé fait face à deux problèmes : la préparation aux études en santé et l’accès aux soins.

D’une part, cinq ans après la mise en place du Pass-LAS, nous devons reconnaître que la réforme de 2019 n’atteint pas ses objectifs. Les rapports de nos collègues de la Provôté, Guillotin et Khalifé dressent un constat clair : cette réforme a créé un système trop complexe, inégalement appliqué et souvent incompris par les étudiants, les parents et les universités.

Cet avis est également partagé dans une enquête de la Cour des comptes, qui évoque également des disparités territoriales entre les filières, ainsi qu’un échec à diversifier socialement et géographiquement les profils étudiants.

Les chiffres sont sans appel : deux tiers des étudiants échouent à intégrer une filière de santé, et la plupart d’entre eux se réorientent vers des disciplines sans lien avec leur projet initial. C’est une situation qui angoisse autant les familles que les étudiants, en particulier à ce moment crucial de l’orientation.

D’autre part, la crise de la prise en charge et les difficultés d’accès aux soins affectent nos territoires. Ainsi, l’on constate que seul un étudiant sur cinq admis en santé vient d’une commune rurale, alors même que le lieu de formation influence largement le lieu d’installation, nous le savons.

Face à ces constats, cette proposition de loi apporte des réponses de bon sens, guidées par la simplification, la lisibilité, la décentralisation et, enfin, les vocations.

Simplification, car elle met fin à la coexistence qui existe dans le Pass-LAS, un dispositif profondément inéquitable, pour instaurer une voie unique d’accès aux études de santé, adossée à une licence universitaire comportant une majorité d’enseignements en santé. Cela redonnera de la cohérence et de la lisibilité au parcours étudiant, tout en maintenant la possibilité de se réorienter en cas d’échec.

Concernant l’attractivité et la décentralisation, cette première année de licence sera ouverte dans chaque département, afin que l’accès aux études de santé ne soit plus réservé aux grandes villes. Former localement, c’est permettre aux médecins de soigner localement. Ainsi, à terme, deux tiers des internes seront formés dans la région où ils ont validé leur deuxième cycle.

L’ouverture des postes en médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie et kinésithérapie sera désormais ajustée à la démographie médicale et aux besoins de santé des territoires.

Pour y parvenir, la réforme devra également s’appuyer sur des licences d’adossement cohérentes, ouvertes à la biologie, aux mathématiques ou aux sciences de l’ingénieur. Il est essentiel de créer des passerelles pour que la médecine contemporaine bénéficie de profils variés et innovants.

S’agissant des vocations, le dispositif viendra renforcer l’orientation des jeunes grâce à des options santé dans les lycées. Il s’agit là d’une méthode reconnue qui permet aux lycéens, notamment dans les zones sous-dotées, de découvrir les métiers du médical et du paramédical et, ainsi, d’envisager plus facilement des études dans ces filières.

Par ailleurs – c’est encore une mesure de bon sens, cette fois pour la filière pharmacie –, le texte ouvre, à titre expérimental, un accès direct via Parcoursup. Cette innovation permettra de recruter des étudiants motivés dès le lycée, tout en évitant les places vacantes que connaît trop souvent cette formation.

En conclusion, en réformant les formations en santé, nous travaillons pour l’avenir de nos enfants, de nos étudiants et de nos médecins. Ce texte de notre collègue Corinne Imbert – je tiens à saluer son remarquable travail – est une réponse concrète, équilibrée et ambitieuse à ces défis.

Le groupe de l’Union Centriste votera ce texte avec la conviction que, en clarifiant les études de santé et en les rapprochant du terrain, nous rapprochons aussi nos médecins de leur territoire et nos concitoyens de l’accès aux soins. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.

Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je veux remercier Corinne Imbert de cette proposition de loi, ainsi que les rapporteurs de leur important travail.

Diversifier les profils des étudiants, simplifier le système et faciliter la réorientation en cas d’échec, tels étaient les objectifs ambitieux de la réforme de 2019. Celle-ci a remplacé la Paces, voie d’accès unique, par le système Pass-LAS, offrant deux voies d’accès distinctes.

Cinq ans après sa mise en place, force est de constater les écueils de cette réforme. Ce constat, pour une fois, nous rassemble d’un bout à l’autre de l’hémicycle.

Tout en corrigeant certains défauts de l’ancien système, cette refonte en a suscité de nouveaux. Elle a notamment créé une inégalité manifeste. Les étudiants du Pass, formés par une première année en matière de santé, réussissent davantage que les étudiants des LAS, qui doivent se concentrer sur leur licence et leur mineure en santé afin d’accéder au Graal.

Par ailleurs, la lisibilité du système n’a nullement été améliorée – bien au contraire ! Les critères permettant de départager les étudiants issus de ces deux filières sont devenus quasiment incompréhensibles.

La Cour des comptes, dans son rapport de 2024, a elle-même souligné la complexité du dispositif et la mise en œuvre chaotique de la réforme. Elle appelait à un retour à une voie d’accès unique, sans pour autant revenir à la Paces, dont les défauts étaient nombreux, notamment le redoublement et les difficultés de réorientation en cas d’échec.

Ce n’est pas un retour en arrière qui nous est proposé, mais une refondation. La proposition de loi entend donc corriger les faiblesses de la Paces comme celles du Pass-LAS, sans créer de nouvelles difficultés. Elle vise à revenir à une voie d’accès unique, tout en offrant de véritables possibilités de réorientation. Enfin, elle tend à intégrer la massokinésithérapie dans cette voie d’accès, reconnaissant ainsi une réalité ancienne et légitime.

Toutefois, le texte ne se limite pas à revenir sur la réforme de 2019. Il porte une vision plus large de la formation en santé et, en conséquence, de l’accès aux soins.

Nous savons combien l’origine géographique influence le lieu d’installation des professionnels de santé. Pourtant, dans vingt-cinq départements, un étudiant qui rêve de devenir médecin doit encore quitter son territoire dès la première année. Comment s’étonner ensuite qu’il n’y revienne pas ? La proposition de loi prévoit qu’à l’horizon 2030, chaque département offre ce cursus, laissant aux universités le temps nécessaire pour s’y préparer.

De même, le lieu d’internat influe fortement sur le lieu d’exercice. La proposition de loi prévoit donc une meilleure couverture territoriale des internes. Elle met en œuvre une territorialisation partielle du troisième cycle et fixe l’objectif que deux tiers des étudiants puissent accomplir leur internat dans la région où ils ont effectué leur deuxième cycle.

Mes chers collègues, ces mesures de bon sens amélioreront la formation, le bien-être mental des étudiants et la répartition des futurs professionnels sur le territoire. Il ne faut cependant pas oublier que la condition première d’une bonne répartition est le nombre suffisant de professionnels concernés. L’accès aux soins de nos concitoyens dépend avant tout de cet impératif, qu’il faut articuler avec des politiques de répartition équilibrées.

C’est aussi tout l’enjeu de l’article 2 : garantir un nombre suffisant de pharmaciens.

Depuis plusieurs années, la filière pharmacie connaît un désintérêt croissant, qui a atteint un point culminant en 2022 avec 1 100 places vacantes. Certaines universités affichent même un taux de vacance de 30 %, entraînant une baisse du nombre de pharmaciens diplômés.

Afin d’inverser cette tendance, la proposition de loi propose d’expérimenter, pendant cinq ans, l’accès direct aux études de pharmacie, immédiatement après le baccalauréat, pour un tiers des places proposées.

Nous avons entendu les réserves exprimées par les étudiants et, à ce titre, nous considérons que l’aspect expérimental de cet article est bienvenu. Nous préférerions donc que cet accès direct demeure exceptionnel. C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement n° 1 rectifié bis de notre collègue Daniel Chasseing visant à prévoir l’application de ce dispositif uniquement en cas de vacance de places l’année précédente.

En dépit de cette dernière réserve, ce texte nous semble aller dans le bon sens. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires le soutiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mmes Marie-Do Aeschlimann et Élisabeth Doineau applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Rojouan. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, depuis plusieurs années, le Sénat alerte sur la dégradation de l’accès aux soins. Les chiffres sont sans appel : près de 7 millions de nos concitoyens n’ont plus de médecin traitant, un tiers des Français vit aujourd’hui dans un territoire sous-doté et la France a perdu plus de 2 500 médecins généralistes en cinq ans.

Nous sommes donc bien dans ce que, ici même, nous avons qualifié il y a quelque temps de « décennie noire médicale ».

Face à ce constat, cette proposition de loi sur les formations en santé apporte une réponse structurelle et lucide. Elle s’attaque à la racine du problème : la manière dont nous formons et accompagnons les futurs soignants sur notre territoire.

Je veux saluer ici le travail de notre collègue Corinne Imbert, qui poursuit une démarche de cohérence entre formation et aménagement du territoire, une démarche que nous appelions de nos vœux dans nos différents rapports d’information.

Le texte corrige d’abord les effets d’une réforme de 2019 qui a profondément déstabilisé les études de santé. Le dispositif Pass-LAS, jugé illisible par la Cour des comptes, a créé des inégalités entre universités et entre étudiants.

Ce texte propose la refonte du dispositif avec une voie unique d’accès. Avec l’organisation par les universités d’une première année dans chaque département, couplée à l’extension à l’ensemble du territoire national de l’expérimentation de l’option santé dans les lycées des zones sous-denses, la proposition de loi permettra à davantage de jeunes, notamment issus des milieux modestes et des territoires ruraux, d’intégrer les études de santé.

C’est un enjeu majeur. Selon l’Insee, la moitié des médecins exercent à moins de 85 kilomètres de leur lieu de naissance. En favorisant la diversification géographique et le recrutement de proximité, le texte répond à un double impératif : l’égalité des chances et l’efficacité territoriale.

En effet, nous le savons, les étudiants issus des zones sous-dotées sont les plus enclins à venir s’y installer. Diversifier les origines géographiques des étudiants, c’est donc préparer dès aujourd’hui une meilleure répartition des médecins demain. Je me réjouis donc que cette orientation puisse être inscrite dans la loi. Elle traduit dans les faits l’idée que nous défendons depuis longtemps : la formation n’est pas seulement une question universitaire. C’est un instrument d’équilibre territorial.

La proposition de loi marque aussi un tournant, en territorialisant la formation et en corrélant les affectations des étudiants par spécialité et les besoins du territoire. En fixant comme objectif l’affectation de deux tiers des étudiants accédant au troisième cycle dans la région où ils ont préalablement réalisé leurs études, elle rapproche l’offre de formation des besoins réels de santé. En effet, là où l’on forme, on soigne ; là où l’on apprend, on s’installe !

Cette logique de proximité, qui s’appuie sur une concertation destinée à évaluer les besoins de santé des territoires, nous l’avions appelée de nos vœux dans nos rapports d’information successifs sur les inégalités d’accès aux soins. Elle doit pouvoir redonner toute sa place aux élus locaux, qui connaissent mieux que quiconque les besoins de leurs habitants.

La question du maillage universitaire et de la répartition des lieux d’enseignement devra continuer d’être au cœur de notre réflexion. Peut-être faudra-t-il, à terme, aller encore plus loin pour sortir définitivement d’un modèle trop centré sur les grands CHU, afin que les territoires éloignés bénéficient eux aussi d’une présence universitaire durable en matière de santé. J’y suis pour ma part pleinement favorable.

Ce texte aborde également un enjeu essentiel, celui de la formation pratique. En améliorant les conditions d’accueil des étudiants en stage par la création d’un statut de maître de stage, il permet un encadrement plus qualitatif. En renforçant la place des stages en médecine de ville, dans les maisons de santé pluriprofessionnelles ou les hôpitaux de proximité, il permet aux étudiants de découvrir des modes d’exercice plus variés, plus collectifs et, surtout, plus ancrés dans la réalité quotidienne du soin.

L’ouverture de ces nouveaux lieux d’accueil pour les étudiants de quatrième année permettra une meilleure mise en œuvre de la réforme du troisième cycle de médecine générale dans les zones sous-denses, initiée et soutenue par le Sénat. C’est essentiel, puisque nous savons qu’un étudiant ayant effectué un stage dans une zone sous-dotée a trois fois plus de chances de s’y installer par la suite. Ce levier concret est sans doute l’un des plus puissants pour répondre à la désertification médicale.

Enfin, cette proposition de loi apporte une réponse de fond à la question de la planification. Le nombre d’étudiants admis en deuxième année de médecine n’a progressé que de 16 % entre 2020 et 2024, alors même que la population vieillit et que les départs à la retraite s’accélèrent. En instaurant une évaluation territoriale des besoins de santé, ce texte permettra d’ajuster les capacités de formation aux réalités locales.

Mes chers collègues, cette proposition de loi vise à améliorer concrètement le système de formation en santé.

Elle met la formation au service de la santé publique : former davantage, former autrement et, surtout, former là où les besoins sont les plus criants. Je salue donc ce texte, qui donne la cadence pour la médecine de demain, cette médecine humaine et équitable qui n’oublie aucun territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. Mes chers collègues, il est bientôt vingt heures. Je vous propose de poursuivre l’examen de ce texte, sans pour autant dépasser vingt et une heure quinze.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Sans trop vouloir vous contraindre, je vous invite donc à une certaine concision…

La parole est à Mme Solanges Nadille.

Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Corinne Imbert a pour ambition d’améliorer l’organisation des études de santé dans notre pays, à la fois en réformant ses modalités d’accès et en modifiant la répartition territoriale des étudiants de troisième cycle de médecine générale.

Elle s’appuie en particulier sur les conclusions de la Cour des comptes, qui a souligné en décembre dernier les limites de la loi de 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé (OTSS), ainsi que sur les travaux de la commission des affaires sociales et de la commission de la culture du Sénat.

S’agissant de l’accès aux études de santé, l’article 1er tend à refondre le dispositif dit Pass-LAS en une voie unique d’accès aux études de médecine, de maïeutique, d’odontologie, de pharmacie (MMOP) et de massokinésithérapie. Il acte ainsi, en partie, l’échec de la réforme de la première année commune aux études de santé, la Paces, dont les concours de fin d’année conditionnaient jusqu’en 2020 l’entrée en deuxième année. La Paces entraînait, nous le savons, un taux d’échec particulièrement élevé : sur les 40 000 bacheliers inscrits en première année, un tiers seulement poursuivait ses études en santé.

La loi OTSS du 24 juillet 2019 a ainsi tenté de répondre aux limites de ce modèle, via la mise en place du dispositif Pass-LAS. Ce dernier a permis d’augmenter le nombre de places disponibles, en particulier en médecine, ainsi que le taux d’accès en filière MMOP. Ses limites se sont pourtant rapidement fait sentir. Les dysfonctionnements ont été nombreux dans la mise en place de la réforme, l’offre de formation étant aujourd’hui marquée par une grande disparité de situations et par un manque criant de lisibilité.

J’ai été, comme vous, très marquée pendant nos travaux par le désarroi des étudiants et de leurs familles. Celui-ci explique d’ailleurs en partie le succès des établissements privés de préparation aux études de santé, les « prépas santé », qui se présentent comme des alternatives au tutorat et qui proposent un accompagnement en première année, voire, dans certains cas, dès le lycée. Près d’un jeune sur deux se serait inscrit dans ces formations, dont les tarifs, parfois prohibitifs – plusieurs milliers d’euros –, portent atteinte au principe d’égalité des chances.

La Cour des comptes a ainsi rappelé que l’inscription dans un établissement d’enseignement privé ne pouvait devenir une condition nécessaire à l’accès aux filières MMOP. Je sais le Gouvernement sensible à cette question ; mon collègue Martin Lévrier et moi-même sommes prêts à travailler avec vous, madame, monsieur les ministres, à un meilleur encadrement de ces pratiques.

Il faut diversifier l’origine sociale et l’origine géographique. La réforme de 2019 a échoué sur ces deux tableaux.

L’ouverture d’une première année de cette voie unique dans chaque département et l’extension de l’expérimentation des options santé dans les lycées de zones sous-denses, prévues aux articles 1er et 3, nous semblent ainsi aller dans le bon sens.

Concernant enfin la territorialisation des études de médecine, l’article 4 fixe comme objectif l’affectation de deux tiers des étudiants accédant au troisième cycle dans la région dans laquelle ils ont préalablement réalisé leurs études.

Le lieu d’internat figure en effet parmi les principaux déterminants du choix du lieu d’exercice. Nous ne le savons que trop bien dans mon territoire, la Guadeloupe, où l’on a vu trop souvent les étudiants partir pour ne pas revenir.

Nous nous satisfaisons enfin des mesures du troisième chapitre, qui visent à améliorer les modalités et les conditions d’accueil des étudiants en stage, qu’il s’agisse de la création de statuts homogènes de maîtres de stage universitaires ou de l’accueil à titre transitoire de docteurs juniors par des médecins généralistes non encore agréés.

Le groupe RDPI votera évidemment pour cette proposition de loi, tout en restant attentif aux conclusions que le Gouvernement tirera de la concertation nationale sur l’accès aux études de santé que vous venez d’évoquer, madame, monsieur les ministres.

Il nous revenait d’apporter une première réponse. Gageons que cette concertation permettra de formuler des propositions concrètes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous en convenons tous, et je l’ai dit à plusieurs reprises, une réforme des études en santé est nécessaire. Elle revêt une importance cruciale tant pour le bien-être des étudiants que pour la réorganisation indispensable de notre système de santé dans le cadre de la lutte contre les déserts médicaux.

À ce jour, tout le monde s’accorde à dire que la réforme Pass-LAS est un échec, notamment du fait de sa complexité, de son manque de visibilité pour l’ensemble des acteurs et de l’hétérogénéité de son application sur le territoire.

Elle est aujourd’hui responsable du mal-être de nombreux étudiants et, selon un sondage de la Cour des comptes, l’inscription en LAS est subie par 53 % des inscrits, 79 % des étudiants qui ne poursuivent pas en médecine se réorientant vers une discipline qui n’est pas celle qu’ils avaient suivie pendant leur formation LAS, ce qui est un comble.

Nous saluons donc la volonté de Corinne Imbert de réformer, grâce à ce texte, l’accès aux études de médecine en créant une voie d’accès unique, avec une première année universitaire comportant une majorité d’enseignements relevant du domaine de la santé. Cette voie d’accès unique intégrera les masseurs-kinésithérapeutes. Cette intégration nous semble logique, mais nous souhaiterions vous alerter sur le risque de départ à l’étranger des étudiants n’ayant pas réussi cette première année, comme c’était le cas auparavant avec la première année commune aux études de santé (Paces).

La proposition de loi prévoit également l’obligation pour les universités de mettre en place cette première année dans chaque département.

Des antennes universitaires délocalisées ont déjà été mises en place, comme à Nevers, dans la Nièvre, depuis 2020. Le taux de réussite au concours de première année y a été de 61 % en 2023, ce qui est un excellent résultat.

Néanmoins, le succès est très dépendant d’une ville à l’autre et repose en fait sur la mise en place d’un tutorat efficace, qui évite le recours à des écoles de préparation qui ont des coûts exorbitants, comme l’ont relevé nombre de nos collègues. Cette départementalisation nécessitera bien sûr des moyens financiers supplémentaires.

À l’article 2, il est proposé une dérogation à cet accès unique avec un accès direct aux études de pharmacie. Nous comprenons les enjeux de cette disposition. En effet, l’ensemble des places de la filière pharmacie n’est pas pourvu. Cette profession est pourtant fondamentale, en particulier pour les communes rurales. Pour autant, cette mesure va à l’encontre de l’objectif de décloisonnement que vise le texte et ne nous paraît donc pas opportune.

L’article 3 tend à élargir l’expérimentation de l’option santé dans les lycées des zones sous-denses, afin de favoriser la diversification géographique du recrutement.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain partage pleinement cet objectif. Nous avons évoqué à plusieurs reprises les expérimentations à ce sujet, en particulier en Occitanie, où dix-sept lycées se sont engagés dans ce projet. C’est le cas du lycée de Saint-Céré, dont a parlé notre collègue Raphaël Daubet précédemment.

Nous aurions pourtant aimé aller plus loin en pérennisant ce dispositif et en l’élargissant aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais nos amendements ont été retoqués sur le fondement de l’article 40 de la Constitution.

La proposition de loi instaure également le principe de territorialisation du troisième cycle. Ainsi, pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins sur le territoire, il est prévu que deux tiers des étudiants pourront accéder au troisième cycle dans la région dans laquelle ils ont validé leur deuxième cycle.

Cette mesure est assez floue et complexe à organiser. Elle risque surtout d’entraîner une rupture d’égalité, puisque toutes les subdivisions ne sont pas en mesure d’offrir les mêmes spécialités ni les mêmes capacités de formation. De surcroît, tous les étudiants y sont opposés.

Enfin, le texte prévoit la création d’un statut de maître de stage uniforme au sein de l’ensemble des formations en santé. Nous sommes d’accord avec cette disposition. Pour développer les stages, particulièrement dans les zones sous-dotées, il est crucial d’accroître le nombre de maîtres de stage. Il faut valoriser et potentiellement rendre obligatoire cette fonction. Il est donc essentiel que l’on donne des moyens supplémentaires à ce dispositif.

En parallèle, il nous semble essentiel d’aborder la question des lieux de stage. Aujourd’hui, la majorité d’entre eux se déroulent dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) de métropole, limitant ainsi le contact des étudiants avec la réalité des cabinets de médecine en libéral. Cette situation freine l’émergence de vocations et constitue un obstacle à l’installation des jeunes médecins dans les territoires.

Nous proposons donc de renforcer les stages en dehors des CHU, dès le deuxième cycle, dans des cabinets de médecins généralistes, des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), des centres de santé, des services spécialisés de prévention en école ou entreprise, ou des services de protection maternelle et infantile (PMI).

En conclusion, si certaines mesures de ce texte facilitent la lisibilité et l’accessibilité des études en santé, il nous apparaît que cette réforme aurait dû s’inscrire au sein d’un texte bien plus vaste portant sur une réforme globale de la formation en santé. Vous venez de dire, madame, monsieur les ministres, qu’une concertation en ce sens avait commencé ce matin. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Vous n’êtes pas là depuis longtemps, donc nous ne pouvons pas vous reprocher de ne pas l’avoir organisée avant… (Protestations sur les travées du groupe SER.)

En tout cas, il nous semble qu’une telle réforme est indispensable pour apporter une réponse cohérente aux besoins de nos territoires en matière de santé.

À cet égard, l’Académie nationale de médecine, dans un rapport sur la formation médicale initiale publié en février 2025, note que, si l’université offre aux étudiants des connaissances scientifiques et médicales, elle ne les forme pas au vrai métier de médecin. Elle recommande ainsi de former des étudiants dans une perspective de santé globale, incluant la prévention, la réadaptation et l’exercice partagé en équipes pluriprofessionnelles.

Elle préconise donc un système universitaire licence-master-doctorat (LMD), dans lequel la licence serait le creuset de toutes les formations en santé.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Émilienne Poumirol. Une proposition de loi sur un sujet aussi important, qui concerne deux ministères, ne peut apporter qu’une réponse partielle. Aussi, nous comptons sur vous pour envisager une approche plus globale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’accès aux soins est désormais une inquiétude majeure de nos concitoyens, voire leur premier sujet d’angoisse. Dans ce contexte, les propositions législatives se succèdent rapidement, s’enchaînent précipitamment et s’entrechoquent même parfois.

Or il nous faudrait une stratégie claire, qui se construise sur une base évidente : celle de la formation.

La réforme de 2019 devait diversifier les profils des étudiants en santé, améliorer leur réussite, développer des passerelles. Force est de constater que c’est un échec : cette refonte des études, qui devait faire gagner 50 millions d’euros, coûte finalement 125 millions d’euros.

Pis, le profil social des étudiants est toujours le même ; 63 % d’entre eux perdent une année d’études ; les disparités entre facultés se sont aggravées ; des places sont vacantes en pharmacie et en maïeutique ; le cursus est devenu illisible et le choix partir pour faire des études à l’étranger ne diminue pas. Les étudiants expriment globalement leur insatisfaction.

Le constat est collectif et confirmé par un récent rapport de la Cour des comptes, qui souligne que cette réforme nationale d’ampleur n’avait aucun comité de suivi. C’est totalement consternant !

Il est donc urgent d’y revenir, et je salue le travail de ma collègue Corinne Imbert, ainsi que celui des rapporteurs.

Je soutiens particulièrement l’article 1er de cette proposition de loi, qui prévoit de mettre en place dans chaque département une voie d’accès aux études en santé.

En tant qu’élue de la Nièvre – je remercie Émilienne Poumirol d’avoir cité ce département –, où le Campus Connecté permet à de jeunes ruraux de suivre à distance la première année de Pass de Dijon, je milite depuis longtemps pour que les dispositifs de ce type se généralisent. Vous le savez peut-être, mes chers collègues, depuis Nevers, chaque année, une promotion d’étudiants obtient de brillants résultats, allant jusqu’à 75 % de réussite. Il s’agit de jeunes qui, pour des raisons financières et logistiques, auraient probablement renoncé à ces filières.

Pour la première fois, cette année, l’hôpital de Nevers voit revenir en externat de jeunes Nivernais, ceux des premières promotions.

Aussi, je profiterai de cette tribune, et des travaux budgétaires à venir, pour défendre avec insistance le dispositif Campus Connecté, qui a fait ses preuves. Il est, dans nos territoires ruraux, absolument stratégique. Les budgets doivent impérativement être sanctuarisés. Une visibilité pluriannuelle permettrait de renforcer encore les actions et de sortir enfin du marasme dans les déserts médicaux, qui sont en fait d’anciens déserts de formation.

Certains points de ce texte sont encore à débattre, mais j’en soutiens principalement deux : celui que je viens d’évoquer, et la création des postes d’internat en fonction des besoins des territoires. C’est en effet sur cette base que doit se construire une véritable stratégie de formation, évoquée en préambule et restée inaboutie à ce jour. Sans elle, la seule suppression du numerus clausus resterait inutile et ne réglerait pas grand-chose.

Je le rappelle, une meilleure répartition territoriale des professionnels de santé pourrait nous faire économiser, selon la Cour des comptes, plus de 3 milliards d’euros par an, et une simple augmentation des effectifs sans logique de rattrapage ne saurait constituer la réponse à la crise que nous traversons actuellement.

Je souhaite enfin insister sur la mise en œuvre de la quatrième année de spécialité en médecine générale. Nous nous sommes engagés, auprès d’étudiants qui sont au terme d’un cursus exigeant, à ce que cette année soit pour eux enrichissante et réellement formatrice ; qu’elle soit un aboutissement et puisse susciter, dans le meilleur des cas, des vocations et des projets d’installation.

Nous ne pouvons pas manquer le rendez-vous avec les docteurs juniors. Aussi, je vous demande d’en faire une priorité, afin que les maîtres de stage qui souhaitent s’engager puissent le faire au plus vite, dans des conditions optimales, et que les étudiants y trouvent du sens.

C’est au prix d’un cursus revisité que nous offrirons à nos futurs étudiants en santé, eux qui portent sur leurs jeunes épaules le poids d’une très forte attente sociétale, de la visibilité et un avenir désirable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)