M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Émilienne Poumirol. Une proposition de loi sur un sujet aussi important, qui concerne deux ministères, ne peut apporter qu’une réponse partielle. Aussi, nous comptons sur vous pour envisager une approche plus globale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’accès aux soins est désormais une inquiétude majeure de nos concitoyens, voire leur premier sujet d’angoisse. Dans ce contexte, les propositions législatives se succèdent rapidement, s’enchaînent précipitamment et s’entrechoquent même parfois.
Or il nous faudrait une stratégie claire, qui se construise sur une base évidente : celle de la formation.
La réforme de 2019 devait diversifier les profils des étudiants en santé, améliorer leur réussite, développer des passerelles. Force est de constater que c’est un échec : cette refonte des études, qui devait faire gagner 50 millions d’euros, coûte finalement 125 millions d’euros.
Pis, le profil social des étudiants est toujours le même ; 63 % d’entre eux perdent une année d’étude ; les disparités entre facultés se sont aggravées ; des places sont vacantes en pharmacie et en maïeutique ; le cursus est devenu illisible et le choix de partir pour faire des études à l’étranger ne diminue pas. Les étudiants expriment globalement leur insatisfaction.
Le constat est collectif et confirmé par un récent rapport de la Cour des comptes, qui souligne que cette réforme nationale d’ampleur n’avait aucun comité de suivi. C’est totalement consternant.
Il est donc urgent d’y revenir et je salue le travail de ma collègue Corinne Imbert, ainsi que celui des rapporteurs.
Je soutiens particulièrement l’article 1er de cette proposition de loi, qui prévoit de mettre en place dans chaque département une voie d’accès aux études en santé.
En tant qu’élue de la Nièvre – je remercie Émilienne Poumirol d’avoir cité ce département –, où le Campus Connecté permet à de jeunes ruraux de suivre à distance la première année de Pass de Dijon, je milite depuis longtemps pour que les dispositifs de ce type se généralisent. Vous le savez peut-être, mes chers collègues, depuis Nevers, chaque année, une promotion d’étudiants obtient de brillants résultats, allant jusqu’à 75 % de réussite. Il s’agit de jeunes qui, pour des raisons financières et logistiques, auraient probablement renoncé à ces filières.
Pour la première fois, cette année, l’hôpital de Nevers voit revenir en externat de jeunes Nivernais, ceux des premières promotions.
Aussi, je profiterai de cette tribune, et des travaux budgétaires à venir, pour défendre avec insistance le dispositif Campus Connecté, qui a fait ses preuves. Il est, dans nos territoires ruraux, absolument stratégique. Les budgets doivent impérativement être sanctuarisés. Une visibilité pluriannuelle permettrait de renforcer encore les actions et de sortir enfin du marasme dans les déserts médicaux, qui sont en fait d’anciens déserts de formation.
Certains points de ce texte sont encore à débattre, mais j’en soutiens principalement deux : celui que je viens d’évoquer et la création des postes d’internat en fonction des besoins des territoires. C’est en effet sur cette base que doit se construire une véritable stratégie de formation, évoquée en préambule et restée inaboutie à ce jour. Sans elle, la seule suppression du numerus clausus resterait inutile et ne réglerait pas grand-chose.
Je le rappelle, une meilleure répartition territoriale des professionnels de santé pourrait nous faire économiser, selon la Cour des comptes, plus de 3 milliards d’euros par an, et une simple augmentation des effectifs sans logique de rattrapage ne saurait constituer la réponse à la crise que nous traversons actuellement.
Je souhaite enfin insister sur la mise en œuvre de la quatrième année de spécialité en médecine générale. Nous nous sommes engagés, auprès d’étudiants qui sont au terme d’un cursus exigeant, à ce que cette année soit pour eux enrichissante et réellement formatrice ; qu’elle soit un aboutissement et puisse susciter, dans le meilleur des cas, des vocations et des projets d’installation.
Nous ne pouvons pas manquer le rendez-vous avec les docteurs juniors. Aussi, je vous demande d’en faire une priorité, afin que les maîtres de stage qui souhaitent s’engager puissent le faire au plus vite, dans des conditions optimales, et que les étudiants y trouvent du sens.
C’est au prix d’un cursus revisité que nous offrirons à nos futurs étudiants en santé, eux qui portent sur leurs jeunes épaules le poids d’une très forte attente sociétale, de la visibilité et un avenir désirable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
Mme Marie-Do Aeschlimann. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mesdames, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, c’est la troisième fois cette année que le Sénat examine un texte sur la santé. Cela montre bien que notre système de santé doit évoluer pour répondre à des défis sanitaires inédits : le vieillissement de la population, la progression des maladies chroniques, la pénurie des soignants, ainsi que leur inégale répartition, qui aggravent les fractures territoriales et alimentent les renoncements aux soins.
Dans ce contexte, repenser l’accès, le parcours et l’ancrage territorial de la formation en santé est une nécessité.
La proposition de loi relative aux formations en santé déposée par notre collègue Corinne Imbert, que je salue, a été largement cosignée. Elle s’inscrit dans la continuité des travaux récents menés par notre assemblée. Après l’adoption, au printemps dernier, de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires, déposée par le président de la commission des affaires sociales, Philippe Mouiller, ce texte constitue en quelque sorte le second étage de la fusée destinée à adapter notre système de santé aux défis déjà exposés.
La présente proposition de loi part du constat de l’échec des dispositifs parcours d’accès spécifique santé et licence accès santé, instaurés par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé et mis en œuvre depuis 2020.
Notre collègue Sonia de La Provôté en avait pointé les nombreuses lacunes dans deux rapports réalisés au nom de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Notre collègue Bruno Rojouan, pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, avait également souligné la complexité de cette réforme et ses effets pervers en matière d’inégalités territoriales d’accès aux soins.
Ce constat d’échec est partagé sur l’ensemble de nos travées, mais aussi par la Cour des comptes, qui a produit, voilà moins d’un an, un rapport sur le sujet, sur saisine de la commission des affaires sociales du Sénat.
Après cinq années de fonctionnement, chacun en convient, le système Pass-LAS relève davantage de Kafka que d’Hippocrate. Ce système illisible accentue les inégalités entre les étudiants et mine l’attractivité des filières de santé. D’ailleurs, il a été mis en œuvre de façon plus qu’hétérogène par les universités, accentuant son caractère inégalitaire, illisible et inefficace. Cet échec largement documenté des voies d’accès Pass-LAS justifie pleinement la réforme de l’accès aux études en santé proposée par ce texte.
Je salue donc la volonté de créer une voie unique d’accès aux formations en médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie et, désormais, massokinésithérapie, une initiative salutaire pour simplifier l’entrée dans ces filières et offrir une meilleure lisibilité, sans pour autant uniformiser aveuglément.
L’orientation vers les métiers de santé et leur découverte grâce à l’ouverture d’options santé dans les lycées des zones sous-dotées représente également une avancée majeure pour combattre l’autocensure, diversifier les profils et offrir de réelles perspectives d’avenir aux jeunes des territoires les plus fragiles.
J’y suis particulièrement sensible en tant qu’ancienne vice-présidente de la région Île-de-France en charge de la formation professionnelle. En empruntant ce virage dès maintenant, mes chers collègues, nous n’en verrons les premiers effets que dans une dizaine d’années. Il y a donc urgence.
Encore trop de départements sont dépourvus de première année d’études en santé. La territorialisation des formations proposée dans ce texte est le pendant naturel et indispensable de la territorialisation des soins. Le texte territorialise également le troisième cycle des études de médecine.
Deux tiers des étudiants devront donc effectuer ce cycle dans la région où ils ont validé leur second cycle, mais il sera tenu compte de la démographie médicale, des besoins sanitaires et des capacités de formation. Cette mesure permettra de fidéliser les futurs médecins dans les territoires fragilisés par les déserts médicaux, tout en préservant la liberté d’installation.
L’expérimentation dans la filière pharmacie d’un accès direct via Parcoursup constitue aussi une réponse pragmatique pour en finir avec les places vacantes – environ 200 à la rentrée 2024 –, dans un contexte qui a vu plus de 1 800 pharmacies d’officine fermer en dix ans.
Enfin, je tiens à souligner l’importance de l’harmonisation tant attendue des statuts et des conditions des maîtres de stage, qui bénéficient avec ce texte d’un cadre clair et juste en matière de formation, d’agrément et de rémunération. C’est un élément décisif pour la qualité de la formation pratique et l’accompagnement des étudiants.
Mes chers collègues, la conjoncture politique nous oblige à choisir une stratégie des petits pas, mais chaque pas est important. Nous sommes aujourd’hui amenés à voter un texte équilibré, proposant des solutions concrètes pour améliorer l’accès aux formations en santé. C’est assurément un pas dans la bonne direction.
Aussi, je tiens à saluer la qualité du travail réalisé par notre collègue Corinne Imbert et nos trois rapporteurs. Ils tracent une voie crédible pour répondre à des défis pressants. Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, je vous invite vivement à soutenir ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. David Ros. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. David Ros. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mesdames, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, ma collègue Émilienne Poumirol a indiqué la nature du vote à venir du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain concernant cette proposition de loi relative aux formations en santé.
Cette seconde intervention vise bien sûr à confirmer notre abstention, mais également à compléter notre position concernant les sujets traités par la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, saisie pour avis et dans laquelle je siège.
Notre collègue rapporteure pour avis de notre commission, Sonia de La Provôté, que je remercie des auditions qu’elle a spécifiquement menées, a pointé les difficultés d’une mise en œuvre de cette réforme pour la rentrée de 2026, ainsi que la nécessité d’un cadrage réglementaire plus serré de la part du ministère de l’enseignement supérieur.
J’en profite pour saluer la présence lors de nos débats du ministre en charge de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’espace, aux côtés de Mme la ministre de la santé.
L’auteure de cette proposition de loi a le mérite de vouloir réformer un système que l’on sait trop complexe, inéquitable, et d’évaluer la réforme Pass-LAS, qui était certes nécessaire, mais qui, selon la Cour des comptes, a été mal conçue et particulièrement difficile à mettre en œuvre.
Ainsi, les disparités territoriales dans les organisations opérationnelles universitaires rendent peu lisible le parcours des études en santé dès la première année pour les étudiants et les acteurs concernés. Certains passent le LAS, d’autres se lassent du Pass et, au vu des nombreux sas, hélas, il y a trop de casse… (Rires et applaudissements sur diverses travées.)
Mme Sonia de La Provôté, rapporteure pour avis. Et cela nous tracasse ! (Sourires.)
M. David Ros. Plus sérieusement, l’article 1er, au cœur du dispositif de cette proposition de loi, pose le principe d’une première année de licence commune organisée par les universités dans chaque département.
La faisabilité de cette réforme à l’échelle de chaque département pose question, d’autant plus que les moyens de l’université restent constants, voire diminuent. Les risques sont majeurs : disparités territoriales, conditions d’étude dégradées, avec des difficultés quant à la mise en œuvre des stages dans les territoires et des moyens matériels insuffisants.
C’est d’autant plus regrettable que les besoins présents et à venir en matière de santé sont tels qu’une réforme structurelle est plus que jamais nécessaire.
Or, pour que cette réforme soit autosuffisante et réellement efficace, il faut forcément traiter de la question des moyens, tant humains que matériels, notamment pour les stages et les périodes de formation sur le terrain. Cette proposition de loi de notre collègue Corinne Imbert peut donc résonner comme une invitation au dépôt d’un projet de loi qui viendrait s’appuyer sur ce texte, mais en le replaçant dans le cadre plus général de la formation, de la recherche universitaire et du mariage territorial des hôpitaux et des offres de soins en santé sous toutes leurs facettes.
C’est pour cela que notre groupe s’abstiendra, de façon bienveillante, mais exigeante. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative aux formations en santé
Chapitre Ier
Améliorer l’accès aux études de santé et diversifier le recrutement
Article 1er
I. – L’article L. 631-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :
– la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;
– après le mot : « maïeutique », sont insérés les mots : « et de masso-kinésithérapie » ;
b) À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « formations », sont insérés les mots : « de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique » ;
c) Le troisième alinéa est ainsi modifié :
– la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;
– après le mot : « maïeutique », sont insérés les mots : « et de masso-kinésithérapie » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ce parcours de formation peut consister : » ;
d) Après le même troisième alinéa, sont insérés des 1° et 2° ainsi rédigés :
« 1° Soit en une formation du premier cycle de l’enseignement supérieur dispensée par une université et conduisant à un diplôme national de licence ;
« 2° Soit en une formation conduisant à un titre ou diplôme d’État d’auxiliaire médical mentionné au livre III de la quatrième partie du code de la santé publique d’une durée minimale de trois années. » ;
e) Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
– la deuxième occurrence du mot : « ou » est remplacée par le signe : « , » ;
– après la première occurrence du mot : « maïeutique », sont insérés les mots : « ou de masso-kinésithérapie » ;
– la seconde occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;
– après la seconde occurrence du mot : « maïeutique », sont insérés les mots : « et de masso-kinésithérapie » ;
f) L’avant-dernier alinéa est complété par les mots : « et un accès de proximité sur l’ensemble du territoire national » ;
g) Après le même avant-dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La formation du premier cycle mentionnée au 1° du présent I comporte, en première année, une majorité d’enseignements relevant du domaine de la santé. Les autres disciplines pouvant être enseignées sont énumérées par arrêté des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé, dans le respect de critères fixés par décret en Conseil d’État et favorisant la réussite des étudiants. » ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Le 1° est ainsi modifié :
– la seconde occurrence du mot : « ou » est remplacée par le signe : « , » ;
– sont ajoutés les mots : « ou de masso-kinésithérapie » ;
b) Après le même 1°, sont insérés des 1° bis et 1° ter ainsi rédigés :
« 1° bis Les conditions dans lesquelles les étudiants inscrits dans la formation du premier cycle mentionnée au 1° du I peuvent demander un redoublement ;
« 1° ter (Supprimé) » ;
c) Le 2° est ainsi modifié :
– la dernière occurrence du mot : « ou » est remplacée par le signe : « , » ;
– sont ajoutés les mots : « ou de masso-kinésithérapie, de manière à favoriser l’information et le traitement équitable des candidats » ;
d) Le 4° est ainsi modifié :
– la seconde occurrence du mot : « ou » est remplacée par le signe : « , » ;
– sont ajoutés les mots : « ou de masso-kinésithérapie ».
II (nouveau). – Le I du présent article entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, le 1er septembre 2027.
III (nouveau). – L’article L. 631-1 du code de l’éducation, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est ainsi modifié :
1° Après l’avant-dernier alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les universités organisent dans chaque département des enseignements correspondant au moins à la première année de la formation du premier cycle mentionnée au même 1°. Elles transmettent annuellement aux ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé un bilan de la réussite des étudiants formés dans chaque département. » ;
2° Après le 1° bis du II, il est inséré un 1° ter ainsi rédigé :
« 1° ter Les modalités d’application de l’obligation, pour les universités, d’organiser dans chaque département des enseignements correspondant au moins à la première année de la formation du premier cycle mentionnée au même 1° ; ».
IV (nouveau). – Le III du présent article entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, le 1er septembre 2030.
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mmes Souyris, Poncet Monge, Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 21, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, incluant un volet consacré à la santé environnementale et à la transition écologique
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à permettre une véritable adéquation des études de santé avec les enjeux environnementaux contemporains. Il s’agit de proposer un volet qui soit consacré à la santé environnementale et à la transition écologique dans les formations du premier cycle des études en santé.
Cette formation répondrait à un double impératif, à la fois scientifique et sociétal. Alors que l’ensemble de la communauté scientifique ne cesse de démontrer les liens qui existent entre les facteurs environnementaux et la dégradation de la santé humaine, il est indispensable de former nos futurs soignants à ce sujet.
Seulement 35,1 % des étudiants en pharmacie ont eu accès à des enseignements sur des enjeux climatiques et environnementaux au cours de leur cursus. Ils pointent une hétérogénéité des formations selon les facultés. Seulement 12,9 % d’entre eux considèrent avoir suffisamment de cours autour de la santé environnementale. Dès lors, 85,4 % d’entre eux sont favorables à la mise en place d’enseignements sur les enjeux climatiques en santé.
Comment est-il possible que la santé environnementale soit une question autant marginalisée et négligée ? Pollution de l’air, substances chimiques, perturbateurs endocriniens, conditions de logement, de travail ou encore effet du changement climatique : tant de déterminants environnementaux affectent la santé publique.
La priorité établie pour la prévention appelle à former des soignants sur ces questions. Lancer ce volet dès la première année, c’est poser les bases d’une culture commune de santé globale, une culture reliant l’humain, l’organisation sociale et l’environnement.
Mes chers collègues, je vous invite donc à voter cet amendement, qui s’inscrit à la fois dans les objectifs nationaux de développement durable et dans les politiques de santé publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. Nous ne contestons pas du tout l’importance de la santé environnementale. Nous sommes même tout à fait conscients de cet enjeu.
Toutefois, notre rôle n’est pas de détailler les maquettes pédagogiques des universités. Celles-ci ont d’ailleurs déjà la possibilité d’inclure la santé environnementale dans leurs cursus, et bon nombre d’entre elles l’ont déjà fait.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Baptiste, ministre. Madame la sénatrice, je suis comme vous tout à fait favorable sur le fond à cette idée.
Je voudrais signaler que mon ministère a déjà mis en place un ensemble d’actions visant à sensibiliser et à former aux enjeux de la transition écologique et du développement durable dans tout l’enseignement supérieur. Un cahier des charges a été publié en 2023.
Concernant spécifiquement les formations en santé, la Conférence des doyennes et des doyens des facultés de médecine a élaboré un module national proposant un enseignement multidisciplinaire en santé environnementale.
Nous agissons donc d’ores et déjà en ce sens.
Nous devons cependant tenir compte de l’autonomie des établissements, ainsi que du caractère réglementaire des programmes. C’est pourquoi votre proposition n’a pas véritablement vocation à s’inscrire dans la loi aujourd’hui.
Pour ces raisons, je vous suggère de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Nous apportons tout notre soutien à cet amendement présenté par notre collègue Anne Souyris. Avec Mélanie Vogel, qui est aujourd’hui à ses côtés, nous avons travaillé, voilà quelques années, sur une sécurité sociale écologique du XXIe siècle, pour vraiment changer de paradigme en matière de santé. Nous devons mettre l’accent sur la prévention des risques climatiques, mais aussi sur l’alimentation, le sport, l’activité physique, etc.
Il s’agit d’encourager un changement de mentalité. Dès la première année, il faut avoir une approche globale de la santé et initier nos jeunes étudiants à une autre vision, qui ne serait plus simplement curative, comme c’est malheureusement le cas aujourd’hui avec cette formation très scientifique et très complexe. C’est d’ailleurs ce que préconise en tout cas l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Notre groupe votera donc en faveur de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par Mmes Souyris, Poncet Monge, Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la possibilité de déployer à titre expérimental des écoles normales des métiers de la santé, véritables lycées spécialisés post-baccalauréat, permettant d’assurer la diversification sociale et territoriale des étudiants accédant aux filières de formation médicales et paramédicales.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Les métiers et études de santé restent parmi les secteurs les plus marqués par la reproduction sociale. Les chiffres du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sont sans équivoque. Les jeunes provenant de familles d’ouvriers ou d’employés ne représentent que 10 % de l’effectif total des étudiants et des étudiantes de deuxième année.
Il est temps d’agir contre les inégalités territoriales et les déserts médicaux, mais également pour la nécessaire démocratisation des études de santé. Avec le présent amendement, nous appelons le Gouvernement à remettre un rapport sur la création à titre expérimental d’écoles normales des métiers de la santé, ENMS.
Ces expérimentations pourraient être mises en place dans les zones sous-dotées en offre de soins, telles qu’elles sont définies au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique, l’objectif étant de proposer des études financées et une bourse de vie en échange d’un engagement de dix ans d’exercice sur le territoire.
Ces écoles joueraient le rôle d’ascenseurs sociaux en offrant des formations en santé à un public diversifié, issu notamment de milieux modestes ou ruraux. Aussi, afin de consolider le lien entre ancrage territorial, lutte contre les déserts médicaux, formation et services publics de la santé, je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement.


