M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Naïma Moutchou, ministre. Vous avez raison, monsieur le sénateur, il faut être ferme avec tout le monde, mais il faut aussi être juste avec chacun. Le montant de l’amende que vous proposez est très élevé, à tel point que le dispositif contrevient à un certain nombre de principes juridiques, dont le principe constitutionnel de proportionnalité.
L’amende de 375 000 euros prévue à l’article 7 correspond à ce qui se pratique actuellement ; son montant est cohérent avec les dispositions figurant dans le code de commerce, d’autant que l’on parle ici d’obligations déclaratives…
J’ajoute qu’en doublant le montant de l’amende en cas de réitération, vous n’y allez pas avec le dos de la cuillère, si je puis me permettre : d’une certaine manière, vous quadruplez la sanction… Avec une telle mesure, on est loin de respecter la règle de proportionnalité en vigueur et l’échelle des peines, sans compter les conséquences qu’une telle sanction pourrait avoir pour la viabilité d’une entreprise.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.
M. Akli Mellouli. Pardonnez-moi, madame la ministre, mais je crois qu’il y a une petite confusion. Si j’ai évoqué le montant de 375 000 euros, c’est parce qu’il figure à l’article 6, article modifié à la suite de l’adoption de mon amendement n° 122… Avec l’amendement n° 123, je propose cette fois-ci de modifier l’article 7, qui prévoit une amende maximale de 750 000 euros : il n’est donc pas question de quadrupler la sanction, puisque notre ambition est de remplacer les montants en euros par des pourcentages…
J’ajoute, pardonnez-moi de vous le dire ainsi, qu’en termes d’équité il est préférable de fixer des sanctions en pourcentage de chiffre d’affaires plutôt qu’en montants bruts. Par exemple, la somme de 375 000 euros ne représente que 0,007 % du chiffre d’affaires de certains grands groupes, mais 20 % de celui de petites entreprises : il y a là une inégalité profonde.
J’évoquais donc un autre dispositif que celui de l’article 7, madame la ministre. Vous pouvez tout à fait contester l’argumentaire que j’ai développé à l’article 6 – c’est votre droit –, mais ce dernier a déjà été voté par le Sénat. Il semblerait que vous ne sachiez pas de quoi vous parlez, ce qui risque d’être problématique pour la suite de nos débats… (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Di Folco. Du calme !
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Pardonnez-moi, mais je ne comprends pas bien ce que nous sommes en train de faire : d’un côté, on se refuse à lever le secret des affaires, sujet tabou, auquel il ne faudrait pas toucher, au motif que l’on ne veut pas savoir à quel point certaines entreprises s’en mettent plein les poches ; et, de l’autre, on pinaille au sujet de ce qui pourrait leur faire du mal. Mes chers collègues, on ne le saura jamais si l’on ne fait pas la vérité complète sur le secret des affaires.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Mme la ministre conteste le niveau de la sanction, alors même qu’il s’agit de l’amende prévue en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. Il est donc question ici d’une amende infligée à des récidivistes, qui n’auront pas été dissuadés malgré une première amende d’un montant de 750 000 euros.
Que faire quand on a affaire à des endurcis ? Que faire face à des personnes qui résistent et ne respectent pas la loi ? Il faut que celle-ci sévisse ! Nous avons voté l’amendement n° 122 : il ne serait pas incohérent de voter celui-ci. Mais, une fois de plus, notre appel à davantage de transparence semble représenter une charge insupportable pour certains.
M. le président. L’amendement n° 50, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Après le montant :
150 000 €
insérer les mots :
, assorti d’une peine complémentaire d’interdiction de gérer un commerce pendant un an,
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. À l’image des communes qui préfèrent s’acquitter d’amendes plutôt que de respecter la loi SRU, certains groupes ou filiales préféreront ne pas respecter leurs obligations.
Pourtant, la transparence – une revendication récurrente – est un enjeu à la fois d’ordre public et sociétal.
Pour y répondre efficacement, la sanction en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive doit être dissuasive. Nous proposons donc de l’assortir d’une peine complémentaire d’interdiction de gérer un commerce pendant un an.
Cet amendement vise ainsi à adapter les sanctions au principe de réalité, notamment à la structuration de secteurs économiques à caractère monopolistique ou oligopolistique au sein desquels le comportement prédateur de certaines entreprises nuit à l’intérêt général.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement déjà rejeté en commission vise à prévoir une peine complémentaire d’interdiction de gérer un commerce pendant cinq ans en cas de non-transmission par les distributeurs des informations sur les marges arrière prévues à l’article 7 du projet de loi.
Afin de garantir l’effectivité du dispositif et de s’assurer que les grandes enseignes de la distribution transmettent bien les données attendues, une amende de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale est prévue, ces montants étant doublés en cas de récidive.
La commission estime qu’il convient de rester à un niveau de sanction proportionné à la faute commise. Autant le non-dépôt des comptes – obligation résultant du droit national et du droit de l’Union européenne – doit pouvoir faire l’objet de sanctions en pourcentage du chiffre d’affaires, autant la sanction en cas de non-transmission des informations sur les marges arrière prévues à l’article 7 doit rester mesurée.
Enfin, interdire de gérer un commerce pendant cinq ans irait à l’encontre de l’objectif de lutter contre les monopoles.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Naïma Moutchou, ministre. Dans ce type d’exercice, nous sommes contraints de tenir compte de l’existant, de comparer les mesures proposées avec ce qui se pratique et de respecter l’échelle des sanctions. En effet, une sanction excessive pourrait faire l’objet, demain, d’une question prioritaire de constitutionnalité qui ferait tomber le dispositif.
Je rappelle que l’interdiction de gérer un commerce est une sanction très lourde dans la hiérarchie des sanctions, puisqu’elle porte atteinte à une liberté constitutionnelle. La lier à une obligation déclarative me paraît donc disproportionné sur le plan juridique.
En outre, une telle interdiction ne peut pas être, vous le savez, une simple mesure administrative : elle nécessite l’intervention d’un tribunal, ce qui n’est pas prévu dans l’amendement.
Pour toutes ces raisons, j’y suis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 112 rectifié, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, lorsque trois entreprises ou moins détiennent plus de 70 % de parts de marché dans la distribution de produits de première nécessité, le préfet peut fixer, par arrêté, un taux maximal de marge brute applicable à ces produits pour une durée de douze mois renouvelable.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement vise à doter l’État d’un pouvoir d’encadrement temporaire des marges dans les secteurs où la concurrence n’existe tout simplement plus.
Il s’agit de répondre à un constat simple, mais alarmant : dans certaines collectivités d’outre-mer, trois entreprises, voire moins, contrôlent plus de 70 % de la distribution de produits essentiels.
Cette situation d’oligopole, combinée à l’éloignement géographique et aux coûts logistiques, crée un terreau fertile pour des marges abusives. À titre d’exemple, les prix du riz, des pâtes ou des couches pour bébés sont parfois de 30 % à 50 % plus élevés en outre-mer qu’en métropole, sans justification économique autre que l’absence de concurrence.
Face à cette situation, l’État a le devoir d’intervenir. Nous proposons comme solution un mécanisme ciblé, proportionné et temporaire permettant aux préfets, après analyse, de fixer un taux maximal de marge brute pour ces produits.
Inspiré des dispositifs existants pour les carburants dans les départements d’outre-mer, cet outil a fait ses preuves. Il s’agit non pas de contrôler les prix, mais de réguler les excès là où le marché échoue. Voilà non pas une atteinte à la liberté économique, mais une correction nécessaire pour rétablir l’équité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux préfets d’encadrer les taux de marge en outre-mer dès lors que trois entreprises ou moins détiennent plus de 70 % de parts de marché. Ses auteurs évoquent des marges pouvant atteindre 35 % sur certains produits laitiers.
La question des abus de certaines entreprises en situation de monopole ou d’oligopole mérite d’être posée. Cependant, la mesure envisagée paraît trop contraignante dans une économie reposant sur la liberté du commerce.
Les rapporteurs s’opposent donc à un tel plafonnement. Ils proposeront en revanche de sous-amender l’amendement n° 66 rectifié de M. Lurel visant à plafonner les marges arrière.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 112 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Naïma Moutchou, ministre. Je comprends l’objectif des auteurs de l’amendement, mais la rédaction proposée me paraît dangereuse à double titre.
Premièrement, elle porte atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle. Vous risquez en fait de dissuader les opérateurs économiques de s’installer et de se développer sur ces territoires, ce qui n’est évidemment pas l’objectif.
Deuxièmement, il faut veiller aux efforts de bord que cette mesure pourrait avoir sur les « petits ». En fonction de l’organisation qui sera retenue pour l’approvisionnement, la société en charge de la distribution aura des activités plus ou moins étendues.
Supposons qu’un plafonnement commun de la marge brute soit fixé à un niveau exigeant : vous favoriserez les grands acteurs, qui pourront procéder à des péréquations sur certains produits ; a contrario, vous pénaliserez les petits, qui préféreront d’ailleurs probablement renoncer à la distribution de ces produits. Cela contrevient donc à l’objectif de départ.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Madame la ministre, avec tout le respect que je vous dois, je n’ai pas très bien compris comment l’instauration d’un taux maximal de marge peut nuire à l’installation d’entreprises. Nous parlons ici d’un taux maximal fixé par un préfet.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Michelle Gréaume a rappelé qu’un tel dispositif existait déjà à La Réunion pour les carburants. Or ce territoire ne souffre d’aucune pénurie : on y trouve des distributeurs et des stations-service, l’économie fonctionne et les voitures roulent.
Il est tout à fait possible de réguler les marges. Je ne vois pas pourquoi nous nous empêchons d’agir sur les produits de consommation courante, qui sont indispensables à de nombreuses familles.
Je rappelle que, à Mayotte, 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. À la Réunion, ce taux est de 36 %, contre 8 % dans l’Hexagone.
M. le président. L’amendement n° 111, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les marges brutes pratiquées par les entreprises de distribution sur les produits de première nécessité ne peuvent excéder 15 % du prix de vente au public. Le non-respect de cette disposition est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 10 % du chiffre d’affaires annuel réalisé dans le territoire concerné.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Ainsi que l’ont souligné plusieurs d’entre nous, les habitants des outre-mer subissent une injustice économique persistante. Les prix des biens essentiels – alimentation, hygiène, énergie – y sont de 30 % à 40 % plus élevés qu’en métropole, alors que les revenus, comme chacun le sait, y sont plus faibles.
Cette situation ne s’explique pas seulement par les coûts de transport ou d’approvisionnement ; elle tient aussi aux marges excessives captées dans des chaînes de distribution trop concentrées.
Dans son avis Mieux connecter les outre-mer publié en octobre 2024, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) fait référence à l’analyse que l’Autorité de la concurrence a réalisée sur les taux de marge des distributeurs, compagnies maritimes, ports, manutentionnaires, transitaires et grossistes. Cette analyse révèle que les taux de marge réalisés par certains acteurs sont plus importants que ceux réalisés dans l’Hexagone. Ces écarts ne s’expliquent pas par des coûts logistiques ; ils sont le résultat de marges excessives.
Au travers de cet amendement, nous souhaitons franchir une étape supplémentaire en fixant une règle claire, lisible et applicable qui protège le consommateur : le plafonnement des marges brutes à 15 % sur des produits essentiels tels que le riz, le lait, les pâtes ou les huiles. Les manquements seraient sanctionnés par une amende pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires annuel réalisé dans le territoire concerné.
À la différence des grands groupes, les PME locales et les petits commerces ne sont pas concernés par ce plafond, puisque leurs marges sont inférieures à 15 %.
Cette mesure devrait permettre de réduire les prix payés par les ménages de 20 % à 30 %. Elle contribuera aussi à briser le pouvoir des oligopoles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à plafonner à 15 % du prix de vente les taux de marge des distributeurs pour les produits de première nécessité.
Les rapporteurs sont défavorables à un tel plafonnement, qu’ils estiment contraire au principe de liberté du commerce. Ils proposeront en revanche, je l’ai dit, de sous-amender l’amendement n° 66 rectifié de M. Victorin Lurel, afin de plafonner les marges arrière à 12 %.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 111.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. On peut débattre sur le niveau du taux de plafonnement : 12 %, 15 %, etc. Personnellement, je ne connais pas un agriculteur, pas un paysan qui fasse des marges de 15 %. Et lorsque je pose la question à mes collègues qui connaissent mieux que moi la ruralité, ce que l’on y produit et ce que l’on y vend, ils me le confirment.
Je le répète, le plafond que nous proposons ne concerne ni les PME ni les petits commerçants, il vise uniquement la grande distribution, dont les marges atteignent 30 % à 40 %.
Cette situation ne profite nullement à ceux qui produisent réellement les richesses. Je veux parler des producteurs, de ceux qui font en sorte qu’il y ait du riz ou du lait.
Par conséquent, peut-être pourrions-nous évoluer sur les votes bloqués auxquels nous assistons depuis tout à l’heure. Laissons un espace de justice sociale aux populations d’outre-mer.
M. le président. Je suis saisi d’un amendement et de deux sous-amendements.
L’amendement n° 66 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 410-6 du code de commerce, il est inséré un article L. 410-… ainsi rédigé :
« Art. L. 410 –…– I. – À titre expérimental, pour une durée de cinq ans et six mois après la promulgation de la loi n° … du … de lutte contre la vie chère dans les outre-mer, dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les services de coopération commerciale propres à favoriser la commercialisation des produits ou services du fournisseur qui ne font pas l’objet de contreparties commerciales ou financières à l’égard du distributeur ainsi que les avantages de toute nature autres que les remises, bonifications, ristournes consentis par tout fournisseur aux distributeurs ne peuvent excéder par année civile un pourcentage du chiffre d’affaires hors taxes de ces produits déterminé par décret conjoint pris par les ministres en charge de la consommation et des outre-mer qui ne peut excéder 10 % du chiffre d’affaires hors taxes par ligne de produits.
« II. – Les remises, bonifications, ristournes et avantages publicitaires, commerciaux et financiers assimilés de toute nature obtenus au titre des marges arrière par un distributeur auprès du fournisseur et faisant l’objet de la convention écrite définie à l’article L. 441-3 du présent code doivent être mentionnés sur les factures d’achat, dès lors qu’ils sont de principe acquis et de montants chiffrables, même si leur versement est différé.
« III – Les infractions aux dispositions prévues au présent article sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Ces infractions sont constatées et poursuivies dans les conditions prévues au titre V du livre IV du code de commerce.
« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. »
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement, que j’ose qualifier de très important, vise à reprendre une disposition absente de ce texte, mais adoptée en mars dernier par le Sénat dans le cadre de la proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer. À l’époque, la rapporteure et le Gouvernement avaient émis un avis favorable sur cette proposition.
Je propose d’instaurer un plafonnement des marges arrière à 10 % du chiffre d’affaires. Le sous-amendement n° 150 de la commission tend à relever ce taux à 12 % et j’y suis favorable.
Il s’agit non pas d’interdire les marges arrière, mais simplement de les encadrer. Nous avons déposé d’autres amendements qui visent à préciser les modalités de cet encadrement.
Dans sa rédaction actuelle, mon amendement tend à prévoir une application du plafond par ligne de produits. Sur ce point également, je suis ouvert au compromis. Si cela devait permettre de contrer l’argument sur le secret des affaires, nous pourrions raisonner par fournisseur. Ainsi, il sera toujours possible de procéder à une péréquation interne. Même par interpolation linéaire, on ne pourra pas connaître avec précision le montant des marges arrière.
Enfin, je suis favorable au sous-amendement n° 145, qui vise à exclure Saint-Barthélemy du dispositif.
Vous le voyez, nous prenons toutes les précautions pour que le Gouvernement soit favorable à cet amendement et que le Sénat l’adopte.
M. le président. Le sous-amendement n° 145, présenté par Mme Jacques, est ainsi libellé :
Amendement n° 66, alinéa 4
Supprimer les mots :
de Saint-Barthélemy,
La parole est à Mme Micheline Jacques.
Mme Micheline Jacques. Ce sous-amendement vise à exclure Saint-Barthélemy des territoires dans lesquels le plafonnement des services de coopération commerciale est prévu.
Compte tenu de son statut de collectivité d’outre-mer, Saint-Barthélemy applique une fiscalité qui permet de neutraliser une très large part du coût du transport. Il en résulte des prix relativement moins élevés que dans les territoires voisins.
L’exiguïté du territoire, d’une superficie de 21 kilomètres carrés, et les prix vertigineux du foncier qui en découlent s’ajoutent par ailleurs aux surcoûts du fait du surstockage et des charges de personnel. La tension sur le marché du logement oblige les employeurs à loger leurs employés, si bien que les charges de personnel représentent 20 % du chiffre d’affaires contre 10 % pour un supermarché de l’Hexagone.
Les prix étant comparables à ceux de la petite couronne parisienne, le plafonnement des services de coopération commerciale n’est pas pertinent pour Saint-Barthélemy.
M. le président. Le sous-amendement n° 150, présenté par Mme Jacques et M. Buval, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 66, alinéa 4
Remplacer les mots :
10 % du chiffre d’affaires hors taxes par ligne de produits
par les mots :
12 % du chiffre d’affaires hors taxes de chaque groupe du secteur de la distribution
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Ce sous-amendement vise à préciser que le plafonnement expérimental des marges arrière en outre-mer pour une durée de cinq ans doit être entendu au niveau de chaque groupe du secteur de la distribution.
Ces marges ne pourraient ainsi excéder 12 % du chiffre d’affaires hors taxes de chaque groupe au lieu de 10 % du chiffre d’affaires hors taxes par ligne de produits.
Les taux excessifs de marges arrière peuvent en effet contribuer à des distorsions dans la formation des prix et donc au renchérissement du coût de la vie en outre-mer.
Je crois, monsieur le président, que M. Lurel souhaiterait que nous rectifiions ce sous-amendement. Peut-être est-il possible de lui donner la parole dès maintenant pour qu’il nous expose ses demandes avant de demander l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Comme je l’ai dit à l’instant, nous sommes d’accord avec l’exclusion de Saint-Barthélemy.
Nous sommes également d’accord pour préciser que le calcul du plafond s’effectue « en moyenne » du chiffre d’affaires.
Cependant, comme l’expression « chaque groupe du secteur de la distribution » ne veut rien dire, nous souhaiterions que le sous-amendement n° 150 soit rectifié pour parler à la place de « fournisseur ».
Je serai donc favorable à un sous-amendement n° 150 rectifié qui tendrait à rehausser le plafond de 10 % à 12 % en moyenne du chiffre d’affaires par fournisseur.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Nous rectifions le sous-amendement n° 150 dans le sens indiqué par M. Lurel.
Si ce sous-amendement était adopté, l’avis de la commission sur l’amendement n° 66 rectifié serait favorable.
M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 150 rectifié, présenté par Mme Jacques et M. Buval, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Amendement n° 66, alinéa 4
Remplacer les mots :
10 % du chiffre d’affaires hors taxes par ligne de produits
par les mots :
12 % du chiffre d’affaires hors taxes en moyenne par fournisseur
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Naïma Moutchou, ministre. Une fois n’est pas coutume, je suis bien embêtée, car j’étais initialement défavorable à l’amendement n° 66 rectifié.
Je m’interroge sur la faisabilité de la mesure proposée, que ce soit sur l’affichage des factures, le niveau de chiffre d’affaires ou encore les services. Il faudra probablement réécrire cette disposition.
Je constate néanmoins qu’un consensus transpartisan se dessine et je souhaite que nous avancions sur la question des marges arrière en outre-mer. C’est un sujet majeur. Nous devons mieux protéger les fournisseurs et garantir la transparence des prix.
Pour toutes ces raisons, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’amendement et sur les deux sous-amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 145 ?
M. Frédéric Buval, rapporteur. Ce sous-amendement vise à exclure Saint-Barthélemy des territoires dans lesquels le plafonnement des marges arrière est prévu. Les prix dans cette collectivité étant comparables à ceux de la petite couronne parisienne, le plafonnement des services de coopération commerciale n’y est pas pertinent.
L’avis est donc favorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 150 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7.
Article 8
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Le II de l’article L. 441-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les conditions générales de vente sur le fondement desquelles sont négociées les conventions mentionnées aux articles L. 441-3-1, L. 441-4 et, le cas échéant, L. 443-8, ne peuvent être différenciées au seul motif que les produits sont destinés à être commercialisés dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution ou dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Wallis-et-Futuna. » ;
2° Le III de l’article L. 441-1-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les conditions générales de vente sur le fondement desquelles sont négociées les conventions mentionnées à l’article L. 441-3-1 ne peuvent être différenciées au seul motif que les produits sont destinés à être commercialisés dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution ou dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Wallis-et-Futuna. » ;
3° Après l’article L. 441-4, il est inséré un article L. 441-4-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 441-4-2. – Tout fournisseur ou grossiste communique, à sa demande, à l’autorité administrative chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, les conditions générales de vente relevant du dernier alinéa du II de l’article L. 441-1 ou du dernier alinéa du III de l’article L. 441-1-2 qu’il a établies, les conventions relevant du 4° bis du I de l’article L. 442-1 auxquelles il est partie, ainsi que, le cas échéant, les motifs des différenciations que ces conditions générales et conventions comportent pour les produits destinés à être commercialisés dans les collectivités mentionnées par ces dispositions.
« Les manquements au présent article sont passibles d’une amende administrative, prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 470-2, dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. » ;
4° Après le 4° du I de l’article L. 442-1, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis De pratiquer, à l’égard de l’autre partie, ou d’obtenir d’elle des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles prévues par les conventions mentionnées aux articles L. 441-3-1, L. 441-4 et, le cas échéant, L. 443-8, au seul motif que les produits sont destinés à être commercialisés dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution ou dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Wallis-et-Futuna ; »
II. – Le I est applicable aux conditions générales de vente soumises par les fournisseurs à la négociation avec les acheteurs et aux conventions qu’ils ont conclues avec eux postérieurement à son entrée en vigueur.


