M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 73, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 5
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Toutefois, dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les conditions générales de vente établies au niveau national entre un fournisseur, un distributeur ou un prestataire de services et définies dans la présente section s’appliquent de plein droit, de façon transparente et non discriminatoire. » ;
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement vise à ce que les conditions générales de vente, mais aussi toutes leurs déclinaisons – contrats uniques, contrats d’application, accords-cadres sur le moyen et le long terme – s’appliquent de manière non pas nécessairement uniforme, mais égale entre le niveau national et les outre-mer.
Sans doute convient-il de réviser outre-mer la formulation et le contenu des conditions générales de vente et de les appliquer avec quelque différenciation.
Je reviendrai plus en détail, à l’occasion de la présentation d’autres amendements, sur l’esprit de cette proposition.
M. le président. L’amendement n° 97, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 3, 5 et 10
Remplacer les mots :
de l’article 73 de la Constitution ou dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Wallis-et-Futuna
par les mots :
des articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement vise à intégrer la Nouvelle-Calédonie aux dispositions prévues à l’article 8.
Bien que la Nouvelle-Calédonie soit autonome et gère ses propres affaires, une certaine cohérence sur l’ensemble du territoire national est souhaitable, ainsi que le suggère le Conseil d’État dans son avis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Buval, rapporteur. Avis défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 98, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
à sa demande
par les mots :
au plus tard le 30 avril de chaque année
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Il est défendu !
M. le président. L’amendement n° 99 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
Conseil d’État
insérer les mots :
, dans un délai fixé par cette dernière et qui ne saurait être supérieur à un mois
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Il est défendu également !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Il paraît préférable de maintenir la transmission des informations sur les conditions générales de vente « à la demande » de la DGCCRF. Il faut veiller, en effet, à ne pas trop alourdir la charge administrative des entreprises. Par ailleurs, un trop-plein d’informations rendrait le travail des services de l’État plus difficile.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 98.
En revanche, bien qu’il soit un peu court, le délai d’un mois proposé dans l’amendement n° 99 rectifié pour la transmission par les entreprises des informations demandées par la DGCCRF, notamment leurs conditions générales de vente, paraît acceptable.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 99 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Naïma Moutchou, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 98.
En revanche, nous sommes favorables à l’amendement n° 99 rectifié. Cette disposition figurait dans l’avant-projet de loi. Le Conseil d’État a souhaité l’écarter pour la renvoyer au domaine réglementaire. Pour ma part, je suis favorable à ce qu’elle soit rétablie.
M. Victorin Lurel. Je retire l’amendement n° 98 !
M. le président. L’amendement n° 98 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 99 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 100, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après le mot :
différenciations
insérer les mots :
, notamment celles portant sur les barèmes des prix unitaires et réductions de prix proposés aux acheteurs,
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. La précision que cet amendement tend à apporter est satisfaite : l’article 8 prévoit déjà que les entreprises devront transmettre à la DGCCRF, à sa demande, des éléments explicitant les éventuelles différences entre l’Hexagone et les territoires ultramarins en ce qui concerne les conditions générales de vente.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 124, présenté par MM. Mellouli et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer le montant :
375 000 €
par les mots :
1 % du chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos
La parole est à M. Akli Mellouli.
M. Akli Mellouli. Tout le monde appelle à plus de transparence ; pour cela, les sanctions en cas de manquement doivent être dissuasives.
L’amendement n° 123, qui portait sur la transmission des montants correspondant aux marges arrière, a été rejeté.
À l’instar de l’amendement n° 122, le présent amendement porte sur les sanctions encourues en cas de non-transmission des documents, mais il vise spécifiquement, par cohérence, les fournisseurs et les grossistes.
En effet, il faut prévoir des sanctions dissuasives sur l’ensemble de la chaîne, si nous voulons éviter que certains se livrent à des jeux subtils qui pourraient nous empêcher d’obtenir la transparence escomptée.
Plutôt qu’une amende de 375 000 euros, je propose donc une sanction égale à 1 % du chiffre d’affaires.
Nul n’étant censé frauder, cette disposition n’est pas contraignante : il s’agit simplement d’une garantie pour rendre la transparence effective.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Buval, rapporteur. La sanction prévue à l’encontre des fournisseurs et grossistes qui refusent de transmettre les informations demandées par la DGCCRF sur leurs conditions générales de vente apparaît déjà suffisamment dissuasive. Il n’est pas nécessaire de la rehausser davantage.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. Akli Mellouli. Mais c’est 0,007 % du chiffre d’affaires de Hayot !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Naïma Moutchou, ministre. Des sanctions existent bien aujourd’hui, monsieur Mellouli ; nous ne créons rien. Le problème réside plutôt dans la force de ces sanctions, plus ou moins dissuasives, même si la contrainte est là une fois que c’est inscrit dans la loi. Il ne s’agit pas seulement de faire peur : vous devez passer à la caisse si vous enfreignez la règle.
Cela étant posé, je trouve que ce que vous proposez dans cet amendement est disproportionné. Aussi, je préfère en rester à ce qui est prévu, à savoir 75 000 euros pour une personne physique et 350 000 euros pour une personne morale. J’y insiste, le dispositif est solide sur le plan juridique, y compris en cas de contestation.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.
M. Akli Mellouli. On nous explique depuis tout à l’heure qu’il faut de la transparence. Nous avons d’ailleurs voté un certain nombre d’amendements à cet effet, mais vous refusez d’aggraver les sanctions, estimant qu’une amende de 375 000 euros est suffisante.
Mais pour qui est-ce suffisant ? Pour les petites et moyennes entreprises et ceux qui ont des revenus modestes, mais pour un groupe comme Hayot, cela représente 0,007 % du chiffre d’affaires !
Qui veut-on protéger, en fait ? Le consommateur et le pouvoir d’achat des Ultramarins ou bien ceux qui s’enrichissent sur leur dos ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Pour un groupe qui réalise 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et plus de 200 millions d’euros de bénéfices, une sanction de 375 000 euros n’est pas du tout à la hauteur.
Assez souvent, sur les bancs de la droite, il est question de peines dissuasives, de peines à la hauteur, voire de peines planchers. Il est assez surprenant que, pour certains petits délinquants, il faille être très dissuasif et que, lorsqu’il s’agit de délinquants commerciaux, il y ait tout à coup un changement de bord. C’est un peu une surprise pour moi… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Le problème n’est pas l’absence de sanctions – selon le Conseil d’État, il en existe cinq ou six –, mais leur caractère dissuasif. Honnêtement, depuis de longues années qu’il existe, le dispositif n’a pas démontré son efficacité, si bien que la loi n’est guère respectée. Or nous devons toutes et tous être égaux devant la loi.
Manifestement, c’est vrai, cela pénalisera davantage les petites entreprises. Nous avons voté il y a un moment un amendement fixant une sanction à 1 % du chiffre d’affaires. Un tel mécanisme existe dans d’autres textes. Nous n’avons rien inventé. Nous proposons d’adapter la mesure pour qu’elle soit dissuasive.
Je ne vous cacherai pas que, d’ici quelques instants, je vous présenterai un amendement sur les commissaires aux comptes qui coûte zéro euro et qui permettra de faire respecter la loi sans poser de problèmes. Nous verrons bien ce qu’en dit la commission des affaires économiques.
Pour autant, en l’occurrence, il me paraît de bon sens qu’au moins les récidivistes soient réellement pénalisés. N’en faisons pas toute une affaire, mais, de fait, le dispositif actuel ne marche pas.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Je sens beaucoup de prudence et de bienveillance à l’égard des oligopoles en outre-mer.
Je regrette de ne pas ressentir beaucoup d’envie dans cet hémicycle, notamment sur sa droite, pour venir en aide à une population qui souffre, qui a du mal à se nourrir, à se loger, à élever ses enfants, et pour qui la confiance dans l’avenir s’amenuise.
Pour nous, la réalité du quotidien, c’est l’injustice sociale, l’inégalité des chances et le sacrifice de tous les jours. Je ne comprends pas pourquoi l’on cherche toujours à épargner les mêmes. Ce texte s’intitule « Lutte contre la vie chère dans les outre-mer ». Or ceux que vous cherchez à protéger ne subissent pas la vie chère. Eux, ils en profitent et ils se gavent. Ce titre n’est donc peut-être pas le plus adapté.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Ce qui se dit ici est le fruit de beaucoup de travail, d’auditions, de rapports, et d’une grande assiduité aux réunions des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR). Et je ne vous parle pas des heures d’échanges, lorsque des émeutes ont eu lieu en Martinique. Ce qui se dit ici vient d’un examen minutieux des dossiers, des rapports, des analyses.
Lorsque je ne prends pas position sur un sujet, c’est en conscience.
Il est vrai que je ne partage pas le même positionnement politique que certains, que je peux comprendre par ailleurs. Nous sommes dans une économie libérale où les prix sont libres. Nous devons trouver le meilleur compromis, sans pour autant basculer dans une économie administrée. Il y a beaucoup d’explications à donner pour amener les gens, petit à petit, à accepter ce compromis.
Je suis désolée, mais, même si nous vivons dans le même arc caribéen, nous ne pouvons pas passer du régime économique de la Martinique à celui de Cuba !
Je le répète, ce que nous sommes en train de faire représente énormément de travail. Je vous passe les nuits blanches, les auditions et toutes les analyses que nous avons dû mener pour parvenir à nos positionnements. Il ne faut pas nous prendre pour des enfants qui ne savent pas ce qu’ils font. Ici, j’agis toujours en conscience, ou alors je me tais. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Naïma Moutchou, ministre. Je précise que je suis là non pas pour protéger telle ou telle entreprise, mais pour protéger le pouvoir d’achat de nos concitoyens et pour agir sur les prix, le tout dans un système équilibré qui soit viable. Le but n’est pas de plomber les acteurs économiques.
Vous avez confondu deux choses, monsieur le sénateur.
Il y a, d’une part, la nouvelle infraction de pratique anticoncurrentielle basée sur la discrimination prévue à l’article 8. Comme elle est nouvelle, on ne peut pas déjà dire que l’amende – une amende administrative, je le précise – n’est pas dissuasive.
D’autre part, il y a l’article 9, qui résulte du constat que nous n’allons pas assez loin aujourd’hui. En l’occurrence, nous n’avons pas la main qui tremble, puisque nous prévoyons une astreinte pouvant aller jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires. Il n’y a donc pas de crainte de notre côté.
Nous sommes simplement obligés de bien distinguer les choses pour que les dispositifs soient adaptés et fonctionnent.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cet amendement, si je le lis bien, vise à rendre dissuasives les sanctions encourues par les fournisseurs et les grossistes qui refusent de transmettre les informations demandées par la DGCCRF sur leurs conditions générales de vente.
Finalement, c’est une sorte d’arme qui a vocation à ne pas être utilisée. C’est un peu la dissuasion nucléaire. (M. Victorin Lurel marque son approbation.) Il s’agit de faire en sorte que la sanction soit suffisamment forte pour que le prix de la non-communication des éléments soit plus élevé que ce que l’entreprise peut considérer pouvoir gagner.
À ce stade de la discussion et de la navette parlementaire, notre assemblée peut donc tout à fait adopter cet amendement. Les choses pourront encore évoluer dans le cadre des discussions avec l’Assemblée nationale ; toutefois, je ne trouve pas cette disposition choquante dès lors qu’elle vient sanctionner le non-respect d’une disposition légale.
C’est la raison pour laquelle je voterai cet amendement.
M. Victorin Lurel. Très bien !
M. Akli Mellouli. Respecter la loi est quand même un minimum !
M. le président. L’amendement n° 101, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer les mots :
postérieurement à son entrée en vigueur
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Dans la mesure où l’article 8 crée une nouvelle pratique restrictive de concurrence, qui plus est assortie de sanctions, prévoir que cette disposition est rétroactive viendrait enfreindre le principe général de notre droit, prévu à l’article 2 du code civil, selon lequel « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».
Ce principe général de non-rétroactivité constitue un corollaire du concept de sécurité juridique. Il est essentiel pour assurer la confiance nécessaire au bon fonctionnement de notre économie et, en l’occurrence, celle de nos territoires ultramarins.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. J’ai bien entendu les explications de Mme le rapporteur et je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 101 est retiré.
Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Après l’article 8
M. le président. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par M. Lurel, Mmes Bélim et G. Jourda et MM. P. Joly, M. Weber et Cozic, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 330-3 du code de commerce, il est inséré un article L. 330-… ainsi rédigé :
« Art. L. 330-…. – Est prohibée, dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, toute clause d’exclusivité, contractuelle ou non, restreignant la liberté des fournisseurs de commercialiser leurs produits auprès d’autres intermédiaires actifs sur les marchés de l’approvisionnement et de la vente en gros auprès des distributeurs, ou bien auprès de distributeurs concurrents.
« Un décret précise les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Je me suis inspiré des positions de l’Autorité de la concurrence (ADLC) pour cet amendement qui vise à interdire toute clause d’exclusivité, contractuelle ou non, restreignant la liberté des fournisseurs de commercialiser leurs produits auprès d’autres intermédiaires actifs sur les marchés de l’approvisionnement, de la vente en gros auprès des grandes surfaces ou bien auprès des distributeurs concurrents.
Quel est le problème dans les outre-mer que personne n’évoque, si ce n’est l’ADLC ? C’est l’absence de concurrence intramarques, que ce soit pour les marques nationales ou celles de distributeurs, les MDD. Cela concerne notamment les produits de grande consommation et de première nécessité.
Quand le marché est captif et l’entreprise intégrée, certes elle commerce avec des plateformes, mais elle est à la fois l’importateur et le distributeur, via ses grandes surfaces. Tout cela repose sur l’intégration et la confiance des grandes marques, et interdit toute concurrence, ce que l’ADLC dénonce depuis longtemps. Cet amendement, fruit de l’expérience, est une réponse à cette situation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Buval, rapporteur. Le présent amendement vise à interdire toute clause d’exclusivité restreignant la liberté de fournisseurs de commercialiser leurs produits auprès de distributeurs.
Or l’article L. 420-1 du code de commerce prévoit déjà que sont prohibées, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, les conventions, les ententes expresses ou tacites ou les coalitions, notamment lorsqu’elles tendent à limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique.
La pratique restrictive de concurrence visée par les auteurs du présent amendement est donc déjà sanctionnée par le droit existant. Par conséquent, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Naïma Moutchou, ministre. Monsieur le sénateur, cette proposition est en fait moins-disante que l’article L. 420-1 du code de commerce qui, non seulement prohibe les clauses d’exclusivité, mais s’attaque de manière générale aux accords ou aux pratiques ayant pour objet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou à un groupe d’entreprises. Le champ est donc plus large.
Voilà pourquoi nous demandons le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Madame la ministre, je ne suis pas convaincu par votre argumentaire. J’ai été, avec beaucoup d’autres, à l’origine de ce texte visant à interdire les exclusivités de distribution, mais ici les choses se passent en amont.
Lorsqu’un grand groupe distribue Nestlé, Procter & Gamble, Pepsi, etc., il ne le fait que dans ses propres magasins et pas dans ceux des concurrents. L’ADLC, dans un avis de 2011, répété en 2019, souligne que le corpus législatif est insuffisant pour contrer cette pratique.
Ce que vous évoquez, madame la ministre, se situe en aval, lorsque le produit est déjà importé. Les grossistes, eux, fournissent aux distributeurs, principalement à leur réseau de détaillants. C’est en amont qu’il faut agir, et l’ADLC nous demande la possibilité de le faire. C’est du bon sens. Je n’ai rien inventé.
Si nous voulons transformer le paysage concurrentiel, il faut changer l’encadrement normatif. Aujourd’hui, je le répète, je propose un dispositif qui ne coûte pas un kopeck à l’État. Il faut donner des moyens juridiques aux tribunaux, aux acteurs locaux, aux lanceurs d’alerte. Je ne cherche pas à soviétiser notre économie ou à créer un Gosplan. Je veux l’équité entre partenaires pour créer les conditions d’une saine compétition.
M. le président. L’amendement n° 51, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 420-2-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 420-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 420-2-…. – I. – Constitue une pratique restrictive de concurrence le fait, pour une entreprise exerçant une activité intégrée de grossiste-importateur et de distributeur au détail, ou disposant d’une exclusivité de fait en tant que fournisseur de ses propres enseignes de distribution, de traiter de manière discriminatoire ses clients tiers par rapport à ses ventes intra-groupe, notamment en matière :
« 1° D’allocation des budgets de coopération commerciale ;
« 2° De conditions de prix, délais de paiement ou modalités de livraison ;
« 3° D’accès aux services logistiques, commerciaux ou informatiques ;
« 4° De respect des délais de réapprovisionnement ou de traitement des commandes ;
« 5° De communication commerciale et de visibilité de produits.
« II. – Cette pratique s’apprécie notamment au regard de :
« 1° L’existence d’une position dominante ou d’une exclusivité de fait du fournisseur intégré ;
« 2° L’écart de traitement entre clients tiers et ventes intra-groupe pour des prestations ou produits comparables ;
« 3° L’absence de justification objective et proportionnée pour cet écart de traitement ;
« 4° L’impact potentiel de cette discrimination sur la concurrence intra et inter-marque.
« III. – Le présent article s’applique aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi qu’aux collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, où l’intégration verticale des acteurs de la distribution et de l’importation soulève des risques spécifiques de restriction concurrentielle.
« IV. – L’Autorité de la concurrence est chargée de veiller au respect du présent article et peut prononcer des sanctions administratives conformément aux dispositions de l’article L. 462-1. »
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Le présent amendement vise à renforcer la protection de la concurrence outre-mer, en sanctionnant la discrimination commerciale que les acteurs intégrés verticalement, c’est-à-dire des grossistes-importateurs disposant de leur propre réseau de distribution au détail, sont susceptibles d’exercer envers leurs clients qui seraient aussi des concurrents. Il s’agit d’une recommandation de l’Autorité de la concurrence, dans son avis du 4 juillet 2019, ainsi que du Conseil économique, social et environnemental (Cese).
En effet, lorsqu’une entreprise exerce à la fois l’activité de grossiste-importateur et celle de distributeur au détail, elle crée une situation de conflit d’intérêts majeur. Elle peut favoriser ses propres enseignes de distribution, et ce au détriment de ses clients concurrents. Cette discrimination peut revêtir plusieurs formes : discrimination en matière de budget de coopération commerciale, discrimination logistique, discrimination informationnelle ou encore discrimination tarifaire.
Cet amendement n’a pas vocation à interdire l’intégration verticale en tant que telle. Il vise seulement la discrimination qu’elle peut entraîner.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Nous sommes bien conscients de la situation.
Toutefois, il ne nous apparaît pas nécessaire d’introduire une disposition législative pour lutter contre ce phénomène, qui peut en effet s’assimiler à un abus de position dominante, pratique restrictive de concurrence déjà visée par l’article L. 420-2 du code de commerce.
Pour mémoire, celui-ci dispose qu’« est prohibée […] l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ».
L’avis est défavorable.


