Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à adapter, dans les départements et collectivités d’outre-mer, la procédure de déclenchement du contrôle des concentrations économiques, afin de mieux tenir compte de la structure économique locale et de la taille réelle des entreprises opérant sur ces marchés.
Rappelons que le dispositif en vigueur fixe trois conditions pour le déclenchement de ce contrôle ; en particulier, le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration doit être supérieur à 75 millions d’euros.
Or ce seuil est extrêmement élevé quand il s’agit de tissus économiques insulaires ou enclavés, peu insérés dans le commerce mondial, comme le sont ceux de nos territoires, dominés par les petites et moyennes entreprises et les filiales de groupes régionaux.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 103 est présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 125 est présenté par MM. Mellouli et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au deuxième alinéa, le nombre : « 75 » est remplacé par le nombre : « 50 » ;
La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 103.
M. Victorin Lurel. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour présenter l’amendement n° 125.
M. Akli Mellouli. Cet amendement vise à abaisser, de 75 millions à 50 millions d’euros de chiffre d’affaires total mondial cumulé, le seuil à partir duquel une opération de concentration commerciale intervenant dans une collectivité relevant de l’article 73 de la Constitution doit être notifiée à l’Autorité de la concurrence et soumise à son accord.
Il nous paraît important d’abaisser ce seuil, au vu de la superficie des territoires concernés, pour améliorer les contrôles et la transparence.
M. le président. L’amendement n° 102, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Au troisième alinéa, les mots : « 15 millions d’euros, ou à 5 millions d’euros dans le secteur du commerce de détail » sont remplacés par le montant : « 3 millions d’euros ».
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Défendu !
M. le président. L’amendement n° 134 rectifié, présenté par Mme Bélim et M. Lurel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Deux ou plusieurs opérations intervenues au cours d’une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises sont considérées comme une seule concentration, réputée intervenir à la date de la dernière opération. »
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à transposer dans le code de commerce une disposition spécifique à la Nouvelle-Calédonie qui nous semble utile et pragmatique. Ainsi, on pourra prévenir d’éventuelles manœuvres de contournement de la loi par certains acteurs économiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. L’amendement n° 133 rectifié tend à supprimer, pour le déclenchement d’un contrôle par l’Autorité de la concurrence, tout seuil de chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à une opération de concentration concernant un territoire ultramarin.
Lors de l’audition de ses représentants, l’Autorité de la concurrence nous a fait valoir que la suppression de ce seuil, outre qu’elle ne s’appuie sur aucune étude d’impact, risquerait d’augmenter de manière très sensible le nombre d’opérations soumises à obligation de notification, ce qui ferait peser une charge supplémentaire sur ces entreprises, mais susciterait aussi une surcharge administrative importante pour les services de l’Autorité, sans que cette évolution la conduise nécessairement à examiner des opérations problématiques en matière de concurrence.
L’avis est donc défavorable sur cet amendement, ainsi que sur les autres amendements faisant l’objet de la discussion commune.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Naïma Moutchou, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements qui visent à abaisser les seuils de déclenchement des contrôles auxquels peuvent être soumises les opérations de concentration. Le texte procède déjà à un renforcement de ces contrôles pour le commerce de détail ; c’est ce qui compte pour atteindre l’objectif assigné à ce projet de loi. Il n’y a pas, selon nous, matière à aller plus loin.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Mon explication de vote porte sur l’amendement n° 134 rectifié.
Il s’agit d’un amendement de bon sens, qui a dû être inspiré à notre collègue Audrey Bélim par des faits qui se sont déroulés à La Réunion.
L’Autorité de la concurrence, il y a quelques années, avait pointé les risques importants que faisait peser une opération pour laquelle le groupe Bernard Hayot (GBH) s’était engagé à rétrocéder quatre hypermarchés de notre territoire. Cette opération avait été validée par le Conseil d’État, mais le nouvel acteur qui avait repris ces magasins avait très vite frôlé la faillite ; ses créances ont alors été apurées par les pouvoirs publics, ce qui a permis son rachat par un groupe mauricien. Ce fiasco a coûté à l’État la bagatelle de 35 millions d’euros, alors même que GBH est plus prospère que jamais à La Réunion !
Cet amendement est donc justifié par des faits bien réels ; l’adopter nous éviterait simplement de reproduire les erreurs du passé.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 103 et 125.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 10, modifié.
(L’article 10 est adopté.)
Après l’article 10
M. le président. L’amendement n° 52, présenté par Mmes Bélim et Conconne, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 141-1 du code de la consommation, il est inséré un article L. 141-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 141-1-…. – Dans le cadre des enquêtes statistiques publiques relatives à la formation des prix, aux coûts logistiques et aux marges de commercialisation dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, l’Institut national de la statistique et des études économiques peut, lorsqu’il se voit opposer le secret des affaires, saisir la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités territorialement compétente.
« La direction mentionnée au premier alinéa peut exiger, par décision motivée, la communication des informations et documents nécessaires auprès des personnes physiques ou morales qui participent à la chaîne de formation des prix. Cette communication intervient sous couvert du secret statistique et dans des conditions garantissant la préservation des intérêts économiques légitimes des entreprises concernées.
« En cas de refus de communication ou de communication incomplète, la direction peut prononcer une sanction administrative, dont le montant ne peut excéder 1 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos, sans préjudice de poursuites pénales éventuelles.
« Le recouvrement et le contentieux de ces sanctions sont opérés comme en matière de créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »
II. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à renforcer la transparence économique dans les territoires ultramarins, où les mécanismes de formation des prix demeurent insuffisamment connus en raison d’un accès limité aux données économiques.
Le Conseil économique, social et environnemental (Cese), dans son avis n° 2023-23 du 11 octobre 2023 sur le pouvoir d’achat en outre-mer, relève que « l’Insee se heurte régulièrement au secret des affaires (…) lorsqu’il demande des informations. Pour le Cese, cette situation n’est pas admissible. »
En permettant à l’Insee de saisir la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Deets) compétente lorsqu’il se voit opposer le secret des affaires, cet amendement tend à renforcer la production de données publiques objectives sur les marges, les intermédiaires logistiques et les pratiques tarifaires, tout en sécurisant juridiquement la levée – elle est encadrée – du secret des affaires à des fins exclusivement statistiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Buval, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent de permettre à l’Insee de saisir les services du ministère de l’économie dans les outre-mer – en l’espèce la Deets territorialement compétente – dans les cas où une entreprise lui oppose le secret des affaires.
L’amendement tend aussi à instaurer un régime de sanctions à cette fin, de sorte que l’entreprise refusant de communiquer ces données ou les transmettant de manière incomplète pourrait se voir infliger une sanction administrative, dont le montant irait jusqu’à 1 % de son chiffre d’affaires.
S’il peut arriver que l’Insee se voit opposer le secret des affaires, permettre la saisie des services du ministère de l’économie dans les outre-mer, en faisant peser sur les entreprises la menace d’une amende aussi élevée, paraît disproportionné.
Nous sommes donc défavorables à l’amendement n° 52, mais nous souhaiterions que le Gouvernement nous précise les solutions qu’il entend mettre en œuvre dans ces cas où le secret des affaires est invoqué pour refuser une demande de l’Insee.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.
Mme Audrey Bélim. Je voudrais compléter mon argumentaire en faveur de cet amendement, en précisant que nous entendons ainsi répondre à une demande d’intérêt général, adaptée aux spécificités économiques et structurelles de nos territoires, qui sont marqués par une forte concentration des acteurs et une faible transparence sur les marges. C’est l’objet même de ce projet de loi, mes chers collègues !
M. le président. L’amendement n° 144 rectifié, présenté par Mme Bélim et M. Lurel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 420-2 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est également prohibé, dans chacune des collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, le fait, pour un groupe de distribution, de détenir une part de marché supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d’État au regard des caractéristiques du secteur économique, du groupe et de la position dominante d’un ou de plusieurs acteurs sur le marché concerné. »
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Nous reprenons, avec cet amendement, une disposition adoptée par l’Assemblée nationale lorsqu’elle a examiné la proposition de loi visant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.
On constate l’existence sur de nombreux territoires ultramarins de certaines pratiques anticoncurrentielles. Par exemple, certains groupes acquièrent non seulement la licence d’exploitation sur le territoire d’une enseigne spécialisée, mais également celle de sa principale concurrente, empêchant ainsi tout développement concurrentiel sur ce marché.
C’est pourquoi nous proposons de réguler à nouveau ce secteur afin de lutter contre la concentration, tant horizontale que verticale, et ce au bénéfice du pouvoir d’achat des Françaises et des Français des départements ultramarins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement est satisfait par d’autres dispositions du droit de la concurrence, figurant à l’article L. 420-2 du code de commerce, qui interdit les abus de position dominante, mais aussi par l’article 12 du présent projet de loi, qui donne aux commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) la possibilité de saisir l’Autorité de la concurrence lorsqu’une opération de création ou d’extension de magasins conduirait une entreprise de distribution à disposer d’une part de marché d’au moins 25 % d’une zone de chalandise donnée.
J’attire aussi votre attention sur le fait que, lors de nos auditions, nous avons découvert qu’il n’existait qu’une seule saisine de CDAC en douze ou treize ans d’existence…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 21, présenté par MM. Théophile, Buval, Kulimoetoke et Fouassin, Mmes Ramia, Nadille et Phinera-Horth, MM. Patient, Rohfritsch et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 420-2-1 du code du commerce, il est inséré un article L. 420-2-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 420-2-1-…. – Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, il est interdit à tout acteur économique, à tout groupement d’entreprises ou consortium d’entreprises de se trouver en situation de position dominante sur un marché déterminé, lorsque cette situation constitue un abus de position dominante ou est de nature à restreindre, fausser ou empêcher le jeu de la concurrence sur ce marché. »
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Cet amendement va un peu plus loin que les précédents, car il vise à introduire dans le code de commerce un nouvel article applicable spécifiquement aux territoires d’outre-mer.
Y serait précisé qu’il est « interdit à tout acteur économique, à tout groupement d’entreprises ou consortium d’entreprises de se trouver en situation de position dominante sur un marché déterminé, lorsque cette situation constitue un abus de position dominante ou est de nature à restreindre, fausser ou empêcher le jeu de la concurrence sur ce marché ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Buval, rapporteur. L’article L. 420-2 du code de commerce prohibe déjà l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Cela inclut bien sûr les territoires ultramarins.
Les abus de position dominante peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires, ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.
Au titre de sa compétence répressive, l’Autorité de la concurrence a ainsi adopté, depuis sa création en 2008, 46 décisions relatives aux outre-mer, pour un total de 232 millions d’euros d’amendes, dont 177 millions d’euros prononcés à l’encontre d’auteurs de pratiques anticoncurrentielles – ententes et abus de position dominante.
Le présent amendement est donc pleinement satisfait ; l’avis de la commission est par conséquent défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Naïma Moutchou, ministre. Le problème, c’est qu’on ne peut pas sanctionner la position dominante en soi. Elle n’entraîne pas automatiquement – par essence, si je puis dire – un abus, comme le présuppose cet amendement, pas plus qu’elle porte atteinte au bon fonctionnement de la concurrence.
En pratique, une entreprise peut acquérir une position dominante sur un marché concurrentiel par ses mérites propres ou se trouver de fait dans une telle position, par exemple en raison de l’étroitesse du marché, sans pour autant ni abuser de sa position ni empêcher le jeu concurrentiel.
Le code de commerce permet déjà d’interdire à une entreprise d’abuser de sa position dominante sur un marché donné, par exemple en cas d’imposition de conditions commerciales injustifiées ou discriminatoires. Le droit en vigueur prohibe également l’exploitation abusive de la dépendance économique d’un partenaire commercial quand cela nuit au bon fonctionnement de la concurrence.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 115, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté et M. Xowie, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Toute entreprise exerçant simultanément des activités d’importation, de distribution et de logistique dans une même collectivité mentionnée à l’article 2 de la présente loi, est soumise à un contrôle spécifique de l’Autorité de la concurrence, afin de prévenir les risques de pratiques restrictives de concurrence, notamment :
1° Les abus de position dominante résultant de l’intégration verticale ;
2° Les ententes illicites entre filiales ou entités liées ;
3° Les subventions croisées ou surfacturations internes entre activités.
II. – Les entreprises mentionnées au I doivent transmettre annuellement à l’Autorité de la concurrence un rapport détaillé incluant :
1° Les coûts de transfert entre filiales (importation, logistique, distribution) ;
2° Les marges pratiquées à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement ;
3° Les justifications de tout écart supérieur à 10 % par rapport aux coûts moyens du marché.
III. – En cas de manquement aux obligations du présent article, l’Autorité de la concurrence peut :
1° Imposer une amende administrative pouvant atteindre 5 % du chiffre d’affaires annuel réalisé dans la collectivité concernée ;
2° Ordonner des mesures correctives, y compris la séparation des activités si les pratiques anticoncurrentielles sont avérées ;
3° Publier une décision de non-conformité, interdisant à l’entreprise concernée de bénéficier de subventions publiques pendant trois ans.
IV. – Le contrôle spécifique prévu au I s’étend aux sous-traitants et prestataires avec lesquels l’entreprise intégrée entretient des liens capitalistiques ou contractuels durables, dès lors que ces liens sont susceptibles d’affecter la concurrence.
V. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment les critères de définition des liens durables et les procédures de contrôle.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Nous devons lutter contre la concentration économique et la domination de quelques acteurs historiques qui, il est vrai, bénéficient d’une véritable rente de situation.
Nous nous sommes appuyés, pour rédiger cet amendement, sur l’avis de l’observatoire des prix, des marges et des revenus de La Réunion : « La régulation spécifique doit impérativement être renforcée et porter sur la transparence des marchés et surtout sur la structuration des marchés pour écarter les risques d’abus de position dominante – limitation de la taille de surface de vente, interdiction des concentrations verticales et démantèlement dès lors qu’elles sont existantes. »
En d’autres termes, sans intervention forte du législateur pour rompre avec l’opacité et les rentes, rien ne permettra de lutter efficacement contre la vie chère, sujet qui nous occupe aujourd’hui, et une inflation structurelle.
Le mécanisme est le suivant : les marges s’empilent entre les filiales d’un même groupe sans qu’il soit possible d’en mesurer le niveau réel. C’est précisément dans ces circuits internes que se joue une grande partie de la vie chère. Je précise d’ailleurs que cela existe dans d’autres secteurs stratégiques : l’énergie, les banques, les assurances…
C’est pourquoi nous proposons un contrôle spécifique de ces entreprises intégrées par l’Autorité de la concurrence. Ce faisant, il s’agit de passer d’une approche en réaction à un contrôle préventif et régulier. Cela donnera enfin à l’Autorité de la concurrence les moyens de comprendre comment se forment les prix et de prévenir les abus avant qu’ils ne pèsent sur les consommateurs. C’est vérifiable et factuel.
Madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, trois acteurs concentrent 70 % de certains marchés. Par conséquent, adopter cet amendement répond à une nécessité à la fois économique et démocratique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Il n’est pas nécessaire de créer un contrôle spécifique pour lutter contre ce phénomène, dès lors que l’article L. 420-2 du code de commerce tient compte de ces pratiques abusives.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous verrons bien quelle sera l’issue de ce vote.
Pour autant, voter contre cet amendement reviendrait à s’exonérer totalement de l’avis de l’observatoire des prix, des marges et des revenus de La Réunion, dont je rappelle qu’il est un organisme indépendant, et à envoyer ce message : le législateur laisse faire ! Il n’y aura alors ni régulation des marchés ni contrôle de leur structuration.
Chacun prendra ses responsabilités.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 116, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Toute entreprise exerçant simultanément des activités d’importation, de distribution et de logistique dans une même collectivité ultramarine doit, dans un délai de deux ans, séparer juridiquement et comptablement ces activités en créant des filiales distinctes, avec :
1° Des comptes sociaux séparés ;
2° Une interdiction des subventions croisées ;
3° Une déclaration annuelle des flux financiers à l’Autorité de la concurrence.
II. – En cas de manquement, l’Autorité de la concurrence peut :
1° Ordonner la séparation immédiate des activités ;
2° Imposer une amende pouvant atteindre 5 % du chiffre d’affaires mondial ;
3° Exclure l’entreprise des marchés publics pour trois ans.
III. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application, notamment les critères de séparation comptable et les procédures de contrôle.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement a un objet distinct du précédent même s’il se fixe le même objectif. Il va plus loin.
Dans un délai de deux ans, les entreprises exerçant simultanément des activités d’importation, de distribution et de logistique dans une même collectivité ultramarine devront séparer juridiquement et comptablement leurs activités. Cela implique des comptes distincts, l’interdiction des subventions croisées et une déclaration annuelle à l’Autorité de la concurrence.
En effet, ces groupes importent d’une main, vendent de l’autre et, entre les deux, gonflent leurs marges dans des filiales qu’aucun service public ne peut vraiment contrôler.
En ce sens, nous traduisons concrètement ce que les rapports de l’Autorité de la concurrence, du Cese et des OPMR pointent depuis des années : une structure de marché défaillante. Dès lors, il faut remettre en cause cette structure de marché et pas seulement en corriger les effets.
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié bis, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, MM. Cozic et M. Weber, Mme G. Jourda et M. P. Joly, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, tout groupe de société intégré s’assure d’une exploitation autonome de ses activités de grossiste-importateur, qui soit distincte de celles de distribution au détail.
Un décret précise les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit. Il ne me paraît pas incongru de demander la séparation des activités d’importateurs-grossistes de celles de détaillants. Cela éviterait les conflits d’intérêts.
Je tiens à faire remarquer que, à l’issue de l’examen de ce texte, nous aurons sciemment refusé de nous attaquer à la structuration conglomérale des marchés dans les outre-mer.
Nous aurons refusé de reconnaître que la verticalisation, l’intégration, la concentration impliquaient nécessairement manque de transparence, abus de position dominante et excès.
Nous aurons refusé de reconnaître que cette situation est due non pas aux handicaps géographiques, que sont la distance ou l’éloignement, mais à la concentration, à l’intégration et à l’action de quelques groupes. Je rappelle que, en 2016-2017 – cette étude qui portait sur la Martinique n’a pas été réactualisée –, 70 entreprises possédaient dans ce département plus de 50 % des marchés et réalisaient 18 millions d’euros de chiffres d’affaires.
C’est pourquoi je demande a minima la séparation de ces deux segments d’activités.


