Je tiens à saluer ses autrices, présentes en tribune, Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin, pour leur travail et leur ténacité.
En effet, depuis trop longtemps, la définition pénale du viol et des agressions sexuelles reposait sur la contrainte, la menace, la surprise ou la violence. En théorie, c'était une protection, mais, en pratique, c'était une injustice, car ce cadre conduisait souvent la justice, et plus largement la société, à s'intéresser non pas au comportement de l'agresseur, mais à celui de la victime. Avait-elle bu ? Quelle tenue portait-elle ? Avait-elle crié ? S'était-elle débattue ? Pourquoi n'avait-elle pas résisté ? Comme si le silence, la peur, la sidération n'étaient pas déjà des preuves en elles-mêmes.
Pour la victime, c'était une double peine : après qu'elle eut subi la violence, elle devait se justifier de la manière dont elle l'avait subie.
C'est précisément cette logique que nous corrigeons aujourd'hui. En plaçant le consentement au cœur de la définition du viol et des agressions sexuelles, nous changeons de regard.
Puisqu'il faut qu'il y ait eu consentement, la justice s'intéressera à l'auteur : qu'est-ce qui a pu lui laisser penser qu'il y avait consentement ?
Il ne sera plus possible de déduire celui-ci du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime. L'immobilité, la peur, la sidération ne valent pas consentement.
Un acte sexuel n'est jamais neutre. Il suppose un accord clair, librement donné et qui peut être retiré à tout moment.
Une relation sexuelle n'a de sens que si elle est partagée. Le corps de l'autre ne peut jamais être pris ni supposé offert. Sinon, ce n'est plus une relation : c'est une violence sexuelle, un viol.
Mais, pour que cette reconnaissance prenne toute sa force, encore fallait-il lui donner un cadre clair, solide, applicable. C'était tout l'enjeu du travail parlementaire que nous avons mené, en conciliant précision juridique et portée symbolique.
Cependant, la loi que nous allons voter nous oblige aussi collectivement. En effet, s'il dit la norme, le droit ne suffit pas à changer les comportements. Il faut aussi regarder la réalité du quotidien.
Au-delà de la loi, il faut l'éducation, la prévention, la parole. Au-delà de la loi, il faut oser parler du consentement, du respect, du corps.
Il faut le faire dans nos familles, dans les écoles, dans les entreprises. Il faut rappeler qu'aimer, séduire, désirer, ce n'est jamais imposer.
Pour finir, je veux ici saluer toutes celles et tous ceux – associations, magistrats, parlementaires, professionnels de santé, forces de l'ordre, enseignants – qui œuvrent chaque jour pour que la parole des victimes soit accueillie avec respect et que la société progresse. Ils ne sont pas encore assez nombreux, mais le Parlement est aujourd'hui à leurs côtés pour plus de justice.
Je veux aussi avoir une pensée pour celles et ceux qui n'ont pas encore pu parler, qui ressentent encore la peur, la honte et le doute. Cette loi leur est destinée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP et SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mes chers collègues, je souhaite dire quelques mots, avant que nous adoptions ce texte – largement, je l'espère – pour rebondir sur les propos qui ont été tenus lors de cette discussion générale.
Plusieurs de nos collègues ont évoqué l'évolution de la prise en compte des violences sexuelles dans notre société, qui ont permis d'en arriver aujourd'hui à l'adoption de ce texte.
Il y a effectivement eu une évolution, et d'abord pour ce qui concerne l'expression des victimes. Pendant de nombreuses années, le silence s'imposait sur ce qui se passait dans les alcôves – j'emploie cette expression à dessein, car, comme cela a été répété, les agressions sexuelles sont, de manière générale, commises par des proches des victimes. Le silence a toujours régné, comme il règne encore sur l'inceste : nous savons que les agressions sexuelles de mineurs se passent essentiellement au sein des foyers.
Ce silence est de moins en moins présent : les victimes s'expriment de plus en plus et sont de plus en plus écoutées.
C'est aussi la notion de consentement – et la connaissance de cette notion – qui a évolué.
Nombre d'orateurs ont repris, dans leur discours, l'expression, issue du bon sens populaire, selon laquelle « qui ne dit mot consent ». En effet, ce principe, qui s'applique dans tous les actes de la société, prévalait jusqu'alors aussi dans les situations d'agression.
Aujourd'hui, le consentement a fait place à la notion de sidération : qui ne dit mot ne consent à rien, et n'est simplement pas en mesure de dire « oui » ou « non ». Et cette évolution permet de mieux prendre en compte la situation si douloureuse de l'agression sexuelle.
Pour autant, permettez-moi de m'exprimer sur un point : pour ma part, je ne crois pas à la culture du viol. Je n'adhère pas à l'idée, soutenue par certains, qu'une telle culture existe en France. (Mme Mélanie Vogel lève les yeux au ciel.)
Mme Laurence Rossignol. C'est un écosystème !
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles les hommes ont beaucoup de mal à s'exprimer : culturellement, ils sont qualifiés de violeurs.
La culture, c'est ce qu'on transmet. Or je ne crois pas que nous transmettions le viol à nos fils.
La culture, c'est aussi ce qui transparaît dans nos règles de droit. Or le Sénat comme l'Assemblée nationale votent régulièrement des textes visant à pénaliser de plus en plus lourdement le viol afin de rappeler clairement que les agressions sexuelles, de manière générale, n'ont pas leur place dans la société et qu'elles doivent être purement et durement punies.
Le texte qui nous est présenté aujourd'hui s'inscrit dans cette évolution. Il met en avant la notion de consentement. Chacun sait, de manière assez intuitive, que lorsqu'une agression sexuelle est commise la victime n'est pas consentante.
Cependant, la difficulté reste de pouvoir utiliser l'absence de consentement pour prouver l'agression, sans faire peser de charge sur la victime – puisque c'est elle qui consent, ou non.
Cette difficulté a été résolue par la rédaction retenue par nos collègues de l'Assemblée nationale, puis par les rapporteures du Sénat. Inspirée par l'avis du Conseil d'État, elle me semble tout à fait judicieuse.
Cette proposition de loi éclaire le code pénal, en intégrant dans le droit une notion dont nous savions intuitivement qu'elle était au cœur de la difficulté, comme nos deux rapporteures l'ont très bien expliqué.
J'espère que nous serons nombreux, si ce n'est unanimes, à voter ce texte aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP et sur des travées des groupes RDSE et RDPI.)
Mme la présidente. Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi modifiant la définition pénale du viol et des agressions sexuelles dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 9 :
| Nombre de votants | 342 |
| Nombre de suffrages exprimés | 327 |
| Pour l'adoption | 327 |
| Contre | 0 |
Le Sénat a adopté définitivement la proposition de loi. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE-K.)
M. Loïc Hervé. Bravo !
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Mise au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour une mise au point au sujet de votes.
Mme Catherine Di Folco. Lors du scrutin public n° 8, mes collègues Annick Petrus et Viviane Malet souhaitaient voter pour.
Mme la présidente. Acte est donné de ces mises au point, ma chère collègue. Elles figureront dans l'analyse politique du scrutin.
5
Conventions internationales
Adoption en procédure d'examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle l'examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales.
Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d'examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de notes verbales entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république de moldavie relatif à l'échange de permis de conduire
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée l'approbation de l'accord sous forme d'échange de notes verbales entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie relatif à l'échange de permis de conduire, signées à Paris le 12 juillet 2024, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission, après engagement de la procédure accélérée, sur ce projet de loi (projet n° 764 [2024-2025], texte de la commission n° 62, rapport n° 61).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l'adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république de macédoine du nord
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée l'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord, signé à Paris le 14 octobre 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée (projet n° 788 [2024-2025], texte de la commission n° 60, rapport n° 59).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l'adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
6
Conventions fiscales avec la Finlande et la Suède
Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Finlande pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales, et l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Suède en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (projet n° 855 [2024-2025], texte de la commission n° 52, rapport n° 51).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Eléonore Caroit, ministre déléguée auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée de la francophonie, des partenariats internationaux et des Français de l'étranger. Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, au sein de l'OCDE, la France joue un rôle moteur dans l'élaboration des normes internationales en matière de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales.
Cela se traduit par sa participation active aux travaux de cette organisation en matière fiscale, notamment à ceux qui ont conduit à l'adoption de la convention multilatérale (CML) pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, dite convention Beps (Base Erosion and Profit Shifting), signée par la France le 7 juin 2017.
Tout comme la France, la Finlande et la Suède, pleinement engagées dans la lutte contre la fraude fiscale au niveau international, ont ratifié cet instrument multilatéral de l'OCDE.
Pour les États concernés, la participation à cet accord multilatéral se traduit par l'application des standards internationaux en droit interne, en particulier dans le cadre des conventions fiscales bilatérales. La mise en conformité avec ces normes internationales à l'échelle de nos relations bilatérales est l'une des raisons qui justifient la négociation des accords soumis à votre approbation aujourd'hui.
En ce qui concerne la Finlande, nous sommes liés avec cet État par une convention fiscale signée le 11 septembre 1970, qui n'a jamais été modifiée depuis cette date. Bien que la convention multilatérale Beps produise ses effets à l'égard de notre convention fiscale, la France et la Finlande se sont entendues en 2019 pour mettre à jour le cadre juridique bilatéral au regard des derniers standards de l'OCDE et des évolutions de leur politique conventionnelle.
Nos deux États ont ainsi signé une nouvelle convention fiscale le 4 avril 2023 qui se substituera à la convention de 1970.
Les méthodes d'élimination de la double imposition et les règles d'imposition des revenus passifs – intérêts, dividendes et redevances – ont par exemple été mises à jour dans la présente convention, eu égard aux changements de la politique conventionnelle de nos deux États depuis 1970.
S'agissant des dividendes, la convention en vigueur prévoit une exonération générale de retenue à la source sur ces revenus. Cette règle d'imposition est désuète : elle est en effet devenue rare dans notre réseau de conventions fiscales.
Par ailleurs, une telle exonération peut conduire à des montages abusifs, tels que les CumCum, qui consistent à transférer temporairement des actions au résident d'un État tiers lié à l'État source par une convention fiscale prévoyant l'absence de retenue à la source, et ce dans le seul but d'éluder l'impôt.
De concert avec la Finlande, la France a ainsi inscrit dans la nouvelle convention fiscale une règle d'imposition partagée qui est conforme à ce qui figure dans bon nombre de nos conventions fiscales et qui met fin à toute opportunité d'optimisation et d'abus. Plus précisément, les dividendes versés à un bénéficiaire détenant moins de 5 % du capital de la société distributrice seront soumis à une retenue à la source plafonnée à 15 %.
Lorsque le bénéficiaire détient plus de 5 % du capital de cette société pendant une durée supérieure à 365 jours, les dividendes seront exonérés de retenue à la source.
À la demande de la Finlande, le régime d'imposition des retraites privées prévu dans ce nouvel accord fera l'objet d'une imposition partagée entre les deux États, au lieu d'une imposition exclusive dans l'État de résidence. En contrepartie de ce changement de règle d'imposition, l'élimination de la double imposition de ces revenus est régie par un mécanisme de crédit d'impôt inversé. Cela signifie que l'effacement de la double imposition est à la charge non plus de l'État de résidence, mais de l'État source de la pension. Celui-ci octroie un crédit d'impôt au contribuable pour éliminer la double imposition.
Ce nouveau mécanisme innovant, déjà prévu dans la convention fiscale avec le Danemark signée le 4 février 2022, garantit l'élimination de la double imposition et préserve les recettes fiscales de l'État de résidence.
Dans le contexte franco-finlandais, cette mesure d'imposition bénéficiera largement à la France et contribuera à la préservation de nos finances publiques. En effet, le nombre de résidents finlandais en France percevant une pension de source finlandaise est bien plus important que le nombre de résidents français en Finlande percevant une pension de source française. Selon les estimations de l'administration fiscale finlandaise, il y aurait environ 700 retraités finlandais résidant en France, alors que le registre des Français établis hors de France fait état de 46 Français déclarés comme retraités en Finlande.
Comme je l'ai mentionné, cet accord intègre également les derniers standards internationaux de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales souscrits par la France et la Finlande dans le cadre de la convention multilatérale Beps de l'OCDE.
Enfin, cette nouvelle convention fiscale constitue un cadre juridique favorable à la multiplication des investissements et au développement des échanges commerciaux, qui s'inscrit dans une relation bilatérale étroite et privilégiée avec notre partenaire. À titre d'exemple, près de 200 entreprises finlandaises en France emploient environ 8 500 personnes et autant d'entreprises françaises installées en Finlande en emploient environ 13 000. Ce cadre modernisé apporte également davantage de clarté et de lisibilité tant pour les personnes morales que pour les personnes physiques.
Les relations entre la France et la Finlande se densifient dans de nombreux domaines d'intérêt commun, comme l'illustre la signature, le 20 octobre dernier, d'une lettre d'intention sur une coopération dans le domaine du nucléaire.
Le projet de loi porte également sur l'approbation d'un avenant, signé le 22 mai 2023, à la convention fiscale avec la Suède du 27 novembre 1990. La signature de cet accord s'inscrit dans le cadre du mouvement de modernisation des conventions fiscales bilatérales au regard des dernières normes internationales en matière de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales.
Le nouvel accord transpose les derniers standards de la convention multilatérale Beps de l'OCDE à notre convention fiscale bilatérale. L'application de ces standards sous la forme d'un avenant répond à une demande spécifique de la Suède. En effet, en raison de son droit interne, notre partenaire devait passer par la négociation d'un accord dédié pour que ces normes soient applicables à la convention fiscale en vigueur.
L'avenant permettra, entre autres, d'intégrer dans le corps de la convention actuelle les derniers standards en matière de procédure amiable de règlement des différends entre administrations fiscales.
Les conventions soumises à votre approbation modernisent les cadres juridiques existants en matière fiscale avec la Finlande et la Suède et retranscrivent notre engagement à respecter les standards internationaux de lutte contre la fraude fiscale.
Ces accords, qui visent à renforcer les liens économiques avec nos partenaires, s'inscrivent indéniablement dans le cadre dynamique de nos relations bilatérales, encadrées par un partenariat stratégique en matière d'innovation pour des sociétés durables, numériques et résilientes, signé en 2017 et renouvelé en 2019 puis en janvier 2024 lors de la visite d'État en Suède du Président de la République.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Finlande pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales et l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Suède en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune. (M. Marc Laménie applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des finances a examiné et adopté la semaine dernière ce projet de loi prévoyant l'entrée en vigueur de deux accords internationaux en matière fiscale.
Composé de deux articles, le texte a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention fiscale bilatérale franco-finlandaise du 4 avril 2023, d'une part, et de l'avenant du 22 mai 2023 à la convention fiscale franco-suédoise du 27 novembre 1990, d'autre part.
Comme vous le savez, en application de l'article 53 de la Constitution, l'entrée en vigueur de certains accords internationaux, dont les conventions fiscales, est subordonnée à l'autorisation du Parlement. Les projets de loi concernés, qui ne sauraient modifier le contenu des conventions, ont pour unique objet de valider ou de rejeter les solutions négociées par l'exécutif.
Le Sénat est la première assemblée saisie de ce projet de loi. Comme on le constate souvent en matière de conventions fiscales, la France est en retard par rapport à ses partenaires en ce qui concerne l'approbation de ces deux accords : la Suède a notifié à la France en décembre 2023 qu'elle avait achevé ses procédures internes d'approbation, et la Finlande a fait de même en juillet 2024.
Je commencerai par présenter le contenu du texte le plus significatif dont il nous est demandé d'autoriser l'approbation : la nouvelle convention fiscale franco-finlandaise.
En l'état du droit, les relations fiscales entre la France et la Finlande sont régies par une convention bilatérale du 11 septembre 1970. Ce texte est l'un des plus anciens de notre réseau conventionnel à ne pas avoir fait l'objet d'un avenant et n'était plus compatible avec les derniers standards de l'OCDE. De plus, comme nous le verrons par la suite, l'absence de retenue à la source sur les dividendes posait une difficulté majeure. La négociation d'une nouvelle convention était donc doublement nécessaire.
Le texte sur lequel se sont accordées les deux parties s'appuie très largement sur les derniers travaux de l'OCDE.
Pour rappel, deux instruments de l'OCDE orientent désormais la politique conventionnelle française en matière fiscale : le modèle de convention fiscale, mis à jour en 2017, a été complété par l'instrument multilatéral de l'OCDE issu du plan d'action pour lutter contre l'évitement fiscal et moderniser le droit fiscal international, mieux connu sous le nom de convention multilatérale Beps.
La nouvelle convention intègre, par conséquent, des stipulations conformes aux avancées de l'OCDE et à la pratique conventionnelle de la France.
Tout d'abord, elle prévoit une définition modernisée de l'établissement stable. Cette notion permet de déterminer si une activité industrielle, commerciale ou libérale est imposable dans l'État où elle est exercée ou dans l'État de résidence de l'entreprise.
Ensuite, elle intègre les clauses anti-abus et de coopération fiscale les plus récentes.
En outre, elle précise et redéfinit le partage des droits d'imposition entre les deux États sur différentes catégories de revenus, notamment les revenus passifs.
Enfin, elle modernise les mécanismes d'élimination des doubles impositions. La France a opté pour la méthode dite de l'imputation, qui consiste à accorder au contribuable un crédit d'impôt imputable sur son impôt français.
En réalité, les négociations bilatérales se sont concentrées sur deux points.
En premier lieu, la principale revendication émise par notre partenaire finlandais était de prévoir un partage d'imposition sur les pensions privées.
La solution retenue est similaire à celle qui avait été adoptée dans la convention fiscale franco-danoise. Elle repose sur un mécanisme atypique de crédit d'impôt inversé et permet de dégager une solution qui préserve les intérêts du Trésor français, tout en reconnaissant à la Finlande un droit d'imposition résiduel sur ces revenus.
Concrètement, une fois la convention entrée en vigueur, les retraités finlandais installés en France continueront d'être assujettis à l'impôt français pour l'intégralité des montants de pensions qu'ils perçoivent. Néanmoins, ils seront également imposables en Finlande à hauteur de la différence entre l'impôt payé en France et l'impôt qu'ils auraient payé en Finlande sur ces revenus.
En second lieu, pour la France, l'objectif majeur de cette renégociation était d'introduire une imposition sur les dividendes, afin de prévenir tout risque de montage abusif d'arbitrage de dividendes.
La convention franco-finlandaise de 1970 fait partie des neuf conventions fiscales bilatérales prévoyant un taux nul de retenue à la source sur les dividendes. Une telle stipulation ouvre la voie à des montages CumCum externes, contre lesquels la commission des finances du Sénat s'est attachée à lutter : à l'approche de la date de versement des dividendes, afin d'échapper à la retenue à la source, le propriétaire français de l'action la prête au résident d'un État dont la convention fiscale signée avec la France ne prévoit aucune retenue à la source.
Pour prévenir ce risque, la convention nouvellement signée introduit une retenue à la source, plafonnée à 15 %, pour les dividendes versés à un bénéficiaire détenant moins de 5 % du capital de la société distributrice. Elle conserve toutefois une exonération pour les dividendes versés au bénéficiaire détenant plus de 5 % du capital de la société distributrice pendant une durée supérieure à 365 jours, ce qui correspond au régime mère-fille conventionnel.
Notre commission s'est cependant assurée de la compatibilité de ces stipulations avec le dispositif de retenue à la source préventive « anti-CumCum » externes que le Sénat a introduit dans la loi de finances pour 2025. Ainsi, à compter du 1er janvier 2026, une retenue à la source sera appliquée à titre conservatoire sur les dividendes et produits assimilés versés à des personnes établies ou ayant leur résidence dans un État dont la convention fiscale ne prévoit pas – ou exonère – de retenue à la source ces produits.
Le Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) du 17 avril 2025, révisé le 24 juillet 2025, précise bien que le dispositif ne s'applique pas aux dividendes versés dans le cadre du régime mère-fille.
J'en viens maintenant à l'avenant à la convention fiscale franco-suédoise, dont le contenu est plus limité. Comme je l'ai indiqué, l'OCDE a établi en 2016 une convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, également désignée comme « instrument multilatéral ».
Pour intégrer l'apport de l'instrument multilatéral, les États peuvent recourir à deux méthodes : soit une notification par les deux parties de leur volonté de « couvrir » leur convention bilatérale, ce qui a pour effet de modifier automatiquement le contenu de la convention en vigueur, soit une modification de la convention par avenant.
En raison de contraintes juridiques internes, la Suède a choisi de ne pas notifier l'OCDE de la couverture de son réseau conventionnel par l'instrument multilatéral, et donc de modifier ses conventions fiscales bilatérales par la voie d'avenants.
L'avenant du 22 mai 2023 a donc pour but de modifier la convention en vigueur afin d'y insérer les stipulations de l'instrument multilatéral.
À l'issue de cette présentation, les deux accords trouvés me paraissent équilibrés.
La commission des finances vous propose donc, mes chers collègues, d'émettre un avis favorable à l'entrée en vigueur de la convention fiscale bilatérale franco-finlandaise du 4 avril 2023 et de l'avenant du 22 mai 2023 à la convention fiscale franco-suédoise du 27 novembre 1990, c'est-à-dire d'adopter le présent projet de loi sans modification. (MM. Vincent Capo-Canellas et Marc Laménie, ainsi que M. le président de la commission, applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Briante Guillemont et M. Stéphane Fouassin applaudissent également.)
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, des retraités, vivant de leur seule pension, sont confrontés à des pénalités considérables, comme en Italie ; des enseignants détachés font face à un redressement rétroactif de plusieurs années, comme en Grèce ; des familles sont ruinées : maison perdue, économies envolées, rêves effondrés. Tout cela à cause non pas d'une fraude ou d'une dissimulation, mais d'une convention fiscale ambiguë, dont l'imprécision s'est retournée contre eux !
Quand nous parlons de conventions fiscales, nous ne parlons ni en théorie ni sur le papier : il est ici question de la vie quotidienne de nos compatriotes français. Pour eux, des textes sans équivoque sont la condition d'une vie juridiquement sûre, fiscalement équitable.
Le projet de loi qui nous est soumis, et qui vise à approuver une convention avec la Finlande et un avenant à la convention avec la Suède, remplit cette fonction protectrice : clarifier, prévenir et sécuriser.
Sans entrer dans le détail de toutes les clauses de la convention franco-finlandaise – Mme la ministre et Mme la rapporteure les ont déjà évoquées –, j'insisterai sur deux d'entre elles.
La première porte sur le partage de l'imposition des pensions privées entre l'État source et l'État de résidence alors que, habituellement, les pensions privées sont imposées uniquement dans l'État de résidence.
L'imposition partagée exigée par la Finlande est une importante concession faite par la France : comme le soulignait Mme la ministre, seulement 46 retraités français vivent en Finlande, tandis que 700 retraités finlandais vivent dans notre pays.
Certes, l'inscription dans le texte, sans ambiguïté, de l'imposition partagée évite à nos compatriotes toute surprise, comme ce fut le cas malheureusement en Italie. Il ne faudrait toutefois pas étendre cette modalité d'imposition à l'ensemble de notre réseau conventionnel, car cela induirait une perte pour l'administration fiscale.
La deuxième clause sur laquelle je veux revenir est l'instauration d'une retenue à la source sur les dividendes, évoquée par Mme la rapporteure. À cet égard, le Sénat se réjouit que les recommandations de la mission d'information relative à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales conduite en 2022 aient été suivies d'effet.
De nombreuses conventions fiscales exonèrent totalement les dividendes de retenue à la source. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer si Bercy entend renégocier les conventions concernées ?
Le Sénat avait d'ailleurs introduit, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, une retenue à la source préventive dite « anti-CumCum ». Nous devons être particulièrement vigilants quant à la bonne application de cette retenue à la source, car il semblerait que l'administration fiscale n'ait pas encore publié cette nouvelle disposition du code général des impôts dans le Bofip.
Quant à l'avenant à la convention franco-suédoise, il transpose le dispositif de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert des bénéfices, renforce les voies de règlements amiables et introduit une clause anti-abus.