M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées.

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées. Madame la sénatrice Demas, je connais votre engagement pour la santé des femmes. Vous connaissez le mien et, surtout, celui du Gouvernement, pleinement mobilisé pour que la prise en charge des femmes concernées soit complète et équitable tout au long de leur parcours. Le mois d'Octobre rose nous rappelle d'ailleurs qu'il s'agit d'un enjeu à la fois médical, humain et sociétal.

Je ne reviens pas sur le décret : comme vous l'avez précisé, il est en cours d'élaboration. Le Gouvernement a besoin d'un peu de temps, madame la sénatrice, pour éviter les redondances.

J'ai toutefois pu annoncer, la semaine dernière, une partie des mesures contenues dans ce prochain texte, notamment la prise en charge à 100 % des prothèses capillaires, c'est-à-dire des perruques, pour toutes les femmes. Nous pouvons nous accorder sur cette avancée. Des travaux sont aussi en cours pour assurer la prise en charge du tatouage des seins et pour inscrire les soutiens-gorges compressifs sur la liste supplémentaire.

J'y insiste : nous avons encore besoin d'un peu de temps pour faire en sorte que les mesures que nous prendrons dans ce décret soient effectives. Vous savez pouvoir compter sur mon engagement pour poursuivre ce travail.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas, pour la réplique.

Mme Patricia Demas. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Toutefois, vous me l'accorderez, il existe un décalage entre le quotidien des Français, à savoir leur vécu de la maladie, et la réponse – tardive – de l'État. La lenteur administrative n'est pas une fatalité : il vous appartient de fixer des délais pour que les lois soient appliquées. Il y va de la crédibilité de nos politiques publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et RDSE. – Mmes Cathy Apourceau-Poly et Émilienne Poumirol applaudissent également.)

présence de psychologues dans les établissements scolaires

M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Muller-Bronn. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Le 24 septembre dernier, dans mon département du Bas-Rhin, dans mon canton, un élève de 14 ans a agressé au couteau une enseignante du collège de Benfeld, avant de se donner la mort. Cette tragédie soulève, une nouvelle fois, la question de la santé mentale des adolescents, qui exige une feuille de route à la hauteur de la situation alarmante que nous connaissons tous dans cet hémicycle.

D'année en année, la situation de ces jeunes s'est aggravée, particulièrement depuis la période angoissante du covid et du passe sanitaire, qui a exacerbé les vulnérabilités existantes. Alors qu'il aurait fallu renforcer l'attention que nous accordons à ces adolescents, nombre d'enquêtes et de rapports pointent une pénurie de médecins, de psychologues et d'infirmières scolaires. Sur le terrain, les enseignants m'ont exprimé leur détresse et leur sentiment d'impuissance quand il faudrait relayer vers le personnel médical les élèves en souffrance.

Le collège de Benfeld, qui compte 800 élèves, illustre cette déshérence : une psychologue présente une journée et demie par semaine, aucun médecin scolaire et des infirmières réparties sur plusieurs écoles. Le collège de Sundhouse, trente kilomètres plus loin, subit le non-remplacement de l'infirmière scolaire et de la psychologue, malgré des absences de longue durée.

Ces consultations sont pourtant un maillon essentiel. Le Sénat a d'ailleurs fait adopter en mai dernier la reconnaissance d'une spécialité infirmière autonome pour les professionnels de l'éducation nationale. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que le décret d'application de ce texte sera publié rapidement ? Au-delà, quelles seront les mesures prises concrètement en milieu scolaire pour la santé mentale, désignée grande cause nationale de l'année 2025 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing, Mme Monique de Marco, Mme Émilienne Poumirol et M. Jacques Fernique applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Edouard Geffray, ministre de l'éducation nationale. Madame la sénatrice Laurence Muller-Bronn, je vous remercie de votre question, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, elle me permet de témoigner à nouveau de ma solidarité à l'égard de ma collègue victime du drame de Benfeld, drame qui s'inscrit dans le cadre de la tragédie plus large que vous évoquez.

En second lieu, votre question fait précisément écho à l'une des trois priorités que je me suis fixées en arrivant, à savoir la santé physique et psychique de nos élèves.

Une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) publiée il y a trois semaines montre que 30 % des jeunes de 11 à 24 ans présentent à un moment des troubles anxieux ou dépressifs. Depuis l'épisode du covid, une forte augmentation du nombre de consultations aux urgences psychiatriques a été observée chez nos élèves. Votre constat est donc absolument partagé. La ministre de la santé et moi-même travaillons ensemble sur le sujet.

Quelles mesures projetons-nous de mettre en œuvre ?

Premièrement, nous sommes en train de déployer dans tous les établissements le protocole Santé mentale. Celui-ci permet un premier repérage : concrètement, deux personnes par établissement seront formées, d'ici au mois de décembre, pour déceler les troubles de santé mentale. Elles pourront s'appuyer sur un conseiller, destiné à les épauler.

Deuxièmement, la ministre de la santé et moi-même travaillons à la mise en place d'un dispositif coupe-file. Actuellement, lorsque le trouble d'un élève est repéré par une infirmière ou un médecin scolaires, l'intéressé est orienté vers la médecine de ville ; or, pour obtenir un rendez-vous, il doit attendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Nous cherchons donc à mettre l'élève immédiatement en contact avec un médecin.

Troisièmement, en matière de moyens, le Gouvernement s'apprête, grâce au projet de loi de finances, à recruter 300 infirmières, psychologues et assistantes sociales supplémentaires.

M. le président. Il faut conclure.

M. Edouard Geffray, ministre. L'objectif est précisément d'apporter une réponse complète à ces troubles.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour la réplique.

Mme Laurence Muller-Bronn. Monsieur le ministre, c sont là des annonces. L'agression s'est produite le 24 septembre dernier, nous sommes le 29 octobre et rien n'a changé, comme j'ai pu le constater en suivant les conseils d'administration des collèges.

Le personnel est déjà formé : nous disposons de psychologues et d'infirmières, mais ils ne sont pas dans les établissements. Comme ils me l'ont affirmé, les enseignants…

M. le président. Il faut conclure.

Mme Laurence Muller-Bronn. … voient quels élèves sont en difficulté, mais ne peuvent les envoyer nulle part. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants. Elle sera reprise à 16 h 30 pour la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq,

est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi modifiant la définition pénale du viol et des agressions sexuelles
Article 1er

Définition pénale du viol et des agressions sexuelles

Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles (texte de la commission n° 46, rapport n° 45).

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Elsa Schalck, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant d'aborder le texte, je tiens à souligner la qualité du travail parlementaire dont il résulte.

Cette proposition de loi a été déposée à l'issue des travaux d'une mission d'information conduite par nos collègues de l'Assemblée nationale Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin. Elle a fait l'objet d'un examen rigoureux, accompli à la lumière d'un avis du Conseil d'État et dans un climat de grande confiance, tant entre les chambres qu'entre les groupes politiques.

Ma corapporteure, Dominique Vérien, que je salue, et moi-même pouvons en témoigner : tout a été fait pour parfaire la rédaction de ce dispositif.

Le Parlement s'honore et légifère mieux lorsqu'il travaille à la lumière de travaux qui permettent de construire un consensus. La proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic en a déjà fourni une illustration voilà quelques mois.

C'est de nouveau le cas aujourd'hui : il y a là non seulement des réussites dont nous pouvons nous féliciter, mais aussi des leçons que nous devons garder à l'esprit pour l'avenir – à l'aune des temps actuels, cette observation prend une force particulière.

Passons désormais aux modifications apportées au texte par la commission mixte paritaire (CMP).

À l'issue de la première lecture, un seul désaccord, purement technique, demeurait entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Il tenait à l'expression de « circonstances environnantes », que l'Assemblée nationale avait retenue pour se conformer littéralement à la convention d'Istanbul. Nous avions préféré le terme de « contexte », qui est connu de la jurisprudence pénale française et qui nous paraissait plus clair dans sa portée.

Pour préserver l'objectif des auteures du texte, que nous partageons pleinement, et qui est de favoriser l'appréciation globale de la situation dans laquelle sont commises les agressions sexuelles, nous nous sommes entendues sur le terme de « circonstances » : celui-ci permettra au juge de saisir les situations de fait dans leur diversité, sans pour autant compromettre la robustesse juridique du dispositif.

La proposition de loi que nous nous apprêtons à adopter grave dans le code pénal les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle évacue ainsi l'équivoque qui, hélas ! subsistait à la lecture de l'article 222-22 du code pénal. Le législateur fait aujourd'hui œuvre utile en affirmant solennellement un principe crucial : il n'est point d'acte sexuel licite s'il n'est pas consenti.

Céder à la menace, à la violence, y compris psychologique, ou à toute forme de pression, ce n'est pas consentir.

Se taire ou se laisser faire, ce n'est pas consentir : c'est subir une contrainte provoquée par la peur – peur des coups, peur des représailles, peur de réveiller les enfants si l'on crie.

Se résigner lorsqu'un refus, pourtant exprimé des dizaines de fois, n'a pas été entendu, ce n'est pas consentir : cela veut seulement dire qu'on n'a plus la force de lutter.

Ne pas réagir, ce n'est pas consentir : c'est, trop souvent, se trouver dans un état de sidération qui ne permet pas de se défendre.

Cette évolution législative apporte donc de la clarté, une clarté qui doit permettre d'améliorer le traitement des violences sexuelles par les services d'enquête et les tribunaux.

Si nous arrivons aujourd'hui au terme de la procédure législative, nos travaux sur ce texte ne sont pas terminés, tout au contraire ! L'adoption de cette loi devra en effet être suivie d'un travail de contrôle, destiné à évaluer les effets qu'elle aura engendrés. Nous y serons particulièrement attentifs, car la loi n'a de sens que si elle sert réellement l'intérêt général.

Pour aller au bout du chemin sur lequel nous nous engageons aujourd'hui, il nous appartiendra de vérifier que la loi nouvelle a réellement rendu la répression des violences sexuelles plus efficace et qu'elle a mis fin, ce faisant, à l'impunité des agresseurs autant qu'à la solitude des victimes. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des lois, mesdames les rapporteures Elsa Schalck et Dominique Vérien, mesdames, messieurs les sénateurs, il est des combats qui traversent les décennies, des voix qui ne s'éteignent jamais et des femmes dont l'engagement continue d'éclairer notre route.

En ce moment où vous vous apprêtez à vous prononcer sur cette proposition de loi, je veux rendre hommage à Monique Pelletier, décédée le 19 octobre 2025 à l'âge de 99 ans.

Avocate, ministre de la condition féminine, membre du Conseil constitutionnel, elle a fait de sa vie un combat pour la justice et la dignité : une vie consacrée à briser le silence, à faire bouger les lignes, à faire du droit un instrument d'émancipation.

Dans une France encore corsetée par le silence, la honte, l'indifférence, Monique Pelletier s'est battue pour les droits des femmes et pour la reconnaissance des violences faites aux femmes.

C'est notamment à elle que nous devons la criminalisation du viol, en 1980, et ce qui est devenu notre article 222-23 du code pénal : une conquête déterminante, portée par la force d'un mouvement de femmes déterminées, dans le sillage du combat historique de Gisèle Halimi.

Et c'est en pensant à ces femmes, à leur courage et à leur clairvoyance, que nous poursuivons aujourd'hui ce combat pour nommer, reconnaître, condamner et éradiquer toutes les formes de violences sexuelles.

Le consentement, en effet, est au cœur de notre combat contre les violences sexuelles.

Il est une évidence qui aurait dû s'imposer depuis longtemps ; et pourtant, il demeure un concept volontairement déformé, caricaturé.

Pourquoi ? Parce qu'il vient heurter des habitudes, des croyances – parce qu'il dérange.

S'il dérange, c'est qu'il est intrinsèquement lié à une réalité que l'on préférait mettre à distance, une réalité occultée par les clichés : dans neuf cas sur dix – neuf fois sur dix ! –, la victime connaît son agresseur, celui qui abuse, celui qui viole.

Ce n'est pas un inconnu tapi dans l'ombre : c'est un mari, un ex-conjoint, un parent, un ami, un collègue, un supérieur hiérarchique, une figure d'autorité, quelqu'un à qui l'on fait confiance, à qui l'on dit « tu ».

Et c'est précisément cette proximité qui brouille tout. Elle rend les frontières floues, les repères incertains. Elle installe le doute, insidieux, corrosif : le doute de la victime, d'abord – « Est-ce vraiment arrivé ? Ai-je mal compris ? Est-ce ma faute ? » –, et le doute des autres, ensuite : « Pourquoi n'a-t-elle pas crié ? Pourquoi ne s'est-elle pas débattue ? Pourquoi n'a-t-elle rien dit plus tôt ? »

Parce que le viol ne se résume pas à la brutalité physique.

Parce que la peur, la sidération, la honte, le contrôle coercitif, les violences psychologiques, les abus d'autorité ou de pouvoir sont autant de chaînes invisibles qui paralysent et qui peuvent paralyser longtemps.

Parce que l'absence de cri, de lutte ou de résistance n'a jamais établi un consentement.

Parce que le silence d'une victime n'est jamais un consentement.

Parce que ne pas dire « non » ne veut pas dire « oui ».

Nous n'avons plus le droit de détourner le regard, de prétendre ne pas savoir, de nous réfugier derrière l'excuse du silence ou de la gêne.

Regarder ailleurs, c'est laisser faire.

Regarder ailleurs, c'est prolonger la violence.

Nous devons avoir le courage de regarder notre société telle qu'elle est : avec ses violences, ses silences, ses complicités, ses réflexes de défense qui protègent le confort plutôt qu'ils ne font éclater la vérité.

Nous devons ce regard lucide aux victimes.

Nous leur devons le respect, la reconnaissance, la justice.

Nous devons nous hisser au niveau du courage de toutes celles et de tous ceux – toutes, tous, sans exception ! – qui ont eu la force de parler, de déposer plainte, de revivre l'indicible pour que d'autres n'aient pas à le subir.

Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises victimes : il n'y a que des victimes.

Toutes ont droit à notre respect.

Nous devons penser aussi à celles qui hésitent, à celles qui se taisent, à celles qui renoncent parce qu'elles savent le chemin judiciaire long, douloureux et épuisant, à celles qui n'attendent pas de compassion, mais veulent une société qui les protège et qui agit.

Si nous avons progressé, ces dernières années, pour mieux protéger les victimes et mieux condamner les bourreaux, si nous avons renforcé nos dispositifs de prévention et d'accompagnement ainsi que notre arsenal juridique, si nous avons commencé à graver l'absence de consentement dans la loi, le combat n'est pas terminé.

En inscrivant dans notre code pénal, en 2021, le seuil d'âge de 15 ans en deçà duquel il ne peut jamais y avoir de consentement, nous avons clarifié le travail de la justice.

Avant 15 ans, un enfant est un enfant.

Il ne peut pas comprendre ce qu'on lui suggère ou ce qu'on lui impose.

Avant 15 ans, un enfant ne peut pas consentir : c'est « non », c'est toujours « non », le « non » d'un interdit absolu, et il ne peut pas en être autrement.

Aujourd'hui, nous pouvons changer de dimension en réaffirmant une vérité simple, incontestable, inaltérable : consentir, ce n'est pas ne pas dire « non ».

Consentir, c'est dire « oui » : un « oui » explicite, libre, sans contrainte ni ambiguïté.

D'aucuns caricaturent cette exigence en y voyant une bureaucratisation du désir ou en évoquant ironiquement un contrat signé avant chaque relation sexuelle.

Mais il ne s'agit pas de cela : il s'agit de protéger, de reconnaître, de rendre justice.

Le viol n'est en effet ni une fatalité ni un malheureux malentendu : le viol est un crime, un crime qui brise, qui mutile, qui anéantit.

Nous avons une responsabilité historique.

Cette avancée législative majeure s'inscrit pleinement dans l'engagement du Président de la République et bénéficie du soutien entier du Gouvernement.

Je me réjouis de l'engagement des parlementaires de toutes sensibilités qui la défendent avec force et conviction, à l'Assemblée nationale comme au Sénat.

Je tiens à rendre un hommage appuyé au travail remarquable des sénatrices Elsa Schalck et Dominique Vérien, dont la mission a éclairé les travaux sur ce texte.

Les travaux parlementaires, conjugués avec l'avis du Conseil d'État, ont permis d'aboutir à une écriture qui rassure, encadre et sécurise.

Ce travail collectif honore notre démocratie.

Aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, avec cette proposition de loi, vous avez l'occasion d'inscrire au cœur des lois de notre République ce principe fondamental de justice et de dignité : le consentement doit être « libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable ».

« Libre », parce qu'aucune contrainte, aucune pression, aucune peur ne doit en fausser la nature.

« Éclairé », car comment consentir si l'on est droguée, ivre, en situation de vulnérabilité ou sous rapport d'autorité ?

« Spécifique », pour que nul ne puisse détourner le sens du mot « consentement ».

« Préalable et révocable », car personne ne doit être enchaîné par un consentement délivré une fois.

Dire « oui » ne signifie pas dire « oui » pour toujours, et dire « non » à tout moment doit être respecté.

Au-delà des textes de loi, c'est un changement de culture que nous devons opérer ; et nous devons l'opérer collectivement.

La culture du viol, ce poison insidieux qui imprègne nos sociétés, doit être combattue par chacune et chacun d'entre nous, tout le temps et à tous les niveaux.

Elle est là chaque fois qu'une victime est réduite au silence, chaque fois qu'un agresseur est excusé, chaque fois qu'un « non » est interprété comme un « peut-être ».

Elle est là quand on enseigne aux filles à avoir peur et à se méfier plutôt qu'aux garçons à respecter ; quand on insinue que la jupe était trop courte, l'attitude trop provocante ou l'heure trop tardive ; quand on cherche à justifier l'injustifiable en suggérant qu'après tout « elle l'a bien cherché ».

Mettre fin à cette culture, c'est éradiquer ces mécanismes de domination.

C'est refuser la complaisance, le déni, la banalisation.

C'est éduquer autrement, enseigner le respect, valoriser l'écoute, la liberté, la responsabilité.

C'est dire clairement et définitivement : la honte n'est pas du côté des victimes ; elle est du côté de ceux qui violent, de ceux qui minimisent, de ceux qui détournent le regard, de ceux qui laissent faire.

Aujourd'hui, nous pouvons faire un pas décisif vers une véritable culture du consentement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, certes, ce texte ne changera pas tout.

Oui, nous continuerons de lutter contre toutes les formes de violences.

Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, a réaffirmé la semaine dernière, à l'Assemblée nationale, son engagement pour une loi-cadre visant à lutter contre les violences sexuelles et intrafamiliales.

Tous les groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat sont autour de la table. Le consensus est souhaitable et possible.

Aujourd'hui, il nous revient de réaffirmer haut et fort, au nom de la République, que le corps des femmes leur appartient ; que nul ne peut y prétendre, que nul ne peut le posséder, que nul ne peut le forcer ; que la liberté, la dignité et le respect ne sont pas négociables ; que ce qui compte, ce n'est pas ce que l'agresseur croit, c'est ce que la victime veut.

Et cela, ce renversement du regard, cette reconnaissance, cette exigence, c'est déjà une révolution. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

proposition de loi modifiant la définition pénale du viol et des agressions sexuelles

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi modifiant la définition pénale du viol et des agressions sexuelles
Articles 2 et 3 (début)

Article 1er

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° L'article 222-22 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » sont remplacés par les mots : « tout acte sexuel non consenti commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur » ;

b) Après le même premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Au sens de la présente section, le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable. Il est apprécié au regard des circonstances. Il ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime.

« Il n'y a pas de consentement si l'acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, quelle que soit leur nature. » ;

c) (nouveau) Au deuxième alinéa, le mot : « circonstances » est remplacé par le mot : « conditions » ;

2° L'article 222-22-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « par le premier » sont remplacés par les mots : « au troisième » ;

b) Au deuxième alinéa, la seconde occurrence du mot : « premier » est remplacée par le mot : « troisième » ;

3° (Supprimé)

4° Le premier alinéa de l'article 222-23 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Après le mot : « bucco-génital », sont insérés les mots : « ou bucco-anal » ;

c) (Supprimé)

4° bis Au premier alinéa de l'article 222-23-1 et à l'article 222-23-2, après le mot : « bucco-génital », sont insérés les mots : « ou bucco-anal » ;

5° Après le mot : « loi », la fin de l'article 711-1 est ainsi rédigée : « n° … du … visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 2-3, le mot : « second » est remplacé par le mot : « dernier » ;

2° Le début du premier alinéa de l'article 804 est ainsi rédigé : « Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles, en Nouvelle-Calédonie… (le reste sans changement). »

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi modifiant la définition pénale du viol et des agressions sexuelles
Articles 2 et 3 (fin)

Articles 2 et 3

(Supprimés)

Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d'aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l'ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme Corinne Bourcier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le nombre de victimes de violences sexuelles en France est évalué à 250 000 par an. Et ce nombre est largement sous-estimé. Si, au fil des dernières années, l'arsenal juridique permettant de faire face à ces violences s'est étoffé, de nombreuses victimes peinent encore à obtenir justice.

La semaine passée, députés et sénateurs se sont accordés sur un texte qui marque un véritable tournant pour les victimes. Le groupe Les Indépendants salue le compromis trouvé en commission mixte paritaire et soutient pleinement ce texte.

Aujourd'hui encore, malgré des évolutions tant sociétales que juridiques, d'importantes contraintes pèsent sur la victime et font obstacle à ce que le viol soit juridiquement établi. Or il n'y a pas de « bonnes victimes ». Rien ne peut justifier un viol : ni que la victime ne parvienne pas à se débattre, ni qu'elle porte tel ou tel vêtement, ni qu'elle se trouve au mauvais endroit au mauvais moment. Rien, absolument rien, ne saurait justifier un tel acte.

En ce sens, la proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles permet de clarifier la définition du consentement.

Cela est essentiel pour que les victimes puissent trouver le courage de porter plainte et obtenir justice, car, nous le savons, nombre d'entre elles ne le font pas. Elles subissent des années durant, dans le silence, le traumatisme laissé par l'agression sexuelle qu'elles ont subie.

Le texte sur lequel nous nous prononçons aujourd'hui apporte des réponses à ce problème. Il est le fruit d'un travail transpartisan et je tiens à saluer les rapporteures du Sénat et de l'Assemblée nationale, mais aussi l'ensemble des parlementaires mobilisés sur cet enjeu.

Il prévoit notamment la modification de l'article 222-22 du code pénal.

Les mots « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » sont remplacés par les mots « tout acte sexuel non consenti commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur ». Voilà une transformation aussi majeure que nécessaire.

S'y ajoute la mention suivante : « le consentement [doit être] libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable. […] Il ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime. »

Concrètement, cela représente une clarification essentielle. Nombre de victimes sont dans l'incapacité de réagir, de lutter, notamment du fait de l'état de choc dans lequel elles sont plongées, ou parce qu'elles sont inconscientes ou droguées.

L'agresseur, lui, peut se servir de cet état de fait pour justifier son acte, prétendant qu'il ignorait que la victime n'était pas consentante.

Mais ne nous méprenons pas. Un violeur sait quand il viole, et l'état de choc de la victime ne doit en aucun cas lui servir d'excuse.

Selon une enquête menée par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) et parue en 2022, 24 % des victimes de violences sexuelles physiques n'ayant pas fait de déclaration au commissariat ou à la gendarmerie expliquaient avoir renoncé à porter plainte parce que « cela n'aurait servi à rien » et 16 % d'entre elles parce qu'elles craignaient que leur témoignage ne soit « pas pris au sérieux » par les forces de l'ordre.

Ces chiffres alarmants montrent à quel point une réforme de notre droit est nécessaire pour mieux accompagner les victimes. Selon des données du ministère de la justice publiées en 2018, 73 % des plaintes pour violences sexuelles traitées en 2016 furent classées sans suite.

Une meilleure définition pénale de l'agression sexuelle peut permettre à la justice de poursuivre plus efficacement les auteurs de ces infractions. C'est tout le sens de la présente proposition de loi, qui introduit la notion de non-consentement dans la définition pénale des agressions sexuelles.

Cela étant, la répression des violences sexuelles et la fin de l'impunité pour les agresseurs ne sont qu'une partie de la solution. Certaines victimes endurent toute leur vie les stigmates du viol qu'elles ont subi.

À nous d'agir, en tant que législateurs, pour que la société reconnaisse et accompagne mieux les victimes et, ce faisant, pour que ces dernières puissent se reconstruire. Le texte que nous nous apprêtons à voter contribue à mettre fin au mythe de la « mauvaise victime », mythe qui abîme notre société et la vie de millions de personnes ayant subi de telles exactions.

Mes chers collègues, cette proposition de loi constitue une avancée. Elle s'inscrit dans un mouvement plus large visant à mieux soutenir les victimes et n'est pas le point final des réponses que nous devons leur apporter.

Avec humilité, le groupe Les Indépendants restera mobilisé pour veiller à ce que les autorités disposent d'outils concrets pour accompagner les victimes. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC. – M. Bernard Buis applaudit également.)