Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour un rappel au règlement.
M. Michel Canévet. Mon rappel se fonde sur l’article 35 bis de notre règlement, aux termes duquel la durée d’intervention d’un sénateur en séance ne peut pas excéder deux minutes.
Plusieurs amendements viennent de nous être présentés et, à cette occasion, trois orateurs au moins se sont exprimés pendant plus de deux minutes.
Je demande que toutes les dispositions soient prises pour que chacun, par égard pour tous, respecte le temps de parole qui lui est imparti et ne fasse pas subir aux autres de tels dépassements. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme la présidente. Monsieur Canévet, je me permets quand même de vous indiquer qu’en six heures de présidence aujourd’hui je n’ai laissé qu’une seule oratrice dépasser son temps de parole. Je pense que cela devrait vous convenir…
Cela étant, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
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Conférence des présidents
Mme la présidente. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie ce jour, sont consultables sur le site du Sénat.
En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.
Conclusions de la conférence des présidents
PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Jeudi 20 novembre 2025
À 10 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, (texte n° 122, 2025-2026)
Vendredi 21 novembre 2025
À 9 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 122, 2025-2026)
Samedi 22 novembre 2025
À 9 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 122, 2025-2026)
Éventuellement, dimanche 23 novembre 2025
À 9 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 122, 2025-2026)
Lundi 24 novembre 2025
À 10 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 122, 2025-2026)
Mardi 25 novembre 2025
À 14 h 30, le soir et la nuit
- Désignation des 19 membres de la commission d’enquête sur les marges des industriels et de la grande distribution (droit de tirage du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires)
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette commission d’enquête : mercredi 19 novembre à 16 heures
- Projet de loi, rejeté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de finances de fin de gestion pour 2025 (n° 132, 2025-2026)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 19 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 24 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 25 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 24 novembre à 15 heures
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 122, 2025-2026)
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mercredi 26 novembre 2025
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 26 novembre à 11 heures
À 16 h 30
- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 122, 2025-2026)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 25 novembre à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mercredi 26 novembre à 12 h 30
- Débat sur l’avenir de la filière automobile (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute
• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes
• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 25 novembre à 15 heures
À 21 heures
- Débat sur l’accès à la culture dans les territoires ruraux (demande du GEST)
• Temps attribué au groupe Écologiste – Solidarité et Territoires : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions réponses :
2 minutes, y compris la réplique
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute
• Conclusion par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 25 novembre à 15 heures
L’ordre du jour des séances consacrées à l’examen du projet de loi de finances pour 2026 et de la semaine sénatoriale du 15 décembre 2025 sera établi par la conférence des présidents qui se réunira le lundi 24 novembre 2025.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)
PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Financement de la sécurité sociale pour 2026
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 8.
Après l’article 8 (suite)
M. le président. Je rappelle que sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune, à savoir l’amendement n° 1164, les amendements identiques nos 1171 rectifié, 1316 rectifié et 1668 rectifié, ainsi que les amendements nos 959 rectifié, 1677 et 1678 ont été présentés avant la suspension.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Comme nous ne cessons de le répéter depuis le début de nos travaux, nous cherchons des recettes. Le Gouvernement a clairement indiqué qu’il en cherchait également, et les pistes qu’il a évoquées nous enthousiasment plus ou moins selon les cas…
La commission émet un avis défavorable sur les amendements qui viennent d’être présentés. Simplement, comme nos collègues m’entendent chaque année sur le sujet, je préfère pour cette fois laisser M. le ministre détailler les motivations de cet avis défavorable.
Je fais toutefois une exception pour l’amendement n° 1678, sur lequel je solliciterai l’avis du Gouvernement. En effet, la piste envisagée par les auteurs de cet amendement me semble intéressante. Certes, le dispositif proposé n’est sans doute pas parfait. Mais il pourrait s’agir d’une base de négociations en commission mixte paritaire – ce n’est donc pas neutre – entre les dispositions que les députés voudront réintroduire et les mesures sur les recettes que nous proposons. Je suis donc curieuse de connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement. Nos collègues proposent de placer le curseur à 3 Smic ; je pense que l’on peut sans doute envisager d’autres barèmes. Mais, sur le fond, l’idée nous convient.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités. Je remercie Mme la rapporteure générale de me laisser le soin de répondre ; il faut bien que je travaille ! (Sourires.)
Si les mécanismes envisagés diffèrent parfois, ces différents amendements renvoient tous à une même thématique, que nous avons d’ailleurs déjà effleurée cet après-midi : faut-il taxer ou soumettre à cotisations – et, si oui, dans quelles proportions ? – un certain nombre d’éléments complémentaires à la rémunération qui sont utilisés dans les entreprises ? Il s’agit notamment des dispositifs de partage de la valeur ou d’association des personnels aux résultats, qui ont pour objet de garder les meilleurs éléments, voire d’en faire des locomotives de la réussite de l’entreprise, dans un système économique avant tout concurrentiel.
L’expérience montre d’ailleurs que ces dispositifs fonctionnent. Les salariés concernés, qu’ils soient cadres ou non, ingénieurs ou non, apprécient les instruments d’amélioration de la rémunération qui ont pu être utilisés dans les entreprises au cours de ces dernières années.
Le Gouvernement reconnaît que les intentions des auteurs de ces différents amendements – trouver des recettes supplémentaires pour la sécurité sociale – sont louables. Pour autant, il lui appartient d’évaluer ces différentes propositions pour choisir de les retenir au pas.
L’amendement n° 1164 vise à inclure l’intéressement, la participation, les actions gratuites et les stock-options dans l’assiette des cotisations sociales. Si nous partageons certains des diagnostics des auteurs de l’amendement, nous estimons que nous aurions besoin de plus de temps pour évaluer les effets d’une telle mesure. Au demeurant, celle-ci conduirait peut-être à vider les dispositifs concernés de leur substance ; cela nous interroge.
Je souhaite insister sur le succès de ces outils de rémunération complémentaire : actuellement, 8 millions de salariés en bénéficient. Ces instruments se sont tellement développés dans les entreprises qu’il ne serait pas facile de les comprimer aujourd’hui. Cela représente – libre à chacun de juger cela positif ou non – 25 milliards d’euros versés. C’est dire si la participation au complément de rémunération des salariés est significative. En moyenne – certes, je sais qu’il faut toujours se méfier des moyennes –, c’est 2 600 euros annuels par bénéficiaire.
Rappelons également – c’est un élément qu’il faut garder en tête – qu’il y a des prélèvements sur ces sommes. Celles-ci sont en effet soumises à la contribution sociale généralisée (CSG) à 9,2 %, à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) à 0,5 %, ainsi qu’à un forfait social au taux de 20 % pour les entreprises de plus de 250 salariés en ce qui concerne l’intéressement et les entreprises de plus de 50 salariés en ce qui concerne la participation.
Je profite d’ailleurs de l’occasion pour rappeler que la participation est un vieux concept, lancé en son temps par des hommes de valeur. Il s’est agi d’une idée assez pertinente, et très moderne pour l’époque : associer les personnels aux résultats de l’entreprise. Aujourd’hui, cela nous paraît évident, mais ce l’était beaucoup moins quelques années en arrière.
Je rappelle en outre – cela n’a pas été évoqué – que les partenaires sociaux ont travaillé sur ces sujets. Il y a même eu un accord national interprofessionnel qui a été transposé dans une loi du 29 novembre 2023 ; c’est assez récent. Vous le voyez, le Gouvernement n’est pas le seul à saluer l’intérêt de tels outils.
Pour toutes les raisons que je viens d’indiquer, je ne puis qu’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 1164.
Les amendements identiques nos 1171 rectifié, 1316 rectifié et 1668 rectifié sont un peu dans le même esprit. Il s’agit, là encore, d’élargir l’assiette des cotisations sociales, mais, cette fois, en ciblant les actions distribuées à titre gratuit et les options d’achat d’actions.
Bien entendu, quand on parle d’actions, on parle d’entreprises privées, et même d’entreprises cotées, c’est-à-dire ayant la capacité de distribuer des actions pour récompenser les salariés. L’idée est d’associer plus durablement ces derniers : une action, c’est, en quelque sorte, un « bout » de la propriété d’une entreprise. Un salarié qui reçoit des actions devient un peu propriétaire de son entreprise. Ce n’est pas rien : c’est une idée forte.
Mme Annie Le Houerou. Ce n’est pas ça, la question !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Peut-être, mais je trouve tout de même que rendre les salariés propriétaires d’une part de l’entreprise est une idée intéressante.
Mme Annie Le Houerou. Ça ne justifie pas les exonérations de cotisations sociales !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Au demeurant, réserver une part significative du capital de l’entreprise aux salariés est également une manière de la protéger contre des offres publiques d’achat.
L’actionnariat salarié est donc une pratique qui existe, et à laquelle des entreprises recourent de manière assez massive. Notons d’ailleurs que cela change la nature de la relation entre l’entreprise et le salarié, puisque ce dernier, précisément, n’est plus seulement salarié. Je trouve que c’est une idée intéressante et même assez moderne.
Je rappelle en outre que ces actions sont également assujetties à une contribution patronale spécifique de 30 % – ce n’est pas rien ! –, due lors de leur acquisition. Nous avons d’ailleurs alourdi cette contribution socialisée l’an dernier, par un relèvement de dix points.
Aussi, et dans l’attente d’éventuelles études futures sur les répercussions des mesures envisagées, je propose d’en rester à ce stade à l’équilibre auquel nous sommes parvenus l’an dernier.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Le dispositif envisagé à l’amendement n° 959 rectifié, bien que s’inscrivant dans la même philosophie, est un peu différent.
Il est proposé d’étendre l’assiette de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) aux primes d’intéressement et de participation, à la contribution patronale pour la protection sociale complémentaire, aux attributions gratuites d’actions, aux stock-options et aux indemnités de rupture.
Je rappelle que la CSA, comme son intitulé l’indique, contribue directement à l’une des cinq branches de la sécurité sociale. Sa logique est d’ailleurs assez différente des autres contributions à la charge de l’employeur. Son assiette est bien définie et cohérente avec sa finalité : les revenus patronaux et salariaux.
Pour neutraliser le coût pour les employeurs de ces nouvelles contributions, la loi a mis en place une journée de solidarité. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Gratuite !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. J’ai bien dit « une », mesdames, messieurs les sénateurs. J’étais moi-même à la tête de la SNCF lorsque cette journée de travail supplémentaire des salariés a été décidée. Le rendement dégagé par l’activité supplémentaire résultant de ce surcroît de travail est reversé par les employeurs via la CSA.
Pour nous, étendre l’assiette de cette contribution à d’autres catégories de revenus créerait une rupture d’égalité entre catégories d’assujettis et obscurcirait les modalités de financement de la branche autonomie. Par ailleurs, il apparaît contre-intuitif de faire contribuer la part patronale finançant les contrats de prévoyance complémentaires, alors même que ces derniers participent au financement d’actions d’accompagnement et de prévention de la perte d’autonomie.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 959 rectifié.
L’amendement n° 1677 a pour objet de supprimer des exonérations de cotisations de sécurité sociale sur l’intéressement et la participation pour les salariés qui gagnent plus de 3 Smic.
Nous partageons en partie votre constat sur le développement de ces compléments salariaux à la rémunération classique, laquelle constitue la base de l’assiette sociale contributive.
Néanmoins, le dispositif envisagé par les auteurs de l’amendement créerait un effet de seuil important et aurait pour conséquence – il me paraît important de le souligner – de pénaliser le développement de l’actionnariat salarié, qui est pourtant, me semble-t-il, un élément positif pour les cadres, les ingénieurs et les entreprises.
Évidemment, 3 Smic, ce n’est pas rien ; pour une personne au Smic, cela représente le triple de son salaire. Mais, au final, c’est 4 500 euros mensuels, soit la rémunération, non pas des hauts dirigeants des entreprises, mais plutôt des cadres et des ingénieurs. Or, dans la compétition européenne et internationale, notre industrie et nos usines ont besoin de cadres et d’ingénieurs.
Vous avez raison de vous soucier des salariés. Mais, précisément, les cadres et les ingénieurs en sont ! Et ils exercent des fonctions de management, avec un effet très important sur la qualité de vie au travail de l’ensemble des salariés. Nous devons les encourager à être au top de ce point de vue, à être très attentifs à la direction d’équipes.
Je connais bien les cadres et les ingénieurs : j’ai moi-même exercé ces métiers à plusieurs reprises au sein de la SNCF, et j’en ai encadré beaucoup. J’ai beaucoup de respect pour eux. Ne l’oublions pas : une entreprise fonctionne aussi avec eux.
Les ingénieurs, c’est la technologie. Nous le voyons bien aujourd’hui, la compétition technologique est partout. Veillons donc à ne pas envoyer de messages négatifs. Nos ingénieurs sont mobiles ; ils peuvent partir pour la Suisse ou le Luxembourg. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) D’ailleurs, ils sont très courtisés. En France, nous avons de très bons ingénieurs, parce que nous avons de très bonnes écoles d’ingénieurs.
La mesure proposée par les auteurs de l’amendement me paraît trop radicale, trop brutale. Je la trouve contradictoire avec les besoins de partage de la valeur qu’expriment les professionnels concernés.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, bien que l’amendement n° 1678 soit, à mes yeux, le mieux calibré de ces amendements en discussion commune, j’y suis également défavorable, et je vais m’en expliquer.
Au fond, il est dans le même esprit que les autres : brider des dispositifs que – vous l’avez bien compris – je considère comme globalement vertueux, même s’il est toujours possible d’en discuter l’ampleur ou d’ajuster certains mécanismes.
Vous avez bien senti la conviction qui est la mienne. Je conçois que l’on puisse être d’un avis différent. Mais l’expérience – en l’occurrence, je parle d’expérience – montre l’utilité de ces outils d’association des cadres, des ingénieurs, des dirigeants, mais aussi des personnels « de base ». Car, pour réussir, les entreprises ont besoin…
Mme Sophie Primas. D’un chef !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. … de bons dirigeants. D’ailleurs, c’est vrai partout, y compris dans les partis politiques. Dans toute activité humaine, les regroupements d’hommes et de femmes nécessitent des dirigeants. C’est une réalité générale, intemporelle, transversale et je dirais même transpartisane.
Notre capacité à attirer et à retenir des grands dirigeants dans nos entreprises est décisive. La compétition européenne se joue aussi sur la qualité de nos dirigeants.
En l’occurrence, je trouve dommage d’avoir placé le curseur à 3 Smic. Un seuil plus élevé eût peut-être ouvert des perspectives différentes. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.) Peut-être pourrait-il être réhaussé dans le cadre de la navette parlementaire.
Mme Raymonde Poncet Monge. Pourquoi pas 8 Smic ?…
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Avec 3 Smic, cela touche les cadres et les ingénieurs qui font tourner les usines et les entreprises. Je ne peux pas être solidaire d’une telle mesure.
Je le répète, peut-être sera-t-il possible de trouver une solution dans le cadre de la navette, avec un regard un peu différent.
Mme Annie Le Houerou. Pour cela, il faut commencer par donner un avis favorable !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Mais, en l’état, compte tenu de la rédaction de l’amendement, l’avis du Gouvernement ne peut qu’être défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. En effet, monsieur le président, je me contenterai d’expliquer mon vote, puisque moi, contrairement à d’autres, je n’ai pas la possibilité de m’exprimer pendant quatorze minutes ! (Murmures sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Monsieur le ministre, il y a une légère imprécision dans votre propos : lorsque nous proposons de réintroduire certains dispositifs, vous indiquez que nous voudrions « taxer ». En réalité, nous essayons simplement de rétablir ce que vous avez supprimé ; ce n’est pas exactement pareil. Notre idée n’est pas d’augmenter les impôts ; elle est de revenir sur vos cadeaux fiscaux, que vous n’avez pas compensés financièrement et qui ont eu pour conséquence directe d’alourdir la dette !
Je sais bien que vous êtes ministre du travail. Mais, aujourd’hui, nous débattons du projet de budget de la sécurité sociale.
Or la sécurité sociale n’a pas pour objet de soutenir le pouvoir d’achat contre la déflation salariale ! Je note d’ailleurs que cette déflation salariale vous conduit à prévoir une prime d’activité : l’État finance déjà les travailleurs pauvres, et vous prônez encore de nouvelles exonérations !
Non, la politique salariale ne se joue pas à la sécurité sociale ! Et cette dernière n’a pas à financer la politique de l’emploi par vos 80 milliards d’exonérations !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Tout à fait !
Mme Raymonde Poncet Monge. La sécurité sociale, en cohérence, doit simplement trouver des recettes pour financer ses dépenses.
Il ne faudrait pas, dites-vous, élargir l’assiette de la CSA. Mais la CSA ne concerne pas que les salariés. Elle pèse aussi sur les rentes d’invalidité et les revenus de remplacement. Là, visiblement, cela ne vous choque pas…
Vous évoquez les 8 millions de salariés qui perçoivent, en moyenne – car, bien entendu, vous mentionnez seulement la moyenne, pas les revenus des 10 % qui touchent le plus ! –, 2 600 euros en complément de rémunération. Mais 8 millions de salariés, cela ne fait pas 100 % des salariés.
En revanche, ce sont bien 100 % des salariés qui doivent effectuer la journée de solidarité pour financer vos cadeaux. Aucune distinction n’est faite entre ceux qui n’ont jamais bénéficié personnellement de vos largesses, par exemple les aides à domicile, et ceux qui appartiennent à une catégorie que vous semblez particulièrement chérir – je n’ai rien contre –, celle des cadres supérieurs. (Marques d’impatience sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. Veuillez conclure, madame la sénatrice.
Mme Raymonde Poncet Monge. La répartition est inégale, mais la compensation, elle, est à la charge de tous.
M. Michel Canévet. Encore un dépassement de temps de parole !
M. le président. Mes chers collègues, j’invite chacune et chacun d’entre vous à respecter le temps de parole qui lui est imparti, d’autant qu’il y a déjà eu un rappel au règlement en ce sens avant la suspension de séance.
Mme Sophie Primas. Merci, monsieur le président !
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Le sujet est bien de chercher des recettes pour financer la sécurité sociale et d’éviter de faire cotiser les malades et les assurés sociaux. Or, alors que vous souhaitez geler les prestations sociales et les pensions de retraite, vous ne faites aucun effort pour faire cotiser les très hauts revenus.
Selon nous, le niveau de prestations doit être maintenu et il faut continuer à financer les services publics, qui sont en très grande difficulté, notamment l’hôpital. Nous tenons, dans ce contexte, à formuler des propositions d’équité sociale.
Les dispositifs que vous évoquez, tels que le rachat d’actions et la prime d’intéressement, sont sans doute vertueux et intéressants, mais cela ne justifie pas que ces compléments de salaire soient exonérés de cotisations. Ils doivent, au contraire, y être soumis.
Chacun doit contribuer en fonction de ses moyens et bénéficier selon ses besoins. Les cotisations dues pour les rémunérations trois fois supérieures au Smic sont importantes pour nos recettes, d’où ma proposition de fixer un plafond d’exemption à 6 000 euros par an et par bénéficiaire. On alignerait ainsi les primes d’intéressement et les rachats d’actions sur la prime de partage de la valeur.
Je considère que l’effort doit être partagé pour rétablir les comptes de la sécurité sociale. Aussi, je vous propose d’adopter l’amendement n° 1678, quitte à l’améliorer au cours de la navette, si cela s’impose.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, monsieur le ministre. Il se trouve que les mots que vous avez employés à la fin de votre propos m’ont interpellé. Vous avez dit ne pas pouvoir être « solidaire » de la démarche proposée. L’emploi de cette formule est très révélateur.
Avant la suspension de séance, vous avez soutenu le retour du gel des seuils de la CSG, ce qui ne gênait personne du côté droit de l’hémicycle. Ici, nous parlons de mettre à contribution ceux qui ont des revenus beaucoup plus élevés, même s’ils les méritent – je connais le monde de l’entreprise et ne conteste pas les efforts que celui-ci implique.
Les profils que vous citez, comme les ingénieurs, demandent, dans tous nos territoires, des hôpitaux qui fonctionnent et des services de santé qui assurent la prise en charge de leur famille.
Nous demandons donc que les hauts revenus, eux qui ont des capacités contributives bien plus élevées que la plupart de ceux qui sont concernés par le gel des seuils de la CSG, soient soumis à contribution de manière raisonnable.
Là encore, cela nous semble une mesure de justice, parce que la sécurité sociale, comme plusieurs de mes collègues l’ont rappelé, est le bien commun du pays.