M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il me semble qu’aujourd’hui, vous êtes, dans cet hémicycle, à l’unanimité favorables à ce que nous soutenions l’insertion professionnelle des jeunes ; vous reconnaissez également à l’unanimité que l’apprentissage est une filière qui a permis une amélioration de l’insertion professionnelle des jeunes. Ce point n’est pas en débat. Le sujet, tel que l’a très bien posé Mme la rapporteure générale, est plutôt de savoir ce que nous devons encourager.
Tout d’abord, il est clair que nous devons continuer à encourager les entreprises à prendre des apprentis. Nous disposons pour cela des aides à l’embauche et de mécanismes grâce auxquels les charges patronales restent faibles, dans la mesure où le revenu des apprentis l’est aussi.
Se pose ensuite la question du régime social et fiscal des apprentis, en tant qu’individus. La discussion que nous venons d’avoir confirme, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous souhaitez que les apprentis ne paient que la moitié de la CSG par rapport aux autres travailleurs d’une entreprise, puisqu’ils en sont exonérés jusqu’à 50 % du Smic.
Je rappelle, en outre, que les apprentis ne paient pas d’impôt sur le revenu. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Heureusement !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je vais vous donner un exemple : des étudiants en deuxième année de master dans une grande école sont embauchés avec parfois une prime d’apprentissage qui s’élève à 3 000 euros ! (Mêmes protestations.)
Mme Céline Brulin. Cela ne court pas les rues !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Quel apprenti gagne 3 000 euros !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Or les apprentis peuvent être rattachés au foyer fiscal de leurs parents, en plus de cette exonération totale d’impôt sur le revenu ; c’est tout de même un élément important.
Je rappelle également que les apprentis touchent la prime d’activité, comme les autres travailleurs, ce qui est tout à fait normal, vous avez raison – je veux juste poser les termes du débat.
La proposition que fait le Gouvernement consiste à dire qu’il ne serait pas dénué de sens, pour les cotisations salariales, d’harmoniser le régime des apprentis avec celui de leurs collègues dans l’entreprise, qu’ils soient intérimaires ou en CDD, parfois présents depuis très longtemps et qui font le même métier. Or à salaire brut égal, ils ne perçoivent pas le même salaire net que les apprentis, parce que le taux de CSG qui leur est appliqué n’est pas le même, non plus que le montant de leurs cotisations salariales.
La proposition du Gouvernement veille à ne pénaliser aucun apprenti aujourd’hui en poste : aucun d’entre eux ne verrait sa feuille de paie bouger au 1er janvier. Il s’agirait d’une réforme en flux, c’est-à-dire pour les nouveaux contrats signés. Cette évolution permettrait de recréer une forme de justice.
Il faut savoir que dans beaucoup d’entreprises, grandes et petites, ce sujet est devenu source d’un grand nombre de polémiques. En effet, des collègues qui font le même travail…
M. Fabien Gay. S’ils font le même travail, c’est qu’il y a un problème !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. … ne sont pas présents de la même manière, car l’apprenti est sur place une semaine sur deux ou quinze jours par mois, et ne travaillent pas de la même manière, puisque l’apprenti est formé. Or ce dernier gagne parfois plus à la fin du mois que son formateur.
Je tiens à le souligner, car c’est là qu’intervient la proposition du Gouvernement.
Mme Cathy Apourceau-Poly. De quelle proposition parlez-vous ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je vous expose la proposition que nous avions présentée à l’Assemblée nationale, qui a donné lieu à un long débat et qui n’a finalement pas été votée par les députés. Je rappelle donc les arguments de ce débat. Pour le reste, le Sénat est souverain et je suis, ici, à votre service.
Pour en revenir aux amendements, je suis défavorable à l’amendement n° 1098 rectifié bis de M. Canévet qui a pour objet, une fois l’apprenti embauché en CDI, de prolonger l’application du régime de l’apprentissage.
M. Xavier Iacovelli. Pour un an seulement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Certes, mais cela encourage les entreprises à embaucher leurs anciens apprentis sans savoir si elles les garderont au bout d’un an. Bref, ce n’est pas une bonne idée. Dans notre pays, quand on est en CDI, c’est le régime des employés qui s’applique et chacun comprend, j’en suis sûre, l’intérêt de cette homogénéité, qui est une forme d’équité.
Quant à l’amendement n° 1107 rectifié, il est juridiquement inapplicable. En effet, la différenciation des charges selon la taille des entreprises n’est possible que sur la partie patronale. Sur la partie salariale, si deux apprentis, exerçant le même métier…
Mme Céline Brulin. Ils n’exercent pas un métier, puisqu’ils sont apprentis !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Certes, disons donc qu’ils apprennent le même métier.
Avec cet amendement, celui qui apprend son métier dans une entreprise de 100 salariés recevrait, par exemple, 100 euros de plus par mois que celui qui ferait la même chose dans une entreprise de 300 salariés. Le Conseil constitutionnel, selon moi, ne le permettrait pas.
En effet, le Conseil constitutionnel peut permettre d’encourager des entreprises, selon leur taille et leur réalité économique, à faire plus ou moins de choses ; c’est d’ailleurs pour cela que l’on différencie selon la taille des entreprises la partie qui concerne les cotisations patronales. Mais, pour la partie salariale, le Conseil constitutionnel pourra s’y opposer, puisqu’il n’est pas à la main de l’apprenti qui propose sa candidature de savoir quelle entreprise l’embauchera pour apprendre son métier.
Le régime que vous proposez limiterait l’intérêt, pour les apprentis, d’aller dans des entreprises de plus de 250 salariés. Par exemple, alors que la SNCF forme beaucoup d’apprentis, ces derniers seraient beaucoup moins volontaires pour aller y apprendre leur métier. Votre amendement risque donc d’avoir des effets contre-productifs.
Par conséquent, l’avis du Gouvernement est favorable sur l’amendement n° 605 de Mme Doineau et défavorable sur les amendements nos 1107 rectifié et 1098 rectifié bis. Je comprends que cela puisse générer des débats, et c’est le cas – cela ne fait aucun doute. J’ai donc souhaité vous exposer mes arguments de la manière la plus transparente possible.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Nous avons, à plusieurs voix, proposé un bon nombre d’amendements visant à diminuer les allégements généraux et à réduire les exonérations de cotisations sociales des employeurs, et ce sous toutes sortes de formes. Or ces propositions ont été systématiquement refusées de votre part.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Balayées !
Mme Céline Brulin. En effet, c’est le mot qui convient.
Mais tout à coup, l’on s’intéresse aux exonérations de cotisations salariales des apprentis, qui gagnent moins de 80 % du Smic, qui appartiennent le plus souvent à une classe d’âge – les 18-24 ans – dont 20 % vit en dessous du seuil de pauvreté. Et ces exonérations seraient l’injustice maximale que vous considérez qu’il faut réparer aujourd’hui !
Oui, il y a eu beaucoup d’aides à l’apprentissage et je vous rejoins sur le fait qu’il faut, peut-être, revoir la situation. Mais qui a décidé d’instaurer ces aides ? C’est vous, la plupart du temps. En outre, lesdites aides sont allées principalement aux entreprises qui recrutaient des apprentis – pour ma part, je n’ai pas de problème à ce que nous soutenions l’apprentissage, y compris sous cette forme – et très peu aux apprentis eux-mêmes.
Vous nous dites, madame la rapporteure générale, que ces exonérations de cotisations n’ont cessé d’augmenter. Bien sûr, puisque le nombre d’apprentis a considérablement évolué ! Mais les exonérations patronales ont également bondi au cours des dernières années, à 88 milliards d’euros, et cette hausse massive n’a pas l’air de vous déranger.
La mesure que nous examinons est très dure pour les jeunes apprentis. Elle est assez symbolique de vos choix politiques, affreux pour les plus modestes.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Antoine, pour explication de vote.
Mme Jocelyne Antoine. J’entends bien que l’objectif fixé de redressement des comptes publics nécessite des efforts de tous. Toutefois, si nous avons beaucoup parlé des entreprises, nous n’avons pas évoqué le secteur médico-social. Je souhaite donc interpeller Mme la ministre sur ce point, en particulier pour les territoires ruraux.
Dans le cadre de la formation du personnel dans ce secteur, nous avons énormément recours à l’apprentissage. Dans mon département très rural de la Meuse, nous avons mis en place la formation délocalisée de l’institut régional du travail social (IRTS) de Lorraine, basé à Nancy. Ainsi, les éducateurs spécialisés et les animateurs-éducateurs sont formés localement, afin de répondre aux besoins sociaux du département.
Or aujourd’hui, nous nous interrogeons sur la possibilité, pour les structures médico-sociales, de continuer à former des apprentis, dont elles ont énormément besoin. En effet, 87 % des apprentis diplômés l’année dernière ont été embauchés dans la Meuse. Quid de l’avenir de la délocalisation de l’IRTS, c’est-à-dire de la formation des apprentis dans les territoires ruraux, si le système de l’apprentissage n’est plus attractif ?
C’est une petite alerte que je souhaite lancer. Peut-être pourrons-nous en reparler dans un cadre plus personnel, madame la ministre ?
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Nous voterons contre l’amendement présenté par Mme la rapporteure générale. Je m’associe pleinement aux propos de ma collègue Brulin : nous sommes vraiment face à un deux poids, deux mesures.
En effet, si nous adoptions l’amendement de Mme Doineau, les apprentis, dont le salaire est loin d’être exceptionnel, seraient pénalisés. Pour certains, cela entraînerait une baisse non négligeable de leur rémunération, entre 55 et 102 euros, ce qui compte lorsqu’on a un faible revenu…
Vous mentionnez, madame la ministre, des apprentis payés 3 000 euros par mois. Pour ma part, je n’en connais pas beaucoup et il ne s’agit certainement pas de la majorité des apprentis, qui restent des jeunes hommes et des jeunes femmes en formation.
Sans vouloir empiéter sur l’examen du projet de loi de finances, nous savons qu’il contient des mesures qui iront à l’encontre, non seulement de l’aide à l’apprentissage, mais aussi du soutien individuel à ces jeunes.
Voilà pourquoi nous ne voterons pas l’amendement présenté par Mme Doineau.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Le « en même temps » est complètement le fait de la majorité sénatoriale, aujourd’hui. C’est hallucinant !
Tout à l’heure, l’on nous expliquait, en particulier mon collègue Henno, que nous étions là pour faire des économies, et non pour chercher des recettes. Mais voilà que vous venez de trouver 1,2 milliard d’euros de recettes, ce qui est délicieux ! Et sur le dos de qui ? En particulier, des jeunes. C’est tout de même curieux. Le capital, on n’y touche pas, mais les jeunes, tout d’un coup, ce n’est pas grave. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – M. Michel Masset applaudit également.)
Certains apprentis touchent en effet 3 000 euros par mois et plus : c’est vrai, il en existe. Mais, pour ma part, je voudrais surtout qu’une majorité des apprentis soit en pré-bac – je n’arrête pas de le dire. En réalité, si cette réforme est une excellente réforme, le bât blesse au niveau du nombre d’ouvertures de centres de formation d’apprentis (CFA) et de jeunes en apprentissage au niveau pré-bac. C’est là que doit être notre combat.
Si l’on veut faire des économies, j’aurai de nombreuses propositions à faire dans le cadre du projet de loi de finances. Ainsi, pour dégager 1,6 milliard euros, je propose d’agir sur l’aide aux entreprises.
Pour en revenir aux apprentis, les jeunes en pré-bac gagnent à peine 80 % du Smic.
En outre, je suis en total désaccord avec vous, madame la ministre : les apprentis ne travaillent pas au même niveau que leurs collègues. Pourquoi ? Parce qu’on est en train de les former. En d’autres termes, ils sont moins productifs. De plus, ils passent la moitié de leur temps à étudier, ce qui n’est pas le cas des autres employés.
Le temps dévolu à l’apprentissage est donc énorme pour ces jeunes, raison pour laquelle il leur faut, selon moi, un revenu légèrement supérieur. Nous devons les aider à tenir pendant un an, parce que l’apprentissage est très difficile. Vous ne mesurez pas la difficulté que représente le fait de réussir le même diplôme initial que quelqu’un qui étudie à plein temps dans une école.
C’est sur les aides aux entreprises qu’il faut travailler, et non sur la diminution du salaire net. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.
Mme Frédérique Puissat. Pour reprendre les propos de Mme la ministre, dans cet hémicycle, tout le monde est favorable à l’apprentissage. Là n’est pas le sujet et, sur cet amendement, il faut raison garder.
En revanche, je vous rappelle que nous sommes tous engagés pour essayer d’amoindrir le déficit de la sécurité sociale. C’est bien là notre moteur. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Peut-être n’avons-nous pas tous les mêmes solutions, comme nos débats l’ont montré.
S’agissant de l’apprentissage, je vous donne rendez-vous le 3 décembre, date prévue de l’examen en séance des crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». J’aurai alors l’occasion de vous donner un certain nombre d’informations positives en faveur de l’apprentissage, ce qui nous permettra de réaffirmer que nous croyons tous dans cette voie.
D’ailleurs, pour répondre aux propos de Mme Lubin, je vous ferai aussi des propositions – mais je ne serai pas la seule – sur d’autres sujets ayant trait à cette mission budgétaire, qui concernent les jeunes en mission locale ou en structures de l’insertion par l’activité économique (SIAE). En effet, l’insertion est un tout, qui dépasse l’apprentissage.
Cela étant, nous savons très bien que l’écosystème de l’apprentissage est très compliqué, d’autant que nous l’avons largement modifié l’année dernière en adoptant de nombreux amendements. Nous nous sommes ainsi rendu compte, même si nous ne disposons pas encore des chiffres définitifs, que cela touchait les chefs d’entreprise, qui sont, je le rappelle, le moteur de l’apprentissage. En effet, sans contrat d’apprentissage, pas d’apprenti.
Il convient donc de ne pas remanier le système, du moins de ne pas le complexifier excessivement. Or vos amendements, mes chers collègues, sont quelque peu alambiqués, avec par exemple le seuil de 250 salariés. Il faut revenir au texte initial et je voterai l’amendement de Mme la rapporteure générale.
Je crois en l’apprentissage. Je vous le prouverai et, j’en suis certaine, nos votes à tous iront en ce sens, le 3 décembre, dans cet hémicycle.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Je souscris, bien évidemment, à l’argumentation de nos collègues Céline Brulin et Martin Lévrier.
Vous venez de dire, madame Puissat, qu’il fallait faire des économies. Oui, bien sûr, nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut en faire, mais pas sur le dos des jeunes !
Je souhaite revenir sur la dérive de l’apprentissage que Mme la ministre et Martin Lévrier ont déjà évoquée. La rémunération au Smic concerne les formations en bac pro ou, au maximum, en BTS, c’est-à-dire au niveau bac+2. Or le coup de pouce que vous avez donné à l’apprentissage a considérablement augmenté le nombre d’apprentis, ce qui fait que bon nombre d’entreprises embauchent sous un statut d’apprenti des jeunes en deuxième année de master, qui touchent parfois 3 000 euros par mois. De fait, ce ne sont pas de vrais apprentis ; ce sont des emplois déguisés, dont certaines entreprises profitent…
Mme Frédérique Espagnac. Des apprentis payés 3 000 euros, cela n’existe pas !
Mme Émilienne Poumirol. Quoi qu’il en soit, il y a un effet d’aubaine pour les entreprises qui embauchent des apprentis en deuxième année de master. Cela me semble une dérégulation et une dérive par rapport à ce que doit être l’apprentissage.
Nous sommes tous favorables à l’apprentissage, mais il faut en limiter le domaine pour éviter les effets d’aubaine auprès de certaines entreprises.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je veux bien parler de l’apprentissage, mais faisons-le avec des chiffres réels. Si vous trouvez un apprenti qui gagne 3 000 euros par mois, amenez-le ici, pour que nous en discutions !
Le réel, c’est que, entre 16 et 17 ans, durant la première année d’apprentissage, on est payé 486 euros ; entre 18 et 20 ans, 774 euros ; de 21 à 25 ans, 950 euros ; et de 26 à 29 ans, 100 % du Smic. Ensuite, la rémunération peut, dans des cas exceptionnels, dépasser le Smic en atteignant le niveau minimal de la branche, s’il est supérieur. Or pour 80 % des branches, ce niveau est inférieur au Smic…
Ensuite, madame la ministre, vous avez affirmé, ce qui devrait interpeller chacun d’entre nous, que dans des entreprises, des personnes formées gagnent plus que les formateurs, alors qu’ils font le même travail. Pardon, mais un apprenti n’est pas un travailleur ou une travailleuse comme les autres ! Il est un travailleur ou une travailleuse en formation. Il perçoit, non pas un salaire, mais une rémunération équivalente, à hauteur du Smic.
Ce n’est pas un détail, car s’il s’agit d’un travailleur comme un autre, alors il ne doit pas être en contrat d’apprentissage et doit recevoir, non pas une rémunération inférieure au Smic, mais un véritable salaire, comme les autres ! Voilà le réel.
Mme Corinne Féret. Tout à fait
M. Fabien Gay. Enfin, vous allez raboter un milliard d’euros au détriment de ceux qui n’ont déjà pas grand-chose : pas 3 000 euros, mais 486 euros, ce que l’on gagne quand on a 16 ou 17 ans. C’est cela, le réel.
Vous voulez récupérer ce milliard, mais les 80 milliards d’euros d’exonérations patronales, vous n’y touchez pas – cela jamais ! Voilà comment je vous propose de raboter : prenons les 20 milliards d’euros que représentent les exonérations de cotisations sociales pour les salaires supérieurs à 1,6 Smic, dont tous les économistes, de gauche comme de droite, disent qu’elles n’ont que peu ou pas d’effet sur l’emploi. C’est là qu’il faut donner un coup de rabot, mais pas sur notre jeunesse. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE-K et SER.)
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Cet article est assez représentatif de la façon dont le PLF et le PLFSS ont été construits : à la va-vite, selon des arbitrages dont nous ne savons pas vraiment d’où ils viennent.
En l’occurrence, nous voyons bien que l’application de la technique du rabot aboutit à quelques absurdités, pour ne pas dire quelques aberrations.
Au fond, chacun ici conviendra qu’il serait problématique de taxer davantage des jeunes qui gagnent moins de 700 euros par mois. De la même manière, j’ose espérer que nous pouvons tous nous accorder sur le fait qu’il ne serait pas choquant que des jeunes de 24, 25 ou 26 ans, qui gagnent 1 700 ou 1 800 euros par mois, soient assujettis à la CSG.
Or cette rédaction ne laisse pas la moindre place à la nuance, parce qu’elle a été mal pensée. Le travail réalisé en amont est insuffisant.
J’étais moi-même chef d’entreprise il y a encore trois ans, et il m’est arrivé de recruter des apprentis qui avaient autour de 25 ans et étaient en troisième année de licence. Ils payaient la CSG, et personne n’y trouvait rien de choquant !
Ainsi, je nuancerai légèrement ce que vient de dire mon collègue Fabien Gay : pourquoi les apprentis ne seraient-ils pas taxés alors qu’une personne de 30 ans en contrat de professionnalisation est, pour sa part, assujettie à la CSG ?
Sur de tels sujets, nous devons nous efforcer d’instaurer une forme de progressivité.
M. Grégory Blanc. Or cet article ne comporte ni nuance ni progressivité, ce qui crée du désordre. J’insiste fortement sur cette question de la progressivité, qui, comme cela a été dit précédemment, doit valoir non seulement pour les contrats d’apprentissage et pour les contrats de professionnalisation, mais aussi pour la taxation sur le capital. Sur ce sujet, je ne vois pas de ligne claire.
C’est pourquoi nous nous abstiendrons.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.
Mme Frédérique Espagnac. Je voulais rebondir sur les propos de la ministre à propos des apprentis touchant 3 000 euros, mais Fabien Gay s’en est très bien chargé.
Je ne sais pas si, à Paris, les apprentis gagnent 3 000 euros par mois, mais je tiens à rappeler qu’il y a des apprentis dans toute la France. Être apprenti en milieu rural implique d’avoir deux logements, et donc de payer deux loyers : un pour la semaine en entreprise, et un pour la semaine en centre de formation d’apprentis, car ils ne sont pas au même endroit.
Rien que pour cette raison, il est inacceptable de revenir sur ces exonérations. Bien sûr, nous pouvons réfléchir à un assujettissement progressif à la CSG.
J’y insiste, 3 000 euros par mois, cela n’existe pas ! (Mme Cathy Apourceau-Poly aquiesce.) Quand on gagne, comme l’a dit Fabien Gay, 700 euros par mois et que ses parents sont, comme c’est souvent le cas, en grosse difficulté, comment payer deux loyers ? Il faut raison garder : ce n’est pas là qu’il faut faire des économies !
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour explication de vote.
M. Michel Masset. Un apprenti est avant tout un étudiant, et non un salarié. Il ne faut jamais comparer les deux. L’apprenti est en formation, en alternance, et a fait le choix d’apprendre un métier, dans une société très compliquée. À mes yeux, tous les apprentis ont beaucoup de courage.
M. Fabien Gay. Très bien !
M. Michel Masset. Et ceux qui les embauchent doivent consacrer beaucoup de temps à les accompagner au quotidien. Les deux doivent donc être encouragés.
Dans le monde rural, huit postes indispensables sur dix dans le commerce ou l’artisanat sont repris par des apprentis.
Mme Frédérique Espagnac. Tout à fait !
M. Michel Masset. Les apprentis nous permettent de faire société et de faire vivre nos territoires.
C’est pourquoi le groupe RDSE ne souhaite aucune taxe, aucun impôt, ni pour les apprentis ni pour les entreprises qui les embauchent !
Mme Frédérique Puissat. Ce n’est pas le sujet !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, je vous remercie de ce débat. Je me suis posé les mêmes questions que vous en prenant connaissance de cet article 9. Les propositions sur l’apprentissage m’ont quelque peu secouée, car nous en avons déjà débattu longuement l’an dernier.
De quoi parle-t-on ? Il est certes question d’exonérer de cotisations salariales les apprentis,…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Eh oui !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. … mais de manière exceptionnelle.
Je conçois qu’il faille conserver les exonérations de cotisations patronales et les aides à l’embauche d’apprentis. Nous devons adopter une approche globale de l’accueil de l’apprenti dans l’entreprise, au sein de laquelle la question du logement est en effet importante.
Mais, en l’espèce, il est simplement question de mettre fin aux exonérations de cotisations salariales, qui je le rappelle, donnent des droits. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) Un trimestre d’apprentissage donne le droit à un trimestre de retraite, ce qui n’est pas du tout le cas d’un jeune embauché à temps partiel. (Même mouvement.)
Mme Frédérique Puissat. Ni en stage !
Mme Émilienne Poumirol. Vous mettez en balance deux types de précarité !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il y a là une distorsion.
Je dis simplement qu’il faut conserver l’ensemble des aides et des accompagnements sur l’apprentissage, mais pas les exonérations de cotisations salariales.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
M. Fabien Gay. Comme toujours !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Des études économiques nous encouragent à distinguer les apprentis selon leur niveau d’étude. En ce sens, je reprendrai à mon compte la proposition de Grégory Blanc d’instaurer une forme de progressivité.
En effet, ce n’est pas du tout la même chose d’être apprenti en pré-bac, en licence ou en master.
M. Martin Lévrier. Bien sûr !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Cela n’a pas les mêmes effets sur l’insertion professionnelle. Or le nombre d’apprentis ou d’alternants en master dans les domaines du marketing et de la communication est en forte augmentation. Cela pose problème, car ces jeunes trouvent moins facilement un emploi qu’un contrat d’apprentissage.
Il y a donc, vous le voyez, deux débats.
Le premier est de déterminer sur quel niveau de qualification nous devons concentrer nos moyens : pré-baccalauréat, baccalauréat, licence, master…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous sommes d’accord !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Lors des débats budgétaires de l’année dernière, nous nous étions demandé si nous devions différencier les aides selon la taille de l’entreprise ou selon le niveau de qualification.
Les ministres Catherine Vautrin et Astrid Panosyan-Bouvet avaient alors tranché en faveur de la taille de l’entreprise.
Mme Frédérique Puissat. Et le Sénat !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Certains défendaient l’idée qu’il fallait privilégier les niveaux de qualifications moindres, pour que les apprentis, notamment de milieu modeste, puissent ensuite accéder à un master. D’autres plaidaient pour que la distinction porte sur la taille de l’entreprise. La seconde option a été retenue.
Le deuxième débat est le suivant : ils sont sûrement très peu nombreux, mais certains étudiants en apprentissage – j’ai sous les yeux des offres d’apprentissage avec le salaire correspondant – perçoivent des rémunérations qui ne sont pas celles de l’immense majorité des apprentis. (Ah ! sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. Michel Masset. C’est mieux !
Mme Silvana Silvani. C’est un détournement !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je ne veux cibler personne ; ces apprentis font très bien leur travail et sont très bien formés. Madame Silvani, vous dites que c’est un détournement, mais je tiens à apporter une nuance. De facto, des jeunes sont recrutés en tant qu’apprentis alors qu’il y a trois ou quatre ans, ils auraient été embauchés en CDD ou en CDI, avec des rémunérations correspondant à leur qualification. Ils auraient donc payé l’impôt sur le revenu, les charges salariales et la CSG. Je souhaite également souligner ce point.