M. le président. L’amendement n° 215 rectifié bis, présenté par MM. Capus, Malhuret et Chasseing, Mmes Bourcier, Lermytte et Bessin-Guérin, MM. Brault, Grand et Chevalier, Mme L. Darcos, MM. Laménie, V. Louault et Médevielle, Mme Paoli-Gagin, MM. Pellevat, Rochette, L. Vogel et Wattebled, Mme Canayer, M. Dhersin, Mme Romagny et MM. Bleunven et Levi, est ainsi libellé :

Après l’article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :

1° Aux premier et second alinéas du I, les mots : « six mois » sont remplacés par les mots : « vingt-cinq années civiles d’assurance dont la prise en considération est la plus avantageuse » ;

2° Au premier alinéa du II, après les mots : « soumis à retenues » sont insérés les mots : « incluant les primes dans la limite d’un plafond défini par décret »

II. – Le I du présent article entre en vigueur pour tous les nouveaux fonctionnaires à compter du 1er janvier 2027.

III. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application transitoires du présent article.

La parole est à Mme Corinne Bourcier.

Mme Corinne Bourcier. Je présente cet amendement au nom de mon collègue Emmanuel Capus.

Aujourd’hui, la pension de retraite des fonctionnaires est calculée sur la base des six derniers mois de traitement, qui sont, compte tenu des règles d’avancement dans la fonction publique, les plus avantageux. Les primes, qui constituent une part non négligeable de la rémunération des fonctionnaires, servent de base de cotisation à la retraite complémentaire, mais dans la limite de 20 % du montant du traitement indiciaire. Dans le secteur privé, la pension de retraite est également calculée sur une période considérée comme étant la plus avantageuse, mais sur vingt-cinq années, et en tenant compte de l’ensemble de la rémunération du salarié.

Il y a là une inégalité de traitement totalement injustifiée qui ne correspond à aucune nécessité d’intérêt général. Cette injustice est par ailleurs de moins en moins acceptée par nos concitoyens, qui plus est dans l’actuel contexte budgétaire.

Le présent amendement vise donc à aligner le secteur public sur le secteur privé pour ce qui est des périodes de rémunération prises en compte dans le calcul de la retraite, tout en améliorant la prise en compte des primes dans le régime de base des fonctionnaires.

Cette mesure s’appliquerait progressivement afin de ne pas pénaliser les fonctionnaires dont la retraite est proche ; pour les nouveaux fonctionnaires, elle s’appliquerait immédiatement, à compter de 2027.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il convient d’attendre que ce débat de fond ait lieu, d’abord lors de la conférence proposée par le Premier ministre, Sébastien Lecornu, ensuite dans le cadre de la prochaine campagne présidentielle.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je vous remercie pour cet amendement : il participe au débat que nous souhaitons avoir dans les semaines et les mois à venir.

C’est donc une demande de retrait que je vous adresse, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Je souhaite apporter une petite précision sur ce sujet, qui avait été étudié en long, en large et en travers – c’était il n’y a pas si longtemps… – lors du travail sur l’institution d’un système universel de retraite.

Pour information, à l’attention de M. Capus, je précise donc que les calculs faisaient plutôt état, en définitive, d’une forme d’égalité de traitement entre les deux systèmes, la prise en compte des primes compensant la règle des vingt-cinq meilleures années. (Mme la ministre le confirme.) Grosso modo, pour une grande majorité d’entre eux, l’application aux fonctionnaires des règles de liquidation du privé donnait lieu à des pensions équivalentes à celles qu’ils perçoivent dans le régime actuel.

Toutefois, un problème demeurait : certaines catégories de fonctionnaires se trouvaient terriblement lésées, en particulier les enseignants et certaines professions hospitalières. Il faut donc être très prudent sur ce sujet, qui n’est pas aussi simple qu’il ne le paraît, et prendre tout le temps nécessaire pour bien l’étudier.

En tout état de cause, il ne faut pas laisser croire qu’il existerait en la matière une distorsion de traitement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 215 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1253 rectifié, présenté par MM. Chasseing et Rochette, Mme Lermytte, M. Grand, Mme Bourcier, M. V. Louault, Mme L. Darcos, MM. Médevielle, Chevalier, Capus, A. Marc et Brault, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled, Malhuret, Menonville et Khalifé, Mme Dumont, MM. H. Leroy, Bacci, Fargeot et Lévrier, Mme P. Martin, M. Bleunven et Mme Romagny, est ainsi libellé :

Après l’article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 3121-27 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le mot : « trente-cinq » est remplacé par le mot : « trente-sept » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation, la trente-sixième et la trente-septième heure hebdomadaires de travail ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu mentionné à l’article 79 du code général des impôts mais elles sont soumises à la contribution sociale généralisée et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale prévues respectivement aux articles L. 136-1 et L. 136-2 du code de la sécurité sociale. Elles sont exonérées de toute autre cotisation ou contribution sociale à la charge de l’employeur et du salarié. »

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Les Français travaillent en moyenne moins que leurs voisins européens : 666 heures travaillées par habitant en France, contre 730 en Allemagne. Le taux d’emploi des 16-64 ans est bien sûr plus faible dans notre pays. Quant au volume total d’heures travaillées par travailleur à temps complet, il était en 2023 de 1 673 en France, contre 1 790 en Allemagne.

Cela n’empêche pas les Allemands de travailler à temps partiel : en tenant compte du temps partiel, les travailleurs allemands travaillent chacun 1 350 heures par an, contre 1 450 heures pour les travailleurs français. Ce qui est capital, c’est le nombre d’heures de travail par habitant : c’est cela qui détermine le volume total de travail, qui est plus important en Allemagne qu’en France.

J’y insiste : le fait qu’en Allemagne un temps plein corresponde en moyenne à 1 790 heures, soit 40 heures par semaine, au lieu de 35 heures en France, n’empêche pas, bien au contraire, le travail à temps partiel, dont la prévalence est plus importante qu’en France et s’accommode parfaitement d’un volume global d’heures travaillées supérieur.

C’est pourquoi nous souhaitons ouvrir, par cet amendement, un débat sur le passage du temps de travail de 35 à 37 heures par semaine dans notre pays.

Depuis 1945, nous fonctionnons selon un système social-libéral : ce sont les entreprises et leurs salariés qui créent les richesses et, sur cette base, alimentent la sécurité sociale par diverses contributions – cotisations, TVA, CSG, CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale).

Nous devons créer les conditions de la compétitivité de nos entreprises, avec les salariés et les employeurs. Les exonérations doivent bien sûr continuer d’exister, mais il faut aussi une coconstruction du maintien de nos acquis sociaux entre les élus, les partenaires sociaux et le Gouvernement.

M. le président. L’amendement n° 572 rectifié septies, présenté par MM. Henno et Marseille, Mmes Sollogoub, Romagny, Guidez, Bourguignon, Loisier et Vermeillet, MM. Fargeot et Longeot, Mme Tetuanui, MM. Levi, L. Hervé, Courtial, J.M. Arnaud, Dhersin, Delahaye et Cigolotti, Mme Jacquemet, MM. Pillefer et Maurey, Mmes Housseau et Gacquerre, M. Kern, Mmes Perrot, Antoine et Billon, MM. Bleunven, Bonneau, Cadic, Cambier, Canévet, Capo-Canellas et Cazabonne, Mme de La Provôté, M. Delcros, Mmes Devésa et Doineau, M. Duffourg, Mme Florennes, M. Folliot, Mme N. Goulet, M. Haye, Mme Herzog, MM. Hingray, Lafon, Laugier, P. Martin, Menonville et Mizzon et Mmes Morin-Desailly, Patru, O. Richard, Saint-Pé et Vérien, est ainsi libellé :

Après l’article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au 3° de l’article L. 3123-1, au troisième alinéa de l’article L. 3121-41 et au sixième alinéa de l’article L. 3121-44 du code du travail, les mots : « 1 607 heures » sont remplacés par les mots : « 1 619 heures » ;

II. – Au second alinéa de l’article L. 611-1 du code général de la fonction publique, les mots : « 1 607 heures » sont remplacés par les mots : « 1 619 heures ».

III. – L’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° La dernière heure de la durée de travail annuel visée au 3° de l’article L. 3123-1, au troisième alinéa de l’article L. 3121-41 et au sixième alinéa de l’article L. 3121-44 du code du travail. »

IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Olivier Henno.

M. Olivier Henno. Le groupe Union Centriste en a la conviction très forte : notre pays doit créer des richesses non seulement pour financer sa solidarité – aujourd’hui, c’est ce dont il est question –, mais aussi pour assurer son rayonnement. Naturellement, il faut investir plus et investir mieux ; mais il faut aussi plus de travail.

Nous avons retenu les leçons d’autres propositions ou du débat de l’année dernière sur la journée de solidarité, puis sur la suppression de deux jours fériés. Nous avons bien constaté qu’il y avait un problème. Pour nous, le travail doit payer. C’est pourquoi nous avançons cette proposition de douze heures de travail supplémentaires par an rémunérées, soit une heure par mois ou quinze minutes par semaine. Nous laissons parallèlement aux partenaires sociaux le soin d’en organiser les modalités, car nous sommes attachés au paritarisme.

Nous considérons – dans la continuité des principes rappelés par M. Chasseing – que nous ne pourrons pas nous en sortir si nous ne créons pas plus de richesses. Pour produire davantage de richesses, il faut investir plus et mieux, mais surtout réaugmenter le temps de travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Indéniablement, ce sujet doit être mis sur la table. Le Premier ministre l’a d’ailleurs promis dans le cadre du lancement de la conférence sur les retraites et le travail. C’est une démarche absolument nécessaire.

L’an dernier, nous avions présenté un amendement tendant à instaurer une journée de solidarité. À l’époque, on m’avait répondu qu’il s’agissait d’une journée non rémunérée. La proposition dont nous débattons aujourd’hui porte, elle, sur des heures rémunérées et cotisées, lesquelles renforceraient les recettes de la sécurité sociale.

Mais si le débat est ouvert, il convient d’admettre, très sincèrement, qu’un report s’impose. L’avis de la commission est donc défavorable, même si je partage totalement l’intention des auteurs de ces amendements.

Nous avons travaillé sur les recettes, et cette proposition fait partie des solutions. Comme l’a montré le rapport que nous avons rédigé dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), avec Mme Poncet Monge, plusieurs leviers s’offrent à nous : on peut travailler sur les recettes, sur les moindres dépenses, mais aussi travailler sur la quantité de travail.

Il importe de favoriser une meilleure croissance. Le PIB doit être moins médian qu’il ne l’est aujourd’hui ; il doit être renforcé. Avec un meilleur PIB, vous le savez, nous n’aurions pas de déficit.

L’augmentation du temps de travail constitue donc une voie possible. Face à une démographie sur les actifs défavorable, la question se pose, mais pas dans le cadre d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale ; elle relève plutôt d’une loi sur le travail.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités. Le sujet est effectivement fondamental. Combien d’heures faut-il travailler dans notre pays ? Cette interrogation a suscité de nombreux débats ces dernières années, et il est légitime de la reposer.

Est-il opportun, comme l’a rappelé la rapporteure générale, de lancer un tel débat par voie d’amendement dans le cadre de l’examen du PLFSS ? La question peut être évoquée, mais nous n’aurons ni le temps ni les conditions nécessaires pour l’approfondir.

La toile de fond de la réflexion est la production. Chacun sait que notre pays ne produit pas assez. Nous ne devons donc surtout pas renoncer à la croissance, pas plus qu’à l’augmentation du PIB, car nous en avons besoin.

Même les questions de répartition des richesses se résolvent plus aisément lorsqu’il y a davantage de richesses à répartir. Je souscris donc pleinement au méta-objectif de renforcer la capacité de notre pays à produire plus et à créer des richesses, ce qui permettra à la fois de financer notre système social et d’améliorer le niveau de vie de nos concitoyens. Je partage cette préoccupation essentielle.

Dans ce contexte, il faudra s’interroger sur la façon de répartir le travail, via le nombre de travailleurs et la quantité de travail effectuée par chacun. L’équation est simple, mais elle doit être posée.

Concernant le nombre de travailleurs, il ne faut renoncer ni à l’emploi des jeunes ni à celui des seniors. Les jeunes doivent entrer plus tôt dans l’emploi, et les seniors doivent accepter de travailler un peu plus longtemps. Ces deux fondamentaux resteront valables.

Reste ensuite la question de l’équilibre entre le nombre de travailleurs et la quantité de travail par personne. C’est précisément l’enjeu que vous soulevez. La piste existe, le débat est pertinent et pourra être abordé dans le cadre de la conférence sur les retraites, le travail et l’emploi. Certains souhaiteront s’en saisir. Nous progresserons dans cette réflexion.

Pour des raisons tenant davantage au processus de discussion qu’au fond, l’avis du Gouvernement sur ces amendements est défavorable.

Mme Nathalie Goulet. Quel dommage !

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Le Canard enchaîné de ce mercredi rapportait ce propos du président Hervé Marseille : « Les Panzerdivisions sont prêtes à démarrer ! » (Sourires sur les travées du groupe UC.) Nous y voilà donc, avec cet amendement n° 572 rectifié septies qui vise à porter la durée annuelle de travail de 1 607 à 1 619 heures.

Cette version « remasterisée » des deux jours fériés vendue l’année dernière au Gouvernement, issue de la fameuse « boîte à outils » sénatoriale, reviendrait donc à faire travailler les salariés quinze minutes de plus par semaine.

Mme Anne-Sophie Romagny. Oh là là !…

M. Rémy Pointereau. Quel malheur !

Mme Silvana Silvani. L’augmentation de sept heures annuelles est présentée comme un moindre effort produisant des effets extraordinaires : une hausse de 0,4 % du PIB, une amélioration du solde des administrations publiques de 0,2 point de PIB, un rendement supérieur à 10 milliards d’euros par an… Bref, la solution à tous les problèmes serait l’allongement du temps de travail. À se demander pourquoi personne n’y a songé plus tôt !

Mme Silvana Silvani. Je ferai trois remarques. D’abord, votre mesure épargne, comme par hasard, le patronat et les revenus financiers. Ensuite, elle vise les travailleurs, dont vous prétendez pourtant régulièrement défendre le pouvoir d’achat et les conditions de travail. Enfin, elle s’attaque aux plus précaires des travailleurs, les cadres majoritairement au forfait n’étant pas impactés.

Mme Anne-Sophie Romagny. Ils travaillent bien plus que 35 heures ! (Mme Nathalie Goulet lève le poing en signe de lutte.)

Mme Silvana Silvani. En conclusion, il s’agit simplement d’une provocation qui a le mérite d’afficher la réalité de vos ambitions : défendre les puissants et les intérêts du Medef. (Mmes Émilienne Poumirol et Cathy Apourceau-Poly applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. C’est le troisième jour de débat sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et, chaque jour, nous avons droit à une surprise ! Aujourd’hui, une nouveauté surgit au détour de ces deux amendements.

Lors de chaque PLFSS, les années passées, nous avions droit en fin de débat à un amendement visant à reculer l’âge de départ à la retraite… Mais cette année, pour la première fois, ni vu ni connu – et avant l’heure de midi et demi –,…

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il n’y a pas d’heure pour bien faire !

Mme Corinne Féret. … un amendement « discret » est présenté qui tend tout simplement à augmenter la durée légale du temps de travail. Et, comme toujours, l’effort serait demandé aux salariés.

La rapporteure générale et le ministre répondent que « ce n’est pas le moment » et donnent un avis défavorable. J’aurais préféré les entendre dire qu’il s’agissait d’une proposition inattendue. Au lieu de cela, on nous suggère qu’il faudrait y revenir plus tard, car « cela pourrait être une bonne solution » !

Vous irez donc dire aux Français qu’un samedi, à midi et demi, vous avez voté une augmentation du temps de travail ! Vous leur expliquerez, ainsi qu’aux partenaires sociaux, qu’on leur laissera du temps pour s’organiser dans le cadre du dialogue social, comme l’a suggéré M. Henno !

Réalisez-vous ce que vous proposez aujourd’hui dans ce PLFSS ? Il ne s’agit même plus d’un « musée des horreurs » ; je ne trouve plus de qualificatif… (Mme Pascale Gruny sexclame.) Heure après heure, surgissent des propositions totalement inacceptables en l’état. Que direz-vous, lorsque vous retournerez dans vos départements, pour expliquer de telles mesures ?

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. À l’inverse de certains d’entre vous, je dirai qu’il s’agit d’un beau débat, même s’il n’a pas sa place dans un PLFSS.

C’est un beau débat à condition de sortir d’une approche binaire : plus d’heures ou moins d’heures. Les femmes et les hommes qui travaillent ne sont pas des machines.

M. Martin Lévrier. La productivité d’une machine est linéaire ; celle d’un être humain ne l’est pas.

Je prends un exemple simple. L’an dernier, lors de l’examen du même texte, nous examinions entre vingt-et-un et vingt-deux amendements par heure, contre treize ou quatorze cette année. Pourtant, nous sommes les mêmes !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous avons vieilli !

M. Martin Lévrier. Ce débat devient passionnant dès lors que nous abandonnons les postures et les positions binaires.

J’ai auditionné des entreprises de plus de 2 000 salariés passées aux 32 heures avec l’accord unanime du personnel. Elles avaient prévu des recrutements, mais elles n’ont finalement embauché personne parce que la productivité a fortement augmenté et que les salariés se trouvaient mieux au travail. Tous les paramètres doivent être pris en compte. On ne peut réduire ce débat à une simple question horaire. Nous devons changer de logiciel, observer le monde tel qu’il est et cesser de traiter les travailleurs comme des machines !

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. J’ai rarement été aussi souvent d’accord avec mon collègue Lévrier et Mme la rapporteure générale : un tel débat ne saurait avoir lieu lors de l’examen d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Monique Lubin. Si cet amendement était adopté, il dégraderait encore l’image que nos concitoyens ont de la politique.

L’un des péchés originels de la dernière réforme des retraites fut d’ignorer la question du travail. Nous avons parlé des retraites sans débattre du travail !

Il ne faut pas regarder le travail tel qu’il était il y a cinquante ou soixante-dix ans. Certains métiers peuvent éventuellement donner lieu à un allongement du temps de travail ; d’autres, certainement pas.

Il faudra donc ouvrir deux débats à travers, peut-être, deux projets de loi distincts – les partenaires sociaux doivent évidemment y travailler, mais le Parlement aussi.

Le premier débat doit porter sur ce qu’est le travail aujourd’hui, sur les modalités d’organisation et d’adaptation du travail, métier par métier ; et le second sur ce qui en découlera en termes de retraite.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Les deux amendements sont différents et ne peuvent recevoir la même analyse.

Daniel Chasseing concède que la durée du travail par emploi en France se situe dans la moyenne européenne, voire au-dessus de celle de l’Allemagne. La conclusion logique devrait-elle être d’augmenter cette durée ? C’est paradoxal…

Une autre solution existe : il faut davantage d’emplois. Avons-nous besoin de plus d’emplois ? Oui ! La transition démographique et la transition numérique l’exigent.

On me répondra qu’il faut aussi tenir compte du rapport démographique – c’est d’ailleurs l’argument invoqué.

Le faible taux d’emploi des seniors résulte largement – beaucoup le reconnaissent – de la sous-performance française en termes de conditions de travail et de management, bien éloignés de ceux de nos voisins européens. Mais le rapport démographique se dégrade aussi en raison de votre souhait de diviser drastiquement le flux migratoire – contrairement à l’Italie ou à l’Allemagne –, que vous voulez quasiment ramener à zéro. Ce problème vient d’ajouter au choix de nos concitoyens d’avoir moins d’enfants.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.

Mme Anne-Sophie Romagny. Il demeure manifestement difficile pour certains de croire en la valeur travail, ce que je déplore.

Pour votre information, madame Silvani, les cadres effectuent plus de 35 heures par semaine.

Monsieur Lévrier, j’entends votre argument sur l’efficience, mais la question des cotisations demeure.

Madame Poncet Monge, si la solution consistait simplement à créer des emplois d’un coup de baguette magique, cela se saurait.

Je reviendrai sur la proposition de mon collègue Olivier Henno. L’effort demandé est minimal pour un impact macroéconomique majeur : une heure supplémentaire par mois, soit quinze minutes par semaine. J’entends que cela puisse être compliqué à mettre en œuvre pour certains métiers, mais il ne s’agit que de quinze minutes par semaine ! Cet effort sera quasiment imperceptible dans la vie quotidienne de la majorité des Français.

En contrepartie, cet ajustement rapportera plus de 10 milliards d’euros de ressources nouvelles par an. Parmi les mesures examinées depuis le début de ce PLFSS, c’est l’une des plus efficaces et des moins douloureuses pour redresser les comptes sociaux.

Ainsi, nous préservons la sécurité sociale sans augmenter les impôts ni toucher aux droits. Nous améliorons le PIB et réduisons le déficit public. Ce débat mérite d’être mené. Peut-être le PLFSS n’est-il pas le texte idéal pour le faire – je vous entends, monsieur le ministre, il faut ouvrir une véritable discussion –, mais si nous repoussons toujours le sujet, nous ne progresserons jamais. L’urgence impose d’agir, et il faut un point de départ. Si nous différons sans cesse, on ne s’en sortira pas !

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Mme Frédérique Puissat. La discussion sur le temps de travail demeure un débat classique. Et, comme souvent, nous ne parviendrons probablement pas à tomber d’accord d’un bout à l’autre de l’hémicycle.

Autre habitude : les médias ne retiennent que ce débat-là,…

Mme Laurence Rossignol. C’est vous qui l’avez lancé !

Mme Frédérique Puissat. … comme si toutes les autres heures de travail parlementaire étaient passées par pertes et profits. J’espère qu’il en ira autrement cette année.

Ce qui est nouveau, monsieur le ministre – et j’aimerais vous entendre sur ce point –, c’est que le débat progresse chez les partenaires sociaux ; je crois modestement que nous y avons contribué par les positions que nous défendons. Il progresse non pas tant sur le temps de travail que sur la productivité. Il me semble que les partenaires sociaux sont prêts à travailler sur ce thème, lequel entraîne évidemment des conséquences sur le temps de travail.

Le débat n’est donc pas vain. Il clivera sans doute cet hémicycle. Pour ce qui concerne le groupe Les Républicains, nous vous suivrons afin de faire progresser ces réflexions chez les partenaires sociaux et de pouvoir y revenir de manière plus structurée, peut-être dans le cadre d’un projet de loi relatif au travail et à l’emploi.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Coluche disait : « C’est toujours le bon moment pour discuter des choses importantes. » Or, pour nous, le temps de travail fait partie des sujets essentiels.

Monsieur le ministre, il ne s’agit pas d’un amendement d’appel, mais d’une conviction profonde. J’entends la leçon : le Gouvernement propose, le Parlement discute et les parlementaires votent. C’est ce que nous ferons.

Je veux répondre à mes collègues de la gauche. Selon nous, il s’agit d’une mesure de justice sociale. (Protestations indignées sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Lorsque le temps de travail diminue, le pays s’appauvrit ; et lorsque le pays s’appauvrit, ce sont les plus modestes et les plus fragiles qui trinquent !

À l’inverse, lorsque le pays travaille davantage – en 1958, par exemple –, il s’enrichit, et ce sont les plus modestes et les plus fragiles qui en bénéficient. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Voilà pourquoi nous sommes très attachés à cette mesure.