Mme Agnès Evren. Madame la ministre, j'ai bien entendu vos propos.

En tant qu'élue de Paris, je suis défavorable aux salles de shoot et à leur pérennisation, même si, bien évidemment, la réduction des risques est absolument utile.

Les haltes soins ne soignent pas : elles entretiennent les toxicomanes dans la dépendance et dans l'addiction (Protestations sur les travées du groupe SER.), car, du point de vue sanitaire, elles n'offrent pas de véritable prise en charge vers la désintoxication, le sevrage ou la sortie de la rue.

De plus, selon le rapport de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), ces haltes concentrent les troubles dans des quartiers déjà fragilisés en créant des abcès de fixation et en attirant de nouveaux publics en errance et en grande difficulté sociale, qui ne se rendraient pas dans le quartier sans la présence de cette salle de consommation.

Le quartier de l'hôpital Lariboisière à Paris est devenu un véritable enfer pour les riverains. Depuis neuf ans, ceux-ci dénoncent les trafics qui prospèrent, l'installation de toxicomanes et de dealers, les agressions, les hurlements et les bagarres. Cette halte soins est un marché du crack à ciel ouvert, où l'insécurité règne jour et nuit et où la cohabitation entre usagers et riverains donne lieu à des tensions.

Alain Milon, qui était rapporteur du projet de loi de modernisation de notre système de santé qui a donné naissance à cette expérimentation, le disait lui-même : l'expérience strasbourgeoise n'a rien à voir ! Elle est plus positive, parce que des soins sont organisés dans des centres fermés par des médecins et des addictologues, en zone non habitée. Il n'y a pas de riverains aux abords de cette salle, où est dispensée une véritable prise en charge sanitaire, sociale et psychiatrique.

C'est la raison pour laquelle je soutiens la suppression de cette mesure.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. J'entends les problématiques que vous évoquez, même si je connais bien moins que vous la ville de Paris.

Permettez-moi toutefois de souligner que cet article vise non pas à pérenniser l'expérimentation, mais seulement à la prolonger. Il serait dommage d'y mettre un terme, au vu de ses effets sur la santé publique.

J'espère qu'un bilan complet de l'expérimentation sera réalisé. Il nous faut entendre les réactions que suscitent les haltes soins addictions dans le voisinage.

Il est donc nécessaire de prolonger cette expérimentation. Le Gouvernement, je l'espère, fera un bilan objectif tant sur son impact sur la santé publique que sur ses effets de bord.

La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l'avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne dispose pas encore d'autres chiffres que ceux que je vous ai indiqués, notamment en ce qui concerne le nombre de désintoxications que ces centres ont permis. C'est pour cette raison qu'il faut poursuivre l'expérimentation.

L'un des centres fonctionne moins bien que l'autre. Il faut étudier plus précisément ce qui s'y passe, afin de résoudre le problème pour l'ensemble de nos concitoyens. Les enjeux de santé publique l'emportent.

L'avis est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. Vous n'êtes peut-être pas au courant, monsieur Khalifé, mais les centres « à la sauvette » n'existent pas. Il n'y a que deux salles de consommation à moindre risque en France, deux HSA, l'une à Strasbourg, l'autre à Paris.

M. Khalifé Khalifé. Et à Marseille !

Mme Anne Souyris. Il n'y en a pas à Marseille, renseignez-vous : malgré la volonté d'en créer une, il n'y en a pas – nous pourrions d'ailleurs aborder le sujet plus longuement si vous le souhaitez.

L'expérimentation, qui dure depuis dix ans, porte exclusivement sur deux centres. Cela pose d'ailleurs un problème, car à Paris, pour l'ensemble des usagers de drogue à la rue, en grande déshérence, une seule salle ne suffit évidemment pas. Nous devrions plutôt avoir une discussion sur ce point.

Mme Evren argue que la salle de Lariboisière est une catastrophe intersidérale. Mais je peux ajouter aux propos de Mme la ministre que les résultats sont suffisamment bons pour que la maire actuelle de l'arrondissement recueille davantage de suffrages dans les bureaux de vote voisins de l'hôpital qu'avant l'ouverture de la salle. Cela signifie que les vrais riverains de cette salle, et non ceux qui viennent de partout pour dire n'importe quoi (M. Olivier Rietmann proteste.), trouvent que les choses vont dans le bon sens.

Je ne peux pas laisser dire qu'à Paris il n'y a pas de médecin dans la salle de consommation à moindre risque. Sur le même modèle que celle de Strasbourg, elle est dirigée par un médecin et des soignants sont présents en permanence.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Anne Souyris. Il est très important de préserver l'existence de cette salle.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Notre débat est sérieux : nous sommes au Sénat, en train d'examiner le budget de la sécurité sociale, et non en train de faire la campagne de Mme Dati.

Mme Agnès Evren. Quel rapport avec Mme Dati ? Je n'en ai pas parlé !

M. Rémi Féraud. Madame Evren, le seul objet de votre amendement est de faire campagne pour Mme Dati. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Evren. Arrêtez la politique politicienne et les polémiques à deux balles !

M. Rémi Féraud. D'ailleurs, vous dites que vous êtes contre les salles de shoot, mais pour la réduction des risques. Non : si l'on veut réduire les risques, il faut assumer de défendre ces centres.

C'est lorsque j'étais maire du Xe arrondissement et Bernard Jomier adjoint au maire de Paris chargé de la santé que nous avons voulu ouvrir, dans l'enceinte de l'hôpital Lariboisière, une salle de consommation de drogue à moindre risque.

Il n'y a que deux salles de ce type en France : l'une à Strasbourg, l'autre à Paris. Leur implantation n'est pas identique, car l'urbanisme diffère entre les deux villes, mais leurs résultats sanitaires sont les mêmes, madame la ministre, et ces centres fonctionnent de la même manière.

Tous les rapports d'évaluation de ces centres sont positifs, non seulement en matière de santé, mais également pour ce qui est de la tranquillité publique. Tout le monde le sait : fermer ces salles serait un véritable recul pour la santé publique et une catastrophe pour la tranquillité publique.

La démocratie, ce n'est pas trois trolls sur Twitter ! Ce sont les citoyens ; c'est le débat rationnel, l'évaluation des expérimentations. (Mme Sophie Primas proteste.) Toutes les évaluations sont positives. Madame la ministre, nous attendons toujours le rapport du Gouvernement que votre prédécesseur nous avait promis pour le mois de juin dernier.

Dans cette attente, je me réjouis de l'introduction de cet article par l'Assemblée nationale : il permettra aux salles de Strasbourg et de Paris de poursuivre leur activité. Néanmoins, nous demandons toujours leur véritable pérennisation, avec des moyens supplémentaires si vous le souhaitez, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Ce qu'on appelle « haltes soins addictions » – et non « salles de shoot », expression qui renvoie à un autre imaginaire que celui de l'accompagnement, de la prévention et de la réduction des risques – est un dispositif encadré, ultra contrôlé. Cette expérimentation a été prolongée à plusieurs reprises.

Dans ces centres, des personnels en première ligne accompagnent les consommateurs et les patients sans savoir, à la fin de chaque année, s'ils pourront continuer d'accomplir ce travail.

L'existence de ces centres permet d'éviter 71 passages aux urgences par jour, ce qui est important, y compris compte tenu des tensions dans ces services que nous mentionnons souvent.

Dès 2012, des maires de toutes les couleurs politiques – Jean-Claude Gaudin, Alain Juppé… – ont mis le doigt sur la nécessité de mener des actions en matière de prévention et de réduction des risques.

Des expérimentations ont eu lieu à Paris et à Strasbourg. Aujourd'hui, je me réjouis des propos de Mme la ministre, mais sa parole est écrasée par celle du ministère de l'intérieur. La loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic a été votée à l'unanimité par le Sénat ; il faut désormais un acte II consacré à la prévention, à la réduction des risques et à l'accompagnement.

Nous avons besoin d'entendre une parole forte. Les haltes soins addictions sont l'une des solutions pour accompagner les usagers. Leurs bénéfices sont nombreux, en matière tant de santé publique que de sécurité et de tranquillité publiques : sans elles, les usagers étaient contraints de consommer en scène ouverte, dans la rue, aux yeux de tous les riverains.

Cet article prolonge l'expérimentation pour deux ans, mais nous demandons bien entendu la pérennisation du dispositif.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Comme Rémi Féraud l'a rappelé, j'étais adjoint en charge de la santé lors de l'ouverture de la salle à Paris. L'objectif était alors double et il n'a pas changé : la réduction des risques, tant pour les usagers que pour les riverains. En effet, nous ne pouvons accepter d'abandonner ni les uns ni les autres.

Rappelons-le, les usagers de ces centres sont en très grande difficulté. Une HSA s'occupe de ce que j'appellerai le très bas seuil : elle s'adresse à des personnes qui sont incapables d'arrêter leur consommation dans l'immédiat.

Ne faisons pas aux soignants qui y travaillent l'injure de feindre qu'ils ne recherchent pas l'arrêt de la consommation. Tout leur travail consiste d'abord à assurer une consommation sécurisée, puis à aider les usagers à sortir de cette consommation. Mais ce parcours est très long !

Toutes les salles similaires dans le monde – on en compte environ 150 – présentent à peu près les mêmes caractéristiques. C'est la première marche d'un parcours : au lieu d'avoir lieu dans la rue, au risque de voir des seringues au sol devant les écoles, la consommation se fait dans une salle où se trouvent des soignants et des travailleurs sociaux.

La salle de Paris fonctionne très bien. Je suis très tranquille à ce sujet : les évaluations, qu'elles soient sanitaires – madame la ministre en a parlé – ou relatives à la tranquillité publique pour les riverains, sont bonnes.

Madame Evren, j'ai lu avec beaucoup d'attention l'exposé des motifs de votre amendement. Vous mentionnez les opinions de « certains riverains », mais regardez les évaluations que font une foultitude d'organismes et d'institutions sanitaires, avec dix ans de recul : ils disent que ces salles fonctionnent, même si elles ne peuvent pas répondre à elles seules au problème de la drogue dans notre pays. Il est impossible de se sevrer du jour au lendemain : se rendre dans ces salles, c'est être au début d'un long parcours.

Je n'ai qu'un seul regret. Quand j'ai présenté la délibération sur ce sujet devant le Conseil de Paris, j'ai insisté sur le fait que cette salle ne devait pas rester seule. En effet, il peut y avoir des phénomènes de regroupement dans les alentours. Toutefois, notre seule lâcheté, depuis dix ans, c'est de ne pas avoir autorisé l'ouverture d'autres salles, alors que les adjoints de Jean-Claude Gaudin et d'Alain Juppé le demandaient.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Mercredi dernier, le Sénat a observé une minute de silence à la mémoire de Mehdi Kessaci. Son frère, dans des propos très dignes, a dit : « Il ne faut pas se résoudre à la disparition des services publics. »

Ces salles sont la noblesse du service public : elles visent à ne pas laisser les choses en l'état, à proposer des solutions, des parcours.

Alors que la France lutte contre le narcotrafic, je rappelle que, dans les années 1970, en Italie, la mafia assassinait ceux qui accompagnaient les toxicomanes et leur proposaient des parcours de sortie de la toxicomanie. Ils étaient les ennemis de la mafia.

Aujourd'hui, de la même manière, ces salles, qui incarnent la capacité du service public à proposer des parcours de sortie, sont clairement les ennemies des narcotrafiquants et des mafias qui se sont installés en France.

Le plus souvent, je fais attention à mesurer mes propos, mais, madame Evren, les vôtres me semblent totalement indignes : vous alimentez des fantasmes en dehors de toute évaluation sérieuse.

Mme Frédérique Puissat. N'importe quoi !

M. Ronan Dantec. Ne pas reculer, c'est justement dire que nous ne nous résignons pas et que le service public est plus fort. M. Jomier a utilisé le terme de lâcheté ; fermer ces salles serait effectivement une lâcheté vis-à-vis des narcotrafiquants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Mme Frédérique Puissat. Autant certains collègues tiennent des propos très posés et permettent un débat plutôt intéressant, autant d'autres mériteraient sans doute un rappel au règlement !

Revenons au fond des choses : la commission des affaires sociales a publié en juillet dernier un rapport d'information intitulé Opioïdes en France : état des lieux, risques émergents et stratégies de prévention. Lors de son examen, j'avais précisé qu'il fallait être vigilants et que l'expérimentation devait marcher sur deux jambes : la santé et la sécurité.

Il ne s'agit pas de questions politiciennes et je remercie Agnès Evren d'avoir bien posé les termes du débat. À l'époque, le ministre de la santé, Yannick Neuder, et celui de l'intérieur, Bruno Retailleau, n'avaient pas tout à fait le même point de vue.

Il est normal d'aborder le sujet sur ces deux jambes. Madame la ministre, je regrette que nous examinions ce sujet dans le cadre du PLFSS, sans pouvoir prendre en compte sa dimension sécuritaire, ce qui aurait pu nous permettre d'alimenter nos débats.

En conséquence, je voterai en faveur de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales, président de la commission. Notre débat ne doit être ni la campagne de Mme Dati, ni celle du candidat ou de la candidate qui remplacera Mme Hidalgo. (Mme Sophie Primas applaudit.) Ce serait dramatique pour les patients – ceux qui se droguent deviennent, à un moment ou à un autre, des gens qu'il faut soigner.

L'expérimentation a été décidée dans le cadre de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, défendue par Mme Touraine, dont j'étais le rapporteur au Sénat. Avec Marisol Touraine, nous avons fait adopter plusieurs amendements qui visaient à préciser que les salles de shoot devaient se trouver en milieu hospitalier et être dirigées et animées par des médecins et des infirmiers spécialistes de l'addictologie.

Le Sénat a voté cette loi à l'unanimité et je regrette que seulement deux sites d'expérimentation aient vu le jour. Il semble que l'un d'eux ne marche pas très bien, quand l'autre, celui de Strasbourg, fonctionne relativement bien.

Il faut donc élargir l'expérimentation, notamment à Marseille, où la situation est vraiment délicate. Des spécialistes en addictologie doivent suivre ces patients, car c'est en les suivant et en discutant avec eux qu'ils peuvent les amener à se faire guérir.

Je ne voterai donc pas en faveur de l'amendement visant à supprimer l'expérimentation : sans salles de shoot, les drogués se promèneraient dans la rue et se fourniraient n'importe où, au mépris de leur santé. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Evren, pour explication de vote.

Mme Agnès Evren. Monsieur le vice-président, je suis tout à fait sensible à vos propos et j'avais d'ailleurs bien pris soin de distinguer l'enjeu sanitaire – il faut évidemment réduire les risques – du point de vue sécuritaire. Il faut le dire : les commerçants, les familles, les enfants, sont parfois confrontés à des zombies ! Telle est la réalité quotidienne dans le quartier !

Nous sommes favorables à une solution qui comporte un volet sanitaire, faisant intervenir des médecins addictologues, et qui soit adossée à des hôpitaux, ce qui n'est pas le cas à Paris. (Protestations sur les travées du groupe SER.) J'ai même précisé que l'expérimentation était positive à Strasbourg, dans la mesure où la salle ne se situe pas dans une zone où il y a des habitants.

Je maintiens donc mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Le rapport d'évaluation sera bientôt remis au Parlement.

Madame Evren, votre amendement n° 956 rectifié, que nous examinerons après celui-ci, vise à préciser les indicateurs liés à la tranquillité publique ; le Gouvernement émettra à son propos un avis très favorable.

En revanche, je partage l'avis de M. Milon et je répète que le Gouvernement émet bien un avis défavorable sur l'amendement n° 957 rectifié.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Comme bien d'autres, je milite pour la réduction des risques et je suis donc par principe favorable aux haltes soins addictions. Madame la ministre, je souhaite néanmoins obtenir un engagement de votre part à propos de la halte parisienne.

Le mot « soin », à Paris, est comme un rideau de fumée ; de même, cette salle est localisée dans un périmètre qui appartient à Lariboisière, mais qui n'a rien d'hospitalier.

Les rapports – ils sont d'ailleurs d'une qualité variable, ce que je regrette – comportent très peu d'analyses sur la dimension sanitaire. Ce point est d'autant plus important qu'aucun service d'urgence spécialisé en addiction n'existe au sein de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), alors même que la ville compte plus de deux millions d'habitants. Ces lieux sont donc d'autant plus importants pour les situations d'urgence.

Dans la HSA parisienne, selon les rapports – l'estimation ne semble pas vraiment fiable, mais l'ordre de grandeur est instructif –, on compte entre 0,5 et 1,5 équivalent temps plein (ETP) de médecins présents pour environ 800 usagers.

Je n'ai pas le sentiment de caricaturer en disant que l'accent est mis sur l'accompagnement social, qui est absolument indispensable, soit, mais en aucun cas sur le début d'une prise en charge médicale.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la ministre, vous engagez-vous à reconsidérer la localisation de la salle et à augmenter la présence de personnel médical ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. En premier lieu, d'abord, je voudrais rendre hommage à l'ensemble des personnes qui travaillent au sein de la HSA et aux salariés de l'association Gaïa-Paris, qui font un travail absolument remarquable, auquel ils croient, un travail de conviction et d'engagement. J'aimerais que le Sénat les en remercie.

Pour qui a eu l'opportunité de travailler de près ou de loin sur le sujet de la HSA parisienne, et non uniquement de commenter, il est évident que l'ensemble des personnes qui franchissent le pas de cette halte soins addictions – comme il est long de faire franchir le pas de cette porte ! – ont fondamentalement besoin de l'ensemble de l'accompagnement qui leur est proposé.

Mes chers collègues, excusez-moi de le dire un peu trivialement : ces personnes sont tellement abîmées par leurs addictions et conditions de vie que toutes les compétences des personnes engagées sont nécessaires pour les accompagner.

En filigrane de l'intervention de certains collègues, je crois percevoir l'argument suivant : bien que les haltes soins addiction soient nécessaires – c'est bien, le débat prospère, car nous n'entendions pas tout à fait cela il y a quelques années à Paris –, le lieu retenu ne serait pas le bon, parce qu'il y a des habitants à côté de Lariboisière.

Je voudrais aujourd'hui faire une révélation à nos collègues qui ne connaissent pas les hôpitaux parisiens : à Paris, aucun hôpital n'est situé à un endroit où il n'y a pas d'habitant. C'est le charme d'une ville dense, d'une capitale : il y a toujours des habitants à proximité des hôpitaux.

En tout cas, la HSA doit évidemment perdurer.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 957 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 956 rectifié, présenté par Mmes Evren et Joseph, MM. Khalifé, Grosperrin, Karoutchi et Panunzi, Mmes Aeschlimann et Bellurot, MM. Séné et Naturel, Mmes Dumas, Malet, Garnier et Estrosi Sassone, M. Piednoir, Mme Canayer, MM. Brisson, Klinger et Genet et Mmes Di Folco, Dumont, Bonfanti-Dossat, Bellamy et Schalck, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

2° Le IV est ainsi modifié :

a) Après le mot : « publique » sont insérés les mots : « , l'amélioration des parcours de prise en charge des usagers » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Une analyse qualitative des retours des forces de l'ordre, concernant les faits de délinquance, les troubles à l'ordre public et les nuisances sur l'espace public (sonores, sécuritaires…), ainsi que des indicateurs liés aux nuisances perçues par les riverains viennent nourrir les critères d'évaluation ».

La parole est à Mme Agnès Evren.

Mme Agnès Evren. Ainsi que Mme la ministre l'a indiqué, cet amendement vise à ce que le rapport d'évaluation comporte des éléments complémentaires permettant de faire la lumière sur l'insécurité.

Il s'agirait d'y inclure des indicateurs sur les faits de délinquance et d'agression, sur les troubles à l'ordre public enregistrés par les forces de l'ordre et sur les nuisances subies par les riverains. De telles informations permettraient d'établir un bilan rigoureux, complet et objectif de la situation.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il est prévu que, dans les six mois précédant la fin de l'expérimentation, le Gouvernement remette au Parlement un rapport d'évaluation portant notamment sur son impact sur la réduction des nuisances dans l'espace public.

L'amendement vise à ajouter à ce rapport « une analyse qualitative des retours des forces de l'ordre, concernant les faits de délinquance, les troubles à l'ordre public et les nuisances sur l'espace public », ce qui va un peu plus loin que ce qui est prévu.

J'ai cru comprendre que l'avis du Gouvernement serait favorable sur cet amendement, et j'émets donc, à titre personnel, un avis favorable également.

Toutefois, la commission avait considéré que l'amendement était satisfait.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Mme la rapporteure l'a bien expliqué, ce qui est proposé ici va un peu plus loin que ce qui est prévu, même si la plupart des indicateurs demandés sont déjà pris en compte en vue de l'évaluation en cours.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. Mes chers collègues, vous avez raison, il est absolument nécessaire de prendre en compte la sécurité.

Mais si vous lisez la dernière évaluation, celle réalisée par une équipe des hospices civils de Lyon, vous verrez qu'elle indique clairement, notamment entre les pages 52 et 60 du rapport, que la situation s'est améliorée du point de vue de la sécurité, tant à Strasbourg qu'à Paris.

Les éléments demandés sont donc déjà pris en compte. Ils sont également présents dans le rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et dans celui de l'inspection générale des affaires sociales (Igas).

Les trois évaluations existantes portent donc bien sur les deux volets : le sanitaire et la sécurité.

D'un côté comme de l'autre, les choses peuvent bien sûr être améliorées, mais les salles ne sont pas spécifiquement en cause. Le problème, c'est de savoir, à partir du premier niveau de prise en charge que constituent les HSA, comment amener les personnes les plus précarisées, les plus dépendantes, les plus atteintes, vers une institution.

Mes chers collègues, permettez-moi de faire une petite parenthèse du point de vue sanitaire : ces salles permettent de réduire le nombre d'overdoses de 70 %, ce qui est tout de même remarquable. Dites-le-vous donc une fois pour toutes : oui, ces salles de consommation sauvent des vies.

Cela dit, il faut qu'elles soient entourées de tout un écosystème : il faut des hébergements, de la réinsertion, du sevrage, un suivi post-cure, des salles de repos, etc. Tout cela doit être mis en place. Une partie de ce plan a été réalisée, à Paris comme à Strasbourg. L'hébergement aménagé au premier étage de la salle de consommation de Strasbourg, par exemple, est une véritable réussite et l'équivalent devrait être mis en place à Paris.

Quoi qu'il en soit, si cela peut vous rassurer, mes chers collègues, pourquoi ne pas inclure dans le rapport des éléments supplémentaires sur la sécurité ?

Mme Agnès Evren. Ce n'est pas pour moi ; c'est pour les riverains !

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Anne Souyris. M. Nunez, avec lequel j'ai beaucoup travaillé quand il était préfet de police de Paris, nous a permis d'avancer sur ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Nous allons suivre l'avis défavorable de la commission, mais cet amendement ne nous dérange pas vraiment, puisqu'il ne vise qu'à demander des précisions dans le rapport d'évaluation.

M. Olivier Rietmann. Pourquoi ne pas le voter alors ?

M. Rémi Féraud. Le débat a progressé ces dernières années. Même Agnès Evren a convenu que, en matière de santé publique, ces salles constituent sans aucun doute un progrès.

Mme Agnès Evren. À Strasbourg !

M. Rémi Féraud. C'est bien que, du point de vue des soins, le bilan est très positif. Il ne resterait donc plus que l'argument de la localisation.

Mme Agnès Evren. Pas au cœur de la ville !

M. Rémi Féraud. Madame, si vous connaissez à Paris un hôpital qui n'ait pas d'habitants à proximité, donnez-nous son nom !

Je peux témoigner, pour avoir été maire du Xe arrondissement avant l'ouverture de la salle en 2016 et après, que la situation en matière de sécurité et de tranquillité publiques s'est bien améliorée.

Des progrès restent à faire ; tous les indicateurs sont donc les bienvenus, notamment s'ils permettent au Gouvernement de donner davantage de moyens aux équipes – elles sont absolument exceptionnelles – pour réaliser davantage de maraudes dans le quartier, pour accueillir les personnes dans de meilleures conditions encore ou pour offrir plus d'hébergements.

C'est cela dont nous avons besoin. Arrêtons donc de transformer ce débat, en l'instrumentalisant de manière politicienne, et avançons ensemble ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Rémy Pointereau. Que faites-vous sinon cela ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Je le précise, je ne suis pas parisienne. Mes chers collègues, permettez-moi d'insister sur un point de méthode.

Lorsque certains collègues défendent avec conviction des amendements relatifs à leur territoire, on a tendance à se dire qu'ils sont les mieux à même de savoir de quoi ils parlent. Par exemple, lorsque ma collègue Audrey Bélim parle de santé publique à La Réunion, nous la suivons, y compris la majorité sénatoriale. Lorsque l'ancien maire du Xe arrondissement fait part de ce qu'il a constaté, j'ai tendance à imaginer que l'on puisse lui faire confiance.

Pour revenir aux haltes soins addictions, je voudrais simplement faire écho à l'excellent rapport de notre commission des affaires sociales sur les opioïdes mentionné un peu plus tôt, car on a un peu tendance à fantasmer.

Je suis allée visiter la salle avec l'équipe de Gaïa-Paris et j'ai été stupéfaite de voir que des médicaments y sont également utilisés – du sulfate de morphine, pour ne pas nommer le Skenan. Les produits qu'on y trouve, ce n'est pas de l'héroïne trouvée on ne sait où, ce sont des médicaments.

Or l'accès aux traitements de substitution aux opiacés est très inégal aujourd'hui. Tel est bien le sujet : aujourd'hui, des personnes dépendantes aux opiacés entrent dans l'addiction par cette porte. Nous avons rencontré une communauté thérapeutique à Aubervilliers : certaines personnes, qui étaient auparavant médecins, infirmières, sportifs, etc. ont développé, par exemple à la suite d'une blessure, une addiction en raison de douleurs mal soignées et de traitements aux opiacés.

J'avais déposé un amendement qui concernait justement les traitements de substitution aux opioïdes – il a malheureusement été déclaré irrecevable. Aujourd'hui, selon que l'on habite dans une région ou dans une autre, on a accès ou non à un traitement de substitution. Or, sans ce traitement, on peut dériver vers une surconsommation et utiliser des produits particulièrement nocifs, si bien que les problèmes ne font que s'aggraver.