Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à clarifier un principe simple, mais essentiel : les structures participant à la permanence des soins ambulatoires, la PDSA, ne sauraient facturer aucun dépassement d'honoraires.
La PDSA répond à une mission de service public : garantir à chacun, partout sur le territoire, un accès aux soins non programmés en dehors des heures d'ouverture habituelles, sans que le coût devienne un frein.
Or, aujourd'hui, certaines situations ambiguës subsistent, permettant à des structures privées dispensant des soins non programmés de pratiquer des dépassements d'honoraires, y compris dans le cadre des permanences de soins. Cette situation crée une rupture d'égalité entre les patients, au détriment des plus modestes, et va à l'encontre de l'objectif même de la PDSA, qui doit être un filet de sécurité et non un facteur de renoncement aux soins.
La disposition que nous proposons ne crée aucune contrainte nouvelle pour les professionnels déjà engagés dans la PDSA. Il s'agit simplement d'affirmer, noir sur blanc, que cette mission ne peut pas donner lieu à des pratiques tarifaires dérogatoires. Cet amendement s'inscrit dans la continuité des principes du système conventionnel : lorsqu'un professionnel participe à une mission de service public, l'accès des patients aux soins qu'il dispense doit être financièrement garanti.
Mme la présidente. L'amendement n° 1395, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La structure ne peut facturer aucun dépassement d'honoraires.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Cet amendement, comme les précédents, vise à préciser que les structures de soins non programmés ne sont pas autorisées à facturer des dépassements d'honoraires, afin de garantir à toutes et à tous un accès aux soins effectif et équitable.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Plusieurs de ces amendements ont pour objet de fixer un objectif quantitatif maximal de structures de soins non programmés pour chaque territoire, afin de limiter le nombre d'implantations.
Je n'y suis pas favorable : il faut conserver de la souplesse, en tenant compte de la diversité juridique des structures concernées, qui peuvent aussi bien être des cabinets médicaux que des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires ou des maisons de santé.
Ces structures n'ont pas à être soumises à un objectif quantitatif d'implantation, notamment en ce qui concerne – imaginez ! – les cabinets médicaux et les Sisa, dont l'ouverture peut difficilement être empêchée par une agence régionale de santé. Nous nous battons suffisamment contre la désertification médicale pour ne pas décourager les bonnes volontés.
Par ailleurs, l'enjeu est d'encadrer non seulement le nombre et l'implantation des structures, mais aussi leurs conditions de fonctionnement : avec quels médecins assurent-elles leur activité ? à quels horaires ? dans quelles conditions financières ? La plupart de ces sujets pourront être traités dans le cahier des charges que définira le ministère de la santé après – je le souhaite fortement – une consultation des représentants du secteur des soins non programmés.
Je ne reviens pas sur l'amendement n° 657 de la commission, dont la rédaction me semble équilibrée.
Sur les amendements identiques nos 362 rectifié bis, 370 rectifié bis et 1280 rectifié bis, la commission a émis un avis défavorable, puisqu'il s'agit de prévoir des objectifs quantitatifs maximaux de structures autorisées sur les territoires.
M. Khalifé propose tout simplement de supprimer les dispositions de l'article 21 relatives aux centres de soins non programmés. Je demande donc le retrait de son amendement n° 567 ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
L'amendement n° 1616 de Mme Poumirol vise à rendre obligatoire l'agrément des structures de soins non programmés par le directeur de l'agence régionale de santé. De nouveau, je n'y suis pas favorable, eu égard à la diversité des formes que peuvent prendre ces structures : centres de santé, cabinets médicaux, Sisa, maisons de santé pluriprofessionnelles, etc. Dans certains de ces cas, la procédure de l'agrément ne me paraît pas adaptée.
Quant à l'amendement n° 462 rectifié de M. Milon, j'en demande le retrait : il sera satisfait par l'adoption de l'amendement de la commission.
L'amendement n° 1619 de Mme Poumirol vise à réorienter les patients vers des professionnels du secteur 1, lorsque la structure de soins non programmés pratique des dépassements d'honoraires.
Je rappelle que la pratique des dépassements d'honoraires fait l'objet d'une obligation d'affichage et que les patients en sont normalement informés avant toute consultation. Je suis certes favorable à ce qu'il n'y ait pas de dépassements d'honoraires et il faut certainement renforcer l'obligation de transparence des professionnels de santé dans l'information qu'ils doivent aux patients. En revanche, lesdits professionnels n'ont pas à assumer la charge d'une réorientation du patient vers un confrère.
Je demande donc à Mme Poumirol de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 1660 de Mme Le Houerou vise à ce que les ARS fixent un objectif quantitatif par territoire d'implantation de ces structures. J'ai déjà évoqué cette proposition : avis défavorable.
Mme Souyris propose, par son amendement n° 1602, de restreindre les structures de soins non programmés au secteur public ou au secteur privé à but non lucratif.
Or il me semble que le secteur privé lucratif peut lui aussi contribuer à assurer des missions de service public. Il n'y a donc pas de raison de l'exclure du champ des activités de soins non programmés.
Pour autant, je partage votre préoccupation, ma chère collègue, concernant la financiarisation. Vous le savez, nous sommes très mobilisés sur ce sujet ; dès lors qu'un cahier des charges très précis aura été rédigé par le ministère, j'espère que l'activité des structures concernées fera l'objet d'un encadrement adéquat.
Du reste, mes chers collègues, vous aurez noté que, dans l'amendement que je vous soumets, je demande la participation de ces structures à la permanence des soins, afin d'éviter que certains centres de soins immédiats non programmés n'ouvrent que de huit heures à vingt heures, « aspirant » des médecins urgentistes de l'hôpital, attirés par le confort d'exercice, sans participer à la permanence des soins.
Sur les amendements nos 1794, 1649 et 1395, enfin, l'avis de la commission est défavorable.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Ce que nous voulons avec cet article, c'est remettre de l'ordre dans ces structures et instaurer un cadre vertueux.
Je suis tout à fait d'accord pour qu'elles participent au SAS et à la PDSA. J'approuve aussi le lien avec les hôpitaux et les CPTS, qui interviennent en complémentarité.
Je souhaite toutefois éviter de rigidifier ce cadre dans la loi. Les différences sur les territoires sont importantes et il importe de laisser de la souplesse. Les amendements qui tendent à instaurer des quotas introduisent une rigidité excessive.
Je suis donc défavorable aux amendements identiques nos 362 rectifié bis, 370 rectifié bis et 1280 rectifié bis, qui, même si leurs auteurs abordent aussi d'autres sujets qui sont par ailleurs intéressants, tendent à introduire plus de rigidité.
En ce qui concerne l'amendement n° 567, la logique s'inverse : vous proposez d'alléger les contraintes applicables à ces structures. Or, comme je l'ai rappelé, un minimum de cadre s'impose. Avis défavorable.
L'amendement n° 657, présenté par Mme Imbert au nom de la commission, vise à réécrire les dispositions. Vous énumérez toutes les formes que peuvent prendre ces structures. Or cette énumération n'est pas vraiment indispensable, ces formes étant déjà incluses dans le texte. Pour autant, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
S'agissant de l'amendement n° 1616, nous sommes d'accord sur le fond, mais vous proposez un agrément obligatoire. Or nous privilégions une approche moins rigide, en prévoyant un cahier des charges que ces structures devront respecter. Cette formule nous paraît plus souple et adaptable à toutes les structures. Avis défavorable.
L'amendement n° 462 rectifié est satisfait par l'alinéa 29 du texte.
L'amendement n° 1619 vise à permettre une orientation des patients par le médecin traitant vers un médecin spécialiste de secteur 1. Dans les conditions actuelles d'accès aux soins, sa mise en œuvre opérationnelle se révélerait trop complexe. Pour autant, le sujet des dépassements d'honoraires sera abordé ultérieurement dans nos débats.
L'amendement n° 1660 appelle également un avis défavorable, puisqu'il tend à fixer des objectifs quantitatifs.
Même avis pour l'amendement n° 1602 : il tend à limiter l'autorisation aux seules structures publiques, alors que de nombreux cabinets de médecins libéraux fonctionnent déjà comme centres de soins non programmés.
L'amendement n° 1794 vise à réserver les soins non programmés à ces seules structures. Or des maisons médicales qui ne se définissent pas ainsi en assurent quotidiennement. Cet amendement conduirait à les exclure. L'avis est donc défavorable.
Enfin, les amendements nos 1649 et 1395 reçoivent, eux aussi, un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 362 rectifié bis, 370 rectifié bis et 1280 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Monsieur Khalifé, l'amendement n° 567 est-il maintenu ?
M. Khalifé Khalifé. Une fois n'est pas coutume, je vais le maintenir, madame la présidente. Je suis convaincu des méfaits de la création de ces nouveaux centres.
J'estime préférable d'améliorer le fonctionnement des structures qui existent, éventuellement en les labellisant, plutôt que de systématiser la création de nouvelles, même avec un cahier des charges précis. Je sais ce qui va se passer : ce cahier des charges sera analysé à 300 kilomètres de là, dans le bureau du référent de l'ARS qui délivrera des autorisations échappant largement à la réalité du terrain.
Pour cette raison, malgré l'avis défavorable, je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 657, 1616, 462 rectifié, 1619, 1660, 1602, 1794, 1649 et 1395 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 1002 rectifié, présenté par M. Delcros, Mme Antoine, MM. Maurey et Duffourg, Mmes Romagny, Sollogoub et Billon, MM. P. Martin, Levi et Parigi et Mme Gacquerre, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 21
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L. 5125-3 est ainsi modifié :
a) Le c du 2° est abrogé ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« ...° L'ouverture d'une officine par voie de création, dans les communes situées en zones France ruralités revitalisation mentionnées aux II et III de l'article 44 quindecies A du code général des impôts, lorsque le nombre d'habitants recensés est au moins égal à 1 000 depuis deux ans à compter de la publication du dernier recensement mentionné au même article et si aucune décision autorisant cette ouverture par voie de transfert ou regroupement n'a été prise dans ce délai. » ;
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Cet amendement de Bernard Delcros vise à faciliter l'implantation d'officines de pharmacie par voie de création dans les communes situées en zone France Ruralités Revitalisation (FRR). Il tend à abaisser de 2 500 à 1 000 habitants le seuil à partir duquel le directeur de l'agence régionale de santé peut autoriser la création d'une officine, lorsque ni transfert ni regroupement n'est envisagé.
En l'état actuel du droit, une pharmacie qui ferme dans un bourg-centre de moins de 2 500 habitants ne peut pas être remplacée par voie de création d'une nouvelle officine, ce qui contribue à la désertification médicale dans ces territoires.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement tend à abaisser, dans les zones FRR, le seuil démographique permettant d'autoriser la création de nouvelles officines pharmaceutiques de 2 500 à 1 000 habitants.
J'ai proposé un amendement visant à étendre l'expérimentation des antennes de pharmacie, ce qui devrait permettre de répondre à la préoccupation des auteurs de cet amendement. Pour aller plus loin, je proposerai aussi de pérenniser en droit la notion d'antenne.
Certains territoires – le sujet des officines est très sensible depuis quelques mois – sont confrontés à un manque d'attractivité pour que les officines s'implantent ou survivent. Certaines ferment faute d'atteindre un équilibre économique dans les zones les plus isolées.
La priorité est de soutenir le maillage officinal existant sans le déstabiliser par la création de nouvelles officines. Je propose donc une solution différente de celle prévue par les auteurs de l'amendement, fondée sur le développement des antennes dans les communes de moins de 2 500 habitants, dispositif qui me paraît plus adapté à la situation.
J'émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. J'entends la volonté d'abaisser à 1 000 habitants le seuil de création. Une multiplication d'officines dans des communes de moins de 1 000 habitants risquerait toutefois de déstabiliser le maillage territorial.
Les pharmaciens, comme les médecins, ont connu le numerus clausus : leur démographie actuelle est basse, avec davantage de départs à la retraite que d'installations. Le seuil de 2 500 habitants permet, selon nous, de préserver le maillage territorial. Ce risque justifie une demande de retrait.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Nous connaissons tous la situation des officines et nous savons que certaines d'entre elles sont extrêmement fragiles économiquement, parce qu'il n'y a plus de médecin ou en raison de difficultés financières.
L'objet de cet amendement ne consiste nullement à encourager la création d'officines dans des secteurs où elles ne seraient pas viables. Un pharmacien qui envisagerait une installation procéderait, de toute évidence, à une étude de marché.
Si je soutiens cet amendement, c'est uniquement pour offrir une faculté, car des situations très particulières peuvent justifier la réouverture d'une pharmacie. Les antennes constituent une excellente réponse, mais elles ne suffisent pas toujours.
Je pense à une petite commune de la Nièvre, Fours, qui compte 1 000 habitants, où la pharmacie a fermé. Depuis, le maire, qui est infirmier, a réussi à faire revenir quatre médecins. Une crèche ouvrira bientôt, une maison de retraite existe déjà. Or, si un jour une pharmacie souhaitait rouvrir, ce ne serait pas possible.
Il s'agit donc simplement de préserver cette possibilité, de laisser ouverte une porte pour des cas très particuliers, lorsqu'une occasion se présenterait pour permettre le retour d'une pharmacie viable dans une commune d'au moins 1 000 habitants.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Il s'agit d'un sujet important. Je rappelle que l'interdiction d'installer une pharmacie dans une commune de moins de 2 500 habitants remonte au gouvernement Pétain : près de quatre-vingts ans se sont écoulés.
Aujourd'hui, la France compte un peu moins de 35 000 communes, dont 32 300 ont moins de 2 500 habitants. Autrement dit, on ne peut créer une pharmacie que sur environ 2 500 communes, contre 32 300 où cela est impossible, hors situations préexistantes.
Après la loi de 2017, une ordonnance de 2018 prévoyait des assouplissements pour les communes comprises entre 2 000 et 2 500 habitants. Nous avons attendu plus de sept ans pour que le décret d'application soit publié. Les décrets sont sortis, mais ils sont complètement inopérants. Je ne citerai personne, mais les forces en présence lors de la concertation qui a duré tout ce temps – l'ordre comme certains syndicats – ont obtenu des conditions telles que la mesure législative ne peut produire aucun effet.
Un assouplissement s'impose, car certains territoires présentent des situations particulières. Pour autant, je ne suis pas convaincu par la mesure proposée dans cet amendement.
Je rappelle toutefois que nous avons déjà débattu au Sénat de ce sujet et que nous avons voté en faveur d'une approche fondée non plus sur la commune, mais sur le bassin de vie, ce qui paraît logique.
J'ai déposé une proposition de loi en 2022, elle a été reprise en 2024 par Maryse Carrère et le groupe du RDSE et ce texte instituant un seuil de 3 500 habitants par bassin de vie a été voté par notre assemblée. Notre approche est donc tout à fait sérieuse. Dans le droit actuel, deux communes de 2 000 habitants contiguës, dépourvues de pharmacie, n'ont pas le droit d'en ouvrir une, alors qu'une commune de 2 500 ou 3 500 habitants y est autorisée. Cette incohérence appelle une évolution.
Il faudra assouplir les règles. La mesure présentée ici n'est pas efficace, nous y reviendrons lors de l'examen des propositions de Mme Imbert, mais le sujet mérite d'être débattu.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. La question du seuil d'ouverture des pharmacies doit être manipulée avec beaucoup de précautions.
Il ne faudrait pas laisser croire que des pharmacies pourraient avoir une activité économiquement viable dans des territoires dépourvus de médecins, alors que leur activité dépend environ à 60 % des ordonnances et à 40 % de la parapharmacie. Sans médecin à proximité, les officines vivotent ou se retrouvent en grande difficulté. C'est un vrai problème.
Les antennes de pharmacie paraissent constituer une piste, mais la question de leur financement demeure entière. Dans le domaine de la santé, compétence régalienne, on propose d'installer dans les zones désertées des médecins juniors ou des antennes de pharmacie, puis on sollicite les collectivités en leur demandant d'aménager les locaux, de financer le matériel, etc. Parfois, on promet d'examiner ensuite comment compléter le dispositif… Or nombre de collectivités n'ont pas les moyens d'assumer de tels investissements, qui peuvent, qui plus est, se révéler éphémères. Les médecins juniors peuvent venir une fois, puis ne plus revenir !
Toute cette construction me semble déjà en péril : les maîtres de stage manquent, les locaux aussi ; dans les communes rurales, on ouvre des internats ruraux qui ne trouvent pas de clients. Il faut donc être très attentifs à tous ces sujets.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, pour explication de vote.
Mme Brigitte Bourguignon. Je soutiens l'amendement de M. Delcros, même si nous défendrons tout à l'heure un amendement de repli qui a recueilli l'assentiment de la commission.
La situation qui a été décrite diffère de celle que je connais dans mon département : un porteur de projet privé ne peut pas ouvrir de pharmacie dans une commune de 2 500 habitants, car une officine se situe à 8 kilomètres. Pour le maire, la situation reste très difficile à entendre, alors qu'il a fait construire une maison de santé. On lui répond que, de toute façon, l'ordre des pharmaciens s'opposera à l'installation, qu'il y aura des conflits et des recours, lesquels empêchent systématiquement la réalisation des projets. C'est insensé. Tout cela crée une situation pour le moins compliquée dans les territoires.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Le sujet est complexe et je ne souhaite pas que, par la voie d'un amendement voté un dimanche après-midi, l'on remette en cause l'équilibre et la répartition des officines dans notre pays.
L'accès aux soins constitue naturellement le cœur du débat. Certaines situations particulières existent, comme celle évoquée par Nadia Sollogoub, dans quelques communes.
J'ai l'impression que les officines, dont on se moquait un peu dans le passé, deviennent un enjeu politique en vue des élections municipales. (Mme Brigitte Bourguignon fait un signe de dénégation.) Le sujet est important. Chacun d'entre vous a été sollicité dans son département par des pharmaciens confrontés, vous le savez, madame la ministre, à des difficultés économiques liées à l'arrêté relatif au plafond des remises sur les médicaments génériques.
Je veux bien que l'on ouvre des officines dans des lieux isolés, mais ce seraient des structures avec un faible chiffre d'affaires et des conditions d'exercice contraignantes. Une officine ne peut pas fermer plus de soixante-douze heures d'affilée : sans remplaçant ni adjoint – et lorsqu'on réalise un petit chiffre d'affaires, on n'a pas d'adjoint –, on ne peut pas s'arrêter ni prendre de congés. Il faut garder cela à l'esprit.
Les jeunes pharmaciens diplômés recherchent de la qualité de vie ; ils n'acceptent plus d'être corvéables à merci comme on pouvait l'être autrefois quand on exerçait dans un petit village. Il faut garder toutes ces évolutions en tête.
Même s'il existe des communes de moins de 2 500 habitants où un pôle santé s'est créé grâce à l'initiative des élus, ces questions méritent d'être étudiées à tête reposée. Les pharmaciens ne sont pas de simples pions. Tout cela mérite une concertation avec les représentants de la profession.
Les autorisations d'ouverture d'une officine sont de la compétence des agences régionales de santé. L'ordre et les syndicats émettent un avis consultatif. Nous avons souvent vu des avis défavorables de ces derniers, puis un avis favorable de l'ARS. J'ai des exemples en tête.
Il faut donc se garder de modifier les règles au détour d'un amendement, un dimanche après-midi.
Mme Anne-Sophie Romagny. Ce n'est pas une raison !
M. Martin Lévrier. Supprimons les amendements du dimanche après-midi ! (Sourires.)
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il convient de respecter une profession que l'on regardait parfois de loin, avec l'idée qu'elle ne courait aucun risque – ce n'est plus le cas. Il y a un enjeu d'aménagement du territoire. Nous parlerons tout à l'heure de la visibilité des structures d'accès aux soins : la croix verte clignote, mais nous avons perdu 5 000 officines sur le territoire national. Il faut se poser des questions.
Je rappelle que la loi autorise aujourd'hui l'installation d'une officine dans une commune de moins de 2 500 habitants par transfert ou regroupement, dès lors que celle-ci dessert un certain bassin de population. Nous retrouvons là la notion de bassin de vie évoquée par Cédric Vial. Cette possibilité existe dans le droit actuel.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Berthet, pour explication de vote.
Mme Martine Berthet. Je souhaitais rappeler que, en dehors des créations, la voie du transfert de licence demeure ouverte. Il n'est pas envisageable de remettre en cause le maillage officinal, qui a largement démontré son efficacité.
Les officines traversent aujourd'hui de réelles difficultés économiques. Autoriser des créations supplémentaires, alors que certaines pharmacies ferment et qu'un transfert de licence peut suffire, me paraît moins judicieux que de s'en tenir à la situation actuelle.
Il faut surtout développer et généraliser le système des antennes, qui constitue, à mon sens, la meilleure solution pour les territoires comme pour l'équilibre économique.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je comprends l'objet de l'amendement : dans certains cas très spécifiques, l'idée de créer une pharmacie peut sembler pertinente. Nous légiférons toutefois de manière globale.
Le tissu des officines se fragilise, c'est indéniable. Les organisations professionnelles l'expliquent clairement et Corinne Imbert l'a rappelé. La réponse passe notamment par la création d'antennes. Ce n'est certes pas parfait, mais créer une officine dans un lieu où il n'y en a plus impose d'examiner les raisons de cette disparition. Il ne faut pas, par ailleurs, fragiliser le tissu des officines environnantes.
L'offre de soins repose sur des équilibres précaires : dès que l'on modifie un élément, on menace l'ensemble, d'autant que le dispositif existant n'est pas non plus en bon état. Je m'en tiendrai donc à la solution actuelle, qui consiste à développer des antennes plutôt qu'à modifier la règle de création des officines.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Dans mon département, deux pharmacies ont transféré leur licence vers des officines proches, ce qui laisse désormais une zone d'environ 25 kilomètres sans pharmacie. Il paraît difficile de recréer une officine là où les précédentes ont fermé, mais le service doit être maintenu.
Il faudrait envisager que ceux qui rachètent une pharmacie et transfèrent la licence soient tenus de conserver une antenne afin d'éviter un éloignement excessif pour la population.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. À l'instar de Mme la rapporteure et de M. Jomier, je suis très inquiet à l'idée de démultiplier les pharmacies. Nous constatons la fragilité des officines, notamment en milieu rural, où elles dépendent étroitement des maisons médicales.
Les maisons médicales pluriprofessionnelles et les pharmacies ne doivent pas devenir des enjeux électoraux municipaux : il s'agit d'un aménagement territorial majeur, qui doit être piloté par les départements, par l'ARS ou par toute autorité en mesure d'assurer une véritable offre de proximité. Tel est l'objectif que nous devons viser en priorité.
L'ouverture aux plus petites communes comporte un risque : dans les zones rurales, de petits commerces et des supermarchés se développent là où les grands groupes ne s'implantent plus. Il faut donc faire attention : en fragilisant les pharmacies, nous ouvririons la porte à la financiarisation du secteur. Cette brèche favoriserait, demain, l'entrée d'acteurs de la grande distribution cherchant des opportunités pour attirer le public, non seulement avec de la pharmacie, mais aussi avec d'autres activités qui n'ont rien à voir avec la santé publique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Le débat est effectivement complexe. Nous serions plutôt favorables à ce que cet amendement poursuive son chemin dans la navette parlementaire. À défaut, ce sujet ne pourra plus être abordé d'ici à la fin de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le seuil de 2 500 habitants peut être questionné comme tout seuil. Cela me rappelle, bien que ce soit un autre sujet, celui imposé pour la création des communautés de communes, qui a parfois abouti à des entités sans aucun rapport avec un bassin de vie. Il faut se méfier des chiffres trop abrupts.
Au fond, le véritable sujet, c'est le modèle économique des pharmacies d'officine. Le mouvement important des pharmaciens après l'abaissement des remises, consécutif à l'alerte sur le dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), montre que ce modèle évolue.
J'entends l'argument selon lequel une pharmacie ne vit pas sans médecins. À l'inverse, heureusement qu'il reste une officine dans certains territoires : le pharmacien constitue parfois le dernier professionnel de santé auquel la population peut s'adresser.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
Mme Céline Brulin. Par ailleurs, le secteur de la grande distribution revient régulièrement dans ce débat.
Je plaide donc auprès de vous, madame la ministre, pour que cet amendement poursuive son parcours parlementaire et pour que nous engagions collectivement une réflexion sur le rôle et les missions des pharmacies d'officine. Elles assument des tâches croissantes. Des rémunérations forfaitaires doivent sans doute être développées et réévaluées, notamment pour certaines activités. Nous sommes à l'aube de profonds changements.